N° RG 20/03466 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KTLM
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Claire CHABREDIER
la SARL PY CONSEIL
la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT
la SELARL CABINET ALMODOVAR
Me Floris RAHIN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 29 NOVEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG 18/02811)
rendue par le Tribunal judiciaire de Valence
en date du 24 septembre 2020
suivant déclaration d'appel du 05 novembre 2020
APPELANTS :
M. [Aa] [S]
né le … … … à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 18]
Mme [Ab] [Ac] épouse [S]
née le … … … à [… …]
… … …
[Adresse 16]
[Localité 18]
G.F.A. DU VERCLAUSOIS pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 16]
[Localité 18]
représentés par Me Claire CHABREDIER, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Vincent BARDET, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES
INTIMES :
Mme [Ad] [S] épouAee [Y]
née le … … … à [… …]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 18]
M. [Ae] [Y]
né le … … … à [Localité 15]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 18]
représentés et plaidant par Me Aurélien PY de la SARL PY CONSEIL, avocat au barreau de GRENOBLE
Me [D] [R] notaire associé de la SELARL OFFICE NOTARIAL DU GAPENCAIS,
de nationalité française
[Adresse 4]
[Localité 10]
représenté par Me Catherine GOARANT de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me Cyrielle DELBE, avocat au barreau de GRENOBLE
Me [J] [J]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 17]
représentée par Me ALMODOVAR de la SELARL CABINET ALMODOVAR, avocat au barreau de VALENCE
S.A. SAFER AUVERGNE RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Laurence CATIN, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
M. Laurent Desgouis, vice-président placé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 octobre 2022 Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des
articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
En 2016, les consorts [T], propriétaires d'une exploitation agricole sur les communes de [Localité 18] et de [Localité 13] (26) ont approché la SAFER Auvergne Rhône Alpes ( la SAFER) en vue de trouver des acquéreurs pour leur exploitation.
La SAFER a mis en oeuvre la procédure d'attribution et a recueilli, le 4 octobre 2016, la candidature des époux [Ad] [S] / [M] [Ae] avec un projet de mutualisation de compétence avec les époux [W] [N]/ [Z] [S], celui-ci frère deAeMme [Y].
Le 18 octobre 2016, les consorts [T] ont promis de vendre leur fonds à la SAFER avec faculté pour celle-ci de se substituer un ou plusieurs acquéreurs.
Le 18 novembre 2016, le comité technique départemental a proposé d'attribuer la propriété agricole [T] aux éAeoux [Y].
Suivant acte sous seing privé du 13 décembre 2016, les époux [Ae] ont consenti à la SAFER une première promesse unilatérale d'achat portant sur l'intégralité de la propriété agricole moyennant le prix de 250.000€, puis le 15 juin 2017, une seconde promesse unilatérale d'achat relative uniquement au corps de ferme au prix de 174.000€.
Cet acte précisait que les promettants ont fait acquérir la porcherie et 101.266 hectares pour un prix de 70.000€ par un Groupement Foncier Agricole (GFA).
Par ailleurs, le 27 mars 2017, Maître [V] [J], notaire à [Localité 17] (Loiret), a reçu les statuts du GFA du Verclausois ayant pour objet la propriété et l'administration de tous les immeubles et droits immobiliers à destination agricole composant son patrimoine dont les époux [S] étaient les seuls associés et les gérants statutaires.
Me [D] [R], notaire à [Localité 10], a établi deux projets d'actes de vente, le premier portant sur la vente par les consorts [T] des bâtiments au profit des époux [Ae] et le second des terres et des bâtiments d'exploitation au profit du GFA du Verclausois.
Ces projets d'actes ont été adressés à Me [J], notaire des époux [S], ainsi qu'à la SAFER, laquelle a demandé diverses modifications.
La vente a été réitérée suivant deux actes authentiques passés le 13 juillet 2017 par Me [R] en présence de la SAFER dans lequel les consorts [Af] ont vendu:
1) aux époux [Ae] une maison d'habitation avec dépendances et terrain attenant sur la commune de [Localité 18] (26) lieudit [Localité 9], cadastrés section D n° [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] moyennant le prix principal de 174.000€,
2) au GFA du Verclausois plusieurs parcelles de terres de diverses natures sur la commune de [Localité 18] pour 91 ha 73a et 32 ca et sur la commune de [Localité 13] pour une contenance de 9ha 63 a et 30ca, le tout moyennant le prix principal de 70.000€.
Le deuxième acte de vente disposait que les terres étaient données à bail à Mme [Ae] ou à toute autre personne pouvant s'y substituer pour une durée minimale de 15 ans.
Suivant exploits d'huissier des 21, 27, 31 août et 3 septembre 2018, les époux [S] et le GFA du Verclausois (le GFA) ont fait citer les époux [Ae], Me [R], Me [J] et la SAFER à l'effet de voir dire la clause relative à la location des terres à Mme [Ae] nulle pour dol, en expulsion de celle-ci et en condamnation à paiement.
Par jugement du 24 septembre 2020 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Valence a :
débouté le GFA et les époux [S] de leur demande en nullité de la clause intitulée «'projet de l'acquéreur'», de leur demande tendant à l'expulsion de Mme [Ae], de l'intégralité des demandes subséquentes en dommages-intérêts tant à l'encontre des époux [Ae], que de la SAFER et de Me [R],
débouté la SAFER de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable «'le bail qui aurait été consenti par le GFA à l'EARL du Verclausois'»,
débouté Mme [Ae] de l'ensemble de ses demandes,
débouté les époux [Ae] de leurs demandes en dommages-intérêts à l'encontre de Me [J] ainsi qu'à l'encontre des époux [S] et en amende civile,
condamné le GFA à payer aux époux [Ae] des dommages-intérêts de 5.000€ en réparation de leur préjudice matériel et de jouisance,
condamné in solidum le GFA et les époux [S] à payer aux époux [Ae] des dommages-intérêts de 2.000€ en réparation de leur préjudice moral,
débouté les époux [Ae] du surplus de leurs demandes reconventionnelles,
condamné in solidum le GFA et les époux [S] à payer une indemnité de procédure de :
3.000€ aux époAex [Y],
2.000€ à la SAFER,
2.000€ à Maître [R],
rejeté la demande de Maître [J] à ce titre,
condamné le GFA et les époux [S] aux dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 5 novembre 2020, le GFA et les époux [S] ont relevé appel de cette décision.
Au dernier état de leurs écritures en date du 9 septembre 2022, le GFA du Verclausois avec Monsieur et Madame [S] demandent à la cour de réformer le jugement déféré, de déclarer la demande du GFA recevable et de :
1) à titre principal,
dire non écrite et nulle la clause faisant état du cahier des charges «'projet de l'acquéreur et agrément du projet par la SAFER'» de louer les terres au bénéfice exclusif de Mme [Ae],
ordonner l'expulsion de Mme [Ae] et de tous occupants ou matériels de son chef des terres appartenant au GFA dans un délai de 15 jours, outre une astreinte de 500€ par jour de retard,
condamner les époux [Ae] à payer au GFA la somme de 92.728,16€ au titre du trouble de jouissance,
condamner les époux [Ae] à payer aux époux [S] la somme de 25.000€ au titre de leur préjudice moral,
2) subsidiairement, condamner la SAFER et Me [R] à payer aux époux [S] les sommes de :
64.799,10€ au titre de la perte de valeur patrimoniale des terres,
10.768,02€ de frais bancaires,
1.500€ de frais de création du GFA,
336.450€ de perte d'exploitation,
25.000€ de préjudice moral,
3) en tout état de cause, condamner solidairement les époux [Ae], Me [R] et la SAFER à leur payer une indemnité de procédure de 7.500€.
Ils font valoir que :
sur l'annulation de la clause litigieuse pour dol
le GFA n'a jamais consenti à la clause litigieuse car ses gérants n'en ont pas été informés,
cette clause ne figure pas dans le projet d'acte de vente transmis au GFA le 30 juin 2017 ni dans la procuration signée par le GFA et n'a jamais été soumise à l'assemblée générale du GFA,
la conclusion d'un bail rural est considérée comme un acte de disposition au même titre qu'une vente,
le consentement de donner à bail à Mme [Ae] les terres n'a jamais été sollicité,
cet ajout est survenu en catimini après la signature de la procuration,
le GFA n'a jamais voulu acheter les terres pour les louer exclusivement à MAee [Y],
le GFA envisageait un bail conjoint aux familles [S] Aet [Y],
leur notaire a clairement indiqué ne jamais avoir eu connaissance de l'ajout de cette clause,
il ressort des mails une demande expresse de Mme [Ae] en ce sens,
son comportement ultérieur confirme qu'elle a utilisé cette clause pour prétendre à un usage exclusif de biens ne lui appartenant pas,
la SAFER connaissait parfaitement les intentions des parties, à savoir un bail commun à Mme [Ae] et à Mme [S],
les man'uvres dolosives tant des époux [Ae] que de la SAFER ou de Maître [R] ont vicié leur consentement,
s'ils avaient été informés de cette clause, il n'auraient jamais signé l'acte de vente,
seule une délibération de l'assemblée générale permettait de régulariser un acte de bail et le notaire n'a pas vérifié la régularité de l'acte à cet égard,
pour être valable, un acte doit constater l'accord des parties sur la location d'un fonds rural déterminé moyennant un certain prix,
en l'espèce, ni la chose ni le prix ni la date d'entrée en jouissance ne sont précisés,
les époux [Ae] se sont installés sur les terres alors qu'ils ne disposent d'aucun titre,
le tribunal, bien que considérant que la clause n'était pas opposable aux époux [Ae], n'a pas pour autant ordonné leur expulsion,
sur la faute du notaire
le pouvoir de représenter le GFA est spécialement déterminé à la résolution prise qui ne concernait que le contrat de vente et non la conclusion d'un bail à ferme,
en ajoutant la clause litigieuse, Me [R] a outrepassé la limite de ses pouvoirs,
sur la faute de la SAFER
la SAFER avait une parfaite connaissance de l'accord des parties sur une exploitation conjointe,
la SAFER a commis une faute en faisant ajouter une clause qu'elle savait contraire à l'intention des parties,
en outre, la SAFER n'a pas respecté les procédures alors que les 2 ventes à Mme [Ae] et au GFA auraient dû repasser par un appel à candidature et un passage en comité technique.
Par conclusions récapitulatives du 16 aout 2022, M. et Mme [Ae] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré sur le rejet de la demande en nullité de la clause de bail et de l'intégralité des demandes des époux [S] et du GFA, sur la condamnation de ceux-ci à leur payer des dommages-intérêts de 5.000€ en réparation de leur préjudice matériel et de jouissance, en dommages-intérêts de 2.000€ pour préjudice moral et en indemnité de procédure, d'infirmer pour le surplus et de :
1) condamner :
à titre principal, le GFA à mettre à disposition le bien acquis par bail à Mme [Ae] dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1.000€ par jour de retard passé ce délai,
subsidiairement, condamner le GFA à payer à Mme [Ae] sous astreinte de 150€ par jour de retard dans l'obligation qui lui est faite de mettre à disposition ses parcelles par bail à Mme [Ae] pour une durée de 15 ans, passé le délai d'un mois suivant signification de l'arrêt à intervenir,
2) condamner, en conséquence, in solidum le GFA et les époux [S] à :
garantir à Mme [Ae] la jouissance paisible des terres mises à disposition par bail à Mme [Ae] pour l'exercice de son activité agricole,
à payer à Mme [Ae] une somme de 5.000€ en réparation de l'absence de mise à disposition par bail des parcelles et de l'aggravation des troubles de jouissance subis depuis la signification du jugement déféré, outre le paiement d'une astreinte de 150€ dans l'exécution de l'obligation d'assurer la jouissance paisible de Mme [Ae] sur les parcelles mises à disposition du bail pour une durée de 15 ans passé le délai d'un mois suivant signification de l'arrêt à intervenir,
3) prononcer la nullité du bail conclu entre le GFA et l'EARL du Verclausois,
4) condamner Me [J] à leur payer la somme de 20.000€ à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir sur le fondement contractuel et, à défaut, sur le fondement quasi délictuel en raison des préjudices subis en leur qualité de tiers au contrat,
5) condamner le GFA à leur payer la somme de 40.000€ en réparation de leur préjudice matériel et de jouissance,
6) condamner in solidum le GFA et les époux [S] à leur payer la somme de 20.000€ en réparation de leur préjudice moral résultant du caractère abusif de la procédure d'appel engagée,
7) condamner in solidum le GFA et les époux [S] à leur payer une indemnité de procédure de 5.000€.
Ils exposent que :
sur la validité de la clause litigieuse
il ne peut y avoir de man'uvres dolosives de leur part puisque la clause résulte d'échanges constants entre les parties,
ainsi, ni les époux [S] ni leur notaire ne pouvaient l'ignorer,
Mme [Ae], étant la seule agricultrice, sa participation au projet est indispensable, puisque si les candidatures SAFER sont ouvertes à tous, il existe une priorité donnée à ceux qui ont des capacités agricoles,
l'instauration d'un bail rural au profit d'un GAEC ou de Mme [Ae] était la condition essentielle à la création, à terme, d'une activité commune avec les époux [S],
dès le départ, ils se sont interrogés sur le montage inégalitaire préconisé par Me [J], mais par mail du 17 janvier 2017, les époux [S] leur ont répondu qu'ils ne voyaient pas où était le problème puisqu'il y aurait un bail qui sécuriserait le tout,
dans ces conditions tant Me [J] que les époux [S] ne pouvaient ignorer la condition tenant à la conclusion d'un bail,
par mail du 24 janvier 2017, Mme [Ae] a fait valoir à Me [J] que malgré ses interrogations sur le montage préconisé, elle l'acceptait tout en rappelant la condition de la signature d'un bail,
la condition d'un bail à long terme par le GFA a, de nouveau, été abordée avec le représentant de la SAFER dans un mail du 31 janvier 2017,
par mail du 6 février 2017, M. [S] s'est enquis de l'accord de Mme [Ae] sur la constitution d'un GFA avec notification dans l'acte final d'achat des terres d'une promesse de bail à long terme,
jusqu'au dernier moment avant la signature de la vente, la condition du bail a été discutée puisque Mme [Ae] se rendant compte de son absence dans le premier projet, s'en est émue le 4 juillet 2017 à 18h32 auprès du représentant de la SAFER avec copie du mail à son frère, puis par mail auprès de son frère le même jour à 20h36 lui demandant de veiller à ce que la condition de bail commun à Mme [S] et elle soit bien mentionnée,
la dernière version a bien été envoyée à Me [J] qui a, soit commis une faute, en ne l'envoyant pas aux époux [S], soit ceux-ci n'ont pas lu la dernière version papier du projet de vente,
en tout état de cause, la SAFER pouvait parfaitement imposer cette clause puisque Mme [Ae] est la seule bénéficiaire de la décision d'exploiter les terres et qu'un bail au bénéfice de l'EARL du Verclausois est tout à fait illégal,
M. [S] a créé l'EARL du Verclausois dans l'unique objectif de faire obstacle à l'obligation de conclure un bail rural à son bénéfice,
sur la conclusion d'un bail et le rejet de la demande d'explusion
alors que l'acte de vente prévoit un bail au bénéfice de Mme [Ae], les appelants ne sauraient demander son expulsion,
leur présence est pleinement justifiée par cette condition, par leur achat du bâtiment principal, par la qualité d'agricultrice de Mme [Ae] et par le projet agricole commun,
contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage,
en refusant la conclusion de ce bail et en créant une EARL pour mettre à sa disposition les terres, le GFA a largement aggravé leurs dommages et préjudices,
la SAFER formule une demande de mise à disposition par bail des parcelles à MAee [Y],
leur expulsion aurait pour conséquence de gravement porter atteinte à leur activité agricole et à leur situation économique,
les époux [S] ne disposent d'aucune autorisation d'exploiter les terres du GFA,
la SAFER a déposé une autorisation d'exploiter auprès des services compétents au seul nom de Mme [Ae] laquelle a souscrit un cahier des charges prévoyant l'élevage des chèvres et la création d'un élevage porcin pendant 15 ans en plein air.
Par conclusions récapitulatives du 1er août 2022, la SAFER demande à la cour de :
sommer le GFA du Verclausois de lui communiquer le bail conclu avec l'EARL du Verclausois,
infirmer le jugement déféré sur le rejet de sa demande en inopposabilité du bail conclu avec l'EARL du Verclausois et sur la conclusion du bail au bénéfice de Mme [Ae] et :
déclarer inopposable le bail conclu avec l'EARL du Verclausois,
condamner le GFA à conclure au bénéfice de Mme [Ae] ou de toute société pouvant s'y substituer un bail rural pour une durée de 15 ans sur les parcelles acquises par le GFA aux termes de l'acte de vente du 13 juillet 2017, dans un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,
débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
la mettre hors de cause,
condamner les appelants ou qui mieux le devra à lui payer une indemnité de procédure de 8.000€.
Elle souligne que :
la vente est intervenue dans le cadre d'une procédure SAFER et l'insertion de la clause ne constitue pas une man'uvre dolosive mais la poursuite de son projet initial,
cette clause est conforme à l'attribution SAFER,
si elle a accepté un montage particulier avec la vente des terres à un GFA, c'est le projet des époux [Ae] qui devait être mis en œuvre sur ces parcelles,
Mme [Ae] est seule exploitante agricole et devait se voir consentir un bail si elle ne devenait pas propriétaire des terres,
les époux [S] et Me [J] ont participé activement aux discussions préalables à la signature de l'acte de vente et étaient parfaitement informés de la nécessité d'inclure la clause de bail,
si les époux [S] n'ont pas lu la dernière mouture du projet d'acte de vente alors que Me [J] en a été destinataire, ce ne peut qu'à raison d'une faute de leur notaire,
si le GFA a pris des délibérations qui ne mentionnent aucune clause relative à un bail, les époux [S] en leur qualité de seuls associés du GFA ont manqué de diligence et ne peuvent se prévaloir de leurs propres turpitudes,
Mme [Ae] a averti le 3 juillet 2017 Mme [S] de l'absence de la clause litigieuse et il appartenait aux époux [S] de faire modifier le PV de délibérations, ce qu'ils n'ont pas fait,
la clause litigieuse étant conforme aux prévisions des parties, elle n'a commis aucune faute,
la clause litigieuse a un caractère contraignant nonobstant le terme 'projet de l'acquéreur',
les appelants sont de particulière mauvaise foi alors que la question du bail est mentionnée à deux reprises dans l'acte de vente,
si le GFA n'est pas lié contractuellement à Mme [Ae], il est lié avec elle,
le GFA s'est engagé à son égard à mettre à disposition les parcelles acquises par bail à Mme [Ae] ou à toute société s'y substituant,
dès lors, les demandes indemnitaires formées à son encontre par les appelants, de surcroît non démontrées, doivent être rejetées,
au cours de la première instance, les appelants ont conclu sur l'existence d'un bail consenti à l'EARL du Verclausois,
aux termes de leurs conclusions d'appel, ils réaffirment l'existence de ce bail qui serait enregistré aux impôts,
le GFA sera donc enjoint à le produire,
en outre, ce bail lui sera déclaré inopposable.
Par conclusions récapitulatives du 18 août 2022, Me [R] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner les appelants à lui payer une indemnité de procédure de 3.000€.
Il explique que :
il n'a commis aucune faute en insérant la clause litigieuse,
il ressort des échanges entre les parties que, dès le mois d'avril 2017, il a été convenu de régulariser une promesse de bail à Mme [Ae] ou à toute autre société pouvant s'y substituer,
ainsi, les appelants étaient parfaitement au courant de la clause litigieuse,
en tout état de cause, les appelants ne peuvent justifier d'aucun préjudice indemnisable en lien de causalité avec une quelconque faute.
En dernier lieu le 10 mai 2021, Me [J] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner les époux [Ae] à lui payer une indemnité de procédure de 1.500€.
Elle précise que :
aucune demande n'est formée à son encontre par les appelants,
la clause litigieuse n'est pas en corrélation avec les échanges des parties,
n'étant pas le notaire des époux [Ae], elle n'était tenue à leur égard d'aucune obligation de conseil,
les griefs articulés par les époux [Ae] sont dénués de tout fondement,
le montage retenu ne créait aucune insécurité juridique dans la mesure où les terres devaient être louées par le biais d'un bail rural,
contrairement à ce que prétendent les époux [Ae], les époux [S] n'avaient nullement besoin de Mme [Ae] pour acquérir les terres,
si un bail devait intervenir, il devait l'être au bénéfice de Mme [S] et de Mme [Ae] et non uniquement à l'égard de cette dernière,
il n'est donc démontré aucun manquement à son encontre.
La clôture de la procédure est intervenue le 27 septembre 2022.
MOTIFS
1/ sur les demandes des époux [S]
sur la nullité de la clause «'projet de l'acquéreur et agrément du projet par la SAFER'»
Les époux [S] prétendent que leur consentement a été surpris par dol concernant l'inclusion de la clause «'projet de l'acquéreur et agrément du projet par la SAFER'» dans la vente au bénéfice du GFA, dont ils sont les uniques associés, des terres situées sur les communes de [Localité 18] et de [Localité 13].
Par application de l'
article 1137 du code civil🏛, il leur appartient de démontrer l'existence de de man'uvres illicites et de l'intention dolosive tant des époux [Ae], que de la SAFER ou encore de Maître [R].
Contrairement à ce que prétendent les appelants, ils ne pouvaient ignorer la clause selon laquelle les terres étaient données à bail à Mme [Ae] ou toute autre personne pouvant s'y substituer pour une durée minimale de 15 ans dans la mesure où cette disposition a fait l'objet de nombreuses discussions entre les parties ce qui ressort :
du mail du 17 janvier 2017, dans lequel les époux [S] répondent à Mme [Ae] qui s'inquiète du montage préconisé par le notaire de ceux-ci qu'ils ' ne voyaient pas où est le problème puisqu'il y aurait un bail qui sécurisera le tout, de façon à ce que l'exploitation et le bail soient indissociables',
du mail du 24 janvier 2017 par lequel Mme [Ae] fait valoir à Maître [J] que malgré ses interrogations sur le montage préconisé, elle l'accepte rappelant la condition de la signature d'un bail: 'le GFA nous signera un bail dès la signature pour la location des terres',
du mail du 31 janvier 2017 par lequel le représentant de la SAFER rappelle aux époux [S] la condition d'un bail à long terme consenti par le GFA,
du mail du 6 février 2017 par lequel M. [S] s'enquiert de l'accord de Mme [Ae] sur la constitution d'un GFA ' avec notification dans l'acte final d'achat des terres d'une promesse de bail à long terme au GAEC qui sera constitué lors du démarrage de l'activité',
du mail du 3 juillet 2017 par lequel Me [J] à indiqué à Maître [R] ' les clients souhaitent qu'une promesse de bail soit insérée dans les actes de vente. Je vous laisse le soin de procéder aux modifications nécessaires et de me retourner votre projet de vente modifié',
du mail du 4juillet 2017 à 18h32 par lequel Mme [Ae] avertit le représentant de la SAFER avec copie du mail à son frère de l'absence de la clause de bail au projet de vente des terres,
du mail du 4 juillet 2017 à 20h36 par lequel Mme [Ae] demande à son frère 'tu peux lui ajouter aussi la promesse de bail du GFA'.
Il en résulte que les époux [S] et leur notaire étaient parfaitement informés de la clause litigieuse puisque les parties avaient pour projet de substituer à Mme [Ae] un GAEC, ce qui n'a pas été possible du fait de la brouille ultérieure des parties.
Il est également établi que Me [R], suite à la demande de la SAFER, a mentionné à l'acte de vente au profit du GFA la clause litigieuse, qu'il en a informé sa consoeur, Me [J], et lui a transmis le nouveau projet d'acte de vente le 5 juillet que celle-ci a lu le même jour à 14h32.
Dès lors, soit Me [J] n'a pas transmis le projet d'acte rectifié à ses clients, soit ceux-ci n'ont pas pris la peine de le lire, de sorte qu'aucune manoeuvre frauduleuse ne peut être reprochée aux intimés.
Enfin, si le GFA a pris des délibérations qui ne mentionnent aucune clause relative à un bail, les époux [S], en leur qualité de seuls associés du GFA parfaitement informés de l'inclusion de la clause litigieuse avant la conclusion de la vente, ont manqué de diligence et ne peuvent se prévaloir de leurs propres turpitudes.
Dès lors, non seulement il n'est rapporté la preuve d'aucun dol mais encore l'insertion de la clause constitue la poursuite du projet initial conforme à l'attribution SAFER au seul bénéfice deAeMme [Y].
Par voie de conséquence, le jugement déféré, qui a débouté le GFA et les époux [S] de leur demande en nullité de la clause intitulée «'projet de l'acquéreur'», sera confirmé sur ce point.
sur les demandes en expulsion de Mme [Ae] et en dommages-intérêts
Le GFA et les époux [S] ayant été déboutés de leur demande principale en nullité de la clause litigieuse, leur demande subséquente en expulsion de Mme [Ae] a été, à bon droit, rejetée ainsi que l'ensemble de leurs demandes indemnitaires non fondées à l'encontre des époux [Ae], de la SAFER et de Me [R].
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
2/ sur la conclusion d'un bail au profit de Mme [Ae] et sur le bail consenti à l'EARL du Verclausois
La SAFER demande la condamnation du GFA à lui communiquer le bail consenti par lui à l'EARL du Verclausois.
L'existence de ce bail n'est nullement contestée par les appelants.
Ainsi, la communication de cette convention n'est pas utile à la résolution du présent litige, de sorte que la SAFER sera déboutée de cette prétention.
Le GFA s'est engagé à l'égard de la SAFER à mettre à disposition les parcelles acquises par bail à Mme [Ae] ou à toute société s'y substituant, Mme [Ae] étant la seule bénéficiaire de la décision d'exploiter les terres.
A cet égard, la SAFER a déposé une autorisation d'exploiter auprès des services compétents au seul nom deAeMme [Y].
La clause litigieuse a un caractère contraignant.
Contrairement à ce que les appelants prétendent l'objet du bail et sa durée sont parfaitement déterminés.
Le montant du bail rural sera fixé conformément aux arrêtés en vigeur.
Dès lors, il convient de condamner le GFA à conclure au bénéfice de Mme [Ae] ou de toute société pouvant s'y substituer un bail rural pour une durée de 15 ans sur les parcelles acquises par le GFA aux termes de l'acte de vente du 13 juillet 2017, pour un montant établi conformément aux arrêtés en vigueur, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte au bénéfice de Mme [Ae] de 500€ par jour de retard, passé ce délai.
En outre, les appelants seront condamnés à garantir à Mme [Ae] la jouissance paisible des terres mises à disposition par bail pour l'exercice de son activité agricole sous astreinte de 100€ par infraction constatée, dès la conclusion du dit bail.
Enfin, le bail consenti par le GFA à l'EARL du Verclausois sera déclaré inopposable à la SAFER et àAeMme [Y].
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
3/ sur les demandes en dommages-intérêts des époAex [Y]
à l'encontre du GFA
Le tribunal a condamné le GFA à réparer le préjudice de jouissance et matériel des époux [Ae] par des dommages-intérêts de 5.000€.
Les époux [Ae] demandent la confirmation du jugement déféré tout sollicitant la somme de 40.000€.
Ayant été suffisamment indemnisés en première instance alors que nonobstant l'absence de bail ils ont investi les terres acquises par le GFA, la prétention des époux [Ae] à ce titre sera rejetée.
à l'encontre du GFA et des époux [S]
Le défaut de conclusion du bail et de mise à disposition des terres a causé un préjudice aux époux [Ae] qui a déjà été indemnisé au titre de leurs préjudices de jouissance et matériel.
Cette demande sera rejetée.
La mauvaise foi des appelants, qui ont refusé d'exécuter un engagement contractuel prévu de longue date et dépourvu d'ambiguïté, a causé aux époux [Ae] un préjudice moral qui a été justement réparé par l'allocation de la somme de 2.000€.
Enfin, en l'absence de démonstration d'un abus commis par les appelants dans leur droit de relever appel de la décision déférée, il convient de débouter les époux [Ae] de ce chef de demande.
à l'encontre de Je [J]
Me [J], notaire des époux [S], n'a commis aucune faute à l'encontre des époux [Ae] qui ont été à bon droit déboutés de leur prétention en dommages-intérêts.
4/ sur les mesures accessoires
L'équité commande de faire application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 au seul bénéfice des époux [Ae], de la SAFER et de Me [R].
Enfin, le GFA et les époux [S] supporteront les dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
débouté le GFA du Verclausois et les époux [S] de leur demande en nullité de la clause intitulée «'projet de l'acquéreur'», de leur demande tendant à l'expulsion de Mme [Ae], de l'intégralité des demandes subséquentes en dommages-intérêts tant à l'encontre des époux [Ae], que de la SAFER Auvergne RhôneAlpes et de Me [R],
condamné le GFA du Verclausois à payer aux époux [Ae] des dommages-intérêts de 5.000€ en réparation de leur préjudice matériel et de jouisance,
condamné in solidum le GFA du Verclausois et les époux [S] à payer aux époux [Ae] des dommages-intérêts de 2.000€ en réparation de leur préjudice moral,
débouté les époux [Ae] du surplus de leurs demandes indemnitaires à l'encontre des appelants, de leur demande à l'encontre de Me [J] et de leur demande en amende civile,
condamné in solidum le GFA du Verclausois et les époux [S] à payer une indemnité de procédure de :
3.000€ aux époAex [Y],
2.000€ à la SAFER Auvergne RhôneAlpes,
2.000€ à Me [R],
rejeté la demande de Me [J] à ce titre,
condamné le GFA du Verclausois et les époux [S] aux dépens de l'instance,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Rejette la demande de la SAFER Auvergne RhôneAlpes à l'encontre du GFA du Verclausois en communication du bail consenti à l'EARL du Verclausois,
Condamne le GFA du Verclausois à conclure au bénéfice de Mme [Ad] [S] épouse [Ae] ou de toute société pouvant s'y substituer, un bail rural pour une durée de 15 ans, sur les parcelles acquises par le GFA aux termes de l'acte de vente du 13 juillet 2017, pour un montant établi conformément aux arrêtés en vigueur, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte au bénéfice de Mme [Ae] de 500€ par jour de retard passé ce délai,
Condamne le GFA du Verclausois à garantir à Mme [Ad] [S] épouse [Ae] ou à toute société pouvant s'y substituer la jouissance paisible des parcelles données à bail sous peine d'une astreinte de 100€ par infraction constatée, à compter de la conclusion du dit bail,
Déclare le bail consenti par le GFA du Verclausois à l'EARL du Verclausois sur les terres objets de la vente du 13 juillet 2017 inopposable à la SAFER Auvergne RhôneAlpes et à Mme [Ad] [S] épouse [Ae],
Déboute Monsieur [M] [Ae] et Mme [Ad] [S] épouse [Ae] de leurs demandes en dommages-intérêts au titre de la privation de jouissance et pour appel abusif,
Y ajoutant,
Condamne in solidum le GFA du Verclausois et les époux [W] [N]/ [Z] [S] à payer, par application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, les sommes de :
5.000€ à Monsieur [M] [Ae] et Mme [Ad] [S] épouse [Ae], unis d'intérêts,
2.000€ à la SAFER Auvergne Rhône Alpes,
1.500€ à Me [D] [R],
Rejette la demande des époux [W] [N]/ [Z] [S] et de Me [V] [J] à ce titre,
Condamne in solidum le GFA du Verclausois et les époux [W] [N]/ [Z] [S] aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛,
Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT