Réf. : Cass. com., 8 novembre 2023, deux arrêts, n° 22-11.765, FS-D N° Lexbase : A48441UX et n° 22-11.766, FS-B N° Lexbase : A48431UW.
Lecture: 5 min
N7407BZD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Perrine Cathalo
le 20 Novembre 2023
► L'associé d'une société civile à capital variable qui se retire a, en application de l'article 1869 du Code civil, droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux et peut, à défaut d'accord amiable, la faire fixer par un expert désigné en application de l'article 1843-4 de ce code, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l'apport effectué mais ne s'y réduisant pas obligatoirement ;
Il résulte de l’article 1843-4 du Code civil qu'en l'absence de dispositions statutaires prévoyant une autre date, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle à laquelle le remboursement interviendra ou, le cas échéant, est intervenu en application des statuts.
Faits et procédure. Des associés d’une société civile à capital variable en ont été exclus par des assemblées générales entre 1998 et 2009, lesquelles ont fixé la valeur unitaire de leurs parts sociales ainsi que les conditions de leur remboursement.
Contestant cette évaluation, les associés exclus ont obtenu la désignation en justice d’un expert aux fins de la fixation de la valeur de leurs droits sociaux sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil N° Lexbase : L1737LRR, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-738, du 17 juillet 2019 N° Lexbase : L1482LRC. L'expert désigné ayant déposé ses rapports le 25 février 2011, les associés exclus ont assigné la société en remboursement de leurs parts sur la base de la valeur déterminée par l'expert.
Par deux décisions du 9 novembre 2021 (CA Paris, 4-13, 9 novembre 2021, n° 21/01951 N° Lexbase : A38447BY et n° 21/02545 N° Lexbase : A35487BZ), la cour d’appel a rejeté les demandes d’annulation du rapport d’expertise formulées par la société civile et l’a condamnée à payer certaines sommes aux associés exclus.
La société s'est pourvue cassation.
Décision. La Cour de cassation commence par se prononcer sur la violation du droit d'accès à la justice (CESDH, art. 6, 1
À propos de la désignation de l’expert chargé d'évaluer les droits sociaux, la Chambre commerciale constate dans les deux arrêts qu’il résulte du second alinéa de l’article L. 231-1 du Code de commerce N° Lexbase : L6273AI8 que l'associé d'une société civile à capital variable qui se retire a, en application de l'article 1869 du Code civil N° Lexbase : L2066AB7, droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux et peut, à défaut d'accord amiable, la faire fixer par un expert désigné en application de l'article 1843-4 de ce code, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l'apport effectué mais ne s'y réduisant pas obligatoirement.
La Cour va d’ailleurs jusqu’à préciser que cette ingérence a une base légale claire et accessible en droit interne en ce qu'elle est fondée sur l'article 1843-4 du Code civil et sur la jurisprudence constante qui a précisé la portée de ce texte, cette jurisprudence étant, pour la personne concernée, accessible, claire et prévisible. Autrement dit, il est couramment admis que c’est à l'expert qu’il revient de fixer librement les règles d'évaluation des droits sociaux applicables (v. déjà Cass. com., 29 juin 1993, n° 91-16.796 N° Lexbase : A9671ATD ; Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7605EGR), d’autant plus qu’en l’espèce, les statuts de la société prévoient expressément cette possibilité.
Il convient toutefois de préciser que, depuis l’importante réforme de l’article 1843-4 du Code civil par l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014
S’agissant cette fois de la date d’évaluation des droits sociaux, les Hauts magistrats rappellent qu'en l'absence de dispositions statutaires prévoyant une autre date – comme c’est le cas en l’espèce –, l’expert doit se placer à la date la plus proche du remboursement (v. déjà Cass. com., 4 mai 2010, n° 08-20.693, FS-P+B N° Lexbase : A0671EX7 ; Cass. com., 15 janvier 2013, n° 12-11.666, F-P+B N° Lexbase : A4789I3R), de sorte que l’expert n’a commis aucune erreur grossière en se plaçant à la date du 31 décembre 2009.
L’ensemble de ces constatations conduit la Cour de cassation a rejeté le pourvoi n° 22-11.765.
En revanche, la Haute juridiction constate dans la seconde décision ici rapportée (n° 22-11.766) que l’accord des parties sur la date du 31 décembre 2009 avait été contestée par la société, ce dont il résulte que cette dernière n'avait en toute hypothèse pas renoncé à contester le rapport d'expertise sur ce point. La Cour ajoute qu’il appartenait également à la cour d’appel de rechercher à quelle date chaque associé avait effectivement reçu le remboursement de ses parts, au lieu de se borner à retenir la date unique du 31 décembre 2009.
C’est ainsi que la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel (n° 21/02545).
Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : L'expertise sur la valeur des droits soiaux, in Droit des sociétés (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E6251ADU. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:487407