Le Quotidien du 11 juin 2024 : Actualité judiciaire

[A la une] Soupçons de corruption : Vincent Bolloré rattrapé par ses affaires africaines

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par Vincent Vantighem

le 11 Juin 2024

Il a beau avoir revendu ses activités au groupe MSC en 2022, Vincent Bolloré n’en a pas fini avec ses affaires africaines. Du moins, du point de vue de la justice… Le parquet national financier (PNF) a, en effet, requis un procès contre le tout puissant industriel breton, notamment pour des faits de « corruption ». Le magnat conservateur est soupçonné d’avoir frauduleusement aidé les campagnes présidentielles de Faure Gnassingbé au Togo en 2010 et d’Alpha Condé en Guinée à la même époque. En échange de quoi, les deux dirigeants africains lui auraient accordé des facilités pour obtenir des contrats sur leurs territoires.

Cela fait plus de dix ans que la justice enquête sur ces faits, et l’histoire judiciaire a connu de multiples rebondissements. Pour éviter un long et pénible procès pénal, Vincent Bolloré et deux de ses proches concernés par la procédure avaient accepté en 2021 le principe d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Lors de l’audience publique en février 2021, ils avaient reconnu les faits et accepté une peine de 375 000 euros d’amende pour mettre fin aux poursuites.

Mais la magistrate Isabelle Prévost-Desprez ne l’entendait pas de cette oreille. Chargée d’homologuer le dispositif comme il est d’usage, la juge du siège avait refusé de le faire et avait renvoyé le dossier à l’instruction. Elle avait en revanche homologué une convention judiciaire d’intérêt public (Cjip) pour le groupe Bolloré qui avait payé douze millions d’euros d’amende contre l’abandon des poursuites.

Tout cela n’arrange pas les affaires de Vincent Bolloré. L’industriel breton, onzième fortune de France, se retrouve aujourd’hui dans une situation inédite. Après avoir reconnu les faits lors de cette fameuse CRPC avant que celle-ci ne capote, il va aujourd’hui potentiellement devoir se défendre de les avoir commis lors d’un procès public qui s’annonce d’ores et déjà électrique. Touché par ce revers procédural, Vincent Bolloré avait été jusqu’en Cour de cassation pour faire valoir ce qu’il estime une grave atteinte à sa présomption d’innocence. Mais il n’avait pas obtenu gain de cause…

La gestion des ports de Lomé et Conakry en jeu

Tout porte donc à croire que le puissant homme d’affaires va devoir, dans un avenir proche, comparaître à la barre du tribunal judiciaire de Paris pour des faits de « corruption active d’agence public étranger ». Dans ce dossier, la justice dispose de beaucoup d’éléments. Elle soupçonne le groupe Bolloré d’avoir utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Euro RSCG (devenue Havas depuis) pour décrocher frauduleusement la gestion des ports de Lomé au Togo et de Conakry en Guinée, au bénéfice d’une filiale phare de l’époque, Bolloré Africa Logistics.

C’est en tout cas ce qu’estime le parquet national financier qui a donc requis, lundi 3 juin, le renvoi de Vincent Bolloré ainsi que de Gilles Alix, le directeur général de son groupe à l’époque et de Jean-Philippe Dorent, l’ex-directeur international d’Havas, pour des faits de corruption, abus de confiance et complicité.

D’après les éléments du réquisitoire, les procureurs financiers estiment que Vincent Bolloré a « personnellement » suivi les activités de son groupe au Togo et qu’il l’a engagé dans la campagne de Faure Gnassingbé, notamment en recrutant son demi-frère dans sa branche togolaise.

Contrepartie de ce « pacte de corruption » aux yeux du PNF, le groupe Bolloré aurait profité de différents contrats dont celui de la gestion du port de Lomé ainsi que d’avantages fiscaux.

Toujours dans ce même réquisitoire, le PNF demande également que le procès englobe des accusations visant Vincent Bolloré en Guinée-Conakry, estimant que le groupe français a participé frauduleusement « aux frais de communication » de la campagne d’Alpha Condé en 2010, à hauteur de 170 000 euros. Sur ce point, Vincent Bolloré avait reconnu, lors de sa garde à vue, que « sa candidature présentait pour [lui] un grand intérêt », selon des extraits parus dans différents médias.

L’impact de la non-homologation de la CRPC...

« Je me réjouis de cette demande de renvoi dans ce lourd dossier qui dure depuis 2013 (…) dans lequel est particulièrement mouillé le président du Togo, a réagi Alexis Ihou, avocat de plusieurs candidats malheureux à l’élection présidentielle de 2010 au Togo. Dossier dans lequel Vincent Bolloré a tenté, à plusieurs reprises, de faire obstacle à la manifestation de la vérité. »

Un sentiment partagé par les associations Sherpa et Anticor, également parties civiles à la procédure et dont l’avocat Jérôme Karsenti n’a cessé de dénoncer l’attitude de Vincent Bolloré qui a « soulevé toutes les arguties juridiques pour échapper à son procès ».

Évidemment, les avocats de l’industriel breton ne sont pas sur cette ligne et déplorent l’impact que la non-homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité aura sur tout ça. « Une demande de non-lieu sera présentée, les faits étant contestés depuis le premier jour dans un dossier juridiquement vide. Le faux-pas de non-validation de la CRPC prive définitivement les parties du droit à être jugées de manière impartiale et objective », ont ainsi dénoncé Céline Astolfe et Olivier Baratelli.

La décision finale sur la tenue ou non du procès revient au juge d’instruction Serge Tournaire. Il devrait rendre une ordonnance dans les prochains mois.

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