Réf. : Cass. civ. 2, 19 septembre 2024, n° 23-10.638, F-B N° Lexbase : A97235Z7
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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Cité, CEDAG
le 25 Septembre 2024
► Selon l’article 1384 alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du Code civil, un événement n'est constitutif de la force majeure permettant de s'exonérer de la responsabilité prévue par ce texte que s'il est imprévisible, irrésistible et extérieur ; la simple modification de sa trajectoire par un skieur engagé dans une épreuve de ski-cross, ne constitue pas un événement imprévisible pour un autre concurrent.
Faits et procédure. En l’espèce, lors d'une compétition internationale de ski cross organisée la victime est devenue tétraplégique à la suite d'une chute. Estimant que sa chute avait été provoquée par un choc de ses skis avec ceux de son concurrent, elle agit en responsabilité contre ce dernier et son assureur. Pour la débouter de ses demandes, les juges du fond retiennent que les skis du concurrent ont « nécessairement joué un rôle causal dans l'accident, mais que, si la victime n'a pas commis de faute, son positionnement n'en a pas moins constitué, par son imprévisibilité, son extériorité et son irrésistibilité, liée à l'impossibilité qui était celle du défendeur de pouvoir manœuvrer lorsqu'il était en l'air pendant le saut, une cause étrangère exonératoire » (CA Grenoble, 15 novembre 2022, n° 20/00086 N° Lexbase : A47298UP). La force majeure était donc exonératoire de toute responsabilité pour le gardien des skis. La victime se pourvoit en cassation, pour violation de l'article 1384, alinéa 1er, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du Code civil, au motif que « l'irrésistibilité et l'imprévisibilité constitutifs de la force majeure s'apprécient au regard des circonstances particulières de la cause ; que dans une compétition sportive de haut niveau de ski cross, n'est pas imprévisible le simple positionnement non rectiligne d'un concurrent lors d'une course jalonnée d'obstacles ».
Solution. L'arrêt est cassé pour violation de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er du Code civil. Un événement n'est constitutif de la force majeure permettant de s'exonérer de la responsabilité prévue par ce texte que s'il est imprévisible, irrésistible et extérieur. Or, la simple modification de sa trajectoire par un skieur engagé dans une épreuve de ski cross ne constitue pas un événement imprévisible pour un autre concurrent.
Ce faisant, elle maintient un contrôle des caractères de la force majeure et une appréciation restrictive de la condition d’imprévisibilité, qui s’apprécie au regard du contexte. Il s’agissait en l’espèce de ski-cross, discipline impliquant nécessairement des risques prévisibles pour les concurrents. On peut citer une autre décision récente pour un accident survenu lors d’une compétition sportive dans lequel la Cour de cassation a retenu que « n'est pas imprévisible pour les motards qui le suivent la chute d'un pilote sur un circuit (Cass. civ. 2, 30 novembre 2023, n° 22-16.820, F-B N° Lexbase : A992814H).
L’arrêt est par ailleurs intéressant : n’était pas en cause une faute de la victime, exclue par les juges du fond, ou le comportement d’un tiers (V. S. Hocquet-Berg, Responsabilité civile et assurances n° 1, Janvier 2024, comm. 6 : « l’exonération totale du gardien d’une chose demeure exceptionnelle et, en réalité, souvent limitée aux hypothèses de dommages volontairement provoqués par la victime elle-même ou par un tiers »).
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