Réf. : Cass. avis, 25 avril 2024, n° 23-70.020, FS-B N° Lexbase : A9171288
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par Charles Simon, avocat au Barreau de Paris, administrateur de l’AAPPE et de Droit & Procédure
le 06 Juin 2024
Mots-clés : postulation • JEX • représentation obligatoire • requête • avocat local
Creusant son sillon, la Cour de cassation vient de rendre un avis jugeant que, lorsqu’un avocat saisit le juge de l’exécution d’une requête, les règles de la postulation ne s’appliquent pas. Cela signifie que tout avocat peut présenter une requête au juge de l’exécution, y compris lorsque la représentation est obligatoire et alors même que l’avocat n’est pas du ressort de la cour d’appel.
Cet avis de la Cour de cassation rassurera les hésitants. Car, il y a plus de quatre ans, une réforme de la procédure civile a rendu obligatoire la représentation par avocat devant le juge de l’exécution, y compris en matière mobilière, tout en limitant géographiquement les avocats pouvant assurer cette représentation (I). Mais des doutes sont rapidement apparus pour les requêtes. N’était-il vraiment pas possible à tout avocat de présenter une requête au juge de l’exécution (II) ? Cet avis de la Cour de cassation clôt le débat, en écartant expressément les règles limitant géographiquement l’accès de tous les avocats au juge de l’exécution dans un tel cas (III).
La représentation par avocat a toujours été obligatoire en matière de saisie immobilière. Mais la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice N° Lexbase : L6740LPC a consacré la représentation obligatoire par avocat devant le juge de l’exécution y compris en matière mobilière. Cette représentation est de principe, sauf exceptions fixées à l’article L. 121-4 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L7271LPY. C’est notamment le cas lorsque la demande a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme qui n’excède pas 10 000 euros (CPCE, art. R. 121-6 N° Lexbase : L9440LTS).
Mais, par contamination, la réforme a aussi limité géographiquement les avocats pouvant assurer la représentation des parties devant le juge de l’exécution lorsque celle-ci est obligatoire. En effet, le juge de l’exécution est une fonction particulière du tribunal judiciaire (COJ, art. L. 213-5 N° Lexbase : L7741LPE). Or, devant le tribunal judiciaire, l’article 5 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ empêche les avocats de « postuler » hors du ressort de la cour d’appel où ils ont établi leur résidence professionnelle. Et qu’est-ce que la postulation ? Aucune définition légale n’en existe mais la Cour de cassation l’a définie comme « la représentation obligatoire d'une partie devant une juridiction » (Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n° 14-29.185, F-P+B+I N° Lexbase : A9588N4U).
La réforme de la procédure civile de 2019 a donc eu pour double effet de rendre la représentation par avocat obligatoire devant le juge de l’exécution, y compris en matière mobilière, tout en limitant géographiquement son exercice aux seuls avocats inscrits à la cour d’appel dans le ressort duquel le juge de l’exécution saisi se trouve.
Une incertitude est cependant rapidement apparue concernant l’application de la limitation géographique à la postulation en matière de requêtes présentées au juge de l’exécution (C. Simon, La postulation : certitudes et incertitudes à la suite de la réforme de la procédure civile, Lexbase, Droit privé, mai 2021, n° 865 N° Lexbase : N7523BYB).
En effet, dans une foire aux questions de février 2020, la Chancellerie a estimé que cette limitation ne s’appliquait pas en l’espèce (Direction des affaires civiles et du sceau, Réforme de la procédure civile – FAQ, février 2020, p. 13-14).
Pour en arriver à cette conclusion, la Chancellerie se référait à des avis de la Cour de cassation en matière d’appel prud’homal. Ces avis écartaient les règles de la postulation dans ce cas, aux motifs du pouvoir de représentation du défenseur syndical, à côté de celui de l’avocat (Cass. avis, 5 mai 2017, deux avis, n° 17006 N° Lexbase : A9752WBS et n° 17007 N° Lexbase : A9753WBT). La Chancellerie en tirait la conclusion que les règles de la postulation ne s’appliquaient pas lorsque les parties sont soumises à l’obligation d’être représentées sans être tenues d’être représentées par un avocat.
Or, dans le cas du juge de l’exécution, elle observait qu’un huissier de justice (devenu depuis commissaire de justice) pouvait aussi représenter les parties dans les procédures d’ordonnances sur requête, y compris lorsque la représentation était obligatoire, au visa des articles L. 121-4 N° Lexbase : L7271LPY, L. 122-2 N° Lexbase : L5811IRN et R. 121-23 N° Lexbase : L9213LTE du Code des procédures civiles d’exécution. Elle écartait donc les règles de la postulation dans ce cas. Mais elle réservait l’appréciation souveraine des juridictions. Les praticiens étaient donc à risque d’une interprétation contraire des juges. La Cour de cassation vient de mettre un terme à cette incertitude avec son dernier avis.
Cet avis pose que « lorsque le juge de l'exécution est saisi d'une requête, dans les conditions de l'article R. 121-23, alinéa 2, du Code des procédures civiles d'exécution, les règles de la postulation ne s'appliquent pas. La requête peut être déposée ou remise par un avocat n'ayant pas sa résidence professionnelle dans le ressort de la cour d'appel dans laquelle se trouve le juge de l'exécution du tribunal saisi. »
Si elle ne les cite pas, la Cour de cassation s’inscrit dans les pas des précédents avis qu’elle avait rendus en matière d’appel prud’homal. En effet, pour arriver à cette conclusion, elle relève que, aux termes de l’article L. 122-2 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5811IRN, le commissaire de justice peut demander au juge de l’exécution de donner les autorisations nécessaires à la conduite des opérations d’exécution. C’est donc ce pouvoir concurrent des commissaires de justice, à côté de celui des avocats, pour représenter les parties devant le juge de l’exécution en matière de requête qui permet à la Cour de cassation d’écarter les règles de la postulation.
Pour paraphraser la foire aux questions de la Chancellerie, on peut donc retenir que, lorsque les parties sont soumises à l’obligation d’être représentées sans être tenues d’être représentées par un avocat, alors tout avocat peut représenter les parties, sans limitation géographique, y compris devant le tribunal judiciaire et la cour d’appel.
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