La lettre juridique n°379 du 21 janvier 2010

La lettre juridique - Édition n°379

Éditorial

Avocats et réseaux sociaux : quand Epiméthée rattrape son frère...

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Je vous entends déjà dire : "quel lien peut-il y avoir entre les avocats, les réseaux sociaux et une énième allégorie mythologique tirée du fond des âges ?" Et, pourtant, lorsqu'il s'agit de parler de mutualisation des savoirs, de lien social professionnel, d'interactivité productive, je me suis souvenu, humanités obligent, du mythe prométhéen et, plus particulièrement, de celui de son frère Epiméthée -en grec "celui qui réfléchit après coup"-, tous deux fils de Thémis -la Loi-.

Car, grossièrement -mais non dépourvu d'un certain réalisme-, l'on peut distinguer deux métiers au sein de l'avocature : le conseil, souvent apanage des avocats d'affaires officiant dans des cabinets structurés de taille moyenne, voire internationaux ; et, le prétoire, oriflamme des défenseurs des droits des délinquants, comme de ceux des victimes, avec le même sens, le même désir de Justice, souvent animus de structures plus petites voire individuelles.

Les premiers sont descendants de Prométhée -en grec "celui qui prévoit"-, et pour cause : c'est leur office principal que de tout envisager juridiquement, de "ficeler", comme on dit, un dossier sans prise possible pour l'adversaire (souvent imaginaire). Les seconds sont descendants d'Epiméthée, car nécessairement ils interviennent après coup, une fois le "mal" bien là. Et, ils sont doublement descendants du cadet de Japet, qu'ils ont, comme lui, convolé, en épousant la profession, avec la mère de tous les dons -"Pandore", toujours en grec- qui, non moins fourbe, est, également, la mère de tous les maux. Pandore, c'est un peu la Société, celle dont les avocats du prétoire sont les époux liés par amour déontologique de la Justice et liés, également, par le sort et les travers.

Et, mes réseaux sociaux, dans tout cela ? Objectivement, l'on sait qu'entre conseil et prétoire, si l'un n'est pas exclusif de l'autre, les métiers sont, non seulement, de nature différente, mais s'exercent, également, différemment. L'un des atouts incontestables des cabinets de conseil, c'est justement leur capacité à créer des synergies, des liens sociaux professionnels : ne serait ce qu'en travaillant en équipe ; parce que leur management organise des réunions de discussions/réflexions sur les points de droit nouveaux ou les plus difficiles d'interprétation, pour une pratique juridique professionnelle concertée, harmonisée, efficace ; parce que ces réflexions sont internationales ; qu'ils disposent de professionnels, non pas du droit, mais du marketing et de la communication pour promouvoir leurs compétences auprès des décideurs de la vie civile comme ceux de la vie politique (réseau et lobbying)... Tout cela est naturellement le fruit d'une structuration entrepreunariale des cabinets d'affaires aux objectifs avoués et, surtout compatibles, d'assurer le meilleur conseil, la meilleure défense avec un maximum d'efficacité économique. Les réseaux sociaux : ces avocats-conseils les connaissent déjà, de facto, à travers les échanges quotidiens que leur permettent, non seulement, leur structure d'exercice, mais aussi, les domaines juridiques qu'ils traitent -ne jamais oublier que faire des affaires, c'est avant tout échanger, instiguer un lien social commercial-.

Pour nos épiméthéens, le lien social professionnel, s'il existe bien évidemment à travers les lieux de rencontre professionnel traditionnel que sont les Ordres, les Centres de formation, les couloirs des Palais de Justice eux-mêmes, afin d'échanger points de vue et réflexions sur le Droit, les droits et le métier, il est plus difficile à organiser, à structurer, à systématiser. Et, c'est bien la fluidification, la structuration et la systématisation que permet, aujourd'hui internet, et plus précisément les réseaux sociaux professionnelles numériques.

Alors, tout le monde connaît, déjà, Facebook et Twitter qui en l'espace de deux ans sont devenus l'épicentre des réseaux sociaux mondiaux. Mais, convenons qu'il n'est pas souhaitable de mélanger les genres : réseau amical et réseau professionnel ; discussion sur ses dernières vacances et interprétation d'une dernière disposition de la loi de finances ; invitation à un fête costumée et invitation à une "table ronde" sur un produit d'ingénierie sociale... L'urgence est, alors, aux réseaux sociaux professionnels personnalisés, communautarisés et fondés sur un seul critère de discrimination : le Droit.

Et, au final, ce que permettent les réseaux sociaux professionnels numériques, c'est ni plus ni moins que de mettre tout le monde à égalité, ou presque, devant les vertus de la synergie et de la mutualisation. Ces réseaux ne peuvent, évidemment, pas tout : ni apporter des solutions juridiques toutes prêtes, ni trouver de nouveaux clients, ni interagir tout seul avec des clients actuels. Ils ne sont que les neurotransmetteurs d'une volonté affirmée et qui doit être systématique d'échanger, de partager, d'informer et de s'informer sur l'évolution du droit, du marché, du métier. Ils ne remplacent en rien une démarche personnelle de l'avocat, ils ne sont que les vecteurs de communication organisés et structurés au service de l'efficacité productive juridique.

Il n'y a qu'à lire le Protagoras de Platon pour se rappeler que le mythe prométhéen est celui de l'apport, à travers le feu, de la connaissance aux Hommes. Et, Gaston Bachelard de parler de "complexe de Prométhée" qui traduit "toutes les tendances qui nous poussent à savoir autant que nos pères, plus que nos pères, autant que nos maîtres, plus que nos maîtres".

Voici qu'internet et les réseaux sociaux professionnels, à la suite de l'accès numérique au droit et à l'analyse juridique, loin de vulgariser le savoir juridique qui demeure scientifique et technique, éloignent les "Monsieur Purgon" dont seul le verbiage était l'apanage, et rapprochent les avocats au sein d'une même communauté d'internautes professionnels, aux intérêts communs évidents, aux synergies et mutualisations des savoirs souhaitables. Ainsi, Epiméthée rejoint son frère Prométhée au Panthéon des savoirs pratiques et techniques, à armes égales.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Quel syndicat peut révoquer le mandat de délégué syndical ?

Réf. : Cass. soc., 16 décembre 2009, n° 09-60.118, M. Bernard Deutsch et a. c/ La société Multiserv et a., F-P+B (N° Lexbase : A0948EQ8)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


A la question de savoir qui peut révoquer le mandat de délégué syndical, il est une réponse évidente, découlant au premier chef des règles régissant le contrat de mandat. Il s'agit du syndicat ayant procédé à la désignation, c'est-à-dire le mandant. C'est au demeurant ce qu'a jugé à plusieurs reprises la Cour de cassation par le passé. Un intéressant arrêt rendu le 16 décembre 2009 révèle qu'il y a au moins une exception à cette règle lorsque, en présence d'un conflit entre deux syndicats appartenant à la même fédération, cette dernière a, en application de ses statuts, tranché le conflit en attribuant compétence au syndicat qui n'avait pas désigné le délégué syndical.



Résumé

Si, en principe, seul le syndicat ayant désigné un délégué syndical peut procéder à sa révocation, il en est autrement lorsque, en présence d'un conflit avec un autre syndicat affilié à la même organisation syndicale, cette dernière a, en application de ses statuts, tranché le conflit en attribuant compétence à cet autre syndicat.

I - La révocation du mandat de délégué syndical

  • La fin du mandat en application du Code du travail

Par application de l'alinéa 1er de l'article L. 2143-11 du Code du travail (N° Lexbase : L3750IBI), "le mandat de délégué syndical prend fin lorsque l'ensemble des conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) et à l'article L. 2143-6 (N° Lexbase : L3785IBS) cessent d'être réunies". Sont donc essentiellement visés la perte de la représentativité du syndicat mandant, le fait que le salarié mandaté ne recueille pas 10 % des suffrages exprimés aux élections professionnelles et, peut-être, la disparition de la section syndicale.

Il convient, en effet, de se montrer prudent à ce dernier égard, car l'article L. 2143-3 vise chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus, "qui constitue une section syndicale". Dans la mesure où la section syndicale exige au moins deux adhérents pour être légalement constituées, si l'un d'entre eux vient à démissionner du groupement, il n'y a juridiquement plus de section syndicale dans l'entreprise ou l'établissement. Ne peut-on pas, dès lors, considérer que, dans ce cas et en vertu de l'article L. 2143-11, le mandat a pris fin ? Ce n'est guère certain, la loi visant simplement la constitution d'une section et non sa survivance.

Le mandant de délégué syndical prend également fin si la personne investie perd son mandat de délégué du personnel (C. trav., art. L. 2143-6, auquel renvoie l'article L. 2143-11), en cas de réduction importante et durable de l'effectif en dessous de cinquante salariés (C. trav., art. L. 2143-11, al. 2 et 3) et, enfin, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur lorsque l'entreprise qui fait l'objet de la modification perd son "autonomie juridique" (C. trav., art. L. 2143-10 N° Lexbase : L2194H97).

Curieusement, le Code du travail n'envisage nullement la révocation du mandat de délégué syndical.

  • La liberté de révoquer le mandat en application du Code civil

Pour ne pas être évoquée par le Code du travail, la révocation du mandat de délégué syndical est possible par application des règles applicables au contrat de mandat. Ainsi que le précise l'article 2004 du Code civil (N° Lexbase : L2239ABK), "le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble [...]". On pourra s'étonner que ce texte ne soit pas visé dans l'arrêt commenté, alors qu'était précisément en cause un problème de révocation du mandat de délégué syndical. La Cour de cassation s'en tient aux seuls articles L. 2143-3 du Code du travail et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC). Ce second texte étant à notre sens à mettre en relation avec la question de la discipline syndicale (v. infra, seconde partie), c'est donc le premier qui, pour la Chambre sociale, fonde la faculté pour le syndicat ayant donné mandat de le représenter dans l'entreprise de le révoquer. Nous verrons qu'en réalité, ce texte n'est pas à mettre en relation avec la faculté de révocation, même si l'une et l'autre ne sont pas sans lien.

Cela étant précisé, ainsi que le laisse clairement entendre l'article 2004 en visant le seul mandant, et conformément au principe de l'effet relatif des conventions, la révocation ne saurait émaner d'un tiers au contrat de mandat. C'est au demeurant ce qu'a décidé la Chambre sociale de la Cour de cassation à propos de la révocation du mandat de délégué syndical, affirmant que "la révocation d'un mandant de délégué syndical ne peut émaner que de l'organisation qui l'a désigné" (1). De même, elle a jugé que, dès lors qu'un premier syndicat représentatif a désigné un délégué, la désignation d'un autre délégué syndical par un second syndicat affilié à la même confédération n'emporte pas caducité du premier mandat que seul le syndicat mandant peut révoquer (2).

Ces différents arrêts confirment que seul le syndicat auteur de la désignation peut révoquer le mandat de délégué syndical. Par voie de conséquence, faute d'un tel acte juridique, il faut admettre que le mandat conféré continue de produire ses effets. Il ne saurait donc être procédé au remplacement du salarié titulaire du mandat sans révocation préalable.

II - Le respect de la discipline syndicale

  • Les conflits entre syndicats adhérant à une même organisation

Si la jurisprudence rend compte des nombreux conflits opposant dans l'entreprise des syndicats appartenant à des organisations différentes, il arrive que ce soit des syndicats adhérant à la même organisation qui entrent en opposition (3). Tel était le cas dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt sous examen.

En l'espèce, à la suite de l'absorption de la société T., au sein de laquelle le syndicat CFDT métallurgie sidérurgie Nord Lorraine avait créé une section syndicale, par la société M., au sein de laquelle le syndicat CFDT métallurgie Moselle avait créé une section syndicale et désigné un délégué syndical en la personne de M. B., les sections syndicales s'étaient regroupées en une seule. Par lettre du 23 février 2009, le syndicat CFDT métallurgie sidérurgie Nord Lorraine avait notifié à l'employeur la désignation de M. D. en remplacement de M. B.. Pour annuler cette désignation, le jugement attaqué avait retenu que M. B. ayant été désigné par le syndicat CFDT métallurgie Moselle, il ne pouvait être révoqué que par lui.

La décision des juges du fond semblait ainsi en parfaite conformité avec la jurisprudence précitée de la Cour de cassation. La Chambre sociale censure, pourtant, le jugement au visa des articles L. 2143-3 du Code du travail et 1134 du Code civil, après avoir affirmé que, "si, en principe, seul le syndicat ayant désigné un délégué syndical peut procéder à sa révocation, il en est autrement lorsque, en présence d'un conflit avec un autre syndicat affilié à la même organisation syndicale, cette dernière a, en application de ses statuts, tranché le conflit en attribuant compétence à cet autre syndicat". La Cour de cassation en conclut qu'en statuant comme il l'avait fait, "après avoir relevé qu'un conflit de compétences né entre les deux syndicats à propos de la section syndicale M. avait, par application de ses dispositions statutaires, été tranché par la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT à laquelle les deux syndicats étaient affiliés et qui, par décisions des 19 et 20 février 2009 notifiées aux syndicats ainsi qu'à l'employeur, avait dit que cette section devait être rattachée au syndicat CFDT Métallurgie Sidérurgie Nord Lorraine, ce dont il s'évinçait que ce dernier avait le pouvoir de procéder au remplacement de M. B., le tribunal a violé les textes susvisés".

  • Une exception au principe de la révocation par le syndicat mandant

Cette solution démontre que le principe selon lequel le pouvoir de révoquer le mandat de délégué syndical appartient au syndicat mandant n'est pas absolu. L'exception au principe apparaît cependant limitée. En l'espèce, elle découlait d'un conflit opposant deux syndicats appartenant à une même fédération.

Le Code du travail n'envisage en aucune façon de tels conflits. De façon plus générale, on peut dire que la loi ne se préoccupe pas de la discipline interne aux organisations syndicales. Celle-ci est, de ce fait, renvoyer à la responsabilité des groupements et, plus précisément, à leurs statuts, c'est-à-dire à la volonté des fondateurs. C'est ce qui explique le visa de l'article 1134 du Code civil, retenu en l'espèce par la Cour de cassation.

Ainsi que le relève la Chambre sociale, le conflit ne concernait pas au premier chef la désignation d'un délégué syndical et la révocation d'un autre, mais était né à propos de la section syndicale d'une société, consécutivement à une opération de fusion-absorption. La question était de savoir si cette section, née du regroupement de la section syndicale de la société absorbée et de celle de la société absorbante, devait être rattachée au syndicat ayant constitué la première ou au syndicat ayant constitué la seconde. Par application de ses statuts, la fédération à laquelle étaient rattachés ces deux syndicats avait tranché en faveur du premier.

On comprend alors mieux le visa de l'article L. 2143-3 du Code du travail. Ainsi que nous l'avons vu, cette disposition permet à un syndicat ayant constitué une section syndicale de désigner un délégué syndical. La section syndicale née de la fusion ayant été rattachée au syndicat CFDT Métallurgie sidérurgie Nord Lorraine, seul ce dernier était en mesure de procéder à une telle désignation. Mais, il en résultait alors nécessairement que ce syndicat était en mesure de révoquer le mandat du délégué syndical précédemment désigné par le syndicat CFTD Métallurgie Moselle.

Cette solution témoigne de l'obligation pour les syndicats de se soumettre à la discipline organisée par les statuts de la fédération à laquelle ils appartiennent. Elle démontre également que de cela peut découler une modification dans l'attribution du pouvoir de révoquer un mandat de délégué syndical. Cette conséquence apparaît conforme à la règle selon laquelle le mandant peut renoncer à son droit de révoquer le mandat ou en soumettre l'exercice à des conditions déterminées (4). Cette manifestation de volonté procède ici de l'adhésion à la fédération.


(1) Cass. soc., 2 octobre 2003, n° 02-60.562, Association VVL c/ M. Lounes Ouahrirou (N° Lexbase : A6711C9G).
(2) Cass. soc., 22 juin 2005, n° 04-60.391, Syndicat CGT CGEA Connex Ile-de-France c/ Union locale CGT des Mureaux (N° Lexbase : A8243DI7) et nos obs., La désignation concurrente, dans une même entreprise, de délégués syndicaux par deux syndicats appartenant à une même confédération, Lexbase Hebdo n° 175 du 8 juillet 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N6258AIM). V. aussi, Cass. soc., 8 décembre 2004, n° 03-60.445, M. Michel Gouiran c/ Fédération FO de la Métallurgie (N° Lexbase : A3752DEP) : lorsque la désignation de deux délégués syndicaux par une union départementale n'a pas été contestée et est devenue définitive, il est interdit à la confédération de procéder au remplacement des délégués sans qu'au préalable leur mandat ait été révoqué par l'instance qui les a désignés.
(3) Cf. les arrêts cités ci-dessus.
(4) Cass. req., 9 juillet 1885, Brisset frères c/ Vabre (N° Lexbase : A1796C8Z), DP, 1886, 1, 130.


Décision

Cass. soc., 16 décembre 2009, n° 09-60.118, M. Bernard Deutsch et a. c/ La société Multiserv et a., F-P+B (N° Lexbase : A0948EQ8)

Cassation de TI Thionville, contentieux des élections professionnelles, 2 avril 2009

Textes visés : C. trav., art. L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots-clefs : syndicats ; conflits ; discipline syndicale ; délégué syndical ; révocation ; auteur

Lien base : (N° Lexbase : E1815ETE)

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Environnement - Bulletin d'actualités n° 1

[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités "Contribution du locataire au partage de charges issues des travaux d'économie d'énergie"

Lecture: 6 min

N9694BMY

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Le 07 Octobre 2010

Un décret et un arrêté, tous deux en date du 23 novembre 2009, viennent régler la question de la contribution du locataire au partage de charges issues des travaux d'économie d'énergie réalisés par le bailleur privé dans le cadre des immeubles d'habitation, les immeubles tertiaires et industriels n'étant pas concernés. Ils prévoient les conditions d'exigibilité de la contribution (I), son champ d'application (II), ainsi que les modalités de son application (III). Le dispositif mis en place est également applicable au bailleur social en vertu d'un décret et d'un arrêté du même jour (IV). I - Conditions d'exigibilité de la contribution

Le décret n° 2009-1439 du 23 novembre 2009, relatif à la contribution du locataire au partage des économies de charges issues des travaux d'économie d'énergie réalisés par un bailleur privé (N° Lexbase : L9347IEW), vient préciser les modalités d'application de l'article 23-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH), codifié à l'article L. 442-3, II, du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L9123IDA).

Ce dernier prévoit que, lorsque des travaux d'économie d'énergie sont réalisés par le bailleur dans les parties privatives d'un logement ou dans les parties communes de l'immeuble, une contribution pour le partage des économies de charge peut être demandée au locataire du logement loué, à partir de la date d'achèvement des travaux, sous réserve que ces derniers lui bénéficient directement et qu'ils lui soient justifiés.

Cette contribution n'est exigible qu'aux conditions suivantes :

- le bailleur, son représentant, ou un tiers mandaté par lui doit engager une démarche de concertation avec le locataire portant sur le programme de travaux qu'il envisage d'entreprendre, les modalités de leur réalisation, les bénéfices attendus en termes de consommation énergétique du logement et la contribution du locataire, notamment sa durée, au partage des économies de charges résultant de ces travaux (art. 1er du décret). Toutefois, les textes ne précisent pas si l'accord du locataire est exigé. Il appartiendra aux juridictions de trancher cette question ;
- les travaux d'économie d'énergie doivent être achevés ou le logement doit avoir atteint un niveau minimal de performance énergétique (CCH, art. L. 442-3, II) ;
- à l'issue des travaux, une ligne supplémentaire en sus des lignes relatives au loyer et aux charges intitulée "Contribution au partage de l'économie de charges" et la mention des dates de la mise en place et du terme de cette ligne supplémentaire ainsi que de la date d'achèvement des travaux doivent être inscrites sur l'avis d'échéance le cas échéant et portées sur la quittance remise au locataire (art. 2 du décret).

Le décret n° 2009-1439 du 23 novembre 2009 a, également, été accompagné d'un arrêté du même jour (NOR : DEVU0925487A N° Lexbase : L9769IEK), précisant que la contribution pourra être demandée pour financer :

- soit une combinaison d'au moins deux actions d'amélioration de la performance énergétique du logement ou du bâtiment concerné ;
- soit un ensemble de travaux permettant de ramener la consommation d'énergie du bâtiment pour le chauffage, la ventilation, la production d'eau chaude sanitaire, le refroidissement et l'éclairage des locaux en dessous d'un certain seuil, défini selon une méthode de calcul prenant en compte la situation géographique du bien immobilier.

II - Champ d'application du dispositif

L'article 4 du décret définis les travaux concernés. Il s'agit :

- soit des travaux correspondant à une combinaison d'au moins deux actions d'amélioration de la performance énergétique du logement ou du bâtiment concerné (parmi les actions suivantes : travaux d'isolation thermique des toitures ; travaux d'isolation thermique des murs donnant sur l'extérieur ; travaux d'isolation thermique des parois vitrées donnant sur l'extérieur ; travaux de régulation ou de remplacement de systèmes de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire ; travaux d'installation d'équipements de chauffage utilisant une source d'énergie renouvelable ; travaux d'installation d'équipements de production d'eau chaude sanitaire utilisant une source d'énergie renouvelable) ;
- soit de tous autres travaux (i) conformes a minima aux caractéristiques thermiques de performance énergétique imposées par le Code de la construction et de l'habitation (art. R. 131-25 N° Lexbase : L9672HW7 à R.131-28) et (ii) permettant d'amener la consommation d'énergie du bâtiment pour le chauffage, la ventilation, la production d'eau chaude sanitaire, le refroidissement et l'éclairage des locaux en dessous des seuils définis par l'arrêté du 23 novembre 2009.

III - Modalités de la contribution du locataire

Le versement de la contribution sera exigible à partir du mois civil qui aura suivi la date de fin des travaux, et le montant de la participation sera donc inscrit sur l'avis d'échéance et portée sur la quittance remise au locataire.

La participation sera en tout état de cause limitée au maximum à 15 ans.

L'économie de charges sur laquelle est basée la contribution demandée au locataire en contrepartie des travaux d'amélioration énergétique réalisés par le bailleur est calculée par une méthode de calcul conventionnel de la consommation d'énergie résultant d'une étude thermique préalable et prenant en compte les caractéristiques techniques et énergétiques du bâtiment, sa localisation géographique, ainsi qu'une occupation conventionnelle de celui-ci.

La contribution peut néanmoins être fixée de manière forfaitaire si l'une au moins des conditions suivantes est remplie :

- les caractéristiques constructives du bâtiment sont incompatibles avec la méthode de calcul ;
- le bailleur ne possède pas plus de trois logements mis à bail dans l'immeuble considéré.

La méthode de calcul et le forfait, qui tiennent compte des caractéristiques des logements considérés, sont définis par l'arrêté du 23 novembre 2009.

Le calcul de la participation variera sensiblement selon qu'il s'agisse d'un bâtiment achevé avant le 1er janvier 1948, ou après cette date. Synthétiquement, dans les cas où le montant forfaitaire sera applicable, la contribution mensuelle, qui sera fixe et non révisable, sera de :

-10 euros pour les logements comprenant une pièce principale ;
-15 euros pour les logements comprenant 2 ou 3 pièces principales ;
-20 euros pour les logements comprenant 4 pièces principales et plus.

Enfin, il convient de relever que le bailleur, pour pouvoir exiger la contribution, devra fournir au locataire une attestation certifiant notamment que les prescriptions de l'étude thermique préalable à la réalisation des travaux ont été respectées. Un modèle d'attestation figure en annexe 3 de l'arrêté du 23 novembre 2009.

IV - Application du dispositif aux travaux réalisés par un bailleur social

Le dispositif a été, également, mis en place pour les bailleurs sociaux définis à l'article L. 411-2 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8981IDY) (OPHLM, SAHLM, ...), par le décret n° 2009-1438 du 23 novembre 2009, relatif à la contribution du locataire au partage des économies de charges issues des travaux d'économie d'énergie réalisés par un bailleur social (N° Lexbase : L9346IEU), et son arrêté du même jour (NOR : DEVU0925485A N° Lexbase : L9768IEI).

Il est, dans l'ensemble, identique à celui mis en place pour les bailleurs privés.

Toutefois, la concertation préalable avec le locataire est remplacée par une concertation avec les associations représentatives de locataires présentes dans le patrimoine du bailleur.

De même, les niveaux de performance énergétique à atteindre pour exiger une contribution de la part des locataires sont plus contraignants.

En effet, pour les bâtiments achevés antérieurement au 1er janvier 1948, la contribution ne peut être exigée que si la combinaison d'actions d'amélioration énergétique permet d'atteindre un nombre total de point égal à 7. Les opérations à mener et leur valeur en points sont décrites dans l'annexe 1 de l'arrêté du 23 novembre 2009, relatif à la contribution du locataire au partage des économies de charges issues des travaux d'économie d'énergie réalisés par un bailleur social. Par exemple, le raccordement à un réseau de chaleur alimenté en énergies renouvelables vaut 4 points, le recours à l'électricité photovoltaïque, 1 point, ...

Pour les bâtiments achevés après le 1er janvier 1948, un certain niveau général d'économie d'énergie doit être atteint. Celui-ci est estimé en prenant en compte les cinq postes suivants de consommation du bâtiment : chauffage, ventilation, production d'eau chaude sanitaire, refroidissement, éclairage des locaux. L'économie d'énergie doit être égale à la différence entre la consommation du bâtiment calculée avant travaux et celle calculée après travaux, au moyen d'une méthode de calcul appelé Th-C-E ex., détaillée dans un arrêté du 13 juin 2008 (NOR : DEVU0813714A N° Lexbase : L8370IEQ).

En conclusion, les décrets relatifs à la contribution du locataire au partage d'économies d'énergie sont une expression concrète des propositions issues du "Grenelle de l'environnement". Ce dispositif devrait permettre d'inciter les propriétaires-bailleurs à engager des travaux d'économie d'énergie.

Le Secrétaire d'Etat, Benoist Apparu, a fixé un objectif de 100 000 logements bénéficiant de ce nouveau dispositif en 2010 et de 400 000 par an à partir de 2013.

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils

Contacts :

Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)

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Consommation

[Jurisprudence] Le distributeur de matériel informatique n'est pas tenu d'informer l'acheteur des logiciels préinstallés du prix des logiciels achetés seuls

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 26 novembre 2009, n° 08/12771, Darty & fils c/ UFC Que Choisir (N° Lexbase : A1583EQP)

Lecture: 7 min

N9685BMN

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par Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I, Avocat au Barreau de Montpellier

Le 24 Janvier 2011

Chacun sait qu'un ordinateur est inutilisable sans logiciel, et mieux encore sans système d'exploitation pour permettre cette nécessaire compréhension mutuelle entre l'homme et la machine. Il est alors facile de déduire à partir de ce constat que tout ordinateur doit nécessairement être livré avec un tel logiciel, bien évidemment payant. Certains s'y opposent néanmoins, arguant à juste titre d'une autre difficulté : l'absence totale de choix du logiciel qu'offre aujourd'hui le secteur de la distribution informatique. Si, en effet, il est concevable qu'un ordinateur puisse être nécessairement vendu avec un logiciel, il devrait être possible pour une saine concurrence de choisir entre les différents éditeurs. Privé de choix, le consommateur peut se sentir particulièrement lésé par une telle pratique. Or deux systèmes juridiques pourraient avoir pour objet de remettre en cause ce système, selon que l'on se place dans une perspective économique globale ou que l'on recherche la pleine satisfaction du consommateur : les éditeurs de logiciels ont notamment plusieurs fois été poursuivis par les autorités de la concurrence pour avoir abusé de ce qui avait été considéré comme une position dominante (C. com., art. L. 420-2 N° Lexbase : L3778HBK et surtout au regard de l'ampleur des pratiques en cause, TFUE, art. 102 - ex-article 82 TCE). Toute autre était l'action intentée par l'association UFC Que Choisir dans l'arrêt ici commenté : elle reprochait à un grand distributeur de proposer à la vente des ordinateurs pré-équipés de plusieurs logiciels, mais sans autoriser le consommateur à renoncer aux logiciels et à n'acquérir que le matériel, et sans non plus indiquer le prix de chacun des produits composant le lot. Le contentieux se formalisait alors dans une perspective plus singulière, nécessairement plus limitée. Aux yeux de certains consommateurs, en effet, le distributeur les aurait trompés par des pratiques commerciales déloyales et un défaut d'information quant au prix détaillé des ordinateurs. Il est évident dès lors que, si elle avait pu prospérer, une telle action aurait eu pour l'essentiel valeur d'exemple. Dans cette affaire néanmoins, l'association n'a pu obtenir aucune sanction et l'exemple est tout autre que celui espéré. On rappellera, en effet, en guise d'introduction les dangers de telles actions pour les associations. En l'occurrence ici, avant même d'obtenir une décision de justice, l'association avait entamé une campagne médiatique contre son adversaire, multipliant les allusions et les commentaires dans la presse. Certes, la cour d'appel n'a pas condamné l'association à indemniser le distributeur de sa perte d'image, mais elle a imposé la publication de l'arrêt à la fois sur son site internet (pendant trois mois) et sur le mensuel qu'elle édite. Ce type de sanction est, alors, sans doute plus lourd qu'une simple sanction financière en ce qu'il peut, parfois, entamer la crédibilité même de l'association. Evidemment il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

Dans cette affaire, au titre de la protection des intérêts des consommateurs, l'association fondait sa demande à la fois sur les dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L4856IEL), prohibant les ventes subordonnées, et sur celles de l'article L. 121-1 (N° Lexbase : L2457IBM), propre aux pratiques commerciales déloyales renforcé par un décret du 3 décembre 1987, fixant les conditions d'information du consommateur sur les prix. Le premier jugement contre lequel il était ici interjeté appel était un jugement de compromis, refusant de voir dans cette vente subordonnée une méthode prohibée en tant que telle mais enjoignant, par ailleurs, au distributeur d'informer le consommateur sur le prix des logiciels. La cour d'appel réforme partiellement le jugement, éclairée en cela par un récent arrêt de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE, 23 avril 2009, aff. jointes C-261/07 et C-299/07, VTB-VAB NV c/ Total Belgium NV N° Lexbase : A5552EGQ et lire nos obs., La CJCE reconnaît l'abus d'un consommateur dans l'exercice de ses droits, Lexbase Hebdo n° 368 du 22 octobre 2009 - édition privée générale [LXB=N6475BZ]) qui avait permis de fixer l'interprétation du droit communautaire, tant quant à la prohibition des ventes subordonnées qu'à la sanction des pratiques commerciales déloyales.

Quant à la prohibition des ventes subordonnées, le tribunal de grande instance et la cour d'appel ont sur ce point des approches très différentes. Pour le premier, le fait de ne proposer à la vente que des ordinateurs avec logiciel préinstallé (sans possibilité donc d'acheter l'ordinateur séparément) était bien une vente subordonnée, mais cette dernière n'en était pas moins justifiée par l'intérêt du consommateur. Pour les juges de première instance, en effet, cette offre permettait au consommateur d'acquérir un système complet avec tous les outils nécessaires et à un moindre coût. Pour la cour d'appel de Paris, dans cet arrêt, en revanche, suivant en cela la position de l'arrêt de la CJCE précité, la prohibition des ventes subordonnées n'est tout simplement pas conforme au droit communautaire et plus particulièrement aux dispositions de la Directive 2005/29/CE, sur les pratiques commerciales déloyales (Directive du 11 mai 2005 N° Lexbase : L5072G9Q) et qui ne donne qu'une liste strictement limitative des pratiques commerciales qui peuvent être prohibées per se par le législateur national. Dans la mesure où la prohibition des ventes subordonnées ne figure pas sur cette liste, celle-ci ne peut être sanctionnée par le juge. Sur ce point précis, la position de la cour d'appel de Paris n'est pas nouvelle, puisque dans une précédente affaire du 14 mai 2009 elle avait déjà rendu une décision similaire à propos de l'offre de diffusion des matchs de football par Orange qui était subordonnée pour le consommateur à la souscription d'un abonnement internet chez ce même opérateur (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., n° 09/03660, SA France Télécom et autres c/ SAS Free N° Lexbase : A2244EHL). Pour être tout à fait complet, après avoir rappelé la solution des juges de première instance et celle de la cour d'appel de Paris, il convient de mentionner un arrêt de la cour d'appel de Montpellier, cette fois, qui avait suivi un raisonnement sensiblement différent (CA Montpellier, 3ème ch., 7 mai 2009, n° 08/01398, SA Dell Southern Europe N° Lexbase : A3443EQL). Dans un arrêt du 7 mai 2009, elle avait refusé de voir dans une telle pratique une vente subordonnée et avait également refusé de la sanctionner considérant le matériel et ses logiciels comme un seul et même produit, renforçant en cela l'idée qu'un ordinateur n'est pas utilisable sans logiciel et par conséquent pour aller jusqu'au bout de ce raisonnement, que pour être conforme aux attentes des consommateurs il était impératif de joindre un logiciel au produit. Un tel raisonnement occulte néanmoins l'essentiel du problème : une chose est de comprendre qu'un ordinateur est inefficace sans logiciel, une autre est d'imposer un seul logiciel à l'achat du matériel. Car plus que la nécessité d'acheter un logiciel avec l'ordinateur, c'est l'absence de choix qui résulte de ces pratiques de distribution qui est critiquée. Avec bien évidemment tous les soupçons qui en découlent : prix abusif, piètre qualité, obligation pour l'utilisateur de n'utiliser que des logiciels compatibles avec le premier... Autant d'arguments pertinents sur le plan factuel mais qui ne permettent pas de remettre en cause la solution de la CJCE dans son arrêt du 29 avril 2009, la vente subordonnée ne peut en aucune manière être sanctionnée per se, c'est-à-dire en dehors de toute autre pratique répréhensible.

La pratique en cause était peut-être déloyale. Faut-il en conclure que toutes les ventes subordonnées échappent nécessairement à toute sanction ? Evidemment non, car, si la vente subordonnée n'est plus par principe prohibée, elle pourra toujours être sanctionnée au titre des dispositions générales propres à une pratique commerciale déloyale (ou trompeuse pour reprendre l'ancienne formulation du Code de la consommation, avant la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs N° Lexbase : L7006H3U). La pratique ne sera dans ce cas sanctionnée que parce que trompeuse ou agressive. En l'espèce précisément l'association de consommateurs entendait voir sanctionner le distributeur qui n'aurait pas transmis au client une information pourtant selon elle "substantielle", le prix détaillé du matériel et du logiciel ainsi que les conditions d'utilisation du second, caractérisant ainsi une pratique commerciale trompeuse. Les conditions pour obtenir une condamnation au titre de la pratique commerciale trompeuse sont bien évidemment plus contraignantes. L'article L. 121-1 du Code de la consommation ne permet de sanctionner que les pratiques qui créent une confusion dans l'esprit du consommateur ou celles qui reposent sur des affirmations trompeuses, ou les publications où le bénéficiaire d'une pratique commerciale n'est pas clairement identifiée. Il ne semble, en revanche, n'y avoir dans ce texte aucune prévision quant à un prix trompeur parce que non-détaillé. Quant au prix précisément, sont seuls considérées comme une information essentielle "le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance" (C. consom., art. L. 121-1, II, 3°). Or il était bien reproché ici au distributeur professionnel, de ne pas avoir présenté aux consommateurs une étiquette voulue complète. Cette étiquette devrait, dans cet esprit, comprendre le prix total à payer par le client mais, également, pour l'informer au mieux, le prix ventilé entre les différentes parties du lot : prix de l'ordinateur seul et prix du logiciel seul. A défaut pourtant d'une disposition spécifique en ce sens dans le Code de la consommation, la cour d'appel de Paris n'a pas considéré ce défaut d'information comme un élément susceptible de tromper le consommateur dans ses choix.

L'association est donc également déboutée de ce chef. Pour la cour d'appel de Paris en effet, seul importe au consommateur le prix global d'achat qu'il compare à la concurrence : "L'UFC-Que Choisir ne démontre pas qu'une information différenciée soit indispensable à la prise de décision d'un consommateur moyen, d'autant que ce dernier a toute facilité pour comparer les prix des ordinateurs pré-équipés de logiciels identiques, qui constituent encore le standard de l'offre de vente ; qu'au demeurant, Darty justifie ainsi qu'il sera vu ci-après, de l'impossibilité où elle se trouve, compte tenu de la structure de l'offre des fabricants, de connaître précisément les prix respectifs de l'ordinateur nu et des logiciels pré-installés [...]". Cette solution considère alors, en quelque sorte, le distributeur comme contraint, la pratique des logiciels préinstallés paraissant dans cette décision plus comme un fait ou une contrainte imposé par les éditeurs de logiciels et les producteurs de matériel informatique. A considérer le distributeur comme contraint, alors que la pratique en cause est, en réalité, une pratique commune imposée à tous les opérateurs du secteur, l'action de l'association avait beaucoup moins de chances d'aboutir à une condamnation sur le fondement des dispositions du Code de la consommation : ce sont donc pour l'essentiel les dispositions du droit de la concurrence, entente ou abus de position de dominante, qui sembleraient les seules pertinentes dans ce type de contentieux. Pour autant jusqu'à présent, malgré les sanctions prononcées (notamment comme chacun s'en souvient contre Microsoft, TPICE, 17 septembre 2007, aff. T-201/04, Microsoft Corp. c/ Commission N° Lexbase : A2204DYB), les pratiques en cause n'ont pas disparu. La seule solution efficace devant ce genre de pratiques qui sont, en réalité, des abus de position dominante, de la part d'un producteur qui ne permet la vente de son matériel que liée à un logiciel, imposerait des sanctions plus lourdes encore, voire ce que proposent certains un retour à un droit de la concurrence assurant jusqu'au démantèlement des groupes les plus importants, mais une telle proposition pourrait rapidement faire passer l'auteur de ces quelques lignes pour un véritable marxiste.

Erreur de cible donc dans cette affaire : le distributeur n'était peut-être pas le bon coupable.

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Lois de finances pour 2010 et rectificative pour 2009 : chronique de droit fiscal des entreprises

Réf. : Lois de finances pour 2010 (loi n° 2009-1673 N° Lexbase : L1816IGD) et de finances rectificative pour 2009 (loi n° 2009-1674 N° Lexbase : L1817IGE)

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par Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, chaque semaine, pendant un mois, une chronique thématique consacrée aux dispositions phares des lois de finances pour 2010 et de finances rectificative pour 2009, adoptées par le Parlement et validées par le Conseil constitutionnel à l'exception notamment de la taxe carbone (Cons. const., décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 N° Lexbase : A9026EPY ; Le Monde, 31 décembre 2009). Cette semaine, Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, se penche sur les dispositions relatives au droit fiscal des entreprises. Les deux lois apportent de substantielles modifications de notre législation fiscale dont la suppression de la taxe professionnelle remplacée par la contribution économique territoriale (CET). Nous proposons à nos lecteurs un panorama des dispositions phares intéressant le droit fiscal des entreprises en mettant tout particulièrement l'accent sur l'aspect international qui ne laisse pas les autorités publiques insensibles : outre le fait que l'Etat continue de s'intéresser de très près aux pertes de recettes fiscales liées au commerce électronique international (v. notamment : C. Ducourtieux, L. Girard et N. Herzberg, La France brandit l'arme fiscale contre les géants de l'Internet, Le Monde, 9 janvier 2010), la crise financière, qui s'est propagée dans l'économie réelle, a conduit le législateur français à adopter des mesures fiscales dissuasives afin de lutter contre ces trous noirs de la finance que sont les paradis fiscaux et dont les présentes lois de finances témoignent.

I - Intégration fiscale : un "Papillon" dans le Code général des impôts (LFR 2009, art. 33)

Pour faire admettre que le régime d'intégration fiscale français issu des articles 223 A et suivants du CGI (CGI art. 223 A N° Lexbase : L3804IGY) ne répondait pas aux canons du droit communautaire, il a fallu attendre l'opinion de la Cour de justice des Communautés européennes : l'administration fiscale française considérait que la chaîne de participation était rompue du fait de la détention, par l'intermédiaire d'une société néerlandaise, d'une sous-filiale française. Or en novembre 2008, l'organe judiciaire de l'UE a dit pour droit qu'une société française tête de groupe pouvait comprendre le résultat d'une sous-filiale française dont elle détenait le capital par l'intermédiaire d'une société sise dans un autre Etat membre de l'UE (CJCE, 27 novembre 2008, raff. C-418/07, Société Papillon c/ Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique N° Lexbase : A4435EBU)

Le législateur français prend acte de cette décision et l'article 33 de la loi de finances rectificative pour 2009 modifie en conséquence l'article 223 A du CGI : est alors introduite la notion de "société intermédiaire", qui est une entité étrangère ayant donné son accord, et dont les résultats sont soumis à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés dans un Etat de la Communauté européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (Norvège et Islande). Pour autant les résultats de la "société intermédiaire" étrangère ne sont pas pris en compte pour la détermination du résultat intégré, car elle n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés français.

II - Prix de transfert : documentation préalable (LFR 2009, art. 22)

Le législateur introduit une obligation de mettre à la disposition de l'administration fiscale, à la date d'engagement de la vérification de comptabilité, une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre de transactions de toute nature réalisées avec des entités juridiques liées (LPF, art. L. 13 AA nouveau N° Lexbase : L3318IGY). Cette documentation ne se substitue pas aux justifications pouvant être réclamées par l'administration à l'appui de chaque transaction. Cette obligation ne concerne que les personnes morales établies en France d'une certaine taille puisque le texte vise un chiffre d'affaires annuel hors taxes ou un actif brut figurant au bilan supérieur ou égal à 400 000 000 d'euros.

Deux types d'informations doivent y être mentionnés. Au titre des informations générales, la documentation portera sur une description générale de l'activité déployée, incluant les changements intervenus au cours de l'exercice vérifié ; une description générale des structures juridiques et opérationnelles du groupe d'entreprises associées, comportant une identification des entreprises associées du groupe engagées dans des transactions contrôlées ; une description générale des fonctions exercées et des risques assumés par les entreprises associées dès lors qu'ils affectent l'entreprise vérifiée ; une liste des principaux actifs incorporels détenus, notamment brevets, marques, noms commerciaux et savoir-faire, en relation avec l'entreprise vérifiée ; une description générale de la politique de prix de transfert du groupe.

Au titre des informations spécifiques, la documentation doit mentionner une description de l'activité déployée, incluant les changements intervenus au cours de l'exercice vérifié ; une description des opérations réalisées avec d'autres entreprises associées, incluant la nature et le montant des flux, y compris les redevances ; une liste des accords de répartition de coûts ainsi qu'une copie des accords préalables en matière de prix de transfert et des rescrits relatifs à la détermination des prix de transfert, affectant les résultats de l'entreprise vérifiée ; une présentation de la ou des méthodes de détermination des prix de transfert dans le respect du principe de pleine concurrence, comportant une analyse des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés ainsi qu'une explication concernant la sélection et l'application de la ou des méthodes retenues ; lorsque la méthode choisie le requiert, une analyse des éléments de comparaison considérés comme pertinents par l'entreprise.

Si cette documentation n'a pas été mise à la disposition de l'administration fiscale -totalement ou partiellement- dès le début de la vérification de comptabilité, cette dernière adressera alors une mise en demeure au contribuable de la produire ou de la compléter sous trente jours sous peine de sanction (CGI, art. 1735 ter nouveau N° Lexbase : L3223IGH) sous forme d'une amende de 10 000 euros par exercice ou, si le montant correspondant est supérieur à cette dernière somme, et compte tenu de la gravité des manquements, d'un montant pouvant atteindre 5 % des bénéfices transférés au sens de l'article 57 du CGI (N° Lexbase : L3365IGQ).

Dans la pratique professionnelle, les entreprises qui ne relèvent pas du champ d'application du nouveau texte ont tout intérêt à s'en inspirer pour constituer, elles aussi, une telle documentation qui leur permettra d'aborder plus sereinement une future vérification de comptabilité.

III - Renforcement de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales : notion d'Etat ou de territoire non coopératif et conséquences (LFR 2009, art. 22)

La lutte contre l'évasion et la fraude fiscales passe par l'établissement d'une liste des Etats ou territoires non coopératifs (A) entraînant des conséquences (B) qui devraient inciter les Etats en question à conclure des conventions d'assistance administrative effectives avec la France.

A - L'établissement d'une liste révisée annuellement

Le Parlement a adapté le CGI au contexte international commandant une riposte dans le cadre de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales avec les Etats non coopératifs définis, par le nouvel article 238-0 A du CGI (N° Lexbase : L3333IGK), comme : "les Etats et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'Organisation de coopération et de développement économiques et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention".

Le législateur prévoit l'établissement et l'actualisation annuelle de la liste de ces Etats et territoires non coopératifs à partir du 1er janvier 2011 notamment en retirant les Etats ou territoires ayant, à cette date, conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant d'échanger tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties ou, au contraire, en ajoutant les Etats ou les territoires ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative dont les stipulations ou la mise en oeuvre n'ont pas permis à l'administration des impôts d'obtenir les renseignements nécessaires à l'application de la législation fiscale française, ainsi que les Etats et les territoires qui n'ont pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties et auxquels la France avait proposé, avant le 1er janvier de l'année précédente, la conclusion d'une telle convention.

B - Les conséquences

Les conséquences sont doubles : elles concernent l'imposition (1) et l'instauration d'une procédure judiciaire d'enquête fiscale (2).

1 - Les conséquences relatives à l'imposition

La qualité d'Etat ou de territoire non coopératif (ETNC) entraîne des conséquences importantes : ainsi, en matière de distribution de dividendes à une personne non résidente, la retenue à la source est portée à 50 % à compter des distributions mises en paiement au 1er mars 2010 au lieu, par exemple, de 18 % pour les personnes domiciliées fiscalement dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen (CGI art. 119 bis N° Lexbase : L3843IAL).

Il en est de même s'agissant des produits des contrats d'assurance vie et de capitalisation, des produits des placements à revenu fixe. Les cessions de droits sociaux sont également visées quel que soit le pourcentage de droits détenus dans les bénéfices de la société concernée, lorsqu'elles sont réalisées par des personnes ou organismes domiciliés, établis ou constitués hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du CGI.

Concernant les profits immobiliers à titre habituel (CGI art. 244 bis N° Lexbase : L3369IGU), le taux de 50 % est maintenu lorsque les profits sont réalisés par les contribuables ou sociétés domiciliés, établis ou constitués hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. Il est, en revanche, abaissé à 33,33 % pour les personnes qui ne sont pas domiciliés dans un ETNC. Pour les personnes morales et organismes résidents d'un Etat de l'Union européenne ou d'un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en matière d'échange de renseignements et de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et n'étant pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A, l'excédent du prélèvement sur l'impôt dû est restitué. S'agissant des profits immobiliers à titre occasionnel (CGI art. 244 bis A N° Lexbase : L5032HLX), le taux d'un tiers est porté à 50 % lorsque les plus-values sont réalisées par ces mêmes personnes ou organismes lorsqu'ils sont domiciliés, établis ou constitués hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A.

Enfin, s'agissant du régime mère-fille (CGI art. 145 N° Lexbase : L8238IET) qui permet aux sociétés mères détenant au moins 5 % du capital d'une filiale de ne pas inclure dans son résultat fiscal, sous réserve d'une quote-part de frais et charges de 5 %, les dividendes distribués par la filiale, la société mère ne peut se prévaloir de ce régime optionnel si la filiale est implantée dans un Etat ou un territoire non coopératif. La loi prévoit une application du régime de l'article 145 du CGI modifié à compter du 1er janvier 2011.

2 - Les conséquences relatives à la procédure : instauration d'une procédure judiciaire d'enquête fiscale (LFR 2009, art. 23)

Le délit de fraude fiscale n'épargne pas le monde de l'entreprise : l'administration fiscale se voit dotée, à l'instar de ce qui existe déjà dans certains Etats, notamment les Etats-Unis d'Amérique, d'une procédure judiciaire d'enquête fiscale aux fins de réprimer le délit de fraude fiscale (CGI, art. 1741 N° Lexbase : L2352IET) et les délits assimilés (CGI, art. 1743 N° Lexbase : L1735HNL).

Véritable innovation procédurale, l'article 23 de la loi de finances rectificative pour 2009 modifie le Code de procédure pénale (C. pr. pén., art. 28-2 nouveau N° Lexbase : L3331IGH) et le Livre des procédures fiscales (LPF, art. L. 228 N° Lexbase : L3362IGM).

Aux termes de ce dernier, la Commission des infractions fiscales (CIF) peut examiner l'affaire soumise par l'administration fiscale, qui devra alors s'appuyer sur des présomptions caractérisées, sans aviser le contribuable de sa saisine ni même l'informer de son avis afin d'éviter le dépérissement des preuves dans trois hypothèses :

- soit de l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale entrée en vigueur au moment des faits et dont la mise en oeuvre permet l'accès effectif à tout renseignement, y compris bancaire, nécessaire à l'application de la législation fiscale française ;

- soit de l'interposition, dans un Etat ou territoire non coopératif, de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable ;

- soit de l'usage d'une fausse identité ou de faux documents au sens de l'article 441-1 du Code pénal (C. pénal, art. 441 N° Lexbase : L2006AMA), ou de toute autre falsification.

Les textes régissant le contrôle fiscal et les délais de prescription sont aménagés en conséquence lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale : les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. S'agissant du contrôle fiscal, les garanties instituées par le Livre des procédures fiscales ne sont pas opposables par le contribuable lorsqu'une plainte est déposée à la suite d'une procédure judiciaire d'enquête fiscale : le contribuable ne pourra alors se prévaloir de l'interdiction de renouveler un ESFP (LPF, art. L. 50 N° Lexbase : L3296IG8) ou une vérification de comptabilité (LPF, art. L. 51 N° Lexbase : L3310IGP) pour des impôts ou périodes déjà contrôlés. Il ne pourra non plus opposer le délai de trois mois limitant la durée de vérification sur place des petites entreprises (LPF, art. L. 52 N° Lexbase : L3356IGE).

IV - TVA : Paquet fiscal (LF 2010, art. 102)

Le législateur transpose en droit interne trois Directives (Directives 2008/8/CE N° Lexbase : L8139H3T ; Directive 2008/9/CE N° Lexbase : L8140H3U ; Directive 2008/117/CE N° Lexbase : L6898ICH) modifiant substantiellement les règles de territorialité s'agissant des prestations de services. En résumé, il devra être fait une distinction entre les opérations entre assujettis -qui devront, alors, autoliquider la TVA- et celles entre un assujetti et un preneur non-assujetti : pour ces dernières opérations, le lieu de la prestation de services sera localisé au lieu d'établissement du prestataire. Cependant des dérogations sont prévues pour les services qui peuvent être localisables telles que les services sur un immeuble, le transport de personnes, les services des agences de voyages, les locations de moyens de transport, les ventes à consommer sur place, les prestations à caractère culturel ou sportif notamment (cf. A.-L. Lonné, PLF 2010 : une réforme en profondeur de la structure de notre fiscalité, Lexbase Hebdo n° 366 du 7 octobre 2009 - édition fiscale N° Lexbase : N0753BMT).

V - Crédit d'impôt recherche : restitution anticipée de la créance (LF 2010, art. 5)

En droit commun, le CIR qui n'a pu être imputé sur l'IR ou l'IS est un crédit d'impôt restituable au terme de trois ans. Les entreprises nouvelles ou celles en difficulté faisant l'objet d'une procédure collective ou d'une procédure de sauvegarde peuvent profiter d'une restitution immédiate de cette créance. En 2008, les pouvoirs publics ont autorisé la restitution immédiate du crédit d'impôt pour l'ensemble des entreprises. Cette mesure est reconduite en 2009.

VI - Plus-values professionnelles : maintien du report d'imposition des articles 151 octies à 151 nonies du CGI lors d'une opération ultérieure bénéficiant d'un sursis ou d'un report (LF 2010, art. 31)

Les articles 151 octies (N° Lexbase : L2463HNK) à 151 nonies du CGI contiennent des dispositions permettant d'éviter la taxation afin de faciliter, notamment, la mise en société ou le changement de régime fiscal de la société de personnes.

Ces régimes sont autant de chausse-trapes pour le contribuable qui ne respecte pas leurs multiples conditions d'application tant sur la forme que sur le fond. Le législateur institue, dans un nouvel article 151-0 octies, un principe de droit au report chaque fois que le contribuable conclut une nouvelle opération ouvrant droit à un sursis ou un report d'imposition et qui, antérieurement à l'adoption de ce texte, entraînait jusqu'alors la déchéance du régime de faveur initialement souscrit.

VII - Entreprises nouvelles : prorogation du régime de l'article 44 sexies (LFR 2009, art. 62)

Dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire, le législateur a introduit des dispositions particulièrement favorables pour les entreprises nouvelles soumises au réel à raison, notamment, de leurs activités industrielles, commerciales ou artisanales consistant en une exonération totale -mais plafonnée- des bénéfices et des plus-values, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs, réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de la création de l'entreprise. Puis, un abattement de 25 %, 50 % et 75 % permet une sortie progressive de ce régime d'exception (CGI art. 44 sexies N° Lexbase : L3343IGW) sauf pour les entreprises créées dans les zones de revitalisation rurale qui bénéficient d'un retour au régime de droit commun sur neuf ans après le terme d'une période d'exonération spécifique de cinq ans.

L'application de ce texte suscite une très importante jurisprudence depuis son introduction en droit français. Ce régime qui, initialement, devait prendre fin le 31 décembre 2009 a été reconduit jusqu'au 31 décembre 2010.

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Janvier 2010

Lecture: 19 min

N9650BMD

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Le 06 Juin 2012

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ont été sélectionnés, ce mois-ci, deux arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation : dans le premier arrêt, en date du 15 décembre 2009, la Cour de cassation se prononce, pour la première fois, depuis l'adoption de la loi de sauvegarde des entreprises, sur la question du titulaire du choix des contrats judiciairement cédés ; et, dans le second arrêt, également daté du 15 décembre 2009, la Chambre commerciale nous livre une intéressante décision relative aux voies de recours ouvertes aux créanciers titulaires de sûreté spéciale sur la décision arrêtant le plan de cession.
  • Le cessionnaire reconnu titulaire du choix des contrats devant être judiciairement cédés (Cass. com. 15 décembre 2009, n° 08-21.235, F-P+B N° Lexbase : A7156EPQ)

Reprenant les termes de l'ancien article L. 621-88 du Code de commerce (N° Lexbase : L6940AIU), l'article L. 642-7 (N° Lexbase : L3914HBL), dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), dispose que "le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité [...]". Ressort-il de ces dispositions qu'il appartient au tribunal, seul, de faire le tri parmi les contrats entre ceux nécessaires au maintien de l'activité et ceux qui ne le sont pas, pour, ensuite, n'imposer que la cession des premiers ? Le cessionnaire peut-il se voir imposer contre son gré la cession judiciaire d'un contrat nécessaire au maintien de l'activité ? Le débiteur peut-il exercer une voie de recours à l'encontre du jugement n'ayant pas ordonné la cession judiciaire d'un contrat apparaissant pourtant nécessaire au maintien de l'activité ? Voici autant de questions auxquelles la Chambre commerciale de la Cour de cassation, statuant dans une espèce régie par la loi de sauvegarde des entreprises, apporte des éléments de réponse au travers d'un arrêt en date du 15 décembre 2009, appelé à la publication.

Des établissements de crédit avaient accordé un crédit-bail portant sur un immeuble à usage d'abattoir à une société qui y exploitait son fonds de commerce. En 2007, le crédit-preneur avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ayant, l'année suivante, débouché sur l'arrêté d'un plan de cession. Le tribunal n'avait ordonné la cession judiciaire que des seuls contrats mentionnés dans l'offre de reprise établie par le cessionnaire. Or, cette offre de reprise excluait la poursuite du crédit-bail portant sur l'immeuble à usage d'abattoir dans la mesure où était prévue l'acquisition par le repreneur des locaux -acquisition dont le principe et les modalités avaient été acceptées par les crédits bailleurs-. Le débiteur avait interjeté appel du jugement n'ayant pas cédé le contrat. Il est fort à parier que le dirigeant de l'entreprise débitrice était caution de celui-ci. L'intérêt de la cession judiciaire était pour lui évident : les loyers postérieurs à la cession, nés du chef du repreneur, n'auraient pu alors lui être réclamés.

La cour d'appel avait confirmé la décision des premiers juges. On sait qu'il résulte des dispositions de l'article L. 661-7, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L3498ICK) que le pourvoi n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts qui arrêtent ou rejettent le plan de cession et qu'il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir. Le débiteur s'était alors pourvu en cassation arguant d'un prétendu excès de pouvoir du juge qui s'était gardé d'ordonner la cession judiciaire d'un contrat pourtant nécessaire au maintien de l'activité. Par l'arrêt rapporté, la Chambre commerciale déclare le pourvoi irrecevable, au motif qu'il est dirigé contre une décision qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré un excès de pouvoir. Par là même, la Cour de cassation considère que le tribunal ne peut pas imposer au repreneur la cession d'un contrat mentionné à l'article L. 642-7 dont l'exécution aggraverait les engagements que le cessionnaire a souscrits au cours de la préparation de son offre.

A notre connaissance, c'est la première fois, depuis l'adoption de la loi de sauvegarde des entreprises, que la Chambre commerciale a l'occasion de se prononcer sur la question du titulaire du choix des contrats judiciairement cédés. La position adoptée en l'espèce est d'autant plus intéressante qu'elle contraste avec celle adoptée par les juges du fond sous l'empire de la législation antérieure alors même que, sous l'empire de ces deux législations, "le tribunal détermine les contrats [...] nécessaires au maintien de l'activité" (C. com., art. L. 621-88, al. 1er, C. com., art. L. 642-7, al. 1er, réd. "LSE"). Les positions, apparemment divergentes, des juges du fond, sous l'empire de la législation ancienne, et celle de la Cour de cassation, sous l'empire de la législation nouvelle, sont pourtant parfaitement justifiées.

Sous l'empire de la législation du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98, 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L4126BMR), la lettre du texte de l'article L. 621-88, alinéa 1er, laissait apparaître que le tribunal était seul maître de la détermination des contrats nécessaires au maintien de l'activité et appelés, à ce titre, à être judiciairement cédés (1). Les juges du fond avaient alors considéré qu'il n'appartenait pas au repreneur de déterminer les contrats qui devaient lui être cédés (2). Ainsi avait-il été jugé que le consentement du repreneur n'était pas requis pour qu'un contrat lui soit judiciairement cédé (3). Il pouvait, certes, être tentant pour le repreneur d'arguer que le tribunal qui lui imposait la cession judiciaire d'un contrat dont la reprise n'était pas souhaitée par le cessionnaire lui imposait par là même une charge supplémentaire, ce qu'en principe le tribunal ne peut pas faire. Cependant, sous l'empire de la législation ancienne, au principe selon lequel le tribunal ne pouvait pas imposer au repreneur des charges non souscrites dans son offre, l'article L. 621-63, alinéa 3 (N° Lexbase : L6915AIX), posait une exception précisément en matière de cession judiciaire des contrats prévue à l'article L. 621-88 (N° Lexbase : L6940AIU). La doctrine considérait ainsi que la charge supplémentaire liée à la cession d'un contrat non souhaitée par le repreneur pouvait lui être imposée (4). Cette solution, dictée par la lettre du texte, était malheureuse en opportunité. En effet, qui mieux que le repreneur peut savoir de quel contrat il a besoin pour assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise (5) ? Il semblait donc inopportun de priver le repreneur de la maîtrise de la détermination des contrats devant lui être judiciairement cédés. Sont donc bienvenues les modifications apportées par la loi de sauvegarde tendant à confier au repreneur la maîtrise de la détermination des contrats devant lui être cédés, lesquelles ont conduit la Chambre commerciale a prendre la position adoptée dans l'arrêt du 15 décembre 2009.

L'évolution jurisprudentielle ne trouve pas son origine dans la rédaction du nouvel article L. 642-7, alinéa 1er, du Code de commerce dans la mesure où, comme le faisait l'ancien article L, 621-88, alinéa 1er, il dispose que "le tribunal détermine les contrats [...] nécessaires au maintien de l'activité" (6). La solution nouvelle trouve son siège dans deux autres dispositions : les articles L. 642-2-II (N° Lexbase : L3909HBE) et L. 626-10, alinéa 3 (N° Lexbase : L3491ICB).

L'article L. 642-2-II précise, de façon novatrice, que "toute offre doit être écrite et comporter l'indication : 1° de la désignation précise des biens, des droits et des contrats inclus dans l'offre". La doctrine considère que, de cette nouvelle précision, il peut être déduit qu'il est impossible de céder un contrat non mentionné dans la liste (7). Certains en déduisent même que la détermination de liste des contrats cessibles appartient désormais au repreneur (8).

Quant à l'article L. 626-10 du Code de commerce (C. com., art. L 621-63, anc.), il prévoit, comme sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, que le tribunal ne peut imposer au repreneur des charges souscrites dans son offre. Cependant, alors que l'ancien article L. 621-63, alinéa 3, faisait réserve de L. 621-88, c'est-à-dire de la cession judiciaire des contrats, le nouvel article L. 626-10 ne fait plus une telle réserve. Il en résulte incontestablement que la cession au repreneur d'un contrat qui n'est pas mentionné dans son offre constitue une charge supplémentaire que le tribunal ne peut pas lui imposer.

Ainsi, au regard de la rédaction actuelle des textes, le tribunal ne peut pas imposer au repreneur la cession judiciaire d'un contrat, même s'il lui apparaît que celui-ci est nécessaire au maintien de l'activité. Il ne reste alors plus au tribunal, convaincu de l'impossibilité du maintien de l'activité sans le contrat en question, qu'à refuser l'adoption du plan.

Force est de constater que les termes de l'article L. 642-7, alinéa 1er, prêtent à confusion en semblant laisser au seul tribunal le soin de déterminer les contrats judiciairement cédés. Il serait peut-être opportun de modifier la rédaction du texte et de prévoir que "le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services compris dans l'offre de cession nécessaires au maintien de l'activité".

S'il est désormais acquis, au regard de l'arrêt commenté, que le tribunal ne peut pas imposer au repreneur un contrat qui n'est pas inclus dans son offre de cession, au risque de lui imposer une charge supplémentaire prohibée, le tribunal peut-il se garder d'ordonner la cession judiciaire d'un contrat figurant pourtant dans l'offre de cession, au motif que ce contrat ne serait pas nécessaire au maintien de l'activité ?

La possibilité ouverte au tribunal de céder judiciairement un contrat est exorbitante en ce qu'elle impose au cocontractant cédé un nouveau partenaire contractuel, le repreneur. Elle n'est justifiée que par la nécessité du contrat au maintien en activité visé à l'article L. 642-7. Il est classique, en pratique, que la cession d'un contrat non nécessaire au maintien de l'activité paraisse intéressante au repreneur et fasse ainsi partie intégrante de son offre.

Cependant, si le tribunal ordonne la cession judiciaire d'un contrat non nécessaire au maintien de l'activité, il excède par là même ses pouvoirs. Le cocontractant judiciairement cédé pourrait alors exercer la voie de l'appel que lui ouvre l'article L. 661-6-III du Code de commerce (N° Lexbase : L3486IC4) et, sur l'arrêt d'appel, un pourvoi en cassation fondé sur l'excès de pouvoir (9).

Dès lors que le tribunal ne peut pas judiciairement céder un contrat non nécessaire au maintien de l'activité, cette absence de cession peut-elle être "imposée" au repreneur qui a présenté son offre en considération de la reprise de certains contrats. Refuser au repreneur la cession d'un contrat dont la reprise fait partie intégrante de son offre revient-il à lui imposer, en contrariété avec l'article L. 626-10, alinéa 3, des charges autres que les engagements souscrits au cours de la préparation du plan ? La réponse à cette question nous semble affirmative. Nous ne pouvons que conseiller au repreneur de préciser dans son offre de reprise que la cession judiciaire de tel ou tel contrat est érigée en condition sine qua non de son offre. Il ne fera alors aucun doute que l'adoption du plan de cession au profit de ce repreneur ne pourra qu'être accompagnée de la cession judiciaire des contrats en cause.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon

  • Voies de recours ouvertes aux créanciers titulaires de sûreté spéciale sur la décision arrêtant le plan de cession (Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-21.553, FS-P+B N° Lexbase : A7159EPT)

Les décisions arrêtant le plan de cession, depuis la loi du 25 janvier 1985, figurent au rang de celles sur lesquelles les voies de recours sont les plus chichement ouvertes. Aveuglées par l'idée du sauvetage de l'entreprise, cette législation avait même été jusqu'à fermer au débiteur l'appel d'une telle décision. L'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), qui consacre pour tout plaideur un droit d'accès au juge, a conduit la France à une position plus raisonnable : la loi de sauvegarde des entreprises a consacré la possibilité pour le débiteur d'interjeter appel de la décision qui consacrait son expropriation. Un minimum, pourrait-on dire ! Et les créanciers, dans "tout ça" ? On imagine sans peine que, dans une législation aussi dogmatique, leurs droits seraient passés à la moulinette. La traduction procédurale de cette prise de position est trouvée par la fermeture de la tierce opposition. Pourtant, ainsi que va nous le montrer la décision ici commentée, les droits de ces créanciers peuvent être gravement atteints. Certes, objectera-t-on, s'ils sont créanciers chirographaires, la solution ne saurait surprendre. Ils n'ont pas de moyens distincts à faire valoir et n'ont donc pas voix au chapitre. Mais il n'en va pas de même si l'on est en présence de créanciers titulaires de sûretés spéciales. Deux droits spécifiques leurs sont accordés à l'occasion de la décision arrêtant le plan de cession.

L'article L. 621-96, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L6948AI8, anciennement loi du 25 janv. 1985, art. 93, al. 1er N° Lexbase : L6733AHT), dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises et l'article L. 642-12, alinéa 1er (N° Lexbase : L3919HBR), dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises, disposent que "lorsque la cession porte sur des biens grevés d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, une quote-part du prix est affectée par le tribunal à chacun de ces biens, pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence". L'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT) ajoute, à la liste des sûretés visées, le gage (C. com., art. L. 642-12, al 1er, nouv. N° Lexbase : L3334ICH). Cette règle est qualifiée de "règle de l'affectation d'une quote-part". Elle est destinée à permettre à un créancier titulaire d'une sûreté spéciale de se voir affecter une assiette dans le cadre d'un prix de cession, qui se veut forfaitaire et global. Il s'agit, en conséquence, d'individualiser les droits du créancier titulaire de la sûreté spéciale sur le prix de cession, afin de lui permettre d'être traité comme il se doit : en qualité de créancier titulaire d'une sûreté spéciale.

Pour sa part, l'article L. 621-96, alinéa 3, du Code de commerce, tel qu'issu de la réforme du 10 juin 1994 (loi ° 94-475, relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises N° Lexbase : L9127AG7), dispose que "toutefois, la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sûr lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété ou, en cas de location-gérance, de la jouissance du bien sur lequel porte la garantie, sous réserve des délais de paiement qui pourraient être accordés dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 621-88 du Code de commerce (N° Lexbase : L6940AIU). Il peut être dérogé aux dispositions du présent alinéa par accord entre le cessionnaire et les créanciers titulaires des sûretés". Ce texte a été repris par la loi de sauvegarde des entreprises, pour devenir l'article L. 642-12, alinéa 4 (N° Lexbase : L3334ICH), avec une modification minime. Ont été supprimés les termes suivants : "sous réserve des délais de paiement qui pourraient être accordés dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 621-88 du Code de commerce". Cette règle est dénommée "règle du transfert de la charge de la sûreté". Elle institue une variété de cession de dette, analysée parfois (10), mais à tort selon nous (11), comme un mécanisme de droit de suite. Elle produit, pour le créancier, mais non pour la caution du débiteur (12), un effet assez comparable à la cession judiciaire du contrat, obligeant le repreneur à payer au prêteur les échéances qui restent à échoir à compter du transfert de propriété, lequel intervient à la date d'entrée en jouissance dans le jugement arrêtant le plan de cession, ou, à défaut de précision du jugement sur ce point, à la date de la signature des actes de cession.

L'obligation pour le tribunal d'affecter une quote-part du prix de cession pour l'exercice du droit de préférence d'un créancier inscrit sur un bien du débiteur cédé au repreneur et l'obligation pour le repreneur, qui résulte de la seule lettre du Code de commerce, de payer les échéances du crédit restant à échoir, au titre du transfert de la charge de la sûreté, apparaissent comme des droits essentiels du créancier. Que se passe-t-il si le tribunal s'en émancipe ? C'est à cette question que répond l'arrêt commenté.

En l'espèce, une banque consent à une société quatre prêts, tous garantis par une sûreté spéciale. En 2007, la débitrice est placée en redressement puis en liquidation judiciaires. Un plan de cession est arrêté. Le tribunal exclut expressément le jeu du transfert de la charge de la sûreté au titre de trois prêts et ne statue pas sur l'affectation d'une quote-part du prix de cession au titre du quatrième. La banque interjette un appel, qualifié d'appel nullité en soulevant les excès de pouvoir commis par les premiers juges. La cour d'appel déclare irrecevable son appel nullité, non pas en considération de l'absence de commission d'un excès de pouvoir, mais en déniant à la banque, créancier inscrit, la qualité de partie. La question soumise à la Cour de cassation est finalement d'ordre strictement procédural : la banque, prêteur, ayant inscrit des sûretés spéciales, qui peut prétendre au transfert de la charge de la sûreté et au jeu de l'affectation d'une quote-part du prix de cession, est-elle une partie au jugement arrêtant le plan de cession ? A cette question, la Cour de cassation répond clairement par la négative : "l'appel nullité ne peut être formé que par une partie au procès ; la cour d'appel ayant relevé d'un côté qu'il était nécessaire que la banque ait qualité à agir en vertu des règles relaves aux procédures collectives et, de l'autre, que la banque n'était pas un cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 du Code de commerce, il en résultait que l'appel était irrecevable".

Les excès de pouvoir commis par le tribunal ayant arrêté le plan de cession sont ici incontestables, à notre sens. L'alinéa 1er de l'article L. 642-12, par lequel sont prévus les droits du créancier titulaire d'une sûreté spéciale sur le prix de cession, est particulièrement réducteur des droits des créanciers titulaires de sûretés. Le mécanisme de l'affectation de la quote-part du prix de cession est qualifié d'"outil absolu d'écrasement du passif" (13). On comprend aisément, dans ce contexte, qu'il constitue une garantie minimale pour le créancier, à laquelle ne peut absolument pas toucher le tribunal. L'indicatif utilisé par le Code de commerce, "une quote-part du prix est affectée par le tribunal à chacun de ces biens, pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence", a nécessairement valeur d'impératif. Le tribunal est obligé d'affecter cette quote-part. S'il ne s'exécute pas, il méconnaît une obligation légale et commet, en conséquence, un excès de pouvoir.

La même observation s'impose à propos du transfert de la charge de la sûreté. L'article L. 642-12, alinéa 4, du Code de commerce, en disposant que "la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sûr lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire", utilise identiquement un indicatif ayant valeur d'impératif. Le tribunal n'a pas le choix puisque, par l'effet de la loi, le transfert de la sûreté s'opère automatiquement. Le décret confirme d'ailleurs la solution, puisque l'article R. 642-19 du Code de commerce (N° Lexbase : L1087HZB) dispose que "le tribunal vérifie que les conditions requises par l'article L. 642-12 sont remplies et constate dans le jugement arrêtant le plan de cession les sûretés dont la charge est transmise". Il est donc extrêmement clair que le tribunal ne peut pas décider d'écarter le mécanisme du transfert de la charge de la sûreté. Le transfert de la charge de la sûreté s'opère en conséquence de plein droit (14). La règle joue même si le repreneur ignorait l'existence de la sûreté (15). En conséquence, si le tribunal décide d'écarter le transfert de la charge de la sûreté au préjudice du créancier qui en bénéficie de plein droit, il commet un excès de pouvoir.

La discussion ne porte pas sur ce point. Elle n'a trait qu'à la qualité de partie ou de tiers du prêteur inscrit sur les biens du débiteur.

Au titre de l'affectation de la quote-part du prix de cession, aucune discussion n'est possible. En effet, le prêteur n'est pas convoqué à l'audience. N'étant ni présent, ni représenté, il n'est donc pas une partie au jugement arrêtant le plan de cession.

La discussion pourrait, en revanche, exister en ce qui concerne l'application de la règle du transfert de la charge de la sûreté. En effet, la convocation du créancier bénéficiaire du transfert de la charge de la sûreté s'impose au tribunal. Etant présent à l'audience arrêtant le plan de cession, la qualité de partie de ce créancier aurait pu être discutée. La difficulté essentielle se pose lorsque, comme en l'espèce, le tribunal, écarte le jeu du transfert de la charge de la sûreté et ne prend même par le soin de convoquer le créancier. Ce dernier n'est donc pas présent à l'audience arrêtant le plan de cession.

La convocation d'une personne dans le cadre d'une décision statuant en matière de procédure collective n'est pas suffisante pour conférer à cette dernière la qualité de partie. Certes, une analogie pouvait être tentée avec la situation du cocontractant auquel le tribunal impose la cession judiciaire d'un contrat. Mais, dans cette situation particulière, la qualité de partie à un contrat synallagmatique se fond avec la qualité de partie à la procédure. Le mécanisme du transfert de la charge de la sûreté n'institue pas une cession du contrat de prêt, contrat unilatéral. Le mécanisme de la cession judiciaire des contrats ne peut s'appliquer qu'à des contrats synallagmatiques. Le repreneur ne devient donc pas cocontractant du contrat de prêt et l'assimilation de la qualité de partie au contrat et de celle de partie à la procédure ne peut donc être faite. C'est d'ailleurs ce que juge, en l'espèce, la Cour de cassation, reprenant en cela la motivation de la cour d'appel, selon laquelle la banque n'était pas un cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 du Code de commerce, c'est-à-dire un cocontractant dont le contrat est judiciairement cédé.

Mais alors, si le créancier titulaire d'une sûreté, qui doit bénéficier, d'une part, de l'affectation d'une quote-part du prix de cession pour l'exercice de son droit de préférence et, d'autre part, du transfert de la charge de la sûreté, est victime d'une décision du tribunal lui déniant ces deux prérogatives, comment peut-il les faire sanctionner ?

Le créancier n'étant pas une partie est donc incontestablement un tiers. La tierce opposition réformation contre les jugements arrêtant ou rejetant le plan de cession est fermée. L'article L. 661-7, alinéa 1er (N° Lexbase : L4173HB8), dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises, dispose qu'"il ne peut être exercé de tierce opposition ou de recours en cassation contre les arrêts rendus en application du I de l'article L. 661-6 (N° Lexbase : L4172HB7)". Ce texte n'a pas pour effet, a contrario, de la rendre recevable sur les jugements en matière de plan de cession. En effet, la lettre de l'article L. 661-6 du code, dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises, n'a pas seulement pour objet de déterminer restrictivement les personnes recevables à former appel, mais a aussi pour but de n'ouvrir sur ce type de jugement que l'appel. La tierce opposition réformation reste donc irrecevable (16). L'article L. 661-7, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3498ICK), issu de la rédaction que lui donne l'ordonnance de réforme du 18 décembre 2008, est désormais plus explicite. Il ferme clairement la tierce opposition contre les jugements arrêtant ou rejetant le plan de cession. Il reste donc la possibilité d'exercer une tierce opposition nullité. La qualité de tiers du créancier inscrit est indiscutable. L'excès de pouvoir, critère d'ouverture du recours nullité, est tout aussi indiscutable.

Ne reste, dès lors, qu'une seule question, qui conditionne la recevabilité de la tierce opposition, règle de droit commun posée par l'article 583, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6740H7R) : le créancier a-t-il un moyen propre à faire valoir par rapport aux autres créanciers ? Une réponse positive s'impose. Il dispose d'un droit spécial, celui de se voir affecter une quote-part du prix de cession, droit qui n'est pas reconnu aux créanciers chirographaires. Il n'est pas dans la même situation que ces derniers et peut donc, à ce titre, développer un moyen propre. La même remarque s'impose pour le créancier qui bénéficie du transfert de la charge de la sûreté. Ici encore, ce mécanisme est spécial aux créanciers titulaires de sûretés spéciales et est même plus restreint que le droit à l'affectation d'une quote-part. En effet, pour que le mécanisme du transfert de la charge de la sûreté s'applique, plusieurs conditions cumulatives doivent être respectées. Il faut que le prêt ait été consenti pour le financement du bien sur lequel la sûreté va être inscrite. Il faut, en outre, que des échéances restent à échoir après l'entrée en jouissance du repreneur, au titre du prêt garanti. Cette situation spéciale, qui conduit à reconnaître des droits particuliers aux créanciers bénéficiaires du mécanisme du transfert de la charge de la sûreté, permet à celui-ci de développer des moyens propres par rapport aux autres créanciers. Sa tierce opposition est donc recevable.

Fondée sur l'excès de pouvoir, il s'agira d'une tierce opposition nullité, seule voie de recours exploitable pour les intéressés, dans la mesure où, comme cela a déjà été précisé, la tierce opposition réformation est fermée.

Les créanciers bénéficiant du mécanisme du transfert de la charge de la sûreté et de la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession auront retenu la leçon : le salut n'est pas dans l'appel nullité, mais dans la tierce opposition nullité.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises


(1) CA Aix-en-Provence, 9 décembre 1988, D., 1990, somm. 3, obs. F. Derrida.
(2) CA Reims, ch. civ., 1ère sect., 13 septembre 1995, Rev. proc. coll., 1998, 382, n° 48, obs. B. Soinne ; contra CA Colmar, 13 juin 1990, D., 1991, 97, note D. Fabiani.
(3) CA Paris, 5ème ch., sect. A, 7 juin 2006, n° 05/19871, SA Emeraude Lines et autres c/ SAS Sogestran (N° Lexbase : A4429DRH).
(4) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2010/2011, n° 542.57 ; C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, Montchrétien, 6ème éd., n° 1167.
(5) Sur ce constat, M.-H. Monsérié-Bon, Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, Litec, 1994, préc. n° 375 ; F. Pérochon, R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 8ème éd., n° 459 ; P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 542.57.
(6) Ce qui a conduit certains à considérer que le tribunal apparaissait toujours seul maître de la liste des contrats cédés : en ce sens, M. Diana-Douaoui, A propos de quelques difficultés d'application de la loi de sauvegarde des entreprises, LPA, 8 janvier 2007, n° 6, p. 4 et s., sp. p. 17 à 20.
(7) F. Pérochon, R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, Instruments de crédit et de paiement, préc., n° 459 ; P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 542.57.
(8) B. Thuillier, Cession judiciaire des contrats, D., 2006, chron. 130 ; F. Pérochon, R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, Instruments de crédit et de paiement, préc., n° 459.
(9) Le pourvoi est, en principe, fermé par l'article L. 661-7, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L3498ICK), mais il est dérogé à cette règle en cas d'excès de pouvoir, comme le rappelle l'arrêt commenté.
(10) Cass. com., 7 juillet 2009, n° 08-17.275, Société Banque populaire Rives de Paris, FS-P+B (N° Lexbase : A7421EIP) ; et les obs. d'E. Le Corre-Broly, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Septembre 2009 Lexbase Hebdo n° 363 du 17 septembre 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N9154BLM) ; D., 2009, AJ p. 1891, note A. Lienhard ; Gaz. proc. coll., 2009/4, 2ème partie, n° 305 à 307, p. 38, nos obs. ; Act. proc. coll., 2009/15, n° 231, note O. Salvat.
(11) Gaz. proc. coll., 2009/4, préc. ; adde Ph. Froehlich et M. Sénéchal, De la réalisation de l'actif, LPA numéro spécial, 9 février 2006, n° 29, p. 21 et s., sp. p. 32.
(12) Sur la question, P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 712.33 et n° 712.34.
(13) M. Sénéchal, in M. Menjucq, M. Sénéchal, G. Sonier et Ch. Thévenot, Les cent jours de la réforme des procédures collectives : premier bilan, Rev. proc. coll., 2009/3, p. 52 et s., sp. p. 55.
(14) Cass. com., 4 janvier 2005, n° 02-19.099, Banque populaire du Sud-Ouest (BPSO) c/ Mme Odette Noble, épouse Petiet, F-D (N° Lexbase : A8665DEN), Gaz. proc. coll., 2005/1, p. 44, n° 1, nos obs. ; Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-16.019, Société Iberia concept c/ Banque populaire du Nord, F-D (N° Lexbase : A7146DKU).
(15) Dans le sens exprimé : CA Aix-en-Provence, 20 juin 2000, Act. proc. coll., 2000/17, n° 220, note C. Régnaut-Moutier ; CA Rouen, 2ème ch., 22 janvier 2009, n° 08/04987, Act. proc. coll., 2009/7, n° 110.
(16) CA Paris, 6ème ch., sect. B, 18 février 2005, n° 04/19253 (N° Lexbase : A7777DG7), RTDCom., 2005, 421, n° 8, obs. J.-L. Vallens.

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Marchés publics

[Jurisprudence] Chronique de droit communautaire - Décembre 2009

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N9652BMG

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 21 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de marchés publics, réalisée par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV. Au sommaire de cette chronique, tout d'abord, deux arrêts par lesquels les juridictions communautaires sont venues préciser les différentes obligations pesant sur les institutions communautaires lorsqu'elles doivent recourir à la commande publique. Le Tribunal de première instance de l'Union européenne, a, en effet, le 10 décembre 2009, énoncé le principe selon lequel la Commission européenne, en tant que pouvoir adjudicateur, peut ne demander des précisions sur leur offre qu'à certains candidats, sans violer le principe d'égalité de traitement. Ensuite, dans une décision rendue le 3 décembre 2009, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé les obligations formelles qui incombent, cette fois, à la Commission lorsque celle-ci passe un marché. Enfin, cette même juridiction a, le 10 décembre 2009, dans le troisième arrêt commenté, condamné le dispositif français relatif aux marchés de définition.
  • La marge de manoeuvre des pouvoirs adjudicateurs dans les procédures d'appel d'offre restreintes (TPICE, 10 décembre 2009, aff. T-195/08, Antwerpse Bouwwerken NV c/ Commission européenne N° Lexbase : A4037EP9)

Dans cette affaire, la Commission avait opté pour une procédure d'appel d'offre restreinte au sens de l'article 122, paragraphe 2, du Règlement n° 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (N° Lexbase : L2664IEE). L'annexe administrative du cahier des charges prévoyait que le marché public en cause serait attribué à l'offre la moins disante, et précisait que "tous les prix demandés sur le métré récapitulatif [devaient] être indiqués sous peine d'exclusion". Or, sur les trois sociétés qui avaient participé à cet appel d'offre, seule la requérante avait totalement respecté cette clause. La société X, qui s'est finalement vue attribuer le marché, avait, pour certains postes, indiqué le prix unitaire, mais l'avait omis du prix global, ou avait omis certains prix unitaires tout en indiquant le prix global. Le comité d'évaluation de la Commission avait strictement appliqué le cahier des charges, et avait donc proposé d'attribuer le marché à la requérante. Le 27 février 2008, la requérante a été informée que son offre avait été retenue, mais que cela ne créait aucune obligation à la charge de la Commission, étant donné que les services compétents pouvaient toujours renoncer au marché ou annuler la procédure de passation du marché, sans que la requérante puisse prétendre à une quelconque indemnisation. Il était, en outre, précisé que le contrat ne pouvait être signé qu'à l'expiration d'un délai de deux semaines, et que la Commission se réservait le droit de suspendre sa signature pour examen complémentaire si les demandes ou commentaires formulés par des candidats écartés, ou toute autre information pertinente reçue, le justifiaient.

Dans les jours suivants, la société X, qui avait été évincée, a indiqué à la Commission que les différentes omissions contenues dans son offre ne pouvaient être déterminantes car les informations manquantes pouvaient être simplement déduites des informations présentes. Aussi, le 12 mars 2008, la Commission a informé la requérante que l'un des candidats écartés avait fourni des informations de nature à justifier la suspension de la signature du contrat, conformément à l'article 158 bis, paragraphe 1, du Règlement d'exécution. Selon cette disposition, "le pouvoir adjudicateur ne procède à la signature du contrat ou du contrat-cadre, couvert par la Directive (CE) 2004/18, du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 (N° Lexbase : L1896DYU), avec l'attributaire qu'au terme d'une période de quatorze jours de calendrier [...] Le cas échéant, le pouvoir adjudicateur peut suspendre la signature du contrat pour examen complémentaire si les demandes ou commentaires formulés par des soumissionnaires ou candidats écartés ou lésés, ou toute autre information pertinente reçue, le justifient. Les demandes, commentaires ou informations en question doivent être reçus pendant la période prévue au premier alinéa. Dans le cas d'une suspension, tous les candidats ou soumissionnaires sont informés dans les trois jours ouvrables suivant la décision de suspension [...]". Postérieurement, et après un nouveau rapport du comité d'évaluation, la Commission a attribué le marché à la société X, car son offre était la plus basse. C'est cette décision qui était considérée comme illégale par la société requérante.

L'arrêt rendu dans cette affaire par le Tribunal de première instance de l'Union européenne présente un intérêt à la fois du point de vue de la recevabilité du recours dans le contentieux contractuel (A), mais surtout sur le rôle du pouvoir adjudicateur dans le cadre de la procédure d'appel d'offre restreinte (B).

A - La recevabilité du recours

Comme en contentieux administratif français, dans le cadre du recours en annulation de l'article 263 TUE , seuls sont attaquables devant les juridictions communautaires les actes décisoires. Ainsi, dans cette affaire, le juge rappelle que, "s'agissant des mesures intermédiaires ayant comme objectif de préparer la décision d'attribution du marché en cause, dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases dans le cadre d'une procédure interne, lesdits rapports ne sauraient être eux mêmes visés par un recours en annulation. Un tel recours ne peut être dirigé que contre la mesure qui fixe définitivement la position de la Commission au terme de cette procédure interne [...], à savoir, en l'occurrence, la décision de rejeter l'offre d'un candidat et celle d'attribuer le marché à un autre candidat" (point n° 28).

Par ailleurs, dans cette affaire, la Commission soutenait que la requérante n'avait pas d'intérêt pour agir car, au terme de la procédure, son offre n'avait été classée que troisième. Dès lors, quand bien même la décision d'attribution serait annulée par le juge, la requérante ne se verrait pas attribuer le marché. Le Tribunal rappelle justement qu'"un tel intérêt suppose que l'annulation de l'acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences juridiques [...] et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l'a intenté" (point n° 33). La requérante soutenait que la décision d'attribution du marché était illégale car l'offre de la société qui l'avait emporté n'était pas conforme au cahier des charges. Or, en l'espèce, l'offre de la société classée en deuxième position était affectée du même vice. Aussi, l'annulation de la décision d'attribution ne pouvait que conduire à empêcher la Commission d'attribuer le contrat à la société classée en deuxième position. La requérante disposait donc bien d'un intérêt pour agir.

B - Les demandes d'éclaircissement adressées par les pouvoirs adjudicateurs postérieurement à la réception de l'offre

La société requérante soutenait essentiellement que la Commission avait violé le cahier des charges qui exigeait que tous les prix soient indiqués et que, dans le cadre d'une procédure d'appel d'offre restreinte, les candidats ne pouvaient ni compléter, ni modifier leurs offres après leur dépôt.

Pour examiner ces arguments, le Tribunal rappelle, à titre préliminaire, que "la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l'adoption d'une décision de passer un marché public par appel d'offres [...] Dans ce contexte, la Commission jouit, également, d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer tant le contenu, que la mise en oeuvre des règles applicables à la passation d'un marché public par appel d'offres [...] En outre, si un pouvoir adjudicateur est tenu de rédiger les conditions d'un appel d'offres avec précision et clarté, il n'est pas obligé d'envisager tous les cas de figure, aussi rares qu'ils puissent être, susceptibles de se présenter dans la pratique [...]. Une condition prévue dans le cahier des charges doit être interprétée en fonction de son objet, du système et du libellé de celle ci [...] En cas de doute, le pouvoir adjudicateur concerné peut évaluer l'applicabilité d'une telle condition en procédant à un examen au cas par cas en tenant compte de tous les éléments pertinents" (point n° 49-51). Il en déduit, alors, que son contrôle ne peut être qu'un contrôle minimum limité à l'erreur manifeste d'appréciation.

Le Tribunal souligne, en premier lieu, que "l'article 148, paragraphe 3, du Règlement d'exécution confère aux institutions la faculté de prendre l'initiative d'un contact avec le candidat dans le cas où une offre donnerait lieu à des demandes d'éclaircissements ou s'il s'agit de corriger des erreurs matérielles dans la rédaction d'une offre" (point n° 54). Mais, pour autant, cette disposition ne doit pas être interprétée comme imposant aux institutions une obligation d'entrer en contact avec tous les candidats. Il ne s'agit que d'une faculté.

En deuxième lieu, selon le Tribunal, le principe de bonne administration exige, toutefois, des institutions qu'en cas d'ambiguïté dans l'offre, elles prennent alors contact avec le candidat (voir, en ce sens, TPICE, 27 septembre 2002, aff. T-211/02, Tideland Signal Ltd c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A3335EQL, Rec., p. II-3781). Il en va de même du principe de proportionnalité, car une telle demande d'éclaircissement, si elle respecte le principe de sécurité juridique, permet de remplir l'objectif poursuivi par l'appel d'offre sans inconvénients démesurés. La sécurité juridique impose, toutefois, que, lorsqu'une offre est ambiguë et que la Commission n'a pas la possibilité de lever rapidement les incertitudes, elle n'a pas d'autre choix que de la rejeter. On remarquera que, dans la présente affaire, ce n'est pas la Commission qui avait sollicité la société X, mais plutôt cette dernière qui avait, motu proprio, levé certaines ambiguïtés. Mais la Commission avait, alors, demandé des éclaircissements à toutes les sociétés candidates, et n'avait donc pas violé le principe d'égalité de traitement.

En troisième lieu, il appartenait finalement au Tribunal d'apprécier, si en l'espèce, il ne s'agissait que de "précisions". Avec beaucoup de réalisme, le juge communautaire estime qu'il n'y a pas violation du cahier des charges car, reprenant l'argumentation de la Commission, il estime qu'"une offre n'est pas incomplète et ne doit pas être rejetée si le prix manquant pour un poste déterminé peut être déduit avec certitude du prix indiqué pour un autre poste dans le même métré récapitulatif, ou, à tout le moins, après avoir obtenu des précisions sur le contenu de cette offre auprès de l'auteur de celle-ci" (point n° 63). Or, en l'espèce, le prix pouvait être déduit avec certitude et les omissions de la société X s'assimilaient à des erreurs matérielles.

  • Les obligations formelles de la Commission en sa qualité de pouvoir adjudicateur (CJUE, 3 décembre 2009, aff. C-476/08 P, Evropaïki Dynamiki - Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE c/ Commission européenne N° Lexbase : A2934EPD)

La société Evropaïki Dynamiki s'était vue refuser, par la Commission, l'attribution d'un marché de service relatif au système d'information financière de la DG Agriculture. Elle avait, alors, attaqué la décision d'attribution devant le Tribunal de première instance, qui avait, toutefois, rejeté son pourvoi (TPICE, 10 septembre 2008, aff. T-59/05, Evropaïki Dynamiki - Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A1189EAB). A l'appui de son recours en annulation, la société Evropaïki Dynamiki soutenait, tout d'abord, que le rapport du comité d'évaluation contenait des contradictions (A). Elle affirmait, ensuite, que la décision de la Commission de rejeter son offre n'était pas suffisamment motivée (B), et enfin, qu'avait été méconnu le principe des droits de la défense (C).

A - Les erreurs matérielles

Il apparaissait que le rapport du comité d'évaluation recelait une contradiction flagrante relative aux critères d'évaluation. La Commission soutenait, toutefois, qu'il ne s'agissait que d'une erreur typographique qui n'avait pas été prise en compte pour l'attribution du marché. Le tableau récapitulatif démontrait, d'ailleurs, que seuls les critères exacts avaient été pris en compte. Dès lors, le Tribunal avait retenu l'argumentation de la Commission, et avait rejeté le moyen de la société Evropaïki Dynamiki.

La Cour rappelle qu'il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur des éléments de preuve qu'il entend aux éléments produits par les parties, à la condition de procéder à une motivation précise de ses appréciations. Or, tel était bien ici le cas.

B - La motivation de la décision de la Commission

La requérante estimait que la Commission n'avait pas explicité de manière suffisamment précise les raisons pour lesquelles elle avait retenu la candidature de la société concurrente. La Cour de justice a jugé que la Commission a communiqué "le nom du soumissionnaire retenu et celui de son sous-traitant, les avantages de l'offre retenue par rapport à celle de la requérante au regard des trois critères d'attribution qualitatifs déterminés dans le cahier des charges, ainsi que la comparaison des offres en ce qui concerne le prix" (n° 26). Dès lors, la décision était suffisamment motivée.

C - Les droits de la défense

La Commission avait tardé à répondre aux demandes d'explication complémentaire que la requérante lui avait adressée après avoir reçu la première lettre lui expliquant le rejet de sa candidature. La Cour, comme le Tribunal, constatent qu'il s'agit d'une violation du principe de bonne administration et, spécialement du devoir de diligence qui pèse sur les institutions communautaires. La décision de la Commission n'était pas pour autant illégale. En effet, la première lettre contenait toutes les indications nécessaires requises par le Règlement n° 1605/2002. Dès lors, la requérante disposait des informations nécessaires pour faire valoir ses droits. Il n'y a donc pas violation du principe des droits de la défense.

  • Marchés de définition et Directive (CE) 2004/18 (CJUE, 10 décembre 2009, aff. C-299/08, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A3939EPL)

La France faisait l'objet d'une procédure en manquement pour mauvaise transposition de la Directive (CE) 2004/18 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO, n° L 134, p. 114). La Commission estimait, en effet, que les articles 73 (N° Lexbase : L3234ICR) et 74-III (N° Lexbase : L3209ICT) du Code des marchés publics, concernant les marchés de définition, tels qu'ils résultaient des décrets portant Code des marchés publics, (n° 2004-15 du 7 janvier 2004 N° Lexbase : L0537DN9, et n° 2006-975 du 1er août 2006 (N° Lexbase : L4612HKZ), méconnaissaient les dispositions de cette Directive. L'article 73 du Code des marchés publics dispose que, "lorsque le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure de préciser les buts et performances à atteindre, les techniques à utiliser, les moyens en personnel et en matériel à mettre en oeuvre, il peut recourir aux marchés de définition. Ces marchés ont pour objet d'explorer les possibilités et les conditions d'établissement d'un marché ultérieur, le cas échéant au moyen de la réalisation d'une maquette ou d'un démonstrateur. Ils permettent, également, d'estimer le niveau du prix des prestations, les modalités de sa détermination et de prévoir les différentes phases de l'exécution des prestations. Dans le cadre d'une procédure unique, les prestations d'exécution faisant suite à plusieurs marchés de définition ayant un même objet et exécutés simultanément sont attribuées après remise en concurrence des seuls titulaires des marchés de définition, conformément aux dispositions suivantes [...]". La Commission considérait que le Code des marchés publics, en ne prévoyant une mise en concurrence pour l'exécution du marché qu'entre les seuls titulaires du marché de définition, impliquait une violation de la Directive par la France. C'était finalement l'absence de distinction entre marché de définition et marché d'exécution qui était en cause.

Afin de statuer sur le manquement allégué par la Commission, la Cour a d'abord dû se prononcer sur la nature de la Directive (CE) 2004/18 (A), puis sur la distinction entre marché de définition et la procédure de dialogue compétitif (B), et, enfin, sur les principes d'égalité et de transparence (C).

A - La nature de la Directive (CE) 2004/18

La France avait soutenu en défense que la Directive n'était qu'une Directive de coordination, et laissait aux Etats membres la liberté de maintenir ou d'édicter des règles en matière de marchés publics autres que celles prévues par cette Directive. Cet argument n'avait pas grande chance de prospérer.

Certes, le droit communautaire ne vise pas à harmoniser totalement le droit des Etats membres applicable à la commande publique, mais il procède à une harmonisation intégrale dans son champ d'application. L'article 28 de la Directive (CE) 2004/18 prévoit, ainsi, de manière exhaustive, toutes les procédures auxquelles les pouvoirs adjudicateurs peuvent recourir pour les marchés relevant de son champ d'application. Dès lors, un Etat ne saurait prévoir de procédures spécifiques.

B - Marché de définition et procédure de dialogue compétitif

Pour la France, le marché de définition constituait une application spécifique de la procédure de dialogue compétitif prévu à l'article 29 de la Directive. La Cour de justice admet qu'il "existe une certaine proximité entre les objectifs poursuivis par la procédure de dialogue compétitif et ceux de la procédure des marchés de définition. Ces procédures ont été toutes deux conçues pour permettre au pouvoir adjudicateur de définir, dans un premier temps, l'objet spécifique d'un marché, ainsi que les moyens techniques de la réalisation de celui-ci" (point n° 36). Mais elle souligne, également, une différence fondamentale entre ces deux procédures qui "consiste dans le fait que le dialogue compétitif est une procédure d'attribution d'un seul et même marché, tandis que la procédure des marchés de définition vise l'attribution de plusieurs marchés de nature différente, à savoir les marchés de définition, d'une part, et le [ou les] marché[s] d'exécution, d'autre part" (point n° 37).

En outre, comme l'avait souligné l'Avocat général Mazàk dans ses conclusions (point n° 19), les travaux préparatoires témoignent que le législateur communautaire a mis en place la procédure de dialogue compétitif pour répondre aux mêmes objectifs que ceux poursuivis par le marché de définition.

C - Marché de définition et principes d'égalité et de transparence

Selon l'article 2 de la Directive (CE) 2004/18, "les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d'égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence". Il s'agit là de l'expression d'un principe qui découle des règles du Traité relatives au marché intérieur telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice (cf. CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria Verlags GmbH et Telefonadress GmbH c/ Telekom Austria AG N° Lexbase : A1916AWU, Rec., p. I-10745 ; CJCE 27 octobre 2005, aff. C-158/03, Commission des Communautés européennes c/ Royaume d'Espagne N° Lexbase : A0975DLP ; CJCE, 27 octobre 2005, aff. C-234/03, Contse SA, Vivisol Srl, Oxigen Salud SA c/ Instituto Nacional de Gestión Sanitaria (Ingesa), anciennement Instituto Nacional de la Salud (Insalud) N° Lexbase : A0981DLW).

La Cour relève, fort logiquement, que "les opérateurs économiques qui pourraient être intéressés à participer aux marchés d'exécution, mais qui ne sont pas titulaires de l'un des marchés de définition, font l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à ces titulaires [...]" (point n° 40). Elle souligne, enfin, que les marchés de définition et les marchés d'exécution sont d'une nature qui, le plus souvent, est différente. Or, par nature, si le pouvoir adjudicateur ressent le besoin de recourir à un marché de définition, c'est qu'il ne peut a priori définir les critères du marché d'exécution.

Il appartient, désormais, au pouvoir réglementaire de tirer les conséquences de cette décision de la Cour de justice. Les marchés de définition pourront subsister, c'est, en effet, une catégorie particulière de marché de service, mais il faudra que le marché d'exécution fasse l'objet d'une nouvelle procédure. Comme cela a, d'ores et déjà, été justement souligné, l'attractivité pour les entreprises de ces marchés de définition s'en trouve alors réduite, d'autant plus qu'après un marché de définition, elles ne pourront pas candidater au marché d'exécution dans la mesure où elles auront participé à la définition du marché (lire,W. Zimmer, Marchés de définition : non-conformité du Code des marchés publics à la Directive (CE) 2004/18, Contrats et Marchés publics, n° 1, janvier 2010, comm. 16).

Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

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Avocats

[Questions à...] De la nécessité d'intégrer le web à l'exercice de la profession d'avocat - Questions à Clarisse Berrebi - avocate et Présidente nationale de l'ACE-JA

Lecture: 8 min

N9623BMD

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

Innover pour développer. C'est le thème qu'a choisi -avec pertinence en ces temps de crise- l'ACE (1) pour son 17ème congrès, déroulé les 5 et 6 novembre 2009 à Toulouse (2). L'innovation est vitale pour la profession. Comme partout, elle passe, aujourd'hui, avant tout par le net. Plus les avocats s'adapteront à leur environnement économique et social, plus ils évolueront au plus près des clients, entraînant leur satisfaction et, donc, leur fidélité. Leur réputation les rendra, également, plus "visibles" et ils développeront d'autant leur activité. Pourtant, le constat est, pour l'heure, à l'insatisfaction ; tant pour les avocats, que pour leurs clients. Les premiers luttent quotidiennement avec une prolifération de textes et d'informations, mais également, avec des procédures multipliées, toujours plus complexes, et parfois plus lourdes. Fidèle au "papier", la profession s'empêtre, de surcroît, dans la dématérialisation et appréhende le web avec une grande méfiance. Dans un tel contexte, les délais s'allongent. Les seconds exigent toujours plus, plus vite ("they need (?) more for the less") (3) et s'immergent progressivement dans la toile et l'instantanéité qu'elle permet. Instantanéité des échanges, de l'information, partage immédiat des ressources et des compétences, réseaux sociaux, travail collaboratif, entreprise 2.0. Tout autant de concepts qui dépassent souvent les avocats.

A en croire Richard Susskind et bien d'autres (4), la profession n'a pourtant d'autres alternatives qu'apprivoiser le net ou bien elle mourra (tout pessimisme mis à part). Internet n'est certainement pas un effet de mode. Sur le plan professionnel non plus. Les avocats doivent, maintenant, prendre conscience qu'il faut composer avec lui, sous peine de se noyer dans la masse (des informations, des acteurs, des outils, etc.). D'autant que "la condamnation [des avocats par le public] tombe avant même la fin du procès : trop chers, trop lents, pas assez réactifs, pas assez disponibles". Cet "appel" été relayé lors du congrès de novembre dernier par l'ACE-JA (Jeunes Avocats), empruntant la voix de son Président, Clarisse Berrebi, avocat au cabinet es-strategia et Présidente nationale de l'ACE-JA, qui nous a fait le privilège d'une "rencontre virtuelle". Astucieuse, c'est, en effet, via une visite de la toile, qu'elle nous a démontré l'impérieuse nécessité d'intégrer le web et ses outils dans l'exercice de la profession, eu égard aux exigences du marché et, au-delà, aux perspectives infinies de développement offertes par internet.

Lexbase : Faîtes-vous le constat d'un conflit générationnel quant à l'utilisation du web par la profession ?

Clarisse Berrebi : Il existe, en effet, un conflit générationnel. Les jeunes avocats ne travaillent pas de la même façon que les générations qui les précèdent et ne se reconnaissent pas dans les cabinets qu'ils intègrent. Ils ont quotidiennement recours au web quand leurs aînés en sont restés au papier et au fax et se servent difficilement des emails, voire, pour certains, de l'informatique en général.. Nombreux sont les avocats dépassés par les nouvelles technologies.

Les jeunes avocats appartiennent à la génération "Y", celle des Digital Natives (5), qui a grandi avec l'informatique et internet et a développé des réflexes et usages s'y rapportant. Outre les courriers électroniques, ils communiquent via des messageries améliorées, des chats, des sites web collaboratifs. Ils appartiennent à des réseaux sociaux et communautaires (du type Msn, Facebook ou Twitter), sur lesquelles ils échangent des informations en temps réel, et ils déposent leur CV sur Viadeo et LinkedIn. Il y a cinq ans maintenant que, j'ai pris conscience de ces différents usages et que je les ai intégrés quotidiennement dans l'exercice de mon activité. Mais, à l'époque, je suis tombée de haut : je n'avais jamais envisagé que l'on puisse trouver les bonnes informations et les bons textes ailleurs que dans les codes ou les encyclopédies juridiques. La jeune génération "googlise" (autrement dit, fait des recherches aux moyens des outils proposés par Google ou d'autres moteurs de recherches). Elle "twitte", gagnant, ainsi, un temps considérable et, souvent, une meilleure qualité de l'information.

Les cabinets -tout comme encore, une grande partie des entreprises en général- sont méfiants vis-à-vis de ces nouveaux outils, considérés comme des loisirs et, donc, comme une perte de temps. Comme l'indiquait Francis Senceber, notre intervenant au Congrès lors de notre atelier de pratique professionnelle sur l'innovation numérique, pour la première fois, nous régressons technologiquement au sein de l'entreprise. Pourtant, cette attitude protectionniste entraîne, forcément, pour les avocats un exercice cloisonné de la profession et une baisse d'opportunité et de productivité. Les entreprises prennent, néanmoins, progressivement conscience de ces nouveaux usages et commencent à les intégrer, parfois pleinement, dans leur politique de management, de formation, de gestion, commerciale, etc.. Ainsi, six entreprises en Poitou-Charentes se présentent, aujourd'hui, comme des entreprises web 2.0, dites "collaboratives" (elles s'organisent autour de plateformes en interne, optent pour les webschool, les e-learning, le réseau social, le marketing internet et de réseaux, etc.) et les premiers retours démontrent qu'elles ont raison de le faire. Je prends le pari que ce nombre se multipliera rapidement et je souhaite que cet éveil aux nouvelles technologies s'étende à nos cabinets.

Lexbase : Aujourd'hui la profession peut-elle exercer sans le web ? Quelles perspectives cet outil offre-t-il ?

Clarisse Berrebi : L'économie s'est profondément modifiée. Prenons pour exemple un symbole fort : la société Google. Ce "géant" né il y a seulement dix petites années s'est construit autour de quatre affirmations fondatrices :

- les consommateurs ont repris le pouvoir et l'expriment ;

- des communautés peuvent se créer en temps réel ;

- les marchés de masse sont morts au profit des masses de niche ;

- et les marchés sont des conversations.

Google est, à la fois, un business model et un modèle de management innovant. Les avocats, s'ils veulent développer leurs activités et rester compétitifs, doivent raisonner de la même façon.

Richard Susskind (6), dans son ouvrage The end of lawyers ? Rethinking the nature of legal services estime que les innovations technologiques vont radicalement transformer l'exercice des professions juridiques lors des dix prochaines années. Personne ne pourra se payer le luxe de la routine ou de travailler encore sur papier ou même par email (Google a d'ailleurs l'intention de les supprimer progressivement, ce qui est une bonne chose, puisque le one to one est trop consommateur de temps). Au contraire, pour répondre aux exigences des clients qui réclament un maximum de services pour un minimum de coûts et de temps, l'avocat devra travailler en réseau, partager son savoir et utiliser des sites internet collaboratifs ou de réseaux sociaux. Il travaillera son relationnel, notamment, aux moyens de ces nouveaux outils, sous peine d'être remplacé par la technologie. Richard Susskind prédit l'émergence de deux types d'avocats : les legal hybrids et les legal knowledge engineer. Les premiers, en plus d'avoir une expertise juridique, auront une expertise dans d'autres domaines. Les seconds développeront des systèmes d'informations pertinentes et mettront régulièrement à jour les différents textes et décisions. Aujourd'hui, Google et ses équivalents permettent d'obtenir instantanément et à tout moment toute information nécessaire, mais en juger la pertinence et la fiabilité est loin d'être évident. Les legal knowledge engineer offriront plus de visibilité et de garantie en la matière. Ainsi qu'il le résume, la société aura de plus en plus besoin de spécialistes qui comprennent autant la loi que les nouvelles technologies.

Je rejoins ces prédictions. Rendons-nous à l'évidence : le marché est de plus en plus exigeant et implique une performance, une réactivité, et des garanties accrues. L'avocat doit sans cesse se renouveler, traiter de plus en plus l'information et la répercuter aussitôt. Le temps est devenu un facteur anxiogène, aussi bien pour le professionnel, que pour celui qui fait appel à lui. Ainsi, de plus en plus, il s'agit de réagir et d'agir en "temps réel" : la meilleure façon d'y parvenir est d'interagir. Le rapport "Attali" soulignait déjà cet impératif besoin de performance des professionnels du conseil, comme source de compétitivité des entreprises et de la croissance économique. L'avocat de demain, pour rester en lice, doit s'adapter. Il doit être "un facilitateur, le pivot d'un environnement où l'information sera relayée de plus en plus vite. Celui par lequel la requête transitera, celui qui connectera, qui mettra en relation. [...] Un avocat dont les modes d'exercice seront plus surs, plus rapide, moins couteux en temps, en énergie, en euros pour les clients".

Le rapport "Darrois" ouvre, quant à lui, des pistes pour un exercice optimisé et compétitif des professions juridiques. L'une d'entre elles est celle de l'interprofessionnalité. Où peut-on envisager de l'organiser mieux que sur le net (le networking) ? En effet, au-delà des opportunités d'affaires qu'elle laisse présager, l'interprofessionnalité suppose des relations régulières et des échanges constructifs lors de réunions informelles ou techniques, au sein d'une nouvelle forme de réseau (le réseau social, qui permet de travailler plus vite, en temps réel). Le concept de gestion de projets prend tout son sens dans le cadre du networking (web collaboratif). D'une part, il permet de traiter de l'information en temps réel et, d'autre part, il permet une organisation centralisée sur la toile et sur mesure, en termes d'équipes, de budget, de calendrier etc..

Lexbase : L'ACE-JA, en partenariat avec le CJEC (7) a fondé une webschool. De quoi s'agit-il ?

Clarisse Berrebi : Par le biais de la mise en place d'une webschool, l'entreprise forme ses salariés à l'utilisation optimale des ressources "internet ". La société Lippi, qui est passée en mode web 2.0, a intégré ce concept de webschool en interne et s'en félicite depuis lors (on parle de "modèle Lippi").

Nous poursuivons le même objectif avec Denis Barbarossa, président de la CJEC. A l'ACE-JA et au CJEC, nous avons choisi depuis maintenant un an de travailler ensemble. Nous avons, en particulier, décidé de mettre en place une webschool des avocats et des experts-comptables, qui propose des modules de formation (sur les réseaux sociaux, la veille sur internet, tous les outils Google, etc.). Dans le cadre de l'interprofessionnalité, nous souhaitons, en outre, constituer et alimenter un réseau composé de différents professionnels du droit, qui permettrait de trouver l'expert le plus adéquat, en un minimum de temps.

Lexbase : Quels sont les outils actuels du web qui optimisent, selon vous, l'exercice de la profession ?

Clarisse Berrebi : Les outils web sont maintenant nombreux.

Tout le monde, aujourd'hui, connaît Facebook. Ce réseau social est précieux, eu égard, notamment, aux quelques 350 millions d'utilisateurs qu'il compte. Les perspectives en termes de communication sont énormes. Il existe d'autres réseaux plus professionnels, tels Viadeo ou LinkedIn (spécialisé dans les professions juridiques), qui permettent une visibilité du professionnel, des mises en contact et qui sont d'excellents outils sur le plan du recrutement de collaborateurs. Ces plateformes peuvent opportunément êtres utilisées dans le cadre de la mise en place d'équipes juridiques (au titre de l'interprofessionnalité et de la gestion de projets).

Facebook, tout comme Twitter, en ce qu'il inclut un service de microblogging- est, également, utilisé dans le cadre de la recherche d'informations. Il suffit de poser une question, pour que la communauté réagisse et apporte tout ou partie de la solution. Reste, alors, seulement, à vérifier les sources. Google est, lui aussi, un outil extrêmement performant. Ce moteur de recherches propose tout un panel de services de recherches avancées et met à la disposition des utilisateurs des veilles quotidiennes, notifiées par courrier électronique. Enfin, Wikipedia (l'encyclopédie participative en ligne) offre une quantité et une qualité d'informations inégalées.

Concernant le web participatif, des sites tels Webex proposent des outils de web meeting et de web conference particulièrement performants, permettant des réunions de travail en ligne. Le service est optimisé par un "bureau" (ou espace de travail), qui permet de diffuser des documents, avec des droits illimités ou restreints en fonction du souhait. Ainsi, je peux décider de seulement laisser mon interlocuteur visualiser le document, ou alors, de le télécharger, voire de le modifier en ligne. Eu égard, notamment, aux impératifs de confidentialité à la charge de l'avocat, ces différentes autorisations prennent tout leur sens.

Je regrette cependant qu'aucune plateforme ne regroupe encore ces différents outils. Je suis, néanmoins, optimiste, Google vient de lancer GoogleWave qui tend à la réunion de ces éléments. Le site nécessite encore quelques ajustements, mais il devrait être opérationnel sous peu.


(1) Association des avocats conseils d'entreprises (ACE).
(2) Lire Innover pour développer : congrès annuel de l'ACE des 5 et 6 novembre 2009 à Toulouse, Lexbase Hebdo n° 10 du 3 décembre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N4746BMQ).
(3) The end of lawyers ? Rethinking the nature of legal services, R. Susskind, Hardback, novembre 2008.
(4) The end of lawyers ? Rethinking the nature of legal services, R. Susskind, préc..
(5) Le terme "génération Y" désigne les personnes nées entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990.
(6) http://www.susskind.com/about.html ; Richard Susskind s'est spécialisé dans la technologie juridique depuis plus de vingt-cinq ans. Il conseille des firmes et des gouvernements.
(7) Club des jeunes comptables et commissaires aux comptes.

newsid:379623

Avocats

[Textes] Derniers aménagements relatifs à la profession d'avocat

Réf. : Décret n° 2009-1544 du 11 décembre 2009, relatif à la composition du Conseil national des barreaux (CNB) et à l'arbitrage du bâtonnier (N° Lexbase : L0440IGE)

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N9629BML

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

Le décret n° 2009-1544 du 11 décembre 2009, relatif à la composition du Conseil national des barreaux (CNB) et à l'arbitrage du bâtonnier, a été publié au Journal officiel du 13 décembre 2009. Pris en application de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures (N° Lexbase : L1612IEG), le texte officialise, pour le Président de la conférence des Bâtonniers et le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, le statut de vice-présidents de droit du CNB (I). Il élargit, également, les compétences du Bâtonnier en matière d'arbitrage (II) et permet l'application, pour les avocats, de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2678IC8), qui facilite le cumul d'une pension de retraite et la poursuite d'une activité professionnelle (III). Enfin, le décret prévoit, à titre transitoire, la prorogation, pour une année, des mandats des représentants de la profession d'avoué auprès des pouvoirs publics, ceci dans le cadre de la réforme engagée. I - Composition du CNB : la loi de simplification et de clarification du droit modifie l'article 21-2 de la loi du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), pour instituer, ès qualités, le Président de la Conférence des Bâtonniers et le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris en exercice comme membres de droit du CNB. Ces derniers occuperont les fonctions de vice-présidents de droit, pour la durée de leur mandat (soit, deux ans), à l'exclusion de toute autre fonction (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat, art. 35 N° Lexbase : L8168AID).

Le 3 juillet 2009, l'assemblée générale du CNB s'était déclarée favorable à la création de ces deux statuts. Elle avait approuvé que ces nouveaux membres :

- soient électeurs au sein de l'assemblée générale, mais non éligibles à une fonction élective ;

- disposent d'une voix délibérative, avec possibilité d'une délégation uniquement à un autre membre du Conseil et à un membre du bureau pour les réunions du bureau ;

- et ne soient pas rémunérés pour leurs fonctions au sein du CNB.

Le Conseil est, aujourd'hui, constitué de quatre-vingt deux membres, quatre-vingt étant issus du suffrage. Siègent au sein du bureau onze membres, dont neuf élus par l'assemblée générale. Il s'agit, plus précisément, du Président, du secrétaire, du trésorier, et de quatre membres non affectés -tous élus au scrutin secret uninominal majoritaire à deux tours-, et de deux vice-présidents.

Tous les membres du bureau sont élus pour trois ans (renouvelable une fois), à l'exception du Président, dont le mandat est d'un an renouvelable deux fois et des deux vice-présidents.

La création de ces nouvelles fonctions au sein du CNB au profit du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris et du Président de la Conférence des Bâtonniers permet de renforcer l'institution, qui devient progressivement le porte-parole officiel de la profession auprès des pouvoirs publics. La réforme est opportune, les avocats ayant soufferts jusqu'à présent d'un manque de cohésion et d'unité.

II - Arbitrage du Bâtonnier : les articles 71 et 72 de loi de simplification et de clarification du droit avaient modifié l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971, afin d'étendre l'arbitrage du Bâtonnier, limité, jusqu'alors aux litiges nés d'un contrat de travail ou d'une convention de rupture. Sont, désormais, également soumis à l'arbitrage du Bâtonnier les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale (art. 71) et, en l'absence de conciliation, aux différends entre avocats, à l'occasion de leur exercice professionnel (art. 72). Le décret du 11 décembre 2009, pris après avis du CNB, ainsi que l'exigeait la loi du 12 mai 2009, aménage les procédures y afférentes.

Litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale : le décret du 11 décembre 2009 insère un nouveau chapitre intitulé "Le règlement des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail" au sein du décret du 27 novembre 1991, qui organise la procédure d'arbitrage du Bâtonnier.

Aux termes des nouveaux articles 142 à 153, dès l'enregistrement de la requête, le Bâtonnier saisi arrête le calendrier de la procédure : il fixe les délais dans lesquels les parties seront tenues de produire leurs observations, ainsi que toute pièce utile à l'instruction du litige, et il arrête la date à laquelle il entendra leurs observations orales. Il est permis aux parties, à tous les stades de la procédure, d'être assistées par un confrère, qui est rendu destinataire de la copie de toute correspondance adressée par le Bâtonnier.

Différends entre avocats, nés à l'occasion de leur exercice professionnel : le décret crée une section VI intitulée "Règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel", insérée au chapitre III du décret du 27 novembre 1991.

En application des nouveaux articles 179-1 à 179-7, en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le Bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties. Dans le cas où le différend oppose des avocats de barreaux différents, le Bâtonnier saisi par un membre de son barreau doit transmettre sans délai l'acte de saisine au Bâtonnier du barreau auquel appartient l'avocat défendeur. Les Bâtonniers disposent, alors, d'un délai de quinze jours pour s'entendre sur la désignation du Bâtonnier d'un barreau tiers. A défaut d'entente, le Bâtonnier du demandeur saisit le Président du CNB qui procède à une telle désignation.

La procédure prévue dans le cadre des litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail ou d'un contrat de collaboration libérale (articles 142 à 153 du décret du 27 novembre 1991) est applicable. Le Bâtonnier rend sa décision dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, délai susceptible d'être prorogé par décision motivée. A défaut de décision prise dans ce délai, chacune des parties peut saisir la cour d'appel dans le mois qui suit l'expiration du délai. Enfin, lorsqu'elles ne sont pas déférées à la cour d'appel, les décisions du Bâtonnier peuvent être rendues exécutoires par le Président du TGI auprès duquel est établi son barreau.

Il est précisé que ces dispositions ne sont pas applicables aux différends dont une juridiction a déjà été saisie à la date de publication du décret du 11 décembre 2009.

III - Cumul emploi/retraite : le décret du 11 décembre 2009 vient modifier l'article 21, consacré à l'honorariat, du décret n° 2005-803 du 12 juillet 2005, pris pour l'application de l'article 13-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L8331G9G).

Rappelons que, depuis le 1er janvier 2009, il est possible de cumuler salaires et pensions de retraite (en application de l'article 88 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009 N° Lexbase : L2678IC8). Néanmoins, ce dispositif, également applicable aux avocats, nécessitait, pour être effectif, des adaptations réglementaires. Tel est l'objet du décret du 11 décembre 2009.

Pour mémoire, l'avocat qui fait liquider sa pension de retraite sans cessation d'activité doit répondre à plusieurs conditions :

- il doit avoir atteint l'âge de 65 ans ou avoir fait le plein de ses droits pour bénéficier d'une retraite entière (actuellement 160 ou 161 trimestres dans tous les régimes obligatoires) ;

- et il doit avoir fait liquider l'ensemble des retraites obligatoires dans tous les régimes auxquels il a été cotisé.

Le décret du 11 décembre 2009 apporte les précisions manquantes. Il prévoit, naturellement, que l'avocat honoraire demeure soumis aux obligations résultant du serment d'avocat. Il ne peut exercer aucun acte de la profession hormis la consultation ou la rédaction d'actes, sur autorisation du Bâtonnier. Il peut, également, accepter une mission de justice, d'arbitrage, d'expertise ou de médiation ou participer à une commission administrative ou à un jury d'examen ou de concours. Avant de pouvoir reprendre l'exercice de la profession d'avocat, l'avocat honoraire est inscrit, à sa demande, au tableau d'un barreau, mais est dispensé de prêter le serment d'avocat. Pendant la durée de cet exercice, il n'est pas autorisé à se prévaloir de son honorariat. Il pourra à nouveau se prévaloir de cette qualité, à compter de la cessation de l'activité, sauf à ce que cette qualité lui ait été retirée.

La rédaction de l'article R. 723-45 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7701G7D), régissant les prestations de retraite de base des avocats -qui, en l'état, suspendait le service de la pension, lorsque l'avocat se réinscrivait au tableau-, devait, encore, être modifié. Le décret n° 2010-14 du 7 janvier 2010, relatif au cumul emploi retraite dans le régime des avocats et dans certains régimes spéciaux (N° Lexbase : L2362IGL), publié au Journal officiel du 8 janvier 2010, s'en est chargé. Le texte s'attache aux modalités de versement des pensions et cotisations, ainsi qu'aux démarches déclaratives à effectuer auprès de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). Les articles nouvellement introduits dans le Code de la Sécurité sociale, disposent, ainsi, qu'il est possible pour un avocat à la retraite de reprendre son activité à la seule condition d'en informer la CNBF dans le mois qui suit la date de son entrée en jouissance de la pension de vieillesse, ou de la reprise de son activité, en lui adressant une déclaration qui précise son lieu d'exercice, ainsi que, s'il en est question, la date de sa réinscription au tableau. De même, aux termes du nouvel article R. 723-45-1 du code précité, l'avocat assuré devra, s'il entend cumuler le bénéfice de sa pension de retraite avec son revenu d'activité, joindre à sa déclaration une attestation sur l'honneur, dressant la liste des différents régimes dont il a relevé, et certifiant qu'il est à ce jour entré en jouissance de toutes ses pensions de vieillesse personnelles. Enfin, l'article R. 723-45-2 du même code précise que le versement des cotisations et contributions dues, dans ces conditions, pour des périodes postérieures à l'entrée en jouissance de la pension, ne peut entraîner la révision de la pension déjà liquidée ni permettre l'acquisition de nouveaux droits.

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Le retour de la légèreté blâmable dans la rupture d'essai

Réf. : Cass. soc., 6 janvier 2010, n° 08-42.826, Société Otis, F-D (N° Lexbase : A2151EQQ)

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N9649BMC

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par Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


Depuis quelques années, la Cour de cassation semblait avoir quelque peu délaissé les anciens fondements de la théorie de l'abus de droit en matière de rupture de la période d'essai. En effet, les hypothèses de rupture abusive en raison d'une intention de nuire ou d'une légèreté blâmable se faisaient plus rares au profit d'une approche finaliste de l'abus de droit. Pourtant, comme le démontre un arrêt rendu le 6 janvier 2010, la technique de la légèreté blâmable n'est pas abandonnée, ceci permettant, d'ailleurs, de rappeler que la rupture d'essai n'est plus, depuis longtemps, un droit discrétionnaire (I). L'arrêt étudié permet peut être de montrer un usage renouvelé de la légèreté blâmable (II) et de faire le départ entre les anciennes hypothèses d'abus de droit, utiles pour sanctionner des comportements condamnables de l'employeur, et les approches nouvelles, fondées sur l'utilité de l'essai et destinées à sanctionner des mobiles qui y seraient contraires.


Résumé

Si l'employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l'expiration de la période d'essai, ce n'est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus.

L'employeur qui rompt le contrat de travail quelques jours seulement après avoir décidé de renouveler la période d'essai, avant même que ce renouvellement n'ait pris effet et alors que la salariée n'avait pas encore bénéficié de l'intégralité de la formation prévue au contrat de travail et nécessaire à l'exercice de ses fonctions, agit avec une légèreté blâmable.

I - La rupture de la période d'essai : un droit discrétionnaire ?

  • La rupture de la période d'essai influencée par la loi du 25 juin 2008

La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 (1) a modifié le régime juridique de la rupture de la période d'essai. Les règles nouvelles touchent directement la procédure de rupture de l'essai et ce n'est qu'insidieusement que la loi a également influencé les règles de fond de cette rupture.

Sur le plan procédural, l'employeur comme le salarié doivent désormais respecter un délai de prévenance imposé par les articles L. 1221-25 (N° Lexbase : L8539IAI) et L. 1221-26 (N° Lexbase : L8221IAQ) du Code du travail. Le non-respect de ce délai devrait permettre d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi, comme cela était déjà le cas antérieurement à la réforme dans l'hypothèse d'un délai prévu par le contrat de travail ou par la convention collective applicable (2). Pour l'essentiel, le formalisme de la rupture de la période d'essai s'arrête là. L'employeur peut rompre l'essai verbalement et sans avoir à invoquer un quelconque motif (3).

  • Un lien consolidé entre abus de droit et finalité de l'essai

La loi a cependant adopté une véritable définition de la période d'essai qui permet, par interprétation, de limiter les motifs qui peuvent justifier une rupture du contrat de travail. En effet, l'article L. 1221-20 du Code du travail (N° Lexbase : L9174IAZ) dispose désormais que "la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent".

Si cette position avait déjà été prise par la Cour de cassation avant la loi du 25 juin 2008 (4), cette nouvelle définition permettait de renforcer l'idée selon laquelle l'employeur ne peut invoquer un autre motif que l'inadéquation des compétences du salarié à son travail et à ses fonctions pour rompre la période d'essai. Cela a notamment permis d'expliquer que l'on ne puisse plus désormais rompre le contrat de travail durant l'essai pour un motif économique, la rupture de l'essai ne pouvant intervenir que pour un motif inhérent à la personne du salarié (5). Plus récemment, la Cour de cassation a jugé que la rupture du contrat de travail au motif que le salarié avait refusé une modification de son contrat de travail durant la période d'essai était elle aussi abusive (6).

Si, en réalité, le contrôle de la Cour de cassation sur les motifs de la rupture de l'essai s'est renforcé depuis quelques années, cela n'a pas occulté un autre champ de l'abus de droit, la rupture ne pouvant résulter d'une intention de nuire de l'employeur (7) ou d'une légèreté blâmable (8).

  • En l'espèce : retour à l'ancienne légèreté blâmable

Il faut dire qu'en l'espèce, l'employeur avait été particulièrement maladroit. Une salariée avait été engagée par contrat à durée indéterminée assorti d'une période d'essai de trois mois, renouvelable une fois. Durant la période d'essai initiale, le salarié devait subir un stage de formation lui permettant d'acquérir les compétences nécessaires à l'exercice de ses fonctions. Quelques semaines avant l'issue de la période d'essai, les parties convenaient du renouvellement de celle-ci. Pourtant, avant même l'issue de la période initiale, l'employeur rompait la période d'essai.

La cour d'appel jugeait la rupture abusive principalement parce que l'employeur n'avait pas assuré une formation convenable à la salariée, contrairement à ce que prévoyait le contrat de travail, ce qui ne lui avait pas permis de suffisamment se familiariser avec un domaine qu'elle connaissait peu. Dans ces conditions, la salariée n'avait pas été mise en mesure de faire la preuve de ses véritables qualités et de sa capacité professionnelle et l'employeur avait agi avec légèreté blâmable.

La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l'employeur. Elle rappelle, d'abord, la règle de principe selon laquelle "si l'employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l'expiration de la période d'essai, ce n'est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus". La Cour estime, ensuite, que l'employeur a bien agi avec légèreté blâmable et ce pour plusieurs raisons. D'abord, elle relève que l'employeur avait "rompu le contrat de travail quelques jours seulement après avoir décidé de renouveler la période d'essai, avant même que ce renouvellement n'ait pris effet". Ensuite, reprenant l'argumentation des juges du fond, elle rappelle que "la salariée n'avait pas encore bénéficié de l'intégralité de la formation prévue au contrat de travail et nécessaire à l'exercice de ses fonctions".

  • Aparté : l'absence de caractère discrétionnaire de la rupture d'essai

Avant d'analyser l'application faite par la Cour de cassation de l'abus de droit en raison d'une légèreté blâmable du titulaire de ce droit, il peut être dit un mot de la règle générale rappelée selon laquelle la rupture d'essai est un droit discrétionnaire.

Il ne paraît aujourd'hui plus très cohérent de considérer que la rupture de la période d'essai puisse constituer un droit discrétionnaire, si tant est, d'ailleurs, que cela ait un jour été le cas. Le caractère discrétionnaire et l'usage de la technique de l'abus de droit sont antagonistes (9). A partir du moment où la motivation de l'acte peut être utilisée pour juger que cet acte est abusif, il ne saurait y avoir de caractère discrétionnaire (10).

En revanche, l'usage de la légèreté blâmable pourrait être analysée comme un retour en arrière de la Chambre sociale qui avait largement délaissé cette notion au profit d'une analyse des motifs de la rupture.

II - L'usage renouvelé de la légèreté blâmable

  • L'usage peu fréquent de la légèreté blâmable

En effet, les hypothèses de légèreté blâmable demeurent peu fréquentes et cette technique semblait être de moins en moins utilisée au fil du temps. Avait, cependant, pu être considérée comme abusive, pour légèreté blâmable, la rupture intervenue alors que le contrat de travail du salarié était suspendu pour maladie, l'employeur invoquant les qualités du remplaçant du salarié pour rompre l'essai (11). La légèreté blâmable était également reconnue à l'encontre d'un employeur qui avait rompu la période d'essai en raison d'un simple soupçon de vol contre le salarié (12) ou d'un employeur qui avait rompu la période d'essai très rapidement après le début de la relation de travail, ne laissant pas au salarié le temps de faire ses preuves (13).

Pour autant, les dernières affaires ayant permis à la Haute juridiction de caractériser un abus de droit de rompre la période d'essai semblaient résolument tournées vers la nouvelle définition de l'essai. En somme, la Cour de cassation paraissait adopter une approche fidèle à celle de Josserand et consistant à rechercher si l'acte était conforme à sa finalité (14).

  • Une distinction entre abus de droit lié à la finalité de l'essai et abus de droit lié au comportement de l'employeur

Il n'est pas certain que cette approche aurait pu être adoptée dans l'affaire sous examen. En effet, contrairement aux hypothèses dans lesquelles la Cour de cassation connaît le motif de la rupture -qu'il s'agisse d'un motif économique ou d'un refus du salarié d'accepter une modification du contrat de travail- la motivation de la rupture ne semblait pas apparaître dans le cadre du litige. L'employeur, comme il en a parfaitement le droit, avait tu les mobiles justifiant la rupture. Dans ces conditions, il était particulièrement délicat d'apprécier le motif de la rupture au regard de la finalité de l'essai.

C'est pour cette raison, nous semble-t-il, que réapparaît de manière justifiée la légèreté blâmable qui s'attache alors à sanctionner un comportement peu diligent plus qu'une motivation inadéquate.

  • Le comportement blâmable en matière de renouvellement de l'essai et de formation du salarié

En effet, il paraît tout à fait inconvenant de conclure avec le salarié un renouvellement de la période d'essai, ce qui tend à démontrer la nécessité de poursuivre l'essai et, quelques jours plus tard, de finalement se contredire en mettant fin à l'essai avant même que le renouvellement n'ait pris effet. On pourrait presque voir dans cette contradiction de l'employeur une application de la théorie de l'estoppel, récemment apparue en droit français (15).

De la même manière, le comportement de l'employeur s'agissant de la formation de la salariée était condamnable. En effet, quand bien même l'employeur aurait rompu l'essai en raison d'une inadéquation des qualités professionnelles de la salariée à son emploi, la cause de cette inadéquation ne tient pas seulement à la salariée, mais également à l'employeur qui prive la salariée de la formation contractuellement prévue.

D'ailleurs, par extrapolation, on pourrait imaginer qu'un employeur se voit reprocher un comportement ressortissant de la légèreté blâmable alors même qu'aucune obligation contractuelle de formation n'était prévue. Imaginons la situation suivante : un employeur recrute dans une entreprise une salariée titulaire d'un simple baccalauréat et disposant d'une faible expérience pour assurer des fonctions de secrétaire de direction. Après quelques semaines, l'employeur prend conscience que la salariée ne dispose pas de qualités professionnelles suffisantes pour assumer ces fonctions...

Ne pouvait-il pas déjà avoir conscience de cela au moment de l'embauche ? Si l'employeur engage un salarié sous-qualifié ou dont la formation ne correspond pas à l'emploi offert, il est aussi responsable de l'échec du salarié que celui-ci. La Cour de cassation pourrait à l'avenir condamner une rupture d'essai dans une telle situation, l'obligation accessoire d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi apparaissant dès l'entrée de celui-ci dans l'entreprise !


(1) Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B) et notre numéro spécial Lexbase Hebdo n° 312 du 9 juillet 2008 - édition sociale.
(2) Cass. soc., 15 mars 1995, n° 91-43.642, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Saône-et-Loire c/ Mme Genin (N° Lexbase : A0911ABD).
(3) Sous la réserve de ne pas adopter un comportement humiliant et vexatoire : cette décision ne peut par exemple pas revêtir la forme d'une déclaration orale en présence du personnel de l'entreprise, v. Cass. soc., 7 février 2001, n° 99-42.041, Société Diese informatique c/ Mme Stéphanie Loquet (N° Lexbase : A5563AG7).
(4) Cass. soc., 11 octobre 2000, n° 98-42.772, Société CGE Distribution, société anonyme, venant tant en son nom personnel que comme venant aux droits de l'ancienne société Matei, société anonyme c/ M. Bernard Travers et autres (N° Lexbase : A6759CRR) ; Cass. soc., 5 mai 2004, n° 02-41.224, Société Loxam location c/ M. Patrick Audrain, F-P+B (N° Lexbase : A0545DC8), TPS, juillet 2004, p. 23, n° 225, obs. P.- Y. Verkindt.
(5) Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.212, Société Cofiroute, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7171DZM) et les obs. de Ch. Radé, Rupture du contrat de travail en période d'essai : l'étau se resserre, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2219BDK), D., 2008, p. 196, note J. Mouly ; RDT, 2008, p. 29, note J. Pélissier.
(6) Cass. soc., 10 décembre 2008, n° 07-42.445, Société Slanac France, F-P+B (N° Lexbase : A7250EB7) et nos obs., La modification du contrat de travail durant la période d'essai, Lexbase Hebdo n° 332 du 8 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2146BIC).
(7) Cass. soc. 18 janvier 1957, JCP, 1957, II, 9887, obs. G. B..
(8) Cass. soc. 12 mars 1970, n° 69-40.264, Société Dagut c/ Breton, publié (N° Lexbase : A1396CH8), JCP, 1970, II, 16548, note H. Groutel.
(9) V. S. Tournaux, L'essai en droit privé, thèse dactyl., Bordeaux, 2008, n° 293 et s..
(10) L'acte de rupture d'essai serait plutôt un acte contrôlé, c'est-à-dire un droit dont l'exercice est libre sous réserve justement de ne pas dégénérer en abus, v. A. Rouast, Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés, RTDCiv., 1944, p. 16. Sur les droits discrétionnaires, v. également D. Roets, Les droits discrétionnaires : une catégorie juridique en voie de disparition ?, D., 1997, chr., p. 92.
(11) Cass. soc., 18 juin 1996, n° 92-44.891, M. Climent c/ Société Conforama (N° Lexbase : A2020AA3).
(12) Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 03-46.668, M. Jean-Marc Audoire c/ Association Promotion jeunes en Savoie Les Triandines, F-D (N° Lexbase : A7479DLL).
(13) Cass. soc., 15 novembre 2005, n° 03-47.546, Société Cuir c/ M. Thierry Degeorges, F-D (N° Lexbase : A5537DLN).
(14) L. Josserand, De l'esprit des droits et leur relativité-Théorie dite de l'abus des droits, Dalloz, 1927, réed. 2006, n° 273 et s..
(15) Ass. plén., 27 février 2009, n° 07-19.841, Société Sédéa électronique c/ Société Pace Europe (anciennement dénommée X-Com multimédia communications), P+B+R+I, (N° Lexbase : A3925EDQ), v. La chronique de procédure civile d'Etienne Vergès de mars 2009, Lexbase Hebdo n° 344 du 2 avril 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N9948BIB) ; JCP éd. G, 2009, II, 10073, note P. Callé ; JCP éd. G, 2009, I, 142, n° 7, obs. Y.-M. Serinet ; D., 2009, p. 1245, note D. Houtcieff ; Dr. et proc., 2009, p. 263, note M. Douchy-Oudot ; LPA, 13 mai 2009, p. 7, avis M. de Gouttes ; Gaz. Pal., 2009, 1, p. 1261, note T. Janville.


Décision

Cass. soc., 6 janvier 2010, n° 08-42.826, Société Otis, F-D (N° Lexbase : A2151EQQ)

Rejet, CA Versailles, 15ème ch., 13 mars 2008

Textes visés : néant

Mots-clés : période d'essai ; rupture ; abus de droit ; légèreté blâmable ; renouvellement ; formation

Liens base : (N° Lexbase : E8913ESW)

newsid:379649

Avocats

[Manifestations à venir] Conférence ouverte : l'efficacité de l'acte d'avocat

Lecture: 1 min

N9683BML

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Le 07 Octobre 2010

Le réseau GESICA se réunit, le 22 janvier 2010, pour faire le point sur le projet d'acte d'avocat, présenter l'éclairage des professionnels du réseau sur certaines clauses sensibles et l'actualité de la responsabilité du rédacteur d'acte.
  • Programme

8h-9h : Accueil des participants. Accueil café dans l'espace Bar du théâtre de la Madeleine.

Introduction - 9h00 : la liberté contractuelle et efficacité contractuelle, par Jean-Louis Fourgoux, Président du réseau GESICA.

1) Le projet d'acte d'avocat, les avantages et les garanties

9h15 - 10h15 : Thierry Wickers, Président du Conseil national des Barreaux et François-Michel Gonnot, député de l'Oise et avocat au barreau de Paris.

2) Les clauses sensibles des contrats

- 10h15 : Contrat de travail clause de mobilité, durée du travail et non concurrence, transaction - Michèle Amante, Didier Roucoux, Olivier Bongrand ;

- 10h25 : Contrat de cession de droits de propriété intellectuelle - Gérard Haas ;

- 10h35 : Contrat de distribution, clause d'exclusivité territoriale ;

- 10h45 - 11h10 : Pause.

- 11h10 : Contrat de médecin libéral en clinique privée, exclusivité et exercice privilégié - Yves Lachaud ;

- 11h20 : Contrat de cession d'action, clause de prix, garantie d'actif et de passif - Pierre Gramage, Philippe Beauregard ;

- 11h30 : Clause de médiation - Patrick Huon Kermadec ;

- 11h40 : Contrat de construction de maison individuelle - Nicolas Bedon ;

- 11h50 : Droit de l'environnement - Christian Huglo.

3) L'actualité de la responsabilité de l'avocat du rédacteur d'acte

12h00 - Madame Martine Behar Touchais, Professeur agrégé de Droit Université Paris Descartes (Paris V), Directrice du Centre de Droit des affaires et de gestion (CEDAG) ;

12h30 - Déjeuner au Foyer situé au premier étage du théâtre de la Madeleine.

  • Date, renseignements et prix

Vendredi 22 janvier 2010 de 9h00 à 12h30
au Théâtre de la Madeleine, 19 rue de Surène 75008 Paris
Prix : 55 euros TTC à l'ordre de GESICA, 22 avenue de Friedland, 75008 Paris

newsid:379683

Avocats

[Focus] Médiation judiciaire : état des lieux et prospectives

Lecture: 7 min

N9690BMT

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

"Dans quelques années, on peut imaginer qu'il y aura des procès en responsabilité contre des avocats qui n'auront pas informé leurs clients qu'il existe une autre voie que celle du procès : la médiation". Michel Bénichou, à qui la paternité de ces propos revient (1), avait, depuis longtemps, cerné un problème en passe d'être enfin réglé, eu égard à l'intérêt croissant des pouvoirs publics et de la profession d'avocat en la matière. Chaque année en France, plus de cinq millions d'affaires sont portées devant les juges. Face à l'engorgement des tribunaux, les modes alternatifs de règlement des conflits ont la faveur des pouvoirs publics, et, en particulier, la médiation, qui pourrait, à elle seule, constituer l'heureuse issue de 30 à 40 % des conflits (2), si elle était plus connue du grand public. Mais, par exemple, en 2008, sur les 100 000 affaires traitées par le tribunal de commerce de Paris, seulement 200 médiations ont été ordonnées.

Lexbase Hebdo - édition professions vous propose cette semaine de faire un point sur ce champ d'activité des avocats, au travers de l'étude de sa définition (I), de son régime juridique (II) et de ses perspectives d'évolution (III).

I - Définition de la médiation judiciaire et textes applicables

Du latin "mediare" qui signifie "s'interposer", la médiation est un mode alternatif de règlement des conflits ("MARC"), dont la reconnaissance législative aura été tardive (loi n° 95-125, du 8 février 1995, relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative N° Lexbase : L1139ATD).

Introduite dans le Code de procédure civile (C. pr. civ., art. 131-1 N° Lexbase : L2190ADH) par le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996, relatif à la conciliation et à la médiation judiciaires, elle n'est pas définie précisément par les textes et les frontières restent, donc, assez floues entre cette notion et celles de conciliation, d'arbitrage ou encore de transaction.

Aux termes de l'article 131-1, "le juge saisi d'un litige peut, après avoir recueilli l'accord des parties, désigner une tierce personne afin d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose", étant précisé que "ce pouvoir appartient également au juge des référés, en cours d'instance". Autrement dit, il s'agit d'"un processus spécifique d'écoute et de recherche par un tiers impartial d'un dialogue et d'une solution entre les parties" (3).

Aux côtés de la médiation judiciaire, qui couvre l'ensemble des compétences du juge civil, il est, encore, souvent recouru à la médiation extra-judiciaire ou conventionnelle.

II - Régime juridique de la médiation judiciaire

Parallèlement aux principes généraux posés aux articles 131-1 et suivants du Code de procédure civile (A), des textes sont venus reconnaître expressément la médiation dans certains domaines particuliers (B).

A - Principes généraux

Les articles 131-1 à 131-15 du Code de procédure civile posent les principes essentiels de la médiation judiciaire :

- le libre choix du médiateur par le juge (C. pr. civ., art. 131-1) ;

- le champs d'application de la médiation (elle porte sur tout ou partie du litige) et l'absence de dessaisissement du juge (qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires) (C. pr. civ., art. 131-2 N° Lexbase : L1438H4Z) ;

- la durée de la médiation (trois mois au plus, renouvelable une fois, pour une même durée, à la demande du médiateur) (C. pr. civ., art. 131-3 N° Lexbase : L1440H44) ;

- la personne du médiateur (personne physique ou association répondant à des conditions précises, notamment, en termes de formation et d'expérience) (C. pr. civ., art. 131-4 N° Lexbase : L1442H48 et art. 131-5 N° Lexbase : L1443H49) ;

- les pouvoirs du médiateur (qui exclut les pouvoirs d'instruction) (C. pr. civ., art. 131-8 N° Lexbase : L1452H4K) ;

- la mise en oeuvre de la médiation (C. pr. civ., art. 131-7 N° Lexbase : L1448H4E) ;

- la fin de la médiation à l'initiative du juge (C. pr. civ., art. 131-10 N° Lexbase : L1458H4R et art. 131-11 N° Lexbase : L1462H4W) ;

- l'homologation de l'accord par le juge à la demande des parties (C. pr. civ., art. 131-12 N° Lexbase : L1464H4Y) ;

- la rémunération du médiateur, corollaire de la rémunération en matière d'expertise (C. pr. civ., art. 131-6 N° Lexbase : L1446H4C et art. 131-13 N° Lexbase : L1467H44) ;

- le principe de confidentialité (C. pr. civ., art. 131-14 N° Lexbase : L1468H47) ; et

- l'absence de voie de recours contre la médiation (C. pr. civ., art. 131-15 N° Lexbase : L1470H49).

B - Textes spécifiques

Des textes sont venus expressément reconnaître la médiation en certaines matières :

- en matière familiale (C. civ., art. 373-2-10 N° Lexbase : L6977A48) ;

- en matière de divorce (C. civ., art. 255 N° Lexbase : L2818DZE) ;

- en matière sociale, dans le cas d'une personne s'estimant victime de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-6 N° Lexbase : L0734H93) ou dans le cas de conflits collectifs du travail (C. trav., art. L. 2523-1 N° Lexbase : L5757IAH et art. R. 2523-1 N° Lexbase : L9952H9H) ; et

- dans le cadre du pouvoir donné à la HALDE (loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité N° Lexbase : L5199GU4).

III - Perspectives

Le droit français de la médiation devrait évoluer d'ici mai 2011, dans le cadre de la transposition de la Directive 2008/52 du 21 mai 2008, portant sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L8976H3T) (A). De nombreux rapports rendus ces deux dernières années explorent, quand à eux, de nouvelles pistes, tendant à faire de ce "MARC" une troisième voie procédurale (B) et à placer l'avocat au centre de la procédure (C).

A - La transposition prochaine de la Directive du 21 mai 2008

La Directive 2008/52 du 21 mai 2008, qui doit être transposée d'ici le 21 mai 2011, a posé quatre grands principes :

- l'effet suspensif de la prescription en cas de médiation ;

- son application aux litiges transfrontaliers (point sur lequel la France s'était, tout d'abord, déclaré défavorable) ;

- son application en amont de la saisine du juge ou pendant le procès ; et

- son application aux litiges civils et commerciaux.

L'accord découlant de cette médiation transfrontalière devient exécutoire par jugement ou par acte authentique. Le texte prévoit, enfin, la création d'un Code de médiateur, qui réaffirmerait la force du principe de la confidentialité de la médiation (sauf atteinte à l'ordre public ou à l'intérêt des enfants).

Le premier de ces principes (la suspension de la prescription) a, d'ores et déjà, été inséré à l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L7223IAR) par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I). Aux termes du texte, "la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée". Soulignons, ici, que la loi ne précise pas à quelle médiation elle fait référence : la suspension du délai de prescription s'applique-t-elle à toutes les médiations ? A une médiation judiciaire ? Ou, encore, à une médiation extra-judiciaire (4) ?

B - Les rapports préconisant de faire de la médiation une troisième voie procédurale

Le rapport "Guinchard" (5) - la généralisation de la médiation au sein des tribunaux

La 49ème proposition du rapport "Guinchard" suggère :

- de désigner le magistrat coordinateur et d'un référent au sein de chaque TGI en matière de médiation ;

- d'établir une liste de médiateurs auprès de chaque TGI ; et

- de généraliser du pouvoir du juge en matière familiale à enjoindre les parties à recourir à la médiation.

Il est, ici, intéressant de relever que l'Ordre des avocats de Paris et le tribunal de grande instance de Paris ont signé, le 14 décembre dernier, un protocole relatif à la médiation civile, afin de parvenir à une implantation durable du recours à la médiation civile dans la juridiction.

Le rapport "Magendie" (6) - la médiation, troisième voie procédurale

Le rapport "Magendie", déposé à la Chancellerie en octobre 2008, suggère de mettre en place une troisième voie procédurale, la médiation. Dans ce cadre, il préconise :

- la création d'une cellule de médiation avec un magistrat référent ;

- le développement de la formation et de la sensibilisation des magistrats (via la création annuelle de modules de médiation obligatoire) ; et

- la modification de textes de lois en matière de médiation (notamment, sur les dépens, la TVA réduite à 5,5 % sur les honoraires, etc.).

C - La démarche du CNB tendant à placer l'avocat au centre de la procédure de médiation

Le rapport de Sonia Cohen-Lang et Paul Riquier présenté à l'assemblée générale du CNB des 21 et 22 novembre 2008 (7) - La place de l'avocat dans le cadre de la médiation

Le rapport souligne la complémentarité du médiateur et de l'avocat. Ceux-ci se doivent tous deux d'être impartial, autonome, compétent, diligent, soumis à des règles déontologiques et assuré. Ainsi, une médiation sans avocat serait inconcevable, d'autant plus si ce "MARC" devait véritablement devenir une troisième voie procédurale. Dans cette optique, l'avocat doit envisager la médiation sous deux angles : celui de mode de résolution de conflits, dans lequel ce professionnel intervient aux côtés de ses clients, et celui de nouveau champ d'activité (8), l'avocat étant lui-même médiateur.

Le CNB, visant autant la médiation judiciaire que la médiation conventionnelle, n'a de cesse de rappeler l'avantage de la déontologie de ce professionnel dans un cadre d'un règlement non juridictionnel d'un litige. Il reste, toutefois, conscient qu'une réflexion sur la formation de l'avocat en matière de médiation doit être engagée (9), si celui-ci devait endosser les fonctions de médiateur.


(1) Propos de Michel Bénichou, relatés dans le Bulletin d'information de la Cour de cassation sur la médiation.
(2) Cf. le rapport L'avocat et la médiation, de Sonia Cohen-Lang et Paul Riquier, présenté à l'assemblée générale du CNB des 21 et 22 novembre 2008.
(3) Cf. le communiqué du CNB du 22 juillet 2009, "Médiation : formation juridique et déontologie de l'avocat doivent être au coeur de ce mode alternatif de règlement des conflits".
(4) Cf. le rapport L'avocat et la médiation, préc..
(5) Cf. le rapport L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, remis à la Chancellerie le 30 juin 2008 par la Commission sur la répartition des contentieux, présidée par Serge Guinchard.
(6) Cf. le rapport Célérité et qualité de la justice - la médiation, une autre voie, Jean-Claude Magendie, premier Président de la cour d'appel de Paris, octobre 2008.
(7) Cf. le rapport L'avocat et la médiation, préc..
(8) Cf. le rapport d'étape sur les nouveaux champs d'activité de l'avocat, présenté au CNB par la Commission des règles et usages, présidée par Pierre Berger et lire Nouveaux champs d'activité de l'avocat et déontologie, Lexbase Hebdo n° 5 du 29 octobre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N1778BMS).
(9) Cf. le communiqué de presse du CNB du 22 juillet 2009.

newsid:379690

Licenciement

[Jurisprudence] Calcul de l'indemnité de licenciement en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé : la Cour de cassation apporte une précision importante !

Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-44.656, Mme Sylvie Muller, F-D (N° Lexbase : A3541EPT)

Lecture: 4 min

N9684BMM

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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Même si l'actualité récente pourrait l'infirmer (1), on se risquera peu à affirmer que les juges du Quai de l'Horloge ne sont guère prolixes en matière de convention de reclassement personnalisé. Notons simplement qu'une petite quinzaine d'arrêts a été rendue l'année dernière en la matière, dont un seul a fait l'objet d'une publication (2). Ce qui pourrait justifier presque à lui seul l'intérêt susceptible d'être provoqué par un arrêt -fusse-t-il diffusé- rendu par la Cour régulatrice le 2 décembre 2009. Mais pas seulement. Parce que lorsque l'arrêt en question retient que, en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'indemnité de licenciement doit être calculée en tenant compte de l'ancienneté acquise par le salarié à la date de la rupture, le lecteur ne peut qu'être curieux, la Haute juridiction apportant, par cette affirmation, un élément, à notre connaissance, inédit, à l'édifice de l'accompagnement social des procédures de licenciement et, plus précisément, au calcul de l'indemnité de licenciement en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé. En effet, on rappellera, ici, pour mémoire, que, pour calculer le montant de l'indemnité de licenciement, il convient, classiquement, de prendre en compte l'ancienneté acquise à la date d'expiration du préavis en se plaçant au jour de l'expiration du préavis, que ce dernier soit ou non exécuté (3). Par cet arrêt, la Cour de cassation distingue donc un mode de calcul particulier de l'indemnité de licenciement versée dans le cadre d'une convention de reclassement personnalisé.
Résumé

La cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, la rupture du contrat de travail ne comporte pas de préavis et décidé que l'indemnité de licenciement devait être calculée en tenant compte de l'ancienneté acquise par le salarié à la date de la rupture.

La convention de reclassement personnalisé est régie par les articles L. 1233-65 (N° Lexbase : L1247H93) et suivants du Code du travail.

Ainsi, dans les entreprises non soumises à l'obligation de proposer le congé de reclassement prévu à l'article L. 1233-71 du Code du travail (N° Lexbase : L1258H9H), c'est-à-dire essentiellement les entreprises de moins de 1 000 salariés, l'employeur envisageant de licencier pour motif économique doit proposer aux salariés concernés une convention de reclassement personnalisé, d'une durée maximale de 12 mois. Le salarié a le choix de refuser cette convention. S'il l'accepte, son contrat de travail est rompu et il bénéficie d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement. Il bénéficie également, sous réserve d'avoir deux ans d'ancienneté, d'une allocation spécifique de reclassement et, sous certaines conditions, d'une indemnité différentielle de reclassement.

Il faut ici préciser que ces dispositions s'appliquent aux salariés compris dans une procédure de licenciement pour motif économique engagée à compter du 1er avril 2009. Pour les salariés compris dans une procédure de licenciement pour motif économique engagée avant cette date, les dispositions applicables relèvent de la convention du 18 janvier 2006. Notons, cependant, que seule la durée de la convention change, puisqu'elle était auparavant de 8 mois.

L'article L. 1233-67 du Code du travail (N° Lexbase : L1251H99) retient, quant à lui, -et c'est ici ce qui nous intéresse- que, si le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties. Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis, ni indemnité de préavis, ouvre droit à l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK), ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu'aurait été l'indemnité de préavis si elle avait correspondu à une durée supérieure à deux mois.

C'est précisément sur cette indemnité de licenciement que portait l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 décembre 2009. Rappelons, à cet égard, que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail (C. trav., art. L. 1234-9). La jurisprudence précise que le droit à l'indemnité légale de licenciement s'apprécie, sauf clause expresse contraire, au jour de la notification de la rupture du contrat de travail (4) et naît donc au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture (5). En revanche, pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté du salarié dans l'entreprise s'apprécie à la date d'expiration normale du préavis, qu'il soit ou non exécuté (6).

Dans l'affaire soumise à examen, une salariée, engagée le 27 décembre 2005 en qualité de vendeuse, a adhéré, le 30 janvier 2007, à une convention de reclassement personnalisé proposée par son employeur après un entretien préalable à un licenciement pour motif économique. Elle fait grief à l'arrêt de limiter le montant de l'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que le salarié qui accepte la convention de reclassement personnalisé reçoit l'indemnité de licenciement, qui doit nécessairement prendre en compte la durée du préavis non effectué. En jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) et L. 1233-67 (N° Lexbase : L1251H99) du Code du travail.

La question posée à la Cour de cassation était donc inédite : l'indemnité de licenciement versée au salarié ayant accepté une convention de reclassement personnalisé doit-elle prendre en compte la durée du préavis ? Sachant que, comme souligné précédemment, l'article L. 1233-67 du Code du travail prévoit que la convention de reclassement personnalisé n'emporte pas de préavis.

La réponse apportée par la Cour régulatrice est sans ambiguïté et, somme toute, assez logique : en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'indemnité de licenciement doit être calculée en tenant compte de l'ancienneté acquise par le salarié à la date de la rupture. Autrement dit, la durée du préavis n'a pas à être prise en compte dans le calcul de l'indemnité de licenciement.

Le calcul de l'indemnité de licenciement due en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé n'obéirait donc pas aux mêmes règles que celles régissant une procédure de licenciement économique. Si elle prend en compte l'ancienneté du salarié, c'est d'une façon tout à fait particulière, puisqu'au moment de la rupture du contrat de travail, sans prendre en compte la date de fin du préavis, alors que, dans la plupart des hypothèses, la date de rupture du contrat de travail s'apprécie à la date de fin du préavis, peu important que celui-ci ait été effectué ou non.

Or, le contrat de travail est, désormais, réputé rompu d'un commun accord au terme du délai de réflexion de 21 jours calendaires (7). Il s'agit d'un délai préfix : si le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé après 10 jours, le contrat de travail ne sera rompu qu'au terme du délai de 21 jours. Dès lors, pour le calcul de l'indemnité de licenciement en cas d'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, son ancienneté doit s'arrêter au jour de l'expiration du délai de réflexion de 21 jours.

Si la solution est logique, remarquons, cependant, que la même Cour de cassation avait adopté la solution inverse concernant les indemnités de rupture des anciennes conventions de conversion, dispositif aujourd'hui disparu dont se sont largement inspirées les actuelles conventions de reclassement personnalisé (8). Peut-être, serait-il souhaitable que cet arrêt, rendu en formation restreinte, soit confirmé dans les mois à venir dans un arrêt promis aux honneurs de la publication.


(1) Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 08-11.346 à 08-11.348, n° 08-15.222, n° 08-16.756 et n° 08-16.757, jonction, Groupement des Assedic de la région parisienne (Garp) c/ Société Imprimerie nationale, FS-P+B (N° Lexbase : A7096EPI) et les obs. de G. Auzero, Date d'entrée en vigueur des dispositions légales instituant la convention de reclassement personnalisé, Lexbase Hebdo n° 378 du 14 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9520BMK).
(2) Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 08-11.346 à 08-11.348, n° 08-15.222, n° 08-16.756 et n° 08-16.757, préc..
(3) Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-42.667, M. Gérald Harpin c/ M. Emmanuel Malfaisan, F-P+B (N° Lexbase : A4533DHD) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Requalification du CDD, hypothèses et indemnités : nouvel acte, Lexbase Hebdo n° 163 du 14 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3009AIB).
(4) Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 94-45.010, Société Gymnasium Franchise c/ M. Le Goascoz et autre (N° Lexbase : A2163AAD).
(5) Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.033, Société CCMX devenue la société CEGID, FS-P+B (N° Lexbase : A5928DY9) et lire les obs. de S. Martin-Cuenot, De la naissance des droits à l'indemnité de licenciement, Lexbase Hebdo n° 276 du 11 octobre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N6187BC7).
(6) Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 94-45.010, préc..
(7) Nouvelle convention du 19 février 2009, agréée par arrêté du 30 mars 2009 (N° Lexbase : L0046IEG). A noter que les modifications sont applicables au 1er avril 2009.
(8) Cass. soc., 3 mars 1998, n° 95-45.201, Société Imprimerie Durandet autre c/ M. Bouilly et autres (N° Lexbase : A2575ACD).


Décision

Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-44.656, Mme Sylvie Muller, F-D (N° Lexbase : A3541EPT)

CA Montpellier, 4ème ch. soc., 10 septembre 2008

Textes visés : C. trav., art. L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) et L. 1233-67 (N° Lexbase : L1251H99)

Mots clés : convention de reclassement personnalisée ; acceptation par le salarié ; indemnité de licenciement ; calcul ; ancienneté

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