Le Quotidien du 10 septembre 2024 : Droit rural

[Brèves] Exécution du cahier des charges par le bénéficiaire de la substitution d’une promesse de vente au profit de la SAFER

Réf. : Cass. civ. 3, 11 juillet 2024, n° 22-23.678, FS-B N° Lexbase : A44105PZ

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N0062B3P

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[Brèves] Exécution du cahier des charges par le bénéficiaire de la substitution d’une promesse de vente au profit de la SAFER. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/111459669-breves-execution-du-cahier-des-charges-par-le-beneficiaire-de-la-substitution-dune-promesse-de-vente
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

le 09 Septembre 2024

► En cas de substitution d’un domaine agricole par la SAFER au profit d’un GFA et que le substitué prend l'engagement de louer le bien acquis à un preneur agréé par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural dans les conditions prévues par l'article R. 142-1, alinéa 2, du Code rural et de la pêche maritime, ce dernier peut demander l'exécution forcée de cet engagement.

Les propriétaires d’une exploitation agricole ont contacté la SAFER en 2016 en vue de trouver des acquéreurs pour leur exploitation. La SAFER a mis en œuvre une procédure d'attribution. Le 18 octobre 2016, les propriétaires ont promis de vendre leurs biens à la SAFER avec faculté pour celle-ci de se substituer un ou plusieurs acquéreurs. Suivant acte sous seing privé du 13 décembre 2016, ces derniers ont consenti à la SAFER une première promesse unilatérale d'achat portant sur l'intégralité de la propriété agricole, puis le 15 juin 2017, une seconde promesse unilatérale d'achat relative uniquement au corps de ferme. Cet acte précisait que les promettants ont fait acquérir la porcherie et 101 266 hectares pour un prix de 70 000 euros par un Groupement Foncier Agricole (GFA). La vente définitive est intervenue suivant deux actes authentiques passés le 13 juillet 2017. Le deuxième acte de vente disposait que les terres étaient données à bail à une exploitante agricole ou à toute autre personne pouvant s'y substituer pour une durée minimale de quinze ans.

Le GFA et ses associés ont assigné la SAFER et la preneuse à bail à l'effet de voir dire la clause relative à la location des terres à cette dernière nulle pour dol, en expulsion de celle-ci et en condamnation à paiement. Les demandeurs ont été déboutés de leur demande par le tribunal judiciaire, lesquels ont interjeté appel au motif que le GFA n'a jamais consenti à la clause litigieuse car ses gérants n'en ont pas été informés, car cette clause ne figurait pas dans le projet d'acte de vente transmis au GFA le 30 juin 2017 ni dans la procuration signée par le GFA et n'a jamais été soumise à l'assemblée générale du GFA. Ils ajoutent que la conclusion d'un bail rural étant considérée comme un acte de disposition au même titre qu'une vente, le consentement de donner à bail à l’exploitante les terres n’avait jamais été sollicité.

Par un arrêt du 29 novembre 2022, la cour d’appel (CA Grenoble, 29 novembre 2022, n° 20/03466, N° Lexbase : A57188X3), a rappelé que les appelants ne pouvaient ignorer la clause selon laquelle les terres étaient données à bail à l’exploitante agricole ou toute autre personne pouvant s'y substituer pour une durée minimale de quinze ans dans la mesure où cette disposition a fait l'objet de nombreuses discussions entre les parties, et il n'était rapporté la preuve d'aucun dol mais que l'insertion de la clause constitue la poursuite du projet initial conforme à l'attribution SAFER au seul bénéfice de la preneuse. Pour ces raisons, le jugement critiqué est confirmé et condamne le GFA à conclure au bénéfice de l’exploitante ou de toute société pouvant s'y substituer un bail rural pour une durée de quinze ans sur les parcelles acquises par le GFA aux termes de l'acte de vente du 13 juillet 2017, pour un montant établi conformément aux arrêtés en vigueur.

Le GFA et ses associés forment un pourvoi.

Question. Le juge judiciaire peut-il ordonner la conclusion d’un contrat de bail rural entre le substitué de la SAFER à un preneur agréé par la SAFER ?

Enjeu. Le bénéficiaire d’une substitution d’une promesse de vente au profit de la SAFER peut-il refuser d’exécuter une clause du cahier des charges de son engagement de substitution après réalisation de la vente définitive, en l’occurrence la conclusion d’un bail rural ?

Réponse de la Cour de cassation. En application des articles L. 141-1, II, 2° N° Lexbase : L1332MLW, et R. 142-1 N° Lexbase : L0993IKY du Code rural et de la pêche maritime, lorsque le substitué prend l'engagement de louer le bien acquis à un preneur agréé par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural dans les conditions prévues par l'article R. 142-1, alinéa 2, précité, ce dernier peut demander l'exécution forcée de cet engagement.

Les décisions rendues en matière de l’exécution du cahier des charges par le bénéficiaire de la substitution d’une promesse de vente au profit de la SAFER ne sont pas nombreuses. L’arrêt du 11 juillet 2024 permet de rappeler clairement qu’à défaut de démontrer un dol de la part de la SAFER, ce qui est pratiquement une hypothèse d’école, le substitué doit respecter et exécuter les clauses du cahier des charges convenu lors de cette opération de substitution.

De manière très pédagogique, la Cour de cassation, dans un premier temps, a rappelé les pouvoirs conférés par la loi à la SAFER :

- « Selon l'article L. 141-1, II, 2°, du Code rural et de la pêche maritime, pour la réalisation des missions qui leur sont confiées, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent se substituer un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession de tout ou partie des droits conférés, soit par une promesse unilatérale de vente, soit par une promesse synallagmatique de vente, portant sur les biens ruraux, les terres, les exploitations agricoles ou forestières. » ;

- « Aux termes de l'article R. 142-1, alinéa 2, du même code, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent céder ces biens à des personnes qui s'engagent à les louer, par bail rural ou par conventions visées à l'article L. 481-1 N° Lexbase : L1793LCE, à des preneurs, personnes physiques ou morales, répondant aux critères de l'alinéa précédent et ayant reçu l'agrément de la société, à condition que l'opération permette l'installation ou la réinstallation d'agriculteurs, le maintien de ceux-ci sur leur exploitation ou la consolidation d'exploitations afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ». Ce dernier texte est applicable lorsque les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural attribuent les biens par substitution en application de l'article L. 141-1, II, 2°, dudit code.

Puis, elle ajoute que lorsque le substitué prend l'engagement de louer le bien acquis à un preneur agréé par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural dans les conditions prévues par l'article R. 142-1, alinéa 2, précité, ce dernier peut demander l'exécution forcée de cet engagement.

En l’espèce, le GFA, acquéreur substitué, s'était engagé à l'égard de la SAFER, pendant une durée minimale de quinze années, à mettre le bien acquis à la disposition de la preneuse agréée, ou de toute personne pouvant se substituer, par bail. Par conséquent, cet engagement avait un caractère contraignant, la cour d’appel a valablement pu condamner GFA à conclure un bail au profit de l’exploitante agricole.

Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : Procédure d'attribution dans le cadre de la rétrocession de bien par la SAFER, spéc. Conditions requises des candidats à l'attribution de bien par la SAFER in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E8723E9X.

 

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