La lettre juridique n°410 du 30 septembre 2010

La lettre juridique - Édition n°410

Éditorial

Vérité historique et Vérité politique : le rappel à l'ordre opéré par le juge

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Chacun sait, depuis 2005 et le tollé suscité par le projet de loi visant à souligner le rôle positif de la colonisation dans les manuels scolaires, que l'Histoire appartient aux historiens et que Vérité historique et Vérité politique ne font pas bon ménage, malgré des lois mémorielles (la loi "Gayssot" de 1990 contre le négationnisme, celle du 29 janvier 2001 sur la reconnaissance du génocide arménien, et la loi "Taubira" du 21 mai 2001 qui reconnaît la traite esclavagiste "Atlantique" comme un crime contre l'Humanité) utiles pour défendre la mémoire des victimes. Deux écueils sont souvent cités à l'encontre d'une législation sur l'Histoire : la limitation de la liberté de recherche et l'anachronisme historique à vouloir juger rétroactivement un crime selon des valeurs et des concepts contemporains.

"Les événements effacent les événements ; inscriptions gravées sur d'autres inscriptions, ils font des pages de l'histoire des palimpsestes" écrivait avec justesse et en connaissance de cause, un brin chahuté par l'Histoire, le vicomte malouin dans ses Mémoires immémoriales.

On saura, désormais, à la lecture d'un arrêt de la cour d'appel de Limoges du 1er juillet 2010, sans doute passé trop inaperçu, que l'historien n'est pas non plus le dépositaire sacramentel de la Vérité historique et qu'il lui incombe de ne pas céder au syncrétisme, autant dire à la vulgate urbaine, afin d'illustrer un propos grave et nécessairement sensible quand il touche à la Collaboration et, indirectement, à la Shoah.

Le couperet est cinglant, mais il se doit de l'être quelle que soit l'opinion exprimée : le négationnisme comme la diffamation. Aussi, la liberté d'expression de l'historien n'est pas absolue et peut dégénérer en abus, source de responsabilité civile, en présence d'une dénaturation ou falsification des faits, voire d'une négligence grave dans la vérification des informations. Plus précisément, la légitime volonté de l'historien de rechercher les causes anciennes et profondes à un événement historique ne saurait l'exonérer de ses obligations d'illustrer son point de vue et de rédiger ses commentaires en se fondant sur des données objectives dont il a vérifié la source, surtout lorsqu'il fait incarner à une personne identifiée une attitude déconsidérée dans l'opinion publique et qu'il la relie, ne serait-ce qu'indirectement, à des actes de barbarie. En l'espèce, pour illustrer la collaboration économique entre la France et le IIIème Reich, l'historien prenait pour exemple Louis Renault, dirigeant de la célèbre entreprise éponyme.

Il faut dire que le "client" avait tout pour plaire : accusé à la Libération de "commerce avec l'ennemi", Louis Renault est mort des suites de son incarcération le 24 octobre 1944 et, le 1er janvier 1945, le Gouvernement provisoire de la République française prononçait la dissolution de la société Renault et sa nationalisation sous le nom de "Régie nationale des usines Renault". La petite histoire est connue de tous et répond à l'incontournable question : "dis papa, pourquoi l'Etat est-il actionnaire principal de Renault et s'amuse à fabriquer des voitures, alors qu'il ne s'agit pas d'une fonction régalienne ?" -je reconnais que la question n'est pas souvent posée dans les cours de récréation à l'inverse de : "qui c'est ce Guy Mocquet ?"-.

Le problème, c'est que l'exemplarité a rarement le droit de cité en matière d'Histoire ; tout simplement parce que l'Histoire est faite, relatée et interprétée par les Hommes. Il s'agit d'une matière pétrie d'humanité, qui, comme telle, souffre le subjectivisme, la recherche continuelle, la remise en question et l'explication permanente. Michelet et Chateaubriand n'ont pas la même lecture de l'Ancien régime et de la Révolution, pour autant, ni le fervent républicain et ni le légitimiste impénitent ne méritent l'opprobre ni le soupçon. Des lectures différentes des faits historiques sont nécessaires, pour autant que l'existence de ces faits ne soit pas éhontément remise en cause lorsqu'ils s'imposent d'évidence -d'où un sentiment partagé entre la valeur mémorielle de la loi "Gayssot" et celle de ses émules-.

Mais, pour revenir à notre homme présenté comme l'exemple du "collabo économique", là où le bât blesse, c'est qu'il fut jugé par l'opinion publique sans aucune autre forme de procès. Les motifs de l'incarcération sont aussi clairs que les conditions de détention et de torture de Louis Renault, que la période de l'épuration elle-même. Les motifs de nationalisation ne sont pas plus limpides. Pire, René de Peyrecave, directeur des usines sous l'Occupation, obtenait un non lieu, en 1949, "la justice admettant ainsi que les usines Renault n'avaient pas collaboré". On omettra de mentionner que Renault est le fabricant principal de matériel de guerre pour l'armée française et qu'en mai 1940, Louis Renault part aux Etats-Unis pour organiser la production de chars de combat en vue de lutter contre l'invasion allemande. Enfin, que loin de lui remettre la francisque, le gouvernement de Vichy le radiait de l'Ordre de la Légion d'honneur, alors qu'il était Grand-croix pour sa contribution à la victoire française en 1918. Décidément, l'Histoire s'écrit sur du papier déjà noirci...

Alors pourquoi nationaliser plus particulièrement Renault au sortir de la Guerre ? Stratégie militaire et économique pardi ! Nécessité fait loi... Nécessité fait l'Histoire. Et, dans cette affaire portée par les héritiers de Louis Renault à l'encontre de l'historien "peu précautionneux", ce que les juges condamnent c'est justement une Histoire illustrée par un historien trop proche de l'Histoire législative. Nul n'est censé ignorer la loi, pas même celle du 29 juillet 1967 qui reconnut le droit à l'indemnisation partielle de Jean-Louis Renault, unique héritier direct de Louis Renault vis-à-vis de biens personnels non industriels : la reconnaissance implicite d'une accusation trop rapide de l'homme, Louis Renault ; même s'il est inutile de nier la collaboration forcée des usines éponymes à l'effort de guerre allemand.

La collaboration économique, c'est d'abord l'Histoire d'une dette moyenne de 400 millions de francs par jour, l'équivalent de quatre millions de salaires journaliers d'ouvriers, auxquels il convient d'ajouter le service de travail obligatoire (STO) en Allemagne, soit 1,5 million de personnes. La collaboration économique, c'est encore l'Histoire d'une France qui, à la suite de la débâcle, a faim : un million de chômeur en octobre 1940 ; le gouvernement de Vichy autorise les entreprises françaises à accepter des contrats avec les Allemands et ce sont 125 000 chômeurs en 1942, le plein emploi en 1945. La raison économique fait froid dans le dos, mais l'Histoire se doit d'être froide pour ne pas paraître l'objet des passions ardentes, l'objet des manipulations partisanes.

Pour autant les juges du fond précisent que les articles 34, 31, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, ne sont applicables aux diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts que dans les cas où leurs auteurs auraient eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants. La Vérité historique n'est pas l'affaire de l'intérêt particulier, mais celui de la collectivité. Une responsabilité collective sous l'Occupation à laquelle répond une responsabilité collective mémorielle qui se déclare incompétente (dixit la cour administrative d'appel de Bordeaux) et rejette la condamnation d'une société pour son rôle supposé dans la déportation de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ; la compagnie n'ayant aucune autonomie face aux réquisitions forcées orchestrées par le gouvernement de Vichy. Ironie des circonstances, l'Histoire sera donc réécrite par un juge de Brooklyn qui a ouvert, dernièrement, une enquête sur la responsabilité de la compagnie ferroviaire dans la déportation de milliers de juifs français. Chacun aurait préféré, sans doute, que les américains se contentent de subventionner l'art et le patrimoine historique français (le château de Versailles pour ne citer que lui), et non tout simplement l'Histoire de France...

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... Didier Adjedj, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Carpentras

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

Le 07 Octobre 2010

Régulièrement, les éditions juridiques Lexbase se plaisent à donner la parole au Bâtonnier d'un des 181 barreaux qui constituent le maillage ordinal de la profession d'avocat, afin qu'il ou elle évoque, avec nos lecteurs, son point de vue sur l'avenir des professions juridiques et, plus particulièrement, celui sur la profession qui l'anime au quotidien, et ses ambitions pour le barreau dont il ou elle a la charge. Aujourd'hui, rencontre avec... Didier Adjedj, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Carpentras. Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le barreau de Carpentras ?

Didier Adjedj : C'est un barreau de taille moyenne puisqu'il comprend environ 80 avocats ; et c'est un barreau très jeune et très féminin (près de 80 % de femmes !). Nous sommes aujourd'hui confrontés à un problème de déficit générationnel pour trouver du monde pour participer aux instances.

Le barreau de Carpentras est un barreau en pleine mutation tout comme la profession.

Nous avons essayé de mettre à disposition des confrères un grand nombre de formations dans des domaines nouveaux, tel le mandat de protection future, et de réfléchir aussi sur la liquidation des régimes matrimoniaux, domaine dans lequel on peut travailler avec les notaires. Et, surtout, nous essayons de mettre l'accent sur le droit viticole. A cet égard, a été mise en place une formation continue tout au long de l'année sur ce thème et nous organisons, les 10 et 11 décembre 2010, un colloque consacré à la qualité dans le vin, à la fois à destination des avocats, mais aussi des professionnels du domaine (chambre d'agriculture, syndicat des Côtes du Rhône, etc.).

Lexbase : Bâtonnier depuis le début de l'année 2010, quelles sont les priorités de votre mandat ?

Didier Adjedj : D'abord, je souhaite le passage le plus rapidement possible au Réseau privé virtuel avocat (RPVA). L'accent est mis sur l'utilité et l'importance du RPVA.

C'est un outil qui va nous faciliter la vie surtout dans les barreaux comme celui de Carpentras (qui s'étend sur tout le nord Vaucluse) -pas de mise en état, pouvoir échanger facilement, garder des liens avec les cours d'appel-.

Et cela commence à porter ses fruits puisque que nous comptons déjà un bon nombre de confrères abonnés au RPVA. Mais, pour l'instant c'est plutôt du côté du CNB que cela bloque, et l'on constate un retard dans le traitement des dossiers. La position de notre barreau est très simple sur ce sujet : nous disposons d'un système qui est agréé, et qui, certes, est perfectible mais l'on avance avec ce qui est en place. Et au final le coût reste tout de même modeste (35 euros par mois et par avocat).

Ensuite, je souhaite développer tout ce qui peut contribuer à changer l'image de notre profession qui est toujours vue comme étant celle du contentieux.

Et la reconquête crée des difficultés avec les professions d'à côté qui réagissent pour conserver leur pré carré.

Tout doit être fait pour montrer que l'avocat est aussi l'homme du conseil. Des partenariats ont été passés, à cet égard, avec la chambre de commerce et d'industrie. Le barreau a organisé des interventions, auprès de plusieurs organismes qui aident à la création de PME, sur des aspects juridiques très pratiques, très simples, tels que les moyens d'éviter les impayés, par exemple,

Nous devons être présents dans de nombreux domaines !

Prochainement, est prévue une convention avec la CCI qui va nous amener à intervenir régulièrement auprès des PME, des artisans, et des petites structures. Un travail est mené sur des rédactions de plaquettes ad hoc pour montrer la palette des domaines du conseil.

Le barreau propose, à Carpentras même, de très nombreuses formations sur des domaines où le rôle de conseil de l'avocat est très important.

Ainsi, nous avons mis en place des collectifs et des permanences pour les enfants et pour les adolescents leur permettant, en cas de problème familial, qu'ils soient victimes de racket ou auteurs d'un petit fait, d'être reçus par un avocat de façon anonyme et gratuite.

Ces avocats ont, d'ailleurs, tous suivi des formations avec des psychiatres et des psychologues afin d'apprendre à écouter et à entendre dans le cadre des procédures du juge aux affaires familiales.

Nous avons également créé un collectif relatif aux étrangers pour les aider dans leurs premières démarches portant sur les problèmes de nationalités, de reconduites à la frontière, etc..

Enfin, le barreau propose un collectif de défense des victimes, et envisage bientôt la création d'un collectif consacré à la défense des femmes victimes de violence.

Tous ces collectifs sont pris en charge par le conseil départemental de l'accès au droit.

Lexbase : Quel regard portez-vous sur les difficultés rencontrées par la profession concernant l'aide juridictionnelle (AJ) ?

Didier Adjedj : Comme vous le savez, les Ordres vivent avec les revenus des Carpa. Or la baisse des taux d'intérêts entraîne la baisse des revenus des Carpa. Et en conséquence, aujourd'hui ce sont les barreaux qui assurent seuls, ou presque, toute l'organisation de l'AJ.

Il était prévu que les fonds destinés à l'AJ soient mis à la disposition des Ordres et que leur placement permette de couvrir les frais de fonctionnement. Ainsi, initialement, la totalité du budget était donnée en début d'année ce qui permettait un placement. Or, aujourd'hui, il est réparti sur toute l'année. Qui plus est, les fonds baissent.. En conclusion, force est de constater que ce sont essentiellement les avocats qui assurent l'accès au droit.

Je pense que l'accès au droit doit être pris en charge par l'Etat puisque c'est une de ses fonctions régaliennes. A compter d'octobre, partout en France, il n'y aura plus d'argent pour payer les missions d'aide juridictionnelle. Soit les avocats travaillent gratuitement, soit il faut trouver une solution !

Et la situation sera indiscutablement catastrophique en octobre, puisque le budget n'a pas été réévalué alors que l'on assiste à une augmentation du nombre de personnes qui sont aujourd'hui éligibles à l'AJ.

Sans parler, bien évidemment, des problèmes qui vont arriver avec la réforme de la garde à vue, le Parlement étant amené à légiférer sur la présence de l'avocat dès la première minute de la garde à vue. En effet, il va falloir trouver une solution pour rémunérer l'avocat dans ce cadre là.

A cet égard, le CNB avait commencé à tracer des pistes qui me paraissent assez raisonnables et qui consistent à dire qu'il faut séparer le pénal et le civil, le premier restant à la charge de l'Etat.

L'année dernière, il faut savoir que, pour l'ordre des avocats de Carpentras, les placements des fonds relatifs à l'AJ ont rapporté 1 200 euros, pour un coût de fonctionnement de 46 000 euros.... ce n'est pas normal. Il reste encore beaucoup de pistes à explorer pour trouver les bons financements et beaucoup de discussions sont à prévoir : doit-on limiter le nombre de dossiers d'AJ ? Doit-on se poser la question sur le bien-fondé de certains contentieux ? Etc..

Lexbase : Quelle est votre position concernant l'acte contresigné par avocat, introduit dans le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées ?

Didier Adjedj : J'y suis, pour ma part, très favorable. Si l'on prend l'exemple du contentieux du juge aux affaires familiales (JAF), qui est le plus important au niveau de notre barreau, l'acte contresigné par avocat devrait permettre d'arriver à une meilleure organisation et ainsi éviter systématiquement de recourir au juge pour savoir à quelle heure on commence le droit de visite, à quelle heure il se termine, si le père sera avec ses enfants pour la fête des pères, etc..

Tout cela pourrait être réglé par l'acte sous signature d'avocat qui a le mérite de faire intervenir obligatoirement deux avocats, entraînant de ce fait un équilibre.

Lexbase : Quel est votre point de vue sur l'interprofessionnalité ?

Didier Adjedj : Aussi bien les notaires que les avocats se trompent de concurrents. Le concurrent le plus redoutable est l'expert comptable qui dispose d'une clientèle active avec la comptabilité et les bilans qu'il fait et qui propose davantage de prestations juridiques "indolores", car intégrées dans les prestations comptables ou fiscales. Les avocats essaient de reconquérir un périmètre qu'ils ont totalement abandonné. Pendant longtemps pour les avocats, l'"art noble" consistait à plaider devant les assises, le reste de l'activité étant négligable.Cela a été une erreur fondamentale. En Espagne, par exemple, il exite de toutes petites villes qui disposent d'un nombre d'avocat dix fois supérieur au notre et qui s'en sortent tous et en vivent très bien. Mais en Espagne, les avocats créent les sociétés, s'occupent des ventes immobilières, etc.. Il y a donc, en France, un travail de fond de long cours avant de changer les mentalités.

Lexbase : La question de l'avocat en entreprise divise les avocats. Que pensez-vous de cette évolution de la profession ?

Didier Adjedj : C'est un sujet qui fâche ! Je fais partie de ceux, comme une majorité en province, qui pensent que c'est la mort de la profession. Je considère qu'aujourd'hui, justement parce que l'avocat est en compétition avec d'autres professions qui font du juridique, son atout et son seul atout reste la déontologie.

C'est parce que les avocats ont cette déontologie, qui est rigoureuse, contrôlée, surveillée de près par le Bâtonnier, exigeante puisqu'elle oblige à avoir une formation qui est contrôlée, que l'on peut faire confiance à l'avocat. Grâce à la déontologie, l'intérêt du client passera toujours avant le notre. Or, pour une société commerciale l'objectif est de faire du profit, ce qui est parfaitement normal. Mais un avocat ne peut pas se permettre cela. Il y a un risque de conflit d'intérêt. Et si l'avocat en entreprise voit le jour, on deviendra alors une profession comme une autre et il nous sera encore plus difficile de résister aux autres professions qui sont mieux organisées que nous, qui savent faire de la publicité, et qui savent parler d'une seule voix !

Au final, pour moi, le statut d'avocat en entreprise mettre fin aux principes déontologiques parce que, quoi qu'on en dise, personne ne peut croire qu'un avocat salarié dans une grande entreprise puisse résister à son supérieur hiérarchique. Il est prévu que tout ce qui est du ressort de la déontologie reste sous la coupe du Bâtonnier. Evidemment, le Medef s'est insurgé et a annoncé qu'il n'était pas envisageable que le Bâtonnier vienne dans l'entreprise et donne des instructions au salarié ou à son supérieur. Donc cet avocat là ne sera pas indépendant puisqu'il dépendra de son supérieur hiérarchique. Et le jour où il y aura un conflit d'intérêts et qu'il voudra invoquer le secret des correspondances il ne pourra pas résister. Je n'y crois pas un instant.

Lexbase : Enfin, qu'évoque pour vous la perspective du barreau de région ?

Didier Adjedj : Aujourd'hui l'idée qui prédomine dans la profession est celle de la modernité. Or, pour être moderne et efficace il faut se regrouper. C'est dans cet esprit qu'a été préconisée la création de barreaux de région, sans pour autant savoir si cette région serait celle de la cour d'appel, la région économique ou encore la région administrative. L'idée majeure est de créer un grand ordre régional avec un Bâtonnier, des conseils de l'Ordre et puis, quand même, quelques sous-Bâtonniers chargés de gérer les litiges avec les clients.

Et là, je vois deux problèmes !

D'une part, sur le plan déontologique : pour faire appliquer la déontologie à la profession, il faut une personne de proximité ; et je ne vois pas comment le Bâtonnier régional pourra avoir cette faculté. C'est ce qui a été fait en Angleterre et au final, les trois quarts des avocats anglais ne sont plus affiliés à un Ordre.

D'autre part, sur le plan financier : aujourd'hui les Bâtonniers en province font du bénévolat ou presque. Demain le Bâtonnier régional ne pourra pas être bénévole ! Il va nécessairement faire cela à plein temps ; il aura besoin d'une équipe et d'une administration autour. Et là les cotisations vont exploser en conséquence.

Crédit Photo : Cyril Hiely

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Environnement

[Questions à...] La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite "Grenelle II" : un texte ambitieux d'une application délicate - Questions à... Laurent Férignac, avocat à la cour et associé du cabinet AdDen avocats

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N1007BQD

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement (N° Lexbase : L7066IMN), dite "Grenelle II", à travers ses 257 articles modifiant 19 codes, est chargée d'assurer la mise en oeuvre de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (N° Lexbase : L6063IEB), dite "Grenelle I". Sa longueur et sa complexité la rendent difficile à appréhender, d'autant que sa mise en oeuvre concrète est déléguée aux futurs décrets d'applications et prises d'ordonnances par le Gouvernement. Le spectre des sujets couverts par les six titres de ce texte est extrêmement large : urbanisme, transports, énergie et climat, biodiversité, risque, santé et déchets, et, enfin, gouvernance. L'on peut, toutefois, constater que ce sont les Codes de l'urbanisme et de l'environnement qui subissent les plus profondes modifications, la loi s'inscrivant objectivement dans une tentative de définition et de mise en place concrète de la notion de développement durable. L'ampleur du "Grenelle II" et la tache colossale que va représenter son application dans le temps et sur tout le territoire national peuvent, cependant, conduire à s'interroger sur sa viabilité réelle. Sa complexité amène immanquablement à de multiples ambiguïtés et contradictions, que le regard d'un spécialiste de la question peut aider à déchiffrer. Pour ce faire, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Laurent Férignac, avocat à la cour et associé du cabinet AdDen avocats. Lexbase : Malgré son dispositif essentiellement technique d'application du "Grenelle I", peut-on dégager une philosophie générale du "Grenelle II" ?

Laurent Férignac : La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement, dite "Grenelle II", constitue la traduction en termes juridiquement contraignants de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite "Grenelle I".

En 2009, le législateur a fixé à l'Etat et aux collectivités territoriales des orientations générales en matière environnementale. Le "Grenelle I" constituait une déclaration d'intention consensuelle, contenant, certes, quelques dispositions contraignantes, mais dont l'objet était principalement d'établir des objectifs en matière de protection de l'environnement.

Le "Grenelle II" constitue le versant opérationnel du "Grenelle I". Sa philosophie générale est, par conséquent, de permettre la mise en oeuvre des objectifs du "Grenelle de l'environnement", en particulier de l'objectif de développement durable.

Lexbase : Le "Grenelle II" compte plus de 250 articles. Quelles mesures vous semblent plus importantes et significatives que les autres, en particulier en droit de l'urbanisme ?

Laurent Férignac : Une des mesures les plus significatives réside dans la modification en profondeur des documents de planification, au premier plan desquels les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU).

Ainsi, la loi "Grenelle II" prévoit de généraliser les SCOT à l'ensemble du territoire en 2017, en interdisant progressivement aux communes d'envisager de nouvelles zones à urbaniser.

Surtout, c'est l'équilibre entre les SCOT et les PLU qui semble remis en cause, le SCOT semblant trouver un caractère prescriptif, notamment au travers du document d'orientations et d'objectifs (article 17 de la loi), caractère que la loi "SRU" (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY) avait souhaité supprimer, en limitant sa portée à la définition des orientations fondamentales.

En effet, ce document pourra désormais imposer aux PLU des règles de densité en arrêtant des "objectifs chiffrés de consommation économe de l'espace", ou conditionner l'ouverture à l'urbanisation d'un secteur nouveau à sa desserte par les transports collectifs ou à la réalisation d'une étude d'impact.

Les PLU ont aussi fait l'objet d'une attention particulière de la part du législateur.

Ainsi, l'article 19 de la loi fait de l'échelon intercommunal le niveau privilégié pour établir un PLU qui devra répondre aux nouveaux objectifs environnementaux fixés par la loi (réduction des gaz à effet de serre, maîtrise de l'énergie, préservation de la biodiversité).

Le PLU pourra, notamment, imposer des densités minimales de construction, dans des secteurs situés à proximité des transports collectifs existants ou programmés (article 19), ou encore imposer le respect de performances énergétiques et environnementales renforcées aux constructions, travaux, installations et aménagements.

Le "Grenelle II" intervient aussi sur la problématique de la consommation d'énergie des bâtiments. Ainsi, l'article L. 111-9 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7427IMZ) prévoit la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre dans l'appréciation de la performance énergétique des nouvelles constructions, et ce à partir de 2020. Il indique aussi qu'à l'achèvement des travaux sur des bâtiments neufs ou des parties nouvelles de bâtiments existant soumis à permis de construire, le maître d'ouvrage fournira à l'autorité qui à délivré le permis de construire une attestation de respect de la réglementation thermique.

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est aussi amélioré. Un DPE devra être réalisé d'ici le 1er janvier 2017 dans les bâtiments équipés d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement.

Enfin, une disposition importante vient renforcer l'utilisation d'éco-matériaux. L'article 12 de la loi introduit dans le Code de l'urbanisme un article L. 111-6-2 (N° Lexbase : L8934ASP) d'après lequel "nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, le permis de construire ou d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s'opposer à l'utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés permettant d'éviter l'émission de gaz à effet de serre, à l'installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d'énergie renouvelable [...]".

Par ailleurs, de nouvelles catégories de documents voient le jour.

C'est ainsi que sont créés des directives territoriales d'aménagement et de développement durables (DTADD) qui ont vocation à déterminer les objectifs et orientations de l'Etat "en matière d'urbanisme, de logement, de transports et de déplacements, de développement des communications électroniques, de développement économique et culturel, d'espaces publics, de commerce, de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, des sites et des paysages, de cohérence des continuités écologiques, d'amélioration des performances énergétiques et de réduction des émissions de gaz à effet de serre", sur des "territoires présentant des enjeux nationaux dans un ou plusieurs de ces domaines" (article 13).

Les objectifs de ces DTADD, qui seront élaborées par l'Etat, en association avec la région, le département et les groupements de communes compétentes en matière de SCOT, sont donc bien plus larges que ne l'étaient ceux des DTA, et mentionnent en particulier l'impératif de "continuité écologique", mesure phare du "Grenelle II" traduite dans la mise en place des "trames".

Il convient, enfin, de noter la création de nouveaux documents à prendre en compte lors de l'élaboration d'un PLU. Il s'agit des schémas régionaux de cohérence écologique et des plans climats-énergie, mais aussi les plans de gestion des risques inondation.

Dans le domaine de la gouvernance, l'on peut encore constater que le "Grenelle II" vient réformer les études d'impact.

Désormais, les projets qui y sont soumis seront énumérés par voie décrétale en fonction de critères et de seuils et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement (C. envir., art. L. 122-1-I N° Lexbase : L7979IMH).

En outre, parmi les dispositions intéressant les études d'impact, il faut noter l'instauration d'un mécanisme de sanctions administratives en cas de non-respect des prescriptions figurant dans l'étude d'impact. Ainsi, après mise en demeure préalable de l'autorité compétente non suivie d'effet, celle-ci peut consigner la somme correspondant au coût des mesures à réaliser, faire procéder d'office aux travaux aux frais du pétitionnaire, ou encore suspendre la réalisation des travaux (C. envir., art. L. 122-3-4 N° Lexbase : L7971IM8).

S'agissant des enquêtes publiques, la loi introduit la possibilité, lorsque la réalisation d'un projet, plan ou programme est soumise à l'organisation de plusieurs enquêtes dont l'une au moins relève du Code de l'environnement, de procéder à une seule enquête relevant de ce code sous certaines conditions (C. envir., art. L. 123-6 N° Lexbase : L8000IMA).

Le champ d'application des enquêtes publiques à finalité environnementale est, ensuite, modifié et, ainsi, clarifié. Ainsi, il convient, notamment, de relever, qu'hormis les projets de création d'une zone d'aménagement concerté et ceux de faible importance ou temporaire, les projets soumis à étude d'impact doivent faire l'objet d'une enquête publique.

Parmi les mesures importantes, il faut, enfin, relever la possibilité d'effectuer une enquête publique complémentaire si, au vu des conclusions du commissaire enquêteur, des changements modifiant l'économie générale du projet semblent nécessaires (C. envir., art. L. 123-14-II N° Lexbase : L7992IMX), ou encore la possibilité de suspendre l'enquête pendant six mois après l'audition du commissaire enquêteur si des modifications substantielles sont nécessaires (C. envir., art. L. 123-14-I).

Lexbase : Des moyens coercitifs d'application efficients sont-ils prévus par les pouvoirs publics dans des domaines sensibles pouvant interagir sur certains intérêts économiques, tels que les transports (péages urbains) ou la qualité de l'air (émission de gaz à effet de serre) ?

Laurent Férignac : Le "Grenelle II" rappelle certains engagements en matière environnementale et prévoit certaines mesures coercitives.

Ainsi, l'article 68 de la loi prévoit la création de schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie. Ce schéma doit fixer "à l'échelon du territoire régional et à l'horizon 2020 et 2050" les orientations permettant de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050.

Chaque région devra adopter un tel schéma "dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur" du "Grenelle II", soit le 15 juillet 2011.

Cet engagement chiffré avait déjà été confirmé dans le "Grenelle I", à son article 2. Le "Grenelle II" vient aujourd'hui donner l'outil de mise en oeuvre de cet objectif, les collectivités territoriales et leurs groupements compétents ayant, désormais, la charge de le réaliser.

Le suivi des évolutions en matière d'émission de gaz à effet de serre sera rendu possible par la réalisation de bilans.

L'article 75 de la loi oblige les sociétés employant plus de 500 personnes, l'Etat, les collectivités territoriales et groupements de collectivités comptant plus de 50 000 habitants, ainsi que les personnes morales de droit public employant plus de 250 personnes à établir tous les trois ans un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre et une "synthèse des actions envisagées" pour les réduire.

C'est ainsi qu'un bilan de consommation énergétique sera transmis par les fournisseurs d'électricité, de gaz naturel ou de chaleur aux consommateurs finaux, accompagné de conseils visant à réduire leur consommation et d'une évaluation financière des économies éventuelles (article 79).

De même, des "certificats d'économie d'énergie", biens meubles négociables dont l'unité de compte est le "kilowattheure d'énergie finale économisé", devront être produits pour prouver le respect de l'obligation d'économie d'énergie.

Le "Grenelle II" instaure, également, un mécanisme de sanction qui existait en cas de détournement ou de mauvais emploi de ces certificats (loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, de programme fixant les orientations de la politique énergétique, art. 15 N° Lexbase : L5009HGM), sans modifier le dispositif existant en cas d'absence de production des dits certificats (article 14 de cette même loi).

Parmi les instruments financiers figure la possibilité (article 64 de la loi) d'instituer une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant de la réalisation d'infrastructures de transports collectifs en site propres au profit des autorités organisatrices de transports urbains (hors Ile-de-France, une taxe spécifique ayant, d'ores et déjà, été créée par la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010, relative au Grand Paris N° Lexbase : L4020IMT). Par ailleurs, à titre expérimental, des péages urbains pourront être institués pour une durée de 3 ans, à la demande de l'autorité en charge des transports urbains, dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants dotées d'un plan de déplacements urbains approuvé prévoyant la réalisation d'un transport collectif en site propre.

Lexbase : Pouvez-vous nous présenter les mesures emblématiques du "Grenelle II" en matière de préservation de la biodiversité, plus particulièrement la trame verte et bleue ?

Laurent Férignac : Le "Grenelle II" consacre un titre entier à la biodiversité et précise, notamment, la notion de "trame".

Le Code de l'environnement comporte désormais un article L. 371-1 (N° Lexbase : L7662IMQ) d'après lequel "la trame verte et la trame bleue ont pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural".

L'objectif de ces trames, tel qu'il est défini dans l'article L. 371-1 du Code de l'environnement, est d'assurer une continuité entre les espaces naturels. Outre la protection des habitats, envisagée par le livre IV du Code dans sa rédaction issue du "Grenelle II", le législateur a entendu contribuer à diminuer la "fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels et habitats d'espèces".

La trame verte comprend "tout ou partie des espaces protégés" au titre du livre III du Code de l'environnement (littoral, parcs et réserves), et le "patrimoine naturel" décrit par le titre 1er du livre IV du Code, "ainsi que les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité" et les corridors écologiques reliant l'ensemble de ces espaces naturels.

La trame bleue concerne, pour sa part, les cours d'eaux, canaux et zones humides.

Pour prendre en compte ces trames, un document-cadre intitulé "orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques" sera élaboré par l'Etat avec l'aide d'un Comité national trames verte et bleue. Les grandes infrastructures de l'Etat et de ses établissements publics devront être compatibles avec ce document.

Le second document-cadre est le schéma régional de cohérence écologique (SRCE). L'élaboration de ce document sera assurée par la région et l'Etat, en association avec un Comité régional trames verte et bleue.

Ce SRCE (codifié à l'article L. 371-3 du Code de l'environnement N° Lexbase : L7660IMN) devra prendre en compte les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques et comprendre une cartographie des trames. Les collectivités territoriales devront obligatoirement respecter ce document lors de l'élaboration et la révision de leurs documents d'urbanisme.

Lexbase : Plusieurs drames récents en France liés aux inondations (tempête Xynthia, inondations dans le Var) ont montré l'insuffisance des mesures de prévention en France. La transposition de la Directive (CE) 2007/60 du 23 juillet 2007, relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation (N° Lexbase : L2221H3N), par le "Grenelle II" vous semble-t-elle susceptible d'y remédier ?

Laurent Férignac : Le "Grenelle II" a effectivement introduit dans le Code de l'environnement un chapitre intitulé "Evaluation et gestion des risques d'inondation", qui vient transposer en droit interne la Directive (CE) 2007/60 du 23 juillet 2007.

La loi crée un plan de gestion des risques d'inondation (PGRI), qui, pour son élaboration, adopte la logique du bassin en tant qu'unité de gestion et d'adoption.

Ainsi, les territoires dans lesquels il existe un risque d'inondation important ayant des conséquences de portée nationale seront identifiés et scindés en bassins ou groupements de bassins pour lesquels un PGRI devra être adopté. Au niveau des territoires, des cartes des surfaces inondables et des cartes des risques d'inondation devront être arrêtées avant le 22 décembre 2013.

Enfin, adopté avant le 22 décembre 2015 et mis à jour tous les six ans, le PGRI devra comprendre des mesures concernant la surveillance, la prévision, l'information, sur les phénomènes d'inondation, mais aussi des dispositions visant à réduire la vulnérabilité des territoires face aux risques d'inondation et même, des mesures plus générales relatives à l'éducation et à la "conscience du risque".

Dans ces conditions, l'on peut penser que le "Grenelle II" apporte un début de réponse en mettant en place de véritables mesures de prévention. Toutefois, il convient de noter que le rapport du Sénat relatif à la tempête Xynthia a regretté une transposition a minima de la Directive, mentionnant, notamment, "la faiblesse du volet relatif à la réduction des conséquences d'une inondation, l'absence de distinction entre submersion marine et inondations classiques, ainsi que le flou persistant autour de la composition du plan de gestion des risques d'inondation".

Lexbase : La longueur du texte et sa complexité peuvent-elles compromettre sa bonne application dans la durée ?

Laurent Férignac : Ce texte modifie de nombreuses législations, codifiées et non codifiées, dans des domaines du droit extrêmement variés : environnement, urbanisme, droit des collectivités territoriales, fiscalité...

Le "Grenelle II" souffre de cette ambition et perd en intelligibilité. Il n'est pas le texte opérationnel que l'on aurait pu souhaiter et s'en tient bien souvent au simple "effet d'annonce".

Les renvois multiples à des décrets simples ou en Conseil d'Etat mettent à la charge du pouvoir réglementaire la lourde responsabilité de clarifier ce texte, et d'assurer son avenir, afin de faire en sorte que les outils qu'il propose soient utilisés par les collectivités territoriales.

Les entrées en vigueur différées de certaines dispositions, parfois accompagnées de mesures transitoires, font que l'entrée totale dans le droit issu du "Grenelle II" sera lente. Sans compter que les Codes de l'urbanisme et de l'environnement devraient encore changer puisque les articles 25 et 256 de la loi autorisent le Gouvernement à en modifier la partie législative par ordonnance.

Lexbase : Compte tenu de tous ces éléments, la perspective d'un "Grenelle III" évoquée par la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie vous paraît-elle réaliste ?

Laurent Férignac : Alors qu'il vient à peine d'être voté et qu'il n'est, en grande partie, pas entré en vigueur en l'absence de décrets d'application, envisager un "Grenelle III" paraît prématuré.

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Pénal

[Jurisprudence] Coup de tonnerre sur la procédure pénale : le Conseil constitutionnel déclare non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde à vue de droit commun

Réf. : Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P)

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N0999BQ3

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par Romain Ollard, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 23 Mai 2011

Un "coup de tonnerre" (1) vient de s'abattre dans le ciel déjà chargé de la procédure pénale française : le Conseil constitutionnel a, par la décision n° 2010-14/22 du 30 juillet 2010, déclaré non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde à vue de droit commun (2). Mais, à y regarder de plus près, la solution rendue par les Sages de la rue de Montpensier est peut-être moins surprenante qu'il n'y paraît au premier abord, tant au regard de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'Homme -qui pose, dans les arrêts "Salduz" (3) et "Dayanan" (4), l'exigence de l'assistance effective d'un avocat pendant la durée de la garde à vue- qu'au regard de certaines décisions des juridictions du fond qui n'hésitent plus, désormais, à déclarer le régime des gardes à vue de droit commun contraire aux principes énoncés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (5). Si la solution était toutefois prévisible, elle n'en demeure pas moins remarquable quant à sa portée. Alors que la réforme de la procédure pénale, tant attendue et tant annoncée, semblait s'enliser dans les affres d'un jeu de réformes jugées prioritaires, cette décision va contraindre les pouvoirs publics à procéder, dans un délai d'un an, à une réforme en profondeur, sinon de la procédure pénale dans sa globalité, du moins de la législation relative à la garde à vue. La réplique des pouvoirs publics n'a d'ailleurs pas tardé puisque la Garde des Sceaux a déjà fait paraître, le 7 septembre 2010, un projet de loi "tendant à limiter et à encadrer les gardes à vue", projet ambitieux, qui semble même, sur certains points, aller au-delà des exigences posées par le Conseil constitutionnel dans la présente décision (6). Quant au domaine des dispositions étudiées, le Conseil constitutionnel devait, en premier lieu, examiner la recevabilité des questions prioritaires qui lui étaient soumises au regard de l'article 23-2, 2°, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (N° Lexbase : L0276AI3) qui prévoit que, "sauf changement de circonstances", le Conseil ne peut être saisi d'une disposition législative qui a "déjà été déclarée conforme à la Constitution". Sur ce fondement, il décide, d'abord, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le régime de la garde à vue propre à la criminalité et à la délinquance organisées dès lors, d'une part, que les articles 706-73 (N° Lexbase : L8494IB9) et 63-4 (N° Lexbase : L0962DYB) du Code de procédure pénale ont déjà été déclarés conforme à la Constitution dans une décision du 2 mars 2004 (7) et, d'autre part, qu'aucun changement de circonstances en cette matière ne justifie un nouvel examen. En revanche, et alors même qu'une décision du 11 août 1993 a admis la conformité à la Constitution du régime de la garde à vue de droit commun (8), le Conseil n'en admet pas moins de réexaminer la constitutionnalité de ces dispositions au motif que, depuis lors, "certaines modifications des règles de la procédure pénale ainsi que des changements dans les conditions de sa mise en oeuvre ont conduit à un recours de plus en plus fréquent à la garde à vue et modifié l'équilibre des pouvoirs et des droits fixés par le Code de procédure pénale" (9). Plus précisément, le Conseil constate une diminution des procédures soumises à l'instruction préparatoire (moins de 3 % des affaires) au profit d'un recours accru à la garde à vue, y compris pour des infractions mineures, en sorte que cette mesure est devenue la phase principale de constitution du dossier de procédure (10). En conséquence de ces "modifications des circonstances de droit et de fait", le Conseil constitutionnel estime que le réexamen de la constitutionnalité du régime de la garde à vue de droit commun est justifié.

Or, sur le fond et en second lieu, le Conseil déclare le régime en vigueur non conforme à la Constitution au motif que "la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée" (11). Sans doute le Conseil ne remet-il pas en cause le principe même de l'institution de la garde à vue, considérant que celle-ci demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police et plus largement à la découverte de la vérité. Mais il n'en considère pas moins que les changements de circonstances de droit et de fait "doivent être accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue et assurant la protection des droits de la défense", ce qui n'est pas le cas, selon les Sages, en l'état actuel de la législation. Aussi, le législateur devra-t-il réformer, non seulement les règles relatives au recours à la garde à vue (I), mais encore et surtout celles relatives à la protection des droits de la défense (II), le Conseil estimant que la personne retenue contre sa volonté doit pouvoir bénéficier de "l'assistance effective d'un avocat" pendant la durée de la mesure.

I - L'inconstitutionnalité des règles relatives au recours à la garde à vue

Si la décision du Conseil constitutionnel constitue une avancée notable s'agissant des conditions du placement en garde à vue (A), elle peut en revanche paraître décevante quant à la question, fort controversée, du contrôle de la décision de placement en garde à vue (B).

A - Les conditions du placement en garde à vue

Le Conseil constitutionnel pointe d'abord du doigt le fait que, en l'état actuel de la législation telle qu'elle résulte des articles 63 (N° Lexbase : L7288A4P) et 77 (N° Lexbase : L8622HWA) du Code de procédure pénale, "toute personne suspectée d'avoir commis une infraction peut être placée en garde à vue [...] quelle que soit la gravité des faits qui motivent une telle mesure" (12). En d'autres termes, ce que le Conseil reproche à la législation actuelle relative au régime de la garde à vue de droit commun, c'est son domaine d'application illimité, là où la plupart de nos voisins européens subordonnent le placement en garde à vue à l'existence d'une infraction d'une certaine gravité (13). A cet égard, il faut noter que, quels que soient les projets de réforme envisagés, tous prévoient un seuil en-deçà duquel le placement en garde à vue est proscrit. Mais, si certaines propositions de lois entendent limiter le recours à la garde à vue aux délits punis d'une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement (14), le projet de loi tendant à limiter et encadrer les gardes à vue est bien moins ambitieux puisque pourront être placées en garde à vue les personnes soupçonnées d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement, la prolongation pouvant quant à elle intervenir pour les délits punis d'une peine supérieure à un an d'emprisonnement (15). Or, il est permis de se demander si ces prévisions permettront de parvenir à l'objectif affiché de "maîtriser les gardes à vue, en constante évolution depuis plusieurs années" (16), dès lors que ces dispositions n'ont en pratique pour effet que d'évincer les contraventions, tous les délits, ou presque, étant punis d'une peine d'emprisonnement.

Ce caractère exceptionnel de la garde à vue pourrait toutefois être obtenu par un autre biais, non point en exigeant un seuil de gravité des infractions pour lesquelles il est possible d'y recourir, mais en agissant sur les conditions de fond exigées pour procéder à un tel placement. En l'état actuel de la législation française, une personne ne peut être placée en garde à vue que s'il existe une ou plusieurs raisons de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, là où l'article 5 de la CESDH (N° Lexbase : L4786AQC) n'exige pas une mais plusieurs raisons plausibles de nourrir de tels soupçons. Le droit français est donc aujourd'hui en-deçà des exigences conventionnelles, tant en son état actuel que dans le projet de loi tendant à limiter et à encadrer les gardes à vue (17). Toutefois, ce dernier projet se propose de faire de l'audition libre le principe, la garde à vue ne constituant que l'exception (18). Pour ce faire, le projet s'attache à encadrer plus strictement qu'aujourd'hui le recours à la garde à vue puisqu'il prévoit qu'il ne pourra être procédé au placement en garde en vue que s'il est nécessaire de garantir le maintien de la personne à la disposition des enquêteurs, d'empêcher qu'elle ne modifie les preuves matérielles, qu'elle ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ou encore qu'elle se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices. Ce faisant, le projet viendrait briser la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt remarqué du 4 janvier 2005, a éliminé l'exigence de nécessité du placement en garde à vue, pourtant exigée par les articles 63 et 77 du Code de procédure pénale, en décidant que "la décision de placer en garde en vue [...] relève d'une faculté que l'officier de police judiciaire tient de la loi et qu'il exerce, sous le seul contrôle du Procureur de la République" (19).

Toutefois, une chose est de poser des conditions destinées à restreindre le recours à la garde à vue ; autre chose est d'organiser un contrôle effectif exercé sur les conditions du placement en garde à vue. Or, sur ce point, la décision du Conseil constitutionnel peut paraître décevante.

B - Le contrôle de la décision de placement en garde à vue

Quant à l'autorité compétente pour exercer le contrôle de la décision de placement, le Conseil constitutionnel rejette le grief tiré de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L1332A99), selon lequel le procureur de la République, sous le contrôle duquel le placement en garde à vue est décidé, ne serait pas une autorité judiciaire indépendante (20).

A l'appui d'un tel rejet, le Conseil fait d'abord valoir que "l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet". L'argument paraît cependant bien faible en ce qu'il se fonde sur un critère purement formel, tiré de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature (N° Lexbase : L4885AGZ), selon lequel le corps judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet, et non sur un critère matériel fondé sur l'indépendance des magistrats chargés de contrôler le placement en garde à vue. Or, l'on sait qu'une telle position heurte de front la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme qui a jugé, dans le fameux arrêt "Medvedyev", que le procureur de la République n'est pas une autorité judiciaire au sens de la convention dès lors qu'il lui manque l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif (21). Les magistrats du parquet souffre, en effet, d'un déficit d'indépendance à l'égard du pouvoir politique, non seulement au regard de leur soumission hiérarchique au pouvoir exécutif (22), mais encore au regard des conditions de leur nomination (23). La solution du Conseil constitutionnel est d'autant plus décevante qu'elle conforte les pouvoirs publics dans leur volonté, déjà affichée, de ne pas réformer le statut du procureur de la République, en rompant le lien hiérarchique entre parquet et pouvoir exécutif (24). En ce sens d'ailleurs, l'article 73-8 du Code de procédure pénale tel que prévu par le projet de réforme vient confirmer que le contrôle de la garde à vue reste confié au procureur de la République et ce, ajoute l'exposé des motifs du projet de loi, conformément aux exigences constitutionnelles. Mais est-on sûr qu'une telle solution soit conforme aux exigences conventionnelles ?

Le deuxième argument avancé par le Conseil constitutionnel pour écarter le grief tiré de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution consiste, ensuite, à affirmer "que l'intervention d'un magistrat du siège est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures". Mais l'argument est contradictoire avec le précédent. Car de deux choses l'une en effet. Soit, l'intervention du ministère public en tant qu'autorité judiciaire (premier argument) est suffisante comme organe de contrôle, et l'intervention postérieure d'un magistrat du siège pour la prolongation de la garde à vue devient dès lors inutile : si le ministère public est une autorité judiciaire, pourquoi prendre le soin de faire référence à l'intervention ultérieure d'un magistrat du siège ? Soit, l'intervention d'un magistrat indépendant est nécessaire au respect de la Constitution et, alors, elle devrait intervenir dès le placement en garde à vue et ce, d'autant que la Cour de Strasbourg a décidé, dans l'arrêt "Medvedyev", que si l'intervention d'un juge indépendant peut parfois être retardée, un tel retard doit être justifié concrètement par "circonstances tout à fait exceptionnelles" (25).

Mais si le Conseil constitutionnel se fonde notamment sur les dispositions relatives aux conditions du placement en garde à vue pour déclarer le dispositif légal contraire à la Constitution, c'est ensuite, et peut-être surtout, l'insuffisance des règles relatives à la "protection des droits de la défense" qui justifie sa décision d'inconstitutionnalité.

II - L'inconstitutionnalité des règles relatives à la protection des droits de la défense

Par cette décision, le Conseil constitutionnel décide que le régime de la garde à vue "ne permet pas à la personne interrogée, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat ; qu'une telle restriction aux droits de la défense est imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes" (26). Si l'exigence de "l'assistance effective d'un avocat" mérite d'être saluée, on pourrait toutefois regretter le fait que le Conseil ait limité la portée de cette exigence à la seule garde à vue de droit commun (A), à l'exclusion du régime des gardes à vue dérogatoires, propres à la criminalité organisée (B).

A - Assistance effective d'un avocat et garde à vue de droit commun

En exigeant que la personne gardée à vue bénéficie de "l'assistance effective d'un avocat", le Conseil constitutionnel se situe dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme qui avait également, dans les arrêts "Salduz contre Turquie" (27) puis surtout "Dayanan contre Turquie" (28), posé une semblable exigence en se fondant sur l'article 6 § 3 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR). L'alignement des jurisprudences est d'autant plus patent que, à l'instar de la Cour de Strasbourg, qui exige que les exceptions au principe de l'assistance d'un avocat soit justifiées par "des raisons impérieuses résultant des circonstances de l'espèce" (29), le Conseil décide que, si une restriction aux droits de la défense peut être prévue, elle ne saurait être "imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes".

Mais, la décision du Conseil constitutionnel n'en demeure pas moins incertaine quant à sa portée tant en ce qui concerne le moment de l'intervention de l'avocat qu'en ce qui concerne son rôle. Sur le premier point, l'exigence d'une "assistance effective" implique-t-elle une intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue ? La Cour européenne pose très clairement le principe en décidant que la personne doit bénéficier de l'assistance de son avocat "dès le moment de son placement en garde à vue" (30). A cet égard, le droit français actuel pourrait paraître en conformité avec cette exigence puisque l'article 63-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0962DYB) dispose que la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat "dès le début de la garde à vue". Mais c'est surtout quant au rôle assuré par l'avocat que la portée de l'exigence d'une "assistance effective" d'un avocat demeure incertaine. Ce terme, d'abord, doit-il être interprété restrictivement, comme visant uniquement l'office de défense et de conseil de la personne gardée à vue, ou au contraire largement, ainsi que le fait la Cour de Strasbourg dans l'arrêt "Dayanan", comme incluant la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention ? Le droit français est bien loin de conférer un tel rôle à l'avocat, son "assistance" se limitant à l'heure actuelle à un entretien dont la durée ne peut dépasser trente minutes. La portée de la solution peut, ensuite, apparaître incertaine dès lors qu'il existe une multitude de degrés dans l'assistance, du simple entretien préalable à l'assistance de l'avocat pendant toute la durée de la garde à vue (31). En pointant du doigt le fait que la législation actuelle "ne permet pas à la personne interrogée, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat", les Sages de la rue de Montpensier paraissent au minimum exiger la présence du conseil lors des interrogatoires. La Cour européenne des droits de l'Homme n'est, quant à elle, pas aussi affirmative sur ce point puisque l'arrêt "Dayanan" se contente de viser "la préparation des interrogatoires", et non l'assistance pendant les interrogatoires. Enfin, l'assistance effective d'un avocat implique-t-elle une communication du dossier à l'avocat, communication dont on sait qu'elle est l'une de leurs revendications principales ?

Devant tant d'incertitudes, on pourrait regretter le fait que le Conseil n'ait pas donné au législateur les clés de la réforme à venir de la garde à vue, en dégageant au moins des lignes directrices au regard des exigences constitutionnelles. Il est vrai que, ce faisant, les Sages restent cantonnés dans leur rôle, refusant de se substituer au législateur. Ce flou n'est cependant pas préjudiciable dès lors que le projet de réforme a pris le parti de retenir l'interprétation maximale, c'est-à-dire les solutions les plus favorables au respect des droits de la défense. Outre le fait que, comme en droit actuel, l'avocat pourra s'entretenir avec son client pendant trente minutes au début de la garde à vue puis au début d'une éventuelle prolongation de la mesure (32), le projet prévoit surtout que la personne gardée à vue pourra être assistée par son avocat lors des auditions et ce, dès le début de la mesure (33). Il prévoit encore un accès de l'avocat au dossier, lequel pourra désormais consulter le procès verbal de notification de placement en garde à vue ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue qui ont déjà été dressés (34). Encore faut-il noter qu'un tel accès restera la plupart du temps largement théorique, le dossier n'étant encore, à ce stade de la procédure, qu'en devenir et donc nécessairement incomplet.

Si de notables avancées dans la protection des droits de la défense au cours de la garde à vue peuvent ainsi être relevées, la question ne manquera toutefois pas de rebondir s'agissant de la nouvelle institution de "l'audition libre" prévue par un nouvel article 73-1 contenu dans le projet de loi. Ainsi que le soulève le rapport du groupe de travail sur les aspects constitutionnels et conventionnels de la réforme de la procédure pénale, "dès lors que les accusations justifiant la garde à vue et l'audition libre sont exactement les mêmes, il est difficilement compréhensible que les mêmes droits ne soient pas accordés au prévenu" (35). Cette mesure nouvelle est d'autant plus inquiétante que l'article 73-1 prévoit que l'officier de police judiciaire "reçoit le consentement de la personne à demeurer dans les locaux le temps strictement nécessaire [mais selon quels critères, sous le contrôle de quelle autorité ?] à son audition" sans que, pour autant, la personne librement auditionnée puisse bénéficier du régime protecteur de la garde à vue, notamment de l'assistance d'un avocat (36).

B - Assistance effective d'un avocat et garde à vue propre à la criminalité organisée

Le Conseil constitutionnel décide qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le régime de la garde à vue propre à la criminalité et à la délinquance organisées dès lors, d'une part, que les articles 706-73 et 63-4 du Code de procédure pénale ont déjà été déclarés conformes à la Constitution et, d'autre part, qu'aucun changement de circonstances en cette matière ne justifie un nouvel examen. Or, cette décision d'irrecevabilité des questions prioritaires relatives au régime des gardes à vue dérogatoires (37) peut paraître décevante, d'abord en ce que le dispositif actuel heurte la jurisprudence européenne selon laquelle une "restriction systématique" du droit pour le gardé à vue d'être assisté par un avocat "suffit à conclure à un manquement aux exigences de l'article 6 de la Convention" (38). Plus précisément, dans les affaires "Salduz" et "Dayanan", qui concernait d'ailleurs toutes deux des procédures exceptionnelles, la Cour européenne considère que, s'il est possible de restreindre le droit à l'assistance d'un avocat en garde à vue, "l'équité d'une procédure pénale requiert de manière générale [...] que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat" (39) et, en conséquence, que les exceptions à ce principe doivent être justifiées par "des raisons impérieuses résultant des circonstances de l'espèce" (40). Or, le droit français actuel ne se situe assurément pas dans ce cadre puisqu'il pose des exceptions générales fondées sur des catégories abstraites d'infractions identifiées d'après leur gravité, et non sur des circonstances concrètes. D'ailleurs, l'arrêt "Salduz" condamne expressément une telle méthode abstraite en précisant, au contraire, que "c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible pour les sociétés démocratiques" (41). La méthode française paraît d'autant plus contestable que le régime actuel établit une corrélation entre la gravité de l'infraction et la durée de la privation de liberté. Or, la durée de la mesure ne devrait être dictée, non par la gravité de l'infraction, mais par la complexité de l'affaire, de sorte que le temps de la garde à vue devrait correspondre au temps nécessaire pour accomplir les actes destinés à la découverte de la vérité.

Cette décision d'irrecevabilité est d'autant plus regrettable que le Conseil disposait des instruments techniques pour réexaminer la constitutionnalité de ces dispositions dérogatoires. La présente décision du Conseil constitutionnel qui décide que le respect des droits de la défense implique "l'assistance effective" d'un avocat n'aurait-elle pas pu, en effet, être considérée en elle-même comme porteuse de circonstances de droit nouvelles, d'autant que le Conseil décide que si une restriction aux droits de la défense peut être prévue, elle ne saurait être "imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier" ? Or, l'énoncé de ce principe semble irrémédiablement frapper d'inconstitutionnalité le régime des gardes à vue dérogatoires. Bien plus, la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'Homme ne pouvait-elle être considérée comme véhiculant un changement de circonstances de droit justifiant le réexamen de la constitutionnalité des dispositions dérogatoires à la garde à vue de droit commun (42) ? Alors que la Cour européenne considère que plus le chef d'inculpation est grave, plus les droits de la défense doivent être respectés, le système français actuel consacre à l'inverse le principe selon lequel plus l'affaire est grave, moins l'avocat intervient au cours de la garde à vue. Il y a fort à parier que les juridictions du fond ne manqueront pas de soulever cette inconventionnalité manifeste et que les dispositions actuelles ne tarderont pas à remonter à Strasbourg...

En guise de conclusion, il faut envisager, au-delà du contenu de l'inconstitutionnalité, ses effets. Par la présente décision, le Conseil constitutionnel décide de différer l'abrogation des dispositions relatives à la garde à vue de droit commun au 1er juillet 2011 afin de laisser le temps au législateur de réformer la matière et, surtout, de ne pas créer un vide juridique préjudiciable pour l'ordre public (43). En conséquence, les placements en garde à vue effectués avant cette date ne pourront être contestés sur le fondement de l'inconstitutionnalité prononcée. Si la solution est compréhensible dès lors qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se substituer au législateur dans la création des normes juridiques et qu'une abrogation immédiate aurait effectivement entraîné de fâcheuses conséquences dans la lutte contre la criminalité, elle n'en encourt pas moins la critique. C'est là d'abord cautionner le fait que 700 000 gardes à vue environ (44) seront réalisées dans l'année à venir sur le fondement de dispositions dont l'inconstitutionnalité a pourtant été prononcée et ce, en méconnaissance, semble-t-il, du droit à un recours juridictionnel effectif tel que consacré par l'article 6 de la CESDH puisque cette décision interdit toute contestation des gardes à vue effectuées sur le fondement de l'inconstitutionnalité prononcée (45). C'est là ensuite exposer les gardes à vue à venir tant à des recours systématiques devant la Cour européenne des droits de l'Homme qu'à des décisions d'inconventionnalité prononcées par les juridictions du fond. Dans ces conditions, espérons simplement que les pouvoirs publics n'épuisent pas le délai qui leur a été octroyé par les Sages de la rue de Montpensier pour procéder à la réforme de la garde à vue de droit commun.


(1) Le Monde, 30 juillet 2010.
(2) V. les obs. de O. Bachelet, Gaz. Pal., 5 août 2005, p. 14.
(3) CEDH, 27 novembre 2008, Req. n° 36391/02 (N° Lexbase : A3220EPX), JCP éd. G, 2009, 104, n° 7, obs. Lecloux.
(4) CEDH, 13 octobre 2009, Req. n° 7377/03 (N° Lexbase : A3221EPY), JCP éd. G, 2009, Somm. 382.
(5) Pour faire le point sur la jurisprudence des juridictions du fond en la matière, v. A. Maron, M. Hass, Tandis que les gardes à vue explosent, la garde à vue implose... , DP, mars 2010, Dossier, n° 3, p. 10, avec de nombreuses décisions en annexe.
(6) Cf. communiqué de presse du ministère de la Justice et des Libertés, du 7 septembre 2010.
(7) Cons. const., 2 mars 2004, décision n° 2004-492, loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (N° Lexbase : A3770DBA).
(8) Cons. const., 11 août 1993, décision n° 93-326, loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du Code de procédure pénale (N° Lexbase : A8286ACU).
(9) Considérant n° 15.
(10) Considérant n° 16.
(11) Considérant n° 29.
(12) Considérant n° 27.
(13) Ainsi, en Allemagne, la mesure est-elle exclue lorsque la peine édictée pour l'infraction considérée est inférieure à six mois d'emprisonnement, de même que, en Espagne, elle est en principe exclue pour les infractions punies de moins de cinq ans d'emprisonnement (Sénat, Législation comparée, n° 204, La garde à vue, 31 décembre 2009).
(14) Propositions de lois n° 2356 et n° 2406 déposées le 24 février 2010 à la présidence de l'Assemblée nationale, et n° 286, enregistrée à la présidence du Sénat.
(15) Art. 73-4.
(16) Exposé des motifs du projet de loi tendant à limiter et à encadrer les gardes à vue.
(17) Art. 73-4. On notera, toutefois, par contraste, que l'article 73-1 du même projet de loi exige, pour l'audition libre, qu'il existe plusieurs raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction, ce qui peut paraître incohérent car la critère du placement en garde à vue serait plus souple que celui de l'audition libre.
(18) Art. 73-1 du projet de loi tendant à limiter et à encadrer la garde à vue : "toute personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, présumée innocente, demeure libre lors de son audition par les enquêteurs".
(19) Cass. crim. 4 janvier 2005, n° 04-84.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A0950DGB), Bull. crim. n° 3 ; JCP éd. G, 2005, II, 10176, note Ph. Conte ; DP, 2005, comm. 49. V. toutefois contra, Cass. civ. 1, 25 novembre 2009, n° 08-20.294, F-D (N° Lexbase : A1611EPD), DP, 2010, comm. 11, qui décide que "c'est seulement pour les nécessités de l'enquête que l'article 63 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7288A4P) prévoit qu'un officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue".
(20) Considérant n° 28.
(21) CEDH, gde ch., 29 mars 2010, Req. n° 3394/03 (N° Lexbase : A2353EUP), § 124. Adde, CEDH 10 juillet 2008 (5ème section) (N° Lexbase : A5462D98), D., 2009, J. 600, note J.-F. Renucci.
(22) V. art. 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ; C. proc. pén., art. 30 (N° Lexbase : L0948DYR).
(23) Les magistrats du parquet sont nommés par le ministre de la Justice après consultation du Conseil supérieur de la magistrature (loi n° 93-952 du 27 juillet 1993 N° Lexbase : L8554IEK). Mais, si l'usage voulait que le Garde des Sceaux suive systématiquement l'avis du Conseil, la tendance s'est aujourd'hui inversée (v. Rapport d'activité annuel du CSM, 2007).
(24) V. en ce sens, les propos du Ministre de la justice (QE n° 34204 de Mme Bousquet Danielle, JOANQ 4 novembre 2008 p. 9472, Justice, réponse publ. 10 mars 2009 p. 2372 N° Lexbase : L2663IED) ainsi que le Rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale, remis le 1er septembre 2009 au Président de la République et au Premier ministre, sur lequel lire nos obs., Projet de réforme de la procédure pénale : présentation du rapport définitif du comité de réflexion sur la justice pénale, Lexbase Hebdo n° 367 du 15 octobre 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0886BMR).
(25) § 130.
(26) Considérant n° 28.
(27) CEDH, 27 novembre 2008, préc..
(28) CEDH, 13 octobre 2009, préc..
(29) CEDH, 27 novembre 2008, préc., § 35 ; CEDH, 13 octobre 2009, préc., § 30 et 31.
(30) CEDH, 13 octobre 2009, préc..
(31) Si cette dernière interprétation devait prévaloir, elle ne manquerait pas de soulever de délicats problèmes pratiques pour les petits barreaux qui devraient organiser des permanences mais aussi pour les avocats vivant de l'aide juridictionnelle.
(32) Art. 73-18.
(33) Art. 77-19. Ce même texte prévoit, toutefois, que l'officier de police judiciaire pourra, s'il estime que les nécessités de l'enquête justifient qu'il ne soit pas fait droit à cette demande, saisir le procureur de la République, lequel pourra décider, en raison des circonstances particulières, de différer la présence de l'avocat jusqu'à la douzième heure de la mesure.
(34) Art. 73-18.
(35) Rapport du groupe de travail sur les aspects constitutionnels et conventionnels de la réforme de la procédure pénale, § 30.
(36) A cet égard, l'avant-projet gouvernemental de réforme du Code de procédure pénale (cf. AJ pénal, 2010, p. 174), qui prévoyait que l'audition libre pourrait durer quatre heures au plus, pouvait paraître préférable.
(37) En matière de délinquance et de criminalité organisées, de terrorisme et de trafic de stupéfiants, l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue est systématiquement repoussée à l'issue de la quarante-huitième heure, parfois même de la soixante-douzième heure (C. proc. pén., art. 63-4, al. 7).
(38) CEDH, 13 octobre 2009, préc., § 33.
(39) CEDH, 13 octobre 2009, préc., § 30 et 31.
(40) CEDH, 27 novembre 2008, préc., § 35.
(41) CEDH, 13 octobre 2009, § 55.
(42) Il serait, toutefois, possible de se demander s'il ne s'agit pas là davantage d'un changement de circonstances nouvelles de fait dès lors que les décisions de la Cour européenne ne sont revêtues ni de l'autorité de la chose jugée ni de celle de la chose interprétée, ce qui n'aurait cependant aucune incidence sur la possibilité pour le Conseil de réexaminer les dispositions litigieuses puisque l'article 23-2, 2° de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, vise le "changement de circonstances", et non seulement le changement de circonstances de droit.
(43) Considérant n° 30.
(44) Nombre de gardes à vue effectuées au cours de l'année 2009.
(45) En ce sens, P. Cassia, Les gardes à vue particulières ne sont plus conformes à la Constitution, D., 2010, p. 1949.

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Licenciement

[Jurisprudence] L'interdiction de prendre des mesures préparatoires au licenciement d'une salariée en congé maternité

Réf. : Cass. soc., 15 septembre 2010, n° 08-43.299, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5751E9U)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Pendant la période de suspension de son contrat de travail à laquelle elle peut prétendre au titre du congé maternité, une salariée ne peut faire l'objet d'une mesure de licenciement. Une telle interdiction exclut, au premier chef, qu'un licenciement soit notifié ou prenne effet durant cette période, quand bien même il trouverait sa cause dans la faute grave de la salariée ou dans l'impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail. Mais la prohibition de licencier a un champ d'application plus large. Ainsi que le décide la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 septembre 2010, qui aura les honneurs de son rapport annuel, elle interdit également que l'employeur prenne, pendant ce même congé maternité, des mesures préparatoires au licenciement. Cette solution bienvenue, qui avait été retenue antérieurement, par la CJCE, ne paraît cependant pas pouvoir être étendue aux cas exceptionnels dans lequel l'employeur est autorisé à rompre le contrat de travail de la salariée.
Résumé

Les juges se doivent de vérifier si l'engagement d'un salarié durant le congé de maternité d'une salariée n'a pas pour objet de pourvoir à son remplacement définitif, de sorte qu'il caractérise une mesure préparatoire à son licenciement.

Observations

I - L'interdiction de licencier

Rappel des règles légales. L'alinéa 1er de l'article L. 1225-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0854H9I) fait interdiction à l'employeur de rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé maternité, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Cette interdiction de licencier n'est cependant pas totale. En application de l'alinéa second de ce même texte, l'employeur est, en effet, en droit de procéder à la rupture du contrat de la salariée s'il est en mesure de justifier d'une faute grave, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ces deux hypothèses toutefois la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.

Dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt sous examen était seulement en cause l'alinéa 1er de l'article L. 1225-4 et plus spécifiquement une interrogation sur le champ d'application de l'interdiction de licencier.

Difficulté posée par l'espèce. En l'espèce, une salariée engagée en qualité de contrôleur de gestion en décembre 2003, avait été placée en arrêt maladie à compter du 1er août 2005, puis en congé de maternité du 15 août au 3 décembre de la même année. Ayant bénéficié de congés annuels entre le 5 et 30 décembre 2005, elle avait repris ses fonctions le 2 janvier 2006. Le 4 janvier suivant, elle était convoquée à un entretien préalable à son licenciement, notifié pour insuffisance professionnelle le 27 janvier 2006. La salariée a alors saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir prononcer la nullité de la rupture et se voir accorder des dommages-intérêts.

Pour débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt attaqué a retenu que le seul fait qu'un éventuel licenciement ait pu être évoqué à l'occasion de la réunion du 18 décembre 2005 avec le directeur des ressources humaines de la société, ne peut valoir licenciement verbal ni même manoeuvre préparatoire. En outre, la présence du nom de son remplaçant dans l'organigramme de la société pendant son congé de maternité ne peut faire davantage la preuve de cette rupture.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation au visa de l'article L. 1225-4 interprété à la lumière de l'article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992 (N° Lexbase : L7504AUH). Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, "en se déterminant ainsi, sans vérifier comme elle y était invitée, si l'engagement d'un salarié durant le congé de maternité de l'intéressée n'avait pas eu pour objet de pourvoir à son remplacement définitif, de sorte qu'il caractérisait une mesure préparatoire à son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".

Ce faisant, la Cour de cassation étend l'interdiction posée par l'article L. 1225-4 aux mesures préparatoires au licenciement, ce qui doit être pleinement approuvé.

II - L'interdiction des mesures préparatoires au licenciement

Fondements de la solution. Si, ainsi que nous le verrons ci-après, la solution retenue pouvait s'inférer des dispositions de l'article L. 1225-4, on ne saurait dire qu'elle y est clairement énoncée. Elle n'apparaît pas plus de manière évidente dans l'article 10 de la Directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 qui se borne à indiquer, "qu'en vue de garantir aux travailleuses [...] l'exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus dans le présent article, il est prévu que : 1) les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses, au sens de l'article 2, pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu'au terme du congé de maternité visé à l'article 8, paragraphe 1, sauf dans les cas d'exception non liés à leur état, admis par les législations et/ou pratiques nationales et, le cas échéant, pour autant que l'autorité compétente ait donné son accord".

En revanche, dans un arrêt rendu le 11 octobre 2007, la CJCE a considéré qu'"eu égard aux objectifs poursuivis par son article 10, il convient de relever que l'interdiction de licenciement de la femme enceinte, accouchée et allaitante pendant la période de protection ne se limite pas à la notification de la décision de licenciement. La protection accordée par cette disposition auxdites travailleuses exclut tant la prise d'une décision de licenciement que l'adoption de préparatifs de licenciement, tels que la recherche et la prévision d'un remplacement définitif de l'employée concernée en raison de la grossesse et/ou de la naissance d'un enfant" (consid. 33) (1).

On aura compris, à la seule lecture de ce considérant, que l'arrêt sous examen donne simplement l'occasion à la Cour de cassation de se ranger à l'opinion de la CJCE. Il convient de s'en féliciter. Ramener l'interdiction de licencier à la seule notification du licenciement pendant la grossesse ou le congé maternité aurait été grandement contestable. L'interdiction précitée n'a pas seulement pour but de garantir à la salariée qu'elle ne perdra pas son emploi en raison de sa grossesse ou de son congé maternité. Elle concourt aussi à protéger sa sécurité et sa santé en lui évitant tous soucis quant à son avenir professionnel. Quel peut être l'état d'esprit d'une salariée en congé maternité qui, sans être effectivement, licenciée constate que son remplaçant a d'ores et déjà été engagé ?

On ajoutera que, selon nous, la solution pouvait se déduire de l'article L. 1225-4 du Code du travail (2). En effet, alors que le second alinéa vise la prise d'effet et la notification du licenciement, le premier indique seulement que l'employeur "ne peut rompre le contrat de travail". Cette rupture implique par hypothèse une décision de l'employeur précédant sa notification et, de façon générale, son extériorisation. Or cette dernière peut prendre diverses formes. Evidente en cas de convocation à un entretien préalable, elle peut, ainsi qu'en témoignent l'arrêt sous examen et celui précité de la CJCE, découler de certaines circonstances. Il en va ainsi lorsque l'employeur pourvoit au remplacement définitif de la salariée en congé maternité (3), voire prépare celui-ci en faisant paraître des offres d'emploi en ce sens (4).

Portée de la solution. Il faut désormais tenir pour acquis que non seulement l'employeur ne peut pas notifier un licenciement à une salariée en état de grossesse ou en congé maternité, mais il ne peut pas non plus "préparer" son licenciement pendant cette période, remettant simplement sa mise en oeuvre à son terme.

Il convient, à cet égard, de rappeler que la Cour de cassation a récemment décidé que pendant les quatre semaines suivant l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail, le licenciement pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement est possible (5). Or, en l'espèce, l'entretien préalable avait été organisé pendant le congé maternité de la salariée ; ce qui, à l'évidence, caractérisait un acte préparatoire au licenciement. Faut-il par suite considérer que la solution retenue dans l'arrêt sous examen condamne celle-ci ?

Au regard de notre législation, cela paraît difficile. En effet, et ainsi qu'il a été relevé précédemment, l'alinéa second de l'article L. 1225-4 interdit de notifier le licenciement pendant le congé maternité non de le "décider" et de le "préparer". En revanche, la jurisprudence communautaire et l'objectif d'assurer la protection de la santé et de la sécurité de la salariée pourrait laisser à penser que le congé de maternité doit être définitivement "sanctuarisé" (6).


(1) CJCE, 11 octobre 2007, aff. C-460/06 (N° Lexbase : A7181DYM).
(2) Il aurait sans doute été également possible, dans semblable espèce, de faire application du principe selon lequel la fraude corrompt tout. N'est-il pas au demeurant curieux qu'un employeur attende le retour d'une salariée de congé maternité pour la licencier pour insuffisance professionnelle ?
(3) Ce qui n'est pas avéré dans l'affaire en cause. Cela ne remet évidemment nullement en cause la faculté pour un employeur de faire appel à un salarié en contrat à durée déterminée ou à un travailleur intérimaire pour remplacer la salariée absente.
(4) V. à cet égard, l'arrêt préc. de la CJCE.
(5) Cass. soc., 17 février 2010, n° 06-41.392, F-P+B (N° Lexbase : A0348ESP). Lire Ch. Radé, L'employeur peut anticiper la fin du congé de maternité et convoquer la salariée à l'entretien préalable à son licenciement pour faute grave, Lexbase Hebdo n0385 du 4 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4668BN9).
(6) V. en ce sens, Ch. Radé, op. cit..

Décision

Cass. soc., 15 septembre 2010, n° 08-43.299, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5751E9U)

Cassation, CA Angers (chambre sociale), 13 mai 2008

Texte visé : C. trav., art. L.1225-4 (N° Lexbase : L0854H9I) interprété à la lumière de l'article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992

Mots-clefs : maternité, congé de maternité, interdiction de licencier, portée, interdiction des mesures préparatoires au licenciement.

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Fiscalité internationale

[Jurisprudence] Les organismes à but non lucratif étrangers ne peuvent pas être soumis au prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 5 juillet 2010, n° 309693, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1319E4M)

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par Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat

Le 07 Octobre 2010

Par une décision du 5 juillet 2010, le Conseil d'Etat a jugé que le prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI (N° Lexbase : L0138IKC) était contraire à la clause de non-discrimination selon la nationalité contenue dans la Convention fiscale franco-hellénique (N° Lexbase : L6697BHI), dès lors qu'il conduisait à imposer une personne morale de droit public étrangère alors qu'une telle personne morale eût échappé à ce prélèvement. Cette solution confirme explicitement la solution retenue par la cour administrative d'appel de Paris, à propos des organismes à but non lucratif, en l'espèce les fonds de pension néerlandais (CAA Paris, 5ème ch., 6 décembre 2007, n° 06PA03370 N° Lexbase : A9469D34, RJF, 4/2008, n° 409, chronique S. Austry ; le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par le Conseil d'Etat : CE (NA), 27 octobre 2008, n° 313135, RJF, 2/2009, n° 113). La solution ainsi retenue à propos du prélèvement prévu à l'article 244 bis A CGI souligne par ailleurs la singularité de la solution retenue à propos du prélèvement prévu à l'article 244 bis CGI (N° Lexbase : L3369IGU). 1. La confirmation du caractère discriminatoire selon la nationalité de la règle générale d'imposition prévue par l'article 244 bis A du CGI

Les dispositions de l'article 244 bis A concernent les plus-values immobilières qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article 35 du CGI (N° Lexbase : L1129HLE), c'est-à-dire qui ne relèvent pas de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Les plus-values immobilières relevant des bénéfices industriels et commerciaux sont, en effet, concernées par l'article 244 bis qui institue un prélèvement de 50 % pour les contribuables ou les sociétés qui n'ont pas d'établissement en France.

L'article 244 bis A du CGI pose une règle générale d'imposition et une exception à cette règle. Selon la règle générale (pour l'exception, cf. infra), "les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B (N° Lexbase : L1010HLY)" et les "personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit leur forme, dont le siège social est situé hors de France" sont soumises "à un prélèvement d'un tiers sur les plus-values résultant de la cession d'immeubles, de droits immobiliers ou d'actions et parts de sociétés non cotées en bourse dont l'actif est constitué principalement par de tels biens et droits". Le caractère discriminatoire (selon la nationalité) de cette imposition a d'abord été reconnu par la jurisprudence à l'égard des personnes physiques.

La décision "Benmiloud" a ainsi jugé que la clause de non-discrimination contenue dans la Convention fiscale franco-algérienne du 2 octobre 1968 faisait obstacle à ce qu'un ressortissant algérien domicilié hors de France fût assujetti au prélèvement institué par l'article 244 bis A sur la plus-value qu'il avait réalisée à l'occasion de la cession d'une résidence en France, dès lors qu'un ressortissant français domicilié hors de France et ayant effectué une opération immobilière identique eût été, compte tenu des dispositions de l'article 150 C-I-b (N° Lexbase : L2347HLI), exonéré de ce prélèvement (CE Contentieux, 30 décembre 1996, n° 128611 N° Lexbase : A2104APM, RJF, 1997, n° 158 : solution confirmant celle retenue par le tribunal administratif de Nice à propos de la Convention franco-belge N° Lexbase : L6668BHG -TA Nice 3 août 1988, RJF, 1989, n° 54-).

La détermination de la nationalité des personnes morales est moins évidente que la détermination de la nationalité des personnes physiques. Selon la jurisprudence, la nationalité résulte en principe de la localisation du siège réel de la personne morale, défini comme le siège de la direction effective et présumé par le siège social ou statutaire (CE 3 avril 1984, RJF, 1984, n° 452 ; Ass. plén., 21 décembre 1990, n° 88-15.744 N° Lexbase : A9548ATS, RJF, 1991, n° 106 : à propos, précisément de la notion de rattachement à un Etat au sens de l'article 26 de la Convention fiscale franco-suisse de 1966 N° Lexbase : L6752BHK ; cf., adoptant la même solution au sujet de la même convention fiscale, CE Contentieux, 17 janvier 1996, n° 120646 N° Lexbase : A7084ANP, RJF, 1996, n° 322 : le CE précise que, "s'agissant des personnes morales constituées conformément à la législation suisse", la localisation hors de France de leur siège de direction effective ne se distingue pas de leur nationalité).

Dans l'espèce jugée par le Conseil d'Etat le 5 juillet 2010, la personne morale en cause, la Pinacothèque d'Athènes, était une personne morale de droit public sans but lucratif constituée selon la loi grecque et régie par elle, dont le siège était situé à Athènes et qui gérait dans cette ville un musée : il s'agissait donc d'une personne morale de nationalité grecque. La Pinacothèque d'Athènes avait cédé, le 5 septembre 1994, la propriété de la moitié indivise d'un immeuble, situé rue René Boulanger dans le dixième arrondissement de Paris, qui lui avait été léguée en 1946. Elle avait acquitté à cette occasion le prélèvement d'un tiers sur la plus-value résultant de la cession, prévu par les dispositions de l'article 244 bis A du CGI. Elle avait, ensuite, demandé sans succès la restitution de l'excédent du prélèvement sur l'impôt sur les sociétés, l'article 244 bis A du CGI disposant, en effet, que le prélèvement du tiers "s'impute, le cas échéant, sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable à raison de cette plus-value au titre de l'année de sa réalisation". Par la décision du 5 juillet 2010, le Conseil d'Etat a censuré l'arrêt du 25 mai 2007 par lequel la cour administrative de Paris, qui n'avait pas encore fait évoluer sa jurisprudence comme elle le ferait ensuite avec son arrêt "Fondation Stichting Unilever" -CAA Paris, 5ème ch., 6 décembre 2007, n° 06PA03370-) avait confirmé le bien-fondé du refus du restitution.

2. Les personnes publiques étrangères peuvent se prévaloir de la clause de non-discrimination conventionnelle pour faire échec à l'application de l'article 244 bis A du CGI

La décision du 5 juillet 2010 confirme qu'une personne publique étrangère exonérée d'impôts à raison des revenus qu'elle réalise peut être considérée comme "assujettie" à l'impôt. Cette solution s'inscrit ainsi dans le droit fil de la pratique internationale dominante. Elle est, également, dans la continuité d'une jurisprudence fiscale interne qui tend à reconnaître que la qualité de résident fiscal n'exige pas un assujettissement effectif à l'impôt (CAA Lyon, 10 juillet 1992, n° 90LY00183 N° Lexbase : A2792A8W, RJF, 1 /93, n° 2 ; CAA Paris, 2ème ch., 8 octobre1991, n° 90PA00296, publié au Recueil Lebon N° Lexbase : A8992A8K, RJF, 5/92, n° 587, et concl. Mme C. Martin, Dr. Fiscal, 28/92, c. 1348). Relevons, cependant, que certains Etats adoptent une position inverse et refusent de traiter -sauf convention contraire- les organismes non lucratifs comme des entités résidentes (cf. § 8-3 des commentaires du modèle de Convention OCDE sous l'article 4 § 1). Autrement dit, la solution dégagée dans la décision "Pinacothèque d'Athènes" ne vaut que pour les entités étrangères agissant en France. Elle ne peut être transposée au cas inverse que sous la réserve tenant à la position prise par l'Etat étranger concerné quant à l'applicabilité des conventions aux organismes à but non lucratif.

Dans la décision du 5 juillet 2010, le Conseil d'Etat a considéré que la soumission d'une personne publique de "nationalité grecque" au prélèvement de l'article 244 bis A CGI était contraire à la clause de non-discrimination selon la nationalité incluse dans l'article 22 de la Convention fiscale franco-hellénique du 21 août 1963. Selon cette décision, l'application des dispositions de l'article 244 bis A du CGI à une "personne morale de droit public grec ne poursuivant pas un but lucratif a pour effet de soumettre celle-ci, en raison de sa nationalité, à une imposition autre ou plus lourde que celle à laquelle aurait été assujetti un établissement public français sans but lucratif qui aurait réalisé la même opération imposable et méconnaît ainsi la clause de non-discrimination". En conséquence, après avoir cassé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui avait jugé le contraire, le Conseil d'Etat a considéré que la Pinacothèque d'Athènes était fondée à demander la restitution du prélèvement du tiers qu'elle avait acquitté à raison de la plus-value immobilière qu'elle avait réalisée en 1994.

La décision "Pinacothèque d'Athènes" confirme la solution retenue par la cour administrative d'appel de Paris dans son arrêt "Fondation Stichting Unilever" (CAA Paris, 5ème ch., 6 décembre 2007, n° 06PA03370, supra). La cour a, en effet, jugé qu'en disposant que le prélèvement qu'il instituait s'appliquait aux personnes morales ou organismes dont le siège social était situé hors de France, l'article 244 bis A CGI instaurait une différence de traitement fondée sur le lieu du siège social de ceux-ci et donc sur leur nationalité. Reconnaissant, ainsi, le caractère discriminatoire du prélèvement en cause à l'égard des personnes morales, la cour a jugé qu'une fondation de droit néerlandais ayant cédé les droits sociaux qu'elle détenait dans une société française à prépondérance immobilière était fondée à soutenir qu'en lui appliquant les dispositions de l'article 244 bis A, l'administration l'avait soumise, en raison de sa nationalité, à une imposition autre ou plus lourde que celle à laquelle eût été assujettie une institution française gérant un régime de retraite et de prévoyance qui eût réalisé la même opération imposable et avait, ainsi, méconnu la clause de non-discrimination prévue par les stipulations de l'article 25 de la Convention franco-néerlandaise du 16 mars 1973 (N° Lexbase : L6735BHW). Une telle fondation a en effet été qualifiée, par la cour, d'organisme à but non lucratif de nationalité étrangère : or, un tel organisme de nationalité française n'est pas soumis au prélèvement de l'article 244 bis A CGI.

Enfin, soulignons que la solution retenue par la décision du 5 juillet 2010 à propos des personnes publiques "communautaires" a, probablement, vocation à s'appliquer aux personnes publiques ayant leur "siège" hors de l'Union européenne, dès lors que la convention fiscale bilatérale conclue entre la France et l'Etat tiers en cause comporte une clause de non discrimination selon la nationalité. A cet égard, un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, du 16 octobre 2008 (CAA Paris, 9ème ch., 16 octobre 2008, n° 07PA01366 N° Lexbase : A0838ECZ, RJF, 2009, n° 482), a ainsi jugé que la clause de non-discrimination selon la nationalité contenue dans la Convention fiscale franco-suisse faisait obstacle à ce qu'une société de nationalité suisse fût soumise en France au prélèvement prévu à l'article 244 bis A CGI.

3. La solution retenue en ce qui concerne le prélèvement de l'article 244 bis A du CGI n'appelle-t-elle pas une révision de la solution retenue en ce qui concerne le prélèvement de l'article 244 du CGI ?

Les dispositions de l'article 244 bis du CGI ont établi un prélèvement de 50 % sur les profits mentionnés à l'article 35 du CGI et réalisés par les personnes physiques ou morales n'ayant pas d'établissement en France. Le Conseil d'Etat a considéré, à cet égard, qu'il résultait de ces dispositions qu'étaient soumises au prélèvement qu'elles instituaient les personnes morales qui ne disposaient pas en France d'un établissement auquel eussent été rattachés les immeubles faisant l'objet de leur activité de négoce immobilier ou de construction et dont la cession était à l'origine du profit immobilier imposable (CE 3° et 5° s-s-r., 15 décembre 2004, n° 257337 N° Lexbase : A4512DET, RJF, 2005, n° 261). Le Conseil en a conclu que la différence de traitement qu'instauraient ces dispositions n'était pas fondée, s'agissant des personnes morales, sur le lieu de leur siège social, qui détermine leur nationalité, mais sur celui de l'établissement auquel se rattachait l'activité immobilière exercée, qu'il s'agît de l'établissement en France d'une société étrangère ou de l'établissement à l'étranger d'une société française. Le Conseil d'Etat a, ainsi, cassé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 4ème ch., 11 mars 2003, n° 99MA00232 N° Lexbase : A6008C9E) qui avait jugé que l'application du prélèvement institué par l'article 244 bis du CGI, sur les profits immobiliers réalisés en France par une société suisse dont le siège social était à Genève, et qui ne disposait pas en France d'un établissement stable auquel eussent été rattachés les immeubles objet de son activité, avait eu pour effet de soumettre cette société, en raison de sa nationalité, à une imposition plus lourde que celle à laquelle une société française eût été assujettie. Ce raisonnement, qui repose sur une distinction entre siège social (déterminant la nationalité de la société) et établissement vaut également pour la retenue à la source prévue par l'article 182 B CGI (N° Lexbase : L0068IKQ) : l'application de cette retenue en fonction de la détention d'une installation professionnelle permanente en France ne méconnaît pas la clause conventionnelle de non-discrimination selon la nationalité puisque cette installation ne se confond pas avec le siège social de l'entreprise (CE 9° et 10° s-s-r., 28 mars 2008, n° 281405 N° Lexbase : A5927D7N, RJF, 2008, n° 714). Il est vrai qu'une entreprise française peut par exemple ne pas avoir d'activité professionnelle en France (CE 20 juin 1953, n° 77693, RO, p. 282 ; CE Contentieux, 29 juin 1981, n° 16095 N° Lexbase : A5760AKK, RJF, 1981, n° 857).

Au regard du principe conventionnel de non-discrimination selon la nationalité et du principe communautaire de liberté de circulation des capitaux, le prélèvement de 50 % prévu à l'article 244 bis et le prélèvement du tiers prévu à l'article 244 bis A se voient, donc, appliquer un régime différent et même contraire : en effet, contrairement au second, le premier ne peut contrevenir à ces deux principes puisque, selon le Conseil d'Etat, il ne comporte aucune discrimination selon la nationalité. Or, cette différence de régime résulte d'une interprétation particulièrement constructive du prélèvement de 50 % prévu à l'article 244 bis, au point que l'on peut se demander s'il ne serait pas souhaitable et opportun d'aligner son régime sur celui du prélèvement du tiers prévu à l'article 244 bis A. En effet, s'il est vrai que le critère d'application du prélèvement de 50 % est la détention d'un établissement en France et non la nationalité (c'est-à-dire, pour une personne morale, le lieu du siège social), il n'en demeure pas moins qu'une société française échappera toujours au prélèvement de 50 %, dès lors que, si elle est française, elle a son siège en France, et que ce siège constitue un établissement sur le territoire national (selon le modèle de convention OCDE, article 5.2, et la plupart des conventions fiscales, le siège de direction constitue un établissement stable). La société sera donc, pour les profits en cause, taxée, selon les cas, à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu, alors qu'une société étrangère ne pourra échapper à l'impôt que si elle dispose d'un établissement en France, ce qui n'est bien sûr pas toujours le cas. En bref, comme il en est en ce qui concerne l'application du prélèvement du tiers prévu à l'article 244 bis A, les sociétés françaises échapperont toujours à l'application du prélèvement de 50 % prévu à l'article 244 bis. Certes, à l'inverse, ce ne sont pas toutes les sociétés étrangères qui se verront appliquer le prélèvement de 50 %, puisque celles d'entre elles qui disposent d'un établissement en France pourront y échapper. Toutefois, il faut rappeler ici que le prélèvement du tiers ne s'applique pas non plus à toutes les sociétés étrangères puisque peuvent y échapper celles d'entre elles qui détiennent des immeubles affectés à une activité économique en France. Or, dans l'arrêt précité du 16 octobre 2008, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que cette possibilité d'exonération du prélèvement du tiers n'enlevait rien au caractère en principe discriminatoire de ce prélèvement. Autrement dit, ce n'est pas parce que certaines sociétés étrangères pourront y échapper qu'il perd ce caractère discriminatoire, ce caractère résultant essentiellement de la différence de traitement effective entre sociétés françaises et sociétés étrangères.

Au total, et puisque le Conseil d'Etat s'est refusé à assimiler à une société française l'établissement en France d'une société étrangère (solution que lui avait proposée son commissaire du Gouvernement, en s'inspirant d'une décision de Plénière fiscale du 19 décembre 1975 -CE 9°, 7° et 8° s-s-r., 19 décembre 1975, n° 86880 N° Lexbase : A3447B88, RJF, 1976, n° 77-), la solution retenue par la décision du 15 décembre 2004 est contestable en ce qu'elle ferme les yeux sur une différence de traitement entre sociétés étrangères et sociétés françaises. A cet égard, si les dispositions de l'article 244 bis du CGI, contrairement à celles de l'article 244 bis A du CGI, ne comportent pas de référence explicite à la nationalité des personnes morales, et si l'on peut donc à la rigueur soutenir qu'elle n'ont pas un objet discriminatoire, elles ont cependant, de toute évidence, un effet discriminatoire. Le constat de cet effet devrait selon nous suffire à caractériser la violation du principe conventionnel de non-discrimination selon la nationalité et du principe communautaire de liberté de circulation des capitaux.

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Protection sociale

[Jurisprudence] Réforme des retraites et gestion des inégalités de genre (à propos de la Délibération Halde n° 2010-202 du 13 septembre 2010)

Réf. : Délibération Halde n° 2010-202 du 13 septembre 2010, relative à la question des inégalités de genre en matière de retraite (N° Lexbase : X7827AGY)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

Le 07 Octobre 2010

Le projet de loi portant réforme des retraites a été présenté en Conseil des ministres du 13 juillet 2010. Le projet (adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites, n° 713, déposé le 15 septembre 2010, première lecture devant le Sénat depuis le 15 septembre 2010) (1) prévoit le relèvement de l'âge légal à 62 ans d'ici à 2018, contre 60 ans aujourd'hui. Un recul qui se fera progressivement, à raison de quatre mois par an selon l'année de naissance : ceux qui sont nés après le 1er juillet 1951 pourront prendre leur retraite à compter de 60 ans et quatre mois, ceux qui sont nés en 1952 pourront la prendre à 60 ans et huit mois, etc.. L'âge de la retraite sera progressivement augmenté de quatre mois par an dans l'ensemble des régimes de retraite, pour atteindre 62 ans en 2018. L'âge du taux plein sera également relevé progressivement de deux ans dans le secteur privé. Les régimes spéciaux seront, par ailleurs, réformés pour se voir appliquer l'augmentation de l'âge de la retraite à compter de 2017. Le projet de réforme entend améliorer les mécanismes de solidarité, notamment à l'égard des femmes. Les indemnités journalières que perçoivent les femmes au cours de leur congé de maternité seront prises en compte dans le salaire de l'année de leur accouchement pour que ce congé ne fasse plus baisser leur retraite. La Halde s'est saisie d'office de la question des inégalités de genre en matière de retraite. La Halde, confrontée aux situations d'inégalités et de discriminations rencontrées par les femmes, a souhaité, à l'occasion du projet de loi sur les retraites, alerter sur les effets que cette réforme, en l'état, pourrait induire sur la situation des femmes. Avant d'examiner les propositions pour lutter contre les discriminations femmes/hommes (notamment celles formulées par la Halde) (III), il est nécessaire de faire un état des lieux discriminations femmes/hommes dans le champ des assurances vieillesse (I) et de faire le point sur les instruments juridiques destinés à infléchir/interdire/sanctionner de telles discriminations (II).
Résumé

La délibération de la Halde a pour objectifs de rendre effective la loi sur l'égalité professionnelle (loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 N° Lexbase : L7076ASU), réduire les causes structurelles des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, lutter contre les discriminations, lutter contre le temps partiel subi, développer des modes d'accueil des jeunes enfants.

La Halde propose de :

- permettre aux personnes à temps partiel de cotiser sur la base d'un temps complet avec participation de l'employeur ;

- prendre en compte les 100 meilleurs trimestres et non les 25 meilleures années pour la détermination du montant de la pension ;

- ouvrir le droit au versement de la pension de réversion au partenaire pacsé survivant ;

- maintenir à 65 ans l'âge de départ à la retraite à taux plein pour les personnes ayant pris un congé parental ou pour soins apportés à un enfant ou un parent malade ;

- favoriser et rééquilibrer l'accès au congé parental ;

- intégrer les indemnités journalières versées pendant le congé maternité dans le calcul du montant de la pension.

I - Discriminations femmes/hommes dans le champ des assurances vieillesse : état des lieux

Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a constaté dans son rapport publié en 2008 (2), des écarts significatifs entre les femmes et les hommes en matière de retraite. Ces données sont confirmées par de nombreux travaux (les gender studies et autres travaux) (3).

A - La situation des femmes sur le marché du travail

Le COR (rapport 2008, préc.) (4) relève que l'activité féminine progresse depuis la fin des années soixante : en 1970, une femme sur deux en âge de travailler était active ; en 2008, c'est le cas de deux femmes sur trois âgées de 15 à 64 ans et de trois femmes sur quatre âgées de 25 à 59 ans. L'inactivité féminine s'est transformée au fil des générations. Il est de plus en plus rare qu'une femme n'entre jamais sur le marché du travail : elles ne sont plus que 5 % dans ce cas parmi les femmes nées vers 1960. Les interruptions d'activité liées aux enfants, qui sont globalement de moins en moins fréquentes, tendent en outre à se raccourcir et à se concentrer autour des naissances.

Mais la croissance de l'activité féminine s'accompagne de chômage et de temps partiel. Les femmes sont plus touchées par le chômage que les hommes, et ce, à tous les âges. Bien que sur les vingt-cinq dernières années l'écart entre les hommes et les femmes se soit réduit, en 2007, le taux de chômage des femmes âgées de 25 à 49 ans était encore de 1,5 points supérieur à celui des hommes : 8,1 % contre 6,6 %. Au total, en 2007, le taux d'emploi des personnes âgées de 15 à 64 ans s'élevait ainsi à 59,7 % pour les femmes et 69,0 % pour les hommes.

Le travail à temps partiel (5) s'est beaucoup développé au cours des années 1980 et 1990, notamment à partir de 1992. En 2007, pour 29 % des femmes et 36 % des hommes travaillant à temps partiel, le temps partiel est subi au sens où, lorsqu'on le leur demande, les salariés expriment le désir de travailler davantage. Pour les mères de jeunes enfants, le travail à temps partiel est devenu une alternative à l'interruption d'activité. Plus fréquemment, les femmes réduisent leur temps de travail au deuxième enfant, alors qu'elles cessent de travailler à partir du troisième.

Selon la Halde (délibération n° 2010-202), le taux d'emploi des femmes s'établit en 2008 à 60,3 % pour 69,4 % pour les hommes (6). 30,2 % des femmes occupent un emploi à temps partiel pour 5,7 % des hommes. Seules 17,4 % des femmes occupent des postes d'encadrement dans les entreprises du secteur privé alors qu'elles représentent 47 % de l'ensemble de la population active (7).

En juillet 2010, il a été montré que les femmes qui n'ont jamais interrompu leur activité professionnelle sont pénalisées et gagnent 17 % en moyenne de moins que les hommes. Une part de cet écart vient du fait que les femmes travaillent plus souvent à temps partiel, qu'elles évoluent dans des métiers moins rémunérateurs et qu'elles font moins d'heures supplémentaires (8).

Enfin, s'ajoutent à ces écarts les conséquences pour les femmes de la maternité sur leur déroulement de carrière et leur rémunération ainsi que les impacts de la répartition des responsabilités en matière de garde d'enfants (selon l'Insee les femmes assument 80 % du noyau dur des tâches domestiques) et de garde des personnes dépendantes.

B - La situation des femmes au regard des assurances vieillesse

Les travaux parlementaires ont montré qu'en 2010, la durée d'assurance des femmes est inférieure de dix trimestres en moyenne à celle des hommes (9). Cependant, alors que la durée moyenne d'assurance devrait stagner chez les hommes entre 2010 et 2020, elle continuerait d'augmenter chez les femmes : à partir de 2020, la durée d'assurance serait équivalente entre hommes et femmes et même légèrement supérieure pour les femmes en fin de projection, celles-ci ayant des carrières plus complètes au fil des générations.

S'agissant du niveau des pensions, le rattrapage est plus lent. En 2007, les pensions des femmes étaient inférieures de 38 % à celles des hommes. En valeur absolue, en 2010, l'écart de pension entre hommes et femmes est de 1 840 euros. A l'horizon 2020, cet écart serait encore de 15 %. Le différentiel de salaire annuel moyen qui explique l'évolution de l'écart sur la pension moyenne entre hommes et femmes.

Le COR (rapport préc.) relève ainsi que dans le secteur privé et semi-public, l'écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes se maintient à 20 % pour les emplois à temps complet ; dans la fonction publique d'Etat, il se maintient à 14 % pour les salaires mensuels en équivalent temps complet et à 6 % pour les salaires horaires ; au total, dans les secteurs privé et public, il est stable autour de 10 % pour les salaires horaires.

Ceci explique, en partie, un départ à la retraite en moyenne plus tardif pour les femmes que pour les hommes. Ainsi, si 60 % des hommes et 61 % des femmes sont partis à 60 ans en 2009, avec en moyenne 160 trimestres d'assurance pour les hommes et 161 trimestres pour les femmes, 13 % des hommes et 22 % des femmes sont partis à 65 ans, avec en moyenne 129 trimestres d'assurance pour les hommes et 102 trimestres pour les femmes (10).

Le COR (rapport préc., p. 85) montre également que les écarts de pension entre les hommes et les femmes sont importants : en 2004, les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient une retraite moyenne (droits propres, droits dérivés et minimum vieillesse) de 1 020 euros par mois, soit 62 % de celle des hommes (1 636 euros).

Selon la Halde, en 2004, les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient une retraite en moyenne équivalente à 62 % de celle perçue par les hommes. Ceci en comptant les droits propres comme les droits dérivés, ces derniers représentant 15 % du montant des pensions de retraite (pension de réversion, retraite complémentaire...).

Les femmes parties à la retraite ont validé en moyenne 20 trimestres de moins que les hommes malgré les majorations de durée pour enfant ; seules 44 % d'entre elles ont une carrière complète contre 86 % des hommes. Enfin les femmes partent à la retraite en moyenne plus tardivement que les hommes, respectivement 61,5 ans contre 60,1 ans pour la génération 1938. Ces fortes disparités résultent pour beaucoup des inégalités professionnelles et des discriminations que les femmes subissent en amont tout au long de leur carrière.

II - Assurance vieillesse : instruments juridiques destinés à infléchir/interdire/sanctionner les discriminations femmes/hommes

Il existe de nombreux dispositifs, en droit interne (11), destinés à prendre en compte la situation particulière des mères en matière d'assurance vieillesse et de compenser les écarts de durée d'assurance et de pension entre les femmes et les hommes : droits propres tirés de l'activité professionnelle, droits propres au titre des périodes d'éducation des enfants et droits dérivés de ceux du conjoint. Les droits familiaux et conjugaux représentent environ le quart des retraites versées. A ce titre, doivent être mentionnés, la majoration de durée d'assurance, l'assurance vieillesse des parents au foyer ou enfin les majorations de montant de pension pour les parents de trois enfants ou plus.

D'autres dispositifs, tels que la validation d'un trimestre au titre du congé maternité, la validation des périodes de chômage non indemnisées ou des périodes d'invalidité, permettent également de compenser les aléas de carrière des femmes. Il faudrait également citer : les départs anticipés après quinze ans de service dans la fonction publique et les autres régimes spéciaux ; les majorations pour conjoint ou enfant à charge (12) ; les pensions de réversion, lesquelles ont pour objet le versement, parfois sous certaines conditions, une fraction de la pension du conjoint décédé au survivant du couple, qui est de facto le plus souvent la femme.

A - Majorations de durée d'assurance

La majoration de durée d'assurance au régime général, instaurée en 1971, avait pour objectif initial d'améliorer les droits à pension des femmes qui ne bénéficieraient pas de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), créée à la même période, mais dont la montée en charge est progressive. Elle tendait aussi à permettre aux mères de famille de partir plus tôt à la retraite avec le même niveau de pension.

Ces majorations sont à la charge des régimes de retraite. Le régime général, les régimes alignés sur celui-ci (régimes des salariés agricoles, des commerçants et des artisans) et le régime des non salariés agricoles accordent aux femmes un trimestre d'assurance à la naissance, à l'adoption ou à la prise en charge effective de chaque enfant, puis un trimestre supplémentaire à chaque date anniversaire dans la limite de sept trimestres jusqu'au seizième anniversaire de l'enfant. Le nombre total de trimestres ne peut être supérieur à huit trimestres par enfant.

Les régimes de retraite de la fonction publique ont été qualifiés de régimes professionnels par la CJCE (13) et entrent de ce fait dans le champ de dispositions communautaires qui imposent un traitement identique des hommes et des femmes. De ce fait, la France a dû revoir en 2003, pour ces régimes, le dispositif de majorations de durée d'assurance pour enfant accordées aux femmes (qui sont nommées "bonifications" dans ces régimes).

B - L'assurance vieillesse des parents au foyer

Créée en 1972, l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) visait à comptabiliser les périodes passées au foyer pour élever des enfants comme des périodes d'assurance dans le calcul des pensions de vieillesse. L'objectif était de limiter les effets des diminutions ou arrêts d'activité professionnelle liés à la charge d'enfants. A l'origine, l'affiliation ne concernait que les mères de famille, qui avaient à charge un enfant de moins de trois ans ou au moins quatre enfants, qui étaient inactives et qui bénéficiaient de l'allocation de salaire unique (créée en 1941) ou de l'allocation de mère au foyer (créée en 1956) versées par les caisses d'allocations familiales. Ces prestations familiales, initialement versées sans condition, ont été soumises à des conditions de ressources avec la création de l'Assurance vieillesse des mères au foyer en 1972. Progressivement, l'accès à l'AVPF est étendu à de nouvelles populations avec des conditions assouplies quant au nombre d'enfants et aux prestations familiales versées ou non sous condition de ressources.

L'ouverture de droit à l'AVPF induit le versement de cotisations forfaitaires à l'assurance vieillesse par la CNAF au titre des mois au cours desquels le parent bénéficie des prestations familiales. Ces cotisations sont calculées sur la base du salaire forfaitaire annuel et du taux de cotisation vieillesse. Les cotisations forfaitaires varient selon que le bénéficiaire perçoit la prestation familiale à taux plein ou partiel pour le CLCA et selon la durée de perception de l'allocation sur l'année.

L'ouverture de droit à l'AVPF induit le versement de cotisations forfaitaires à l'assurance vieillesse par la CNAF au titre des mois au cours desquels le parent bénéficie des prestations familiales. L'AVPF a un double effet (14) : elle permet, comme les majorations de durée d'assurance, d'accroître la durée d'assurance validée, ce qui permet dans certains cas d'atteindre la durée d'assurance requise pour bénéficier du taux plein, et réduit également le coefficient de proratisation de la pension ; toutefois, les trimestres d'AVPF (comme ceux de majoration de durée d'assurance) n'entrent pas dans le calcul de la durée cotisée, qui compte pour le minimum contributif majoré et l'accès aux retraites anticipées pour carrière longue ; elle peut également avoir un effet sur le salaire annuel moyen au régime général, qui est calculé sur la base des 25 meilleures années, et peut donc inclure des années d'AVPF. L'AVPF est cumulable avec les majorations de durée d'assurance.

C - Les majorations de montant de pension pour les parents de trois enfants ou plus

La majoration proportionnelle à la pension est accordée dans presque tous les régimes aux hommes et aux femmes ayant eu ou élevé au moins trois enfants pendant neuf ans avant leur 16e anniversaire. Ainsi, un même enfant peut ouvrir droit à une majoration de pension à plus de deux adultes, dans le cadre de familles recomposées. Le taux de la majoration est de 10 % au régime général pour les parents de trois enfants et plus. Cette majoration bénéficie d'un traitement fiscal et social particulier : alors qu'elle est assujettie à la CSG et à la CRDS au taux auquel est soumis le ménage (elle est donc considérée, dans ce cas, comme partie intégrante de la retraite), elle n'entre pas dans l'assiette de l'impôt sur le revenu (au même titre que certaines prestations à caractère social et familial).

III - Propositions pour lutter contre les discriminations femmes/hommes

A - Propositions formulées par le législateur

Le projet de loi portant réforme des retraites contient des dispositions propres aux femmes, destinées à prendre en compte les inégalités de traitement face à l'assurance vieillesse.

Le report au compte de l'assurée des indemnités journalières versées lors du congé maternité. Le congé maternité donne lieu aujourd'hui à la validation d'un trimestre d'assurance au titre de la retraite. Cette validation forfaitaire permet de neutraliser l'impact du congé maternité sur la durée d'assurance de l'assurée. L'article 30 du projet de loi y ajoute une prise en compte des indemnités journalières dans le salaire annuel moyen qui va servir au calcul de la pension. Il y aura donc un "report au compte" des sommes touchées pendant le congé de maternité, ce qui devrait à terme permettre une majoration de 1,6 % en moyenne de la pension des bénéficiaires.

Les mesures en faveur de la réduction des inégalités professionnelles. Les écarts importants des pensions servies aux hommes et aux femmes devraient s'atténuer progressivement mais, selon les évaluations du COR en 2007, ils ne disparaîtront pas. Le législateur souhaite à cet effet agir sur les conditions d'emploi des femmes. L'article 31 du projet de loi propose la création :

- d'une pénalité financière, pour les employeurs de plus de 300 salariés, qui ne respecteraient pas l'obligation de transmettre annuellement, au comité d'entreprise, un rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des hommes et des femmes dans l'entreprise ;

- d'une obligation, pour les entreprises de plus de 300 salariés, de publier les indicateurs et objectifs présents dans le rapport de situation comparée avant le 31 décembre 2011, date à laquelle l'employeur sera tenu de les communiquer à toute personne qui en formulera la demande.

La prorogation annoncée de l'allocation veuvage. Parallèlement à la suppression progressive de la condition d'âge minimum pour toucher une pension de réversion, la loi du 21 août 2003 (loi n° 2003-775, portant réforme des retraites N° Lexbase : L9595CAM), a prévu l'abrogation, au 1er janvier 2011, de l'assurance veuvage. Or, cette condition d'âge a été rétablie par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (15), ce qui pourrait avoir des effets financiers importants pour les veuves dites "précoces", qui perdent leur conjoint avant 55 ans. Il est donc urgent de trouver une solution pour les veuves et veufs "précoces", qui ont souvent des enfants à charge. Le législateur envisage de rétablir l'assurance veuvage.

B - Propositions formulées par la Halde

La Halde propose d'agir sur le parcours professionnel des femmes (c'est-à-dire, rendre effective la loi sur l'égalité professionnelle, réduire les causes structurelles des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, lutter contre les discriminations, lutter contre le temps partiel subi, développer des modes d'accueil des jeunes enfants) et d'agir sur la retraite.

Le projet de loi portant réforme des retraites prévoit l'augmentation progressive de quatre mois par an, de l'âge légal de départ à la retraite pour atteindre 62 ans en 2018.

Compte tenu du mode de calcul des retraites, les femmes totalisent avec difficulté le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier de la retraite à taux plein. C'est pourquoi elles sont plus nombreuses à devoir travailler jusqu'au seuil de départ à taux plein. Le relèvement progressif de l'âge du départ à taux plein de 65 à 67 ans, risque donc de pénaliser les femmes plus que les hommes, selon la Halde. Pour éviter que la réforme ait un impact disproportionné sur les femmes qui soit constitutif d'une discrimination indirecte, la Halde suggère de construire des systèmes de compensation.

Mise en place d'actions positives en faveur des femmes afin de corriger les inégalités actuelles dans leur déroulement de carrière. Des actions positives doivent être désormais envisagées pour assurer concrètement une pleine égalité des femmes et des hommes dans la vie professionnelle. La Cour de justice européenne a admis dès 1984 le principe de ce type de mesures qui permettent de promouvoir l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans l'accès à l'emploi, y compris la promotion, la formation professionnelle et les conditions de travail. Selon la CJCE, ces mesures peuvent prévoir des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle (16). Elle s'est prononcée ensuite aux travers de différentes affaires sur les dispositifs qui répondaient ou non à cette définition (17).

Aussi, la Halde recommande en mesure immédiate que :

- soit adopté un dispositif législatif ou réglementaire définissant ce type d'action et permettant d'en assurer le développement ;

- soient adoptées et mises en oeuvre les dispositions notamment de l'article 31 du projet de loi sur les retraites , relatives à la pénalisation des entreprises qui ne répondent pas à leurs obligations en matière d'égalité professionnelle, que cela soit en termes d'accords collectifs, de rapports et de plans d'action ;

- soit rendue effective la suppression des écarts de salaires au sein des entreprises par le dégagement annuel obligatoire d'enveloppes financières permettant d'assurer les rattrapages ;

- soient proposées aux femmes dans les entreprises et les administrations des actions de sensibilisation et de formation, d'accompagnement individuel et collectif, afin de faciliter leur accès aux responsabilités, de valoriser leurs compétences et de dépasser les mécanismes d'autocensure qui les handicapent. Ces actions pourraient être financées pour partie par le produit des pénalités dues par les entreprises en vertu de l'article 31 du projet de loi.

Mise en place d'actions en matière de retraite. Le système des pensions doit mieux prendre en compte la situation des femmes. Pour cela, la Halde souhaite que soient examinées dans le cadre de la réforme en cours les propositions suivantes, sous l'égide de l'expertise et du chiffrage du Conseil d'orientation des retraites.

Paramètres liés au marché du travail. La Halde propose de :

- permettre aux personnes à temps partiel de cotiser sur la base d'un temps complet avec participation de l'employeur. 2 % des femmes occupent des emplois à temps partiel, ces derniers sont pénalisants pour la retraite, les salaires pris en compte sont bas et de plus, il est difficile, pour le salarié de réunir le nombre de trimestres nécessaires. La possibilité ouverte par l'article L. 241-3-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7685DKT) pour les salariés à temps partiel qui souhaitent cotiser à temps complet de bénéficier d'une prise en charge du surcoût par l'employeur reste en pratique peu répandue. Gouvernement et partenaires sociaux doivent rendre cette possibilité effective ;

- prendre en compte les 100 meilleurs trimestres et non les 25 meilleures années pour la détermination du montant de la pension, ce qui correspond à la même durée de cotisation. L'importance du temps partiel subi par les femmes et des contrats à durée déterminée, expliquent la faiblesse de la rémunération qu'elles peuvent faire valoir sur une année complète. La prise en compte pour la détermination du montant de la pension non pas de la meilleure année mais du meilleur trimestre permettrait de ne pas aggraver au moment de la retraite, les effets de la précarité qu'elles ont déjà connus tout au long de leur activité.

Paramètres qui touchent aux droits conjugaux et familiaux. En France, les écarts entre les femmes et les hommes en matière de retraite seraient plus importants si on ne prenait en compte que les droits propres et non les droits dérivés, tels que les pensions de réversion. Des actions compensatrices doivent donc être envisagées :

- ouvrir le droit au versement de la pension de réversion au partenaire pacsé survivant. Avec le développement des unions par Pacs dont 95 % concernent des couples hétérosexuels, et au regard de la diminution des unions par mariage, si les pensions de réversion restent subordonnées à une condition exclusive de mariage, les écarts entre les femmes et les hommes ne peuvent que se creuser. Par ailleurs, cette condition exclusive de mariage constitue, selon la Halde, une discrimination directe fondée sur l'orientation sexuelle, dans la mesure où le mariage en France n'est pas accessible aux couples de même sexe et le statut juridique des conjoints et celui des partenaires sont comparables au regard de l'objet de la pension. La Halde avait déjà émis des recommandations précises en 2008 (19) ;

- maintenir à 65 ans l'âge de départ à la retraite à taux plein pour les personnes ayant pris un congé parental ou pour soins apportés à un enfant ou un parent malade (20). Cette mesure, qui s'adresse aux hommes comme aux femmes, permet de mieux prendre en compte, au moment du départ à la retraite, les interruptions d'activité liées aux responsabilités en tant qu'enfant et/ou parent qui pèsent, dans les faits, davantage sur les femmes et de valoriser un meilleur partage de ces interruptions entre les hommes et les femmes ;

- favoriser et rééquilibrer l'accès au congé parental. Une augmentation de l'allocation versée durant le congé parental sur une devrait, selon la Halde, faciliter l'accès à ce type de congé et rééquilibrer le choix parents. Il est important de soutenir l'engagement professionnel en encourageant le partage des tâches domestiques entre parents, et, pour les femmes, de meilleures conditions de retour à l'activité professionnelle ;

- intégrer les indemnités journalières versées pendant le congé maternité dans le calcul du montant de la pension, comme proposé par le projet de loi sur les retraites Le congé maternité est pris en compte en ce qui concerne la validation des trimestres mais les indemnités journalières ne sont pas aujourd'hui portées au compte et n'entrent donc pas dans le calcul du montant de la pension, ce qui est préjudiciable aux femmes.


(1) V. D. Jacquat, Rapport Assemblée nationale n° 2270, 23 juillet 2010, Tome I Exposé général, Travaux de la commission.
(2) COR, Retraites : droits familiaux et conjugaux, 6ème rapport, 17 décembre 2008.
(3) V. not. C. Aliaga et K. Winqvist (2003), Comment les femmes et les hommes utilisent leur temps ? Résultats de 13 pays européens, Eurostat, Statistiques en bref, population et conditions sociales, Thème 3, n° 12/2003 ; D. Anxo, L. Flood et Y. Kocoglu, Offre de travail et répartition des activités domestiques et parentales au sein du couple : une comparaison entre la France et la Suède, Economie et statistique, 2002 n° 352-353 ; T. Couppié et D. Epiphane, Vivre en couple et être parent : impacts sur les débuts de carrière, CEREQ, 2007, n° 241 ; A. Chenu, La charge de travail professionnel et domestique des femmes : cinquante années d'évolution, INSEE, Données sociales 2002-2003, pp. 467-474 ; D. Fermanian et S. Lagarde, Les horaires de travail dans le couple, INSEE, Economie et statistique, 1999 pp. 321-322 ; D. Jacquat, Rapport Assemblée nationale n° 2270, 23 juillet 2010, Tome I Exposé général, préc. ; M. Koubi, Les carrières salariales par cohorte de 1967 à 2000, INSEE, Economie et statistique, n° 369-370, 2003, pp. 149-171 ; M.-T. Letablier et M.-T. Lanquetin, Concilier travail et famille en France : approches socio-juridiques, Centre d'études de l'emploi n° 22, juin 2005 ; M. Maruani, Travail et emploi des femmes, Collection Repères - La Découverte, février 2003 ; A. Pailhé et A. Solaz, Inflexions des trajectoires professionnelles des hommes et des femmes après la naissance d'enfants, INED, Recherches et Prévisions, 2007 n° 90, décembre ; S. Ponthieux et A. Schreiber, Dans les couples de salariés, la répartition du travail domestique reste inégale, INSEE, Données Sociales 2006, pp. 43-51 ; C. Tavan, Inactivité et temps partiel des générations 1925 à 1964 : une évaluation sur cycle de vie, INSEE, Document de travail, 2007 n° 01/MK3-G210/ct.
(4) V. aussi C. Afsa et S. Buffeteau, L'activité féminine en France : quelles évolutions récentes, quelles tendances pour l'avenir ?, Economie et statistique, 2006 n° 398-399, pp. 85-97.
(5) G. Bel, Les femmes face au travail à temps partiel, Conseil économique et social, 2008 ; C. Bourreau-Dubois, O. Guillot et E. Jankeliowitch-Laval, Le travail à temps partiel féminin et ses déterminants, INSEE, Economie et statistique, 2001 vol. 9/10, n° 349-350 ; Conseil économique et social, Les femmes face au travail à temps partiel, 2008, p. 118 ; J. Bué, Temps partiel des femmes : entre "choix" et contraintes, DARES, Premières synthèses, 2002 n° 08.2 ; B. Galtier, Les temps partiels : entre emplois choisis et emplois "faute de mieux", INSEE, Economie et statistique, 1999 n° 321-322 ; V. Ulrich et S. Zilberman, De plus en plus d'emplois à temps partiel au cours des vingt-cinq dernières années, DARES, Premières synthèses, n° 39-3, septembre 2007 ; Le travail à temps partiel, rapport d'activité de la délégation aux droits des Femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes de l'Assemblée nationale, octobre 2003-juillet 2004.
(6) Chiffres clés 2009, L'égalité entre les femmes et les hommes, Service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE).
(7) Chiffres clés 2008 - Service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE).
(8) Revue de l'OFCE, juillet 2010, Les discriminations entre les femmes et les hommes, sous la direction de F. Milewski et H. Perivier (chercheures), D. Meurs, A. Pailhe, S. Ponthieux (INSEEINED).
(9) D. Jacquat, rapport préc. ; C. Bonnet et C. Colin, Les retraites des femmes : une grande variété de situations, Retraite et société, 2004, n° 43, p. 207.
(10) Les écarts de salaire mensuel entre les hommes et les femmes renvoient principalement à des écarts de durée effective du travail, ainsi qu'à des différences de secteur d'activité et de qualification des emplois. Compte tenu de leur durée de carrière réduite par les interruptions d'activité et du temps partiel, l'expérience acquise par les femmes à travers leur activité professionnelle est plus limitée.
(11) Le droit européen et communautaire n'est pas traité ici, même s'il a influencé directement l'évolution du droit positif interne. V. l'excellente et très utile synthèse dans COR, Rapport annuel 2008, préc., spéc. p. 146-150.
(12) La majoration pour conjoint à charge, servie dans un nombre limité de régimes (régime général et régimes alignés, régime des mines et des marins), est accordée au titulaire d'une pension si son conjoint a plus de 65 ans, ne dispose pas de ressources personnelles supérieures à un certain montant et n'est pas titulaire d'une pension, rente ou allocation. Ce dispositif est financé par les régimes. Au régime général, le montant, fixé à 610 euros par an (maximum car cette majoration est versée sous condition de revenus) est gelé à ce niveau depuis 1977.
(13) CJCE, 29 novembre 2001, aff. C-366/99 (N° Lexbase : A5833AXC).
(14) COR, 6ème rapport, Retraites : droits familiaux et conjugaux, 17 décembre 2008, préc., p. 25.
(15) Nos obs., LFSS 2009 : de quelques réformes des branches maladie, accident du travail/maladie professionnelle et famille, Lexbase Hebdo n° 332 du 8 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2160BIT), commentaire de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (N° Lexbase : L2678IC8).
(16) Cf., CJCE, 12 juillet 1984, aff. C-184/83 (N° Lexbase : A8276AU3).
(17) L'arrêt "Kalanke" : incompatibilité des quotas avec le principe de l'égalité de traitement (CJCE, 17 octobre 1995, aff. C-450/93 N° Lexbase : A7261AHE). Par cet arrêt du 17 octobre 1995 la CJCE a apprécié la conformité à la Directive du 9 février 1976 (N° Lexbase : L9232AUH) de la loi du Land de Brême du 20 novembre1990, relative à l'égalité entre femmes et hommes dans les services publics. Cette loi prévoyait une priorité en faveur des femmes pour le recrutement ou la promotion, dans les cas où celles-ci ont une qualification égale à celle de leurs concurrents masculins et où elles sont sous-représentées dans le secteur concerné. Après avoir rappelé que le principe de l'égalité de traitement impliquait l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, la CJCE a estimé que le paragraphe 4 de l'article 2 de la Directive de 1976 avait pour "but précis et limité d'autoriser des mesures qui, tout en étant discriminatoires selon les apparences, visent effectivement à éliminer ou à réduire les inégalités de fait pouvant exister dans la réalité de la vie sociale". Rappelant qu'en tant que dérogation à un droit individuel consacré par la directive, le paragraphe 4 de l'article 2 était d'interprétation stricte, la Cour a censuré la loi du Land de Brême au motif qu'elle garantissait une priorité absolue et inconditionnelle aux femmes lors d'une nomination ou promotion, et substituait ainsi à la promotion de l'égalité des chances le résultat auquel seule la mise en oeuvre d'une telle égalité des chances pourrait aboutir. L'arrêt "Johnston" de la CJCE du 15 mai 1986 (CJCE, 15 mai 1986, aff. C-222/84 N° Lexbase : A7291AHI). La Cour rappelle que, si l'article 2 de la Directive 76/207 autorise une dérogation au droit de l'égalité de traitement entre femmes et hommes en matière d'accès à l'emploi et de conditions de travail, cette dérogation doit être interprétée strictement et son application doit s'effectuer dans le respect du principe de proportionnalité.
(18) L'article 31 du projet de loi précise : "Les entreprises d'au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle mentionné à l'article L. 2242-5 ou, à défaut d'accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d'action défini dans les rapport prévus aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57".
(19) La Halde a demandé la modification des dispositions du Code des pensions civiles et militaires de retraites (pour les fonctionnaires) ainsi que celles du Code de la Sécurité sociale (pour les salariés du régime général). Ces recommandations n'ayant pas été suivies d'effet, le Collège a décidé de publier un rapport spécial et les délibérations 2010-20 et 2010-21 au Journal officiel du 1er février 2010.
(20) La Directive 79/7/CEE du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, dispose son article 7 § 1 que les Etats membres tout en prenant les mesures nécessaires à la suppression de dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe d'égalité de traitement (article 5) peuvent néanmoins exclure de son champ d'application "les avantages accordées en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants".

Référence

Délibération Halde n° 2010-202 du 13 septembre 2010, relative à la question des inégalités de genre en matière de retraite (N° Lexbase : X7827AGY)

Textes concernés : Directive 79/7/CEE du 19 décembre 1978 (N° Lexbase : L9364AUD)

Mots-clés : Egalité hommes/femmes ; pension de retraite ; majorations de durée d'assurance ; assurance vieillesse des parents au foyer; majorations de montant de pension pour les parents de trois enfants ou plus

Liens base : (N° Lexbase : E5499AAW)

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Sur la nullité du congé irrégulier en la forme

Réf. : Cass. civ. 3, 15 septembre 2010, n° 09-15.192, FS-P+B (N° Lexbase : A5788E9A)

Lecture: 4 min

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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

Le 07 Octobre 2010

Le bailleur qui a notifié à son locataire un congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne peut se prévaloir de la nullité de l'acte qu'il a lui-même délivré. Tel est le rappel effectué par la Cour de cassation dans un arrêt du 15 septembre 2010.
En l'espèce, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 janvier 2006, une commune, bailleur d'un bail portant sur un terrain à usage commercial consenti le 1er août 1997 pour une durée de neuf ans à échéance du 31 juillet 2006, avait fait connaître au locataire qu'elle n'entendait pas renouveler le bail. Ce dernier avait quitté les lieux et, contestant la régularité de la résiliation du bail et estimant avoir droit à une indemnité d'éviction, avait assigné la commune. Sa demande ayant été accueillie, la bailleresse s'est pourvue en cassation.

I - Sur la possibilité pour une personne publique de consentir un bail commercial

A titre préalable, et même si en l'espèce ce point n'avait pas semblé susciter de difficultés, il doit être relevé que le bail commercial avait été consenti par une personne publique. A certaines conditions, en effet, une personne publique peut consentir un bail soumis au statut des baux commerciaux. Ainsi, l'article L. 145-2, I, 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L2371IBG) prévoit l'application des dispositions du chapitre de ce code, relatif au bail commercial, aux baux des locaux ou immeubles appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics, à la condition, toutefois, que ces baux entrent dans le champ d'application du statut. L'article L. 145-2, I, 3°, précise cependant que les dispositions du statut des baux commerciaux s'appliquent aux baux d'immeubles ou locaux principaux ou accessoires, nécessaires à la poursuite de l'activité des entreprises publiques et établissements publics à caractère industriel et commercial, à la condition que ces baux "ne comportent aucune occupation du domaine public". L'inapplicabilité du statut des baux commerciaux aux contrats portant sur le domaine public est en réalité générale (1). Elle se fonde sur l'incompatibilité entre la précarité des occupations domaniales et la stabilité des droits découlant d'un bail commercial (droit au renouvellement). En revanche, comme dans l'espèce rapportée, le bail conclu par une personne publique sur son domaine privé peut être soumis au statut des baux commerciaux à la condition qu'il n'ait pas pour effet de faire participer le preneur à l'exécution d'un service public ou qu'il ne contienne aucune clause dérogatoire au droit commun (2).

II - Sur la nullité du congé délivré par lettre recommandée

L'application du statut des baux commerciaux n'étant pas soumise à discussion dans l'arrêt rapporté, la question se posait de la validité du congé notifié par le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ainsi que du titulaire du droit de se prévaloir de cette nullité.

En effet, aux termes de l'article L. 145-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L2243IBP), "par dérogation aux articles 1736 (N° Lexbase : L1858ABG) et 1737 (N° Lexbase : L1859ABH) du Code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance", le dernier alinéa de ce texte précisant, en outre, que "le congé doit être donné par acte extrajudiciaire". Bien que l'article L. 145-9 ne soit pas visé par l'article L. 145-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L5743AIK), qui énumère les dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux, la Cour de cassation a conféré au dernier alinéa de l'article L. 145-9 (relatif à la forme du congé) un caractère impératif auquel il ne peut être contractuellement dérogé (3). L'obligation de délivrer un congé sous la forme d'un acte d'huissier de justice s'impose également au preneur qui entend mettre un terme au bail à l'expiration d'une période triennale, l'article L. 145-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L0803HPG) renvoyant sur ce point aux dispositions de l'article L. 145-9.

Le congé délivré par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est en principe nul, sans que son destinataire ait à invoquer l'existence d'un grief (4), l'article 114 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1395H4G), qui subordonne la nullité d'un acte de procédure à l'existence d'un grief, étant inapplicable. Il a été jugé, par ailleurs, que l'irrégularité de la signification devait être soulevée avant toute défense au fond (5), conformément aux dispositions de l'article 112 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1948ADI).

III - Sur le caractère relatif de la nullité du congé irrégulier en la forme

S'appuyant sur cette solution, le bailleur arguait de la nullité de son congé notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour échapper au paiement d'une indemnité d'éviction. En effet, cette indemnité n'est due, par hypothèse, qu'en cas de refus de renouvellement (C. com., art. L. 145-14 N° Lexbase : L5742AII), ce qui implique une cessation du bail. Si le congé irrégulier en la forme n'a pas produit d'effet, le bail ne devrait pas avoir pris fin et, en théorie du moins, il devrait se poursuivre par tacite prorogation pour une durée indéterminée (6). C'était la thèse du bailleur qui soutenait, le bail s'étant poursuivi, que le locataire n'avait pas été évincé et qu'il n'avait pas droit à une indemnité d'éviction.

Toutefois, ce raisonnement faisait fi de la nature de la nullité frappant le congé irrégulier faute d'avoir été délivré par acte extrajudiciaire. En effet, et aux termes d'une jurisprudence désormais ancienne, "la nullité sanctionnant l'inobservation du mode de notification du congé est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par la partie que la loi entend protéger" (7). Ni le bailleur (8), ni le preneur (9), ne peuvent donc se prévaloir de l'irrégularité du congé qu'ils ont eux-mêmes notifié, la partie que la loi a entendu protéger étant, selon ces décisions, le destinataire du congé. L'arrêt rapporté rappelle cette règle en affirmant que "le bailleur qui a notifié à son locataire un congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne peut se prévaloir de la nullité de l'acte qu'il a lui-même délivré".

Cette solution n'est pas éloignée, dans son esprit, de celle consacrée par l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Toutefois, elle trouve son fondement dans le caractère relatif de la nullité du congé irrégulier en la forme, l'adage précité ayant une portée limitée à la paralysie des restitutions après nullité d'un contrat pour immoralité de l'objet ou de la cause (10).

Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation approuve, enfin, les juges du fond d'avoir considéré que le fait que le preneur n'ait pas usé du droit qu'il avait de contester le congé et de rester dans les lieux n'autorisait pas le bailleur à inverser la situation de fait telle qu'elle résultait du congé en prétendant que le locataire aurait mis volontairement fin au bail.

Le preneur ne s'étant pas prévalu de la nullité du congé, et étant le seul à pouvoir s'en prévaloir, le bail avait pris fin. Le locataire évincé pouvait donc solliciter le règlement d'une indemnité d'éviction.


(1) Voir, par ex., CE 6° et 2° s-s-r., 18 mai 1977, n° 95541 (N° Lexbase : A2329B8R) et Cass. civ. 3, 20 décembre 2000, n° 99-10.896 (N° Lexbase : A2078AIS).
(2) Voir, par ex., Cass. civ. 3, 30 janvier 2002, n° 00-17.342, FS-P+B (N° Lexbase : A8905AX4) et Cass. civ. 1, 6 mars 2007, n° 05-14.586 (N° Lexbase : A5919DUR).
(3) Ass. plén., 17 mai 2002, n° 00-11.664 (N° Lexbase : A6534AYN).
(4) Cass. civ. 3, 13 décembre 2000, n° 99-14.878 (N° Lexbase : A1161AIT).
(5) Cass. civ. 3, 27 mai 2003, n° 02-11.515, F-P+B (N° Lexbase : A6872CKQ) ; voir, également, en ce sens Cass. civ. 3, 2 juin 2010, n° 09-14.194, FS-P+B (N° Lexbase : A2174EY8).
(6) Cass. civ. 3, 7 décembre 2004, n° 03-19.226, F-P+B (N° Lexbase : A3705DEX).
(7) Cass. civ. 3, 20 décembre 1982, n° 81-13.495 (N° Lexbase : A7585AGZ).
(8) Cass. civ. 3, 19 mai 1993, n° 91-16.254 (N° Lexbase : A8443AGS).
(9) Cass. civ. 3, 18 mai 1994, n° 92-17.028 (N° Lexbase : A7140AB3).
(10) A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11ème éd., n° 233.

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Interprofessionnalité

[Evénement] Juris'Cup 2010 : Barreau de Nantes-Lexbase, un tandem victorieux !

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par Yann Le Foll, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

C'était du 16 au 19 septembre dernier que se tenait, en rade de Marseille, la vingtième édition des "Rencontres Internationales du Droit et de la Plaisance", communément appelée Juris'Cup, sous la présidence de Denis Rebufat, Avocat au barreau de Marseille. Créée en 1991 sur une idée des avocats marseillais, cette course de bateaux drivés par des équipages mêle juristes au sens large (avocats, notaires, huissiers, avoués, experts, magistrats, juristes d'entreprises, assureurs, étudiants en droit) pour au moins 50 % et néanmoins passionnés de voile, et marins de profession, jusqu'à la Marine nationale. Depuis 2006, ce sont au total 12 nations en moyenne qui sont représentées pendant cette manifestation. Une occasion unique de rassembler l'ensemble des professions juridiques et judiciaires pour quatre jours dans une ambiance conviviale et festive, et, par-dessus tout, de fair play ! Après la tenue d'un colloque consacré aux financements de la plaisance, trois jours de régate sous l'égide du Cercle nautique et touristique du Lacydon (CNTL) ont départagé les fiers capitaines Achab à la barre de leur Pequod ! Classé dans la catégorie "Grand Surprise", le tandem Barreau de Nantes-Lexbase, tout de rose vêtu, a effectivement créé la surprise (mais pas forcément pour les connaisseurs, pour qui la réputation d'éminent skipper de Loic Le Garrec, lequel nous a fait l'honneur d'être à la barre, n'est plus à faire) en remportant l'édition 2010 sur le fougueux Transistor, coiffant ainsi au poteau les équipages "Barreau de Nice-Avenir Côte d'Azur" et "Féral-Schuhl Bâtonnat 2010", lesquels n'ont, cependant, pas démérité. Notre courageux équipage s'est donc distingué au milieu des 2 000 équipiers français et étrangers présents sur près de 150 voiliers de 8 à 35 mètres, anciens ou modernes, regroupés dans le CNTL sur le Vieux port de la cité phocéenne. Un niveau de compétition plutôt relevé donc, et non destinés aux amateurs (autres que de la mer), puisque les éditions précédentes ont compté des invités aussi prestigieux que Bruno Peyron, Titouan Lamazou ou Florence Arthaud.

Après un temps calme, un soleil voilé et une mer d'huile le premier jour, c'est sur une mer agitée mais sous un soleil radieux que cette dernière manche de l'édition 2010 de la Juris'Cup s'est achevée. Les valeureux participants ont été accueillis sous les applaudissements nourris d'un public nombreux resté à quai et impatient de connaître les résultats finaux. Sur l'espace réservé aux sponsors jouxtant la capitainerie, différents cocktails et soirées étaient chargés de réconforter les participants éprouvés par ces joutes maritimes, tout ceci sous l'oeil bienveillant de Notre-Dame de la Garde. L'on notera, plus particulièrement, sur le stand Lexbase, la présence de Philippe Joyeux, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Nantes. Tous les convives ont promis de se retrouver l'année prochaine pour revivre ces échanges à la fois festifs et professionnels. Nous terminerons en reprenant les mots du président Denis Rebufat, qui nous paraissent plus que justifiés, "20 ans c'est le plus bel âge, et c'est aussi le plus bel âge pour la Juris'Cup" !

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