Réf. : CE 5/6 ch.-r., 11 octobre 2023, n° 474491, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A48521LB
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par Alexandra Martinez-Ohayon
le 28 Mai 2024
► Dans le cadre d'une procédure d'expulsion et d'un refus de concours de la force publique, le juge administratif doit tenir compte des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire statuant sur la demande d'expulsion ; Sont notamment concernées les demandes tendant à obtenir un délai avant expulsion formulées postérieurement devant le juge judiciaire.
Faits et procédure. En septembre 2022, un tribunal judiciaire a déclaré l'occupant sans droit ni titre d'un logement et a ordonné son expulsion de ce logement. En février 2023, l’huissier instrumentaire a requis le concours de la force publique. Par une décision de mars 2023, un juge de l’exécution du tribunal judiciaire a rejeté la demande de l’occupant tendant à obtenir un délai pour quitter les lieux. Par décision du 6 avril 2023, le préfet de police a accordé le concours de la force publique à compter du 1er juin 2023.
Le juge des référés du tribunal administratif a été saisi par l’occupant. Le magistrat faisant droit à la demande de l’occupant a suspendu l’exécution de cette décision. Ce dernier a estimé « qu’était propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, laquelle s’apprécie à la date à laquelle elle a été prise, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation en raison de l’atteinte à la dignité de la personne humaine, eu égard notamment à l’état de santé dégradé de l’intéressé et à l’absence de solution de relogement. »
Le ministre de l’Intérieur se pourvoit en cassation à l’encontre de cette ordonnance.
Principe. « Toute décision de justice ayant force exécutoire peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle est requise, prêter main-forte à cette exécution. Toutefois, des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire statuant sur la demande d'expulsion ou sur la demande de délais pour quitter les lieux et telles que l'exécution de l'expulsion serait susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine, peuvent légalement justifier, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, le refus de prêter le concours de la force publique.
En cas d'octroi de la force publique, il appartient au juge de rechercher si l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration sur la nature et l'ampleur des troubles à l'ordre public susceptibles d'être engendrés par sa décision ou sur les conséquences de l'expulsion des occupants compte tenu de la survenance de circonstances postérieures à la décision de justice l'ayant ordonné, ou ayant statué sur la demande de délais pour quitter les lieux, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ».
Décision. Énonçant le principe susvisé, le Conseil d’État annule l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, relevant qu’ « en retenant ce motif, sans rechercher si les circonstances sur lesquelles il se fondait, pour estimer que l’exécution de la décision contestée serait susceptible d’attenter à la dignité de la personne humaine, étaient, par la date à laquelle elles sont survenues ou ont été révélées, postérieures à la décision du juge de l’exécution qui avait refusé d’octroyer à l’intéressé un délai pour quitter les lieux, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ».
En conséquence, le Conseil d’État vient, à la marge, de faire évoluer sa formulation remontant à 2010 (CE 4/5 SSR, 30 juin 2010, n° 332259, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6077E3H).
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