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N8932BSM
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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Sous la Direction de Véronique Nicolas, Professeur agrégé, vice-doyen de la Faculté de droit de l'Université de Nantes
Le 24 Novembre 2011
Procédure civile. Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique trimestrielle d'actualité en procédure civile réalisée par Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit et Professeur à l'Université de Grenoble II, membre de l'Institut universitaire de France (lire Chronique de procédure civile - Novembre 2011 N° Lexbase : N8925BSD). L'auteur revient, en premier lieu, sur l'arrêt en date du 7 octobre 2011 par lequel l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a retenu qu'une notification, même irrégulière, écarte l'application du délai qui interdit tout recours deux ans après la décision (Ass. plén., 7 octobre 2011, n° 10-30.191, P+B+R+I). C'est ensuite un arrêt rendu le 4 novembre 2011 par la première chambre civile de la Cour de cassation, à propos de la preuve de la libération du débiteur, qui a retenu l'attention de l'auteur (Cass. civ. 1, 4 novembre 2011, n° 10-27.035, F-P+B+I). La chronique s'achève, enfin, avec un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 20 octobre 2011, précisant les conséquences du défaut de comparution sur le respect du contradictoire (Cass. civ. 2, 20 octobre 2011, n° 10-17.660, F-P+B). |
Responsabilité médicale. Lexbase Hebdo - édition privée vous propose également de retrouver le panorama de responsabilité civile médicale de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur scientifique de l’Ouvrage "Droit médical", consacrée à l'actualité parue de juin à octobre 2011 (N° Lexbase : N8879BSN). On relèvera, entre autres, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 juillet 2011, en matière de faute médicale, retenant une nouvelle hypothèse de mise en cause de la responsabilité médicale en raison du caractère tardif ou inapproprié de la prise en charge d'un patient, en matière d'infections nosocomiales, un arrêt du 10 octobre 2011 par lequel le Conseil d'Etat a estimé que les dispositions du I de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes (CE 4° et 5° s-s-r., 10 octobre 2011, n° 328500). A noter, également, dans le cadre de l'affaire du "Bactrim Forte", un arrêt rendu par la première chambre civile en date du 6 octobre 2011, retenant le défaut du produit par défaut d'information (Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-21.709, F-D). L'auteur est également revenu sur l'arrêt rendu le 7 juillet 2011 par la première chambre civile de la Cour de cassation, duquel il ressort que l'offre dérisoire étant assimilée à une absence d'offre, l'ONIAM se trouve légalement subrogé à l'assureur qui encourt alors la pénalité égale à 15 % des sommes allouées aux intéressés (Cass. civ. 1, 7 juillet 2011, n° 10-19.766, FS-P+B+I). |
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newsid:428932
Réf. : Cass. civ. 3, 16 novembre 2011, n° 10-24.517, FS-P+B (N° Lexbase : A9400HZ8)
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N8891BS4
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 3, 16 novembre 2011, n° 10-25.246, FS-P+B (N° Lexbase : A9401HZ9)
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N8892BS7
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Le 29 Novembre 2011
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N8964BSS
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Le 24 Novembre 2011
9h : Café d'accueil
9h30 : Ouverture des travaux par Monsieur Gilles Rosati, Président du tribunal de grande instance de Créteil et Madame Nathalie Becache, Procureur de la République
10h La réponse civile
Modérateur : Madame le Bâtonnier Elizabeth Ménesguen
Génèse de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 (N° Lexbase : L7042IMR)
Intervenant : Madame Virginie Kles, Sénatrice d'Ille-et-Vilaine et Secrétaire de la Commission des Lois
Présentation de la loi
Intervenant : Maître Annie Koskas, Avocat, Membre du Conseil de l'Ordre en charge des Affaires familiales
Mise en oeuvre de l'ordonnance de protection et application jurisprudentielle du tribunal de Créteil
Intervenant : Madame Jacqueline Lesbros, Vice-Présidente du tribunal de grande instance de Créteil chargée du service des Affaires familiales
Echanges avec la salle
Pause
Les orientations du plan national de lutte contre les violences faites aux femmes
Intervenant : Madame Anaïs Guillou, Chargée de mission Départementale aux Droits des Femmes et à l'égalité
14h La réponse pénale
Modérateur : Monsieur Michel, Président de la 9ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Créteil
L'accueil des victimes
Intervenants : Capitaine Chrystèle Tabel Lacaze, Chef du SAIP et adjointe au Chef de la circonscription de sécurité de proximité de Charenton-le-Pont, et Docteur Annie Soussy, Chef du service de consultations médico-judiciaires au CHI de Créteil
La poursuite des auteurs de violences conjugales
Intervenant : Madame Lucie Delaporte, Substitut du procureur près le tribunal de grande instance de Créteil
Le jugement des auteurs de violences conjugales
Intervenants : Madame Michelle Jouhaud, Présidente de la 11ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Créteil, Maître Patricia Cohn, Avocat, ancien membre du Conseil de l'Ordre
Le suivi des auteurs de violences conjugales
Intervenants : Monsieur Claude Charamathieu, Directeur du Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation (SPIP), Monsieur Ludovic Fossey, Vice-Président du tribunal de grande instance de Créteil, chargé du service de l'Application des peines
Echanges avec la salle
Réponse souhaitée avant le 6 décembre
Tél : 01 49 81 19 13 - Fax : 01 49 81 19 45 - Mail : formation@justiceetville.fr
La participation des avocats à cette rencontre sera validée pour 6 heures au titre de l'obligation de formation continue
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Décret n° 2011-1572 du 18 novembre 2011 (N° Lexbase : L2582IR3)
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N8957BSK
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Le 30 Novembre 2011
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 18 novembre 2011, n° 346470, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9305HZN)
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N8953BSE
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Le 26 Novembre 2011
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N8926BSE
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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Le 24 Novembre 2011
Dans le cadre de son intervention, Jean-Marie Moyse a choisi d'aborder différentes problématiques liées à l'analyse de ces flux, dans une optique d'optimisation fiscale, s'agissant, notamment, de la détermination du régime applicable, au regard de l'impôt sur le revenu (IR) ou de l'impôt sur les sociétés (IS) (avantages et inconvénients lors de la détention, puis lors de la revente de l'actif), ou du choix de la taxation applicable au niveau des loyers (contribution sur le revenu locatif (CRL) ou TVA).
Face à un client amené à investir dans l'immobilier, la question essentielle à se poser est de savoir si le client investit dans une logique de revenus fonciers ou dans une logique d'impôt sur les sociétés.
1. La fiscalité de l'acquisition
Sous l'influence européenne, la fiscalité de l'acquisition (droits d'enregistrement) est aujourd'hui uniforme, le taux applicable à la mutation d'immeubles, quelque soit son usage, étant de 5,09 % (depuis la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, de finances pour 2006 N° Lexbase : L6429HET) et est applicable à toute vente portant sur un droit immobilier (immeuble ou parts d'une société à prépondérance immobilière (dont plus de 50 % de l'actif correspond à de l'immobilier affecté à l'usage de la société).
2. La fiscalité de la détention : les loyers
L'investissement immobilier touche trois catégories fiscales, à savoir les revenus fonciers (imposés dans le cadre de l'IR), les bénéfices non commerciaux (BNC) non professionnels (imposés dans le cadre de l'IR ou de l'IS), et les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) (imposés dans le cadre de l'IR ou de l'IS).
D'une manière générale, le problème de l'IR est lié, d'une part, à sa progressivité, très relative, et d'autre part à son taux élevé qui peut atteindre jusqu'à 53,3 % (soit 41 % correspondant à la tranche la plus élevée de l'IR, auquel s'ajoutent : 2,2 % de prélèvement social ; 7,5 % de CSG ; 0,5 % de CRDS ; 0,3 % de CSA (contribution solidarité autonomie) ; et 1,1 % de RSA). En comparaison avec le taux de l'IS de 33,33 %, force est de constater qu'il existe un effet de levier de 19,97 % en faveur de l'IS, au niveau de la taxation des revenus.
Maître Jean-Marie Moyse relève que l'IS présente également un grand intérêt au regard de sa stabilité. En effet, s'agissant d'un impôt qui touche à la production, aux salariés, aux grandes structures, autrement dit à la macroéconomie, il est très peu visé par les réformes fiscales contrairement à l'impôt sur le revenu.
- Le régime des revenus fonciers
Le régime des revenus fonciers est applicable de plein droit à toutes les locations nues consenties en matière civile.
A l'exception des sociétés soumises de plein droit à l'IS, c'est la nature de l'activité, à savoir civile ou commerciale, exercée par le bailleur qui commande le régime fiscal applicable à ses revenus locatifs, quel que soit son statut juridique ; les locations ayant une nature civile correspondent aux locations nues, quelle que soit la structure juridique adoptée par le bailleur.
Il en résulte que, sauf pour les sociétés soumises à l'IS, toute location nue est soumise de plein droit au régime des revenus fonciers ; inversement, toute location équipée ou de nature commerciale pour le bailleur est soumise de plein droit au régime des BIC.
La particularité du régime des revenus fonciers réside dans l'impossibilité de pratiquer un amortissement de l'immeuble. En contrepartie, toutes les dépenses ayant pour but de conserver ou d'améliorer le revenu locatif sont déductibles (honoraires d'architecte, honoraires d'expert comptable, d'avocat, de syndic, etc.).
Les éventuels déficits peuvent être déduits pour leur totalité sur d'autres revenus fonciers de l'année, sous réserve qu'ils ne soient pas la conséquence des intérêts acquittés pour le remboursement d'un emprunt. A défaut de revenus fonciers suffisants, les déficits pourront être déduits du revenu général, dans la limite légale annuelle de 10 700 euros, et pendant une durée de 10 ans.
- Le régime des BNC non professionnels
Le régime des BNC non professionnels est applicable à toutes les sous-locations qui peuvent être consenties par un locataire principal, ce dernier pouvant être locataire dans le cadre d'un bail classique, ou très souvent, dans le cadre d'un crédit-bail.
En effet, comme le souligne Maître Moyse, lorsqu'une personne investit en crédit-bail immobilier, elle revêt la qualité non pas de propriétaire, mais de crédit-preneur, c'est-à-dire qu'elle est assimilable à un locataire du bien avec une promesse de vente lors du dénouement du contrat à l'arrivée du terme. Cette personne, si elle sous-loue les locaux pour lesquels elle est liée par un crédit-bail, est considérée comme un locataire sous-louant des locaux et est imposée dans la catégorie des BNC non professionnels.
Cette catégorie de BNC non professionnels se caractérise par le fait que les déficits ne sont pas reportables dans d'autres catégories de revenus, et ils ne sont reportables que dans la même catégorie et sur une durée limitée à 5 ans.
- Le régime des BIC
Les BIC peuvent faire l'objet d'une imposition à l'IR ou à l'IS.
- Imposition à l'IR
Le régime des BIC est applicable lorsque le bailleur exerce, en tant que personne physique ou en tant que personne morale non soumise à l'IS, une activité commerciale. Cette hypothèse vise essentiellement la catégorie des locaux équipés ou des locations avec services.
L'intérêt de ce régime réside dans la possibilité d'amortir l'immeuble, ce sur une durée moyenne de 15 à 30 ans (voire 50 ans), avec des limites, notamment en ce qui concerne les loueurs meublés professionnels (amortissement réduit en proportion par rapport au loyer).
Ce régime présente cependant l'inconvénient de soumettre souvent les associés, considérés comme des commerçants, à des prélèvements sociaux de plus en importants (allocations familiales déplafonnées, assurance maladie travailleur non salarié, caisse de retraite, CSG, etc.), puisqu'ils peuvent atteindre en phase bénéficiaire près de 30 % des bénéfices.
- Imposition à l'IS
Le choix de l'impôt sur les sociétés est le choix de la stabilité ; il permet d'avoir des prévisions possibles sur le long terme ce qui n'est pas le cas d'un investissement dans une logique de revenus fonciers. La fiscalité de l'impôt est en effet relativement stable.
Exemple d'application :
Maître Moyse a considéré le cas d'un investissement d'un million d'euros dans le cadre de l'immobilier commercial (achat de locaux à usage de bureaux, ou locaux commerciaux, en vue de leur location), et de 200 000 euros correspondant à l'achat du terrain (le terrain est non amortissable). Le financement est assuré sous forme d'apport à hauteur de 500 000 euros, et sous forme d'emprunt à hauteur de 500 000 euros, remboursable sur 10 ans au taux de 5 %. Les revenus locatifs sont estimés à 10 % de la valeur de l'immeuble.
Il convient de comparer l'investissement effectué dans une logique de revenus fonciers, d'une part, et dans une logique d'imposition à l'IS, d'autre part :
1er exercice :
Revenus fonciers | Impôt sur les sociétés | |||
Recettes | Charges | Recettes | Charges | |
Loyer | 100 000 | 100 000 | ||
Charges | 15 000 | 15 000 | ||
Amortissement sur 30 ans | 0 | 33 333 | ||
intérêts | 24 102 | 24 102 | ||
Résultat fiscal | ||||
Résultat brut | 60 898 | 27 565 | ||
Abattement 14 % | ||||
Résultat net | 60 898 | 27 565 | ||
IRPP (53,3 %) / IS (33 %) | 32 459 | 9 187 | ||
Résultat IRPP/Résultat-IS | 28 439 | 18 378 | ||
Trésorerie | ||||
Loyer | 100 000 | 100 000 | ||
Charges | 15 000 | 15 000 | ||
Echéance prêt | 63 639 | 63 639 | ||
IR (53,3 %) ou IS (33 %) | 32 459 | 9 187 | ||
Résultat | - 11 098 | 12 174 |
Force est de constater que la situation est nettement plus confortable dans le cadre du régime de l'IS du fait, d'une part, de la possibilité de pratiquer un amortissement, et d'autre part du taux inférieur d'imposition.
6ème exercice :
Revenus fonciers |
Impôt sur les sociétés |
|||
Recettes |
Charges |
Recettes |
Charges |
|
Loyer |
112 000 |
112 000 |
||
Charges |
17 000 |
17 000 |
||
Amortissement sur 30 ans |
0 |
33 333 |
||
intérêts |
12 899 |
12 899 |
||
Résultat fiscal |
||||
Résultat brut |
82 101 |
48 768 |
||
Abattement 14 % |
||||
Résultat net |
82 101 |
48 768 |
||
IRPP (53,3 %) / IS (33 %) |
43 760 |
16 254 |
||
Résultat IRPP/Résultat-IS |
38 341 |
32 514 |
||
Trésorerie |
||||
Loyer |
112 000 |
112 000 |
||
Charges |
17 000 |
17 000 |
||
Echéance prêt |
63 639 |
63 639 |
||
IR (53,3 %) ou IS (33 %) |
43 760 |
16 254 |
||
Résultat |
- 12 399 |
15 107 |
On constate une aggravation de la situation (en revenus fonciers) du fait de la part plus faible d'intérêts déductibles.
10ème exercice :
Revenus fonciers |
Impôt sur les sociétés |
|||
Recettes |
Charges |
Recettes |
Charges |
|
Loyer |
122 000 |
122 000 |
||
Charges |
18 000 |
18 000 |
||
Amortissement sur 30 ans |
0 |
33 333 |
||
intérêts |
1 691 |
1 691 |
||
Résultat fiscal |
||||
Résultat brut |
102 309 |
68 976 |
||
Abattement 14 % |
||||
Résultat net |
102 309 |
68 976 |
||
IRPP (53,3 %) / IS (33 %) |
54 531 |
22 762 |
||
Résultat IRPP/Résultat-IS |
47 778 |
46 214 |
||
Trésorerie |
||||
Loyer |
122 000 |
122 000 |
||
Charges |
18 000 |
18 000 |
||
Echéance prêt |
63 639 |
63 639 |
||
IR (53,3 %) ou IS (33 %) |
54 531 |
22 762 |
||
Résultat |
- 14 170 |
17 599 |
11ème exercice :
Revenus fonciers |
Impôt sur les sociétés |
|||
Recettes |
Charges |
Recettes |
Charges |
|
Loyer |
124 000 |
124 000 |
||
Charges |
18 000 |
18 000 |
||
Amortissement sur 30 ans |
0 |
33 333 |
||
intérêts |
0 |
0 |
||
Résultat fiscal |
||||
Résultat brut |
106 000 |
72 667 |
||
Abattement 14 % |
||||
Résultat net |
106 000 |
72 667 |
||
IRPP (53,3 %) / IS (33 %) |
56 498 |
23 980 |
||
Résultat IRPP |
49 502 |
48 687 |
||
Trésorerie |
||||
Loyer |
124 000 |
124 000 |
||
Charges |
18 000 |
18 000 |
||
Echéance prêt |
- |
- |
||
IR (53,3 %) ou IS (33 %) |
56 498 |
23 980 |
||
Résultat |
49 502 |
82 020 |
Conclusions
Maître Moyse en conclut que l'investissement est plus aisément réalisable si l'on se place dans le cadre du régime de l'IS du fait de la possibilité de pratiquer l'amortissement, et du fait du taux inférieur d'imposition. En phase de remboursement d'emprunt, le régime de l'IS permet de conserver une trésorerie toujours positive.
Lorsque l'emprunt est remboursé, donc en phase de détention, et lorsque les résultats de la société sont distribués aux associés, les deux impositions s'équilibrent, compte tenu, d'une part, du jeu de l'IS dans la société, et, d'autre part, du jeu de l'IR lors de la distribution des revenus.
Il faut toutefois considérer la situation lors de la revente des parts sociales ou des actions. En effet, dans le cadre du régime de l'IS, la plus-value réalisée sur la vente des parts sociales ou actions est imposée au taux de 32, 5 %, comme une plus-value professionnelle, quelle que soit la durée de détention. Dans le cadre du régime des revenus fonciers, il faut savoir que les plus-values sont exonérées après 30 années de détention, le régime des plus-values des particuliers étant applicable. Par ailleurs, dans le cadre d'une imposition à l'IS, l'acquéreur des parts sociales fait valoir le fait qu'il ne peut plus pratiquer l'amortissement, ce qui va conduire à l'application d'une décote sur la valeur d'acquisition de l'immeuble correspondant à la valeur de l'amortissement déjà pratiquée. Il apparaît donc une difficulté à appréhender la réalité du prix de l'immeuble en raison de la taxation.
En dernier lieu, Maître Moyse est revenu sur le problème lié à l'instabilité du régime de l'impôt sur le revenu, qui constitue une source d'insécurité dans le cadre d'un investissement.
Dès lors, l'intervenant a insisté sur l'importance de prévenir les clients qui réalisent des opérations d'investissement immobilier, sur l'instabilité du régime des revenus fonciers, d'une part, mais sur le problème des plus-values en cas de revente dans le cadre d'une imposition à l'IS, d'autre part.
Maître Moyse a rappelé la théorie fiscale de l'acte anormal de la gestion. En effet, il faut savoir que la mise à disposition gratuite de locaux constitue, pour l'administration fiscale, une libéralité donnant lieu à la réintégration des loyers dans l'assiette des résultats imposables du bailleur.
De même, la perception d'un loyer minoré est constitutive d'un avantage au profit du locataire, entraînant la réintégration dans l'assiette d'imposition du bailleur du montant correspondant à la différence entre la valeur locative et le loyer acquitté.
Enfin, l'abandon volontaire par le bailleur de loyers qui lui sont dus peut également constituer un acte anormal de gestion. Le bailleur doit pouvoir justifier qu'il a engagé les procédures et les mesures d'exécution nécessaires au recouvrement des loyers.
- Domaine d'application de la CRL (supprimée à partir de l'imposition des revenus perçus en 2006)
Cette imposition, qui représente 2,50 % du loyer HT, payable par le bailleur et récupérable sur le locataire, ne s'appliquait que lorsque le montant annuel des loyers dépassait 1 830 euros.
S'agissant de son domaine d'application, tout d'abord, la CRL concerne les locations ou sous-locations d'immeubles nus, lesquelles sont exonérées de TVA en application de l'article 261-D du CGI (N° Lexbase : L7342IGZ).
Les personnes physiques sont exonérées de CRL à l'exception des sociétés soumises à l'IS, et pour les autres sociétés, celles dans lesquelles au moins l'un des associés est imposable à l'IS.
Autrement dit, la CRL ne concerne pas les particuliers : les personnes physiques ainsi que les personnes morales non soumises à l'IS, et dans lesquelles tous les associés sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers lesquels sont tous exonérés de la CRL.
L'inconvénient de la CRL tient à ce qu'elle constitue une charge non récupérable, tant pour le bailleur que pour le preneur.
C'est la raison pour laquelle l'option pour la TVA peut présenter un intérêt, a fortiori lorsque le locataire est lui-même assujetti.
- Domaine d'application de la TVA
La TVA est automatiquement applicable pour certaines catégories de locations qui sont soumises de plein droit à la TVA.
C'est tout d'abord le cas des locations d'immeubles équipés. Il s'agit des locations avec tous les équipements nécessaires pour l'exploitation du locataire (bureaux entièrement équipés avec le mobilier, hôtels). Sont ensuite concernées les locations avec services : il s'agit des locations de bureaux non seulement équipées, mais avec mise à disposition de personnel. Par ailleurs, lorsqu'est prévue une "clause recettes" dans le bail, cela constitue une participation à l'exploitation du locataire et correspond donc à l'exercice d'une activité commerciale : le loyer est obligatoirement soumis à la TVA. Enfin, la location de parkings isolés est également soumise de plein droit à la TVA.
Mais en dehors de ces cas d'application légale, la TVA peut être appliquée sur option. L'option à la TVA présente un grand intérêt lorsque l'on est en présence d'un locataire commerçant, qui est lui-même assujetti en raison de la faculté de récupération mensuelle de cette taxe. Par ailleurs, dans le cadre d'un immeuble neuf qui vient d'être livré, l'option à la TVA présente l'intérêt de récupérer la TVA résiduelle sur la construction.
S'agissant des modalités d'exercice de l'option à la TVA, l'option peut être exercée n'importe quel jour du mois, et prend effet le premier jour du mois suivant l'option réalisée. L'option est valable 10 ans. En vertu de l'article 260-2 du CGI (N° Lexbase : L7398IG4), s'il est possible d'imposer l'exercice de l'option à la TVA, en cours de bail, à un locataire assujetti total, alors qu'il n'est pas possible de l'imposer à un non assujetti ou à un assujetti partiel. Quoi qu'il en soit, la possibilité d'option à la TVA doit être prévue lors de la conclusion du bail ou de son renouvellement.
Lorsqu'il existe plusieurs immeubles, il est possible d'opter par immeuble ou par groupe d'immeubles. En présence d'immeubles mixtes (à usage d'habitation et professionnel), Maître Moyse a rappelé qu'il convient de créer un "compte prorata" pour la récupération de la TVA. La faculté de récupération de la TVA se trouve limitée par le fait qu'une partie de l'immeuble est louée à usage d'habitation donc non soumise à la TVA. Le prorata peut être calculé, au choix, soit en fonction des surfaces respectives d'habitation et commerciale, soit en fonction de la masse des loyers respectifs.
3. La fiscalité des paiements non périodiques
Le dépôt de garantie n'est pas taxable. En effet, tant que le locataire est dans les lieux, le dépôt de garantie ne peut être taxé puisqu'il n'est pas acquis au bailleur. N'étant pas taxable, le dépôt de garantie est donc versé HT.
Lors du départ du locataire, le dépôt de garantie ne peut être acquis au bailleur qu'en cas de dégradations du local causées par le locataire. Si le bailleur appréhende alors le dépôt de garantie, il est redevable de la TVA, ce qui diminue son montant de 19,6 %.
Mais la facturation TTC d'un dépôt de garantie TTC, présente le risque, en cas de contrôle, que l'administration fiscale considère que l'application de la TVA suppose que le dépôt de garantie est acquis, et que son montant doive donc être intégré dans les revenus.
Il existe fréquemment dans les baux, une clause prévoyant que le preneur devra acquitter ou rembourser au bailleur certaines charges ou impositions dont il est normalement redevable en vertu de la loi ou des usages. Il convient alors de savoir comment doivent être facturés ces remboursements.
Partant de l'analyse faite en matière de crédit-bail, l'administration fiscale considère que l'on doit ajouter au quittancement du loyer tous les quittancements portant sur les dépenses récupérées sur le locataire, et que l'on doit y appliquer la TVA. Le bailleur est donc dans l'obligation de réintégrer toutes ces charges dans le quittancement, qu'elles aient été payées ou non par le bailleur.
- Le droit d'entrée
Le droit d'entrée correspond aux sommes versées lors de la prise de possession des lieux par le locataire.
Sur le plan fiscal, en principe, ce versement est analysé comme un supplément de loyer. Dans le patrimoine du bailleur, le droit d'entrée est donc traité comme un loyer, taxable l'année au cours de laquelle il a été encaissé.
Mais il peut aussi être analysé comme une indemnité. La jurisprudence administrative considère, en effet, que si l'on est en mesure de démontrer que les conditions du bail consenti au locataire sont particulièrement avantageuses (s'agissant, par exemple, d'une durée du bail supérieure à 9 ans, ou de la faculté de sous-louer, ou de la libre cession du droit au bail...), ces conditions sont de nature à aggraver la charge du propriétaire et à diminuer la valeur du bien. Le droit au bail peut alors être considéré comme venant compenser une perte en capital de la valeur de l'immeuble (cf., notamment, CE Contentieux, 24 février 1978, n° 97347 N° Lexbase : A4916AIW). Si cette preuve du caractère indemnitaire de ce versement peut être rapportée, celui-ci n'est pas taxable, sous réserve du contrôle de l'administration.
Dans le patrimoine du locataire, le droit d'entrée est considéré comme un complément de loyer.
Si la masse des loyers payés auxquels on ajoute le neuvième du droit d'entrée (bail de neuf ans) correspond à la valeur locative, il faut considérer que le droit d'entrée constitue bien un supplément de loyers (CE Contentieux, 25 juillet 1980, n° 18189 N° Lexbase : A9334AIK). Le locataire a alors la possibilité soit de le déduire par neuvième, soit de le déduire en une seule fois au titre d'une année.
Dans le cas où le droit d'entrée est considéré comme une indemnité versée au propriétaire en contrepartie des conditions de conclusion du bail, il est considéré comme l'acquisition d'un élément d'actif, non amortissable, et n'est pas déductible en tant que charge ; il servira éventuellement dans le calcul des plus-values en cas de revente du fonds de commerce (CE Contentieux, 20 avril 1988, n° 49791 N° Lexbase : A7012APE).
Cette distinction est donc à prendre en compte lors de la négociation du bail commercial.
- L'indemnité d'éviction
Inversement, le bailleur peut être amené à verser une indemnité en cas d'éviction du locataire.
Dans le patrimoine du bailleur
Dans un premier temps, le Conseil d'Etat considérait que l'indemnité d'éviction qui était versée par le bailleur n'était pas traitable fiscalement, autrement dit, qu'il ne s'agissait pas d'une charge déductible au niveau de ses revenus (CE Contentieux, 20 octobre 1978, n° 7157 N° Lexbase : A4718AIL).
Dans un deuxième temps, la jurisprudence a considéré qu'il y avait lieu d'opérer une distinction selon les circonstances.
Si l'indemnité d'éviction est versée pour reprendre la libre disposition de l'immeuble, sans l'intention de le relouer, alors le versement de l'indemnité d'éviction correspond à une augmentation de valeur de l'immeuble en capital, du fait de l'absence de locataires. Dans ce cas, l'indemnité d'éviction ne peut être traitée comme une charge déductible (CE Contentieux, 4 novembre 1983, n° 33903 N° Lexbase : A9822ALD).
Si le refus de renouvellement du bail a pour but de se départir d'un locataire qui paie un loyer trop faible, l'indemnité d'éviction peut être traitée comme une charge, dès lors que l'on peut considérer que cette indemnité a permis d'améliorer et reconstituer le revenu locatif, en relouant à des conditions plus avantageuses (CE Contentieux, 10 juillet 1989, n° 41069 N° Lexbase : A0780AQX). Dans une logique de revenus fonciers, elle peut donc être traitée sur une durée de dix ans et permettre de faire remonter du déficit, à concurrence de 10 700 euros par an sur le revenu général.
Dans le patrimoine du locataire, le traitement fiscal de l'indemnité d'éviction correspond à celui applicable à la cession de son fonds de commerce. La difficulté tient à la ventilation de l'indemnité.
L'indemnité d'éviction doit en effet être ventilée dans la mesure où certaines sommes perçues par le locataire sont considérées comme des recettes qu'il va passer lui-même en charge alors que d'autres sont la contrepartie de la cession d'un élément d'actif, c'est-à-dire le droit au bail ou le fonds de commerce, taxable selon le régime des plus-values professionnelles auquel est soumis le locataire commerçant.
Il convient de bien distinguer, d'une part, les indemnités accessoires correspondant aux sommes reçues au titre des frais normaux de déménagement, réinstallation, remploi, licenciement, pertes sur stock, droits de mutation et commissions diverses, et d'autre part, les sommes versées au titre de la perte d'un élément d'actif.
La partie de l'indemnité correspondant à la perte d'un élément d'actif immobilisé (c'est-à-dire le droit au bail ou le fonds de commerce) est traitée comme un prix de cession soumis au régime des plus-values réalisées sur la cession d'éléments d'actifs immobilisés (CGI, art. 39 duodeciès N° Lexbase : L3233IGT).
S'agissant des frais liés au déménagement et autres, d'un côté, l'indemnité perçue au titre de ces frais est considérée comme une recette constitutive d'un résultat d'exploitation, et de l'autre, les frais correspondant sont traités en charges déductibles, ce qui entraîne la neutralité de l'opération.
La ventilation doit pouvoir être justifiée auprès de l'administration fiscale. Cette justification peut résulter de la convention des parties, d'un rapport d'expertise judiciaire ou d'un jugement ; le cas échéant, il conviendra de faire réaliser par un expert l'évaluation de la valeur du droit au bail ou de la valeur du fonds de commerce.
S'agissant du rattachement de l'imposition, dans le cadre du régime des BIC, le critère de rattachement est celui de la date d'acquisition de la créance. Il s'agit de l'exercice au cours duquel elle est devenue certaine, liquide et exigible.
- Les aménagements réalisés par le locataire dans les lieux loués (clauses d'accession et sort des travaux)
Lorsque l'accession, le bailleur reçoit, lors du départ du locataire, les améliorations réalisées par ce dernier en cours de bail.
En l'absence de versement d'une indemnité, l'administration fiscale considère qu'il faut tenir compte de l'enrichissement qu'il a pu recevoir lors de l'accession du fait des travaux qui ont été réalisés par le locataire, pour un montant correspondant à la valeur résiduelle de ces travaux, c'est-à-dire la valeur de l'amélioration au moment de l'accession (et non pas au montant des travaux payés par le locataire).
Si les travaux donnent lieu à une indemnité au profit du preneur, il faut considérer que celui-ci a cédé un élément d'actif, qui est taxable au titre des plus-values.
- Les indemnités de changement ou d'extension de commerce
L'indemnité dite de déspécialisation, versée par le locataire au bailleur qui l'autorise à exercer une activité différente de celle prévue dans le bail d'origine, constitue une charge déductible pour le locataire. Du côté du bailleur, on considère que l'indemnité perçue est destinée à compenser une perte de recette ou un accroissement de ses charges (donc un préjudice), et qu'elle ne constitue donc pas un revenu imposable.
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Réf. : TGI Toulouse, 5ème ch. correc., 20 juillet 2011, n° 06000061278 (N° Lexbase : A9216HZD)
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par Sabine Lipovetsky, avocat associé, Kahn & Associés
Le 24 Novembre 2011
I - Le "Texas Hold'Em" n'est pas un jeu de hasard selon les juges
Le débat portant sur la qualification juridique du poker en tant que jeu d'adresse ou jeu de hasard revient régulièrement dans les prétoires français dans le cadre de poursuites pénales pour tenue de maisons de jeux de hasard. En effet, ce délit consacré à l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983, relative aux jeux de hasard (loi n° 83-628 N° Lexbase : L0919HUL) est passible de sévères peines d'amende et d'emprisonnement. Le principal axe de défense des personnes poursuivies consiste à démontrer que le poker est en réalité un jeu d'adresse dans le but d'échapper à l'application des dispositions de ladite loi.
Selon une jurisprudence ancienne et constante des tribunaux judiciaires, le jeu de hasard se définit comme tout jeu où la chance prédomine sur l'habileté, la ruse, l'audace et les combinaisons de l'intelligence. La loi du 12 mai 2010, relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (loi n° 2010-476 N° Lexbase : L0282IKN), consacre cette définition du jeu de hasard en le qualifiant de "jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence".
La Cour de cassation a, dès la fin du XIXème siècle, qualifié le poker de jeu de hasard reconnaissant que "les pertes et les gains parfois considérables que les joueurs peuvent faire [à ce jeu] dépendent beaucoup plus du hasard et de la chance que de leur habileté, de leur ruse, de leur audace et des combinaisons diverses dont ce jeu est susceptible" (Cass. crim. 28 mai 1930, Gaz. Pal., 1930.2.65).
Toutefois, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans une décision en date du 21 octobre 2010, avait déjà pu relever que le poker n'est pas un jeu de "pur hasard dès lors que l'habileté et la stratégie dans la pratique de ce jeu sont nécessaires afin d'accroître de façon importante la possibilité de percevoir des gains et d'augmenter leur montant" (TA Clermont-Ferrand, du 21 octobre 2010, n° 0900640 N° Lexbase : A5691HMQ). Le tribunal en avait alors déduit que la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dans des conditions assimilables à une activité professionnelle, est susceptible de constituer une occupation lucrative ou une source de profits générant un revenu imposable dans la catégorie des bénéfices commerciaux en vertu de l'article 92 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7147ICP).
Une décision de la cour d'appel de Versailles, en date du 4 mars 2009, semblait également laisser entrevoir une ouverture. En effet, la juridiction d'appel indiquait que le hasard dans le jeu de poker pouvait être "neutralisé par la multiplication des coups et des parties" sans en tirer aucune conséquence juridique en l'espèce (CA Versailles, 9ème ch., 4 mars 2009, n° 07/01408 N° Lexbase : A7262EDC).
Il est vrai que la maîtrise du poker nécessite avant tout des qualités psychologiques (un sens de l'observation, une capacité à adapter sa stratégie à ses adversaires et à son environnement, une discipline permettant la patience nécessaire pour attendre les tables les plus profitables et les meilleures mains) ainsi qu'une connaissance des probabilités de distribution des mains, des probabilités et mécanismes de leurs améliorations dans la variante jouée.
Il est ainsi fréquemment soutenu que, dans le cadre du poker, l'expérience du joueur, son sens de l'observation et de la stratégie ou encore son aptitude à "bluffer" sont autant de preuves du fait que les combinaisons de l'intelligence prédominent sur la chance.
Dans la décision du tribunal correctionnel de Toulouse en date du 20 juin 2011, la qualification de jeu de hasard a été clairement rejetée pour la première fois en matière de poker par un juge français. Plusieurs hommes d'affaires toulousains étaient poursuivis pour avoir organisé au sein des locaux d'une association des parties et tournois de poker dit "Texas Hold'Em". La défense s'est appuyée sur l'avis de trois experts dont un joueur professionnel de ce type de jeu, un champion de France d'échecs et de bridge, jeux dans lesquels les combinaisons de l'intelligence prévalent sur la chance, ainsi qu'un docteur en mathématiques. La conjonction de leurs témoignages a ainsi convaincu le tribunal du fait que la technique et les qualités de maîtrise, de ruse et de "bluff" jouaient un rôle prépondérant dans le déroulement de ce jeu.
II - La décision du 20 juin 2011 ouvre des perspectives mais sa portée est incertaine
La portée de la décision du 20 juin 2011 est limitée à une variante de poker, le "Texas Hold'Em". Cette variante, également dénommée "poker ouvert", se joue avec sept cartes (au lieu de cinq) dont deux sont tenues en main et cinq autres sont exposées à la vue des autres joueurs. Cette configuration particulière du poker permet des combinaisons qui rapprochent ce jeu de celui du bridge, ce qui a d'ailleurs été mentionné dans la décision du tribunal correctionnel. Or, les juges considèrent de façon constante le bridge comme un jeu dans lequel la technique prévaut sur la chance. En conséquence, il n'est pas évident que le principe retenu dans cette décision à propos du "Texas Hold'Em" puisse être étendu à toute autre variante de poker, et notamment à la seconde variante, le "Omaha Poker 4", visée dans le décret d'application du 29 juin 2010 (décret n° 2010-723, relatif aux catégories de jeux de cercle mentionnées au II de l'article 14 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne N° Lexbase : L6376IM4).
Pour ce qui concerne le poker "Texas Hold'Em", quelles sont les conséquences de la décision du 20 juin 2011 ? S'il est considéré comme un jeu d'adresse échappant à l'infraction de "tenue de maison de jeux de hasard", doit-il continuer à entrer dans le champ d'application de la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ?
Comme le rappelle le rapport d'information sur la mise en application de la loi du 12 mai 2010, cette dernière ne s'applique "qu'aux seuls jeux d'argent et de hasard, entendus comme des 'jeu[x] payant[s] où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence', selon la définition, tirée de la jurisprudence des tribunaux judiciaires, inscrite à l'article 2". En reconnaissant que le "Texas Hold'Em" ne constitue pas un jeu de hasard au sens entendu par la Cour de cassation, ce type de jeu ne peut, a fortiori, répondre à la définition donnée par la loi susmentionnée.
Les conséquences d'une telle interprétation doivent être appréciées au regard des obligations mises à la charge des opérateurs de jeux de hasard en ligne par ladite loi. En effet, la loi soumet, tout d'abord, l'activité des opérateurs à l'obtention d'un agrément auprès de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Dans le cadre de cette procédure, les opérateurs doivent prouver leur capacité à respecter leurs obligations légales en terme de stabilité financière et de contraintes techniques. A cet effet, les candidats doivent respecter un cahier des charges particulièrement exigeant. Par ailleurs, la loi a des implications fiscales en ce qu'elle impose aux opérateurs de s'acquitter de droits fixes. Une fois l'agrément obtenu, la loi impose encore à l'opérateur de prendre certaines dispositions en matière de comptabilité, de publicité ou encore de lutte contre l'addiction. Ainsi, c'est la nécessité de satisfaire l'ensemble de ces obligations qui pourraient être remises en cause s'il était confirmé que cette variante du poker ne répond pas à la définition des jeux d'argent et de hasard donnée à l'article 2 de la loi du 12 mai 2010.
Un cadre légal, spécifique aux jeux dans lesquels le hasard intervient mais où les combinaisons de l'intelligence prévalent, pourrait être étudié, retenant notamment un système plus souple d'agrément de manière à faciliter l'ouverture du marché des jeux en ligne en France.
La décision du 20 juin 2011 a été rendue par une juridiction de première instance et fait l'objet d'un appel. Une attention particulière devra donc être portée aux suites données à ce jugement qui soulève beaucoup d'interrogations quant au cadre légal en place concernant le poker à l'instar de récentes décisions de justice rendues en Suède ou encore aux Pays-Bas.
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Réf. : Cass. crim., 16 novembre 2011, n° 10-87.866, F-P+B (N° Lexbase : A9397HZ3)
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Le 25 Novembre 2011
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Réf. : Cass. crim., 26 octobre 2011, n° 10-88.030, F-P+B (N° Lexbase : A9522HZP)
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Le 24 Novembre 2011
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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France
Le 24 Novembre 2011
En procédure civile, les arrêts d'Assemblée plénière s'enchaînent, depuis quelques années, à un rythme soutenu. L'arrêt commenté, rendu le 7 octobre 2011, tranche une question apparemment technique, mais d'une portée essentielle, puisqu'elle concerne l'exercice des voies de recours et leur recevabilité.
En 1994, le tribunal de grande instance de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de deux époux. En 2004, près de dix ans plus tard, l'épouse interjeta appel de ce jugement. Saisie du recours, la cour d'appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 17 novembre 2009 N° Lexbase : A5251EUZ) le déclara irrecevable, car ayant été formé plus de deux ans après le prononcé de la décision attaquée, contrairement aux termes de l'article 528-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6677H7G), qui dispose que, "si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l'expiration dudit délai".
Dans cette affaire, le jugement avait fait l'objet d'une notification simplifiée. En vertu de l'article R. 631-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L0995HZU) (applicable devant le tribunal de grande instance), la notification doit être réalisée par le greffier par l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception. Pourtant, en l'espèce, cette notification fut irrégulière, car le greffier n'avait pas indiqué le prénom de l'épouse contrairement aux prescriptions de l'article 665 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6839H7G). La lettre n'arriva pas à son destinataire et fut retournée au greffe avec la mention "Homonymie Précisez Prénom". La situation juridique était complexe puisqu'une notification avait bien été faite par le greffier, mais cette notification, irrégulière, n'avait pas atteint son destinataire. Un doute existait sur l'application de l'article 528-1 du Code de procédure civile et donc sur la recevabilité de l'appel.
La décision rendue par la cour d'appel fit l'objet d'un premier pourvoi en cassation examiné par la deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 21 février 2008, n° 06-14.726, F-D N° Lexbase : A0484D73). La Cour de cassation affirma alors clairement que la décision de première instance "avait été notifiée et peu important que la notification fût entachée d'une irrégularité susceptible d'en affecter l'efficacité". En d'autres termes, l'article 528-1 du Code de procédure civile ne s'appliquait pas en raison de la notification et le délai de deux ans imposé par cette disposition devait être écarté.
L'affaire renvoyée devant la cour d'appel de Bordeaux fit l'objet d'un arrêt de résistance. Ainsi, la juridiction de renvoi considéra que la lettre recommandée renvoyée à son expéditeur sans avoir été délivrée "ne constitue pas une notification au sens de l'article 665 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6839H7G)". Cette décision fit l'objet d'un nouveau pourvoi naturellement accompagné d'une saisine de l'Assemblée plénière.
Le problème soulevé par cette affaire présentait tout à la fois une grande complexité juridique et un intérêt pratique considérable. Il s'agissait de savoir quelle était la portée d'une notification irrégulière qui n'avait pas atteint son destinataire, sur l'exercice d'une voie de recours.
La solution adoptée par l'Assemblée plénière, simple en apparence, mérite quelques explications. L'arrêt est rendu au visa de l'article 528-1 du Code de procédure civile. Selon la Haute juridiction, "une lettre recommandée adressée par le greffe constitue la notification prévue par ce texte, peu important que celle-ci soit entachée d'une irrégularité". En conséquence, elle casse l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi qui avait déclaré l'appel irrecevable.
Par principe, l'appel contre une décision de première instance est encadré par deux délais. Le délai d'appel est d'un mois à compter de la notification du jugement. Si la notification n'a pas eu lieu, l'appel peut tout de même être exercé, mais il doit l'être dans le délai de deux ans à compter du prononcé du jugement. A l'issue des deux ans, l'appel est irrecevable. Cette seconde règle vise à sécuriser la décision de justice lorsqu'un délai suffisamment long s'est écoulé pour signifier le désintérêt des parties à l'égard de la décision de justice. Soit cette décision a été exécutée volontairement, soit la partie gagnante n'a pas souhaité en obtenir l'exécution et elle a négligé de la notifier.
En revanche, si la notification a eu lieu, l'article 528-1 est inapplicable. La notification n'entraîne pas une interruption du délai de deux ans, mais plus radicalement son exclusion. Le délai d'appel peut devenir éternel, comme nous le verrons plus loin.
La portée de la notification irrégulière sur l'existence du délai d'exercice du recours a fait l'objet de trois interprétations différentes dans cette affaire.
La première cour d'appel saisie a considéré que le jugement n'"avait pas été régulièrement notifié". De façon implicite, la cour d'appel se situait sur le terrain de la nullité procédurale. Le prénom de l'épouse ne figurait pas sur la lettre recommandée. Il s'agit là d'une formalité prévue à peine de nullité textuelle. La formalité n'ayant pas été respectée, la partie concernée n'avait pas eu connaissance du jugement et s'était vue privée de son droit d'appel. L'irrégularité avait donc causé un grief et l'on pouvait considérer que la notification faite par le greffier était atteinte de nullité. L'acte nul ne pouvant produire d'effet, le délai de deux ans prévu à l'article 528-1 trouvait à s'appliquer et l'appel formé dix ans après la décision était irrecevable.
La seconde cour d'appel se situait sur un autre terrain plus incertain. Celui de l'inexistence ou de l'omission de l'acte. La cour de renvoi considérait ainsi que la lettre recommandée, qui avait été retournée au greffier pour correction du destinataire, ne constituait pas une notification. Implicitement, l'irrégularité rendait la notification inexistante. Cette position est aujourd'hui délicate à tenir. En effet, depuis un arrêt de Chambre mixte rendu le 7 juillet 2006, la Cour de cassation a mis fin à la théorie de l'inexistence en affirmant que "quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du nouveau Code de procédure civile" (Cass. mixte, 7 juillet 2006, n° 03-20.026, P+B+R+I, N° Lexbase : A4252DQK). Ainsi, l'irrégularité procédurale ne peut affecter un acte au point de le rendre inexistant. Malgré tout, cette jurisprudence n'exclut pas qu'un acte de procédure ne produise aucun effet dès lors qu'il n'a pas été réalisé. Une lettre recommandée ne peut donc valoir notification si elle n'a pas été délivrée à son destinataire. On peut ainsi estimer que la notification est omise ou qu'elle n'existe pas. C'est le sens de la décision de la cour d'appel de renvoi.
La Cour de cassation adopte une attitude radicalement opposée en considérant que la lettre recommandée, même irrégulière, constitue une notification au sens de l'article 528-1. Pour comprendre que la Cour de cassation fasse produire un effet à un acte irrégulier, il faut se reporter au rapport du conseiller rapporteur. Pour le magistrat, l'esprit de l'article 528-1 est de sanctionner le justiciable qui fait preuve d'inertie en ne notifiant pas le jugement. A l'inverse, "en présence d'une notification irrégulière, l'auteur de la notification a, malgré l'irrégularité dont cette dernière est affectée, montré sa volonté de se prévaloir du jugement ou de le critiquer par les voies de recours". Cette volonté de se prévaloir du jugement suffit donc à écarter le délai de deux ans. Le rapporteur est plus clair encore lorsqu'il affirme : "il y a eu une tentative de notification de sorte que l'on peut retenir qu'il y a eu notification". La simple volonté de notifier produirait, dans l'esprit du Code de procédure civile, la mise à l'écart du délai de deux ans.
La solution n'est pas convaincante. Elle l'est d'autant moins dans l'espèce étudiée, puisque la notification n'avait pas été initiée par une partie, mais par le greffier. En effet, par principe, les jugements doivent être signifiés entre les parties pour produire leurs effets (exécution, point de départ des voies de recours). Par dérogation, certains jugements sont notifiés de façon simplifiée par le greffier et par simple lettre recommandée avec avis de réception. Cette procédure présente des avantages évidents, mais elle ne permet pas de manifester une volonté de notification émanant de l'une des parties. Celles-ci peuvent se désintéresser du jugement, malgré la notification. C'est d'ailleurs ce qui semble s'être passé dans les faits puisque l'épouse placée en redressement judiciaire a interjeté appel du jugement près de dix années après son prononcé.
En adoptant une telle solution, la Cour de cassation confirme pourtant une jurisprudence constante. Dans un arrêt du 2 mars 2000, la deuxième chambre civile jugeait déjà qu'une décision "était notifiée, peu important que la notification fût entachée d'une irrégularité susceptible d'en affecter l'efficacité" (Cass. civ. 2, 2 mars 2000, n° 98-13.648 N° Lexbase : A7296CEX). Cette solution a été reprise par la Chambre commerciale dans un arrêt du 7 janvier 2003 (Cass. com., 7 janvier 2003, n° 98-13.133, FS-D N° Lexbase : A6026A4X). Enfin, c'est en ce sens que la deuxième chambre civile avait statué dans l'arrêt du 21 février 2008 (Cass. civ. 2, 21 février 2008, n° 06-14.726, F-D N° Lexbase : A0484D73) qui fit l'objet d'un renvoi dans l'espèce étudiée. Dès lors, il y avait peu de raisons de douter que l'Assemblée plénière, saisie après résistance d'une cour d'appel, confirme la solution adoptée de façon uniforme par les chambres civile et commerciale.
Mais dans l'espèce étudiée, une autre raison de fait pouvait conduire à la mise à l'écart du délai de deux ans. Le greffier avait commis une faute susceptible d'entraîner la responsabilité de l'Etat du fait du dysfonctionnement du service public de la justice. En effet, l'article 670-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6850H7T) dispose qu'en cas de retour d'une lettre recommandée dont l'avis de réception n'a pas été signé par le destinataire, le greffier doit inviter "la partie à procéder par voie de signification". Pourtant, dans l'affaire qui était soumise à l'assemblée plénière, le greffier avait omis cette formalité. Le jugement d'ouverture du redressement judiciaire n'avait donc été ni notifié régulièrement en la forme ordinaire par le greffier, ni signifié par les parties. Si la Cour de cassation appliquait l'article 528-1 du Code de procédure civile, elle rendait l'appel irrecevable en raison d'une faute du greffier. La responsabilité de l'Etat aurait très probablement été engagée.
Il y avait donc autant de raisons de droit, que de fait, d'écarter l'application de l'article 528-1 du Code de procédure civile et la seule manière de le faire était de considérer que la notification, même irrégulière, constituait bien une notification au sens de l'article 528-1 et avait pour effet de rendre inapplicable le délai de deux ans.
Mais la solution retenue ne manque pas de surprendre par la contradiction qu'elle contient.
En effet, de la combinaison des articles 528 (N° Lexbase : L6676H7E) et 528-1, on devrait déduire que :
- en cas de notification, le délai d'appel est d'un mois à compter de la signification ;
- en absence de notification, le délai d'appel est de deux ans à compter du prononcé du jugement.
En présence d'une notification irrégulière, la Cour de cassation devrait se trouver face à une alternative :
- soit, retenir que la notification ne produit pas d'effet et appliquer le délai de deux ans ;
- soit, retenir que la notification produit un effet malgré l'irrégularité et appliquer le délai d'un mois.
Mais la solution retenue est toute autre. La Cour de cassation considère que la notification irrégulière produit son effet au regard de l'article 528-1 en écartant le délai de deux ans. Et implicitement, elle estime que la notification irrégulière ne peut faire courir le délai d'appel d'un mois, puisqu'elle n'est pas parvenue à son destinataire.
En d'autres termes, face à une notification irrégulière, aucun délai d'appel ne s'impose plus. La solution est contraire à la finalité de l'article 528-1. En effet, dans un arrêt du 30 janvier 2003, la deuxième chambre civile avait pu affirmer que "les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice qui fondent les dispositions de l'article 528-1 du nouveau Code de procédure civile constituaient des impératifs qui n'étaient pas contraires aux dispositions de l'article 6.1" de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) (Cass. civ. 2, 30 janvier 2003, n° 99-19.488, FS-P+B N° Lexbase : A8178A4N). La conformité de l'article 528-1 vis-à-vis du procès équitable tient précisément dans la volonté d'introduire de la sécurité juridique dans l'exercice des voies de recours en limitant ce recours dans le temps.
Il semble que cet impératif de sécurité juridique soit le grand oublié de la décision d'Assemblée plénière. La notification irrégulière ouvre un droit d'appel sans limite temporelle, qui permet à une personne de former un recours plus de dix années après qu'un jugement de redressement judiciaire ait été prononcé contre elle. Est-ce l'équilibre voulu par le Code de procédure civile entre le respect du droit au recours et la nécessité de sécuriser les relations juridiques entre les parties ? Nous pouvons nous permettre d'en douter.
La preuve de la libération du débiteur est une question qui fait l'objet de développements jurisprudentiels récents au sein de la première chambre civile, comme en atteste l'arrêt rendu le 4 novembre 2011.
En l'espèce, un établissement bancaire avait assigné des époux en paiement d'échéances d'un prêt qui, selon la banque, demeuraient impayées. Les époux produisaient toutefois en justice une quittance délivrée par la banque qui établissait que le prêt avait été intégralement remboursé. De son côté, la banque invoquait que cette quittance avait été délivrée par erreur et elle tentait de démontrer par tout moyen que des échéances restaient dues.
La cour d'appel admit ce raisonnement. Elle déduisit le défaut de paiement d'un faisceau d'indices. En effet, à l'époque de la délivrance de la quittance libératoire, le compte des époux était débiteur et ces derniers avaient fait l'objet d'une procédure de surendettement qui incluait la créance de la banque. Tous ces éléments permettaient de considérer que les époux étaient bien débiteurs de la banque et que, dès lors, la quittance avait été émise par erreur.
Pourtant, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel en affirmant que "si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n'a pas la valeur libératoire qu'implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du Code civil".
La solution n'est pas nouvelle. Dans un arrêt du 10 mars 1993, la troisième chambre civile avait déjà jugé que "si la quittance d'une somme payée en dehors de la comptabilité du notaire ne fait foi que jusqu'à preuve contraire, celle-ci ne peut être administrée qu'en conformité avec les règles prévues par les articles 1341 (N° Lexbase : L1451ABD) et 1347 (N° Lexbase : L1457ABL) du Code civil" (Cass. civ. 3, 10 mars 1993, n° 91-14.781 N° Lexbase : A5700ABQ).
Elle est cependant intéressante, car ce problème de preuve se trouve au coeur de plusieurs règles dont l'application pourrait s'avérer contradictoire.
D'abord, la Cour de cassation écarte l'application de l'article 1282 du Code civil (N° Lexbase : L1392AB8) à la quittance. Selon cette disposition, "la remise volontaire du titre original sous signature privée, par le créancier au débiteur, fait preuve de la libération" et selon une jurisprudence constante, "cette remise vaut présomption irréfragable de libération du débiteur". En d'autres termes, la présomption irréfragable ne supporte pas la contestation. A l'inverse, dans l'arrêt étudié, les époux ne détenaient pas le titre original, mais une quittance délivrée par la banque. La Cour de cassation en a déduit que la preuve contraire pouvait être produite. De façon plus explicite encore, en 1993, la troisième chambre civile avait jugé que "la quittance d'une somme payée en dehors de la comptabilité du notaire ne fait foi que jusqu'à preuve contraire". Une quittance est une preuve écrite, mais elle n'a pas la valeur du titre original.
La preuve contraire de la quittance peut être apportée, mais se pose alors la question du moyen de preuve. La question de la libération du débiteur est consubstantielle à celle du paiement. Or, dans un important arrêt du 16 septembre 2010, la première chambre civile a considéré que "la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens" (Cass. civ. 1, 16 septembre 2010, n° 09-13.947, F-P+B+I N° Lexbase : A4755E9Y). La Cour de cassation a ainsi admis que pour se libérer d'une reconnaissance de dette, une personne verse au débat des attestations et formule une demande d'enquête. Face à une reconnaissance de dette, le débiteur peut prouver sa libération par tout moyen.
Il est alors étonnant que la même chambre de la Cour de cassation juge au contraire que face à une quittance libératoire, la preuve de l'absence de paiement doive être apportée conformément à l'article 1341 du Code civil c'est-à-dire par écrit.
On enseigne traditionnellement qu'en matière de fait juridique, la preuve est libre. Cette liberté qui s'applique à la preuve du paiement devrait, en retour, s'appliquer à la preuve du non-paiement. Telle n'est pourtant pas la solution adoptée dans l'arrêt commenté. En invoquant l'article 1341, la Cour de cassation vise le principe selon lequel "il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes". Si la preuve du paiement est établie dans un écrit sous-seing privé, en l'espèce une quittance, la première chambre civile exige en retour que la preuve de l'absence de paiement soit apportée selon le même formalisme. C'est là une combinaison étrange des systèmes de la preuve libre et de la preuve légale.
En pratique, pour que la banque parvienne à prouver que la quittance était erronée, elle aurait dû produire une reconnaissance de dette écrite postérieure à la quittance. Une hypothèse bien improbable qui confine à probatio diabolica.
Une partie appelée et non-comparante se voit généralement opposer un jugement réputé contradictoire (C. pr. civ., art. 473, al. 2 N° Lexbase : L6585H7Z). N'ayant pas comparu, celle-ci peut généralement interjeter appel de la décision sur le fond, si cette décision a été rendue en premier ressort. En revanche, le Code de procédure civile est largement silencieux sur les droits de la partie non-comparante durant la première instance. La solution est logique puisqu'il est difficile d'octroyer des droits procéduraux à la partie qui refuse de se défendre.
L'espèce étudiée montre au contraire que le défaut de comparution n'empêche pas certains justiciables de réclamer le droit à une procédure contradictoire qu'ils ont volontairement évitée. Dans les faits, un syndicat de copropriétaires avait agi contre l'un des copropriétaires en paiement des charges de copropriété. Le défendeur n'avait pas comparu et ne s'était pas fait représenter. Durant l'audience, le juge de proximité avait invité le demandeur à produire des pièces en délibéré. Dans cette hypothèse, l'article 444 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1120INS) prévoit que le président doit ordonner la réouverture des débats lorsque les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements qui leur ont été demandés. Cette disposition semble devoir s'appliquer uniquement dans l'hypothèse où toutes les parties sont comparantes.
Pourtant, dans l'arrêt commenté, le défendeur non-comparant a invoqué une violation de l'article 444 précité et de l'article 6 § 1 de la CESDH en reprochant au juge de n'avoir pas réouvert les débats après avoir invité le demandeur à produire des pièces en délibéré. Pour le défendeur, le juge ne pouvait fonder sa décision sur des documents qui n'avaient pas été soumis au débat contradictoire.
L'argument semblait tout à la fois absurde et dilatoire. Il s'agissait, pour la partie qui s'était dérobée à la première instance, d'obtenir de la Cour de cassation une nouvelle audience au fond devant une juridiction de renvoi.
Les Hauts magistrats ne s'y sont pas trompés. Dans une décision qui semble aller de soi, la Cour de cassation affirme que la partie "qui n'a pas comparu bien que régulièrement convoquée, ne peut se prévaloir utilement d'un défaut de communication de pièces dont le président a demandé à l'audience la production en cours de délibéré".
Autrement dit, celui qui refuse le débat ne peut pas reprocher au juge de n'avoir pas respecté la contradiction. On y trouve là une illustration originale de l'adage nemo auditur, habituellement applicable en droit des contrats. Et cet arrêt a été particulièrement mis en valeur par la Haute juridiction puisqu'il a été rendu en formation plénière de chambre et qu'il est destiné à la publication au bulletin. Ainsi, il est des évidences procédurales dont il est bon de faire la publicité.
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Réf. : Ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011, portant transposition de la Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L2513IRI)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Communiqué du Conseil des ministres du 16 novembre 2011
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Le 18 Novembre 2011
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 18 novembre 2011, n° 343117, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9293HZ9)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 2, 17 novembre 2011, n° 10-21.326, F+P+B (N° Lexbase : A9450HZZ)
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Le 26 Juillet 2012
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Réf. : Cass. civ. 2, 9 juin 2011, n° 11-01.221, F+P+B (N° Lexbase : A9319HZ8)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 2, 17 novembre 2011, 2 arrêts, n° 10-25.439, F+P+B (N° Lexbase : A9451HZ3) et n° 10-26.784 F-P+B (N° Lexbase : A9447HZW)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : CA Angers, 25 octobre 2011, n° 10/01952 (N° Lexbase : A2159HZY)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 13 octobre 2011, n° 11/01964 (N° Lexbase : A1676HZ4)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011 (N° Lexbase : A9214HZB)
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Réf. : Cass. crim., 26 octobre 2011, n° 11-86.117, F+P+B (N° Lexbase : A9523HZQ)
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Le 24 Novembre 2011
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Réf. : Cass. crim., 25 octobre 2011, n° 11-81.677, F+P+B (N° Lexbase : A9521HZN)
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Le 24 Novembre 2011
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par Christophe Radé, Professeur agrégé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit médical"
Le 22 Novembre 2011
Les faits. Un patient avait consulté son médecin généraliste le 12 décembre 2003, qui a diagnostiqué un syndrome grippal. Son état ne s'étant pas amélioré, il a de nouveau consulté son médecin deux jours plus tard qui lui a alors prescrit un bilan sanguin et une radiographie pulmonaire. Après le compte-rendu téléphonique du radiologue, le médecin traitant a prescrit un antibiotique. Le patient est décédé dans la nuit du 18 décembre 2003. Le rapport d'expertise ordonné par la CRCI a constaté que des "manquements successifs avaient été commis dans la prise en charge" de la victime par les deux médecins.
Commentaire. Il s'agit ici d'une nouvelle hypothèse de mise en cause de la responsabilité médicale en raison du caractère tardif ou inapproprié de la prise en charge d'un patient (1).
Les faits. Dans la nuit du 13 au 14 décembre 2001 à 3h15 du matin, un patient a chuté par la fenêtre de la chambre où il était hospitalisé après une opération de chirurgie générale.
Après avoir constaté qu'il avait été visité à 23h30 et à 3h par l'infirmière de garde laquelle l'avait trouvé endormi, la cour d'appel a considéré que l'établissement avait procédé aux diligences normales auxquelles il était tenu au titre des obligations de moyens lui incombant. Elle a considéré que les effectifs en service de nuit dans une clinique généraliste ne permettent aucunement de poster à demeure un membre de son personnel auprès du patient et, que, malgré les manifestations d'agitation qui s'étaient traduites par des fugues dans les couloirs, aucun signe dans le comportement du patient ne pouvait permettre d'envisager un quelconque risque de défenestration, étant par ailleurs observé qu'aucune tendance suicidaire préexistante ne figurait dans les éléments d'information portés à la connaissance du personnel médical.
C'est cet arrêt qui est ici cassé au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), la Cour de cassation considérant que les juges d'appel n'avaient pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient. Pour la Haute juridiction, en effet, la cour d'appel avait relevé que l'avant-veille, le patient avait manifesté un comportement perturbé, caractérisé par un état d'agitation intense qui l'avait conduit à arracher les perfusions et la sonde qui lui avaient été posées, que le personnel en ayant référé au médecin, celui-ci avait prescrit un traitement neuroleptique et anxiolytique, que la réitération du comportement le jour suivant avait entraîné la reconduction du traitement accompagné d'une surveillance plus fréquente et d'une mesure contraignante par attachement des mains, que dans la soirée du 13 décembre, il avait fugué dans les couloirs du quatrième étage et avait été ramené à sa chambre où, sur prescription du médecin anesthésiste de garde, un neuroleptique supplémentaire lui avait été donné, ce dont il résultait que la clinique ne pouvait ignorer que l'état du malade dont elle avait la charge l'exposait à un risque particulier de suicide ou de chute accidentelle que de simples rondes du personnel de surveillance n'étaient pas de nature à éviter.
Commentaire. Cette affaire illustre parfaitement comment peut varier l'intensité de l'obligation de surveillance des établissements de santé face à des patients présentant des troubles du comportement, et comment la faute médicale dépendra de l'information préalable de l'équipe médicale des particularités de l'état de santé du patient et, partant, de la nécessité particulière de mettre en place une surveillance renforcée (2).
Les faits. Un patient, atteint de diabète, a consulté un médecin ophtalmologue, en 1993, 1998, 2000, puis le 7 janvier 2002. A cette date, le médecin a pratiqué un fond d'oeil qui n'a pas révélé de signes de rétinopathie diabétique, l'acuité visuelle étant par ailleurs normale de loin. Des troubles visuels étant apparus en mai 2002 puis en novembre de la même année, le patient, qui n'avait pu obtenir un rendez-vous avant mai 2003, a consulté son médecin traitant qui l'a adressé à un autre médecin ophtalmologiste, lequel a diagnostiqué le 27 février 2003, une rétinopathie diabétique oedémateuse proliférante bilatérale, compliquée d'une hémorragie du vitré à gauche, qui a nécessité plusieurs traitements et interventions, lesquels ont laissé subsister d'importantes séquelles.
L'assureur du médecin, ayant refusé, malgré un avis de la CRCI de Haute-Normandie concluant à la responsabilité de ce praticien, de formuler une offre d'indemnisation, l'ONIAM a indemnisé la victime puis a exercé un recours subrogatoire à l'encontre du praticien et de son assureur. La cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 3ème ch., 14 mai 2010, n° 09/00646 N° Lexbase : A8171EXW) a déclaré le médecin responsable d'une faute de surveillance ayant entraîné une perte de chance de 50 % d'éviter les complications qu'il a présentées, et l'a condamnée in solidum avec l'assureur à payer à l'ONIAM les sommes de 54 268,03 euros, au titre de l'indemnisation, de 600 euros au titre des frais d'expertise amiable et de 8 140 euros à titre de pénalité et, d'autre part, à payer certaines sommes à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre.
L'arrêt d'appel est confirmé. Dans son arrêt de rejet, la Haute juridiction souligne en effet, au vu du rapport d'expertise sur lequel se sont appuyés les juges du fond, que la rétinopathie est une complication quasi constante du diabète, survenant la plupart du temps dix ans après le début de la maladie, que lors de l'examen du 7 janvier 2002, les facteurs favorisant l'apparition de la rétinopathie diabétique étaient réunis et que le médecin, qui suivait la patiente depuis 1993, n'ignorait pas que celui-ci ne se soignait pas de façon rigoureuse, a estimé que cette dernière aurait dû, compte tenu de ces circonstances, mettre en place une surveillance accrue de son patient. La cour d'appel a également relevé que le médecin, alertée à deux reprises, postérieurement à cette consultation, des troubles visuels, avait refusé d'avancer le rendez-vous fixé au mois de mai 2003, sans prendre la peine de diriger son patient vers un autre confrère, quand la surcharge des cabinets ne constituait pas une excuse, le médecin devant réserver les cas d'urgence. Les juges d'appel ont donc pu déduire de ces différents éléments que le médecin avait commis une faute de surveillance ayant entraîné une perte de chance de recevoir un traitement au laser plus précoce et d'éviter les séquelles dont il était atteint.
Commentaire. Le grief tiré d'un défaut de surveillance est classique dans la mesure où le médecin doit assurer le suivi de son patient pendant (3) et après l'opération (4).
Les faits. Un patient est hospitalisé pour subir une radiographie thoracique puis une biopsie bronchique. Après être rentré à son domicile, le patient est de nouveau hospitalisé huit mois plus tard et décède d'un cancer bronchique.
Selon le Conseil d'Etat, "il appartient aux praticiens des établissements de santé publics d'informer directement le patient des investigations et des résultats des examens" réalisés, en particulier lorsqu'ils mettent en évidence des risques pour sa santé, à moins que le patient "n'ait expressément demandé que les informations médicales le concernant ne lui soient délivrées que par l'intermédiaire de son médecin traitant". Le patient n'ayant pas fait une telle demande, le défaut d'information du praticien sur les résultats de sa première radiographie thoracique constituait une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.
Commentaire. Le Conseil d'Etat nous livre ici sa toute première décision faisant application de l'article L. 1112-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4528DLB) dans sa version antérieure à la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303 N° Lexbase : L1457AXA), aux termes duquel "Les établissements de santé, publics ou privés, sont tenus de communiquer aux personnes recevant ou ayant reçu des soins, sur leur demande, les informations médicales définies à l'article L. 1111-7. Les praticiens qui ont prescrit l'hospitalisation ont accès, sur leur demande, à ces informations. Cette communication est effectuée, au choix de la personne concernée, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne. Les établissements de santé proposent un accompagnement médical aux personnes qui le souhaitent lorsqu'elles demandent l'accès aux informations les concernant".
Intérêt. La première chambre civile de la Cour de cassation confirme ici sa jurisprudence "Seurt" (5) ; revenant sur son refus antérieur, on se souviendra que la Haute juridiction considère, depuis cet arrêt, que le manquement du médecin à son obligation d'information, même s'il n'a pas déterminé le patient dans ses choix, lui cause toutefois un préjudice que le juge doit nécessairement indemniser, le cas échéant en accordant à la "victime" un euro symbolique.
Les faits. Un patient a été atteint de troubles urinaires et sexuels à la suite d'une intervention pratiquée par un chirurgien contre lequel il a agi en réparation du préjudice causé.
La cour d'appel, après avoir écarté les fautes invoquées à titre principal au regard de l'indication opératoire et du suivi de l'intervention, a retenu que, si ce dernier ne justifiait pas avoir informé ce patient du risque de sténose urétrale, il n'était pas établi que, dûment informé des risques encourus, il aurait été susceptible d'y renoncer.
Cet arrêt est cassé, au visa des articles 16 (N° Lexbase : L1687AB4) et 16-3 (N° Lexbase : L6862GTC) du Code civil et L. 1111-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5232IEI), la première chambre civile de la Cour de cassation considérant que "toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir, de sorte que le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice, que le juge ne peut laisser sans réparation".
II - Infections nosocomiales
- CE 5° et 4° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 320810 (N° Lexbase : A8286HWS)
Intérêt. Dans cette affaire, la cour administrative d'appel (CAA Bordeaux, 2ème ch., 18 décembre 2007, n° 05BX00824 N° Lexbase : A6497D4E) avait refusé de considérer que les dommages causés lors d'une intervention rendue nécessaire par une infection nosocomiale contractée lors d'une précédente intervention puissent être imputés à l'infection, et partant relever de son régime indemnitaire plus favorable pour les victimes puisqu'il les dispense de la preuve de la faute médicale.
Les faits remontaient à l'année 2000 et ne mettaient donc pas en cause le régime issu de la loi "Kouchner" (infections contractées entre le 5 septembre 2001 et le 31 décembre 2002) ou de la loi "About" (loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 N° Lexbase : L9375A8Q) (infections contractées à compter du 1er janvier 2003), mais la solution nous semble devoir être la même y compris si on se situe dans le cadre des articles L. 1142-1 (N° Lexbase : L1910IEH) et L. 1142-1-1 (N° Lexbase : L1859IEL) du Code de la santé publique.
Dans ces deux hypothèses, le texte exige, en effet, seulement la preuve que les dommages "résultent" ou ont été "provoqués" par l'infection pour que l'établissement en soit responsable, sans ajouter de référence au caractère "direct" du lien de causalité, comme cela est le cas lorsqu'on s'interroge sur la prise en charge au titre de la solidarité dans le cadre de l'aléa nosocomial de l'article L. 1142-1, 2° (hypothèse d'un dommage relevant en principe de la responsabilité des médecins ou établissements mais imputables à un événement présentant les caractère de la force majeure). Il serait alors contraire au texte de considérer que seules les conséquences directes et immédiates de l'infection pourraient relever du régime de la responsabilité des établissements (DFP inférieur à 26 %) ou de la solidarité (décès ou DFP supérieur à 25 %).
- Cass. civ. 1, 7 juillet 2011, n° 10-19137, F-D (N° Lexbase : A9690HUG)
Cadre juridique applicable. Les infections nosocomiales contractées avant le 5 septembre 2001 relèvent toujours du régime de la double obligation de sécurité de résultat du médecin libéral et de l'établissement de santé dégagé en 1999 (6). La victime contaminée par un germe pendant une opération peut donc obtenir la condamnation in solidum du chirurgien libéral qui l'a opérée et de l'établissement, à charge ensuite pour le tribunal de statuer sur les recours en contribution. En l'absence de faute prouvée, ce recours s'effectuera pas parts égales ; en présence d'une faute prouvée, seul le fautif supportera le poids définitif de la réparation. C'est cette dernière solution qui se trouve ici illustrée.
L'affaire. Un chirurgien avait été condamné in solidum avec une clinique en raison d'une infection nosocomiale contractée par un patient en 1995 au cours d'une intervention pratiquée dans l'établissement, puis à la garantir entièrement dans le cadre du recours exercé par l'établissement.
C'est cette condamnation qui se trouve ici confirmée par le rejet du pourvoi.
La Haute juridiction relève, en effet, que le chirurgien avait été imprudent en décidant, quatre mois après le traitement chirurgical d'un panaris, d'opérer en l'absence d'urgence, faisant courir au patient un risque certain. Par la suite il n'avait pas prodigué à ce dernier des soins post-opératoires attentifs et diligents et avait négligé la survenue d'une complication cutanée liée à la pose d'une attelle. Par ailleurs, parmi les causes possibles de l'infection nosocomiale, aucune ne concernait la clinique, ses locaux ou son personnel. Dans ces conditions, les juges d'appel avaient pu considéré que l'infection litigieuse résultait des seules conditions dans lesquelles le praticien avait procédé à l'opération, ce qui justifiait sa condamnation comme seul fautif et, partant, seul responsable à garantir la clinique des condamnations prononcées contre elle au titre de sa responsabilité de plein droit envers les victimes d'infections nosocomiales contractées dans l'établissement.
Intérêt de la décision. La définition de l'infection nosocomiale a fait difficulté dès avant l'adoption de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002. Singulièrement, on s'est demandé s'il fallait définir cette notion largement, comme visant toute affection contractée lors d'un séjour hospitalier, ou restrictivement en excluant les germes dont le patient était porteur au moment de l'acte et qui ne sont devenus pathogènes qu'en raison de leur introduction dans le corps après un acte invasif.
Alors que la Cour de cassation s'est rapidement prononcée en faveur de la conception la plus large (7), le Conseil d'Etat a dans un premier temps fait sienne la distinction selon que l'infection est d'origine endogène ou exogène pour restreindre l'application du régime de la faute présumée aux seules affections d'origine exogène (8).
Dans une décision rendue le 2 février 2011, le Conseil d'Etat avait étendu sa jurisprudence aux infections d'origine endogène et affirmé que "l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme lors d'une intervention chirurgicale révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci envers la victime des conséquences dommageables de l'infection", tout en maintenant le régime de la responsabilité hospitalière de droit commun pour les infections dont il est certain qu'elles ont pour origine un germe déjà présent dans l'organisme du patient avant l'opération (9).
Il semblait logique que cette extension de l'application du régime de la présomption de faute aux affections exogènes s'accompagne d'une définition large de l'infection nosocomiale elle-même, car dans le cadre de l'application du régime légal c'est bien cette notion qui conditionne l'application de la responsabilité de plein droit de l'établissement. Cette conclusion semblait d'ailleurs d'autant plus logique que le décret n° 2010-1408 du 12 novembre 2010 (N° Lexbase : L3268IND) a introduit dans l'article R. 6111-6 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3664INZ) la définition la plus large en visant "les infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé".
C'est cette conception large qui a été formellement consacrée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 10 octobre 2011 (10).
Les faits. Le 26 septembre 2001, une jeune fille âgée de 19 ans et présentant un neurinome de l'acoustique gauche, avait été opérée au CHU d'Angers. Dans la nuit du 3 au 4 octobre 2001, elle a été atteinte d'une méningite à pneumocoques dont elle est décédée le 6 octobre.
Le rapport d'expertise a montré qu'à la suite de l'intervention pratiquée le 26 septembre 2001 consistant dans une exérèse du neurinome de l'acoustique gauche en translabyrinthique, la patiente, dont l'évolution post-opératoire immédiate avait été satisfaisante, a éprouvé, dans la nuit du 3 au 4 octobre, des céphalées violentes, des myalgies diffuses, des dorsalgies et des rachialgies. La ponction lombaire alors pratiquée a révélé une méningite à pneumocoques dont elle est décédée le 6 octobre.
Le Conseil d'Etat relève que la circonstance que la patiente était porteuse saine du pneumocoque lors de son admission à l'hôpital, "n'est pas de nature à faire regarder l'infection comme ne présentant pas un caractère nosocomial, dès lors qu'il ressort de l'expertise que c'est à l'occasion de l'intervention chirurgicale que le germe a pénétré dans les méninges et est devenu pathogène", et que "les dispositions précitées du I de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère ne soit apportée".
Le Conseil d'Etat a ajouté "que l'infection des méninges a été provoquée par l'intervention et constitue un risque connu des interventions de la nature de celle pratiquée en l'espèce", et que "si l'expert a relevé qu'il était très difficile de la prévenir, il ne ressort pas de l'instruction qu'elle présente le caractère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité qui permettrait de regarder comme apportée la preuve d'une cause étrangère".
III - Produits de santé
Cadre juridique. Un produit de santé est défectueux soit parce que son bilan coût/avantage montre qu'il n'offre pas la sécurité pharmacologique à laquelle on est en droit de s'attendre (défectuosité intrinsèque), soit parce que l'information qui entoure les conditions de son utilisation est insuffisante (défectuosité extrinsèque). C'est à cette seconde hypothèse que se rattache cette décision relative au Bactrim Forte.
Les faits. La patiente, âgée de 20 ans, a consulté un médecin oto-rhino-laryngologiste qui lui a prescrit du Bactrim Forte pendant 8 jours et des pulvérisations nasales. Elle a présenté, à l'arrêt du traitement, des lésions cutanées caractéristiques d'un syndrome de Lyell, nécessitant une hospitalisation et entraînant une incapacité temporaire et d'importantes séquelles.
Le rapport d'expertise ayant confirmé que la pathologie trouvait son origine dans l'administration du médicament litigieux, la patiente a recherché la responsabilité d'une part du laboratoire Roche, fabricant et, d'autre part, du médecin tant en raison d'un défaut du produit que d'un manquement à leur devoir d'information.
La cour d'appel a refusé de faire droit à ses demandes et considéré que la circonstance que le laboratoire n'ait pas produit dans le dossier la notice d'information 1987 du Bactrim Forte, insérée dans le conditionnement du médicament et non conservée dans ses archives, n'était pas constitutive d'une faute dès lors que cette notice était nécessairement conforme administrativement à l'Autorisation de mise sur le marché (AMM) de l'époque faisant état au titre des effets indésirables, de la survenue du syndrome de Lyell, dans la rubrique des manifestations cutanées.
L'arrêt est cassé, la Haute juridiction relevant que l'AMM ne mentionnait que de "simples 'manifestations cutanées', tandis que seule l'annexe I, réservée aux professionnels, faisait état de 'quelques cas de nécrolyse épidermique imprévisibles et parfois mortels (syndrome de Lyell)'".
Intérêt. Cet arrêt présente un double intérêt.
En premier lieu, il fournit une nouvelle illustration de la différence qui existe entre les "effets indésirables" et le "défaut" du produit (11). Dans cette affaire, le redoutable syndrome de Lyell, également impliqué dans les contentieux des médicaments anti-goutte (12), ne pouvait pas, compte tenu de la gravité de ses manifestations, être assimilé à un effet indésirable, telle une rougeur ou une démangeaison (13), tout comme d'ailleurs cela avait été jugé dans la seule affaire ayant conduit à la condamnation d'un fabricant de vaccin anti hépatite B (14).
En second lieu, l'arrêt confirme que seule compte l'information délivrée au patient, ce qui est logique puisque c'est du point de vue de l'utilisateur du produit qu'il convient de vérifier la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, peu important que le professionnel dispose d'une notice plus complète fournie par le fabricant du produit mis en cause et comme cela avait été jugé à propos du Dermalive (15).
IV - Solidarité nationale
Contexte. Le Code de la santé publique confie à l'ONIAM deux types de compétences : les premières, en constante progression depuis la mise en place du dispositif par la loi "Kouchner" du 4 mars 2002, visent à assurer directement l'indemnisation des victimes en vertu d'obligations propres ; les secondes visent à suppléer les établissements ou les professionnels défaillants, notamment lorsque leur assureur ne fait pas d'offre d'indemnisation aux victimes (16). Pour les y contraindre, l'article L. 1142-15 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L2468DKM) les place sous la menace d'une pénalité de 15 % à laquelle le juge peut les condamner au profit de l'office (17).
Le texte subordonne cette possibilité au "refus explicite" opposé par l'assureur, et ce pour s'assurer que le défaut d'offre ne résulte pas uniquement d'une demande malencontreusement égarée sous une pile de dossier.
Le sort de l'offre dérisoire. Mais qu'en est-il lorsque l'assureur ne refuse pas de faire une offre, mais refuse de la faire en conformité avec l'évaluation du dommage qui accompagne obligatoirement l'avis émis par la CRCI qui l'a désigné comme débiteur (18) ?
C'est tout l'intérêt de cet arrêt qui assimile l'offre manifestement dérisoire au refus explicite pour condamner l'assureur à la pénalité de 15 %. Pour la Cour de cassation, en effet, l'offre portant sur des indemnités dont le "caractère dérisoire du montant" a été caractérisé par les juges "équivalait à une absence d'offre au sens de l'article L. 1142-15 du Code de la santé publique, de sorte que l'ONIAM s'était régulièrement substitué à cet assureur qui encourait dès lors la pénalité égale à 15 % des sommes allouées aux intéressés".
Cette interprétation doit être approuvée. Certes, au regard de la lettre du texte, une autre conception pouvait se défendre car l'assureur qui fait une offre ne peut pas être considéré comme ayant "refusé" de faire cette offre... Mais en faisant l'offre à un niveau sans commune mesure avec l'évaluation du dommage réalisée par la commission bafoue l'obligation d'indemnisation aussi surement que le refus pur et simple, comme cela est d'ailleurs jugé de manière constante dans le cadre de la procédure d'offre au profit des victimes d'accidents de la circulation (19). La solution est donc conforme à l'assimilation classique en droit du nul et du dérisoire, qui vaut notamment en matière de détermination du prix, et semble opportune pour stopper nette toute tentative de contournement de l'esprit du texte. Certes, l'obligation de faire une offre conforme à l'avis ne vaut que pour l'assureur, puisque la Cour de cassation, à la suite du Conseil d'Etat, a confirmé que l'ONIAM n'était pas obligé par l'avis (20), mais il faut s'en prendre alors au législateur de 2002 qui n'a pas voulu créer de commissions juridictionnelles comparables aux CIVI, et non aux victimes qui ne sont pour rien dans les mauvais choix législatifs des années passées.
Les faits. L'assureur désigné par la CRCI pour faire une offre d'indemnisation s'y était refusé, malgré un avis de la CRCI de Haute-Normandie concluant à la responsabilité de son assuré. L'ONIAM a donc indemnisé en lieu et place puis a exercé un recours subrogatoire à l'encontre du praticien et de son assureur et réclamé sa condamnation à la pénalité de 15 % de l'article L. 1142-15 du Code de la santé publique.
La cour d'appel de Versailles (préc.), a déclaré le médecin responsable d'une faute de surveillance ayant entraîné une perte de chance de 50 % d'éviter les complications qu'il a présentées, et l'a condamnée in solidum avec l'assureur à payer à l'ONIAM les sommes de 54 268,03 euros, au titre de l'indemnisation, de 600 euros au titre des frais d'expertise amiable et de 8 140 euros à titre de pénalité et, d'autre part, à payer certaines sommes à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre.
Arguments de l'assureur. Pour prétendre échapper au paiement de la pénalité de 15 %, l'assureur faisait valoir que les CRCI sont dépourvues de caractère juridictionnel (21), que leurs avis ne lient pas leurs destinataires et que l'assureur, qui garantit la responsabilité civile d'un professionnel de santé considéré comme responsable d'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 du code de la santé publique par une CRCI n'est pas tenu d'adresser une offre d'indemnisation à la victime.
Il prétendait également que la présence dans l'article L. 1142-15 du Code de la santé publique de l'expression "le cas échéant" trahissait l'existence d'un pouvoir de décision permettant au juge d'écarter la pénalité, et non simplement le rappel de la condition de défaut d'offre.
Ces arguments n'ont pas convaincu la Haute juridiction qui rejette le pourvoi. Selon la Cour, en effet, l'assureur "n'apportait pas la preuve de ce qu'elle aurait eu un motif légitime de passer outre à l'avis de la CRCI en refusant de faire l'offre d'indemnisation prévue à l'article L. 1142-14 du Code de la santé publique", ce qui justifiait pleinement sa condamnation à verser à l'ONIAM la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du même code évaluée à son taux maximum.
Qu'est-ce qu'un motif légitime de refus d'offre ? C'est la première fois à notre connaissance que la Cour de cassation, statuant sur ce point précis, affirme en creux qu'un assureur pourrait avoir un "motif légitime" de ne pas présenter d'offre à la victime.
On peut imaginer ici qu'il s'agisse de manquements par la commission aux obligations légales qui lui incombent, et qui pourraient justifier qu'il soit de nouveau statué sur l'affaire, singulièrement pour ce qui concerne la conduite de la procédure : compétence territoriale, composition de la commission, recours à l'expertise, caractère contradictoire de celle-ci, possibilité pour le professionnel de se faire assisté par un avocat, etc..
On peut également imaginer que l'assureur invoque des arguments de fond tenant aux conditions de la responsabilité de son assuré. Si des erreurs de droit devraient pouvoir effectivement justifier un refus d'offre (assureur n'assurant pas ou plus, dépassement des plafonds par année ou par sinistre, erreur dans l'application du régime concernant, par exemple, le taux de DFP - infection nosocomiale devant être prise en charge directement par l'ONIAM), que penser d'un différend opposant l'assureur à la CRCI et portant sur l'appréciation de la faute, de la causalité ou de l'évaluation ; dans cette hypothèse, il semble que l'esprit de la réforme interdit à l'assureur de refuser de faire une offre, même si ce dernier préfèrera certainement courir le risque d'être condamné en justice plutôt que de devoir verser des indemnités qu'il penserait ne pas devoir. Il appartiendra alors au juge de moduler le montant de la pénalité pour tenir compte, le cas échéant, des doutes que l'assureur pouvait éprouver à la lecture de l'avis.
V - Modalité de la réparation
Les faits. Dans cette affaire la cour d'appel a considéré que les fautes dans la prise en charge ont "fait perdre [...] une chance [...] souverainement évaluée à 80 %, de retarder l'échéance fatale que comportait sa maladie et d'avoir une fin de vie meilleure et moins douloureuse, ce qui constituait une éventualité favorable".
Commentaire. La perte de chance sera retenue lorsque l'état antérieur du patient rendra le dommage qui s'est finalement réalisé en partie prévisible dans les conditions où il est intervenu (22).
Les faits. Un chirurgien urologue a pratiqué le 2 novembre 1990 une cystectomie totale avec reconstitution de vessie. La cour d'appel a reconnu le praticien entièrement responsable de l'entier dommage après avoir considéré qu'il avait choisi la mauvaise thérapeutique.
Le pourvoi reprochait aux juges d'appel de n'avoir pas retenu une simple perte de chance d'éviter ou de différer les conséquences mutilantes de cette intervention, dès lors que l'alternative à l'intervention pratiquée ne permettait pas d'exclure la nécessité d'y avoir recours ultérieurement en cas de récidive.
Telle n'est pas l'opinion de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi.
Pour la Haute juridiction, en effet, la cour d'appel avait relevé que l'ensemble des données fournies par les expertises réalisées démontrait que la prostatocystectomie totale avec vessie de remplacement ne peut pas être considérée comme une thérapie de prévention eu égard aux conséquences gravement invalidantes qu'elle entraîne. Par ailleurs les experts préconisent, s'agissant d'une tumeur de stade A infiltrant la muqueuse mais pas encore les muscles, une résection totale avec une surveillance constante, voire en cas de récidive unique une nouvelle résection, et en cas de récidive multifocale une BCG thérapie intravésicale, la prostatocystectomie ne devant être réalisée qu'en cas de récidive rapide, soit dans les trois mois. Or, le praticien n'avait aucune certitude quant au degré de malignité de la tumeur et à son évolution et, n'ayant pas pris ces précautions qui correspondaient à un protocole connu comme appliqué par la majorité de la communauté des urologues à l'époque des faits, n'a pas apporté les soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science que l'état de santé de ce dernier justifiait.
Pour la Cour de cassation, c'est alors à bon droit que la cour d'appel n'a pas réparé une perte de chance, mais un préjudice certain qui impliquait de mettre à la charge du praticien la réparation de l'intégralité des préjudices.
Commentaire. La perte de chance ne se justifie que s'il existe une incertitude sur l'existence d'autres causes ayant pu contribuer à la réalisation du dommage. Si le juge acquiert la certitude, au vu du dossier, que la faute a directement et entièrement causé le dommage, alors il n'y aura pas lieu à faire application de cette technique ; la solution est rare, mais parfaitement justifiée. C'est ainsi qu'en présence d'un manquement du médecin à son obligation d'information, la jurisprudence admet l'indemnisation intégrale du dommage final lorsqu'il est certain qu'informé des risques auxquels il allait être exposé il aurait refusé la technique qu'on lui proposait (23).
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Réf. : Cass. civ. 2, 17 novembre 2011, n° 10-20.957, F+P+B (N° Lexbase : A9449HZY)
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Le 01 Décembre 2011
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Réf. : Cass. civ. 2, 17 novembre 2011, n° 10-24.833, F-P+B (N° Lexbase : A9448HZX)
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Le 24 Novembre 2011
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