Réf. : Cass. crim., 4 septembre 2024, n° 23-81.110, FS-B N° Lexbase : A35515XS
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par Pauline Le Guen
le 18 Septembre 2024
► La Cour de cassation revient sur son appréciation de la bonne foi de la personne morale, propriétaire d’un bien confisqué, lorsque celui-ci a servi à la commission de l’infraction ; elle précise désormais que le juge qui envisage la confiscation doit établir que le condamné en a la propriété économique réelle et que le tiers est de mauvaise foi.
Faits et de la procédure. Un individu a été condamné, pour refus d’obtempérer aggravé, à trois mois d’emprisonnement avec sursis et à la suspension de son permis de conduire. La confiscation du véhicule qu’il conduisait a également été ordonnée. Le véhicule appartenait à une société qui le louait à une autre société qu’il dirigeait. La société bénéficiaire de la location a sollicité la mainlevée de la mesure de confiscation, mais la requête a été rejetée. Elle a donc fait appel de cette décision.
En cause d’appel. La société s’est pourvue en cassation après que la cour d’appel a également rejeté la requête en relèvement.
Moyens du pourvoi. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir rejeté la requête en déduisant que, du fait que l’auteur était gérant de la société bénéficiaire de la location et co-gérant de la société propriétaire du véhicule, cette dernière ne pouvait ignorer les faits délictueux et ne pouvait donc être regardée comme de bonne foi. Le requérant faisait valoir lui que la mauvaise foi d’une personne morale, tiers propriétaire d’un bien confisqué, ne saurait être uniquement déduite de son seul lien avec la personne physique condamnée.
Décision. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, au visa de l’article 131-21 du Code pénal N° Lexbase : L7556MMS. La question portait sur l’appréciation de la bonne foi d’une personne morale propriétaire d’un bien confisqué lorsque celui-ci a servi à la commission d’une infraction.
Par cet arrêt, la Chambre criminelle infléchit sa jurisprudence et retient que le juge qui envisage de confisquer un bien doit établir que le condamné en a la propriété économique réelle et que le tiers est de mauvaise foi, ce qui est établi dès lors qu’il sait ne disposer que d’une propriété juridique apparente. Le tiers qui a mis un bien à la disposition du condamné en connaissance de son utilisation dans la commission d’une infraction est alors susceptible d’engager sa responsabilité pénale et de voir son bien confisqué dans son patrimoine au titre de la complicité. La cour d’appel aurait dû rechercher si le requérant était le propriétaire économique réel du véhicule confisqué, seule circonstance de nature à caractériser la libre disposition, ce qui ne peut résulter du seul fait qu’il use librement du véhicule loué par la société qu’il dirige. En ne recherchant pas si la société avait par ailleurs connaissance de ce que le co-gérant était propriétaire économique réel du véhicule, la cour d’appel n’a pas établi la mauvaise foi de la société, de sorte que la cassation est donc encourue.
Auparavant, la Haute juridiction retenait que la libre disposition s’entendait du libre usage du bien, la bonne foi du propriétaire résidant dans l’ignorance des faits commis. Elle avait d’ailleurs approuvé dans un arrêt du 28 juin 2023 N° Lexbase : A266797W une cour d’appel qui, après avoir énoncé les motifs propres à établir que les biens dont elle envisageait la confiscation étaient à la libre disposition du prévenu, pour établir que les tiers propriétaires des biens n’étaient pas de bonne foi, avait retenu qu’ils savaient que le prévenu était propriétaire économique réel de ces biens.
Pour aller plus loin : M. Hy, ÉTUDE : Les confiscations, in Droit pénal général (dir. J.-B. Perrier), Lexbase {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 90642001, "corpus": "encyclopedia"}, "_target": "_blank", "_class": "color-encyclopedia", "_title": "ETUDE : Les confiscations", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: E089103E"}} |
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