Réf. : Cass. civ. 3, 19 septembre 2024, n° 22-18.687, FS-B N° Lexbase : A97335ZI
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par Perrine Cathalo
le 25 Septembre 2024
► En l'absence de convention particulière entre le nu-propriétaire et l'usufruitier de parts sociales, le dividende prélevé sur le produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d'une société civile immobilière revient au premier, le droit de jouissance du second s'exerçant sous la forme d'un quasi-usufruit sur la somme distribuée. Dès lors, la décision à laquelle prend part l'usufruitier, de distribuer de tels dividendes, sur lesquels il jouit d'un quasi-usufruit, ne peut être constitutive d'un abus d'usufruit.
Faits et procédure. Une SCI est constituée entre M. A, titulaire d'une part en pleine propriété et de 3 135 parts en usufruit, de M. B, titulaire de 4 865 parts en pleine propriété et 3 135 en nue-propriété, de Mme U, titulaire de 1 999 parts en usufruit et de Mme V, titulaire de 1 999 parts en nue-propriété.
M. A est gérant de la SCI depuis 2004 et Mme V en est co-gérante depuis le 18 octobre 2017.
En vertu d'une délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 18 octobre 2017, la SCI a cédé les biens immobiliers dont elle était propriétaire.
Soutenant que cette cession emportait dissolution de la société, M. B a assigné la SCI, M. A, Mme U et Mme V, en dissolution et désignation d'un liquidateur. Il a, en outre, agi en nullité des délibérations des assemblées générales ordinaires du 19 février 2018 relatives à l'affectation du produit de la vente et du 30 avril 2018 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017, à la distribution des dividendes et à l'affectation du solde restant. Il a également demandé que soit prononcée l'extinction de l'usufruit de M. A et sollicité l'indemnisation de son préjudice ainsi que le paiement de sa part du boni de liquidation.
Par une décision du 10 mai 2022, la cour d’appel (CA Versailles, 10 mai 2022, n° 21/03119 N° Lexbase : A71597W3) l’a débouté de ses demandes aux motifs que les dividendes distribuant le bénéfice constituent des fruits et sont perçus par l’usufruitier en totalité et en toute propriété, peu important qu’ils proviennent de résultats courants ou exceptionnels.
M. B a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Décision. La troisième chambre civile censure l’arrêt de la cour d’appel au visa de la combinaison des articles 578 N° Lexbase : L3159ABM et 582 N° Lexbase : L3163ABR du Code civil, dont il résulte que si l’usufruitier a droit aux fruits générés par la chose objet de l’usufruit, il a l’obligation de conserver la substance de cette chose.
La Cour rappelle également les conditions du contrat de société posées par l’article 1832 du même code N° Lexbase : L2001ABQ, à savoir que la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
La Haute juridiction affirme alors que la distribution, sous forme de dividendes, du produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d'une société civile immobilière affecte la substance des parts sociales grevées d'usufruit en ce qu'elle compromet la poursuite de l'objet social et l'accomplissement du but poursuivi par les associés.
Il en résulte, selon elle, que, dans le cas où l'assemblée générale décide une telle distribution, le dividende revient, sauf convention contraire entre le nu-propriétaire et l'usufruitier, au premier, le droit de jouissance du second s'exerçant alors sous la forme d'un quasi-usufruit sur la somme ainsi distribuée.
Autrement dit, la décision, à laquelle a pris part l'usufruitier, de distribuer les dividendes prélevés sur le produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d'une société civile immobilière, sur lesquels il jouit d'un quasi-usufruit, ne peut être constitutive d'un abus d'usufruit.
La Cour censure une nouvelle fois l’arrêt de la cour d’appel sur une règle de procédure (CPC, art. 455 N° Lexbase : L8438HWG).
Observations. Si la Chambre commerciale affirmait en 2015, concernant la distribution de réserves, que le démembrement se reportait sur les sommes distribuées sous la forme d’un quasi-usufruit (v. Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-16.246, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6622NI4, B. Saintourens, Lexbase Affaires, juillet 2015, n° 431 N° Lexbase : N8295BUR), la première chambre civile jugeait au contraire qu’en pareille situation, les fonds devaient bénéficier aux seuls nus-propriétaires (Cass. civ. 1, 22 juin 2016, n° 15-19.471, F-P+B N° Lexbase : A2344RUD).
Désormais, la troisième chambre civile semble se rallier à la Chambre commerciale et appliquer aux résultats exceptionnels le même traitement que les réserves.
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