Réf. : Cass. crim., 4 juin 2024, n° 22-87.171, F-B N° Lexbase : A84515EQ
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N9536BZ9
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par Pauline Le Guen
le 26 Juin 2024
► Dans le cadre d’un litige relatif à un abordage entre navires en mer territoriale, l’action civile accessoirement exercée devant une juridiction pénale ne peut être intentée que devant le tribunal du lieu de résidence habituelle du défendeur ou d’un des sièges de son exploitation.
Rappel des faits et de la procédure. Un navire italien est entré en collision avec un bateau battant pavillon français. Ses occupants ont été blessés. Le juge d’instruction a renvoyé le pilote du navire devant le tribunal maritime des chefs de délits et contraventions de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence, et non-respect des règles de la Convention Colreg. Le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence des juridictions françaises, soulevée par le prévenu, et l’a déclaré coupable. Lui et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
En cause d’appel. La cour d’appel a déclaré le prévenu coupable et a rejeté l’exception d’incompétence. Lui et la société qui assurait son navire se sont pourvus en cassation.
Moyens du pourvoi. Dans son premier moyen, le prévenu faisait grief à l’arrêt de le déclarer coupable des infractions susvisées, alors que ces dernières ne peuvent être retenues qu’en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence, prévue par la loi ou le règlement. Or, le règlement international pour prévenir les abordages en mer ne prévoit qu’une obligation générale de sécurité et de vigilance, de sorte que les infractions ne pouvaient être retenues selon lui. Le second moyen critiquait l’arrêt d’avoir rejeté l’exception d’incompétence pour l’action civile des juridictions françaises, alors que l’article 1 de la Convention de Bruxelles pour l’unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d’abordage énonce que l’action du chef d’un abordage peut être intentée soit devant le tribunal de résidence habituelle du défendeur ou d’un des sièges de son exploitation, soit devant le tribunal du lieu de l’abordage lorsqu’il a eu lieu dans les ports, rades ou eaux intérieures. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait ici retenir sa compétence.
Décision. La Cour de cassation écarte le premier moyen. En effet, le règlement international impose à tout navire une obligation générale de sécurité ou de prudence afin d’apprécier pleinement la situation et les risques d’abordage. Cette règle étant objective, immédiatement perceptible et clairement applicable sans faculté d’appréciation du sujet, les infractions pouvaient être retenues. Elle fait cependant droit au second moyen, au visa de l’article 1 de la Convention de Bruxelles. En effet, en l’absence de réserve de la France, aucune disposition interne ne peut avoir pour effet d’écarter la compétence édictée par le Traité international, prévoyant ici que lorsqu’un abordage a lieu en mer territoriale, le tribunal de la résidence habituelle du défendeur ou d’un des sièges de son exploitation est seul compétent. Partant, la cour d’appel ne pouvait se déclarer compétente, les dispositions, prévues en matière civile, s’appliquant également à l’action civile accessoirement exercée devant une juridiction pénale qui aurait préalablement déjà statué sur l’action publique.
Pour aller plus loin : E. Maurel, ÉTUDE : Les règles de compétences pénales, in Procédure pénale (Dir. J.-B. Perrier), Lexbase, N° Lexbase : E17523BI |
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