La lettre juridique n°320 du 2 octobre 2008

La lettre juridique - Édition n°320

Sociétés

[Jurisprudence] La ratification des engagements pris par des associés au nom d'une SARL en formation par le mandat donné à l'un d'eux

Réf. : Cass. com., 1er juillet 2008, n° 07-10.676, M. Henri Valax, F-P+B (N° Lexbase : A4838D93)

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N3676BHM

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique de Toulouse

Le 07 Octobre 2010

Entre le moment où certaines personnes appelées fondateurs conviennent de constituer une société et celui où sont effectuées toutes les formalités requises pour que fonctionne ladite société, notamment celui où étant immatriculée elle a une vie juridique autonome, s'écoule un laps de temps plus ou moins long. Durant cette période où la société se trouve en formation, des actes sont nécessairement accomplis pour son compte afin de lui permettre de démarrer (1) : achat ou bail de locaux destinés à l'installation de son siège social, embauche de futurs salariés, ouverture de comptes en banque (2), achat de matériels...
Les engagements souscrits au nom d'une société en formation posent, habituellement, la question de leur reprise après l'immatriculation de la société au registre du commerce. Lorsque ces actes ont été conclus avant la signature des statuts, celle-ci emporte leur reprise automatique une fois la société immatriculée, sous réserve qu'un état mentionnant l'engagement qui résulte de chacun de ces actes pour la société soit présenté aux associés avant la signature des statuts et soit annexé à ceux-ci (3).
En ce qui concerne les actes passés entre la signature des statuts et l'immatriculation de la société, les associés de sociétés en nom collectif, de sociétés en commandite simple et de sociétés à responsabilité limitée peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, conférer mandat à un ou plusieurs d'entre eux, ou au gérant non associé, de prendre des engagements pour le compte de la société. A condition qu'ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l'immatriculation de la société emportera reprise de ces engagements par la société (4).
Pour de tels actes, des conditions similaires sont prévues pour les sociétés par actions ne faisant pas appel public à l'épargne, auquel cas le mandat ne peut être donné qu'à un actionnaire (5) et pour celles faisant publiquement appel à l'épargne, dans cette hypothèse le mandat pouvant seulement être attribué à un membre du conseil d'administration ou de surveillance (6).

Ce procédé n'engage pas la société, s'il est utilisé pour des actes contractés avant la signature des statuts (7).

S'il est incontestable que ce mandat doit être octroyé avant l'immatriculation de la société au registre du commerce, peut-il l'être après la réalisation de l'acte ? C'est la question litigieuse à laquelle la Cour de cassation est conviée de répondre dans un arrêt du 1er juillet 2008.

I - Le sens de l'arrêt

Les associés fondateurs d'une SARL en cours de constitution avaient conclu un bail commercial au nom et pour le compte de cette dernière. Les statuts, signés ultérieurement entre les deux associés, avaient conféré mandat à l'un d'eux de conclure ce bail. Après avoir été immatriculée au registre du commerce le 3 avril 2000, la société a été mise en liquidation judiciaire le 7 novembre 2002.

Le 22 avril 2003, le liquidateur a notifié au bailleur la résiliation du bail. Ce dernier a déclaré sa créance au titre des loyers et avances sur charges impayés, de frais de remise en état des locaux et de dommages-intérêts. Il a, ensuite, assigné l'associé qui n'avait pas reçu mandat, en paiement d'une somme représentant le montant de cette créance sur le fondement de l'article L. 210-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L5793AIE), en l'absence d'accomplissement d'une des formalités de reprise du contrat de bail.

La cour d'appel de Paris (CA Paris, 16ème ch., sect. B, 14 septembre 2006, n° 05/16515, M. Claude Perche c/ M. Henri Valax N° Lexbase : A5954DSC) avait accueilli cette demande, au motif que le bail avait déjà été conclu le 22 décembre 1999 lors du mandat donné dans les statuts signés le 7 mars 2000, si bien que le mandat n'avait aucun sens.

A la suite du pourvoi formé par l'associé initialement poursuivi en paiement, la Cour de cassation a censuré l'arrêt d'appel sur le fondement de l'article R. 210-5 du Code de commerce. En application de ce texte, la Chambre commerciale estime que l'engagement pris par un associé pour le compte d'une SARL en formation peut être ratifié par un mandat conféré par les associés avant l'immatriculation de celle-ci, laquelle en emporte reprise par ladite société. Par conséquent, la juridiction de seconde instance a porté atteinte à cette disposition, dans la mesure où il importe peu que le mandat ait été conféré postérieurement à la ratification par les associés de l'engagement relatif au bail commercial.

II - La portée de l'arrêt

Assurément, la solution ici retenue par la Cour de cassation ne relève pas de l'ordinaire, pas plus que de l'évidence. Nous serions, en effet, légitimement enclins à penser que le mandat de conclure un acte doit être donné avant la réalisation de celui-ci, ce qui semblerait tout à fait logique au regard, d'une part, du respect nécessaire de la chronologie des faits (octroi du mandat, accomplissement de l'acte et immatriculation de la société emportant reprise rétroactive par celle-ci de l'engagement contracté) et d'autre part, de l'exigence d'un mandat spécial précisant la nature des actes à passer, car tout engagement souscrit en dehors des termes précis du mandat ne lierait pas la société (8). Dès lors, le mandat donné après l'accomplissement de l'acte ne serait pas propre à rendre efficace la technique de la reprise par la société liée à son immatriculation ultérieure. Or il n'en est rien, selon l'arrêt rapporté de la Cour de cassation.

L'actuelle position s'avère tout de même surprenante car en matière de reprise d'actes effectués pour le compte d'une société en formation, la Haute juridiction fait généralement preuve d'une grande rigueur. En l'espèce, au contraire, elle s'oriente vers une interprétation pour le moins extensive et donc, souple des textes. Elle consacre la possibilité d'un mandat attribué a posteriori, sorte de "mandat rétroactif" ratifiant les actes passés par l'un des associés et suivi par l'immatriculation qui substituera aux débiteur initiaux (les associés fondateurs mandant et l'associé mandataire, auteur de l'acte), un nouveau débiteur (la société immatriculée).

Faut-il voir là une tendance de la jurisprudence à accorder la priorité à la volonté des associés, plutôt que d'interpréter restrictivement les textes, quoique la teneur de ceux-ci ne permette pas de statuer dans un sens ou dans l'autre ?

La question appelle une réponse positive dans la mesure où la présente décision de justice, bien qu'originale, n'est pas inédite. En effet, la Cour de cassation a auparavant validé un mandat conféré postérieurement à des actes accomplis au profit d'une société en formation (9). Cette première brèche ouverte dans la forteresse jurisprudentielle érigée en la matière aurait pu constituer un accident passager, synonyme d'un relâchement de la vigilance des juges du droit dans l'interprétation et l'application stricte des textes en vigueur.

Cela ne semble pas le cas, si l'on se fie à cette récidive prétorienne qui tend à ôter tout caractère isolé à la précédente décision de justice.

Autant la reprise des engagements souscrits par mandat ne peut concerner que des actes accomplis pendant la période comprise entre la date de signature des statuts ou de l'assemblée constitutive, emportant l'une ou l'autre désignation du gérant, et la date d'immatriculation de la société (10) ; autant suffit-il, désormais, que le mandat soit donné durant cette période, peu importe que cela soit avant ou après la réalisation de l'acte.

Cependant, au-delà de son souhait présumé de faire prévaloir la volonté des parties à l'acte accompli (associés mandant et associé mandataire), la Haute juridiction paraît assortir les textes applicables d'un élément qui n'y figure pas, au point d'accroître l'incertitude déjà existante en pareille circonstance : l'incertitude normale de la reprise attachée à l'immatriculation de la société, éventuelle repreneuse des actes effectués, serait précédée de l'incertitude anormale tenant à l'octroi ou non du mandat d'accomplir ces actes. Cette dernière, rendue évitable par l'octroi d'un mandat en bonne et due forme, n'est pas propice à l'établissement de relations sereines entre les différentes personnes en cause : les associés entre eux et les associés avec les tiers. D'un côté, le mandat a posteriori expose le signataire de l'acte au bon vouloir des autres associés, qui peuvent, en fin de compte, refuser de le donner parce qu'ils considèrent l'acte passé trop coûteux ou inutile. De l'autre, les tiers peuvent ne plus savoir qui, en définitive, est leur débiteur : seul l'associé auteur de l'acte ou l'ensemble des associés (mandants et mandataire), en cas de non-reprise faute d'immatriculation de la société ?

Néanmoins, une fois franchie l'étape de l'octroi du mandat, la solution s'avère favorable, en temps normal, non seulement aux associés ayant passé les actes repris par la société, puisqu'ils en sont libérés, mais encore aux cocontractants qui ont davantage de chances d'en obtenir paiement auprès de celle-ci, personne morale plus solvable que ses membres, personnes physiques. Ce n'est pourtant pas l'hypothèse de l'espèce où la société étant en liquidation judiciaire, les cocontractants vont se trouver en concurrence avec d'autres créanciers, dont certains pourraient même être privilégiés. En outre, ils risquent fort de se heurter à une clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif compromettant sérieusement le paiement de leurs créances.

Sorti de ce contexte particulier, mais pas rare, d'une société repreneuse confrontée à une procédure collective, le présent arrêt de la Cour de cassation suscite l'approbation, en dépit des réserves préalablement exprimées. En effet, sur le terrain pratique, il procure au mandataire l'avantage de la promptitude lui permettant de saisir opportunément l'occasion de conclure un acte profitable à la future société, sans s'embarrasser d'un mandat qui pourrait tarder à venir et, par conséquent, compromettre la conclusion de l'affaire. Sur le terrain juridique, il ne contredit ni les dispositions légales du droit des sociétés, ni celles du droit civil, plus précisément de l'article 1998, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2221ABU) qui permet au mandant de conférer un mandat a posteriori, afin de ratifier expressément ou tacitement l'acte passé pour son compte par une personne sans pouvoir. Dès lors, le mandat destiné à couvrir l'engagement souscrit est inévitablement déterminé dans sa nature et ses modalités, écartant ainsi les reproches d'avoir délivré un mandat général.

Surgit, toutefois, une autre réserve : celle qui tient au fait que les co-associés donnent mandat à l'un des leurs, afin d'agir non point pour eux-mêmes, mais pour une société qui n'existe pas (ou au mieux, pas encore) en tant que personne juridique. Cette particularité ne permettrait peut-être pas d'appliquer strictement les règles de droit commun du mandat. Ajoutons à cela que les textes prévoient déjà la possibilité de faire reprendre par la société immatriculée les actes accomplis hors mandat, par une décision prise à la majorité des associés, sauf clause statutaire contraire (11).

Quoiqu'il en soit et eu égard à l'identité des textes en vigueur, la solution adoptée ici par la Chambre commerciale pour l'application de l'article R. 210-5 du Code de commerce à propos des SARL, vaut pour les autres sociétés commerciales et pour les sociétés civiles.


(1) E. Paillet, L'activité de la société en formation, Rev. Sociétés, 1980, p. 419.
(2) H. Baudelet, Les banques et l'activité de la société en formation, Banque, 1986, p. 66 ; Cass. com., 25 mars 2003, n° 01-00.536, Société Logebail c/ Société Marseillaise de crédit (SMC), F-D (N° Lexbase : A5899A7M), RJDA, 11/2003, n° 1108.
(3) C. com., art. R. 210-5, al. 1er et 2 (N° Lexbase : L0070HZM), R. 210-6, al. 1er et 2 (N° Lexbase : L0071HZN), pour les SARL et les sociétés par actions ; décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, art. 6, al. 1er et 2 (N° Lexbase : L5172A4C), pour les sociétés en nom collectif ou en commandite simple.
(4) Décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, art. 6, al. 3, pour les SNC et SCS ; C. com., art. R. 210-5, al. 3, pour les SARL.
(5) C. com., art. R. 210-6, al. 3.
(6) C. com., art. R. 210-7, al. 4 (N° Lexbase : L0072HZP).
(7) CA Versailles, 19 mai 2000, RJDA, 11/2000, n° 984.
(8) D. Gibirila, Droit des sociétés, n° 104, Ellipses, 2003, 2ème éd. et 3ème éd. (à paraître en octobre 2008) ; Cass. com., 24 mars 1998, n° 96-11.366, Société Delaunay et autre c/ Société civile immobilière Les Prés sergents et autres (N° Lexbase : A8129AHK), RJDA, 8-9/1998, n° 984, Defrénois, 1998, p. 677, obs. H. Hovasse, sur l'inefficacité d'une mention statutaire habilitant le gérant d'une SARL en formation à accomplir au nom de celle-ci des "actes et engagements entrant dans l'objet statutaire et conforme à l'intérêt général".
(9) Cass. com., 14 janvier 2003, n° 00-12.557, Société Socosud c/ M. Christian Lancelot, F-D (N° Lexbase : A6937A4P), Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 431, note B. Saintourens.
(10) CA Versailles, 19 mai 2000, préc..
(11) C. civ., art. 1843 (N° Lexbase : L2014AB9) ; décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, art. 6, al. 4 ; C. com., art. L. 210-6, al. 2.

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Fiscal général

[Communiqué] PLF 2009 : présentation des dispositions fiscales

Réf. : Projet de loi de finances pour 2009

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N3735BHS

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 07 Octobre 2010

Présenté le 26 septembre dernier par Christine Lagarde et Eric Woerth, le projet de loi de finances pour 2009 est fortement marqué par le contexte économique. La prudence est donc de mise, mais les ministres ont aussi affiché clairement -et sereinement ?- une certaine confiance. Un budget de rigueur, donc, mais qui se veut décidé à poursuivre l'effort de redressement structurel des finances publiques, et surtout, résolument tourné vers l'avenir, économique et écologique. En vue de stimuler la compétitivité des entreprises, une seule mesure, mais pas moins significative : la suppression de l'imposition forfaitaire annuelle (IFA) en trois ans. Pour ce qui est de l'environnement, de loin le volet le plus important du texte s'agissant des dispositions fiscales, le PLF 2009 opère un "verdissement" de la fiscalité. Pas de véritable innovation, si ce n'est l'instauration d'un nouveau prêt à taux zéro en faveur des travaux de rénovation destinés à améliorer la performance énergétique des logements anciens financé par l'octroi d'un crédit d'impôt aux banques prêteuses, ou encore l'instauration d'une taxe kilométrique sur les poids lourds, mais plutôt, l'aménagement, l'amélioration, voire la rénovation, des dispositifs déjà existants : on retiendra, notamment, la révision des dispositifs d'accession à la propriété (crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et prêt à taux zéro "accession"), le doublement du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, le renforcement des dispositifs d'incitation des propriétaires forestiers à réaliser des travaux de plantation et d'amélioration de leurs parcelles et à s'engager sur la gestion durable des ressources forestières. Enfin, comme annoncé depuis quelques mois, le plafonnement des niches fiscales constitue le troisième volet marquant de ce budget 2009 : sont ainsi revus à la baisse -ou à la hausse, selon le référent- les dispositifs de défiscalisation "Malraux", outre-mer, et LMP. 1. L'amélioration de la compétitivité de l'économie : la suppression de l'IFA en trois ans

L'objectif de poursuite de l'effort en faveur des entreprises, c'est-à-dire de réduction de leurs charges, se traduit par la suppression, en trois ans, de l'imposition forfaitaire annuelle (IFA).

L'IFA est due par les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, qui réalisent un chiffre d'affaires, majoré des produits financiers, d'un montant hors taxes au moins égal à 400 000 euros . Distincte de l'impôt sur les sociétés, l'IFA représente une charge d'autant plus lourde pour les entreprises que cet impôt est exigible même si l'entreprise ne réalise pas de bénéfices. Son montant varie en fonction du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise.

Afin d'accompagner le développement des entreprises, le barème de l'IFA serait ainsi modifié :

- à compter du 1er janvier 2009, la limite supérieure de la première tranche du barème actuel de l'IFA serait relevée de 400 000 euros à 1 500 000 euros (environ 210 000 entreprises ne seraient, ainsi, plus passibles de l'IFA à compter de 2009) ;

- à compter du 1er janvier 2010, cette limite serait portée à 15 000 000 d'euros (près de 130 000 entreprises supplémentaires ne seraient alors plus passibles de l'IFA) ;

- enfin, à compter du 1er janvier 2011, l'IFA serait définitivement supprimée (cette suppression concernerait environ 22 500 entreprises supplémentaires).

2. La promotion du développement durable

Le volet écologique du projet de loi de finances pour 2009 est le plus important, comptant près d'une dizaine de mesures en ce sens.

  • Instauration d'un nouveau prêt à taux zéro en faveur des travaux de rénovation destinés à améliorer la performance énergétique des logements anciens

Afin de favoriser les économies d'énergie et la préservation de l'environnement, il est proposé de créer un prêt à taux zéro pour financer, soit des travaux destinés à garantir une performance énergétique minimale des logements anciens à usage de résidence principale, soit des ensembles cohérents de travaux d'amélioration de la performance thermique de ces logements. Dans ce dernier cas, l'écoprêt à taux zéro serait accordé pour la réalisation d'un ensemble de travaux cohérents (travaux d'isolation thermique performants des toitures, des murs et des parois vitrées donnant sur l'extérieur, travaux d'installation, de régulation ou de remplacement de systèmes de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire performants, travaux d'installation d'équipements de chauffage utilisant une source d'énergie renouvelable, travaux d'installation d'équipements de production d'eau chaude sanitaire utilisant une source d'énergie renouvelable).

C'est un décret qui, en fonction des caractéristiques du logement (maison individuelle, appartement, date d'achèvement...), définira des "bouquets de travaux" cohérents dont la réalisation permettrait d'améliorer de manière importante sa performance énergétique.

Comme l'actuel prêt à 0 %, il s'agirait d'un crédit d'impôt versé en cinq ans aux banques qui accorderaient les avances remboursables sans intérêt aux emprunteurs. En revanche, ce nouveau crédit d'impôt ne serait pas subordonné à des conditions de ressources.

L'écoprêt à taux zéro, qui pourrait financer la totalité du montant des travaux, ne pourrait excéder 300 euros par m² de surface habitable dans la limite de 30 000 euros par logement, et selon le type de "bouquet de travaux" réalisé. La durée de l'écoprêt, fixée par décret, dépendrait également du type de "bouquet de travaux" réalisé.

Il est précisé que la fraction des dépenses financées par l'avance remboursable ne pourrait ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable.

Le dispositif s'appliquerait aux avances remboursables émises à compter de la date de publication du décret en Conseil d'Etat pris pour l'application du dispositif et jusqu'au 31 décembre 2013.

  • Amélioration des dispositifs existants pour une meilleure prise en compte de la performance énergétique des logements

Afin d'inciter les ménages à l'acquisition de logements présentant une performance énergétique supérieure à celle imposée par la réglementation, des avantages supplémentaires seraient accordés aux contribuables qui acquièrent un logement neuf répondant à la norme "bâtiments basse consommation" (BBC) :

- la durée d'application du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts contractés pour l'acquisition ou la construction d'un logement affecté à l'habitation principale , serait portée de cinq à sept annuités de remboursement et son taux serait uniformément de 40 % pendant toute cette période (ces dispositions s'appliqueraient aux acquisitions réalisées à compter du 1er janvier 2009) ;

- dans le cadre du crédit d'impôt accordé aux établissements de crédit au titre des avances remboursables ne portant pas intérêt, destiné à permettre aux personnes physiques, sous conditions de ressources, de bénéficier d'un prêt à taux zéro (PTZ) pour l'acquisition ou la construction d'une résidence principale, en accession à la première propriété , le montant des avances remboursables serait majoré d'un montant maximal de 20 000 euros, passant de 32 500 euros à 52 500 euros pour un logement neuf situé en zone A et de 29 250 euros à 49 250 euros pour un logement ancien situé en zone B (ces dispositions s'appliqueraient aux avances remboursables émises à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat fixant les modalités d'application de la majoration, et au plus tard le 1er janvier 2010).

Par ailleurs, il est proposé de réserver le bénéfice du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, du prêt à taux zéro à l'acquisition et des dispositifs "Robien recentré" et "Borloo" aux acquisitions ou aux constructions de logements neufs pour lesquelles le bénéficiaire justifie du respect des normes en vigueur relatives aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique imposées aux logements par la législation.

En pratique, l'application effective de cette mesure serait néanmoins différée dans l'attente de la publication d'un décret d'application. Ce dernier ne sera pas publié avant l'entrée en vigueur de l'obligation, prévue par la loi d'application du Grenelle de l'environnement, pour le maître d'ouvrage de fournir à l'issue de l'achèvement des travaux à l'autorité qui a délivré le permis de construire un document, établi par un tiers indépendant et attestant que le maître d'ouvrage a pris en compte la réglementation thermique.

Par ailleurs, s'agissant de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est proposé d'étendre aux constructions achevées entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 2008 l'exonération sur délibération des collectivités territoriales et de leurs groupements de la taxe foncière sur les propriétés bâties actuellement prévue pour les constructions économes en énergie achevées avant le 1er janvier 1989 .

Enfin, il est proposé d'instituer, sur délibération des collectivités territoriales et de leurs groupements, une exonération de cinq ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties de 50 % ou de 100 % pour les constructions de logements neufs achevées à compter du 1er janvier 2009 respectant la norme BBC.

  • Rénovation du crédit d'impôt en faveur des économies d'énergie et du développement durable

Le crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale, prévu à l'article 200 quater du CGI (N° Lexbase : L5492HWC ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E9146CD4), qui s'applique jusqu'au 31 décembre 2009, serait prorogé jusqu'au 31 décembre 2012. Le plafond des dépenses éligibles, de 8 000 euros ou 16 000 euros selon la composition du foyer fiscal, serait maintenu et, désormais, apprécié sur cinq années consécutives.

Par ailleurs, afin d'inciter les contribuables à acquérir les équipements les plus performants en matière d'économie d'énergie et à réaliser des travaux d'isolation thermique, la liste des dépenses éligibles serait, d'une part, recentrée sur certains équipements et, d'autre part, étendue à certaines dépenses non prises en compte aujourd'hui.

Pour ce qui est du recentrage du crédit d'impôt, les chaudières à basse température ainsi que les pompes à chaleur air-air ne seraient plus éligibles. De plus, le taux applicable aux appareils de chauffage au bois et aux pompes à chaleur (50 %) serait réduit à 40 % pour les dépenses payées en 2009, puis à 25 % pour celles payées à compter de 2010 (le taux serait toutefois maintenu à 40 % pour les dépenses concernant des logements achevés avant le 1er janvier 1977 et effectuées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de leur acquisition).

S'agissant de l'extension du crédit d'impôt, le champ d'application de l'avantage fiscal serait étendu aux frais de main-d'oeuvre pour les travaux d'isolation thermique des parois opaques (au taux de 25 %, ou de 40 % pour les dépenses concernant des logements achevés avant le 1er janvier 1977 et effectuées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de leur acquisition). Pour permettre aux ménages de connaître les caractéristiques thermiques réelles de leur logement, le crédit d'impôt serait également étendu, au taux de 50 %, aux frais engagés, hors les cas où la réglementation le rend obligatoire, au titre d'un diagnostic de performance énergétique (DPE). Enfin, et pour inciter les propriétaires à réaliser des travaux d'économie d'énergie dans les immeubles loués, le bénéfice du crédit d'impôt leur serait accordé à raison des travaux réalisés dans des logements achevés depuis plus de deux ans qu'ils s'engagent à louer nus, à titre de résidence principale des locataires, pendant une durée d'au moins cinq ans. Le plafond des dépenses éligibles serait fixé à 8 000 euros par logement. Au titre d'une même année, un contribuable pourrait bénéficier du crédit d'impôt pour la rénovation d'au plus trois logements.

L'ensemble de ces aménagements s'appliquerait aux dépenses payées à compter du 1er janvier 2009.

  • Augmentation du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique et exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour l'agriculture biologique

Dans le cadre de l'objectif d'un triplement, d'ici 2012, des surfaces agricoles exploitées selon le mode biologique, fixé par les travaux du Grenelle de l'environnement, le projet de loi de finances pour 2009 propose de renforcer l'efficacité du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique et de permettre aux collectivités territoriales d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) les terrains agricoles exploités selon le mode biologique.

Les entreprises agricoles bénéficient d'un crédit d'impôt au titre de chacune des années comprises entre 2005 et 2010, lorsqu'au moins 40 % de leurs recettes proviennent d'activités qui ont fait l'objet d'une certification en agriculture biologique . Le crédit d'impôt est égal à 1 200 euros, majoré de 200 euros par hectare exploité selon le mode de production biologique, dans la limite de 800 euros.

Afin de renforcer l'efficacité de ce crédit d'impôt, il est proposé de doubler :

- le montant du plafond du crédit d'impôt, qui serait porté à 2 400 euros ;

- le montant de la majoration accordée par hectare exploité selon le mode de production biologique, qui s'élèverait à 400 euros. Corrélativement, la limite de 800 euros correspondant à la majoration maximale serait portée à 1 600 euros.

Ces nouvelles dispositions s'appliqueraient à compter de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2009 et à l'impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 1er janvier 2009.

Par ailleurs, il est proposé de permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre d'exonérer de TFPNB, pendant une durée de cinq ans, les terrains agricoles exploités selon le mode de production biologique. Il serait fait obligation au propriétaire foncier de verser l'intégralité du montant de cette exonération à l'exploitant agricole locataire de ces terrains. Cette exonération sur délibération ne serait pas compensée par l'Etat. Ces nouvelles dispositions s'appliqueraient à compter des impositions établies au titre de 2010, pour les terrains exploités selon le mode de production biologique à compter du 1er janvier 2009.

  • Plan forêt : renforcement du "DEFI travaux" et création du "DEFI contrat" et majoration du taux de l'amortissement dégressif pour certains matériels des entreprises de première transformation du bois

Le dispositif du DEFI (dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement) travaux, instauré par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006, d'orientation agricole (N° Lexbase : L6672HET), encourage les propriétaires forestiers à réaliser des travaux de plantation et d'amélioration de leurs parcelles afin de faciliter le renouvellement des ressources forestières. Les dépenses d'investissement ouvrent droit à une réduction d'impôt de 25 % dans la limite de 1 250 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 2 500 euros pour un couple marié. Lorsque l'investissement est réalisé par le biais d'un groupement forestier, les dépenses sont retenues à proportion des droits que le contribuable détient dans le groupement .

Afin de renforcer l'attractivité du dispositif et accélérer la réalisation de travaux forestiers, il est proposé de : quintupler le plafond des dépenses éligibles à la réduction d'impôt ; supprimer le plafond commun aux DEFI "acquisition" et "travaux" ; permettre le report sur les quatre années suivantes (huit ans en cas de sinistre forestier) des dépenses de travaux éligibles à la réduction d'impôt qui excèdent le plafond ; proroger le dispositif jusqu'en 2013.

En outre, dans un souci d'équité, le plafond retenu en cas d'investissements forestiers par le biais d'un groupement forestier ne serait plus fractionné à proportion des droits détenus dans le groupement par le contribuable. Par ailleurs, la durée de conservation des parcelles et d'application d'une garantie de gestion durable (au lieu d'un plan simple de gestion ou d'un règlement type de gestion agréée) serait réduite à huit ans et celle de conservation des parts du groupement ou de sociétés d'épargne forestière à quatre ans.

Il est, ensuite, proposé de créer un volet "contrat" au DEFI afin de dynamiser la gestion forestière des propriétaires de moins de 25 hectares à condition qu'ils contractualisent l'offre de bois avec la filière en aval et présentent des garanties de gestion durable. Ce volet "contrat DEFI" prendrait la forme d'une réduction d'impôt de 25 % et s'appliquerait aux dépenses payées à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'en 2013.

Enfin, toujours dans le cadre d'un "Plan forêt", le projet de loi de finances pour 2009 propose de réactiver en faveur des scieries, afin de leur permettre d'adapter leur capacité de production aux besoins d'un marché en forte expansion et de développer leur compétitivité, le dispositif de majoration de 30 % du taux de l'amortissement dégressif pour certains matériels des entreprises de première transformation du bois, qui avait bénéficié, entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2005, aux entreprises de première transformation du bois, pour les matériels de production, de sciage et de valorisation des produits forestiers qu'elles utilisaient pour leur activité. Ainsi, les taux d'amortissement dégressif des matériels de production, de sciage ainsi que de valorisation des produits forestiers utilisés par des entreprises, dont l'activité principale consiste à fabriquer à partir de grumes des produits intermédiaires, seraient majorés de 30 %. A titre d'exemple, le taux d'amortissement dégressif d'un matériel dont la durée d'amortissement est de cinq ans passerait ainsi de 35 % à 45,5 %. Ce dispositif serait conditionné au respect du Règlement communautaire de minimis (N° Lexbase : L1322HUI) et s'appliquerait aux investissements réalisés entre le 26 septembre 2008 et le 31 décembre 2011.

  • Aménagement de la taxe générale sur les activités polluantes

- TGAP sur les déchets ménagers :

Afin de favoriser le recyclage et la valorisation des déchets ménagers, qui sont des modes d'élimination présentant un bilan environnemental très supérieur aux modes d'élimination actuels (incinération et mise en décharge), le projet de loi de finances pour 2009 propose d'augmenter le taux de la TGAP assise sur les quantités de déchets ménagers et assimilés entrant dans un centre de stockage de déchets ultimes (CSD) pour le porter progressivement d'ici à 2015, à 40 euros par tonne pour les CSD autorisés, 70 euros par tonne si le CSD n'est pas autorisé et à 40 euros par tonne dans tous les autres cas.

Il est également prévu d'instaurer une nouvelle composante de la TGAP, assise sur les quantités de déchets ménagers et assimilés entrant dans une unité d'incinération d'ordures ménagères (UIOM). Le taux de cette taxe serait progressivement porté d'ici à 2011, à 8 euros par tonne si l'UIOM est certifiée ISO 14001 ou EMAS, 7 euros par tonne si l'UIOM est "de haute performance énergétique", 5 euros par tonne si l'UIOM cumule ces deux conditions (soit ISO 14001 ou EMAS et "de haute performance énergétique"), 10 euros par tonne dans tous les autres cas.

En outre, toute personne qui transférerait ou ferait transférer des déchets ménagers et assimilés vers un autre Etat lorsque ces déchets ne seraient pas exclusivement affectés à leur valorisation serait soumise à la TGAP.

- TGAP portant sur les matériaux d'extraction :

Afin d'inciter à l'utilisation de matériaux renouvelables ou à l'utilisation de granulats issus du recyclage des matériaux provenant de chantiers de démolition du bâtiment et préserver ainsi la qualité des paysages et de la biodiversité qui est attachée aux espaces marins, il est proposé de relever le taux de 0,10 euro par tonne à 0,20 euro par tonne afin de le rapprocher du coût des dommages environnementaux.

- TGAP sur les pollutions atmosphériques :

Afin d'inciter les entreprises à réduire leurs émissions de particules, il est proposé d'étendre le champ d'application de la TGAP sur les pollutions atmosphériques aux poussières en suspension totale qui incluent les particules émises et, notamment, les particules fines dites PM10 et PM2,5. Le seuil d'assujettissement à cette taxe serait fixé par décret à 50 tonnes d'émission de TSP par an. Ce seuil est envisagé sur la base des obligations actuelles de déclaration des émissions, tant en ce qui concerne les particules totales que les PM10. 866 établissements industriels en France seraient assujettis.

Le taux de taxation serait de 85 euros par tonne de TSP.

En outre, il est proposé de relever de 152 000 euros à 171 000 euros la limite à partir de laquelle les contributions ou dons de toute nature, versés au profit d'un organisme de surveillance de la qualité de l'air dont l'exploitant est membre, peuvent être imputés sur le montant de la TGAP.

- Modification des règles de détermination des acomptes :

Il est proposé de modifier les règles de calcul des acomptes. Ceux-ci seraient dorénavant égaux à un tiers du montant obtenu en appliquant à l'assiette de l'année précédente les tarifs en vigueur au 1er janvier de l'année en cours, et non plus égaux à un tiers du montant de la taxe due au titre de l'année précédente. Cette modification permettrait de matérialiser dès l'année 2009 les augmentations de tarifs et créations de nouvelles composantes détaillées ci-dessus.

  • Modification du régime fiscal privilégié des biocarburants

Eu égard à l'évolution actuelle des cours des carburants, de l'énergie et des matières premières agricoles, il est proposé d'ajuster la défiscalisation accordée aux biocarburants, à l'instar des réflexions en cours chez les pays voisins. Avec un prix du pétrole, certes volatil, mais dont les déterminants structurels conduisent à prévoir un niveau durablement élevé, les prix de revient des biocarburants ne sont plus en décalage structurel par rapport aux carburants ordinaires et, ce malgré la hausse du prix des matières premières agricoles. Les tensions sur les matières premières agricoles ont atteint des niveaux qui ne justifient plus de maintenir la défiscalisation au motif d'un soutien aux débouchés pour les productions agricoles.

La réduction de TIPP dont bénéficient les biocarburants serait ainsi graduellement diminuée jusqu'en 2012. A compter de 2012, les biocarburants ne bénéficieraient plus d'une fiscalité privilégiée, la TGAP sur les carburants constituant à elle seule, en raison notamment d'un barème de taxation progressif, une incitation efficace à la production de biocarburants.

  • Relèvement des taux de la redevance pour pollutions diffuses pour les substances les plus toxiques

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, sur l'eau et les milieux aquatiques (N° Lexbase : L9269HTH) a créé au bénéfice des agences de l'eau une redevance pour pollutions diffuses, concernant les substances contenues dans les pesticides, dont le taux plafond dépend de la dangerosité des substances. Le projet de loi de finances pour 2009 propose de modifier la redevance pour pollutions diffuses sur trois points.

D'abord, afin d'uniformiser les taux de la taxe sur l'ensemble du territoire, la possibilité de modulation dont disposent les agences de l'eau pour fixer les taux de la redevance serait supprimée. Les taux seraient ainsi dorénavant fixés par la loi.

Ensuite, ces taux seraient progressivement relevés :

- de 1,2 euro par kg à 2,8 euros par kg pour les substances dangereuses pour l'environnement ;

- de 0,5 euro par kg à 1,2 euro par kg pour les substances de la famille chimique minérale ;

- de 3 euros par kg à 7,1 euros par kg pour les substances très dangereuses pour la santé humaine.

Enfin, il serait mis fin à la situation actuelle où les distributeurs de pesticides ne reversent la redevance aux agences de l'eau que durant l'année suivant celle au cours de laquelle les exploitants agricoles l'ont acquittée. A cette fin, il serait créé un système d'acomptes obligatoires imposant aux distributeurs d'acquitter, avant le 30 juin de l'année, un acompte égal à 40 % de la redevance due au titre des ventes de l'année précédente.

Le premier relèvement de taux s'appliquerait dès le 1er janvier 2009.

  • Généralisation de la taxe kilométrique sur les poids lourds et abaissement de la taxe à l'essieu

- Instauration d'une taxe kilométrique sur les poids lourds :

Le PLF pour 2009 propose d'instaurer au plan national une taxe kilométrique poids lourds, destinée à promouvoir, en matière de fret, un moindre et meilleur usage de la route. Il s'agirait à la fois d'appliquer un signal prix au transport routier de marchandises pour faire évoluer les pratiques des chargeurs comme des transporteurs et de dégager des ressources nouvelles pour la réalisation d'infrastructures de transport dans une perspective résolument intermodale. Cette taxe serait modulée en fonction du nombre d'essieux et de la classe d'émission EURO des poids lourds. Elle couvrirait les 12 000 km du réseau routier national non concédé (seules les autoroutes à péage en seraient donc exclues) ainsi que certains itinéraires départementaux ou communaux alternatifs, afin de limiter les transferts de trafic. Tous les poids lourds à partir de 3,5 tonnes seraient concernés dès l'entrée en vigueur prévue au plus tard le 31 décembre 2011.

Auparavant, à titre expérimental, une taxe "alsacienne" préfigurant cette taxe nationale serait mise en place sur les grands axes nord-sud de l'Alsace au plus tard le 21 décembre 2010. La mise en vigueur ultérieure de la taxe nationale entraînerait le moment venu la disparition de cette taxe alsacienne.

Afin de ne pas remettre en cause l'équilibre économique des entreprises du secteur du transport routier, la répercussion du coût de ces taxes sur la rémunération de l'opération de transport serait rendue obligatoire.

- Abaissement aux minima communautaires de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers ("taxe à l'essieu") :

Afin d'alléger les coûts fixes des entreprises, il est proposé d'aligner les taux de la taxe à l'essieu sur les taux minimaux fixés par la Directive "eurovignette" 1999/62/CE (N° Lexbase : L0065AWC). Cette mesure serait applicable au transport pour compte d'autrui comme au transport pour compte propre à partir du 1er janvier 2009.

3. L'amélioration de l'équité du système fiscal

L'effort mené en faveur de l'équité du système est principalement axé sur le plafonnement des niches fiscales.

3.1. Plafonnement des niches fiscales

  • Aménagement du dispositif "Malraux"

Les propriétaires d'immeubles bâtis dans certaines zones protégées qui effectuent des travaux en vue de la restauration complète de ces immeubles sont autorisés, d'une part, à déduire, pour la détermination du revenu foncier imposable, en plus des charges de droit commun, certaines dépenses spécifiques (frais d'adhésion aux associations urbaines de restauration, travaux de transformation en logement, dépenses de démolition, etc.), et, d'autre part, à imputer sur le revenu global sans limitation de montant leurs déficits fonciers résultant de l'ensemble des charges (spécifiques ou non) supportées à l'occasion de la restauration complète, à l'exclusion des intérêts d'emprunt .

Le projet de loi de finances pour 2009 propose d'aménager ce régime de faveur (dit "Malraux ") à compter du 1er janvier 2009 afin, d'élargir les dépenses déductibles à l'ensemble des dépenses de travaux déclarés d'utilité publique imposés ou autorisés par l'autorité publique en application des dispositions législatives et réglementaires relatives aux secteurs sauvegardés et aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ainsi que d'étendre l'avantage fiscal aux locations à usage professionnel.

En contrepartie de ces assouplissements, il est proposé de généraliser l'exigence d'une déclaration d'utilité publique pour mieux encadrer les opérations éligibles aux avantages fiscaux. Par ailleurs, la durée de l'engagement de location serait allongée pour être alignée sur celle retenue pour l'application des principaux dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement immobilier locatif, soit neuf ans au lieu de six ans. Enfin, il est proposé de fixer une limite d'imputation sur les autres revenus des charges supportées à l'occasion de la restauration complète de l'immeuble situé dans un secteur protégé. Le plafonnement des effets de ce mécanisme, dont l'application n'est actuellement soumise à aucune limitation, permettrait d'éviter que le cumul de plusieurs opérations ne permette à un même contribuable de s'affranchir de toute imposition à l'impôt sur le revenu.

Afin de tenir compte des différences de réglementation applicable en matière d'urbanisme et de degré de contraintes, notamment architecturales, imposées aux propriétaires des immeubles concernés, cette limite d'imputation ainsi que le taux de déduction différeraient selon la zone de protection concernée.

Le taux de déduction appliqué aux dépenses et le montant maximum déductible en résultant seraient ainsi respectivement fixés à :

- 100 %, dans la limite de 140 000 euros de dépenses, lorsque l'immeuble est situé dans un secteur sauvegardé ;

- 75 %, dans la limite de 100 000 euros de dépenses, lorsque l'immeuble est situé dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP).

La déduction dont un même contribuable pourrait bénéficier au titre d'une même année à raison, le cas échéant, de plusieurs opérations éligibles au dispositif Malraux serait globalement plafonnée à 140 000 euros.

En outre, pour éviter les opérations purement patrimoniales réalisées dans un seul but d'optimisation fiscale, un délai de mise en location du bien serait fixé au plus tard au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle la première déduction est opérée.

Ces nouvelles dispositions s'appliqueraient aux dépenses portant sur des immeubles pour lesquels une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux a été déposée à compter du 1er janvier 2009.

  • Plafonnement des réductions d'impôt accordées au titre des investissements réalisés outre-mer

Les contribuables qui réalisent des investissements en outre-mer peuvent bénéficier de réductions d'impôt soit au titre des investissements effectués dans le secteur du logement et au capital de certaines sociétés, soit au titre d'investissements productifs neufs . Si la base de la réduction d'impôt accordée au titre des investissements dans le secteur du logement est plafonnée à un montant par mètre carré de surface habitable, son montant n'est, pour sa part, soumis à aucun plafonnement. La réduction d'impôt accordée au titre des investissements productifs neufs n'est pour sa part soumise à aucun plafonnement.

Le PLF 2009 propose de limiter le montant des réductions d'impôt au titre des investissements réalisés en outremer. Pour une même année d'imposition, le montant total des réductions d'impôt sur le revenu pouvant être obtenu au titre de ces investissements serait limité, pour un même foyer fiscal, à la somme de 40 000 euros ou, si ce second montant est plus élevé, à 15 % du revenu du foyer.

Ces dispositions s'appliqueraient aux avantages procurés par les réductions d'impôt au titre des investissements réalisés à compter du 1er janvier 2009. Toutefois, certaines modalités particulières d'entrée en vigueur seraient retenues pour ne pas remettre en cause les décisions d'investissement prises avant le 1er janvier 2009 lorsque la réalisation effective de l'investissement n'interviendrait qu'après cette date.

  • Aménagement du régime de la location de locaux meublés d'habitation

Afin de réserver le régime spécifique aux contribuables pour lesquels la location meublée représente une véritable activité professionnelle, le projet de loi propose de restreindre le champ d'application du régime de la location meublée professionnelle.

Seraient ainsi considérés comme loueurs en meublé professionnels, les contribuables inscrits au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel, pour lesquels les recettes annuelles retirées de cette activité excèdent 23 000 euros, et de surcroît (condition cumulative et non plus alternative), représentent plus de 50 % des revenus d'activités professionnelles, étant précisé que ces conditions seraient appréciées au niveau du foyer fiscal.

Le régime d'exonération des plus-values de cessions réalisées par les loueurs en meublé professionnels serait modifié afin de leur rendre applicable le régime d'exonération des plus-values des petites entreprises prestataires de services. Les plus-values de cession des loueurs en meublé professionnels bénéficieraient alors d'une exonération totale tant que le montant annuel des recettes générées par cette activité serait inférieur à 90 000 euros.

Dans la mesure où des déficits antérieurs à l'acquisition ou à la livraison de l'immeuble se rattachent, comme les déficits postérieurs à la livraison de l'immeuble, à une même opération économique, il est proposé de faciliter leur imputation par les loueurs en meublé professionnels. Ainsi, lorsqu'ils se rapportent à des dépenses engagées en vue d'une location meublée, les déficits antérieurs à l'acquisition ou à la livraison de l'immeuble pourraient être imputés, par fractions égales, sur le revenu global des trois premières années de location meublée tant que cette activité présente un caractère professionnel.

Par ailleurs, il est proposé de tirer toutes les conséquences du caractère patrimonial de l'activité de loueur en meublé non professionnel pour les règles d'imposition du résultat. Ainsi, la situation des loueurs en meublé non professionnels serait rapprochée, concernant les règles d'imputation des déficits, de celle des personnes imposées dans la catégorie des revenus fonciers.

Les déficits provenant de la location meublée non professionnelle seraient imputés sur le revenu global du contribuable dans la limite de 10 700 euros. Cette limite, appréciée au niveau du foyer fiscal, serait propre aux revenus de la location meublée et distincte de la limite d'imputation, du même montant, applicable aux revenus fonciers que percevrait par ailleurs le contribuable. De plus, les déficits qui n'auraient pas pu être imputés sur le revenu global seraient imputables sur les revenus tirés de la location meublée non professionnelle des dix années suivantes.

S'agissant du régime micro, il serait proposé d'appliquer aux loueurs en meublé, pour le bénéfice du régime micro-BIC, les limites retenues pour les entreprises prestataires de services.

3.2. Les autres mesures d'équité

  • Reconduction de la contribution des entreprises pétrolières à l'aide à la cuve

L'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2007 (loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 N° Lexbase : L5490H3Q) a institué une taxe exceptionnelle à la charge des entreprises pétrolières . Les entreprises pétrolières redevables de la taxe ont la possibilité de se libérer du montant de cette taxe, par un versement auprès du fonds social pour le chauffage des ménages qui finance l'aide à la cuve versée aux foyers les plus modestes.

Afin de renouveler le cofinancement, par les entreprises pétrolières, de l'aide à la cuve versée aux foyers les plus modestes, la taxe exceptionnelle serait reconduite. Le régime de cette taxe serait en tout point identique à celui de la taxe instituée en 2007. Ainsi, cette taxe d'un taux de 25 % serait due au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2008 et assise sur la fraction excédant 15 millions d'euros du montant de la provision pour hausse des prix figurant au bilan de cet exercice ou de l'exercice précédent si le montant de la provision y était supérieur. Le versement alternatif et libératoire auprès du fonds social pour le chauffage des ménages permettant un financement direct de l'aide à la cuve par les entreprises pétrolières serait également reconduit.

  • L'exonération des primes versées par l'Etat aux sportifs médaillés des jeux olympiques et paralympiques de l'an 2008 à Pékin

Pour témoigner de la reconnaissance de la Nation à l'endroit de la performance sportive accomplie et favoriser le sport de haut niveau, les primes versées par l'Etat aux médaillés olympiques et paralympiques font traditionnellement l'objet d'une mesure d'exonération de l'impôt sur le revenu .

Les montants individuels des primes attribuées aux médaillés aux Jeux olympiques s'élèvent respectivement pour les médailles d'or, d'argent et de bronze à : 50 000 euros, 20 000 euros et 13 000 euros. Pour la première fois, le barème applicable en 2008 aux médaillés paralympiques est aligné sur celui des médaillés olympiques. Il est proposé d'exonérer d'impôt sur le revenu les primes versées par l'Etat aux athlètes médaillés des Jeux olympiques et paralympiques de l'été 2008 à Pékin.

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Responsabilité administrative

[Jurisprudence] La responsabilisation accrue des agents publics en cas de faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 8 août 2008, n ° 297044 et 311386, M. Mazière (N° Lexbase : A9588D9Y)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 07 Octobre 2010

Si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne sont pas pécuniairement responsables envers les collectivités des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi lorsque le préjudice qu'ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles détachables de l'exercice de leurs fonctions. L'affaire "Mazière" ici traitée (1), si elle peut se révéler classique dans le droit de la responsabilité, va nous permettre de revisiter les contours de la distinction ainsi opérée. En effet, la mise en oeuvre de la responsabilité en cas de faute personnelle et/ou de faute de service implique, en elle-même, la conciliation d'intérêts potentiellement divergents (ceux de l'agent, de la victime et enfin du service) difficiles à concilier. La victime veut obtenir réparation du préjudice subi et doit, à cette fin, trouver un débiteur solvable. Elle doit donc logiquement préférer mettre en cause la responsabilité de l'administration plutôt que celle de l'agent auteur de la faute personnelle, dont la solvabilité peut être douteuse. Le fonctionnaire, quant à lui, a avantage à bénéficier d'une impunité complète sur le plan patrimonial, tant à l'égard de la victime qu'à l'égard du service dont il dépend. L'administration, pour sa part, est animée par le double souci de ménager les deniers publics et de préserver son image, préoccupations qui tendraient à étendre la responsabilité personnelle des agents publics. Il semble, à cet égard, que le traitement de la distinction faute personnelle - faute de service s'oriente vers une responsabilisation accrue des agents en cas de faute, et d'une accentuation conséquente des exonérations ou des possibilités d'indemnisation de l'administration, ce dont témoigne l'arrêt d'espèce.

Le 20 mai 1989, un gendarme auxiliaire effectuant son service national, qui s'était vu confier une mission de transport de courrier, a, sans autorisation, pris à bord du véhicule militaire destiné à cette mission un autre appelé, et s'est détourné de son itinéraire pour permettre à celui-ci de prendre de l'argent à un distributeur automatique. A cette occasion, il a causé un accident de la circulation dont il a été reconnu seul responsable, et pour lequel il a été condamné à deux peines d'amende. Cet accident a occasionné des dommages corporels au passager du véhicule adverse et matériels aux deux véhicules en cause, à la réparation desquels l'Etat a procédé avant d'émettre un titre de perception à l'encontre de l'intéressé.

L'Etat a effectué la réparation de ces dommages et a émis, le 22 juillet 1996, à l'encontre du gendarme auxiliaire, un titre de perception d'un montant de 17 040,14 euros correspondant à l'indemnisation des préjudices subis. Par requête du 4 avril 1997, le gendarme auxiliaire, après avoir préalablement saisi le trésorier payeur général, a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation du titre de perception.

Par jugement du 11 décembre 2002, cette juridiction a annulé le titre en estimant que "dans les circonstances de l'affaire, les faits reprochés à M. M. ne caractérisent pas une faute personnelle détachable du service de nature à engager sa responsabilité pécuniaire devant l'Etat". Par un arrêt en date du 26 juin 2006, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement, contrairement à ce que préconisait le commissaire du Gouvernement, Laurence Helmlinger, dans ses conclusions qui étaient favorables au rejet du recours du ministre de la Défense (2). La cour a jugé que "la faute personnelle commise par M. M., quel qu'en soit le degré de gravité, est de nature à engager envers l'Etat sa responsabilité pécuniaire sans qu'il puisse se prévaloir de l'existence d'une faute du service public, engageant la responsabilité de l'Etat envers la victime, pour soutenir que sa responsabilité personnelle s'en trouverait atténuée", et que "les transactions légalement intervenues entre le ministre de la Défense et les victimes de l'accident causé par M. M. [....] au vu du rapport préliminaire constatant les dégâts subis et des conclusions de l'expertise ordonnée par le tribunal de police de Longjumeau, sont opposables à l'intéressé". Le gendarme auxiliaire s'est, alors, pourvu en cassation.

Il ressort de la décision du Conseil d'Etat que l'accident dont l'Etat a réparé les conséquences dommageables, et pour lequel il a demandé à l'intéressé de rembourser les dépenses engagées, est survenu alors que l'intéressé s'est détourné de son trajet pour permettre à un autre appelé de prendre de l'argent à un distributeur automatique. Cette modification du trajet répondait à des fins personnelles. La faute ainsi commise par l'intéressé en se détournant de l'objet de sa mission pour répondre à des fins privées constitue donc une faute personnelle (3).

La faute ayant été commise par l'intéressé en dehors de l'exercice de sa mission, le degré de gravité de cette faute est sans incidence sur l'étendue de la responsabilité pécuniaire de son auteur à l'égard de son administration. En effet, s'agissant d'une faute personnelle, il n'y a pas à rechercher l'incidence que pouvait avoir la situation de subordination hiérarchique dans laquelle se trouvait l'intéressé. Les transactions intervenues pour clore le litige civil relatif aux conséquences de l'accident pouvaient être prises en considération, même si celui-ci n'y était pas partie, pour juger que l'Etat était fondé à réclamer à l'intéressé, en raison de sa faute personnelle, le remboursement des sommes versées au titre de ces transactions.

La décision du Conseil d'Etat ainsi développée est intéressante à plus d'un titre, en ce qu'elle montre, qu'en la matière, il n'existe pas de solution idéale et simple qui serait toujours valable, mais plutôt des compromis empiriques et provisoires. Pour autant, cette jurisprudence du juge administratif marque, notamment, un enrichissement dans l'appréciation de la distinction entre faute personnelle et faute de service (I). Elle semble suggérer, aussi, une responsabilisation accrue des agents publics en cas de faute et, donc, une accentuation corrélative des possibilités d'exonération ou d'indemnisation de l'administration à travers l'exercice de l'action récursoire de l'Etat contre ses agents alors fautifs (II).

I - Un enrichissement dans l'appréciation de la distinction faute personnelle - faute de service

Dans son appréciation de la faute commise en l'espèce, le juge administratif se livre à une analyse assez stricte des faits. Il ne retient pas la notion de faute détachable non dépourvue de tout lien avec le service alors que le cas d'espèce pouvait s'y prêter, et que la jurisprudence semblait s'orienter jusque-là dans cette direction (A). Le juge écarte aussi, de manière assez sévère, la situation de subordination hiérarchique dans laquelle se trouvaient les agents publics, en l'espèce pour qualifier ainsi, au final, la faute de faute personnelle (B).

A - La non-application de la notion de faute détachable non dépourvue de tout lien avec le service

La notion d'acte détachable, ou de faute détachable "non dépourvue de tout lien avec le service" est, justement, née dans le contentieux des accidents provoqués à l'occasion de l'usage de véhicules administratifs à des fins personnelles. Il ressort de la jurisprudence que ce "lien avec le service" est principalement temporel, à savoir que présente un lien avec le service tout acte accompli pendant le temps de service. Peu importe que l'acte n'ait aucun rapport avec l'accomplissement normal, même défectueux du service, il suffit qu'il ait été accompli à un moment où l'agent public était censé consacrer son temps à une mission donnée par l'autorité administrative, ou se trouvait sous sa dépendance. Des agressions, des vols, des blessures, des meurtres et des viols pourront, ainsi, être considérés comme non dépourvus de tout lien avec le service.

Il en a été jugé ainsi, pour des policiers, des douaniers, des militaires, des sapeurs-pompiers, qui sont réputés "en service", même s'ils ont momentanément abandonné leur poste ou leurs missions (4). Parfois, il arrive au juge administratif de préciser que la responsabilité de l'administration est engagée à raison de ce lien temporel en affirmant, par exemple, que ladite faute, commise par cet agent pendant la durée du service, et alors même que son acte serait étranger aux fonctions qui lui étaient confiées, n'est pas dépourvue de tout lien avec le service (5).

Pour autant, si pour rattacher l'accident litigieux au service, le juge administratif prend en considération la circonstance qu'il a eu lieu pendant le temps de service, il faut reconnaître que la jurisprudence est très nuancée et ne peut être résumée en cette seule indication. Le lien temporel est plus un "indice" qu'un véritable "critère". Des fautes personnelles commises pendant le temps de service sont, néanmoins, jugées "détachables" à raison, soit de leur caractère inexcusable (6), soit de l'existence de rapports d'ordre privé entre l'agent coupable et la victime (7). En l'espèce, aucune de ces justifications ne permet pourtant de détacher la faute du service, puisqu'elle ne présente pas un caractère inexcusable et qu'il n'existe pas de rapports d'ordre privé entre l'agent coupable et la victime.

Au total, la notion de faute détachable non dépourvue de tout lien avec le service ne saurait être définie avec une totale précision. En tous les cas, c'est une notion fonctionnelle, dont le rôle est de permettre l'extension de la responsabilité des personnes publiques. Cependant, en ne la retenant pas dans le cas d'espèce, le Conseil d'Etat marque sa volonté de faire ressortir une certaine responsabilisation de la part des agents publics, tout comme il rappelle sa volonté de ne pas trop s'immiscer dans le service public de l'armée.

On avait pourtant relevé, dans la jurisprudence un peu plus récente, une tendance à l'élargissement de la notion de faute personnelle non détachable du service. Celle-ci avait été marquée, par exemple, par l'arrêt "Ministre de la Défense c/ Mlle Poirée" (8). En l'espèce, une mineure avait été tuée par un gendarme affecté au peloton de surveillance et d'intervention dans la commune. L'assassinat avait été exécuté avec l'arme personnelle du meurtrier et en dehors des heures de service. Cependant, le Conseil d'Etat ne le juge pas "dépourvu de tout lien avec le service" et, par conséquent, l'Etat en supporte les conséquences dommageables, puisque c'est l'exercice des fonctions qui avait permis au meurtrier d'échapper aux recherches engagées à la suite de ses méfaits antérieurs, et de poursuivre ses activités criminelles.

B - L'appréciation sévère de la situation de subordination hiérarchique dans la qualification de faute personnelle

Lorsqu'un fonctionnaire agit sur ordre ou sur instruction de ses supérieurs, sa responsabilité personnelle ne peut pas, en principe, être mise en jeu puisqu'en vertu de son statut, il doit leur obéir. Cette solution est très ancienne et les décisions prises en la matière précisent, dans leurs motifs, que l'agent qui agit en vertu d'instructions ou de consignes venant d'un supérieur ne commet pas de faute personnelle, dès lors qu'il se borne à exécuter les ordres reçus (9). Cette règle est d'autant plus logique que certains corps de la fonction publique sont astreints à un devoir d'obéissance particulièrement strict. C'est, notamment, les cas des militaires et des fonctionnaires de police.

Cette règle comporte, cependant, des correctifs dans deux séries de cas. Le premier cas concerne les ordres manifestement illégaux (10), même si dans ce cas de figure la qualification de faute personnelle n'est pas systématique. Ainsi, dans une décision récente, le Tribunal des conflits a jugé que, malgré l'illégalité manifeste de l'ordre donné, la faute commise par l'agent n'était pas une faute personnelle (11). Ce qui importe pour qualifier dans ce cas de figure la faute de détachable semble en, conséquence, être moins le caractère illégal de l'ordre que la place de l'agent dans la hiérarchie administrative et son rôle dans le processus décisionnel.

Le second cas est celui où le fonctionnaire a dépassé les instructions qui lui avaient été données (12). C'est le cas en l'espèce, l'agent pouvant se dégager de sa responsabilité personnelle en montrant qu'il aurait agi dans le seul cadre de l'application d'un ordre reçu. En effet, dans cette hypothèse, l'on peut considérer que la mise en oeuvre de l'acte résulte simplement du principe d'obéissance et non pas d'une initiative personnelle de l'agent, qui ne peut être jugée que minime, en l'espèce. C'est en sens contraire qu'ont pourtant statué successivement la cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'Etat.

Il est constant que le gendarme devait, ce jour-là, sur ordre de service, transporter du courrier entre la base de son unité et la base de sa compagnie, distante d'environ 5 kilomètres. Il est tout aussi constant qu'il a pris à bord de son véhicule l'un de ses camarades, tout deux souhaitant profiter du trajet pour retirer de l'argent à un distributeur de billets, ce qui a occasionné un détour représentant quelques centaines de mètres. C'est après cet arrêt et en rejoignant l'itinéraire normal que l'accident s'est produit. De plus, si les parties divergent sur les conditions dans lesquelles la hiérarchie immédiate des deux intéressés a autorisé ou non cet écart, il a pu être signalé que le gendarme avait bien été autorisé à s'absenter pour aller chercher de l'argent, même si le fait de prendre l'un de ses camarades n'avait pas, en tant que tel, était avalisé. Rien ne justifie donc, en l'espèce, que les conséquences dommageables de l'accident soient mises à la charge de l'intéressé ou, tout le moins, certainement pas en totalité. Il semble bien que la situation de subordination hiérarchique aurait mérité à cet égard une attention un peu plus conséquente.

II - Une volonté accrue de réhabilitation de l'action récursoire de l'Etat contre ses agents

Il ressort de la décision du Conseil d'Etat une volonté de responsabilisation accrue des agents fautifs et donc, corrélativement, une accentuation des possibilités d'exonération ou d'indemnisation de l'administration à travers l'exercice de l'action récursoire. Le Conseil d'Etat ne retient pas, en effet, dans son appréciation, le critère de gravité de la faute et ne qualifie pas spécifiquement la faute, en l'espèce (A). Il en fait de même pour le partage de responsabilité qui apparaissait plus logique en l'espèce, en raison d'un acte commis pendant le service et répondant aux nécessités de la vie courante (B).

A - Une faute de l'agent non spécifiquement qualifiée

Depuis le revirement réalisé par les arrêts "Laruelle" et "Delville" du 28 juillet 1951 et confirmé par la jurisprudence postérieure (13), un jeu de recours existe, désormais, entre l'administration et le fonctionnaire. Dans ces rapports trouve place une nouvelle notion de faute personnelle, qui a été identifiée comme telle par de nombreux auteurs (14). Par comparaison avec la faute personnelle traditionnelle, la notion étudiée ici présente une singularité. La première singularité tient à son rôle qui se situe, non dans le cadre de la poursuite personnelle dirigée par la victime contre l'agent, mais bien plutôt dans celui des rapports existant entre le fonctionnaire et le service public dont il fait partie. Il s'agit donc là, non pas tant de chercher à qui est imputable le fait dommageable, mais de sanctionner un manquement de l'agent aux lois et règles du service.

La faute détachable qui doit être appréciée dans le cadre de l'action récursoire de l'administration est distincte de celle qui a précédemment fondé l'action de la victime. Dans toutes ces affaires d'accident automobile, l'action de la victime tient exclusivement à la faute commise par le chauffeur du véhicule dans la conduite de celui-ci. En revanche, dans le cadre de l'action récursoire, la faute qu'il convient d'apprécier porte sur l'utilisation du véhicule de service à des fins étrangères audit service.

La faute détachable de l'agent qui fonde l'action récursoire de l'administration doit être, en ce sens, spécifiquement qualifiée. C'est de la sorte que juge le Conseil d'Etat dans l'arrêt "Moine" qui ne portait pas, il faut le noter, sur un accident de la circulation mais sur un accident de tir, en affirmant explicitement que c'est en raison de "l'extrême gravité" de cette faute qu'il est justifié que soit mise à la charge de l'agent la totalité des conséquences dommageables de l'accident (15). En effet, le remboursement à l'Etat que doit effectuer l'agent est proportionnel, en principe, à la gravité de la faute personnelle (16).

Ce n'est pas ainsi qu'ont jugé la cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'Etat, témoignant des difficultés rencontrées par le juge pour mettre en cause l'armée, les juges affirmant, successivement que, "la faute ayant été commise par l'intéressé en dehors de l'exercice de sa mission, le degré de gravité de cette faute est sans incidence sur l'étendue de la responsabilité pécuniaire de son auteur à l'égard de l'administration".

En cela, le juge, même s'il reprend en la matière sa jurisprudence classique, ne semble pas confirmer sa jurisprudence "Moine" précitée, alors que tout comme dans l'arrêt "Mazière", les faits de l'espèce diffèrent sensiblement. Toutes les affaires portaient, en effet, sur des virées organisées par des militaires, en dehors de tout déplacement de service, pour des fins exclusivement personnelles et de nature plutôt ludique. Dans certaines d'entre elles, le détournement du véhicule de service avait, de surcroît, été assorti de circonstances aggravantes : conduite en état d'ébriété ou sans permis. En l'espèce, rien de tel car si le gendarme a très certainement méconnu le règlement militaire, la faute n'est pas d'une gravité telle qu'elle justifie que les conséquences dommageables de l'accident soient mises à la charge de l'intéressé, a fortiori en totalité (17).

B - Un partage de responsabilité qui aurait pu se justifier

Pour le commissaire du Gouvernement Questiaux, la responsabilité pécuniaire du fonctionnaire est "une forme moderne de la responsabilité disciplinaire" qui suppose d'"arbitrer l'indemnité de ce type d'affaires compte tenu des besoins du service, d'en faire une sorte d'amende adaptée à la gravité de la faute, de ses conséquences ou à d'autres considérations telles que la récidive ou les capacités financières de l'agent" (18).

En ce sens, la responsabilité de l'agent fautif doit toujours être adaptée à la gravité de la faute commise. En l'espèce, il convient au juge administratif d'effectuer un arbitrage entre les différents intérêts en présence et, en ce sens, le partage de responsabilité s'imposait eu égard à la faible gravité de la faute. Il semble que cet arbitrage n'ait pas été effectué en l'espèce. Le caractère bénin de la faute interdisait, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'intéressé la totalité des conséquences dommageables de l'accident.

Les premiers juges ont pu relever qu'aucun itinéraire précis n'a été imposé à l'intéressé et qu'il ne s'est détourné de l'itinéraire le plus direct que, pour une brève durée et sur une courte distance, afin d'accomplir un acte répondant à une nécessité de la vie courante. Cette dernière notion est, à cet égard, empruntée à la jurisprudence sur les accidents de service (19), mais elle signifie, surtout, que, comme pour la qualification donnée à un accident de service, l'accomplissement d'un tel acte n'était pas de nature à distraire réellement l'agent de son service.

En l'espèce, l'indemnisation versée aux victimes par l'administration est déjà très conséquente pour le budget d'un particulier et, a fortiori pour un jeune appelé du service national. Cependant, elle aurait tout aussi bien pu représenter dix fois cette somme si le préjudice corporel subi par les occupants du véhicule percuté avait été plus lourd. En ce sens, il aurait été assez logique et juste que le juge administratif restaure une proportionnalité de la sanction pécuniaire infligée à l'agent, indépendamment de toute appréciation tenant à un éventuel cumul de sa propre faute avec une faute de service.

Ce n'est pas la direction qu'a prise le Conseil d'Etat, la Haute juridiction indiquant, au surplus, "que la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, prendre en considération les transactions intervenues pour clore le litige civil relatif aux conséquences de l'accident causé par M. Mazière, même si celui-ci n'y était pas partie, pour juger que l'Etat était fondé à réclamer à l'intéressé, en raison de sa faute personnelle, le remboursement des sommes versées au titre de ces transactions".


(1) CE 2° et 7° s-s-r., 8 août 2008, n ° 297044 et 311386, M. Mazière.
(2) Cf. concl. Helmlinger sous CAA Paris, 3ème ch., 26 juin 2006, n° 03PA01323, Ministre de la Défense (N° Lexbase : A8156DQ7), AJDA, 2006, p. 1794.
(3) CE, 18 novembre 1949, n° 91864, Mlle Mimeur (N° Lexbase : A2539B8K), Defaux et Besthelsemer, Rec. CE, p. 492.
(4) Voir, par ex., CE, 12 mai 1950, Epoux Giorgelli, Rec. CE, p. 287 ; CE, 11 mai 1953, Oumar Samba Niang Harane, Rec. CE, p. 218, ou encore CE, 27 février 1981, n° 13906, Commune de Chonville-Malaumont (N° Lexbase : A6051AKC), Rec. CE, p. 116.
(5) CE, 21 janvier 1970, n° 75626, Société générale entreprise toulousaine et Compagnie la Winterthur.
(6) T. conf., 9 juillet 1953, Veuve Bernadas, Rec. CE, p. 593, JCP éd. G, 1953, II, 7797, note Rivero.
(7) CE, 23 juin 1954, Veuve Litzler, Rec. CE, p. 376.
(8) CE, 1er mars 1989, n° 74953, Ministre de la Défense c/ Mlle Poirée (N° Lexbase : A1898AQD), Rec. CE, tables, p. 920.
(9) Cf. par ex., T. conf., 5 mai 1877, Laumonnier - Carriol, Rec. CE, p. 437, DP, 1878, 3, p. 13, concl. Laferrière ; T. conf., 15 mars 1889, Usannaz - Jorris, Rec. CE, p. 411 ; T. conf., 22 avril 1910, Piment, Rec. CE, p. 323.
(10) CE, 10 novembre 1944, Langneur, Rec. CE, p. 288, JCP 1945, II, n° 2852, note Chavanon, D., 1945, jurispr. p. 87, concl. Chenot ; CE, sect., 4 janvier 1964, Charlet et Ministre de l'Intérieur c/ Limonier et autres, Rec. CE, p. 1, AJDA, 1964, p. 447.
(11) T. conf., 18 octobre 1998, Préfet du Tarn c/ CA Toulouse, JCP éd. G, 1999, II, n° 10225, note O. Gohin, à propos de l'ordre donné par le maire à un agent de modifier frauduleusement un document annexé à un plan d'occupation des sols.
(12) T. conf., 29 juillet 1876, Lecoq, Rec. CE, p. 729 ; T. conf., 13 décembre 1879, Réquilé, Rec. CE, p. 803.
(13) CE, ass., 28 juillet 1951, n° 01074, Laruelle et Delville (N° Lexbase : A9260B8H), Rec. CE, p. 464 ; T. conf., 26 mai 1954, Moritz, Rec. CE, p. 708 ; CE, sect., 22 mars 1957, Jeannier, Rec. CE, p. 196, concl. J. Kahn ; CE, 19 juin 1959, Moritz, Rec. CE, p. 377.
(14) Cf. par ex., note Weil et concl. Kahn, D., 1957, jurispr. p. 748, note P. Louis-Lucas, JCP éd. G, 1957, II, n° 10303 bis.
(15) CE, 17 décembre 1999, n° 199598, Moine (N° Lexbase : A3840AXI), Rec. CE, p. 425, D., 2000, IR, p. 24, JCP éd. G, 2001, II, n° 10508, comm. R. Piastra.
(16) Les faits de l'espèce étaient, en effet, tragiquement simples dans la mesure où le lieutenant Moine avait tiré avec son arme de service sur le soldat placé sous ses ordres, lequel était décédé de ses blessures, d'où "l'extrême gravité" de la faute. Pour autant, l'administration avait eu connaissance des comportements déviants de l'agent et l'avait, néanmoins, affecté dans un îlot du Pacifique sans aucun contrôle hiérarchique possible.
(17) Cf., en ce sens, concl. Helmlinger précitées.
(18) Concl. sous CE, 6 mai 1966, n° 60547, Ministre des Armées c/ Chedru (N° Lexbase : A4228B7Q), Rec. CE 1966, p. 310.
(19) Voir, par ex., CE, 3 décembre 2004, n° 260786, Quinio (N° Lexbase : A1097DED), Rec. CE, p. 448, AJDA, 2005, p. 189, chron. C. Landais et F. Lenica.

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[Evénement] "LME" : négociations commerciales et urbanisme commercial

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Le 07 Octobre 2010

La loi n° 2008-776 du 4 aout 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR) va bouleverser le droit de la distribution et le droit de la concurrence. Avec l'introduction de la négociabilité des conditions générales de vente ("CGV") et des tarifs, elle concrétise la dernière étape de la réforme du cadre juridique des relations commerciales, engagée par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, pour l'initiative économique (N° Lexbase : L2238ABI), dite loi "Dutreil", et poursuivie en début d'année par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (N° Lexbase : L7006H3U), dite loi "Chatel". En modifiant, notamment, les critères fondant les autorisations et en simplifiant la procédure, la loi modernise, également, la législation applicable à l'équipement commercial. A l'occasion de cette Matinée-débats, La Lettre des Juristes d'Affaires, en partenariat avec les rédactions du Lamy Droit Economique et de la Revue Lamy de la Concurrence, a réuni d'éminents spécialistes, afin d'analyser les nouvelles dispositions issues de la loi de modernisation de l'économie en matière de négociations commerciales et d'urbanisme commercial.
  • Thèmes abordés

- Modernisation des relations commerciales : négociabilité des tarifs et des CGV, adaptation de la date limite de conclusion de la convention unique ou contrat cadre annuel, sanction des abus dans la relation commerciale ;
- Nouvelles règles en matière d'urbanisme commercial : nouveaux critères pour fonder les autorisations, instauration d'une nouvelle procédure simplifiée et allégée (nouveau seuil de déclenchement, durée des délais d'examen abrégée, voies de recours simplifiées, modification de la procédure collégiale).

  • Intervenants

- Jean-Paul Charié, Député du Loiret, Rapporteur à l'Assemblée nationale de la loi de modernisation de l'économie
- Marie-Dominique Hagesteen, Présidente de la section des travaux publics du Conseil d'Etat
- Jérôme Mailhé, Avocat, Cabinet Jeantet & Associés
- Véronique Selinsky, Avocat à la cour, Maître de conférences à la Faculté de droit de Montpellier

  • Date et lieu

Jeudi 9 octobre 2008
8h45 - 11h30

Grand Hôtel Intercontinental
2, rue Scribe
75009 Paris

  • Tarifs

- Abonnés à la Lettre juridique d'affaires : 377 euros HT (450,89 euros TTC)
- Non abonnés : 489 euros HT (595,61 euros TTC)
- Pass 2 pour les abonnés (50 % sur la deuxième inscription) : 188,50 HT (225,44 euros TTC)
- Pass 2 pour les non abonnés (50 % sur la deuxième inscription) : 249 euros HT (297,80 euros TTC)

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Négociation collective

[Jurisprudence] Une convention collective ne saurait interdire à un syndicat de prouver sa représentativité

Réf. : Cass. soc., 16 septembre 2008, n° 07-13.440, Syndicat des ingénieurs cadres techniciens agents de maîtrise et employés de Total Fina Elf-Sictame c/ Caisse de retraite Elf Aquitaine CREA et a., FS-P+B (N° Lexbase : A3981EAP)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010



Alors que, par l'effet de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (loi n° 2008-789 N° Lexbase : L7392IAZ), la représentativité prouvée est appelée, à plus ou moins long terme, à prendre le pas sur la représentativité présumée, l'arrêt rendu le 16 septembre 2008 par la Cour de cassation prend un relief particulier. Pour aller à l'essentiel, il ressort de cette décision que, si une convention collective peut réserver les prérogatives qu'elle crée aux seuls syndicats représentatifs, elle ne peut les attribuer exclusivement aux seules organisations bénéficiant d'une représentativité par affiliation.


Résumé

Si des dispositions conventionnelles peuvent prévoir que, lors de l'exercice de prérogatives subordonnées à une condition de représentativité, les syndicats affiliés à l'une des cinq confédérations reconnues représentatives au plan national interprofessionnel n'auront pas à faire la preuve de leur représentativité, elles ne peuvent interdire aux syndicats non affiliés à l'une d'elles de prouver leur représentativité dans le cadre où ils entendent exercer les prérogatives qui y sont attachées.

Commentaire

I - La représentativité comme objet de la négociation collective

  • Incertitudes

La négociation collective peut-elle porter sur la représentativité syndicale ? La question peut apparaître saugrenue et une réponse négative est, évidemment, tentante, tant la question elle paraît relever de l'ordre public absolu. Le Code du travail fournit, à ce propos, un argument de texte important. En effet, l'article L. 2141-10 (N° Lexbase : L2155H9P) précise que "les dispositions du présent titre ne font pas obstacle aux conventions ou accords collectifs de travail comportant des clauses plus favorables". Ce texte vise le titre IV relatif à l'"exercice du droit syndical", alors que les dispositions relatives à la représentativité figurent au sein du titre II.

L'argument de texte ne saurait, cependant, être sollicité de trop. En effet, en règle générale, les dispositions conventionnelles ne portent sur la représentativité que de manière indirecte, pour régler l'attribution d'un droit qui a précisément trait à l'exercice du droit syndical. En outre, on peut se fonder sur les textes propres à la négociation collective pour considérer que rien ne s'oppose, au moins sur le plan des principes, à ce que celle-ci ait pour objet la représentativité.

Pour autant, il ne saurait être question d'affirmer que tout est, ici, négociable. En d'autres termes, si l'ordre public absolu ne règne pas en maître en la matière, il en va de même pour l'ordre public social. Toute la difficulté est alors de déterminer quelles sont les dispositions qui relèvent de l'une ou l'autre de ces catégories. Malgré les incertitudes qui règnent en ce domaine, on peut considérer que les critères de la représentativité fixés par la loi revêtent un caractère intangible et ne peuvent être modifiés ou supprimés par l'effet de dispositions conventionnelles. De même, un syndicat ne saurait être privé des droits qu'il tire de la loi, par l'effet de dispositions conventionnelles qui poseraient des conditions plus restrictives de représentativité. Ainsi, et à titre d'exemple, il n'est pas possible d'admettre que le bénéfice du droit syndical dans l'entreprise soit soumis à la condition que le syndicat soit représentatif au niveau national ou soit adhérent à un syndicat qui le serait, dans la mesure où la seule représentativité dans l'entreprise suffit.

En revanche, lorsque la convention collective crée des droits nouveaux, il semble possible d'admettre que leur bénéfice soit réservé à certains syndicats représentatifs. C'est ce que tend à signifier l'arrêt sous examen.

  • Apport de l'arrêt

Ainsi que l'affirme la Cour de cassation dans son motif de principe, "les dispositions conventionnelles peuvent prévoir que lors de l'exercice de prérogatives subordonnées à une condition de représentativité, les syndicats affiliés à l'une des cinq confédérations reconnues représentatives au plan national interprofessionnel n'auront pas à faire la preuve de leur représentativité".

Envisagée sous cet aspect, la décision commentée nous paraît importante, moins par ce qu'elle dit que par ce qu'elle laisse entendre. Il convient, toutefois, dans un premier temps, d'éclaircir quelque peu cette affirmation. A notre sens, sont nécessairement visées, ici, les prérogatives attribuées aux syndicats par la convention collective et non celles que leur réserve la loi. A défaut, on ne voit pas bien quelle pourrait être l'utilité de l'affirmation en cause. En effet, au moins jusqu'à la loi du 20 août 2008 (1), l'affiliation d'un syndicat à une organisation reconnue représentative au plan national lui conférait, de manière irréfragable, une représentativité d'emprunt, qui lui permettait, précisément, de ne pas avoir à prouver sa représentativité pour bénéficier des droits reconnus aux syndicats représentatifs. Partant, les "prérogatives subordonnées à une condition de représentativité" visées par la Cour de cassation ne peuvent être les prérogatives légales, mais bien les prérogatives conventionnelles.

Cela étant admis, l'arrêt nous paraît, en second lieu, intéressant à un double titre. Tout d'abord, la Cour de cassation reconnaît que des prérogatives conventionnelles peuvent être réservées aux seuls syndicats représentatifs. Cela n'a évidemment rien de choquant dans la mesure où, pendant près de trente ans, tel a été le sens de la loi (2). Ensuite, et en allant plus loin, la Cour de cassation semble admettre que les prérogatives conventionnelles soient réservées à certains syndicats représentatifs. Cette assertion nous paraît découler d'une interprétation a contrario de l'arrêt. Si l'on admet, ainsi que nous y invite la Cour de cassation, que des "dispositions conventionnelles peuvent prévoir que lors de l'exercice de prérogatives subordonnées à une condition de représentativité, les syndicats affiliés à l'une des cinq confédérations reconnues représentatives au plan national interprofessionnel n'auront pas à faire la preuve de leur représentativité", ne peut-on, alors, en inférer que ces mêmes dispositions conventionnelles peuvent tout aussi bien ne pas prévoir que, "lors de l'exercice de prérogatives subordonnée, etc.". Cela signifie, alors, que l'exercice des prérogatives peut être réservé aux seuls syndicats ayant fait la preuve de la représentativité au niveau considéré.

On admettra qu'une telle interprétation demande, encore, à être confirmée, d'autant plus que le litige ne portait pas, en l'espèce, sur cette question, mais sur le fait de savoir si un syndicat qui n'est pas affilié à une confédération représentative au plan national peut être exclu du bénéfice des prérogatives conventionnelles. La réponse de la Cour de cassation est, ici, très nette et démontre que la représentativité prouvée et d'ordre public.

II - Le caractère d'ordre public de la représentativité prouvée

  • L'affaire

En l'espèce, lors de l'élection des membres du conseil d'administration de la caisse de retraite Elf Aquitaine devant se dérouler le 3 mars 2004, cette dernière avait refusé la liste de candidats présentée par le syndicat des ingénieurs, cadres, techniciens, agents de maîtrise et employés de Total Fina Elf, Sictame-Unsa, au motif que, depuis la désaffiliation de ce syndicat de la CFE-CGC en novembre 2002 et de son affiliation subséquente à une confédération non représentative au plan national, il n'était plus représentatif.

Pour débouter le syndicat de ses demandes tendant à la prise en considération de la liste de candidats qu'il avait présentée et, pour le cas où les élections auraient eu lieu, à leur annulation, l'arrêt attaqué avait retenu que, aux termes de l'article 6 des statuts de la caisse, les candidats représentant le personnel étant élus sur des listes présentées par "les organisations syndicales représentatives au niveau national", seuls les syndicats affiliés aux cinq confédérations représentatives au plan national sont autorisés à présenter des candidats et que tel n'était plus le cas du syndicat Sictame-Unsa au moment de l'élection.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation aux visas des alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) et de l'article L. 133-2 (N° Lexbase : L5695ACW), devenu l'article L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN) du Code du travail. Selon la Chambre sociale, "si des dispositions conventionnelles peuvent prévoir que lors de l'exercice de prérogatives subordonnées à une condition de représentativité, les syndicats affiliés à l'une des cinq confédérations reconnues représentatives au plan national interprofessionnel n'auront pas à faire la preuve de leur représentativité, elles ne peuvent interdire aux syndicats non affiliés à l'une d'elles de prouver leur représentativité dans le cadre où ils entendent exercer les prérogatives qui y sont attachées".

  • La solution

Nous ne reviendrons pas sur la première partie du motif de principe, qui a été analysée précédemment. Quant à la seconde, elle est difficilement contestable. Ce qui l'est, en revanche, beaucoup plus, c'est la décision des juges du fond. Tout d'abord, l'article 6 des statuts de la caisse ne réservait pas le droit de présenter des candidats aux syndicats présumés représentatifs, mais aux "organisations syndicales représentatives au niveau national". Or, rien n'empêche, un syndicat, de prouver sa représentativité à ce niveau. Partant, la Cour de cassation aurait pu censurer une interprétation erronée des stipulations des statuts par les juges du fond. Celle-ci a, toutefois, préféré se placer sur le terrain des règles de principe.

Réserver une prérogative, serait-elle conventionnelle, aux seuls syndicats affiliés à une organisation reconnue représentative au plan national revient à exclure du bénéfice de cette même prérogative les syndicats susceptibles de prouver leur représentativité. Une telle exclusion ne saurait être tolérée. Seule importe la représentativité et non la façon dont le syndicat l'acquiert. S'agissant des prérogatives qu'elle leur réserve, la loi traite de manière indifférenciée les syndicats présumés représentatifs et ceux qui prouvent leur représentativité. Il doit en aller de même de la convention collective. C'est la liberté syndicale qui est, ici, en cause.

Mais alors, et il faut y revenir, une convention collective peut-elle réserver les droits qu'elle crée aux seuls syndicats qui ont prouvé leur représentativité au niveau où ces derniers doivent être exercés ? Cela revient à exclure les syndicats "simplement" présumés représentatifs du bénéfice de ces prérogatives et l'on se trouve, alors, dans l'hypothèse exactement inverse de celle de l'arrêt sous examen. Envisagé d'un point de vue très concret, ce type de stipulations qui renforce la légitimité du syndicat paraît admissible. Il reste que l'on peut se demander si ces stipulations ne sont pas contraires à l'ordre public. L'arrêt ne permet malheureusement pas de l'affirmer avec certitude.


(1) On sait que cette loi emporte, à plus ou moins brève échéance, suppression de la représentativité d'emprunt (v., sur la question, nos obs., Articles 1 et 2 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : la représentativité syndicale, Lexbase Hebdo n° 317 du 11 septembre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N9816BGN).
(2) De 1982 jusqu'en 2008, la loi du 20 août 2008 ouvrant certains droits antérieurement réservés aux syndicats représentatifs à des syndicats "quasi-représentatifs".

Décision

Cass. soc., 16 septembre 2008, n° 07-13.440, Syndicat des ingénieurs cadres techniciens agents de maîtrise et employés de Total Fina Elf-Sictame c/ Caisse de retraite Elf Aquitaine CREA et a., FS-P+B (N° Lexbase : A3981EAP)

Cassation de CA Versailles, 1ère ch., 1ère sect., 25 janvier 2007

Textes visés : Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, al. 6 et 8 (N° Lexbase : L6821BH4) ; C. trav., art. L. 133-2 (N° Lexbase : L5695ACW), devenu L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN)

Mots-clefs : convention collective ; représentativité ; présomption ; représentativité prouvée ; ordre public.

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Famille et personnes

[Jurisprudence] Les enfants interdits d'adoption : l'intransigeance de la Cour de cassation

Réf. : Cass. civ. 1, 9 juillet 2008, n° 07-20.279, Procureur général près la cour d'appel de Limoges, FS-P+B (N° Lexbase : A6367D9P)

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N3699BHH

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu le 9 juillet 2008 par la première chambre civile de la Cour de cassation témoigne de la volonté de la Haute juridiction d'appliquer, sans faiblir, l'article 370-3, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L8428ASX) selon lequel les enfants dont la loi nationale prohibe l'adoption ne peuvent être adoptés en France, malgré les critiques que cette solution a suscitées et les moyens susceptibles d'atténuer la rigueur de cette solution. En l'espèce, l'enfant, né en Algérie, avait fait l'objet d'une kafala, à l'âge de quatre mois par Mme Y.. Lorsque un an plus tard, cette dernière a présenté une requête en adoption plénière de l'enfant, elle a vu sa demande satisfaite par le tribunal de grande instance, dont la décision a été confirmée par la cour d'appel de Limoges. Les juges ont, en effet, considéré que "malgré la prohibition de l'adoption, les autorités algériennes confient des enfants à des étrangers sachant qu'une adoption sera prononcée ; qu'en l'espèce, l'enfant a fait l'objet d'un abandon définitif et irrévocable, qu'il n'a plus de filiation et a vocation à rester en France, qu'il est en conséquence de son intérêt d'avoir une filiation et d'être adopté". C'est le ministre public, à qui l'article 1176 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1858H4L) ouvre les voies de recours en matière d'adoption, qui a formé un pourvoi et a obtenu la cassation de l'arrêt (1). I - Une solution critiquée

Application de la loi. En fondant la cassation de l'arrêt qui prononçait l'adoption sur l'article 370-3, alinéa 2, selon lequel "l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France", la Cour de cassation procède à une application stricte de la législation en vigueur. Cette décision s'inscrit, qui plus est, dans le droit fil d'une jurisprudence constante. Ce raisonnement imparable sur le plan juridique a, en effet, déjà permis à la Cour de cassation de casser, par deux arrêts (2), les décisions de cours d'appel qui avaient admis l'adoption simple d'enfant nés au Maroc ou en Algérie et recueillis par un couple de français dans le cadre d'une kafala, en se fondant sur les points communs entre kafala et adoption et sur le fait que l'adoption simple ne rompt pas les liens avec la famille d'origine. L'exclusion de "toute passerelle entre la kafala et l'adoption" (3), constitue une stricte application de l'article 370-3, alinéa 2, du Code civil qui prohibe l'adoption d'un enfant lorsque la loi nationale de ce dernier l'interdit. Ces arrêts mettaient fin à une certaine tolérance de la part de certains juges du fond (4). Dès lors que l'adoption simple, qui ne rompt pas les liens de l'enfant adopté avec sa famille d'origine, n'est pas admise, l'adoption plénière qui, elle, rompt les liens de filiation, n'avait aucune chance de trouver grâce aux yeux de la Cour de cassation.

Critiques. Cette position rigoureuse et légaliste n'est pourtant pas à l'abri des critiques. On peut s'interroger, avec la plupart des commentateurs de ces arrêts, sur la compatibilité de cette solution avec l'intérêt supérieur de l'enfant, notamment lorsque les autorités étrangères ont manifestement donné leur consentement à l'adoption. Il en résulte, en effet, qu'en l'absence d'adoption en France, le statut du mineur objet d'une kafala, reste incertain et ne correspond pas à la réalité de ce qu'il vit. D'autant que la kafala ne connaît pas d'équivalent en droit français. Certains juges ont admis qu'elle pouvait être qualifiée de délégation d'autorité parentale, lorsqu'elle a été prononcée par un tribunal dans le pays d'origine et que cette décision a reçu l'exequatur en France. Il n'en reste pas moins que, dans des circonstances comme celle de l'arrêt commenté, la délégation d'autorité parentale ne correspond pas à la situation vécue par l'enfant et celle qui se considère comme sa mère.

Enfants interdits d'adoption. Toutefois, c'est, en réalité, moins la solution de la Cour de cassation que la disposition issue de la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 (loi relative à l'adoption internationale N° Lexbase : L5155A4P) qui mérite les critiques. Au nom de la lutte contre l'impérialisme, le législateur de 2001 a fermé à une importante catégorie d'enfants la porte de l'adoption. La législation aboutit, en effet, à exclure de l'adoption la plupart des enfants originaires du Maghreb, à l'exception des enfants tunisiens, dès lors qu'ils ne sont pas nés en France. Cette règle explique la présence de plus en plus fréquente en France d'enfants recueillis par des personnes françaises dans le cadre d'une kafala.

Discrimination. On peut se demander si cette différence de traitement entre les enfants selon leur loi nationale, et qui plus est selon leur lieu de naissance, ne pourrait pas être qualifiée de discrimination par la Cour européenne des droits de l'Homme. Alors que les autorités de certains pays, tels que l'Algérie, encouragent les adoptions des nombreux enfants orphelins ou abandonnés, par les adoptants français qui ont des liens avec l'Algérie, la loi française vient empêcher ces enfants de bénéficier d'une famille de substitution "pour le malheur des enfants abandonnés dont la loi nationale prohibe l'adoption, et qui n'auront désormais d'autres familles que l'orphelinat" (5). Cette prohibition est particulièrement grave pour les enfants pour lesquels les demandes d'adoption proviennent essentiellement, voire uniquement de français. Il en va, notamment, ainsi pour les enfants algériens. La règle est d'autant plus sévère lorsqu'elle s'applique à des enfants nés dans un pays qui prohibent l'adoption mais qui résident en France (6). Un enfant né en Algérie et élevé, notamment, dans le cadre d'une kafala par un français n'a aucun espoir de pouvoir être adopté par ces derniers comme vient le rappeler fermement l'arrêt du 9 juillet 2008.

II - Les moyens d'atténuer la rigueur de la solution

Intérêt supérieur de l'enfant. C'est pour éviter cette "situation humaine déstabilisante et au bout du compte pénalisante pour l'enfant", que certains juges du fond ont tenté, à l'image de la cour d'appel de Limoges, de passer outre la prohibition de l'article 370-3, alinéa 2, du Code civil. La cour d'appel d'Aix-en-Provence avait ainsi prononcé, dans un arrêt du 24 octobre 2006 (7), une adoption simple d'une mineure née en Algérie, élevée depuis l'âge de trois mois en France dans le cadre d'une kafala par des époux français d'origine algérienne. Les juges aixois se sont fondés sur l'intérêt supérieur de l'enfant et la protection de l'enfant contre les discriminations contenue dans la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL) pour écarter l'article 370-3 du Code civil, tout en motivant leur décision par une appréciation in concreto de l'intérêt de l'enfant. L'enfant résidait en France depuis son plus jeune âge et était totalement intégré dans sa famille "adoptive". Le raisonnement suivi par la cour d'appel de Limoges était sensiblement le même si ce n'est qu'il n'était pas directement fondé sur la Convention internationale des droits de l'enfant. L'hypothèse qui a donné lieu à ces arrêts dissidents au regard de la solution posée par la Cour de cassation constitue l'exemple même du cas dans lequel l'application de l'article 370-3 paraît très contestable. Elle démontre, ainsi, que le seul critère de la résidence de l'enfant en France depuis une certaine durée devrait permettre de contourner l'obstacle de la loi nationale prohibitive et, au moins, de prononcer une adoption simple. L'enfant n'aura, en effet, pas vraiment à souffrir d'une adoption "boîteuse" admise en France et pas reconnue dans son pays d'origine avec lequel il ne devrait pas avoir de relations particulièrement intensives (8). La Cour européenne des droits de l'Homme, si elle était sollicitée sur ce point, pourrait aller dans le sens de l'admission de l'adoption simple en se fondant, comme elle l'a fait dans l'arrêt "Wagner c/ Luxembourg" (9) sur l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel peut la conduire à imposer au juge interne d'écarter une loi nationale lorsqu'elle s'avère manifestement contraire à la fois à cet intérêt supérieur et à la position adoptée par la majorité des pays du Conseil de l'Europe. Or, la France est le seul Etat européen à maintenir l'interdiction de prononcer l'adoption d'un enfant dont la loi nationale prohibe cette institution (10).

Acquisition de la nationalité française. En attendant que la Cour européenne impose une plus grande clémence à la Cour de cassation, il reste aux enfants à qui l'adoption est refusée, à patienter cinq ans, jusqu'à ce qu'ils acquièrent la nationalité française en vertu de l'article 21-12 du Code civil (N° Lexbase : L8913DNG) (11). En effet, une fois que l'enfant est devenu français, sa loi nationale ne constitue plus un obstacle à son adoption ; il est, cependant, nécessaire d'obtenir le consentement du représentant légal de l'enfant (12), le consentement à la kafala ne pouvant pas suffire. Il revient alors au juge d'apprécier souverainement le caractère éclairé du consentement du représentant de l'enfant, la Cour de cassation se montrant particulièrement vigilante si l'enfant est originaire d'un pays qui prohibe l'adoption (13).


(1) Il faut préciser que, depuis 2006, le pourvoi est suspensif en matière d'adoption : C. proc. civ., art. 1178-1 (N° Lexbase : L1866H4U).
(2) Cass. civ. 1, 10 octobre 2006, 2 arrêts, n° 06-15.265, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7916DRM) et n° 06-15.264, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7915DRL), JCP éd. G, 2006, II, 10072, comm. M. Farge ; D., 2007 p. 816, obs. H. Fulchiron ; RJPF, 2007-1/35, p. 22, obs. M.-C. Le Boursicot ; JCP éd. G, 2007, I, 170, obs. J. Rubellin-Devichi.
(3) M. Farge, obs. préc..
(4) CA Paris, 1ère ch., sect. C, 22 mai 2001, n° 2000/20693, Monsieur Cheikh B. (N° Lexbase : A3174A4C), D., 2002, somm. p. 1400, obs. B. Audit ; AJFamille, 2001, p. 21 ; CA Paris, 29 avril 2003, D., 2003, p. 459, obs. F. Mbala.
(5) J. Rubellin-Devichi, L'adoption à la fin du XXème siècle, in Le droit privé français à la fin du XXème siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec, 2001, p. 341.
(6) CA Aix en Provence, 13 septembre 2005, JCP éd. G, 2006, II, 10042, obs. A. Gabriel.
(7) JCP éd. G, 2007, II, 10073, obs. A. Verdot.
(8) P. Salvage-Gerest, Dr. fam., 2007, Etude n° 8.
(9) CEDH, 28 juin 2007, Req. 76240/01, Wagner c/ Luxembourg (N° Lexbase : A5260EA3).
(10) J. Rubellin-Devichi, art. préc..
(11) Cet article consacre le droit de réclamer la nationalité française par déclaration de l'enfant recueilli et élevé en France par une personne de nationalité française depuis au moins cinq ans, ou qui a été élevé dans des conditions lui permettant de recevoir une éducation française.
(12) L'article 370-3, alinéa 3, rappelle, en effet, que "quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant".
(13) En ce sens, M. Farge, préc. ; Cass. civ. 1, 25 janvier 2005, n° 02-11.927, M. Mohamed Bouafia c/ Procureur général, F-P+B (N° Lexbase : A2852DGQ), Defrénois, 2005, p. 1219, obs. M. Revillard ; Cass. civ. 1, 8 mars 2005, n° 02-12.740, Mme Marie-Claude Chanut, épouse Mehu c/ procureur de la République près le tribunal de grande instance de Macon, FS-P+B (N° Lexbase : A2461DHM), JCP éd. G, 2005, I, 199, obs. Y. Favier, Defrénois, 2005, p. 1356, obs. J. Massip, Dr. fam., 2005, comm. n° 98, obs. P. Murat.

newsid:333699

Droit social européen

[Jurisprudence] Directive 2000/78/CE et prohibition de la discrimination "par association"

Réf. : CJCE, 17 juillet 2008, aff. C-303/06, S. Coleman c/ Attridge Law (N° Lexbase : A7107D94)

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N3745BH8

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Un employeur échappe-t-il à la sanction pour discrimination fondée sur le handicap à l'égard d'un salarié, au motif que le salarié lui-même n'est pas handicapé ? Voilà une question intéressante et inédite posée à la CJCE, dans un arrêt du 17 juillet 2008, au titre d'une question préjudicielle, dont on anticipe aisément la réponse donnée : une discrimination dite "par association" (en l'espèce, ce n'est pas la salariée qui est elle-même handicapée, mais son enfant) est contraire à la Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), qui doit être interprétée de manière extensive. En l'espèce, une salariée a travaillé pour son ancien employeur depuis 2001 en qualité de secrétaire juridique. Au cours de l'année 2002, elle a donné naissance à un fils qui souffre de crises d'apnée, ainsi que de laryngomalacie et de bronchomalacie congénitales. L'état de son fils exige des soins spécialisés et particuliers. La mère lui dispense l'essentiel des soins dont celui-ci a besoin. En août 2005, elle a saisi l'Employment Tribunal d'un recours dans lequel elle soutient qu'elle a été victime d'un licenciement implicite et d'un traitement moins favorable que celui réservé aux autres employés, en tant que mère d'un enfant handicapé (1). Elle prétend que ce traitement l'a contrainte à cesser de travailler pour son ancien employeur.

La question préliminaire soulevée devant la juridiction britannique est celle de savoir si la requérante peut se fonder sur les dispositions du droit national, notamment, celles visant à transposer la Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000, pour invoquer, à l'encontre de son ancien employeur, la discrimination dont elle estime avoir fait l'objet, en ce sens qu'elle aurait été victime d'un traitement défavorable lié au handicap dont souffre son fils. Estimant que le litige dont il est saisi soulève des questions d'interprétation du droit communautaire, l'Employment Tribunal a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJCE plusieurs questions préjudicielles. La Directive 2000/78 protège-t-elle de la discrimination directe et du harcèlement uniquement les personnes qui sont elles-mêmes handicapées ? A défaut, protège-t-elle des employés qui, bien que n'étant pas eux-mêmes handicapés, sont moins favorablement traités ou font l'objet de harcèlement en raison de leur relation avec une personne handicapée ? Lorsqu'un employeur traite un employé moins favorablement qu'il ne traite ou traiterait d'autres employés et qu'il est prouvé que la raison du traitement de l'employé est que celui-ci a un fils handicapé dont il prend soin, ce traitement constitue-t-il une discrimination directe contraire au principe de l'égalité de traitement consacré par la Directive 2000/78 ? La CJCE retient une solution très tranchée d'interdiction de toute discrimination qualifiée d'illicite, qu'elle soit "directe", "indirecte" ou "par association".

Résumé

La Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens que l'interdiction de discrimination directe qu'ils prévoient n'est pas limitée aux seules personnes qui sont, elles-mêmes, handicapées. Lorsqu'un employeur traite un employé n'ayant pas lui même un handicap de manière moins favorable qu'un autre employé ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, et qu'il est prouvé que le traitement défavorable dont cet employé est victime est fondé sur le handicap de son enfant, auquel il dispense l'essentiel des soins dont celui-ci a besoin, un tel traitement est contraire à l'interdiction de discrimination directe.

Commentaire

I - La CJCE prohibe toute discrimination "par association"

La discrimination "par association", consacrée par l'arrêt rapporté, est expressément déclarée illicite par la CJCE, à partir d'une lecture extensive des textes et de la jurisprudence communautaires.

A - Une interprétation extensive de la Directive 2000/78/CE

La CJCE rappelle que l'article 1er de la Directive 2000/78 identifie l'objet de celle-ci comme étant d'établir, en ce qui concerne l'emploi et le travail, un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. L'article 2 § 1 de la Directive définit le principe de l'égalité de traitement comme étant l'absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'un des motifs visés audit article 1er, y compris, donc, le handicap. Conformément au § 2-a de l'article 2, une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base, notamment, du handicap.

Pour la CJCE (considérant 38), il ne ressort pas de ces dispositions de la Directive 2000/78 que le principe de l'égalité de traitement qu'elle vise à garantir soit limité aux personnes ayant, elles-mêmes, un handicap au sens de cette Directive. Au contraire, celle-ci a pour objet, en ce qui concerne l'emploi et le travail, de lutter contre toutes les formes de discrimination fondées sur le handicap. En effet, le principe de l'égalité de traitement consacré par la Directive 2000/78 dans ce domaine s'applique, non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs visés à l'article 1er de celle-ci. Cette interprétation est corroborée par le libellé de l'article 13 CE , disposition constituant la base juridique de la Directive 2000/78, qui confère une compétence à la Communauté pour prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée, notamment, sur le handicap.

Il a été soutenu, avec une certaine pertinence, que l'interdiction de discrimination directe prévue par la Directive 2000/78 ne peut pas être interprétée comme visant une situation telle que celle de la requérante au principal, dès lors que cette dernière n'est pas elle-même handicapée. Seules pourraient se prévaloir des dispositions de cette Directive des personnes qui, dans une situation comparable à celle d'autres personnes, sont traitées de manière moins favorable ou sont placées dans une situation désavantageuse en raison de caractéristiques qui leur sont propres.

La CJCE a écarté, par l'arrêt rapporté, cette argumentation (considérant 43). Le fait que la Directive 2000/78 comporte des dispositions visant à tenir compte spécifiquement des besoins des personnes handicapées ne permet pas de conclure que le principe de l'égalité de traitement qu'elle consacre doit être interprété de manière restrictive, c'est-à-dire comme interdisant uniquement les discriminations directes fondées sur le handicap et visant exclusivement les personnes handicapées elles-mêmes. Par ailleurs, le sixième considérant de cette Directive, en visant la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, se réfère tant à la lutte générale contre les discriminations sous toutes leurs formes, qu'à la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur de l'intégration sociale et économique des personnes handicapées.

B - Une interprétation extensive de la jurisprudence de la CJCE

Les gouvernements anglais, italien et néerlandais proposaient de retenir une interprétation restrictive de la portée ratione personae de la Directive 2000/78 en application de la jurisprudence communautaire (2). La CJCE aurait retenu, par cet arrêt "Chacon Navas", une interprétation restrictive de la notion de handicap et de sa pertinence dans la relation de travail. La CJCE a considéré que l'interdiction, en matière de licenciement, de la discrimination fondée sur le handicap (art. 2 § 1 et 3, § 1, sous c de la Directive 2000/78) s'oppose à un licenciement fondé sur un handicap qui, compte tenu de l'obligation de prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées, n'est pas justifié par le fait que la personne concernée n'est pas compétente, ni capable, ni disponible pour remplir les fonctions essentielles de son poste.

Mais selon la CJCE (arrêt rapporté), il n'en découle pas, pour autant, d'une telle interprétation que le principe de l'égalité de traitement et l'interdiction de discrimination directe ne peuvent pas s'appliquer à une situation telle que celle de la salariée en cause dans cette affaire, lorsque le traitement défavorable que prétend avoir subi un employé est fondé sur le handicap dont est atteint son enfant, auquel il prodigue l'essentiel des soins que nécessite son état. En effet, si, au point 56 de l'arrêt "Chacon Navas", la CJCE a précisé que le champ d'application de la Directive 2000/78 ne saurait être étendu au-delà des discriminations fondées sur les motifs énumérés de manière exhaustive à l'article 1er de celle-ci, de sorte qu'une personne qui a été licenciée par son employeur exclusivement pour cause de maladie ne relève pas du cadre général établi par la Directive 2000/78, elle n'a, toutefois, pas jugé que le principe de l'égalité de traitement et la portée ratione personae de cette Directive doivent, s'agissant de ces motifs, être interprétés de manière restrictive.

Il est vrai que l'effet utile de la Directive 2000/78 serait compromis si un employé, se trouvant dans une situation telle que celle de la salariée en cause dans cette affaire ne peut pas se fonder sur l'interdiction de discrimination directe lorsqu'il a été prouvé qu'il a été traité de manière moins favorable qu'un autre employé ne l'est (ne l'a été ou ne le serait) dans une situation comparable, en raison du handicap de son enfant et ce alors même que cet employé n'est pas lui-même handicapé. Or, si dans cette situation, le salarié qui a fait l'objet d'une discrimination directe fondée sur le handicap n'est pas lui-même handicapé, c'est bien le handicap qui constitue le motif du traitement moins favorable dont il allègue avoir été la victime. La Directive 2000/78 vise, dans le domaine de l'emploi et du travail, à lutter contre toutes les formes de discrimination fondées sur le handicap et s'applique non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs visés à son article 1er.

Finalement, selon la CJCE, dès lors qu'il est établi qu'un employé est victime d'une discrimination directe fondée sur le handicap, une interprétation de la Directive 2000/78 limitant l'application de celle-ci aux seules personnes qui sont elles-mêmes handicapées serait susceptible de priver cette Directive d'une partie importante de son effet utile et de réduire la protection qu'elle est censée garantir.

II - Les enjeux et la portée d'une interdiction de toute discrimination, y compris "par association"

A - Fondement : une réglementation communautaire précise et volontariste

La Directive 2000/78 a été adoptée sur le fondement de l'article 13 CE (3), introduit par le Traité d'Amsterdam, qui dispose que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

L'interdiction de toute discrimination repose sur un corpus imposant de textes communautaires. La Directive 2000/78 a été adoptée sur le fondement de cet article 13 CE. Le sixième considérant de cette Directive précise que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs reconnaît l'importance de la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, y compris la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur de l'intégration sociale et économique des personnes âgées et des personnes handicapées. La Directive 2000/78 a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les Etats membres, le principe de l'égalité de traitement (art. 1). Elle définit le principe de l'égalité de traitement comme l'absence de toute discrimination directe ou indirecte (art. 2, § 1 à 3).

L'égalité n'est pas, seulement, un idéal et une aspiration d'ordre politique, elle fait partie des principes fondamentaux du droit communautaire (4). Ainsi que la CJCE l'a indiqué dans son arrêt "Mangold", la Directive fixe certaines modalités pratiques de l'application du principe d'égalité (5).

B - Enjeux

Le 11ème considérant de la Directive 200/78 explicite bien l'objectif poursuivi : la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité CE, notamment, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale, la solidarité et la libre circulation des personnes (6).

Les conclusions de l'avocat général P. Maduro (7) sont, à cet égard, très éclairantes. L'article 13 CE exprime l'attachement de l'ordre juridique communautaire aux principes de l'égalité de traitement et de la non-discrimination : en cause, les valeurs qui sous-tendent cette égalité, c'est-à-dire, la dignité humaine et l'autonomie personnelle. La dignité humaine suppose la reconnaissance de la valeur égale de tous les individus. La vie d'une personne est précieuse par le seul fait que celle-ci est un être humain. Aucune existence n'a plus, ou moins, de valeur qu'une autre. L'autonomie personnelle exige que les individus puissent définir le cours de leur propre existence et mener celle-ci en effectuant des choix successifs entre plusieurs options valables. Exercer une autonomie suppose que les personnes se voient donner une série d'options valables parmi lesquelles elles peuvent choisir.

L'accès à l'emploi et l'épanouissement professionnel sont d'une importance cruciale pour tout individu, non seulement parce qu'ils sont un moyen pour celui-ci de gagner sa vie, mais aussi parce qu'ils constituent un moyen important de s'accomplir soi-même et de réaliser son potentiel. Quiconque traite de façon discriminatoire une personne appartenant à une catégorie définie selon les critères de l'âge, de l'appartenance à un sexe, des convictions religieuses prive injustement celle-ci d'options valables. La capacité de cette personne de mener une vie autonome se trouve gravement compromise, puisqu'un aspect important de son existence est déterminé non par ses propres choix, mais par les préjugés d'un autre. En traitant les personnes appartenant à une telle catégorie moins favorablement à cause de leurs caractéristiques, on les empêche d'exercer leur autonomie.

C - Portée

La Directive remplit une mission d'exclusion : elle exclut la religion, l'âge, le handicap et l'orientation sexuelle des motifs que l'employeur peut légitimement invoquer pour justifier le traitement moins favorable d'un employé par rapport à d'autres. Les employeurs n'ont plus, depuis l'entrée en vigueur de la Directive 2000/78, la possibilité de s'appuyer sur de telles considérations au moment de décider de traiter un employé moins favorablement.

  • Discrimination "par association"

Le fait de viser directement une personne qui présente une caractéristique particulière n'est pas la seule façon de lui faire subir une discrimination. Il existe d'autres méthodes, plus subtiles et moins flagrantes. Une manière de léser la dignité et l'autonomie de personnes appartenant à une certaine catégorie consiste à viser non pas ces personnes mêmes, mais des tiers (membres de sa famille, conjoint, concubin) qui leur sont étroitement liés et qui ne font pas partie de cette même catégorie.

Ces formes plus subtiles de discrimination doivent tomber, également, sous le coup d'une réglementation contre la discrimination, dans la mesure où elles affectent les salariés visés par ces pratiques. En effet, la dignité d'une personne présentant une "caractéristique suspecte" (définie selon l'âge, l'appartenance à un sexe, l'orientation sexuelle...) souffre, tout autant, du fait d'une discrimination directe que de celui de voir autrui victime d'une discrimination pour le seul motif du lien qui les unit. Dans ce second cas, non seulement la victime immédiate de la discrimination subit personnellement un tort, mais elle devient, également, le biais par lequel la dignité de la personne visée par une "classification suspecte" est lésée.

La Directive 2000/78 interdit à tout employeur de s'appuyer sur la religion, l'âge, le handicap ou l'orientation sexuelle pour traiter certains employés moins favorablement que d'autres. La situation n'est pas différente lorsque l'employé qui est l'objet de la discrimination n'est pas lui-même handicapé. Le motif de la discrimination dont il est la victime reste le handicap. La Directive prohibe l'hostilité de l'employeur vis à-vis des personnes âgées, handicapées ou homosexuelles, ou à l'égard des pratiquants d'une certaine religion, qui l'amène, au final, à traiter certains employés moins favorablement. Si une personne fait l'objet d'une discrimination en raison de l'une quelconque des caractéristiques énumérées à l'article 1er de la Directive 2000/78, elle peut invoquer la protection de la Directive, même si elle ne présente pas, elle-même, l'une d'elles.

Pour qu'une personne soit victime d'une discrimination, il n'est pas nécessaire qu'elle soit maltraitée en raison de son handicap. Il suffit qu'elle l'ait été en raison d'un handicap. On peut être considéré comme victime d'une discrimination illégale pour cause de handicap sans être soi-même handicapé. La Directive a vocation à s'appliquer non seulement lorsque le plaignant est lui-même handicapé, mais, encore, dans tous les cas de traitements moins favorables provoqués par un handicap.

  • Discrimination directe

Une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés. Le cas de la salariée en cause dans cette affaire est un cas de discrimination directe. Celle-ci ne se plaint pas des incidences qu'une mesure, a priori, neutre aurait eues pour elle, en tant que mère d'un enfant handicapé qui reçoit principalement des soins de celle-ci. Elle reproche, en revanche, à son employeur de s'en être pris particulièrement à elle et de l'avoir prise pour cible à cause précisément de son enfant handicapé.

  • Discrimination indirecte

Une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que dans le cas des personnes d'un handicap donné, l'employeur ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l'article 5 de la Directive 20008/78 afin d'éliminer les désavantages qu'entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.

Ainsi, dans la discrimination indirecte, l'intention de l'employeur et les motifs qui l'animent dans sa décision d'agir ou de ne pas agir sont sans pertinence. Même des mesures neutres, innocentes ou prises de bonne foi, ainsi que des actions décidées sans la moindre intention discriminatoire, tombent sous le coup de l'interdiction si elles affectent plus que d'autres des personnes présentant une caractéristique particulière.

L'interdiction de cette discrimination se rattache étroitement à l'obligation pour les employeurs d'aider ces groupes de personnes en prenant des mesures afin de ne pas leur imposer une charge excessive par rapport à celle que supportent d'autres personnes, ou en adaptant leurs stratégies en ce sens. Alors que l'interdiction de la discrimination directe et du harcèlement fonctionne comme un mécanisme d'exclusion (la possibilité étant exclue pour l'employeur de se laisser guider par certains motifs), l'interdiction de la discrimination indirecte fonctionne, comme un mécanisme d'inclusion, en ce qu'elle oblige les employeurs à prendre en considération et à satisfaire les besoins d'individus présentant certaines caractéristiques.

Finalement, parce que le législateur communautaire a estimé que la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité, notamment en ce qui concerne l'emploi, la CJCE a élargi le champ de la protection contre toute discrimination, visant le comportement de l'employeur portant atteinte à l'égalité entre ses salariés, au titre d'une discrimination 'directe', 'indirecte' et désormais, "par association". Il ne peut infliger un traitement moins favorable à l'une de ses salariés, en raison du handicap dont souffre son enfant.

Cette jurisprudence élargit donc le champ de la protection contre toute discrimination, dans la mesure où un salarié peut souffrir d'un traitement désavantageux, fondé sur appartenance à un sexe (8), la religion ou les convictions religieuses, un handicap, l'âge (9) ou l'orientation sexuelle (10). Il n'est pas nécessaire que ces critères discriminatoires fondés sur la personne (convictions religieuses, âge, orientation sexuelle, handicap...) s'appliquent au salarié. La CJCE estime que ces critères fondant une discrimination illicite peuvent s'appliquer à d'autres personnes que le salarié lui-même, une personne de sa famille notamment : son enfant (situation rencontrée en l'espèce), mais son conjoint aussi (religion du conjoint, orientation sexuelle du partenaire, situation matrimoniale, divorce ou concubinage...).


(1) Comme exemples d'actes discriminatoires qu'elle dit avoir subis, elle mentionne le refus de ses employeurs de lui permettre de reprendre son ancien travail lorsqu'elle est revenue de son congé de maternité ; le fait qu'ils l'ont traitée de "paresseuse" lorsqu'elle a demandé du temps libre pour prendre soin de son fils et ont refusé de lui accorder des conditions de travail aussi flexibles que celles de ses collègues dont les enfants n'étaient pas handicapés ; qu'ils ont prétendu qu'elle se servait de son enfant pour manipuler ses conditions de travail ; qu'ils l'ont soumise à une mesure disciplinaire et qu'ils n'ont pas dûment pris en considération la réclamation officielle que la partie requérante avait introduite contre le mauvais traitement qu'elle subissait.
(2) CJCE, 11 juillet 2006, aff. C-13/05, Sonia Chacón Navas c/ Eurest Colectividades SA (N° Lexbase : A4750DQY), Recueil, 2006, p.I-06467 ; F. Kessler, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS, 2006, p.757-759 ; L. Idot, Discrimination pour cause de handicap et de maladie, Europe, octobre 2006, n° 275 p. 17.
(3) N. Iiiopoulou, Libre circulation et non-discrimination, Eléments du statut de citoyen de l'Union européenne, Collection droit de l'Union européenne, Thèses n° 9, Bruylant, 2008 ; E. Dubout, L'article 13 du Traité CE, La clause communautaire de lutte contre les discriminations, Collection droit de l'Union européenne, Thèses n° 2, Bruylant, 2006.
(4) CJCE, 12 mars 2002, aff. C-27/00, The Queen c/ Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions (N° Lexbase : A2042AYB), Rec. p. I 2569, et jurisprudence citée.
(5) CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Werner Mangold c/ Rüdiger Helm (N° Lexbase : A6265DLM), Rec. p. I 9981, point 74 et nos obs., Le CDD senior en droit allemand censuré par la CJCE, Lexbase Hebdo n° 197 du 11 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2944AKA).
(6) A. Barre, La discrimination dans le droit international du travail, thèse Lyon III, Droit public, 1985, Dir. J. Pélissier ; J.-M. Lattes, Le principe de non-discrimination en droit du travail, thèse Toulouse I, Droit privé 1989, Dir. M. Despax ; F. Edel, Le principe d'égalité dans la Convention européenne des droits de l'Homme : contribution à une théorie générale du principe d'égalité, thèse Université Robert Schuman (Strasbourg), 2003, dir. J.-F. Flauss.
(7) Présentées le 31 janvier 2008.
(8) Voir nos obs., Une discrimination positive au profit des femmes est contraire au droit communautaire, Lexbase Hebdo n° 298 du 27 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4832BEP).
(9) Voir nos obs., La mise à la retraite d'office n'est pas nécessairement discriminatoire au nom des politiques de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3667BD8).
(10) Voir nos obs., Du droit du partenaire homosexuel à une pension de réversion, Lexbase Hebdo n° 302 du 23 avril 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N7962BEM).

Décision

CJCE, 17 juillet 2008, aff. C-303/06, S. Coleman c/ Attridge Law (N° Lexbase : A7107D94)

Textes visés : Directive 2000/78, du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4)

Mots-clefs : discrimination fondée sur le handicap ; discrimination "par association" ; salariée handicapée (non) ; discrimination en raison du handicap de l'enfant de la salarié.

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Éditorial

"Le banquier, l'emprunteur et l'assureur"...et la morale de l'histoire

Lecture: 4 min

N3738BHW

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition privée générale

Le 27 Mars 2014


Expérimentées aux Etats-Unis dès 1911 et introduites en France en 1928, les assurances de groupe, qui ont commencé à se développer avec la création des assurances sociales, dans les années 1930, occupent une place croissante dans l'activité des sociétés d'assurance. Mais c'est en particulier dans le domaine de la couverture des crédits bancaires que ces assurances ont connu un succès évident.

De ce contexte, naît un rapport triangulaire entre les trois intervenants, que sont, l'emprunteur, le prêteur et l'assureur. Ce que certains, comme le Professeur Véronique Nicolas, qualifient d'"enchevêtrement" de nombreuses relations contractuelles : contrat cadre ou convention en vue d'adhésions sur laquelle s'accorde l'assureur et le banquier, convention conclue entre eux pour déterminer les modalités financières notamment, de la distribution de l'assurance et contrat de prêt qui unit le banquier à son client qui prendra la qualité d'assuré s'il adhère au contrat d'assurance. Stipulation pour autrui, assurance sur la tête d'autrui, assurance pour compte, délégation de créance, contrat cadre, sont autant de qualifications qu'une doctrine hésitante sur le sujet a données à cette relation contractuelle.

Et c'est aussi cette caractéristique propre du contrat d'assurance de groupe qui a fait prendre conscience très tôt, dès 1956, au pouvoir réglementaire de la nécessité de l'encadrer en mettant à la charge du souscripteur, s'agissant de l'assurance en cas de décès, une obligation d'information minimale, prenant la forme de la remise aux adhérents d'une notice.

Mais cette notice devait devenir insuffisante, et à la faveur d'une jurisprudence encline à protéger le consommateur-emprunteur, partie faible du contrat, contre le déséquilibre contractuel à l'avantage du professionnel du crédit, partie forte, la Cour de cassation, dans sa formation la plus solennelle, a consacré -une fois encore, serait-on tenté de dire-, dans un arrêt du 2 mars 2007, l'obligation pour le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit, de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation. En imposant qu'une étude individuelle et circonstanciée de la situation des contractants soit effectuée par l'organisme financier, la Cour de cassation refuse une information "prêt-à-porter" et impose que celle-ci soit dispensée "sur-mesure".

Dès lors, en jugeant, le 18 septembre 2008 que la banque qui n'a pas informé l'emprunteur, assuré, de ce que l'assurance assortissant le prêt ne garantissait pas le risque invalidité permanente a manqué à son devoir de conseil, la première chambre civile de la Cour ne fait preuve ni d'innovation, ni d'originalité. Pourtant de l'innovation, l'arrêt du 18 septembre en fait montre puisque la Haute juridiction précise, pour la première fois, la nature du préjudice qui résulte du manquement de la banque à son obligation de conseil : le manquement ainsi commis pas la banque "l'avait privée [l'emprunteur] de la possibilité de s'adresser à d'autres assureurs, ceux-ci, s'ils avaient accepté de garantir ce risque, lui auraient alors réclamé un supplément de prime qui aurait pu lui faire renoncer à cette garantie ; qu'ainsi, sans méconnaître l'objet du litige ni le principe de la contradiction, elle a considéré que le préjudice imputable s'analysait en une perte de chance".

Et, comme le souligne, cette semaine, Véronique Nicolas, Professeur agrégé à Faculté de droit de l'université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", et Membre de l'Institut de Recherche en Droit Privé (IRDP), si cette solution doit être approuvée, non seulement parce qu'en accordant ainsi une indemnisation partielle, la Cour de cassation adopte une position mesurée, elle doit aussi l'être d'un strict point de vue juridique, le raisonnement des magistrats fondé sur la perte de chance correspondant à la réalité.

Mais l'actualité du droit des assurances n'entend pas en rester là. Ainsi, élément essentiel de la mise en place d'un espace européen de justice et figurant, à ce titre, parmi les objectifs du Programme de La Haye, le Règlement "Rome I" sur la loi applicable aux obligations contractuelles, après de longs travaux préparatoires, a été publié au Journal officiel de l'Union européenne du 4 juillet 2008. Répondant à deux objectifs, développer l'espace judiciaire européen en favorisant la prévisibilité des résultats et la sécurité juridique et parfaire la construction du marché intérieur en évitant les distorsions de concurrence qui pourraient survenir entre les justiciables, mais aussi en assurant la sécurité juridique nécessaire au développement des échanges commerciaux transfrontaliers, le nouveaux texte ne pouvait passer à côté des contrats d'assurance. C'est pourquoi, sur proposition de la présidence allemande, des règles spéciales concernant les contrats d'assurance ont été introduites dans le Règlement du 17 juin 2008, afin de mettre un terme à la confusion liée aux règles éparses qui régissent aujourd'hui les différents types de contrats d'assurance. L'objectif est-il atteint ? Nous pouvons en douter car, à la lecture du texte et de l'analyse de celui-ci par Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes et Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé), un constat semble s'imposer : il est davantage question de retouches que de refonte... manque d'audace ? Manque de temps ? Ou bien nécessité de ménager certaines susceptibilités nationales ?

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