Le Quotidien du 15 mai 2024 : Droit pénal spécial

[Brèves] Constitutionnalité des incriminations instituées par la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes

Réf. : Cons. const., décision n° 2024-865 DC, du 7 mai 2024, relative à la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes N° Lexbase : A61205AW

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[Brèves] Constitutionnalité des incriminations instituées par la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/107999673-breves-constitutionnalite-des-incriminations-instituees-par-la-loi-visant-a-renforcer-la-lutte-contr
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par Pauline Le Guen

le 29 Mai 2024

► Saisi de la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes, le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les articles incriminant la provocation à abandonner ou suivre un traitement, ainsi qu’à adopter des pratiques dangereuses présentées comme thérapeutiques ou prophylactiques. Il censure en revanche comme « cavalier législatif » l’article 2 de cette loi. 

Objet de la saisine. Le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi n° 2024-420, du 10 mai 2024, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes N° Lexbase : L3143MMD par deux recours émanant des députés et sénateurs. Ces derniers contestaient notamment la conformité à la Constitution de l’article 12 de la loi, ainsi que certaines dispositions de l’article 3. 

Motifs de la saisine. Il était fait grief aux dispositions en cause :

  • de méconnaître les principes de liberté individuelle, personnelle, de conscience et d’opinion. Selon les requérants, l’article 3 de la loi, modifiant l’article 223-15-3 du Code pénal N° Lexbase : L3279MME, punissait tout type d’emprise, peu importe son origine ;
  • de méconnaître le principe de liberté d’expression et de communication, ainsi que celui de liberté de choisir et de refuser des soins. L’article 12 de la loi insère l’article 223-1-2 dans le Code pénal N° Lexbase : L3277MMC qui tend à réprimer, par son premier alinéa, la provocation à abandonner ou s’abstenir de suivre un traitement médical. Le second alinéa vise à réprimer la provocation à adopter des pratiques exposant à un risque de mort ou de blessures graves qui seraient présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique. Selon les auteurs de la saisine, ces dispositions permettraient en réalité de réprimer un discours général et impersonnel, sans établir des pressions ou des manœuvres de la part de l’auteur, alors que d’autres incriminations permettraient déjà d’atteindre l’objectif poursuivi ;
  • de méconnaître le principe de légalité des délits et des peines. Les députés soutiennent que les dispositions de l’article 223-1-2 portent une atteinte qui ne serait pas nécessaire à la liberté d’expression, puisque les faits poursuivis peuvent déjà être réprimés en application d’autres qualifications pénales existantes. 

Décision. Le Conseil constitutionnel reconnaît tout d’abord la conformité de l’article 223-15-3 à la Constitution. Il indique que le législateur a entendu incriminer le seul fait de placer ou maintenir une personne en état de sujétion physique ou psychologique dont il résulterait des conséquences gravement préjudiciables pour la victime. Par ailleurs, l’infraction n’est constituée que si l’auteur a usé de moyens propres à altérer le jugement de la victime, et que ses agissements lui ont causé une altération grave de sa santé. Dès lors, l’article 3 de la loi visée ne contrevient à aucune des libertés précitées, garanties par la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. 

L’article 12 de la loi est également déclaré conforme à la Constitution. 

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité. Le Conseil rappelle tout d’abord que l’alinéa premier de l’article 223-1-2 du Code pénal réprime la provocation à abandonner ou s’abstenir de suivre un traitement médical. Or, le délit doit se matérialiser par des pressions ou manœuvres réitérées, et l’abandon ou l’abstention doit être présenté comme bénéfique pour la santé. De plus, il n’est constitué que s’il est constaté que cet abandon ou abstention est manifestement susceptible d’entraîner des conséquences particulièrement graves pour la santé de la victime. L’auteur doit également avoir conscience de ces conséquences. Enfin, la provocation doit être adressée à toute personne atteinte d’une pathologie. Partant, la seule diffusion à un public indéterminé de ces provocations ne peut entrer dans le champ d’application de l’article. Le Conseil ajoute que le délit ne sera pas constitué si les circonstances établissent la volonté libre et éclairée de la personne. Ensuite, le Conseil rappelle que l’alinéa 2 de l’article 223-1-2 réprime la provocation à adopter certaines pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique. Il en résulte que le délit n’est constitué que si l’auteur diffuse des informations tendant à promouvoir de telles pratiques alors qu’elles exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures graves, et que ce dernier en a conscience.  Dès lors, il résulte de ces observations que les dispositions de l’article 223-1-2 sont non équivoquent et suffisamment précises pour garantir contre le risque d’arbitraire, et que le principe de légalité n’a pas été méconnu. 

Enfin, sur le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’expression et de communication, le Conseil indique que les délits prévus par l’article précité visent à lutter contre la promotion de comportements ou pratiques présentées comme bénéfiques pour la santé, alors qu’elles sont susceptibles de mettre en danger la santé des personnes. Le législateur a ainsi entendu protéger la santé, la sauvegarde de l’ordre public et prévenir les infractions. Dès lors, l’atteinte portée à la liberté d’expression était nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis. 

Seul l’article 2 de la loi, qui donnait compétence aux conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance pour traiter des questions relatives aux dérives sectaires, est jugé contraire à la Constitution, cet article ayant été introduit sans avoir de lien avec les dispositions du projet de loi. 

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