La lettre juridique n°457 du 13 octobre 2011

La lettre juridique - Édition n°457

Éditorial

La contribution de la discorde : la dot d'un mariage qui se voulait heureux

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N8096BSN

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


La cosmogonie d'une contribution. L'on savait, depuis fort longtemps, que la Justice n'était pas gratuite ; tant est si bien que la collectivité consciente de la reproduction des inégalités sociales devant le juge, entre ceux mandatant un avocat et ceux n'ayant que leur dialectique naturelle pour toute défense, avait dû, dès 1851, mettre en place une aide juridique, au nom de l'esprit de charité. La terminologie changea, ensuite, pour l'expression "assistance judiciaire", puis "aide judiciaire", la solidarité remplaçant la charité au Panthéon des valeurs humanistes de l'après Seconde guerre mondiale. Mais, c'est la loi de 1991 (loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) qui consacre l'expression "aide juridictionnelle" et participe pleinement à rendre effectif l'accès à la justice.

Deux pas en avant, trois pas en arrière ; si l'accès à la justice, en tant que tel, était gratuit depuis la suppression, par l'ordonnance du 23 novembre 2003, du timbre fiscal de 15 euros qu'il fallait débourser devant les juridictions administratives, le Gouvernement actuel a souhaité réintroduire le droit d'accès à la justice, par le biais d'une contribution de 35 euros exigée du demandeur pour toute instance introduite, à compter du 1er octobre 2011, en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou, en matière administrative, devant les juridictions administratives. L'article 1635 bis Q du CGI a été inséré par l'article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. Et, il est, tout naturellement, complété par un décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011, relatif au droit affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoué près les cours d'appel et à la contribution pour l'aide juridique et par une circulaire du 30 septembre 2011. S'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, le Gouvernement aura tôt fait, dans cette affaire, comme sur bien d'autres, d'apporter une solution simple à un problème complexe, le financement de l'aide juridictionnelle, pour s'octroyer les faveurs d'une justice peu ou faiblement financée par l'Etat.

Le mariage, la dot et le justiciable. Le 14 avril 2011, un grand mariage fut célébré : celui de la garde à vue, nécessaire à l'investigation policière, et de demoiselle Liberté fondamentale et droit de la défense, encore pucelle en la matière. La noce, engagée par la Cour européenne des droits de l'Homme, et parrainée par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, mit tout de même quelques temps pour être célébrée ; d'autant que le prélat-Chancelier ne voulait, au début, rien n'y entendre, comme si la garde à vue et l'assistance judiciaire d'un avocat fleuraient mauvais la consanguinité. Toujours est-il, que l'union sacrée fut célébrée en grande pompe, mettant de côtés, pour un court moment, les problèmes inhérents à l'alliance entre deux puissantes familles, la police nationale et les avocats, auxiliaires de la Liberté. Seulement voilà, furieuse de ne pas avoir été invitée au mariage, Eris, déesse de la discorde, jeta une pomme d'or sur la table, au milieu des convives, avec l'inscription : "mais, qui finance la dot ?". A l'inverse des invités au mariage de Thétis et de Pelée, personne ne manifesta d'entrain, ni les avocats, ni les assureurs de protection juridique, ni les justiciables. Alors, l'Etat, gardien du glaive et de la balance, entreprit de confier à un simple mortel, Garde des Sceaux tout de même, le choix de répondre à cette épineuse question. Bien que mercier de son état (civil), les choses ne furent point cousues de fil en aiguille, pour le prélat-Chancelier ayant célébré la noce. Mais, attiré par la promesse d'un budget stable et peu ambitieux, il en conclut, d'abord, qu'une contribution sur les actes juridiques et judiciaires facturés par l'ensemble des professions juridiques passerait assurément mal et risquerait même la fronde des grands officiers du Sceau que sont les notaires ; ensuite, que les assureurs taxés sur le chiffre d'affaires généré par la pluri-protection juridique de leurs clients auraient tôt fait d'en répercuter le coût auprès de leurs souscripteurs. Alors, il se tourna, enfin, vers le justiciable, contribuable devant l'Eternel, pour lui remettre la pomme d'or de la discorde et lui intimer, à force de loi, de régler la dot.

La guerre des trois n'aura pas lieu. Chacun connaît la suite de l'histoire de Paris sur le mont Ida, de la belle Hélène qui le prit pour une poire et des achéens empressés d'aller en découdre sous les remparts de Troie ; point de ceci, rien de tout cela, dans notre mythologie judiciaire. La fronde, la guerre des trois (avocats, justiciables, Etat) n'aura pas lieu, parce que les premiers auront comme souci d'assurer la défense des droits des seconds, dans leurs démarches visant à la recherche de la justice ; et, que se pliant déjà à une assistance judiciaire faiblement indemnisée, ils continueront à faire oeuvre de service public et avanceront les frais de cette contribution inique pour leurs clients : que ce soit en collant des timbres fiscaux, ou bientôt par l'intermédiaire du réseau privé de la Justice. En outre, ils inviteront d'autant plus volontiers leurs clients à suivre les voies de la transaction, de l'arbitrage ou de la médiation, exonérées, elles, de contribution. Les justiciables, quant à eux, percevront cette contribution comme une autre : une taxation de plus pour des services en moins. La solidarité si chère aux Français commandera alors de s'acquitter de l'accise ; les indigents, bénéficiaires de l'aide juridictionnelle étant exonérés de ce droit d'entrée au Palais. Quant à l'Etat, il présage l'avenir, car il sait que la contribution de la discorde ne remplira pas son office, permettre une rémunération digne de l'AJ, et qu'il devra revenir sur son ouvrage et réclamer quelques subsides supplémentaires. Seulement voilà, le cheval de Troie est bien là, derrière les remparts du palais de Justice ; reste à espérer que la contribution de 35 euros et ses futurs frères d'armes ne mettent pas le feu aux poudres et brûlent du même coup l'idée d'une Justice égalitaire pour tous.

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Avocats/Gestion de cabinet

[Le point sur...] L'avocat et les bureaux secondaires

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N7978BSB

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 13 Octobre 2011

L'article 15.1 du règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) définit le bureau secondaire comme une installation professionnelle permanente distincte du cabinet principal. Le texte différencie, dès lors, le bureau secondaire de l'établissement créé par une société inter-barreaux hors de son siège social et au lieu d'inscription au tableau de l'un de ses associés. Le RIN prend soin de rappeler, également, que l'ouverture d'un ou plusieurs bureaux secondaires est licite en France et à l'étranger, selon certaines conditions et sous certaines réserves. Enfin, condition essentielle, le bureau secondaire doit répondre aux conditions générales du domicile professionnel et correspondre à un exercice effectif. Ainsi, l'ouverture d'un bureau secondaire répond-elle à un régime de déclaration et/ou d'autorisation préalable, constituant une condition substantielle (I). Par ailleurs, le fonctionnement d'un bureau secondaire doit obéir à plusieurs règles qui lui sont propres, notamment en ce qui concerne la publicité, le recouvrement des cotisations, les honoraires, la discipline et l'assurance de responsabilité civile (II). Enfin, la fermeture d'un bureau secondaire doit, elle aussi, obéir à plusieurs règles déclaratives (III).
I - L'ouverture d'un bureau secondaire

A - La déclaration au conseil de l'Ordre du barreau auquel l'avocat appartient

Aux termes des articles 8-1 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 N° Lexbase : L6343AGZ) et 15.3 du RIN, sans préjudice des dispositions de l'article 5 de la loi sur la compétence territoriale, l'avocat peut établir un ou plusieurs bureaux secondaires, après déclaration au conseil de l'Ordre du barreau auquel il appartient.

La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt rendu le 29 octobre 2002, que l'ouverture d'un bureau secondaire, dans le ressort du barreau où est établie la résidence professionnelle de l'avocat, n'est soumise qu'à une déclaration préalable au conseil de l'Ordre. Cette formalité ayant été accomplie, un conseil de l'Ordre ne peut refuser l'autorisation d'ouvrir un tel bureau secondaire (Cass. civ. 1, 29 octobre 2002, n° 00-10.905, inédit N° Lexbase : A4053A3I).

Par ailleurs, cette déclaration est, également, obligatoire lorsque l'avocat entend ouvrir un bureau secondaire dans un autre pays de l'Union européenne (Directive 98/5/CE du 16 février 1998 N° Lexbase : L8300AUX ; RIN, art. 15.3)

Enfin, lorsque le bureau secondaire est situé dans un pays en dehors de l'Union européenne, l'avocat doit, en outre, solliciter l'autorisation préalable du conseil de l'Ordre du barreau auquel il appartient. Celui-ci doit statuer dans les trois mois de la réception de la demande. A défaut, l'autorisation est réputée accordée. Il fournit à son conseil de l'Ordre toutes pièces justifiant de sa demande dans l'Etat d'accueil et de l'autorisation de l'autorité compétente de cet Etat, ainsi que de l'existence d'une assurance de responsabilité civile couvrant ses activités à l'étranger.

B - L'autorisation du conseil de l'Ordre du barreau dans le ressort duquel l'avocat envisage d'établir un bureau secondaire

La demande d'autorisation. Lorsque le bureau secondaire est situé dans le ressort d'un barreau différent de celui où est établie sa résidence professionnelle, l'avocat doit, outre la déclaration au conseil de l'Ordre du barreau auquel il appartient, demander l'autorisation du conseil de l'Ordre du barreau dans le ressort duquel il envisage d'établir un bureau secondaire (loi du 31 décembre 1971, art. 8-1).

L'article 15.3 du RIN précise, alors, que, lorsque le bureau secondaire est situé en France, la demande d'autorisation doit comporter tous les éléments de nature à permettre au conseil de l'Ordre du barreau d'accueil de vérifier les conditions d'exercice de l'activité professionnelle et notamment le nom des avocats exerçant dans le bureau secondaire.

La demande d'autorisation doit comprendre la copie des contrats de travail des avocats salariés et des contrats de collaboration des avocats collaborateurs qui exerceront dans le bureau secondaire. Elle est remise avec récépissé ou expédiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au conseil de l'Ordre du barreau d'accueil et à son propre conseil de l'Ordre.

Le conseil de l'Ordre statue dans les trois mois à compter de la réception de la demande. A défaut, l'autorisation est réputée accordée (loi du 31 décembre 1971, art. 8-1 et RIN, art. 15.3). Dans ce cas, l'avocat est tenu d'informer le conseil de l'Ordre du barreau d'accueil et celui de son propre barreau de l'ouverture effective de son bureau secondaire (RIN, art. 15.3).

L'article 167 du décret du 27 novembre 1991 (décret n° 91-1197 N° Lexbase : L8168AID) précise que les décisions autorisant l'ouverture d'un bureau secondaire prises par le conseil de l'Ordre d'un barreau dont ne relève pas l'avocat sont portées par ce conseil à la connaissance du Bâtonnier de l'Ordre auquel appartient l'avocat, qui en informe le procureur général compétent.

Lorsque le conseil de l'Ordre n'a pas statué dans le délai imparti et que l'autorisation d'ouverture du bureau secondaire est ainsi réputée accordée, l'ouverture du bureau est portée, par l'avocat, à la connaissance du Bâtonnier du conseil de l'Ordre auquel il appartient qui en informe le procureur général compétent, et du Bâtonnier de l'Ordre dans le ressort duquel le bureau est ouvert (décret du 27 novembre 1991, art. 168).

L'avocat en informe, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le procureur général de la cour d'appel dans le ressort de laquelle est ouvert le bureau secondaire. Le procureur général peut alors saisir la cour d'appel dans les conditions prévues à l'article 16 du décret.

Ainsi, le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef. Il est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. Le conseil de l'Ordre est, en la matière, partie à l'instance. Et, la cour d'appel statue en audience solennelle dans les conditions prévues à l'article R. 212-5 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L6724IAB) et en la chambre du conseil, après avoir invité le Bâtonnier à présenter ses observations. Toutefois, à la demande de l'intéressé, les débats se déroulent en audience publique ; mention en est faite dans la décision. La décision de la cour d'appel est notifiée par le secrétariat-greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au procureur général, au Bâtonnier et à l'intéressé. Le délai d'appel suspend l'exécution de la décision du conseil de l'Ordre. L'appel exercé dans ce délai est également suspensif.

Enfin, l'article 95 du décret du 27 novembre 1991 dispose que l'ouverture d'un bureau secondaire dans le ressort du barreau auprès duquel l'avocat est inscrit est portée sur le tableau après le nom de l'avocat. La liste des avocats qui ont été autorisés à ouvrir un bureau secondaire est annexée à ce tableau. Il est précisé à l'article 96 du même texte que la liste des avocats qui ont ouvert un bureau secondaire est établie en fonction de la date de la décision autorisant l'ouverture du bureau.

Aux termes d'un arrêt rendu le 18 janvier 2005, la Cour de cassation précise que, lorsque seule une SCP est autorisée à ouvrir un cabinet secondaire auprès d'un barreau et qu'elle seule figure, à l'exclusion de ses membres, sur la liste annexée au tableau de l'Ordre de ce barreau, les membres de cette SCP qui ne sont titulaires, à titre individuel, d'aucun cabinet secondaire dans le ressort de ce barreau dont ils ne sont pas membres ne peuvent personnellement figurer dans les pages professionnelles de l'annuaire de cette ville (Cass. civ. 1, 18 janvier 2005, n° 03-12.905, F-P+B N° Lexbase : A0816DGC). Le conseil de l'Ordre pouvait admettre l'insertion dans les pages professionnelles de l'annuaire de la dénomination de la SCP, mais, également, s'opposer à l'insertion individuelle du nom de chacun des associés la composant.

Le refus d'autorisation. L'autorisation ne peut être refusée que pour des motifs tirés des conditions d'exercice de la profession dans le bureau secondaire. Sans préjudice des sanctions disciplinaires pouvant être prononcées par le conseil de l'Ordre du barreau auquel appartient l'avocat, elle ne peut être retirée que pour les mêmes motifs (loi du 31 décembre 1971, art. 8-1).

L'article 166 du décret du 27 novembre 1991 précise que les décisions du conseil de l'Ordre statuant sur l'ouverture de bureaux secondaires ainsi que les recours exercés contre ces décisions sont soumis aux règles prévues aux deuxième, troisième, cinquième et sixième alinéas de l'article 102 et à l'article 103 du même décret. Ainsi, la décision portant refus d'inscription est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les quinze jours de sa date à l'intéressé et au procureur général, qui peuvent la déférer à la cour d'appel. L'intéressé avise de sa réclamation sans délai, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le procureur général et le Bâtonnier. Et, lorsque le procureur général défère une décision à la cour d'appel, il en avise le Bâtonnier (décret du 27 novembre 1991, art. 102). Aucun refus d'inscription ou de réinscription ne peut être prononcé par le conseil de l'Ordre sans que l'intéressé ait été entendu ou appelé dans un délai d'au moins huit jours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (décret du 27 novembre 1991, art. 103).

D'abord, par arrêt rendu le 25 novembre 1987, concernant un cabinet de vétérinaires, mais dont la solution semble transposable pour la profession d'avocat, le Conseil d'Etat retient que la société civile professionnelle, nonobstant la circonstance qu'elle ait contesté la légalité de la décision de refus qui lui a été opposée et qu'elle en ait obtenu l'annulation par un jugement du tribunal administratif, a, en ouvrant un cabinet secondaire sans autorisation, commis une faute professionnelle de nature à justifier à son encontre l'application d'une sanction disciplinaire (CE 4° et 1° s-s-r., 25 novembre 1987, n° 73300 N° Lexbase : A3497AP9).

La Cour de cassation précise, ensuite, dans un arrêt rendu le 3 mars 1987, que le conseil de l'Ordre peut parfaitement estimer qu'en raison des irrégularités qui entachent la comptabilité professionnelle de l'avocat, l'ouverture d'un cabinet secondaire présente des risques indéniables, car la bonne gestion du cabinet principal est effectivement la condition nécessaire à l'ouverture d'un cabinet secondaire (Cass. civ. 1, 3 mars 1987, n° 85-11.999, inédit N° Lexbase : A6244CLT).

En outre, peut se voir refuser l'ouverture d'un bureau secondaire, l'avocat faisant l'objet d'une suspension provisoire ordonnée par son barreau d'origine, nonobstant le fait qu'il ait obtenu de son barreau d'origine un accord tendant à une certaine souplesse dans l'application de la mesure de suspension provisoire, un tel accord n'étant pas, pour autant, opposable au conseil de l'Ordre dans le ressort duquel l'avocat envisage d'établir un bureau secondaire (Cass. civ. 1, 5 octobre 1999, n° 97-10.953, inédit N° Lexbase : A1487CNE).

Par ailleurs, le fait que l'entrée principale du bâtiment dans lequel il est envisagé d'installer un bureau secondaire soit celle d'une agence immobilière, gérée, en l'espèce, par le père de l'avocat requérant, et le fait que l'accès au locaux mis à la disposition de l'avocat soit une entrée autonome, mais secondaire, sont de nature à créer la confusion entre les deux activités et ne permettent pas de garantir une indépendance suffisante, susceptible de remplir les conditions de confidentialité et de dignité nécessaires à l'exercice de la profession d'avocat (CA Aix-en-Provence, 9 novembre 2007, n° 2007/11 N° Lexbase : A0258HHZ ; cf., également, CA Limoges, 3 novembre 1992, n° 1064/92 N° Lexbase : A5122DH8).

Enfin, l'avocate qui demande son inscription au barreau de Bastia, puis retire cette demande après avoir appris qu'une enquête devait être effectuée sur la procédure disciplinaire engagée contre elle par le conseil de l'Ordre de son barreau d'origine, mais qui fait paraître dans la presse locale un avis de recherche d'appartement précisant sa volonté de s'installer définitivement en Corse, puis sollicite l'autorisation d'ouvrir un bureau secondaire et non celle de s'inscrire directement au barreau de Bastia, commet "un détournement de procédure" dans le but manifeste d'échapper au contrôle du conseil de l'Ordre sur les inscriptions au barreau (Cass. civ. 1, 26 mai 1994, n° 92-17.522, publié N° Lexbase : A3916ACZ).

Dans le même sens, un avocat ne peut pas ouvrir un bureau secondaire dans les locaux d'un ancien conseil juridique qu'il envisage de salarier, en continuant à disposer de son secrétariat, lorsque cette ouverture a pour objet de permettre la poursuite, par ce dernier, d'un exercice illégal de la profession d'avocat. Par ce seul motif, tiré des conditions dans lesquelles l'intéressé se proposait, après autorisation, d'exercer sa profession dans le bureau secondaire, le conseil de l'Ordre est en droit de lui refuser l'autorisation d'ouverture d'un bureau secondaire (Cass. civ. 1, 13 octobre 1999, n° 97-10.061, inédit N° Lexbase : A7213CSX).

En revanche, pour accorder l'autorisation sollicitée, la cour d'appel a justement énoncé qu'en portant une appréciation sur la rentabilité économique du bureau par seule référence à son implantation géographique, sans formuler contre l'avocat sollicitant un quelconque reproche mettant en cause sa capacité de gérer un bureau secondaire, d'y accueillir la clientèle en lui offrant les services qu'elle est en droit d'attendre en fonction des usages de la profession et d'y exercer son activité dans de bonnes conditions, le conseil de l'Ordre avait excédé ses pouvoirs (Cass. civ. 1, 16 mai 1995, n° 93-15.271, publié N° Lexbase : A7799ABH).

Dans le même sens, doit être écartée l'inobservation antérieure par l'avocat de ses devoirs professionnels en raison de l'exercice prétendument irrégulier de sa profession dans le barreau dans lequel il entend ouvrir un bureau secondaire, situation relevant du pouvoir disciplinaire du seul Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau d'origine de l'avocat (Cass. civ. 1, 3 février 1993, n° 90-19.278, publié N° Lexbase : A5492AHU).

Enfin, l'absence de visite au Bâtonnier et aux membres du conseil de l'Ordre ne peut suffire à justifier le rejet de la demande d'ouverture d'un cabinet secondaire (CA Aix-en-Provence, 9 novembre 2007, n° 2007/11, précité).

C - L'exercice d'une activité professionnelle effective

Dans tous les cas, l'avocat disposant d'un bureau secondaire doit y exercer une activité professionnelle effective sous peine de fermeture sur décision du conseil de l'Ordre du barreau dans lequel il est situé, dispose l'article 8-1 de la loi du 31 décembre 1971.

Mais, la réglementation régissant le domicile professionnel est impropre à caractériser l'inexistence d'une clientèle cédée attachée à un cabinet secondaire dont l'ouverture a été autorisée par le conseil de l'Ordre. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 mai 2011 (Cass. civ. 1, 26 mai 2011, n° 09-15.515, F-D N° Lexbase : A8860HSX). En l'espèce, par conventions du 30 mars 2004, Me D. et Me L., son époux, tous deux avocats parisiens, le second étant collaborateur de la première, ont cédé à la SEL X, avocat inscrit aux barreaux d'Avignon et de Guadeloupe, leurs clientèles respectives qui étaient attachées aux activités qu'ils exerçaient aux Antilles et en Guyane au sein d'un cabinet secondaire établi en Guadeloupe suivant autorisation du conseil de l'Ordre de ce département d'Outre-mer en date du 5 décembre 1992. Les parties ont saisi le Bâtonnier en qualité d'arbitre pour qu'il soit statué en droit et à charge d'appel, principalement, sur la nullité de la cession de clientèle ou sa résolution pour inexécution. Pour annuler les conventions litigieuses, après avoir énoncé, d'une part, qu'aucune clientèle ne pouvait être attachée à l'activité d'un avocat irrégulièrement inscrit et constaté, d'autre part, que Me D., qui reconnaissait avoir cédé son cabinet principal dès 2001, ne justifiait d'aucune activité réelle à Paris depuis le changement d'adresse postale intervenu à cette occasion, la cour d'appel en déduit qu'à défaut d'exercice professionnel effectif dans le ressort du barreau d'inscription et en l'absence, par conséquent, de cabinet principal régulièrement établi, les activités exercées au sein du cabinet secondaire étaient elles-mêmes illicites, en sorte que les cessions de clientèle étaient privées d'objet effectif. L'arrêt sera censuré par la Haute juridiction, au visa de l'article 1128 du Code civil (N° Lexbase : L1228AB4), ensemble l'article 8-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. En effet, en statuant ainsi par des motifs tirés de l'inobservation de la réglementation régissant le domicile professionnel, impropres à caractériser l'inexistence des clientèles cédées qui étaient attachées à un cabinet secondaire dont l'ouverture avait été autorisée par une décision administrative du conseil de l'Ordre territorialement compétent dont il était constaté qu'elle était toujours en vigueur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

D - Les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre

Si la création d'un bureau secondaire semble libre, à condition de respecter les règles déclaratives et les autorisations ordinales préalables, il n'en est rien pour les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre qui souhaiteraient ouvrir un bureau secondaire dans le ressort de l'un de ces tribunaux de grande instance autre que celui du barreau auquel ils appartiennent. L'article 8-2 de la loi du 31 décembre 1971 énonce, en effet, une interdiction de principe dans ce cas bien particulier.

E - Les avocats salariés

Un avocat salarié, qui ne peut avoir de clientèle personnelle, ne peut être inscrit à un barreau différent de celui de l'employeur pour le compte duquel il agit, sauf le cas des groupements, sociétés ou associations d'avocats appartenant à plusieurs barreaux (Cass. civ. 1, 21 mars 1995, n° 93-13.634, publié N° Lexbase : A4962ACR).

II - Le fonctionnement du bureau secondaire

De manière générale, l'article 15.3 du RIN commande à l'avocat d'informer le conseil de l'Ordre de son barreau d'origine de toute modification de son exercice professionnel dans son bureau secondaire, y compris de sa fermeture et de toute difficulté survenant avec le barreau d'accueil.

Publicité. En matière de publicité, l'article 15.4 du RIN dispose que l'avocat autorisé à ouvrir un bureau secondaire où il exerce effectivement peut faire mention de celui-ci sur son papier à lettre et tous les supports de publicité autorisés.

Cotisations. En ce qui concerne le régime des cotisations, l'article 15.5 du même texte précise que l'avocat autorisé à ouvrir un bureau secondaire en France, en dehors du ressort de son barreau, pourra être redevable à l'égard du barreau d'accueil d'une cotisation annuellement fixée par le conseil de l'Ordre du barreau d'accueil.

Toutefois, il convient de rechercher si le mode de fixation des cotisations mises à la charge des avocats associés ne revêt pas un caractère abusif par suite de l'effet combiné, d'une part, de l'obligation faite aux membres de l'association de solliciter de concert l'ouverture du bureau secondaire et, d'autre part, du calcul du montant de ces cotisations en fonction de l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé par chacun des avocats cotisants, tant au sein du cabinet principal que du bureau secondaire (Cass. civ. 1, 16 mars 1994, n° 91-20.698, inédit N° Lexbase : A1005CUR).

Après avoir énoncé que le financement de l'Ordre était assuré principalement par la rémunération des "fonds clients" et accessoirement par les cotisations, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que le conseil de l'Ordre ne rapportait pas la preuve que la contribution, au moyen de la rémunération des comptes clients, des avocats inscrits dans des barreaux extérieurs mais disposant dans son ressort de bureaux secondaires était moindre que celle de leurs confrères inscrits à ce barreau, a pu, sans inverser la charge de la preuve, en déduire que ce conseil avait rompu l'égalité entre les avocats cotisants audit barreau en leur imposant des cotisations à un taux différent (Cass. civ. 1, 3 février 1993, n° 91-15.132, publié N° Lexbase : A3659ACI).

On retiendra, également, que, par un arrêt rendu le 23 mars 2004, la Cour de cassation rappelle que le conseil de l'Ordre ne peut pas retirer l'autorisation précédemment accordée, au motif que l'avocat ne s'est pas acquitté du paiement des cotisations fixées pour les bureaux secondaires. En effet, le défaut de paiement des cotisations constitue une infraction aux décisions du conseil de l'Ordre du barreau d'accueil et non un manquement au sens de l'article 8-1 de la loi du 31 décembre 1971 (Cass. civ. 1, 23 mars 2004, n° 02-13.823, FS-P N° Lexbase : A6210DBM ; Cass. civ. 1, 4 janvier 2005, n° 02-13.824, F-D N° Lexbase : A8640DEQ).

Enfin, l'article 48 du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992, relatif aux sociétés civiles professionnelles d'avocats (N° Lexbase : L7112AZG), aux termes duquel les cotisations professionnelles sont établies exclusivement au nom de chacun des associés et acquittés par eux, est applicable aux seules sociétés civiles professionnelles d'avocats. Dès lors, en déclarant que les associés d'une société d'exercice libérale étaient redevables de ces cotisations, la cour d'appel de Rennes a, par fausse application, violé le texte susvisé (Cass. civ. 1, 5 février 2009, n° 07-21.346, F-P+B N° Lexbase : A9518ECI).

Honoraires. Pour ce qui est des litiges relatifs aux honoraires, l'article 15.6 du RIN ajoute que les litiges relatifs aux honoraires relèvent de la compétence du Bâtonnier du barreau auquel appartient l'avocat.

Discipline. En matière de discipline, l'article 15.7 du même texte dispose que l'avocat reste soumis à la discipline de son Ordre pour son activité professionnelle au sein de son bureau secondaire.

Il doit se conformer, pour son activité dans le bureau secondaire, au règlement intérieur du barreau d'accueil, qui peut lui retirer l'autorisation d'ouverture, par une décision susceptible d'appel conformément aux dispositions de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991.

Enfin, l'avocat inscrit à un barreau français établi dans un autre Etat membre de l'Union européenne reste soumis à la discipline de son barreau d'accueil.

Assurance de responsabilité civile. En prévoyant que le conseil de l'Ordre du barreau d'origine s'assure de la réalité de l'établissement d'un bureau secondaire et de la souscription d'une assurance de responsabilité civile couvrant les activités de l'avocat à l'étranger, alors d'ailleurs que l'article 27 de la loi du 31 décembre 1971 indique qu'il doit être justifié d'une assurance garantissant la responsabilité civile professionnelle de chaque avocat membre du barreau, en raison des négligences et fautes commises dans l'exercice de leurs fonctions, et qu'il appartient au conseil de l'Ordre en application de l'article 17 de cette loi de vérifier la constitution de cette garantie, le Conseil national des barreaux n'a pas méconnu la liberté d'entreprendre (CE 6° s-s., 16 décembre 2008, n° 289940, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8796EBE).

Ainsi, le conseil de l'Ordre d'un barreau est en droit d'imposer, à tous les avocats disposant dans son ressort d'un bureau principal ou d'un bureau secondaire, des conditions d'exercice identiques en ce qui concerne le montant minimum de l'assurance obligatoire (Cass. civ. 1, 4 mai 1999, deux arrêts, n° 96-15.213 N° Lexbase : A4124CMP et n° 96-15.215 N° Lexbase : A4125CMQ, inédits).

Postulation. Dans un arrêt rendu le 8 novembre 2007, la Cour de cassation énonce que l'avocat exerçant en bureau secondaire ne peut postuler que dans le ressort de la juridiction auprès de laquelle est implantée sa résidence professionnelle (Cass. civ. 1, 8 novembre 2007, n° 06-15.916, FS-P+B N° Lexbase : A4177DZQ).

III - La fermeture du bureau secondaire

Les articles 169 du décret du 27 novembre 1991 et 15.3 du RIN disposent que toute fermeture d'un bureau secondaire par l'avocat est portée par celui-ci à la connaissance du Bâtonnier de l'Ordre auquel il appartient et, le cas échéant, de celui dans le ressort duquel le bureau avait été ouvert, qui en informent le procureur général compétent.

Dans le même sens, les décisions retirant l'autorisation sont, également, portées par ce conseil à la connaissance du Bâtonnier de l'Ordre auquel appartient l'avocat, qui en informe le procureur général compétent.

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Concurrence

[Jurisprudence] Consécration jurisprudentielle de la licéité des relevés de prix par les salariés d'un concurrent

Réf. : Cass. com., 4 octobre 2011, 10-21.862, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5939HYM)

Lecture: 8 min

N8160BSZ

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 09 Novembre 2011

Lors des discussions sur la loi de modernisation de l'économie (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 N° Lexbase : L7358IAR), le sénateur Eric Doligé a proposé d'ajouter dans le Code de commerce un article ainsi rédigé : "Dans le respect de l'exercice d'une concurrence effective et loyale au bénéfice des consommateurs, les relevés des prix entre commerçants concurrents, y compris par les moyens informatiques, sont possibles". Cet amendement, adopté par le Sénat, fut par la suite retiré du texte définitif publié au Journal officiel. Au soutien de la consécration de la licéité des relevés de prix, le parlementaire faisait valoir qu'"[ils] sont pratiqués depuis toujours de façon manuelle et depuis plus de 15 ans par le biais de 'pistolets' électroniques. Or depuis quelques mois certaines enseignes tentent d'interdire ces relevés craignant que leur exploitation ne fasse baisser les prix de vente aux consommateurs. Cet amendement propose d'inscrire dans la loi leur possibilité compte tenu de leur impact positif sur le libre exercice de la concurrence et leur contribution à la défense du pouvoir d'achat des consommateurs".
La consécration par le législateur de la licéité de cette pratique aurait eu le mérite de mettre un terme à l'incertitude juridique qui régnait en la matière à l'époque des débats, incertitude qui n'a d'ailleurs pas fléchi durant les années qui suivirent la publication de la "LME". Il aura finalement fallu attendre plus de trois ans après ce texte pour que la Cour de cassation se prononce sur le sujet et valide cette pratique dans un arrêt du 4 octobre 2011, publié au Bulletin et sur son site internet. Dans cette affaire, la société Hyper Saint-Aunès, exploitant une grande surface de distribution, sous l'enseigne Leclerc, a souhaité faire réaliser par ses salariés des relevés de prix de certains produits distribués dans un magasin Carrefour exploité dans la même zone de chalandise, par la société Carrefour hypermarchés. A la suite du refus opposé à ses salariés constaté par huissier de justice, elle a fait assigner la société Carrefour hypermarchés, afin qu'il lui soit ordonné sous astreinte de laisser pratiquer, par les salariés de la société Hyper Saint-Aunès, les relevés de prix de ses produits offerts à la vente, dans plusieurs de ses magasins situés sur la même zone de chalandise.

La cour d'appel de Montpellier, dans un arrêt du 18 mai 2010 (CA Montpellier, 18 mai 2010, n° 09/04727 N° Lexbase : A0433GMY), avait alors retenu, pour rejeter la demande de la société Hyper Saint-Aunès, d'une part, qu'en vertu de son droit de propriété, la société Carrefour dispose de la faculté, sauf usage abusif de ce droit, de s'opposer à l'accès de ses magasins à des tiers, autres que des clients potentiels et donc d'interdire les relevés de prix par ses concurrents au moyen de lecteurs optiques, et, d'autre part, que la société Hyper Saint-Aunès n'établit pas l'existence d'un usage commercial à ce sujet qui constituerait une restriction licite au droit de propriété.

Cette dernière a donc formé un pourvoi en cassation qui offre à la Cour régulatrice l'opportunité de se prononcer clairement pour la première fois sur la licéité d'une telle pratique. Aussi, la Chambre commerciale casse-t-elle l'arrêt des seconds juges. Elle pose, ainsi comme principe, au visa de article L. 410-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8588IBP), duquel il résulte que, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence, que la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence commande que les concurrents puissent comparer leurs prix et en conséquence en faire pratiquer des relevés par leurs salariés dans leurs magasins respectifs.

Cette solution est importante car il existait, en la matière, et comme le démontrent les positions divergentes des juges du fond, de véritables incertitudes. Opposant droit de la propriété et libre concurrence, la Cour régulatrice considère qu'ici la seconde doit primer sur la première.

I - La licéité des relevés de prix par les salariés d'un concurrent : la fin d'une incertitude juridique

Plusieurs cours d'appel ont eu récemment à connaître d'affaires similaires dans lesquelles il était question de savoir si le relevé des prix chez un concurrent était licite ou non. Les juges du fond n'ont pas répondu à l'unisson, loin s'en faut, et cette cacophonie a pu soulever quelques interrogations, voire jeter un certain trouble chez les opérateurs économiques, notamment de la grande distribution alimentaire, domaine dans lequel cette pratique est la plus répandue. Ainsi, dans l'arrêt faisant l'objet de la cassation du 4 octobre 2011, les juges montpelliérains avaient considéré qu'une entreprise pouvait s'opposer au relevé de prix pratiqué par l'un de ses concurrents au nom de son droit de propriété, en l'absence d'usage commercial de nature à restreindre ce droit de propriété. En d'autres termes : faute d'usage, l'entrepreneur peut interdire l'accès à ses locaux à des personnes autres que ses clients. Pour conclure que la preuve, en la matière, d'un usage constant et général ne se trouve pas établie, la cour d'appel relève qu'il existe des pratiques disparates selon les enseignes de la grande distribution, allant du refus pur et simple des relevés de prix jusqu'à l'acceptation de ceux-ci sous certaines conditions. En effet, certains magasins exerçant sous sept enseignes différentes refusent que des relevés de prix soient effectués dans leurs surfaces de vente ou ne consentent à ce que des relevés de prix soient pratiqués que s'ils le sont par des panélistes indépendants ou manuellement, sans recours à des lecteurs optiques, et sous réserve de réciprocité.

C'est une position exactement inverse qu'a adoptée la cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 3 février 2009 (CA Rennes, 3 février 2009, n° 08/0757 N° Lexbase : A2084HGB). En effet les magistrats rennais ont retenu que "l'usage du relevé de prix chez le concurrent est établi par les pièces produites", d'autant que ce dernier, relèvent les juges, fait procéder lui-même régulièrement à des relevés de prix chez ses concurrents. Il semblerait dès lors à la lecture de cette décision que la reconnaissance du droit de pratiquer des relevés de prix repose sur l'existence d'un usage entre les parties au litige et non sur un usage commercial général dans un secteur d'activité. Pourtant, si la position des juges montpelliérains, qui "prennent le risque de mener un combat d'arrière-garde" a pu apparaître à juste titre comme "vouée à l'échec" (1), le fondement de la décision de la cour d'appel de Rennes n'emporte pas la conviction. En effet, soumettre la licéité du relevé de prix à l'existence d'un usage inter partes crée une certaine insécurité juridique : chaque affaire serait alors soumise à la preuve d'un usage spécial entre l'entreprise qui souhaite effectuer des relevés de prix et son concurrent qui refuse l'accès à ses locaux.

Une solution plus acceptable reviendrait alors à consacrer l'existence d'un usage général. Or, à la lecture des motifs ayant conduit au dépôt de son amendement par le sénateur Doligé, cet usage semble exister dans la mesure où, selon lui les relevés de prix "sont pratiqués depuis toujours de façon manuelle et depuis plus de 15 ans par le biais de 'pistolets' électroniques". L'arrêt de la cour d'appel de Rennes ne manque d'ailleurs pas de faire référence à cette tentative avortée du législateur, puisque relevant que le projet de loi de modernisation de l'économie proposait de permettre, parmi des règles relatives à la transparence, le relevé de prix chez un concurrent, elle ajoute que, si cet usage n'ait pas en définitive été consacré par la loi de modernisation de l'économie, il n'en existe pas moins. Le fait que cette proposition n'ait pas été suivie n'a pas pour effet de l'interdire, y compris par un procédé informatique et non seulement manuel, les relevés devant cependant être réalisés dans des conditions n'occasionnant pas de troubles dans le magasin. La cour d'appel de Montpellier y fait également référence, mais, à l'inverse, elle relève que cet amendement, adopté par le Sénat, n'a pas été retenu lors du vote définitif de la loi et que le fait qu'a été évoqué, lors des travaux parlementaires, la possibilité d'effectuer des relevés de prix entre commerçants concurrents, n'est pas en soi de nature à établir l'existence d'un usage préexistant, nettement défini.

Avec, l'arrêt du 4 octobre 2011, la Chambre commerciale clôt le débat, à défaut pour le législateur d'avoir saisi l'occasion d'y mettre un terme. Relevons toutefois, que la Cour régulatrice n'aborde pas cette question de l'existence ou non d'un usage en la matière. Doit-on le regretter ? Assurément non ; la solution de principe de la Cour régulatrice semble solidement fondée, sans qu'elle n'ait eu à examiner cette difficulté.

II - La licéité des relevés de prix, fondée sur la libre concurrence

Les juges d'appel avaient donc considéré qu'aucun usage commercial en la matière ne permettait de restreindre le droit de propriété de l'exploitant du magasin, lequel pouvait alors interdire aux salariés de son concurrent d'effectuer les relevés de prix litigieux

Mais, en énonçant que la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence commande que les concurrents puissent comparer leurs prix et en conséquence en faire pratiquer des relevés par leurs salariés dans leurs magasins respectifs, la Cour régulatrice rattache directement cette pratique à l'article L. 410-2 du Code de commerce et considère que le droit de propriété, allégué par le concurrent visité, ne peut y faire échec. En effet, aux termes de l'article L. 410-2 du Code de commerce, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. Les juges du Quai de l'Horloge estiment donc que les distributeurs ont intérêt à observer les prix pratiqués par leurs concurrents dans le but de s'informer et de garantir ainsi aux consommateurs les prix les plus bas. Le libre jeu de la concurrence prime donc sur le droit de propriété et en constitue une restriction légitime. Cette restriction n'est donc pas fondée, comme la cour d'appel a pu le rechercher, sur un usage commercial, mais bien sur un but légitime d'utilité publique que constitue le libre jeu de la concurrence.

Relevons également qu'il a pu être avancé que les relevés de prix portaient atteinte à un autre droit fondamental, celui du respect du domicile, protégé par les article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR). Sur ce point les arguments des opposants aux relevés de prix n'ont pas plus de chance de prospérer car, et comme l'a très justement relevé la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 18 mai 2010, le droit au respect du domicile privé, étendu aux locaux professionnels de la personne morale par un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme par l'arrêt "Colas" (CEDH, 16 avril 2002, Req. 37971/97), ne saurait être valablement invoqué. En effet, outre le fait que cet arrêt concerne une ingérence dans le droit au respect du domicile commis par l'autorité publique, il s'agissait en l'occurrence d'une enquête réalisée par les agents de la DGCCRF visant diverses entreprises de travaux publics, suspectées de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, à l'occasion de laquelle plusieurs milliers de documents avaient été saisis dans les locaux des sociétés. Or, la finalité du droit au respect des locaux professionnels, tel que garanti notamment par l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), est d'assurer à la personne morale la protection d'informations relevant de son activité économique propre, n'ayant pas vocation à être divulguées ou rendues publiques. Or, les informations qu'un distributeur recueille par l'intermédiaire de ses salariés, ne portent que sur les prix des produits offerts à la vente, affichés dans un lieu ouvert au public et à la disposition de tous, et donc dépourvus de tout caractère confidentiel ; ils ne sont pas davantage destinés à établir la preuve de faits en vue d'une utilisation future en justice.

En conséquence, on en conviendra ceux qui avaient prédit que "le combat des professionnels hostiles aux relevés de leur prix par leurs concurrents est juridiquement voué à l'échec et apparaît à bien des égard comme un combat dépassé", ne s'étaient pas trompés !


(1) S. Durand, JCP éd. G, 2010, n° 892
(2) E. Lamazerolles, JCP éd. E, 2010, n° 1471.

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Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Octobre 2011

Lecture: 13 min

N8158BSX

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par Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel au sein du cabinet Delsol Avocats

Le 21 Octobre 2014

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en fiscalité du patrimoine réalisée par Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel au sein du cabinet Delsol Avocats. En premier lieu, nos auteurs analysent une décision du Conseil constitutionnel qui déclare contraire à la Constitution l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction. Cet article institue le droit de prélèvement dans les successions au profit d'un héritier français. La censure du juge constitutionnel porte sur le caractère discriminatoire de cette disposition qui réserve aux seuls français le bénéfice de ce régime, en excluant les résidents de France étrangers (Cons. const., décision n° 2011-159 QPC du 5 août 2011). Ensuite, est étudiée une décision du Conseil d'Etat qui invalide la méthode de calcul simplifiée retenue par l'administration fiscale pour déterminer le crédit d'impôt auquel a droit un contribuable français percevant des revenus d'origine allemande. En effet, cette méthode simplifiée a pour effet de calculer un crédit d'impôt légèrement supérieur à ce que la méthode légale prévoit (CE 8° et 3° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 308679, publié au recueil Lebon). Enfin, une décision rendue par le Conseil d'Etat et relative à la validation de l'article 164 C du CGI portant sur l'imposition forfaitaire que doivent supporter les personnes non résidentes de France sur l'immeuble qu'elles détiennent en France est traitée. Ce dispositif ancien est entré en vigueur avant que le droit communautaire n'impose aux Etats membres le respect de la libre circulation des capitaux. Dès lors, il n'entre pas dans ses prévisions et ne peut être censuré sur cette base (CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 322672, publié au recueil Lebon).
  • Quand le Conseil constitutionnel remonte le temps : le droit de prélèvement dans les successions au profit d'un héritier français est contraire à la Constitution (Cons. const., décision n° 2011-159 QPC du 5 août 2011 N° Lexbase : A9239HW4)

La question prioritaire de constitutionnalité peut jouer comme une machine à remonter le temps et conduire le Conseil constitutionnel à apprécier la constitutionnalité de dispositions fort anciennes.

La décision n° 2011-159 QPC du 5 août 2011 en est la parfaite illustration.

A l'origine, une disposition du droit des successions, adoptée il y a près de 200 ans : l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction, qui a institué un droit de prélèvement dans la succession au profit d'un héritier français, en même temps qu'elle abrogeait le droit d'aubaine et de détraction (1).

L'objet de la loi du 14 juillet 1819 était de permettre aux étrangers de transmettre et de recevoir, dans le cadre d'une succession, de la même manière que les français, quand bien même l'Etat dont l'étranger était ressortissant n'assurait pas la réciproque aux défunts ou aux héritiers français (i.e. : absence de condition liée à une réciprocité diplomatique).

Toutefois, afin de préserver les héritiers français qui pourraient se voir restreindre -du fait de l'application de la loi étrangère- dans les droits qui leur sont garantis par le droit successoral français, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 disposait que, "dans le cas de partage d'une même succession entre des cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales".

Précisé par la jurisprudence civile, l'exercice du droit de prélèvement est -tel que toujours en vigueur de nos jours- subordonné à la réunion de quatre conditions :
- premièrement, il est attaché à la qualité de français, celle-ci s'appréciant au jour de l'ouverture de la succession (Cass., chambre des requêtes, 10 mai 1937) ;
- deuxièmement, le cohéritier français doit avoir été exclu de tout ou partie de la succession par la loi successorale étrangère pour pouvoir exercer le prélèvement ;
- troisièmement, le cohéritier français défavorisé par la loi étrangère doit venir à la succession d'après la loi française, qu'il soit conservatoire ou non. En revanche, il ne peut bénéficier du droit de prélèvement s'il intervient à la succession comme légataire, ou par le jeu de la loi étrangère (en ce sens Cass. civ. 1, 7 décembre 2005, n° 02-15.418, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A9087DL7) ;
- quatrièmement, le droit de prélèvement peut jouer quand bien même il n'y aurait que des cohéritiers français à la succession (Cour de cassation, chambre civile, 27 avril 1868, n° 80).

C'est cette disposition qui était portée à la censure des juges de la rue de Montpensier aux motifs d'une violation du principe d'égalité prévu à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L1370A9M) et du droit de propriété garanti par l'article 17 de la même Déclaration (N° Lexbase : L1364A9E).

Le premier motif a suffi au Conseil constitutionnel pour censurer la disposition contestée.

De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (voir notamment Cons. const., décision n° 97-388 DC du 23 mars 1997 N° Lexbase : A8440ACL).

Appliquant ce considérant de principe, les juges de la rue de Montpensier ont censuré à plusieurs reprises des dispositifs reposant sur une différence de traitement entre nationaux et étrangers, que ce soit le régime de cristallisation des pensions militaires (Cons. const., décision n° 2010-I QPC du 28 mai 2010 N° Lexbase : A6283EXY), les règles d'élection pour la désignation de représentants du personnel (Cons. const., décision n° 2011-128 QPC du 6 mai 2011 N° Lexbase : A7887HPS) ou l'attribution de la carte de combattant (Cons. const., décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 N° Lexbase : A9195E4C).

La décision ici considérée fournit une nouvelle illustration de ce principe : dès lors que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 avait pour objet de protéger les droits des héritiers au regard du droit français des successions, elle ne pouvait réserver son application aux seuls cohéritiers français sans méconnaître le principe d'égalité. Celui-ci impose, en effet, qu'héritiers français et étrangers accueillant une succession soumise au droit français, et aux impôts français, sans que le droit étranger ne privilégie les seconds, puissent bénéficier des mêmes règles. Autrement dit, dans une situation identique, l'ensemble des cohéritiers, quelle que soit leur nationalité, devaient pouvoir bénéficier du prélèvement institué par l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819. Tel n'étant pas le cas, la sanction pour inconstitutionnalité était inévitable.

Auparavant, le Conseil constitutionnel apporte une précision intéressante : une règle de conflit de loi fondée sur un critère de nationalité ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi. Cette solution doit être saluée : il est en effet de l'objet même d'une règle de conflit de lois adoptée par un Etat que de fixer les règles applicables à ses ressortissants ou à son territoire. Juger le contraire reviendrait à priver le législateur de toute compétence pour fixer les règles de droit international qui préservent l'application de la loi française. Fort heureusement, le Conseil constitutionnel défend ici la souveraineté de notre législateur tout en assurant pour l'avenir l'égalité entre cohéritiers étrangers et français venant à une succession soumise au droit et à la fiscalité français.

  • Le Conseil d'Etat invalide la méthode de calcul simplifiée retenue par l'administration fiscale pour déterminer le crédit d'impôt auquel a droit un contribuable français percevant des revenus d'origine allemande (CE 8° et 3° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 308679, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8254HWM)

Par son arrêt n° 308679 du 26 juillet 2011, le Conseil d'Etat a rendu une importante décision relative aux modalités de calcul du crédit d'impôt imputable sur l'impôt français pour éviter la double imposition des revenus en application des conventions internationales.

Cette affaire, rendue à propos de l'interprétation des dispositions de la Convention franco-allemande (Convention France-Allemagne, signée à Paris le 21 juillet 1959 N° Lexbase : L6660BH7), revêt en réalité une portée plus large en ce qu'elle devrait logiquement s'appliquer à l'ensemble des autres conventions fiscales conclues par la France qui prévoient une élimination de la double imposition pour les résidents de France par l'octroi d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français calculé à raison du revenu de source étrangère.

Au cas particulier, l'administration fiscale avait formé un pourvoi en cassation à l'encontre de deux arrêts identiques de la cour administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 2ème ch., 28 juin 2007, n° 05NC00771, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2488DXG), qui avaient confirmé deux jugements rendus par le tribunal administratif de Nancy ayant prononcé la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu 1999 et 2000 d'un couple de résidents français dont l'époux percevait des salaires et des bénéfices industriels et commerciaux d'origine allemande.

Le litige portait, en l'espèce, sur les modalités de calcul du crédit d'impôt français afférent à ces revenus de source allemande, et plus précisément encore sur les modalités de calcul des revenus nets de source allemande.

Rappelons, en effet, qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 20 de la Convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, modifiée par les avenants du 9 juin 1969 et 28 septembre 1989, la double imposition des résidents de France percevant des revenus de source allemande et qui y sont imposables en application des dispositions de la Convention est évitée par l'octroi d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus.

Cette méthode dite "de l'imputation" a, tout d'abord, été commentée par l'instruction administrative du 19 mars 1993 (BOI 14 B-2-93 N° Lexbase : X6126ACU), commentant les dispositions de l'avenant à la Convention Franco-allemande signé le 28 septembre 1989, qui définit au numéro 63 la notion "d'impôt français correspondant à ces revenus" utilisée au paragraphe 2 de l'article 20 de la Convention comme suit :

"Le 'montant de l'impôt français correspondant à ces revenus' désigne :
-... lorsque l'impôt dû à raison de ces revenus est calculé par application d'un barème progressif, le produit du montant des revenus nets considérés par le taux résultant du rapport entre l'impôt effectivement dû à raison du revenu net global imposable selon la législation française et le montant de ce revenu net global
.

Dans une instruction complémentaire du 23 avril 1999 (BOI 14 B-2-99 N° Lexbase : X9813AIB), l'administration avait apporté les précisions suivantes pour tenir compte de "difficultés d'interprétation pour la prise en compte des charges déductibles du revenu global" :
"les revenus nets catégoriels qui proviennent d'Allemagne et qui, selon la Convention, sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France, contribuent aux charges déductibles du revenu global comme tous les autres revenus du foyer en proportion des revenus nets considérés par rapport à l'ensemble du revenu brut global de ce foyer".

Il conviendrait donc en principe d'imputer sur le revenu net catégoriel de source allemande considéré retenu au numérateur de ce rapport une quote-part de ces charges déterminée comme suit :
Revenu net catégoriel - (charges du revenu global x revenu net catégoriel de source allemande sur revenu brut global)

Compte tenu de la complexité de ce mode de calcul, il convient, à titre de règle pratique, de faire abstraction des charges du revenu global à la fois au numérateur et au dénominateur du rapport utilisé pour déterminer le crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français et, par conséquent, de retenir le revenu brut global au dénominateur dudit rapport conformément à l'exemple de calcul qui figure aux numéros 70 à 73 de l'instruction du 19 mars 1993 déjà citée".

Dans sa décision rendue le 26 juillet 2011, le Conseil d'Etat a, tout d'abord, rappelé que, pour calculer le montant des revenus nets de source allemande conformément aux dispositions de l'article 13 du CGI (N° Lexbase : L1050HLH), une part des charges déductibles du revenu global doit être imputée sur ces revenus, à proportion de leur part dans le revenu global avant déduction des charges.

De façon tout à fait rigoureuse, la Haute juridiction a jugé qu'en conséquence la cour administrative d'appel de Nancy avait commis une erreur de droit en jugeant que le crédit d'impôt imputable sur l'impôt français devait être fixé à un montant correspondant au produit du montant des revenus nets de source allemande par le rapport existant entre, d'une part, l'impôt qui serait dû à raison du revenu net global imposable selon la législation française et, d'autre part, le montant de ce revenu net global, sans mentionner que le montant des revenus de source allemande devait être diminué d'une part des charges déductibles du revenu global calculée au prorata de la part de ces revenus dans le revenu brut global.

Statuant ensuite au fond, le Conseil d'Etat a souligné que la méthode simplifiée de calcul explicitée par l'instruction précitée du 23 avril 1999 (et appliquée dans l'exemple de calcul figurant aux paragraphes 70 à 73 de l'instruction précitée du 19 mars 1993) aboutissait à un crédit d'impôt légèrement supérieur à celui résultant de la méthode de calcul ci-dessus rappelée.

Dès lors, les Hauts magistrats ont considéré que les jugements rendus par le tribunal administratif de Nancy devaient être annulés et les contribuables concernés rétablis aux rôles de l'impôt sur le revenu 1999 et 2000.

Il résulte ainsi de cette jurisprudence que la méthode simplifiée de calcul du crédit d'impôt prévue par la doctrine administrative est écartée par le Conseil d'Etat et l'instruction correspondante pourrait, dans ces conditions, être rapportée par l'administration fiscale.

Rappelons que cette solution devrait être applicable à l'ensemble des autres conventions fiscales conclues par la France prévoyant une élimination de la double imposition pour les résidents de France par l'octroi d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français calculé à raison du revenu de source étrangère.

Selon l'instruction précitée du 23 avril 1999, il s'agirait des conventions conclues avec les pays suivants : Afrique du Sud (Convention France - Afrique du Sud signée à Paris le 8 novembre 1993 N° Lexbase : L6657BHZ), Autriche (Convention France - Autriche signée à Vienne le 26 mars 1993 N° Lexbase : L6665BHC), Bahreïn (Convention France - Bahrein signée à Manama le 10 mai 1993 N° Lexbase : L5147IED), Bolivie (Convention France - Bolivie signée à La Paz le 15 décembre 1994 N° Lexbase : L6671BHK), Bulgarie (Convention France - Bulgarie signée à Sofia le 14 mars 1987 N° Lexbase : L6673BHM), Canada (Convention France - Canada signée à Paris le 2 mai 1975 N° Lexbase : L6675BHP), Congo (Convention France - Congo signée à Brazzaville le 27 novembre 1987 N° Lexbase : L6680BHU), Corée du Sud (Convention France - Corée signée à Paris le 19 juin 1979 N° Lexbase : L6681BHW), Côte d'Ivoire (Convention France - Côte d'Ivoire signée à Abidjan le 6 avril 1966 N° Lexbase : L6682BHX), Emirats Arabes Unis (Convention France - Emirats Arabes Unis signée à Abou Dhabi le 19 juillet 1989 N° Lexbase : L6686BH4), Espagne (Convention France - Espagne signée à Madrid le 10 ocotbre 1995 N° Lexbase : L6689BH9), Etats-Unis (Convention France - Etats-Unis signée à Paris le 31 août 1994 N° Lexbase : L5151IEI), Israël (Convention France - Israël signée à Jérusalem le 31 juillet 1995 N° Lexbase : L6705BHS), Japon (Convention France - Japon signée à Paris le 3 mars 1995 N° Lexbase : L6709BHX), Koweït (Convention France - Koweït signée à Koweït le 7 février 1982 N° Lexbase : L6712BH3), Inde (Convention France - Inde signée à Paris le 29 septembre 1992 N° Lexbase : L5152IEK), Islande (Convention France - Islande signée à Reykjavík le 29 août 1990 N° Lexbase : L6704BHR), Italie (Convention France - Italie signée à Venise le 5 octobre 1989 N° Lexbase : L6706BHT), Malte (Convention France - Malte signée à La Valette le 25 juillet 1977 N° Lexbase : L6721BHE), Mexique (Convention France - Mexique signée à Mexico le 7 novembre 1991 N° Lexbase : L6724BHI), Nigeria (Convention France - Nigeria signée à Paris le 27 février 1990 N° Lexbase : L5154IEM), Norvège (Convention France - Norvège signée à Paris le 19 décembre 1980 N° Lexbase : L6731BHR), Oman (Convention France - Oman signée à Paris le 1er juin 1989 N° Lexbase : L5156IEP), Pakistan (Convention France - Pakistan signée à Paris le 15 juin 1994 N° Lexbase : L6734BHU), Qatar, Sénégal (Convention France - Sénégal signée à Paris le 29 mars 1974 N° Lexbase : L6759BHS), Suède (Convention France - Suède signée à Stockholm le 8 juin 1994 N° Lexbase : L6758BHR), Suisse (Convention France - Suisse signée à Paris le 9 septembre 1966 N° Lexbase : L6752BHK), Venezuela (Convention France - Vénézuela signée à Caracas le 7 mai 1992 N° Lexbase : L6767BH4), Viêt-nam (Convention France - Vietnam signée à Hanoi le 10 février 1993 N° Lexbase : L6766BH3) et Zimbabwe (Convention France - Zimbabwe signée à Paris le 15 décembre 1993 N° Lexbase : L6769BH8).

  • L'article 164 C du CGI n'entre pas dans les dispositions communautaires relatives à la libre circulation des capitaux, le juge n'a donc pas à rechercher s'il instaure une discrimination fondée sur la nationalité (CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 322672, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8292HWZ)

L'article 164 C du CGI (N° Lexbase : L2839HLQ) pose le principe d'une imposition forfaitaire à l'impôt sur le revenu des non résidents français qui disposent en France d'une ou plusieurs habitations.

Cette imposition forfaitaire est susceptible de s'appliquer lorsque l'intéressé ne dispose pas de revenus de source française ou lorsque ses revenus de source française sont inférieurs à la base d'imposition forfaitaire.

En pratique toutefois, la portée effective de ce dispositif est réduite du fait des très importantes exceptions qu'il comporte puisque, notamment, y échappent les personnes domiciliées dans un des nombreux Etats ou territoires ayant conclu avec la France une convention relative aux doubles impositions.

Dans ce cadre, rappelons que la particularité de la Convention liant la France et Monaco depuis le 18 mai 1963 (Convention France - Monaco, signée à Paris le 18 mai 1963 N° Lexbase : L6726BHL) est de pas avoir pour objet d'éviter les doubles impositions entre les deux pays mais de régler des problèmes de voisinage liés notamment à la différence des régimes fiscaux, génératrice de distorsions dans les domaines économique et financier.

Il en résulte que les personnes domiciliées à Monaco disposant d'une ou plusieurs habitations en France sont susceptibles de se voir appliquer les dispositions de l'article 164 C du CGI.

Tel était le cas, dans l'affaire ayant donné lieu à la décision commentée d'un couple germano-libanais qui s'était vu notifier un redressement d'impôt sur le revenu français à raison de la disposition d'une habitation sur la commune de Vallauris (Alpes-maritimes).

Ayant contesté ce redressement devant les juridictions administratives, la cour administrative d'appel de Marseille avait, dans une décision du 30 septembre 2008 (CAA Marseille, 4ème ch., 30 septembre 2008, n° 06MA00613, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0261EBB), annulé le jugement du tribunal administratif de Nice qui avait, pour sa part, confirmé lesdits redressements.

La cour administrative d'appel avait, en effet, considéré que l'article 164 C était contraire au principe de liberté de circulation des capitaux, initialement posé par le paragraphe 1 de l'article 73 B du Traité instituant la Communauté européenne et aujourd'hui codifié à l'article 63 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (N° Lexbase : L2713IP8).

Le Conseil d'Etat, dans son arrêt précité du 27 juillet 2011, casse la décision rendue par la cour administrative d'appel de Marseille en rappelant que le principe communautaire de liberté de circulation des capitaux ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers.

Au cas particulier, et ainsi que le relève la Haute juridiction, les dispositions de l'article 164 C du CGI font partie de l'ordre juridique français de manière ininterrompue depuis leur création par l'article 7 de la loi du 29 décembre 1976, modifiant les règles de territorialité et les conditions d'imposition des français de l'étranger ainsi que des autres personnes non domiciliées en France (loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 N° Lexbase : L8856IEQ).

L'affaire a donc été renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille pour y être à nouveau jugée.


(1) Le droit d'aubaine était un privilège du roi de France qui pouvait hériter de tous les biens d'un étranger résidant en France. Le droit de détraction accordait au monarque le pouvoir de distraire une partie de la succession qu'il autorisait à un étranger de recueillir.

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Fonction publique

[Jurisprudence] Les fonctionnaires ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle pour des activités exercées dans le secteur privé

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 26 septembre 2011, n° 329228, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1510HYL)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 17 Décembre 2011

Des dispositions relatives au droit de la fonction publique autorisent l'Etat ou les collectivités territoriales, souvent à la demande de ses agents, à placer ceux-ci soit dans une autre administration que celle d'origine, soit auprès d'une entreprise publique ou privée. Deux mécanismes sont envisageables : la mise à disposition ou le détachement. En cas de mise à disposition, le fonctionnaire demeure dans son corps d'origine. Il est réputé occuper son emploi et continue à percevoir la rémunération correspondante. Toutefois, il effectue son service dans une autre administration que la sienne ou auprès d'un organisme d'intérêt général, public ou privé. En cas de détachement, en revanche, le fonctionnaire est placé hors de son corps d'origine mais il continue à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à avancement et à la retraite, sauf s'il est placé hors cadre. La difficulté est donc de déterminer, en cas de contentieux, le droit applicable. Faut-il faire jouer les règles du droit de la fonction publique ou celles du droit du travail, dès lors que l'intéressé serait mis à disposition ou détaché dans une entreprise de droit privé ? Outre la question du juge compétent (juge administratif ou judiciaire), les enjeux pratiques pour les trois parties intéressées (l'administration, le fonctionnaire et l'organisme d'accueil) sont considérables. Parmi ces enjeux figure en bonne place l'application issue des règles de droit public de la protection fonctionnelle de l'agent public détaché dans une entreprise privée. Il ressort des faits de l'espèce que le requérant a été détaché à la direction générale d'EDF en qualité de directeur de la prospective et des relations internationales et de délégué général auprès du directeur général adjoint. Une lettre anonyme en date du 11 février 2005 le mettant en cause à raison des activités qu'il exerçait, à la suite de son détachement de la fonction publique dans l'entreprise privée, a déclenché une enquête préliminaire du parquet à son encontre. Ayant introduit une action en dénonciation calomnieuse à l'encontre de l'auteur de la lettre anonyme, il demande la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (1). La demande est faite dans le cadre de cette première action mais aussi dans le cadre d'une autre action toujours prise sous le chef de dénonciation calomnieuse mais, cette fois-ci, à son encontre, engagée par un avocat que le requérant avait attaqué pour falsification d'une pièce produite en justice dans le cadre du contentieux relatif à l'élection du nouveau directeur exécutif du Fonds "e7", association à but non lucratif dont EDF est membre et où il exerçait jusqu'alors sa fonction en tant que fonctionnaire détaché.

Le Conseil d'Etat rappelle que la protection fonctionnelle n'est due qu'à raison de faits liés à l'exercice par des fonctionnaires de leurs fonctions dans une collectivité publique. Les faits à l'origine des demandes de protection présentées par le requérant, fonctionnaire détaché à la direction générale d'EDF, se rattachent aux activités qu'il a exercées dans cette dernière société. Ils ne se rattachent donc pas à des fonctions exercées dans une collectivité publique et n'ouvrent, en conséquence, pas droit au bénéfice de la protection. Le requérant, maintenu par arrêté du 29 janvier 2004 en service détaché auprès d'EDF pour une durée de cinq ans à compter du 1er mai 2003, ne peut, pour l'application de ces dispositions, utilement soutenir que la transformation de l'établissement public EDF en société anonyme n'a pas modifié sa position statutaire. L'obligation de protection due par l'Etat à ses fonctionnaires ne s'applique donc pas dans le cas de faits se rattachant à des activités exercées hors de l'administration, telles que les fonctions de directeur exercées par l'intéressé au sein d'EDF, société anonyme.

Par principe, le fonctionnaire détaché est, en principe, soumis aux règles qui régissent sa situation dans l'emploi qu'il exerce par la voie du détachement. Ce sont, ainsi, les règles du droit public qui s'appliquent s'il est détaché auprès d'une administration publique, mais ce sont les règles du droit privé qui vont s'appliquer s'il est détaché auprès, notamment, d'une entreprise de droit privé (2). En ce sens, le fonctionnaire détaché se voit appliquer le statut de salarié. A ce jour, ni le juge administratif, ni la doctrine administrative, n'ont préconisé d'étendre le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents de droit privé dont les liens avec le service sont beaucoup plus distendus que ceux des agents de droit public et dont les obligations professionnelles ne sont pas les mêmes. L'octroi d'une protection fonctionnelle aux agents de droit privé travaillant pour le compte d'un service public à caractère industriel et commercial ne serait pas conforme à la raison d'être de cette garantie, ni à sa finalité. C'est en ce sens que le Conseil d'Etat a pu juger en l'espèce. Les rapports entre un fonctionnaire détaché et la société anonyme EDF ne pouvant être que des rapports de droit privé, ce dernier ne peut bénéficier de la protection fonctionnelle.

Mais l'application du statut de salarié au fonctionnaire détaché laisse néanmoins, en l'espèce, un sentiment de malaise et peut paraître, à certains égards, en contradiction avec la dynamique nouvelle instituée en matière de mobilité telle qu'elle résulte de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (3). Il existe, en outre, aujourd'hui une jurisprudence nouvelle qui incite à étendre le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents publics placés dans un rapport de droit privé, voire, dans certains cas, à appliquer cumulativement à une même relation de travail le statut de fonctionnaire et le Code du travail. La naissance plus générale d'un droit public du travail cumulé au fait que la protection n'ait cessé de s'étendre au-delà des textes statutaires pouvait logiquement amener, en ce sens, à l'application de la protection fonctionnelle à l'agent public détaché dans une entreprise privée. Le Conseil d'Etat a choisi une solution contraire dans la logique du rapport de droit privé unissant le fonctionnaire détaché à l'entreprise privée (I). Il aurait pu, à l'inverse, tenir compte de la nouvelle logique d'application liée à la mise en place d'un droit public du travail pouvant régir la situation particulière de ces agents publics (II).

I - Une décision qui s'inscrit dans la logique de la situation de droit privé du fonctionnaire détaché

Dans la logique d'application des rapports de droit privé unissant le fonctionnaire détaché à l'entreprise privée (A), le Conseil d'Etat n'a jamais appliqué la protection fonctionnelle à un agent public détaché auprès d'une entreprise privée (B), et ceci, malgré une extension toujours croissante du bénéfice de la protection.

A - Un contrat de droit privé qui régit la situation du fonctionnaire détaché

Le détachement de tout fonctionnaire obéit à trois principes essentiels posés par le statut général des lois de 1983 et 1984 (4) et de leurs décrets d'application : l'autonomie des deux carrières l'une par rapport à l'autre (dans le corps d'origine et dans l'organisme d'accueil), le maintien des droits à l'avancement et à la retraite dans le corps d'origine et, enfin, la soumission aux règles qui régissent la fonction dans laquelle l'agent public est détaché.

En ce sens, et suivant une jurisprudence aujourd'hui classique, le fonctionnaire détaché auprès d'une personne morale de droit privé pour exercer des fonctions se trouve lié à cette personne morale par un contrat de travail de droit privé. L'intéressé doit être soumis aux règles de celui-ci sauf dispositions expresses. Il est juridiquement soumis au droit du travail applicable à son nouvel emploi : statut du personnel de l'entreprise d'accueil, règlement intérieur, règlement du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, participation au comité d'entreprise, application des conventions collectives. En cas de litige avec l'entreprise d'accueil, le conseil des prud'hommes est compétent (5). Les dispositions légales relatives aux congés payés sont applicables (6). En cas de chômage partiel, l'allocation spéciale est due (7). La contribution à l'assurance chômage est obligatoire comme pour les autres salariés de l'organisme d'accueil (8). Enfin, le fonctionnaire détaché doit être affilié au régime de retraite supplémentaire institué dans l'entreprise privée par voie conventionnelle (9).

Il y a, ainsi, un souci de la jurisprudence de vouloir uniformiser le statut de ceux qui travaillent dans une entreprise ou une association. L'appartenance à une communauté humaine, celle des travailleurs, implique sans doute l'application de droits et obligations communs : droit d'être inscrit sur les listes électorales prud'homales (10), droit d'être désigné délégué syndical (11), ou encore le droit de participer aux élections des délégués du personnel (12). Il y a, en outre, pour les services des ressources humaines, un intérêt pratique incontestable à ne pas gérer un personnel aux statuts multiples.

Enfin, la situation du personnel de l'administration relevant d'un statut de droit privé relève de liens, par essence, beaucoup plus distendus que dans le cas des agents publics et ne sauraient par conséquent être institutionnalisés. C'est précisément la spécificité de ces liens qui justifie la protection fonctionnelle. Par exemple, le Conseil d'Etat a pu juger que les agents détachés dans une entreprise privée ne pouvaient pas obtenir un avancement de grade dans leur cadre d'emplois d'origine, les services accomplis au sein de l'entreprise privée n'étant pas considérés comme des services effectifs au sens des statuts particuliers (13). Les salariés de droit privé de l'administration se trouvent généralement dans une situation dont la précarité et l'instabilité relatives ne sauraient postuler les mêmes garanties.

B - Une protection fonctionnelle jamais étendue aux agents de droit privé

Si le bénéfice de la protection fonctionnelle n'a jamais été étendu aux agents de droit privé, elle n'a, pour autant, jamais cessé de croître au fil des ans. Peu importe le fait qu'ils soient stagiaires (14) ou titulaires. Peu importe leur position statutaire -mise à disposition (15) ou détachement (16)- ou leur lieu d'affectation (17). Il en est de même quelque soit la nature de l'emploi occupé (temps complet ou non, temps partiel, temps plein), ou leur situation administrative au moment de la demande, que l'agent soit en congé maladie (18) ou temporairement suspendu de ses fonctions (19), voire encore admis à la retraite (20).

En ce sens, l'obligation de protection qui incombe à une administration envers l'un de ses agents a été érigée en principe général du droit que l'agent soit poursuivi civilement par un tiers pour une faute de service qui n'a pas le caractère de faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions (21) ou qu'il soit pénalement mis en cause pour des faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle (22). Une telle consécration conjuguée à la portée essentiellement fonctionnelle de ce principe a même permis au juge administratif d'étendre la protection aux collaborateurs occasionnels du service public (23), ainsi qu'aux personnes investies d'un mandat électif local (24) ou aux élus des chambres consulaires (25).

La nature fonctionnelle de la protection, combinée avec la jurisprudence du Conseil d'Etat voyant dans l'article 11, alinéa 2, de la loi de 1983 l'illustration d'un principe général du droit, incite à étendre le bénéfice de la protection bien au-delà des textes statutaires : ayants droit des fonctionnaires d'autorité lorsque ces derniers sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions ou lorsque leurs proches, du fait des fonctions qu'ils exercent, sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages, agents non titulaires, etc..

La garantie profite donc à tous les agents publics, quelles que soient leur situation juridique, la nature de leurs fonctions et la collectivité qui les emploie, dès lors que cette qualité leur est reconnue, c'est-à-dire à partir du moment où, employés par une personne publique, ils assurent une mission de service public. Seuls restent encore exclus de la protection fonctionnelle les agents qui, à l'égard de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, se trouvent dans une situation de droit privé. Si, en effet, c'est bien l'étroitesse du lien qu'entretiennent les agents publics avec l'administration qui fonde en partie la protection statutaire, il paraît pour le moins délicat d'en admettre le bénéfice au profit des salariés de droit privé dont la situation relativement précaire ne saurait postuler des garanties identiques. Pour autant, certains éléments plaident, aujourd'hui, pour une mise en place de garanties identiques. Parmi ces éléments, figure, au premier rang, la logique nouvelle d'application d'un droit public du travail.

II - Une décision qui aurait pu s'inscrire dans la logique nouvelle d'application d'un droit public du travail

Dans la logique nouvelle d'application, aujourd'hui, dans certains cas, d'un droit public du travail, le Conseil d'Etat a pu dernièrement passer outre le statut de droit privé des fonctionnaires de France Télécom investis de mandats représentatifs pour leur octroyer une protection qui ne leur était pas offerte par leur statut. Cet exemple pourrait être transposé au cas des fonctionnaires détachés dans une entreprise privée (B), sachant que l'application unique du statut de droit privé peut amener certaines contrariétés (A).

A - Une application unique du statut de droit privé qui peut déboucher sur certaines contrariétés

La nature fonctionnelle de la protection combinée avec la jurisprudence du Conseil d'Etat voyant, dans cette dernière, l'illustration d'un principe général du droit, permettent d'étendre toujours plus le bénéfice de la protection bien au-delà des textes statutaires. Certains arguments incitent, depuis quelques temps, à penser que même les agents liés à la collectivité publique par un contrat de droit privé devraient pouvoir bénéficier de cette protection statutaire. Le ministre de l'Intérieur a, en ce sens, recommandé aux collectivités locales, employeurs de contrats emplois solidarité et d'emplois jeunes, de mettre en oeuvre, à leur profit, cette protection fonctionnelle (26). Or, les contrats aidés sont des contrats de droit privé par détermination de la loi. Il convient de tenir compte qu'il n'en demeure pas moins que leurs titulaires exercent des fonctions proches de celles des agents publics lorsque la personne qui les emploie est une personne publique gérant un service public à caractère administratif. Les titulaires de contrats aidés se voient protégés par leur administration dans un souci d'égalité de traitement, et cette façon de raisonner peut largement être transposé au cas d'espèce. Puisque la protection fonctionnelle relève, au moins en partie, d'un principe général du droit, il serait assez logique que, comme dans le cas des agents publics non titulaires, l'analogie des fonctions entraîne l'identité de la protection.

Par ailleurs, lorsqu'un agent est victime de menaces, insultes ou voies de fait, son statut de droit public ou de droit privé importe peu à l'agresseur : c'est ce qu'il représente, le service public dans le cadre duquel la victime exerce ses fonctions, qui est alors visé. La nature institutionnelle de la garantie, le souci de protéger l'Etat, la collectivité ou ses services publics à travers les agents, militent, là encore, en faveur d'une telle extension.

En outre, si, par principe, le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, il doit contribuer à l'assurance chômage comme les autres salariés de l'organisme au sein duquel il exerce ses fonctions (27). La solution est pourtant loin d'être acquise puisque l'intéressé ne court pas le risque d'être au chômage comme les autres salariés puisqu'il réintègre son corps d'origine à l'issue du détachement. L'on peut ainsi parler de versement de cotisations sans cause qui, dans une optique civiliste, vaut, également, pour le contrat de travail (28). Enfin, dans le même ordre d'idée, la rupture du contrat du fonctionnaire détaché s'analyse aussi, dans une optique de droit privé, comme un licenciement. Or, le droit au licenciement est construit à partir de l'idée selon laquelle la perte de l'emploi consécutive à la rupture du contrat de travail doit être indemnisée sauf faute grave du salarié. Si, en cours de contrat, le lien de subordination peut expliquer l'application du Code du travail, à l'expiration du contrat, les fonctionnaires détachés et les salariés de droit commun ne sont pas dans une situation identique. Autant les seconds risquent d'être au chômage, autant les premiers n'ont jamais quitté leur corps d'origine. Le droit positif impose donc aux organismes de droit privé l'obligation de verser des indemnités de licenciement qui compensent un préjudice inexistant, ce qui s'analyse à nouveau comme un paiement sans cause (29).

B - L'exemple de la protection des fonctionnaires de France Télécom investis de mandats représentatifs

Le salarié investi d'un mandat syndical ou représentatif bénéficie d'une protection exorbitante du droit commun qui fait, notamment, obstacle à ce que l'employeur lui impose sans son accord un changement dans ses conditions de travail. Mais la question du bénéfice de cette protection se pose, en revanche, s'agissant de fonctionnaires exerçant leur service dans des sociétés de droit privé. Ces travailleurs, placés sous l'autorité de cette société, sont amenés à participer avec les salariés de l'entreprise à l'organisation et au fonctionnement de leur entreprise par l'intermédiaire des institutions représentatives. Cela signifie, entre autre, que les fonctionnaires peuvent être élus, comme délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise, ou désignés délégués syndicaux selon les règles établies dans le secteur privé. Cependant, aucune des dispositions relatives à la protection des salariés investis de mandats représentatifs ou syndicaux ne leur est applicable. Sont-ils pour autant dépourvus de toute protection à l'encontre de l'entreprise privée qui déciderait d'un changement de leurs conditions de travail ?

Face à l'absence générale de protection, précisément en cas de changement dans les conditions de travail, la Cour de cassation avait pris la décision de transposer purement et simplement les solutions appliquées aux salariés protégés du secteur privé concernant certains personnels de France Télécom ayant conservé le statut de fonctionnaire malgré la transformation de l'établissement public en une société de droit privé (30). Elle donnait, ainsi, compétence au juge judiciaire pour connaître du trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte portée au mandat de représentation, tout en laissant au juge administratif le soin d'examiner la décision de mutation dont avait fait l'objet le fonctionnaire de France Télécom. Cependant, dans une décision très récente, le Conseil d'Etat décida de statuer de manière doublement différente (31). D'abord, le Conseil d'Etat ne dissocie pas la décision de mutation de ses effets sur le mandat représentatif et attribue la pleine et exclusive compétence du juge administratif sur la question. Ensuite, le Conseil dote, pour la première fois, le fonctionnaire investi d'un tel mandat d'une protection spécifique qui ne fait pas a priori obstacle à un changement des conditions de travail. Celui-ci peut être imposé au fonctionnaire, à charge pour lui d'exercer un recours afin de contester la mesure en raison d'une atteinte trop importante au principe de participation et de faire prononcer sa suspension ou son annulation. Le juge administratif doit, alors, faire la pesée entre les intérêts du service et ceux de la collectivité de travail.

C'est à cette décision du Conseil d'Etat que se plie la Cour de cassation dont elle reprend in extenso l'énoncé des motifs. La soumission de la Cour est pleinement cohérente en ce qu'elle évite une division artificielle du contentieux et distingue bien ce qui relève à proprement parler du statut, qui dépend de la compétence du juge administratif, et du mandat, qui ressort de la compétence du juge judiciaire (32). Il y a là un exemple concret de la manière dont pourrait raisonner le juge administratif dans le contentieux relatif à la protection fonctionnelle de l'agent public détaché dans une entreprise privée même si, pour le détachement, les fonctionnaires en question ne sont pas "fonctionnaires de l'entreprise privée", mais liés à l'employeur d'affectation par un contrat de droit privé.


(1) Loi n° 83-634, 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), JO, 14 juillet 1983, p. 2174. Aux termes de l'article 11, alinéa 1er, de la loi du 13 juillet 1983, "les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire".
(2) CE 1° et 2° s-s-r., 9 octobre 2002, n° 233596, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2896A3N), Rec. CE, 2002, p. 622. La solution est identique pour les détachements dans les groupements d'intérêt économique (T. confl., 15 février 1999, n° 3141 N° Lexbase : A5563BQ4, Rec. CE, 1999, p. 705), les EPIC (T. confl., 20 juin 1994, n° 2862 N° Lexbase : A5920BKH, Rec. CE, 1994, p. 998), ou encore les associations investies d'une mission de service public (T. confl., 24 juin 1996, n° 3031 N° Lexbase : A5682BQI, Rec. CE, 1996, p. 547).
(3) Loi n° 2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (N° Lexbase : L6084IE3), JO, 6 août 2009, p. 13116. Elle consacre, en effet, un véritable droit au départ, puisque l'administration d'origine ne peut pas s'opposer à la demande d'un fonctionnaire d'être placé en position de détachement, en disponibilité ou hors-cadre, sauf raisons tirées des nécessités du ou en cas d'incompatibilité décelée par la Commission de déontologie (cf. D. Jean-Pierre, La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, JCP éd. A, 2009, n° 2232).
(4) Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L7077AG9).
(5) Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-40.139 (N° Lexbase : A0129ATX), RJS, 2001, première et seconde espèce.
(6) Ibid.
(7) CE 1° et 2° s-s-r., 9 octobre 2002, n° 233596, préc..
(8) Cass. soc., 27 juin 2000, n° 97-43.536 (N° Lexbase : A3555AU9).
(9) Cass. soc., 17 octobre 2000, n° 98-40.288 (N° Lexbase : A7678AHT).
(10) Ass. plén., 20 décembre 1991, n° 90-43.616 (N° Lexbase : A1108AAB), Dr. soc., 1992, p. 439, obs. J. Savatier.
(11) Cass. crim., 5 mai 1980, n° 77-92.979 (N° Lexbase : A1868CGB), Bull. crim., 1980, n° 133.
(12) Cass. soc., 21 juin 1978, n° 78-60.415 (N° Lexbase : A4289CIP), Bull. civ. V, 1978, n° 494.
(13) CE 3° et 8° s-s-r., 28 avril 2006, mentionnés aux tables du recueil Lebon, n° 278087 (N° Lexbase : A1991DPG) et n° 279673 (N° Lexbase : A2001DPS), JCP éd. A, 2006, A, n° 1150, note D. Jean-Pierre.
(14) CE 1° et 2° s-s-r., 3 mars 2003, n° 235052 (N° Lexbase : A3937A7X).
(15) CE 3° et 5° s-s-r., 24 février 1995, n° 112538, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2412ANN).
(16) CAA Paris, 1ère ch., 24 octobre 1996, n° 94PA02173, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1689BIE).
(17) CE, S., 14 février 1975, n° 87730, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9972B7H) ; voir aussi CE, Ass., 6 novembre 1968, n° 70282, publié au recueil Lebon ([LXB=A4542B7D ]), Rec. CE, 1968, p. 545, à propos d'agents en service en Algérie, ou TA Nouméa, 31 décembre 1985, Rec. CE 1985, p. 670, à propos d'agents en service dans les îles Loyauté.
(18) CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2010, n° 308974, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1604ETL).
(19) CAA Marseille, 2ème ch., 16 novembre 2004, n° 00MA001794 (N° Lexbase : A3186DG4).
(20) CAA Lyon, 3ème ch., 7 novembre 2006, n° 03LY00384, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4283DSG).
(21) CE 3° et 6° s-s-r., 5 mai 1971, n° 79494, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3632B7N).
(22) CAA Bordeaux, 2ème ch., 25 mai 1998, n° 96BX01847, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6316BEN).
(23) CE, 27 octobre 1961, Rec. CE, 1961, p. 602.
(24) CAA Bordeaux, 2ème ch., 25 mai 1998, n° 96BX01847, préc..
(25) CE, Sect., 8 juin 2011, n° 312700, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5418HTT).
(26) QE n° 26472 de M. Caillaud Dominique, JOANQ, 8 mars 1999, p. 1358, réponse publ. 16 août 1999, p. 4969, 11ème législature (N° Lexbase : L1725IRC), AJFP 200/1, p. 24.
(27) Cass. soc., 27 juin 2000, n° 97-43.536 (N° Lexbase : A3555AU9).
(28) C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B).
(29) Cf. note T. Lahalle sous Cass., soc., 9 novembre 2005, n° 03-45.006, F-P+B (N° Lexbase : A5096DLC), JCP éd. A, 2006, n° 1087.
(30) Cass. soc, 5 mars 2008, n° 07-11.123, FS-P+B (N° Lexbase : A3316D7X), Bull. civ. V, n° 53, AJDA 2008, p. 498, JCP éd. S, 2008, n° 1309, obs. Kerbourc'h.
(31) CE 2° et 7° s-s-r., 24 février 2011, n° 335453, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7017GZW), Dalloz actualité, 8 mars 2011, obs. de Montecler ; AJDA, 2011, p. 418.
(32) Cass. soc., 17 mai 2011, n° 10-15.577, FS-P+B (N° Lexbase : A2563HSQ), Dalloz actualité, 9 juin 2011, note B. Ines.

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Pénal

[Jurisprudence] L'inconstitutionnalité de l'inscription de l'inceste sur mineur dans le Code pénal

Réf. : Cons. const., décision n° 2011-163 QPC, du 16 septembre 2011 (N° Lexbase : A7447HX4)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 13 Octobre 2011

Par une action conjuguée de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel, le principal dispositif instauré par la loi n° 2010-121 du 8 février 2010, tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux (N° Lexbase : L5319IG4) (1), vient d'être réduit à néant ! Le nouvel article 222-31-1 du Code pénal (N° Lexbase : L5376IG9) selon lequel "les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une soeur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait", a, en effet, été déclaré inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel dans une décision du 16 septembre 2011 au nom du principe de la légalité des délits et des peines (Cons. const., décision n° 2011-163 QPC, du 16 septembre 2011). Cette censure qui peut paraître compréhensible (I) entraîne une remise en cause regrettable de l'inscription de l'inceste dans le Code pénal, qui avait pourtant été salué comme un progrès dans la lutte contre les violences sexuelles intra-familiales (II). I - La censure fondée sur le principe de légalité des délits et des peines

Renvoi par la Cour de cassation. Le Conseil avait été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation qui avait accepté son renvoi dans un arrêt de la Chambre criminelle du 22 juin 2011 (22). La Cour de cassation avait, en effet, considéré que les différentes conditions de renvoi de la QPC étaient réunies. D'une part, l'article 222-31-1 du Code pénal était applicable à la procédure, l'auteur du pourvoi et de la QPC ayant été condamné pour viols aggravés qualifiés d'incestueux. D'autre part, cette disposition n'avait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, la loi n'ayant pas fait l'objet d'un examen de ce dernier lors de son élaboration. Enfin, et surtout, la Cour de cassation considère que la QPC qui lui est soumise "est sérieuse au regard du principe de légalité des délits et des peines dès lors que la famille au sein de laquelle doivent être commis les actes incestueux, dont la qualification se superpose à celles de viols et agressions sexuelles, n'est pas définie avec suffisamment de précision pour exclure l'arbitraire".

Légalité des délits et des peines. C'est ce même argument qui est repris par le Conseil constitutionnel, quoique sur un fondement quelque peu différent, qui considère que "s'il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille".

Imprécision de la définition de la famille. Cette décision repose sur une analyse stricte de l'exigence de lisibilité de la loi pénale. Le Conseil, ainsi que la Cour de cassation, considèrent en effet que l'expression "toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait" n'est pas suffisamment précise pour définir les membres de la famille dont les abus sexuels pourraient être qualifiés d'incestueux au regard de l'article 222-31-1 du Code pénal. Cette formule reposait sur une conception large et ouverte de la famille dans le but bien compris d'offrir à l'enfant victime d'inceste une meilleure protection. Lorsque l'auteur des faits n'était ni un ascendant, ni un frère ou une soeur, l'agression sexuelle qu'il avait commise pouvait être qualifiée d'incestueuse selon un double critère : il fallait qu'elle ait été commise par une personne de la famille qui, exerçait sur l'enfant une autorité de fait ou de droit. C'est la référence à la famille sans autre précision qui a, semble-t-il, particulièrement gêné le Conseil constitutionnel. Il est vrai qu'aucune définition légale de la famille n'est contenue dans les textes. Il n'en reste pas moins qu'une définition assez communément admise permet de considérer que la famille s'entend de l'ensemble des personnes liées par une parenté ou une alliance. Sur ce second point sans doute la définition reste un peu floue : l'alliance implique-t-elle les concubins ? Les pacsés ? La réponse de la doctrine et de la jurisprudence à cette question paraît aujourd'hui clairement positive lorsqu'il s'agit de concubins hétérosexuels, sans doute est-elle moins péremptoire quand il s'agit de concubins homosexuels. Il n'en demeurait pas moins que la définition laissait persister des hésitations que le Conseil constitutionnel a pu juger incompatibles avec le principe des délits et des peines même si le second critère, celui de l'autorité de fait ou de droit, permettait d'atténuer l'effet de cette zone de flou. On aurait sans doute pu considérer que cette précision conférait à la définition de l'acte incestueux une certaine souplesse sans pour autant la rendre totalement aléatoire. Cependant, les magistrats de la Cour de cassation ont vu dans cette définition souple un risque d'arbitraire et le Conseil constitutionnel a considéré qu'elle ne répondait aux exigences du principe de légalité des délits et des peines.

II - La remise en cause de l'inscription de l'inceste dans le Code pénal

Défaut d'enjeu de la surqualification. Le défaut d'enjeu de la "surqualification" d'inceste, qui ne modifie pas la peine prévue par le Code pénal, n'a exercé aucune influence sur la censure du Conseil constitutionnel. Il est intéressant de constater qu'il n'a pas non plus dissuadé l'auteur de la QPC, poursuivi pour viol aggravé. Cette réaction tend à démontrer que la surqualification d'inceste, notamment en raison de son inscription sur le casier judiciaire de la personne condamnée, dépasse finalement la portée essentiellement symbolique pour les victimes que l'on avait identifié au moment de l'entrée en vigueur de la loi, Mais c'est justement toute la symbolique de l'entrée de l'inceste dans le Code pénal qui est frappée de plein fouet.

Abrogation immédiate. Le Conseil constitutionnel n'a même pas voulu laisser au législateur -comme il l'a fait à plusieurs reprises dans d'autres domaines (3)-, le temps de préciser le texte, affirmant que "l'abrogation de l'article 222-31-1 du Code pénal prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'à compter de cette date, aucune condamnation ne peut retenir la qualification de crime ou de délit incestueux' prévue par cet article ; que, lorsque l'affaire a été définitivement jugée à cette date, la mention de cette qualification ne peut plus figurer au casier judiciaire". Par cette dernière formule, le Conseil constitutionnel revient même sur les condamnations passées, prononcées avant sa décision, ce qui confère à celle-ci une portée rétroactive. En effet, en raison de la neutralité répressive de la loi du 8 février 2010 pour ce qui concerne la qualification d'inceste, on avait pu considérer que, ni plus sévère ni plus douce, elle pouvait s'appliquer aux procès en cours (4).

Anéantissement du dispositif légal. Avant même que l'article 222-31-1 du Code pénal ait vraiment été appliqué (on dénombre à ce jour cinq décisions examinées par la Cour de cassation qui visent ce texte), le dispositif qu'il contenait a été anéanti, au nom des droits de la défense. Or, ce texte constituait l'apport essentiel de la loi du 8 février 2010, dont il ne reste finalement rien ou presque, si ce n'est la nouvelle définition de la contrainte morale, qui constitue un progrès non négligeable dans la répression des violences sexuelles intra-familiales. L'inceste sur mineur n'aura finalement fait qu'une brève apparition dans le Code pénal. Son retour est désormais subordonné à une réécriture par le législateur de la définition de la famille dans le Code pénal.

Nouvelle définition de la famille. Pour satisfaire les exigences du Conseil constitutionnel, il faudrait sans doute établir une liste précise et exhaustive des personnes susceptibles de commettre des actes incestueux, ce qu'avait d'ailleurs proposé à l'origine la mission parlementaire présidée par Christian Estrosi. La liste visait l'ascendant légitime, naturel ou adoptif, l'oncle ou la tante légitime, naturel ou adoptif, le frère ou la soeur, légitime naturel ou adoptif, ainsi que le conjoint, le concubin, ou partenaire de l'une de ces personnes. Outre, la suppression de la distinction entre la parenté légitime ou naturelle qui n'a plus lieu d'être depuis la réforme de la filiation de 2005, cette énumération pourrait être utilement complétée par la mention du cousin, et de la cousine, du beau-frère et de la belle-soeur. Il restera à savoir s'il faut malgré tout conserver le critère d'autorité de fait ou de droit qui ne serait finalement, plus nécessaire en présence d'une liste précise, au regard des exigences tirées du principe de la légalité. Il faut en tout état de cause formuler le souhait que le texte sera effectivement réécrit et que l'inceste sur mineurs après avoir fait brièvement l'objet d'une qualification pénale ne retourne pas complètement dans l'ombre...


(1) A. Lepage, Réflexions sur l'inscription de l'inceste dans le Code pénal par la loi du 8 février 2010, JCP éd. G, 2010, 335 ; G. Delors, L'inceste dans le Code pénal : de l'ombre à la lumière, RSC, 2010, p. 599 ; A. Bourra-Gueguen, Commentaire de la loi du 8 février 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal, Dr. fam., 2010, Etude n° 15 ; P. Bonfils, La loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux, RSC, 2010, p. 462.
(2) Cass. QPC, 22 juin 2011, n° 10-84.992 (N° Lexbase : A9073HUL) ; un autre arrêt du même jour (Cass. QPC, 22 juin 2011, n° 10-88.885 N° Lexbase : A9074HUM) refuse de renvoyer la même question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel au motif qu'il a déjà été saisi de cette question par la Cour de cassation.
(3) En dernier lieu à propos de l'impartialité du juge des enfants dans ses décisions du 8 juillet (Cons. const., décision n° 2011-147 QPC, du 8 juillet 2011 N° Lexbase : A9354HUY) et du 4 août 2011 (Cons. const., décision n° 2011-635 DC, du 4 août 2011 N° Lexbase : A9170HWK).

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Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] L'adhésion d'un salarié à une CRP entraîne renonciation à la proposition de reclassement de l'employeur

Réf. : Cass. soc., 28 septembre 2011, jonction, n° 10-23.703 et n° 10-23.704, F-P+B (N° Lexbase : A1504HYD)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

Le 13 Octobre 2011

Alors même que la convention de reclassement personnalisé (CRP) (C. trav., art. L. 1233-65 N° Lexbase : L8855IQZ à L. 1233-70 N° Lexbase : L8850IQT, réd. antérieure à la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 N° Lexbase : L8283IQT) vient d'être substituée par un dispositif identique, mais à l'appellation modifiée (convention de sécurisation professionnelle), la Cour de cassation poursuit son travail de définition du régime juridique du dispositif de reclassement. Si la convention de conversion, le pré-pare (1) ou, depuis 2005, la CRP (2) ont donné lieu à de multiples dispositifs législatifs, réglementaires et conventionnels, leur régime a présenté un certain nombre de lacunes, que la Cour de cassation a réglé par sa jurisprudence.
La question posée, en l'espèce, à la Cour de cassation ne porte précisément pas tant sur le régime juridique de la CRP, que sur son articulation avec l'obligation de reclassement, telle qu'elle est fixée par les dispositions législatives, réglementaires, conventionnelles et contentieuses. L'enjeu de ce débat tient, bien sûr, à sa possible transposition de la solution au nouveau régime du contrat de sécurisation professionnelle, qui a pris la suite de la CRP depuis le 1er septembre 2011 (arrêté du 1er septembre 2011 N° Lexbase : L1377IRG) (3).
En l'espèce, deux salariés se sont pourvus en cassation contre deux arrêts rendus, le 29 juin 2010, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans les litiges les opposant à la société Y. Ils ont été licenciés pour motif économique le 2 juillet 2007, après s'être vus proposer lors de l'entretien préalable une offre de reclassement dans un poste de technicien d'exploitation et une CRP à laquelle ils ont adhéré. Ces salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation rejette leur pourvoi, en relevant que les salariés avaient accepté la CRP qui leur avait été proposée. Aussi, l'employeur n'a pas manqué à son obligation de reclassement en pourvoyant après cette date le poste qu'il leur avait offert en reclassement sans attendre l'expiration du délai de réflexion consenti. En effet, si l'adhésion du salarié à une CRP, qui entraîne la rupture de son contrat de travail, ne le prive pas du droit de contester le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, elle entraîne toutefois nécessairement renonciation de sa part à la proposition de reclassement qui lui a été faite. L'arrêt rapporté permet de dessiner un tracé entre le bénéfice ouvert de certains droits, au profit du salarié ayant adhéré à une CRP avec les droits qui, au contraire, ne lui sont plus reconnus.
Résumé

Si l'adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé, qui entraîne la rupture de son contrat de travail, ne le prive pas du droit de contester le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, elle entraîne toutefois nécessairement renonciation de sa part à la proposition de reclassement qui lui a été faite.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées jusqu'à la date du licenciement.

I - La conclusion d'une CRP ouvre au salarié le bénéfice de certains droits

A - Droit de contester le respect par l'employeur de son obligation de reclassement

Le salarié jouit du droit de contester le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, alors même qu'il a adhéré à une CRP. La Cour de cassation a admis que l'adhésion du salarié à une CRP ne le prive pas de la possibilité de contester le motif économique de la rupture de son contrat de travail (infra) et que donc, il peut contester les conditions de recherche de son reclassement par l'employeur (4).

1 - En effet, l'employeur est tenu de proposer un emploi de reclassement, alors même qu'il propose au salarié une CRP.

La solution avait déjà été admise par la cour d'appel de Montpellier, pour laquelle l'adhésion du salarié à la CRP ne dispense pas l'employeur de l'exécution de son obligation de reclassement (5).

2 - L'employeur est tenu de proposer un emploi de reclassement, alors même qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi.

Il appartient à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement proposées individuellement à chaque salarié. La jurisprudence, établie en 1995 (6), a été confirmée en 1998 (7), 1999 (8), 2001 (9), 2002 (10), 2004 (11) et 2006 (12). En 2010, la cour d'appel de Nancy a admis la même solution (13).

Antérieurement à 2001 (au pré-Pare) et à 2005 (CRP), alors que la convention de conversion était le dispositif en vigueur, la jurisprudence avait déjà statué dans le sens d'un cumul entre proposition d'une convention de conversion et mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi (14).

B - Droit de contester le motif économique du licenciement

Au départ, la question a fait l'objet d'un certain flottement contentieux. Certaines juridictions du fond avaient refusé le droit pour le salarié ayant adhéré à une CRP, de contester le motif économique de la rupture de son contrat (15). Dans une espèce, le juge a estimé qu'un salarié ne saurait se prévaloir du fait que le délai de réflexion qui lui a été accordé a été insuffisant pour lui permettre d'apprécier la légitimité du caractère économique de la rupture du contrat de travail dès lors que le salarié disposait d'un délai suffisant de réflexion de 14 jours pour lui permettre d'apprécier la situation de l'entreprise et la validité du licenciement en cause.

Puis, certains juges du fond ont admis le contraire. Pour la cour d'appel de Paris (16), aucune disposition, ni aucune raison ne justifie que le droit de contester la cause de son licenciement, reconnu à tout salarié licencié pour motif économique, soit retiré au salarié passible d'un tel licenciement, au seul motif qu'il a accepté une CRP. De même, pour la cour d'appel de Montpellier (17), même si elle intervient du commun accord des parties, conformément à l'article L. 1233-67 du Code du travail (N° Lexbase : L8853IQX) (anc.), la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié de la CRP, proposée par l'employeur, ne le prive pas de la possibilité de contester la légitimité de la rupture. Enfin, pour la cour d'appel de Caen (18), il résulte de la combinaison des articles L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) et L. 321-4-2 I, alinéa 4 (N° Lexbase : L6081H94), devenus les articles L. 1233-3 (N° Lexbase : L8772IA7) et L. 1233-65 du Code du travail, que si l'adhésion du salarié à une CRP entraîne la rupture de son contrat de travail qui est réputée intervenir d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité de contester le motif économique qui doit être nécessairement à l'origine de cette rupture.

Enfin, la Cour de cassation s'est ralliée à cette dernière solution :

- une première fois, en 2008 (19) ; il résulte de la combinaison des textes alors en vigueur (C. trav., art. L. 321-1 et L. 321-4-2 I, al. 4, anc.) que si l'adhésion du salarié à une CRP entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique.

- une seconde fois, en en 2010 (20). En l'absence de motif économique de licenciement, la CRP devient sans cause. La Cour de cassation en tire la conséquence qu'il appartient au juge du fond d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans le protocole d'accord remis au salarié concomitamment à son acceptation de la CRP (21).

C - Autres prérogatives

  • Enonciation du motif économique du licenciement

En 2008, la cour d'appel de Caen (22) avait retenu une solution de bon sens, selon laquelle l'appréciation par le juge de la cause économique qui doit nécessairement justifier la rupture du contrat de travail, ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur, soit dans le document écrit obligatoirement remis à tout salarié concerné par un projet de licenciement pour motif économique en application de l'article 4 de la Convention du 27 avril 2005 relative à la CRP, soit dans la lettre de licenciement (prévue par l'article L. 122-14-1 N° Lexbase : L0042HDW devenu l'article L. 1232-6 du Code du travail N° Lexbase : L1084H9Z).

En 2009, la Cour de cassation s'est prononcée en ce sens (23). La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une CRP doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur. Si l'employeur n'avait adressé à la salariée aucun document écrit énonçant le motif économique de la rupture, la cour d'appel a exactement décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation (24), au final, envisage trois possibilités d'énonciation du motif économique : dans le document écrit d'information sur la CRP remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement ; dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement ; et, enfin, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation de la proposition de convention, dans tout autre document écrit remis ou adressé au salarié au plus tard au moment de son acceptation.

  • Préavis et congés payés

En 2010, la Cour de cassation a décidé qu'en l'absence de motif économique de licenciement, la CRP devient sans cause : l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu de la convention CRP. En d'autres termes, le régime propre à la CRP ne s'applique plus et l'employeur est soumis au droit commun du licenciement (C. trav., art. L. 1235-3 N° Lexbase : L1342H9L) et du préavis (C. trav., art. L. 1234-1 N° Lexbase : L1300H9Z à L. 1234-8 N° Lexbase : L1312H9H) (25).

  • Contestation de l'ordre des licenciements

A l'instar de la convention de conversion (26), la question s'est également posée de savoir si les salariés ayant adhéré à une CRP peut contester l'ordre des licenciements. Par son avis du 7 avril 2008 (Cass. avis, 7 avril 2008, n° 00-80.003, publié au bulletin N° Lexbase : A7187HYT), la Cour de cassation a également apporté à cette question une réponse positive :

- le salarié ayant adhéré à une CRP bénéficie de l'ensemble des droits et avantages prévus par sa qualité de stagiaire de la formation professionnelle (C. trav., art. L. 1233-67 N° Lexbase : L8853IQX, réd. antérieure à la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011) ; une protection sociale, au regard de l'assurance maladie-maternité, l'assurance AT-MP, l'assurance vieillesse ou enfin la retraite complémentaire, le versement d'une allocation spécifique de reclassement (80 % du salaire de référence pendant toute la durée de la CRP, soit pendant douze mois), le bénéfice d'actions de reclassement (entretien individuel de pré-bilan, plan d'action de reclassement personnalisé ; un appui individualisé, un suivi personnalisé et individualisé, une aide individuelle à la formation).

- le salarié ayant adhéré à une CRP peut prétendre à une indemnité différentielle de reclassement. Le reclassement du bénéficiaire de la CRP peut se faire dans des conditions de rémunération moins intéressantes que l'emploi précédemment occupé. Dans ce cas, il est prévu que lorsque, avant le terme de sa CRP, le bénéficiaire reprend un emploi dont la rémunération est, pour une même durée du travail, inférieure d'au moins 15 % à la rémunération de son emploi précédent, il perçoit une indemnité différentielle de reclassement (Convention du 19 février 2009, art. 9 ; Convention du 20 février 2010, art. 9).

II - La conclusion d'une CRP prive le salarié de certains droits

A - Renonciation du salarié à la proposition de reclassement qui lui a été faite

En l'espèce, la Cour de cassation conforte la décision de la cour d'appel, laquelle a constaté que les salariés avaient accepté la CRP qui leur avait été proposée, et en a justement déduit que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement en pourvoyant après cette date le poste qu'il leur avait offert en reclassement sans attendre l'expiration du délai de réflexion consenti.

La solution avait déjà été admise en 2010 : dès lors qu'il aura été correctement informé sur les conditions et conséquences de son adhésion à la CRP, le salarié sera réputé avoir renoncé, par l'effet même de son adhésion, aux postes de reclassement qui lui auront été proposés (28). La solution avait déjà été avancée par une cour d'appel, en 2008 (29) : en adhérant à la CRP, la salariée a, elle-même, provoqué la rupture du contrat pour bénéficier des diverses mesures du dispositif destinées à favoriser son reclassement et renoncé nécessairement aux propositions de reclassement au sein du groupe qui lui avaient été faites.

B - Renonciation au préavis

Le salarié bénéficie, dès le jour suivant la rupture du contrat de travail, du statut attaché à la CRP, celui de stagiaire de la formation professionnelle. Cette rupture ne comporte pas de préavis. La Cour de cassation en déduit que l'indemnité de licenciement de la salariée doit être calculée en tenant compte de l'ancienneté acquise par l'intéressée à la date de la rupture (30).

Toutefois :

- pour les salariés ayant 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, les indemnités correspondant à 2 mois de préavis sont versées à Pôle emploi qui les recouvre pour le compte de l'Unédic. Dans le cas où le salarié aurait dû percevoir une indemnité de préavis supérieure à 2 mois, la fraction excédant ces 2 derniers mois est payée au salarié par l'employeur (C. trav. art. L. 1233-67 ; Convention du 19 février 2009, art. 18, al. 3 ; Convention du 20 février 2010, art. 18, al. 3) ;

- et, pour les salariés n'ayant pas 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui auraient bénéficié d'une indemnité de préavis s'ils n'avaient pas accepté la CRP, le montant de cette indemnité leur est versé dès la rupture du contrat de travail (C. trav., art. L. 1233-67 ; Convention du 19 février 2009, art. 18, dernier al. ; Convention du 20 février 2010, art. 18, dernier al.).


(1) Voir les obs. de D. Baugard , Loi de modernisation sociale : le dispositif du PARE anticipé entre en vigueur mais laisse subsister des interrogations, Lexbase Hebdo n° 19 du 18 avril 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N2614AA3).
(2) Accord national interprofessionnel du 5 avril 2005, retranscrit dans une Convention relative à la CRP du 27 avril 2005 (N° Lexbase : L4927G8Y) ; arrêté du 24 mai 2005, portant agrément de la convention relative à la CRP, de l'avenant n° 5 à la convention du 1er janvier 2004, relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage (N° Lexbase : L7949G8W) ; convention du 20 février 2010 relative à la CRP ; arrêté du 1er avril 2011 portant agrément de l'ANI de sécurisation du régime d'assurance chômage du 3 mars 2011 ; circulaire Unédic n° 2011-18 du 8 avril 2011 (N° Lexbase : L3993IQX) ; ANI de sécurisation de la convention du 20 février 2010, en date du 29 avril 2011 ; circulaire Unédic n° 2011-26 du 4 juillet 2011 (N° Lexbase : L8248IQK) ; arrêté du 28 juillet 2011 portant agrément de l'ANI de sécurisation de la CRP du 20 février 2010 en date du 4 juillet 2011 (N° Lexbase : L9820IQR) ; circulaire Unédic n° 2011-29 du 16 août 2011 (N° Lexbase : L0270IRG).
Bibliographie très abondante. V. not., J.-Y. Kerbourch, La convention de reclassement personnalisé, SSL, suppl., 26 décembre 2005, n° 1242 ; v. nos obs., La convention de reclassement personnalisé, juridiquement opératoire, Lexbase Hebdo n° 172 du 16 juin 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N5323AIY) et Le nouveau régime des conventions de reclassement personnalisé, Lexbase Hebdo n° 179 du 1er septembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N7566AI3).
(3) Circulaire Unédic n° 2011-29 du 16 août 2011 (N° Lexbase : L0270IRG) ; voir nos obs., Réforme des groupements d'employeurs et consécration du contrat de sécurisation professionnelle' mis en place par les partenaires sociaux, Lexbase Hebdo n° 453 du 15 septembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N7621BS3).
(4) Cass. soc., 19 janvier 2011, deux arrêts, n° 09-43.522, F-D (N° Lexbase : A2820GQI) et n° 09-43.524, F-D (N° Lexbase : A2822GQL) : LSQ, n° 75, du 12 avril 2011 et LSQ, n° 23, du 1er février 2011 ; JSL, n° 295, du 10 mars 2011 ; A. Ménard (entretien avec), La convention de reclassement personnalisé, JCP éd. G, 30 mai 2011, 667, préc.. Si l'adhésion du salarié à une CRP entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique. La cour d'appel, qui a constaté que la société s'était bornée à envoyer au salarié, avant la rupture, une lettre circulaire assortie d'une liste de postes et ne justifiait de propositions concrètes et individuelles que postérieurement à la rupture, ce dont il résultait que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, a fait une exacte application de la loi.
(5) CA Montpellier, 15 octobre 2008, n° 08/016841, inédit, F. Millet et G. Rivet, Licenciement économique : retour sur la jurisprudence de la Cour de cassation en 2010, JSL, n° 293, du 10 février 2011.
(6) Cass. soc., 22 février 1995, n° 93-43.404 (N° Lexbase : A4022AA9), Bull. civ. V, n° 66, Dr. soc., 1995, n° 389, obs. J.-E. Ray, RJS, juin 1995, n° 633.
(7) Cass. soc., 7 juillet 1998, n° 96-41.565, publié (N° Lexbase : A5616ACY), Bull. civ. V, n° 370, D., 1998, IR 207 ; RJS, août et septembre 1998, n° 966 ; JCP éd. E, 1999, 1773, obs. P. Coursier.
(8) Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 96-45.665, publié (N° Lexbase : A4667AGX), D., 1999, IR 204 ; RJS, octobre 1999, n° 1237 ; Cass. soc., 13 avril 1999, n° 97-40.732, publié (N° Lexbase : A8931AGU), RJS, mai 1999, n° 643.
(9) Cass. soc., 17 janvier 2001, n° 98-46.109, publié (N° Lexbase : A9311ASN), TPS, 2001, comm. 126, obs. P. Y. Verkindt.
(10) Cass. soc., 26 mars 2002, n° 00-40.898, FS-P (N° Lexbase : A3858AYK), TPS, 2002, comm. 181, obs. P. Y. Verkindt, RJS, juin 2002, n° 665 ; Cass. soc., 9 janvier 2002, n° 00-40.437, F-D (N° Lexbase : A7670AXD), RJS, mars 2002, n° 277.
(11) Cass. soc., 20 octobre 2004, n° 02-42.645, F-D (N° Lexbase : A6433DDM).
(12) Cass. soc., 26 septembre 2006, n° 05-43.840, RDT, 2006, p. 316, obs. P. Waquet.
(13) CA Nancy, 9 juillet 2010, n° 09/01614 (N° Lexbase : A8388E4G). Dans le cadre de son obligation de reclassement, il revient à l'employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social, au sein du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutabilité de tout ou partie de son personnel. Il appartient ainsi à l'employeur d'établir qu'il a recherché et proposé à chacun des salariés dont le licenciement est envisagé un emploi adapté à leur qualification.
(14) Cass. soc., 13 février 1997, jonction, n° 96-41.874 et n° 96-41.875 (N° Lexbase : A4174AAT), Bull. civ. V, n° 64 ; Cass. soc., 3 mars 1998, jonction, n° 95-45.201 et 95-45.203, publié (N° Lexbase : A2575ACD), Dr. soc., 1998, p. 508, obs. R. Vatinet ; Cass. soc., 23 mai 2000, n° 97-42.880, publié (N° Lexbase : A9255ATX) Bull. civ. V, n° 197, Dr. soc., 2000, 792, obs. G. Couturier, RJS, juillet et août 2000, n° 661, D., 2000, IR 169.
(15) CA Douai, 23 février 2007, n° 06/01057 (N° Lexbase : A4413DUY).
(16) CA Paris, 22 mars 2007 : contrairement à ce que fait plaider l'employeur, ce nouveau dispositif (CRP) n'a pas eu pour effet de créer un mode de rupture amiable qui ferait obstacle à ce que le salarié ayant accepté une CRP, puisse ultérieurement contester cette rupture devant le juge. Si l'ancien article L 321-4-2 du Code du travail dispose que le contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord à la suite de l'acceptation par le salarié d'une CRP, ce texte réserve le bénéfice de cette convention aux seuls salariés dont l'employeur envisage de prononcer le licenciement économique et fait corrélativement obligation à l'employeur de proposer ce dispositif aux salariés intéressés -ceux-ci étant donc nécessairement licenciés, à défaut d'acceptation de la convention proposée. Aussi, pour la cour d'appel de Paris, il ne peut ainsi être soutenu par l'appelante que le nouveau dispositif de la CRP constituerait un mode autonome de rupture du contrat de travail, alors que les partenaires sociaux eux-mêmes ont manifestement compris cette mesure, comme une simple modalité du licenciement économique, permettant aux salariés visés par un tel licenciement de bénéficier d'un meilleur reclassement.
(17) CA Montpellier, 15 octobre 2008, n° 08/016841, préc..
(18) CA Caen, 12 septembre 2008, n° 07/03054 ; F. Millet et G. Rivet, Licenciement économique : retour sur la jurisprudence de la Cour de cassation en 2010, JSL, n° 293, préc..
(19) Cass. soc., 5 mars 2008, n° 07-41.964, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3379D7B) : Dr. soc., 2008, p. 617, obs. G. Couturier ; D. Corrignan-Carsin, note au JCP éd. G, 2008, II, 10 084 ; F. Dumont, note au JCP éd. S, 2008, 1334 ; v. nos obs., Convention de reclassement personnalisé et contestation du motif économique de la rupture du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 297 du 19 mars 2008 - édition sociale.
(20) Cass. soc., 5 mai 2010, n° 08-43.652, FS-P+B (N° Lexbase : A0686EXP) ; Danielle Corrignan-Carsin, Absence de motif économique, CRP sans cause, JCP éd. S, 13 juillet 2010, 1300.
(21) Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-40.987, FS-P+B (N° Lexbase : A0682EW8) et Cass. soc., 14 avril 2010, n° 08-45.399, FS-P+B (N° Lexbase : A0524EWC): F. Taquet, note JCP éd. E, 2010, 1514.
(22) En effet il résulte de la combinaison de ces textes avec l'article L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K devenu l'article L.1233-3 du Code du travail N° Lexbase : L8772IA7), que l'information écrite et individuelle du salarié sur la possibilité qu'il a de bénéficier d'une CRP inclut nécessairement une information sur la cause de la rupture du contrat de travail envisagé par l'employeur, et donc l'indication du motif économique à l'origine de la proposition d'une CRP. Cette information écrite ne peut se limiter aux seuls documents arrêtés par l'UNEDIC et mis à la disposition de l'employeur, dès lors que ce dernier doit y inclure des éléments personnalisés tels que les dates de la remise des documents d'information et de la rupture en cas d'acceptation de la convention.
(23) Cass. soc., 27 mai 2009, n° 08-43.137, F-P (N° Lexbase : A3982EHX), Bull. civ. V, 2009, n° 139 ; B. Bossu, note JCP éd. S, 2009, 1373 ; RJS, 2009, n° 741 ; Cass. Soc., 14 janvier 2009, n° 07-43.644, F-D (N° Lexbase : A3518ECB); F. Millet, CRP : la Cour de cassation apporte des précisions utiles sur les modalités d'énonciation du motif économique, JSL, n° 287 du 18 novembre 2010.
(24) Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-40.987 et 08-45.399, préc., Extraits de l'Avis de Jacques Duplat, Premier avocat général à la Cour de cassation, SSL, n° 1459, Supplément du 20 septembre 2010.
(25) Cass. soc., 5 mai 2010, n° 08-43.652, FS-P+B (N° Lexbase : A0686EXP), LSQ, n° 15611 du 17 mai 2010. Nos obs., CRP et conséquences du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, Lexbase Hebdo n° 396 du jeudi 27 mai 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2177BPC).
(26) Cass. soc., 17 juin 1997, n° 95-43.162, publié (N° Lexbase : A2123ACM), Bull. civ. V, n° 222.
(27) Circulaire Unedic n° 2009-26 du 9 novembre 2009, préc..
(28) Cass. soc., 9 février 2010, n° 08-45.045, F-D (N° Lexbase : A7759ERS); A. Ménard (entretien avec), La convention de reclassement personnalisé, JCP éd. G, 30 mai 2011, 667, préc.. La cour d'appel a constaté que Mme X avait été régulièrement informée des conséquences, sur la rupture de son contrat de travail, de l'acceptation de la CRP qui lui était proposée, à l'expiration du délai de quatorze jours dont elle disposait pour prendre parti. Elle en a exactement déduit que l'acceptation de la convention avait entraîné la rupture du contrat de travail à l'expiration de ce délai et que la salariée avait nécessairement renoncé aux postes de reclassement qui lui avaient été proposés.
(29) CA Montpellier, 15 oct. 2008, n° 08/016841, préc..
(30) Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-44.656, FD (N° Lexbase : A3541EPT).

Décision

Cass. soc., 28 septembre 2011, jonction, n° 10-23.703 et n° 10-23.704, F-P+B (N° Lexbase : A1504HYD)

Rejet, CA Aix-en-Provence, 29 juin 2010, n° 08/20673 (N° Lexbase : A3833E74)

Textes concernés : Convention du 20 février 2010 ; C. trav., art. L. 1233-65 N° Lexbase : L8855IQZ à 70 N° Lexbase : L8850IQT (réd. antérieure à la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 N° Lexbase : L8283IQT)

Mots-clés : obligation de reclassement, CRP, obligation de proposer un emploi de reclassement, obligation cumulative (non).

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