Le Quotidien du 11 mars 2024 : Concurrence

[Brèves] Déséquilibre significatif au sein d’un contrat de franchise et prescription de l’action du ministre de l’Économie

Réf. : Cass. com., 28 avril 2024, n° 22-10.314, FS-B N° Lexbase : A14802QU

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par Vincent Téchené

le 06 Mars 2024

► La prescription de l'action du ministre, qui ne fait pas l'objet de règles spéciales et est dès lors régie par l'article 2224 du Code civil, a pour point de départ le jour où ce dernier, qui est titulaire d'un droit à agir, a connu ou aurait dû connaître les faits qui, caractérisant une pratique restrictive, lui permettent d'exercer ce droit ;

En outre, la conclusion d'une transaction entre des partenaires économiques n'a pas pour effet de priver le ministre de l’Économie des pouvoirs qu’il détient pour faire cesser et sanctionner les pratiques anticoncurrentielles commises par l’un d’eux.

Faits et procédure. En mars 2017, à la suite d'une enquête menée, de 2013 à 2016 par la DGCCRF sur les relations entre franchiseurs et franchisés d’un réseau de vente de pizzas, le ministre de l'Économie et des Finances (le ministre) a assigné plusieurs franchiseurs en violation, notamment, de l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce N° Lexbase : L7575LB8, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019 N° Lexbase : L0386LQD.

Des franchisés sont intervenus volontairement, à titre principal, à l'instance introduite par le ministre.

La cour d’appel de Paris a jugé, par un arrêt du 5 janvier 2022 (CA Paris, 5-4, 5 janvier 2022, n° 20/00737 N° Lexbase : A56387HB rectifié le 20 avril 2022 (CA Paris, 5-4, 20 avril 2022, n° 22/06602 N° Lexbase : A17427U3), que le contrat de franchise que le réseau soumettait obligatoirement à ses franchisés contenait plusieurs clauses illicites car particulièrement déséquilibrées en leur défaveur. Les franchiseurs ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation apporte ici plusieurs précisions. 

  • Sur la recevabilité de l’action du ministre

La Cour de cassation retient d’abord que la prescription de l'action du ministre, qui ne fait pas l'objet de règles spéciales et est dès lors régie par l'article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC, a pour point de départ le jour où ce dernier, qui est titulaire d'un droit à agir, a connu ou aurait dû connaître les faits qui, caractérisant une pratique restrictive, lui permettent d'exercer ce droit.

Or, en l’espèce, les éléments ayant mis en évidence les dysfonctionnements du réseau ont été recueillis d'abord en 2013, lors d'une enquête relative aux délais de paiement. Ainsi, le délai de prescription quinquennale avait commencé à courir au plus tôt en 2013, de sorte l'action du ministre, introduite par assignation en mois de mars 2017, n'était pas prescrite.

Par ailleurs, la Haute juridiction précise que la conclusion d'une transaction entre des partenaires économiques, en l’occurrence les franchiseurs et certains franchisés, n'a pas pour effet de priver le ministre des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 442-6, III, devenu l'article L. 442-4, du Code de commerce N° Lexbase : L0498LQI.

  • Sur la clause d’intuitu personae caractérisant un déséquilibre significatif

Ensuite,  le contrat de franchise comportait une clause stipulant, d'une part, l'impossibilité de cession ou transmission du contrat sans l'accord préalable et exprès du franchiseur, d'autre part, l'obligation du franchisé d'informer le franchiseur de tout projet ayant une incidence sur la répartition actuelle de son capital ou de celui de son principal actionnaire, ou dans l'identité de ses dirigeants effectifs, au minimum deux mois avant la réalisation de l'opération projetée et conférant à ce dernier, en ce cas, la possibilité de constater la rupture anticipée en manifestant son intention par lettre recommandée, adressée au minimum un mois avant l'opération projetée.

L’arrêt d’appel avait alors retenu que si cette clause d'intuitu personae prévue au bénéfice du franchiseur se justifie par le fait que ce dernier a accepté de confier l'exploitation de son concept à une personne dont il a pu précisément juger les aptitudes, la personnalité, le parcours professionnel et le financement afin de préserver la réputation du réseau et favoriser son développement, l'obligation qu'elle prévoit à la charge du franchisé d'informer le franchiseur de tout projet ayant une incidence sur la répartition du capital ou dans l'identité de ses dirigeants, avec le droit corrélatif pour le franchiseur de constater la rupture anticipée du contrat de franchise, ne permet pas, en raison de l'imprécision du terme « incidence », d'appréhender la nature et le degré de l'effet du projet sur l'actionnariat ou la personne du franchisé susceptible de motiver, de la part du franchiseur, la résiliation anticipée du contrat.

Ainsi pour la Haute juridiction, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à déduire l'existence d'un déséquilibre significatif du seul fait que la clause litigieuse ne prévoyait pas de réciprocité, a pu retenir que cette dernière caractérisait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

  • Sur la publication de la décision

Enfin, la Cour de cassation retient qu’il résulte de l'article L. 442-6, III, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, que la juridiction saisie sur le fondement de ce texte ordonne systématiquement la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise.

Ainsi, il ne pouvait être reproché aux juges d’appel d’avoir ordonné la publication de l'extrait de l'arrêt faisant état de la condamnation, quand bien même ni le ministre de l'Économie, ni aucun des franchisés n'avait sollicité ladite publication dans ce journal.

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