Réf. : Cass. civ. 2, 12 octobre 2023, n° 22-11.031, F-B N° Lexbase : A29411LI
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 16 Octobre 2023
► L'utilisation, pour évaluer le préjudice économique du conjoint survivant, d'une méthode qui tient compte de l'accession future des enfants à l'autonomie financière, impose de déduire de la perte de revenus globale du foyer, capitalisée de façon viagère, le préjudice économique des enfants, avant imputation des capitaux décès leur revenant le cas échéant.
Méthodologie. Pour rappel, la perte de revenus des proches, qui est le préjudice subi par les proches de la victime directe, notamment en cas de décès de celle-ci, se calcule en suivant une méthodologie bien précise (v. formation Lexlearning, Dommage corporel : appliquer les bonnes méthodes de calcul, (dir. Ch. Quézel-Ambrunaz), cf. infra) :
1° calcul du revenu annuel du ménage (en actualisation les sommes passées si nécessaire) ;
2° déduction de la part d’autoconsommation de la personne décédée ;
3° déduction des revenus maintenus après l’accident (typiquement, les revenus du conjoint survivant), pour obtenir une perte annuelle ;
4° évaluation de la perte, pour le passé, et pour l’avenir avec une capitalisation (soit sur la tête de la personne qui a l’espérance de vie la plus faible ; soit sur les deux têtes, à l’aide d’un logiciel de capitalisation)
5° déduction et attribution pour chaque enfant d’une part de la perte annuelle du foyer, pour la période antérieure à la capitalisation, et pour la période postérieure capitalisée jusqu’à un âge à déterminer (18, 20, 21, 25 ans, ou de manière viagère pour un enfant handicapé)
6° Soustraction des parts des enfants pour obtenir le capital à remettre au conjoint.
L’affaire. En l’espèce, le litige concernait le calcul de la perte de revenus des proches à la suite du décès d’une mère de famille, laissant son mari et ses deux filles mineures.
La cour d’appel de Paris, dans son arrêt, avait énoncé que l'accession des enfants à l'autonomie financière imposait de réévaluer le préjudice économique du conjoint survivant puisque la part de l'enfant redevenue disponible est affectée au foyer et doit revenir, en son entier, au conjoint survivant, sans qu'il y ait lieu d'augmenter la part d'auto-consommation de la victime directe au départ des enfants, de sorte que le préjudice économique de l’époux de la victime décédée correspondait à la perte de revenus du foyer, après déduction des pertes subies par ses filles.
L'arrêt constatait que le revenu annuel du foyer s'élevait à 46 833 euros et, qu'après déduction de la part d'auto-consommation de la victime directe (20 %) et des revenus que son époux continuait de percevoir, la perte de revenus annuelle du foyer s'élevait à la somme de 15 135,40 euros, soit 750 579,62 euros, après capitalisation à titre viager.
Il évaluait le préjudice économique de la fille aînée à la somme de 52 423,72 euros, correspondant à 15 % de la perte de revenus annuelle du foyer capitalisés suivant un euro de rente arrêté à 25 ans, et celui de la fille cadette à la somme de 54 358,03 euros, suivant la même méthode, puis il leur allouait les sommes de 5 608,72 euros et 7 543,03 euros respectivement, après imputation du capital décès versé à chacune d'elles par l'assureur de l'employeur de leur mère.
L'arrêt en déduisait que le préjudice économique subi par l’époux s'établissait à la somme de 737 427,87 euros, qui correspondait à la perte de revenus du foyer capitalisée de façon viagère, déduction faite des sommes revenant à ses filles, au titre de leur préjudice économique, après déduction du capital décès perçu par chacune d'elles, et qu’il devait alors lui être alloué la somme de 686 645,69 euros (après imputation des capitaux décès lui revenant : 3 967,18 euros et 46 815 euros).
Déduction des sommes payées par les tiers payeurs aux enfants ? C’est précisément sur cette question de déduction des sommes payées par les tiers payeurs aux enfants, que la Cour de cassation était amenée à se prononcer.
Le FGTI avait formé un pourvoi pour contester l’évaluation ainsi faite par la cour, soutenant que la déduction du montant du préjudice économique des enfants devait s’opérer avant (et non après) imputation des éventuelles sommes payées par les tiers payeurs.
Réponse de la Cour de cassation. L’argument est accueilli par la Haute juridiction, qui censure l’arrêt au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, après avoir en effet relevé que la méthode d'évaluation du préjudice économique du conjoint survivant que la cour d’appel retenait imposait de déduire de la perte de revenus globale du foyer, capitalisée de façon viagère, les pertes financières subies par les deux enfants, telles qu'elles avaient été préalablement évaluées, avant imputation des capitaux décès leur revenant.
Statuant alors au fond dans l’intérêt d’une meilleure administration de la justice, la Cour de cassation retient alors que le préjudice économique du conjoint s'élève à la somme de 643 797,87 euros (750 579,62 euros - 54 358,03 euros - 52 423,72 euros) et, après imputation des capitaux décès lui revenant (3 967,18 euros et 46 815 euros), il doit lui être alloué la somme de 593 015,69 euros (et non 686 645,69 euros ; l’erreur ainsi commise par les conseillers d’appel conduisait à majorer la somme allouée au conjoint).
Pour aller plus loin : le présent arrêt fera l’objet d’un commentaire approfondi, par Aurélie Blanc, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé. Pour se former, notamment sur le calcul de la perte de revenus des proches, ou sur d’autres méthodes de calcul, v. formation Lexlearning, Dommage corporel : appliquer les bonnes méthodes de calcul, LXBEL157 (dir. Ch. Quézel-Ambrunaz). |
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