La lettre juridique n°231 du 12 octobre 2006

La lettre juridique - Édition n°231

Éditorial

De l'indemnisation collective des actionnaires vers l'introduction de l'action de groupe

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N3852ALA

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Le thème n'est pas nouveau, le contentieux des juridictions du fond fourmille de litiges portant condamnation de dirigeants sociaux pour manquement à leur obligation de délivrer une information exacte au public sur les sociétés qu'ils gèrent (cf. dernièrement CA Paris, 1ère ch., sect. H, 4 juillet 2006, n° 2005/24379). Mais jusqu'à présent, c'est la société elle-même ou l'Autorité des marchés financiers qui prenait l'initiative de demander la sanction des dirigeants sociaux soupçonnés d'actes délictueux, auprès des magistrats. Seulement cinq affaires avaient abouti à la réparation pécuniaire du préjudice ainsi subi par des actionnaires des sociétés concernées. Toutefois, une récente décision, rendue le 12 septembre 2006, par la 11ème chambre du tribunal correctionnel de Paris sort, assurément, du lot, tant le principe d'une indemnisation collective, sur le terrain pénal, des actionnaires (plus de 700, en l'espèce) s'étant portés partie civile, directement ou par l'intermédiaire de diverses associations, s'avère être un principe désormais admis par les juges ; et tant, les incidences en matière civile de cette décision semblent inévitables et d'une envergure sans précédent. En effet, jusqu'à présent, les magistrats, par le truchement de la Haute juridiction, ne reconnaissaient pas la possibilité à un actionnaire de demander la réparation d'un préjudice causé à la suite d'un délit (ex. abus de biens sociaux) commis par un dirigeant social ; les juges estimaient que la principale victime était la société elle-même (conséquence des attributs de la personnalité morale). Or, au travers de ce jugement, les juges du tribunal correctionnel de Paris entendent reconnaître une action collective (du moins au pénal) aux actionnaires s'estimant lésés par une information inexacte et trompeuse rendue sur la société dont ils sont associés ; sans doute que le fait, en l'espèce, que les dirigeants et la société concernée aient été sur le même banc des accusés, a permis de dégager une responsabilité conjointe à l'endroit des actionnaires. Par ailleurs, les implications civiles de cette décision ne sont pas minces : si les juges du tribunal correctionnel ont accordé le paiement d'une indemnisation collective et forfaitaire de 10 euros par action, il incombe, désormais, et sans doute, au juge civil d'accorder des dommages et intérêts aux plus de 124 000 autres actionnaires de la société condamnée après évaluation des préjudices réellement subis. Rappelons au passage, que l'on envisage mal un juge civil ne pas satisfaire, sur le principe, à la demande de dommages et intérêts formulée par ces actionnaires, compte-tenu de l'application du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal (sur ce thème, mais dans un registre tout autre (en matière sociale), lire cette semaine Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, La délicate application du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal). Enfin, il n'est pas incongru d'inscrire cette décision dans un contexte politico-judiciaire particulier : l'introduction des actions de groupe ou "class action", en France. Ironie du sort, le Garde des Sceaux se présentait, le même jour, auprès du Sénat, afin de dévoiler "sa" conception de l'action de groupe, en France. Il retenait, ainsi, l'instauration d'une action en déclaration de responsabilité, ouvrant à une association agréée de consommateurs le droit d'agir contre un professionnel et aux consommateurs victimes celui de demander sur cette base réparation de leur préjudice individuel. Cette disposition est de nature à éviter que les juridictions soient saisies d'actions abusives. Dans ce système, le groupe de consommateurs n'est constitué que par les personnes ayant expressément entendu se joindre à l'action. Le champ de l'action est, lui aussi, encadré. Il recouvre la réparation des préjudices matériels et du trouble de jouissance des consommateurs nés d'un manquement d'un professionnel à ses obligations contractuelles. Ainsi, dans un premier temps, le juge se prononce sur la responsabilité du professionnel mais sans fixer le préjudice subi par les consommateurs qui ne sont pas parties à l'action. Si le professionnel est déclaré responsable, la décision fait l'objet d'une publicité selon des modalités fixées par le jugement. Le juge surseoit à statuer sur la liquidation des préjudices individuels des consommateurs, il leur impartit un délai pour adresser au professionnel concerné une demande d'indemnisation et fixe la date à laquelle l'affaire sera rappelée devant lui. Chaque consommateur victime peut alors présenter une demande d'indemnité au professionnel lui-même tenu de faire une offre accompagnée d'un chèque. Si le consommateur accepte l'offre, il obtiendra ainsi immédiatement la réparation de son préjudice. La brèche ayant été ouverte, quid de la réaction des magistrats en charge des affaires "Regina Rubens", "Eurotunnel", "Kalisto", "Marionnaud", "Guy Dregrenne", etc. et bien entendu, "Vivendi" ; affaires à suivre... Pour revenir sur les implications de cette décision du tribunal correctionnel de Paris, les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire le commentaire de Jean-Baptiste Lehnof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), L'affaire du groupe d'emballage "Sidel", "class actions" en paquet en correctionnelle.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] De la distinction des obligations individuelles et collectives de reclassement

Réf. : Cass. soc., 26 septembre 2006, n° 05-43.841, Société Parametric technology (PTC), F-P+B (N° Lexbase : A3609DR4)

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N3776ALG

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

L'employeur ne peut envisager le licenciement d'un salarié pour un motif économique que s'il a préalablement tenté de le reclasser dans l'entreprise ou, s'il existe, dans le groupe auquel cette dernière appartient. Cette obligation, désormais inscrite au coeur même de la définition du motif économique, continue d'alimenter un contentieux abondant. Dans une nouvelle décision en date du 26 septembre 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation apporte des précisions sur les modalités d'exécution de cette obligation. L'employeur doit, en effet, faire aux salariés concernés des propositions personnelles (I) et procéder avec eux à un examen individuel des possibilités de reclassement (II).
Résumé

Ne satisfait pas à son obligation de reclassement individuel l'employeur qui se contente de diffuser la liste des postes disponibles au sein du groupe sur son site intranet, d'adresser une liste des salariés dont le licenciement était envisagé à toutes les succursales du groupe et de proposer les services d'un bureau de placement, sans faire aucune proposition personnelle au salarié ni procéder à un examen individuel des possibilités de reclassement.

Décision

Cass. soc., 26 septembre 2006, n° 05-43.841, Société Parametric technology (PTC), F-P+B (N° Lexbase : A3609DR4)

Rejet (CA Paris, 21ème ch., sect. B, 2 juin 2005, n° 04/36964 N° Lexbase : A7796DKX)

Textes concernés : C. trav., art. L. 122-14-4 (N° Lexbase : L8990G74) et L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K)

Mots clef : licenciement pour motif économique ; reclassement individuel ; modalités

Liens base :

Faits

1° En 2001, la société Parametric technology, appartenant au groupe PTC Inc, a entrepris la réorganisation de ses activités. M. Virlouvet, employé par cette société depuis le 9 décembre 1999, a été licencié le 7 décembre 2001 pour motif économique.

2° La cour d'appel de Paris a décidé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Solution

1° L'employeur avait seulement prévu de diffuser la liste des postes disponibles au sein du groupe sur son site intranet, d'adresser une liste des salariés dont le licenciement était envisagé à toutes les succursales du groupe et de proposer les services d'un bureau de placement mais n'avait fait aucune proposition personnelle au salarié et n'avait pas procédé à un examen individuel des possibilités de son reclassement ; la cour d'appel a légalement justifié sa décision

2° Rejet

Commentaire

I - L'exigence de propositions personnelles de reclassement

  • L'existence d'une double obligation de reclassement

L'article L. 321-1, alinéa 3, du Code du travail, dispose que "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient", et précise in fine que "les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises".

Lorsque l'employeur envisage la suppression ou la transformation de plusieurs emplois, il est, bien entendu, contraint de procéder à plusieurs reclassements simultanément. Lorsque le nombre des emplois supprimés est au moins égal à dix dans une période de trente jours, et si l'effectif de l'entreprise est au moins égal à cinquante, il devra d'ailleurs mettre en place, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, un plan de reclassement comportant un certain nombre de mesures énumérées de manière non limitative par la loi (C. trav., art. L. 321-4-1 N° Lexbase : L8926G7Q).

  • La difficile conciliation de ces deux obligations de reclassement

La difficulté pour l'employeur consiste à concilier cette double obligation de reclassement, l'une individuelle, déterminant l'existence d'une cause réelle et sérieuse pour chaque salarié licencié (C. trav., art. L. 321-1), l'autre collective déterminant la validité du plan de sauvegarde de l'emploi et pouvant d'ailleurs conduire à son annulation et à celle des licenciements prononcés sur son fondement (C. trav., art. L. 321-4-1).

La distinction de ces deux obligations est très nette (en ce sens, notamment P. Morvan, Travail et protection sociale, n° hors série juin 2002, p. 82, §. 15 ; F. Héas, même numéro spécial, p. 128, §. 5 et s.).

Ainsi, l'obligation individuelle de reclassement pèse sur l'employeur pour tout licenciement économique, même individuel (Cass. soc., 9 janvier 2002, n° 00-40.437, F-D N° Lexbase : A7670AXD), et ce quel que soit l'effectif de l'entreprise ou son organisation sociale.

Le respect de l'obligation collective de reclassement devra également se vérifier de manière autonome, et les juges ne pourront pas se fonder sur le manquement à l'obligation individuelle de reclassement pour prononcer l'annulation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (Cass. soc., 26 février 2003, n° 01-41.030, F-P N° Lexbase : A2923A7E, Bull. civ. V, n° 70, p. 66 ; Dr. soc. 2003, p. 726, chron. G. Couturier), ou statuer sur la justification des licenciements s'ils sont saisis uniquement d'une demande d'annulation du plan (Cass. soc., 12 novembre 1996, n° 94-21.994, Comité d'entreprise de la société ABG Semca c/ Société ABG Semca N° Lexbase : A4057AAI, Bull. civ. V, n° 372).

Cette distinction des obligations est, toutefois, brouillée par l'obligation faite à l'employeur de les mettre en oeuvre de manière conjointe (Cass. soc., 7 juillet 1998, n° 96-41.565, Mme Germon-Vuillier c/ Groupe Origny N° Lexbase : A5616ACY, Bull. civ. V, n° 370 ; Cass. soc., 9 janvier 2002, n° 00-40.437, F-D N° Lexbase : A8398A4S ; Cass. soc., 20 octobre 2004, n° 02-42.645, M. Raymond Bire c/ Banque nationale de Paris (BNP), F-D N° Lexbase : A6433DDM ; Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 04-42.847, Société SGSA c/ Mme Martine Canry, F-D N° Lexbase : A7587DLL ; Cass. soc., 24 janvier 2006, n° 04-41.340, F-D N° Lexbase : A5579DML). Ainsi, lorsqu'un plan de sauvegarde de l'employeur a été mis sur pied, l'employeur devra proposer à chaque salarié, parmi les mesures inscrites au plan, celles qui correspondent le mieux à sa situation personnelle, mais devra également envisager avec lui, le cas échéant, la mise en oeuvre de mesures qui n'auraient pas été prévues par le plan. La Cour de cassation fait ainsi obligation à l'entreprise, dans le cadre de l'application de l'article L. 321-1 du Code du travail, de ne pas se contenter d'adresser aux salariés la "liste des postes vacants concernant tout le personnel", et qui figure dans le plan de sauvegarde de l'emploi, mais bien de traiter de manière individuelle le reclassement de chaque salarié concerné par la suppression de son emploi en envisageant et en proposant "des offres de reclassement précises, concrètes et personnalisées" (Cass. soc., 24 janvier 2006, n° 04-41.340, précité).

  • Situation en l'espèce

Dans cette affaire, l'employeur avait défini de manière collective et impersonnelle un certain nombre de postes disponibles au sein du groupe auquel appartenait l'entreprise et de procédures devant permettre aux salariés de trouver un poste. Il avait ainsi prévu de diffuser la liste de ces postes sur son site intranet, d'adresser une liste des salariés dont le licenciement était envisagé à toutes les succursales du groupe et de proposer les services d'un bureau de placement.

Or ce sont ces mesures qui, selon la cour d'appel de Paris et la Chambre sociale de la Cour de cassation, ne satisfont pas à l'obligation individuelle de reclassement, l'employeur n'ayant pas adressé au salarié de proposition individuelle de reclassement.

  • Une condamnation justifiée

La solution ne doit pas surprendre. Dans une affaire concernant cette fois-ci l'obligation faite à l'employeur de proposer aux salariés à temps partiel de l'entreprise les emplois à temps plein disponibles, la Cour de cassation avait considéré en 2005 que l'employeur ne satisfaisait pas à son obligation légale en se contentant de communiquer aux salariés, via l'intranet de l'entreprise, une liste des emplois disponibles, sans adresser à chaque salarié ayant manifesté son désir d'occuper à poste à temps plein des propositions personnelles adaptées à sa situation (Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-41.802, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9303DHZ, et nos obs., Information des salariés et usage de l'intranet, Lexbase Hebdo n° 166 du 5 mai 2005 - édition sociale N° Lexbase : N3898AI9).

Comme nous l'avions indiqué à cette occasion, la solution se justifie pleinement. L'obligation qui pèse sur l'employeur s'inscrit, en effet, dans un contexte avant tout individuel, chaque cas étant particulier. Or seul l'employeur connaît parfaitement les postes disponibles et l'aptitude du salarié à les occuper, s'il le désire. Dans ces conditions, il est parfaitement légitime d'exiger de l'employeur qu'il adresse au salarié des offres individualisées. L'employeur devra donc faire du "sur mesure", et non du "prêt-à-porter", et ne pourra pas se contenter d'informer les salariés de l'ensemble des emplois disponibles dans le groupe, mais devra nécessairement faire une sélection, ne serait-ce que pour éliminer les emplois que le salarié n'est pas en mesure d'occuper, compte tenu de sa qualification (ainsi un médecin ne possédant aucune compétence en GRH ne peut prétendre occuper le poste de DRH d'une clinique employant quatre cents salariés : Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-45.578, F-P+B N° Lexbase : A4412DQH).

II - La nécessité d'un examen individuel des possibilités de reclassement

  • Une formulation inédite

L'obligation faite à l'employeur d'adresser au salarié des propositions "individuelles" de reclassement doit nécessairement s'accompagner d'un "examen individuel des possibilités de reclassement".

C'est la première fois, à notre connaissance, que la Chambre sociale de la Cour de cassation formule ainsi pareille obligation, même si de nombreuses décisions antérieures avaient déjà exprimé cette exigence.

  • Des solutions en germe

Ainsi, il a été jugé que la mise en oeuvre d'une cellule de reclassement, prévue par le plan de sauvegarde de l'employeur, ne suffit pas, l'employeur devant de surcroît procéder à des propositions individuelles (Cass. soc., 17 janvier 2001, n° 98-46.111, Société Imprimerie Bussière, inédit N° Lexbase : A9307ASI), ou d'un simple "espace conseil" (Cass. soc., 1er décembre 1998, n° 96-43.857, Société Dassault aviation, société anonyme c/ M. Claude Barbe et autres, inédit N° Lexbase : A8872AGP).

L'employeur ne peut pas non plus se contenter de procéder à un simple affichage des postes disponibles au sein du groupe en demandant aux salariés de prendre contact avec la DRH de la société mère (Cass. soc., 12 mars 2003, n° 00-46.700, Société Nouvelle des établissements Rochias c/ Mme Patricia Mautret, inédit N° Lexbase : A4066A7Q ; Cass. soc., 3 mars 2004, n° 01-46.357, F-D N° Lexbase : A4002DBT ; Cass. soc., 18 janvier 2005, n° 02-46.737, F-D N° Lexbase : A0786DG9) ou d'adresser aux salariés la liste des postes vacants, sans autre indication (Cass. soc., 24 janvier 2006, n° 04-41.340, F-D N° Lexbase : A5579DML). Il n'est donc pas surprenant que la mise à disposition des postes sur l'intranet ou l'envoi aux succursales du CV des candidats au reclassement ne soit pas jugé suffisants.

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Social général

[Jurisprudence] A propos des règles de conflit de juridictions applicables au contrat de travail communautaire

Réf. : Cass. soc., 20 septembre 2006, n° 04-45.717, Société Asstec, FS-P+B (N° Lexbase : A3008DRT)

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N3748ALE

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Le 07 Octobre 2010

Le Règlement communautaire n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (N° Lexbase : L7541A8S) détermine les règles de conflits de juridiction applicables à des litiges concernant des contrats de travail ayant développé leurs effets sur plusieurs Etats membres de la Communauté. Ce texte pose, d'une part, des règles de compétence générale, qui désignent seulement l'Etat membre dont les juridictions seront compétentes pour juger du litige. Le juge saisi doit alors faire appel à ses propres règles de compétence internes pour déterminer quelle sera précisément la juridiction compétente. Il pose, d'autre part, des règles de compétence spéciales, qui désignent directement le tribunal compétent territorialement. Dans ce second cas, les règles de compétence internes n'ont pas à être appliquées. La Cour de cassation précise, dans un arrêt rendu le 20 septembre 2006, que les règles de conflit applicables au contrat de travail posées par l'article 19 du Règlement, constituent des règles de compétence spéciales et non générales. Cette qualification a pour conséquence, que le juge français n'a pas dans cette matière, la possibilité de recourir aux règles internes de compétence territoriale posées par l'article R. 517-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0663ADW).
Résumé

Les règles de conflit applicables au contrat de travail posées par l'article 19 du Règlement n° 44/2001, constituent des règles de compétence spéciales et non générales. Cette qualification a pour conséquence, que le juge français n'a pas dans cette matière, la possibilité de recourir aux règles internes de compétence territoriale posées par l'article R. 517-1 du Code du travail.

Décision

Cass. soc., 20 septembre 2006, n° 04-45.717, Société Asstec, FS-P+B (N° Lexbase : A3008DRT)

Cassation (CA Colmar, ch. soc., sect. A, 27 mai 2004)

Textes visés : Règlement communautaire n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (N° Lexbase : L7541A8S) ; C. trav., art. R. 517-1 (N° Lexbase : L0663ADW)

Mots clés : conflits de juridiction, compétence territoriale, règles de compétence spéciales et générales, contrat de travail international

Lien base : et

Faits et procédure
  • Les faits

Un salarié de nationalité italienne domicilié à Strasbourg est engagé en qualité de chef de chantier par une société de droit allemand dont le siège est situé en Allemagne.

Il exerce sa prestation de travail exclusivement en France, sur des chantiers situés dans différentes villes, et en dernier lieu, à Limoges.

Il conteste la validité de la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée et saisit à cette fin, le conseil de Prud'hommes de Strasbourg. Ce dernier se déclare incompétent au profit du conseil de Prud'hommes de Limoges.

Le salarié forme un contredit devant la cour d'appel de Colmar.

Cette dernière infirme le jugement de première instance, et déclare que la juridiction territorialement compétente est le conseil de Prud'hommes de Strasbourg.

L'arrêt est cassé par la Cour de cassation.

  • Les thèses en présence devant la cour d'appel

Le salarié faisait valoir que les juridictions françaises étaient compétentes par application du Règlement communautaire n°44/2001 du 22 décembre 2000 (article 19 2) a)).

Ce texte désigne le tribunal du lieu de travail habituel du salarié.

Puisque son lieu de travail habituel était situé en France, il en déduisait qu'il pouvait se référer au droit français, et sollicitait l'application de l'article R. 517-1, alinéa 2, du Code du travail. Conformément à ce texte, n'ayant pas de lieu de travail fixe, il invoquait la compétence du conseil de Prud'hommes dans le ressort duquel était situé son domicile.

La société sollicitait, pour sa part, la désignation des juridictions allemandes par application du même règlement communautaire : elle demandait la désignation du tribunal dans le ressort duquel était situé le siège social de la société en application de l'article 19 1).

  • La cour d'appel de Colmar retient l'interprétation du salarié

Elle rappelle, en premier lieu, que l'article 19 du Règlement communautaire relatif aux contrats de travail, ne désigne pas directement la juridiction territorialement compétente, mais seulement l'Etat membre dont les tribunaux seront compétents.

Autrement dit, elle considère que l'article 19 du Règlement constitue une règle de compétence générale et non spéciale.

Elle constate qu'en l'espèce, le salarié a travaillé en France ce qui justifie la désignation des tribunaux français par application de l'article 19 2) a) du Règlement.

Elle applique, dans un second temps, les règles de compétence internes pour déterminer quelle sera précisément la juridiction compétente.

Conformément à l'article R. 517-1, alinéa 2, du Code du travail, elle conclut que le conseil de Prud'hommes de Strasbourg est compétent.

Problème juridique

Les règles de conflit communautaires applicables au contrat individuel de travail, issues de l'article 19 du Règlement du 22 décembre 2000, sont-elles des règles :
- spéciales, auquel cas la désignation du conseil de Prud'hommes compétent doit être opérée par référence au seul règlement communautaire,
- ou générales, et alors la désignation du conseil de Prud'hommes compétent résulte des dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail ?

Solution

"Attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que l'article 19 paragraphe 2) sous a) du Règlement n° 44/2001 instaure des règles de compétence spéciales qui interdisent à l'Etat membre saisi par un salarié d'une demande dirigée contre un employeur domicilié dans un autre Etat membre, de se référer à ses propres règles de compétence pour déterminer quelle est la juridiction compétente, et, d'autre part, qu'il résulte des constatations des juges du fond que Monsieur Marziale a exécuté son travail sur différents chantiers tous situés en France, dont le denier était situé à Limoges, en sorte qu'elle ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail pour dire que la juridiction compétente était celle de son domicile, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Commentaire

I - Les règles de conflit de juridiction applicables aux contrats de travail communautaires, sont des règles de compétence spéciales qui privent le juge français de la faculté de recourir aux règles internes de compétence territoriale

  • Règles de compétence générale et règles de compétence spéciale

La qualification des règles de conflit applicables aux contrats de travail au regard de cette distinction, constituait le point de désaccord entre la cour d'appel de Colmar et la Cour de cassation.

Dans le premier cas, la règle de conflit désigne seulement l'Etat membre dont les juridictions seront compétentes pour juger du litige, sans préciser parmi les tribunaux de cet Etat, lequel devra être spécialement choisi.

Ceci implique une seconde étape : à l'intérieur du système judiciaire ainsi désigné, le juge saisi applique ses propres règles de compétence pour désigner précisément, quelle sera la juridiction compétente au sein de cet Etat.

Dans le second cas, la règle de conflit désigne non pas l'Etat dont les tribunaux seront compétents, mais directement la juridiction compétente territorialement, sans passer par l'application des règles de compétence internes.

  • La qualification des règles de conflit issues du Règlement du 22 décembre 2000 au regard de cette distinction

Dans sa rédaction issue de la Convention de Bruxelles, l'identification des règles de compétence spéciale et générale ne créait pas d'importante difficulté.

La section I s'intitulait "dispositions générales", et la section II, "compétences spéciales". Parmi ces dernières, figuraient celles relatives au contrat de travail international à l'article 5-1.

Si le Règlement communautaire n'a pas modifié en profondeur la teneur des règles de conflit, il en a en revanche modifié la présentation. C'est précisément ce qui a conduit la cour d'appel de Colmar à un raisonnement jugé erroné, selon la Cour de cassation.

La cour d'appel, rappelant la rédaction du Règlement communautaire, indique que seule la section 2 de ce texte s'intitule "compétences spéciales" et élimine donc le recours aux dispositions internes.

Elle en déduit que la section 5 intitulée "compétence en matière de contrats individuels de travail", ne peut constituer une règle de compétence spéciale. Dans la mesure où il s'agit d'une règle de compétence générale, il faut donc se référer au droit interne de l'Etat désigné par cette disposition, pour déterminer la juridiction compétente.

  • La Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d'appel et affirme clairement que les règles en matière de contrat de travail constituent des règles de compétence spéciale qui excluent le recours au droit interne

Selon la Cour de cassation, l'article 19 du Règlement relatif aux règles de compétence en matière de contrat individuel de travail, relève bien des règles de compétence spéciale et non pas des règles de compétence générale.

Le raisonnement suivi est le suivant : indépendamment de l'intitulé des sections du Règlement, c'est la formulation même des règles de conflit qui permet de déterminer si elles sont spéciales ou générales.

En l'espèce, la lecture de l'article 19 du Règlement permet de constater que cette disposition conduit directement à désigner une juridiction précise, et non simplement un Etat "devant les tribunaux de l'Etat membre où il a son domicile [...] ; devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail [...] ; devant le tribunal du lieu où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur".

Cette rédaction est différente de celle de l'article 2, règle de compétence générale qui se contente de déterminer seulement l'Etat membre dont les tribunaux seront compétents "devant les juridictions de cet Etat membre".

Ces dernières ne concernent donc pas seulement celles visées à la section 2 du Règlement, mais peuvent également concerner d'autres règles énoncées dans les sections suivantes du règlement et propres à certaines matières (assurances, ...).

  • La conséquence de cette qualification est primordiale

Elle emporte l'interdiction pour le juge saisi qui fait application de l'article 19 du Règlement, de se référer à ses propres règles de compétence pour désigner la juridiction compétente.

Ainsi le juge français, dès lors qu'il est saisi d'une affaire relative à un contrat de travail présentant des éléments d'extranéité qui justifient l'application du règlement, ne peut invoquer l'article R. 517-1 du Code du travail ni les dispositions du Nouveau Code de procédure civile.

Seules les règles communautaires doivent permettre de déterminer la juridiction territorialement compétente.

  • Les conséquences pratiques en l'espèce

La Cour de cassation casse sans renvoi l'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar.

Elle confirme que le conseil de Prud'hommes compétent est bien celui de Limoges, comme l'avait jugé le conseil de Prud'hommes de Strasbourg.

Elle fonde cette décision sur l'application exclusive du Règlement communautaire, sans passer par le droit interne.

II - En l'absence de lieu habituel de travail du salarié, il convient de retenir le tribunal dans le ressort duquel se situe le dernier lieu de travail

Une seconde précision est apportée par cet arrêt, relative à la situation du salarié qui exécute sa prestation de travail hors de tout établissement, dans plusieurs lieux successifs situés dans un même Etat membre, et relevant du ressort de différents conseils de Prud'hommes.

  • La convention de Bruxelles ne régissait pas cette question, ce qui permettait à la jurisprudence interne d'appliquer l'article R. 517-1 du Code du travail

Il s'agissait précisément du cas dans lequel le salarié exécutait sa prestation de travail hors de tout établissement (1).

La Cour de cassation, constatant que les règles communautaires ne répondaient pas à cette situation, faisait application des règles internes du Code du travail.

Elle autorisait la saisine du conseil de Prud'hommes dans le ressort duquel était situé le domicile du salarié en application de l'alinéa 2 de ce texte.

  • Or le Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, en son article 19 2) a) règle désormais cette question en précisant qu'il faut dans ce cas retenir le tribunal dans le ressort duquel se situe dernier lieu de travail

Depuis l'entrée en vigueur du Règlement, le juge français n'est donc plus autorisé à appliquer l'article R. 517-1 du Code du travail dans ce cas, et à se référer au lieu de son domicile pour désigner le conseil de Prud'hommes correspondant.

III - Cette décision permet de rappeler quelle place les règles de compétence communautaires laissent aux règles de droit interne

Il est désormais acquis que lorsque les critères d'application du Règlement sont réunis, le juge saisi est tenu de se référer à ce texte sans pouvoir se référer exclusivement au droit interne (2).

Dans tous les cas, le juge d'un Etat membre saisi d'un litige international en matière civile ou commerciale, au sens du Règlement, doit commencer par mettre en oeuvre ce texte afin de vérifier s'il existe une base communautaire de compétence au profit d'un Etat membre. Les règles internes de compétence internationale n'interviennent, le cas échéant, que dans un second temps.

Toutefois, ni la Convention de Bruxelles, ni le Règlement du 22 décembre 2000 ne se substituent purement et simplement aux règles de compétence internationales que chaque Etat membre avait élaborées avant l'uniformisation de ces règles dans l'espace communautaire.

  • En premier lieu, ces règles peuvent survivre lorsque les règles communautaires ne sont pas applicables. Il en va ainsi de certains litiges internationaux pour lesquels l'un des critères d'applicabilité du règlement, fait défaut

Il en est de même lorsque les règles de compétence du Règlement ne localisent pas le litige dans l'ordre juridictionnel d'un Etat membre : l'application du règlement n'aboutit pas à l'aiguillage du litige vers la juridiction d'un Etat membre.

L'Etat membre fait alors application de ses propres règles internes de compétence internationale. La Cour de cassation reconnaît dans ce cas, une extension à l'ordre international, des règles internes de compétence et notamment de l'article R. 517-1 du Code du travail (3).

Les règles internes de compétence internationale sont alors des règles de compétence générale.

  • En second lieu, les règles internes de compétence peuvent survivre même lorsque le règlement s'applique

Les règles internes de compétence internationale constituent alors des règles de compétence spéciale lorsque le règlement ne prend position que sur la compétence internationale générale.

Tel n'est toutefois pas le cas des règles de conflit relatives aux litiges liés à des contrats de travail.

Adeline Larvaron
Avocat
Cabinet Fromont, Briens & Associés


(1) Cass. soc., 9 avril 1987, n° 84-42.669, Société anonyme Compagnie française d'assistance spécialisée (COFRAS) c/ M. Chabanne (N° Lexbase : A7420AA3) ; Cass. soc., 16 mars 2004, n° 02-40.388, Société Défense conseil international c/ M. Mohamed Al Abdeh, FS-P+B (N° Lexbase : A6064DB9).
(2) Ceci a été rappelé, notamment, récemment par un arrêt de la Chambre mixte rendu le 11 mars 2005 : la cour d'appel avait écarté l'application de la Convention de Bruxelles, l'estimant moins favorable que les règles de droit interne, en se fondant sur les dispositions de la Convention de Rome. La Chambre mixte censure ce raisonnement en rappelant que "les règles de droit interne ne sont pas applicables pour la détermination de la compétence internationale du juge saisi d'un litige d'ordre international intra-communautaire, soumis aux dispositions de la Convention de Bruxelles [...]" (Cass. mixte, 11 mars 2005, n° 02-41.372, société Codéviandes c/ M. Bertrand Maillard N° Lexbase : A2719DH8).
(3) Voir par exemple, Cass. soc., 24 avril 2001, n° 98-46.424, Société services d'hôtellerie c/ M. Jean-Paul Monset (N° Lexbase : A2849ATP).

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Social général

[Jurisprudence] La délicate application du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal

Réf. : Cass. soc., 27 septembre 2006, n° 05-40.208, Mme Sabine Ternisien c/ Société AMC, F-P+B (N° Lexbase : A3563DRE)

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N3774ALD

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Le 07 Octobre 2010

Le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal signifie que ce qui est jugé par le juge pénal s'impose au juge civil. Solidement ancré dans notre droit positif, alors même que certains le jugent anachronique, ce principe suscite de récurrents problèmes quant à sa mise en oeuvre, spécialement en droit du travail. On en veut notamment pour preuve les nombreux arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation relativement à la question des effets sur la responsabilité contractuelle du salarié d'une relaxe prononcée par la juridiction répressive (V. en dernier lieu, F. Duquesne, Autorité de la chose jugée : plusieurs qualifications valent mieux qu'une... , Sem. soc. Lamy, n° 1275 du 25 septembre 2006, p. 10). Tel n'était cependant pas le problème qui était au coeur de l'intéressant arrêt rendu par cette même Chambre sociale le 27 septembre dernier. Faisant application de la règle de l'autorité de la chose jugée au pénal, la Cour de cassation considère que le jugement du tribunal correctionnel constatant l'existence d'un lien de subordination et, partant, d'un contrat de travail sur lequel repose l'abus de confiance dont une salariée a été déclarée coupable au préjudice de son employeur s'impose au juge civil.
Résumé

L'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale. Par suite, dès lors que le tribunal correctionnel a constaté l'existence du lien de subordination et, partant, du contrat de travail sur lequel repose l'abus de confiance dont la salariée a été déclarée coupable, cette constatation s'impose à la cour d'appel saisie du litige.

Décisions

Cass. soc., 27 septembre 2006, n° 05-40.208, Mme Sabine Ternisien c/ Société AMC, F-P+B (N° Lexbase : A3563DRE)

Cassation de CA Riom (4ème chambre sociale), 20 avril 2004

Textes visés : Principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal ; C. trav., art. L. 121-1 (N° Lexbase : L5443ACL)

Mots-clés : contrat de travail, abus de confiance, autorité de la chose jugée au pénal.

Liens base :

Faits

Soutenant avoir travaillé de juillet 1996 à juillet 1997 au service de la société AMC, dans son établissement de Bellerive-sur-Allier, sans avoir pu obtenir la régularisation d'un contrat de travail, Mme Ternisien a, le 9 octobre 1998, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Par jugement du 11 mai 2000, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte déposée par la société AMC à son encontre des chefs de détournement d'espèces et d'abus de confiance. Par jugement du 23 février 2001, rendu par le tribunal correctionnel de Cusset, Mme Ternisien a été déclarée coupable de délit d'abus de confiance pour détournement de chèques et de matériel au préjudice de la société AMC à raison du lien de subordination existant entre elle-même et la partie civile.

Pour débouter Mme Ternisien de toutes ses demandes, la cour d'appel a retenu que l'article 314-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7136ALU) n'exigeant pas, pour caractériser le délit d'abus de confiance, que la remise des fonds détournés ou dissipés ait eu pour origine l'un des six contrats limitativement énumérés sous l'empire de l'ancien article 408 du Code pénal (N° Lexbase : L4782DG9), il s'ensuit que le fait que le juge pénal ait dit caractérisé l'abus de confiance par détournement de chèques et matériel en raison du lien de subordination existant entre le prévenu et la partie civile "n'entre pas dans le champ de la chose jugée".

Solution

1. Cassation au visa du principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal et de l'article L. 121-1 du Code du travail

2. "Attendu, cependant que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale" ;

3. "Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le jugement du tribunal correctionnel a constaté l'existence du lien de subordination et, partant, le contrat de travail sur lequel repose l'abus de confiance dont Mme Ternisien a été déclarée coupable au préjudice de la société AMC de sorte que cette constatation s'imposait à elle, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisé".

Observations

I - Les données du problème

Afin de bien comprendre la solution retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt sous examen, il importe de revenir brièvement et dans un premier temps sur les faits de l'espèce et de s'attarder, dans un second temps, sur les règles de droit applicables.

  • Les faits

Il convient, ici, de rappeler que, soutenant avoir travaillé de juillet 1996 à juillet 1997 au service de la société AMC, sans avoir pu obtenir la régularisation d'un contrat de travail, Mme Ternisien avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Il faut donc comprendre que ces dernières ne pouvaient être déclarées recevables par le conseil de prud'hommes que si, dans un premier temps, il était démontré que la requérante était bien titulaire d'un contrat de travail.

Le conseil de prud'hommes saisi du litige avait toutefois été amené à surseoir à statuer car, dans le même temps, la société AMC avait déposé une plainte à l'encontre de Mme Ternisien des chefs de détournement d'espèces et d'abus de confiance.

  • Les règles de droit applicables

Etaient avant tout applicables, en l'espèce, deux règles fondamentales de procédure pénale. La première d'entre elles ne souffrait aucune contestation. En effet, ainsi que l'exige l'article 4, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7015A4L), le juge civil doit surseoir à statuer dans l'attente, dans la même affaire, de la chose qui sera jugée au pénal. Le conseil de prud'hommes avait respecté ce texte d'ordre public et sursis à statuer.

La seconde règle de procédure pénale applicable, qui n'est d'ailleurs pas sans lien avec la précédente, réside dans l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal. Ainsi que nous l'avons déjà mentionné, cette règle, ici qualifiée de "principe" par la Chambre sociale de la Cour de cassation, signifie que ce qui est jugé au pénal s'impose au juge civil. S'il n'était pas contesté que cette règle avait vocation à jouer en l'espèce, ce sont ses conditions d'application qui ont en réalité fait difficultés, et plus précisément les conditions relatives à la sentence pénale (sur l'ensemble de ces conditions, v. par exemple, S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, Litec, 2ème éd., 2002, §§ 1483 et s.). Ainsi que le soulignent ces derniers auteurs, "seules les constations du juge pénal qui sont incontestables et qui lui ont servi de soutien pour asseoir sa décision ont autorité sur le juge civil" (ouvrage préc., § 1485). La Cour de cassation ne dit pas autre chose lorsqu'elle affirme, dans la décision sous examen, que "l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale" (1).

Ce faisant, et l'idée n'est pas nouvelle, la Cour de cassation cantonne le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal. Si les constatations hypothétiques ne s'imposent pas au juge civil, les attendus dont le juge pénal n'aurait pu se passer pour prendre sa décision ont une autorité absolue sur le juge civil (2). C'est cette dernière condition qui, précisément, a fait ici difficulté.

II - La solution du problème

  • L'infraction d'abus de confiance

Aux termes de l'article 314-1 du Code pénal, "l'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé".

Parmi les différents éléments constitutifs de cette infraction figure la remise préalable d'une chose qui est ensuite détournée ; remise préalable qui doit avoir une cause. Ainsi que le relève un auteur autorisé, "sous l'empire de l'ancien Code pénal, la remise devait être intervenue en vertu de l'un des six contrats limitativement visés par l'article 408. L'article 314-1 ne contient plus rien de tel. Mais en évoquant un objet 'remis' et que l'intéressé a 'accepté' à charge de le rendre, de le représenter ou d'en faire un usage déterminé, il présuppose toujours un titre préalable. Telle est la cause efficiente de la remise. En outre, ce titre a pour but de limiter les prérogatives sur la chose de celui qui la reçoit, ce qui constitue la cause finale de la remise" (Ph. Conte, Droit pénal spécial, Litec, 2003, § 536).

Il appartient donc toujours aux juges de rechercher à quel titre la chose a été préalablement remise et à quel titre elle doit être restituée. L'abus de confiance est ainsi concevable pour tous les contrats qui engendrent l'obligation de rendre, de représenter le bien remis ou d'en faire un usage déterminé. Parmi eux figurent, notamment, mais plus exclusivement, les hypothèses autrefois énumérées par l'article 408 : louage de chose, prêt à usage, dépôt régulier, mandat, gage ou nantissement mobilier, remise pour un travail (salarié ou non). On aura dès lors compris que la constatation d'un tel titre constitue le soutien nécessaire de la condamnation pénale, exigeant par suite du juge civil qu'il s'incline devant la sentence pénale, en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal.

  • La constatation du lien de subordination s'impose au juge civil

Il convient de rappeler qu'en l'espèce, pour débouter Mme Ternisien de toutes ses demandes, la cour d'appel avait retenu que "l'article 314-1 du Code pénal n'exigeant pas pour caractériser le délit d'abus de confiance que la remise des fonds détournés ou dissipés ait eu pour origine l'un des six contrats limitativement énumérés sous l'empire de l'ancien article 408 du Code pénal, il s'ensuit que le fait que le juge pénal ait dit caractérisé l'abus de confiance par détournement de chèques et de matériel en raison du lien de subordination existant entre le prévenu et la partie civile 'n'entre pas dans le champ de la chose jugée'".

Cette motivation révèle une bien curieuse approche de l'infraction d'abus de confiance par les juges du fond saisis du litige (3). En effet, et ainsi que nous l'avons relevé précédemment, pour caractériser cette infraction, le juge pénal doit nécessairement démontrer à quel titre la chose finalement détournée a été préalablement remise. Sans doute n'est-il plus nécessaire de caractériser l'un des six contrats autrefois énumérés par l'article 408 du Code pénal. Mais, répétons-le, un titre doit exister. Or, en l'espèce, le tribunal correctionnel avait déclaré Mme Ternisien coupable du délit d'abus de confiance pour détournement de chèques et de matériel au préjudice de la société AMC à raison du lien de subordination existant entre elle-même et la partie civile.

Soutien nécessaire à la condamnation pénale, la constatation de ce lien de subordination et, partant, du contrat de travail, s'imposait donc au juge civil en vertu du principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal. On ose en effet à peine rappeler que dès lors qu'un lien de subordination existe entre deux personnes, les relations contractuelles les unissant doivent être qualifiées de contrat de travail. De là le visa de l'article L. 121-1 du Code du travail au côté du principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal.

Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Souligné par nous.
(2) Dès lors évidemment que les constatations ne sont pas hypothétiques.
(3) A moins qu'elle ne manifeste les réticences du juge civil à s'incliner devant le juge pénal.

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Droit financier

[Jurisprudence] L'affaire du groupe d'emballage "Sidel", "class actions" en paquet en correctionnelle (1ère partie)

Réf. : TGI Paris, 12 septembre 2006, n° RG 0018992026, Ministère public c/ Francis Olivier (N° Lexbase : A7599DRU)

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N3807ALL

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Le 07 Octobre 2010

C'est un procès passionnant qui a retenu, au milieu du mois dernier, l'attention de la presse économique sous le nom d'"affaire Sidel", du nom du célèbre groupe d'emballage normand. Le jugement rendu le 12 septembre par le tribunal correctionnel de Paris a, en effet, fait grand bruit, à l'inverse de l'annonce -le 26 septembre suivant- que la société Sidel interjetait appel et que les associations représentant les actionnaires minoritaires, l'Appac (1) et l'Adam (2), les suivaient dans cette voie. L'oubli, cette ombre médiatique, est ainsi retombé comme une chape sur une des décisions les plus intéressantes de la décennie en matière de droit boursier.

Voilà, en tout cas, l'occasion donnée au juge du second degré de connaître d'une curieuse affaire. Curieuse par l'ampleur du jugement -avec une décision de 91 pages-, mais curieuse, également, par le nombre de victimes indemnisées (plus de 700 actionnaires à hauteur de 10 euros par action). De plus, ce jugement n'est pas, seulement, remarquable par son aspect arithmétique et si les journalistes économiques évoquent, à mots couverts, le caractère explosif (3) du dossier, les juristes s'étonnent, eux, au fond, de la reconnaissance implicite par le juge du principe de l'existence de "class actions" au profit des associés des sociétés cotées, à l'image des recours boursiers du droit américain. Le juge d'appel choisira-t-il de ne pas réformer cette décision ? Rien n'est moins sûr. La solution de "l'affaire Sidel" est donc loin d'être acquise pour les actionnaires. Encore faut-il nuancer l'avantage que ces derniers pourront tirer de l'arrêt de première instance que nous vous présentons ici. En effet, sa substance ne laisse guère de doute quant à la responsabilité civile solidaire de "Sidel" et de ses dirigeants, du moins ceux qui ont été condamnés sur le plan pénal (I). La partie du jugement qui, en revanche, risque d'être réformée, est celle qui porte sur l'indemnisation des parties civiles (II) car elle reconnaît, de façon implicite, la possibilité pour les actionnaires d'intenter une action collective sans que le législateur l'ait prévue.

I - L'aspect pénal de l'"affaire Sidel"

L'aspect pénal de l'"affaire Sidel" est symptomatique des dérives que peuvent connaître les sociétés qui passent d'un statut d'entreprises moyennes à celui de sociétés cotées et qui, à ce titre, se voient contraintes de respecter des règles drastiques en matière d'information (A), la méconnaissance de ces règles entraînant l'application de sanctions parfois fort sévères (B).

A - Des atteintes diverses à l'information

Le procès "Sidel" débute de façon anodine, lorsque M. Montalbano, un actionnaire petit porteur saisit le procureur de la République de Paris en mettant en cause M. Olivier, président de la société, à qui il reprochait d'avoir "tenu des propos dithyrambiques sur les résultats" dans un entretien à la presse, puis, d'avoir annoncé de mauvaises nouvelles au cours d'une assemblée du 22 décembre 1999, faisant, ainsi, chuter le cours de l'action. Le procès prend véritablement la dimension d'une affaire lorsque d'autres plaintes s'ajoutent et que, le 20 avril 2002, l'association des petits porteurs actifs saisit le parquet pour escroquerie, abus de confiance, abus de biens sociaux et délit d'initié. Le dossier est ensuite transmis au parquet de Paris.

Les petits actionnaires font valoir, en effet, un ensemble de faits qui laissent présager d'une direction, pour le moins, chaotique de la société. Ils soutiennent, d'abord, que les bénéfices avaient été artificiellement gonflés depuis 1998 au moyen d'une surévaluation des stocks et que les comptes étant faussés depuis cette date, les cours de l'action avaient atteint un montant indu en 1999. Ils faisaient valoir, ensuite, que M. Olivier avait annoncé dans un communiqué de presse de mai 2000 la commande de vingt machines permettant d'utiliser un procédé d'embouteillage exclusif de "Sidel", alors que le 27 avril 2001 il devait reconnaître n'en avoir installé que six. Enfin, les requérants soutenaient que les dirigeants avaient commis des abus de biens sociaux en faisant racheter leurs actions par la société en 2000. Cette dernière partie, qui n'est pas liée au volet boursier de l'affaire, ne sera pas examinée dans ces colonnes. En effet, le procès "Sidel" est fondamentalement un procès boursier ainsi qu'en attestent, d'une part, l'offre publique d'achat (OPA) lancée par la société Tetra-Laval pendant l'instruction (4) et, d'autre part, l'édiction, durant cette même période, de sanctions par la Commission des opérations de bourse (COB).

L'ex-COB devait, en effet, indiquer au parquet, le 6 mars 2003, par l'intermédiaire de son président, que la Commission avait prononcé à l'encontre de M. Olivier une sanction pécuniaire de 1 million d'euros. Ce même jour, c'est, cette fois, le rapporteur de la COB qui adressait un deuxième rapport d'enquête au procureur de la République, informant ce dernier que des réquisitions supplétives étaient prises contre X, du chef de délit d'initié par utilisation d'une information privilégiée lors de l'annonce du procédé "ACTIS" -à propos des machines que nous avons évoquées précédemment-. Le rapporteur de la COB adressera, enfin, le 6 mars de cette même année, un troisième rapport concernant des réquisitions supplétives contre X, pour diffusion d'informations fausses et trompeuses à propos du marché du titre "Sidel" et des communiqués de presse du 5 janvier 2001 et du 13 février 2001 concernant les résultats de cette même société.

Le tribunal correctionnel va, ainsi, être confronté à la constitution de "plus de 710" parties civiles et se trouver, de la sorte, dans une situation ambiguë. D'une part, sa procédure va s'appuyer, en partie, sur celle de l'autorité de marché, détentrice à la fois du pouvoir de garantir le bon fonctionnement des opérations boursières et d'un pouvoir de sanction concurrent de celui du tribunal. D'autre part, il va être placé devant un recours collectif de petits porteurs qui défendaient, eux, leurs intérêts propres, tout en utilisant avec âpreté les arguments d'atteinte au marché.

BDes faux bilans, des délits d'initiés, des informations trompeuses : les pratiques des dirigeants de "Sidel" face au droit pénal

Le tribunal va être confronté, tous prévenus inclus, à trois séries d'infraction particulièrement graves, dont la plupart ne sont sanctionnées pénalement que lorsque le titre fait l'objet d'une cotation sur le marché : la présentation de comptes inexacts, le délit d'initié et la diffusion d'information mensongère.

1 - Sur la présentation de comptes inexacts pour les exercices clos les 31 décembre 1998 et le 31 décembre 1999

Il ressort des éléments présentés au juge, que, le 14 février 2001, M. Olivier -de sa propre initiative- avait spontanément révélé aux commissaires aux comptes l'existence d'irrégularités dans la comptabilisation des stocks sur l'exercice clos au 31 décembre 1999. Les investigations qui s'ensuivirent démontrèrent que le chef comptable de Sidel avait passé des écritures inexactes afin d'améliorer le résultat d'exploitation sur l'ordre du secrétaire général de la société, M. Di Vita. Ce dernier reconnaîtra les faits mais déclarera avoir agi sur les ordres de M. Olivier. Les comptes ne seront régularisés qu'avant la publication de l'OPA de Tetra-Laval.

Pour sa défense M. Olivier déclarera être "responsable de la volonté de mettre en place un dispositif de lissage du résultat d'exploitation", aux fins de limiter la volatilité du cours de l'action, menacé, selon lui, par les spéculateurs boursiers. Il ajoutera que ce lissage n'avait en rien modifié l'image fidèle que les comptes doivent donner, et que ces opérations n'avaient pas pour but de dissimuler la véritable situation de la société. Quant à M. Di Vita, il déclarera ne pas avoir agi de mauvaise foi, le lissage imposé par le président n'ayant pas altéré l'image fidèle des comptes.

Le tribunal conclura, pourtant, que les procédés utilisés ayant été reconnus par les différents intervenants habilités à établir les comptes, et que ces mêmes procédés s'étant accompagnés de la tenue d'une comptabilité parallèle connue seulement de trois personnes, les actes ainsi accomplis se trouvaient "en contradiction formelle avec les règles en vigueur applicables aux sociétés faisant appel public à l'épargne". Le juge s'appuiera, d'ailleurs, sur l'avis de la COB, précité, pour souligner qu'il s'agissait d'un "véritable système de cavalerie" faussant la communication financière, l'ensemble de ces faits relevant de l'application du règlement 98-07 de la Commission (règlement du 22 janvier 1999 N° Lexbase : L1720ASI) relatif à l'obligation d'information du public. Le tribunal décidera que, sur ce point, le délit de présentation de comptes inexact était caractérisé.

2 - Sur le délit d'initié

Les faits ayant donné lieu au délit d'initié, pour lesquels M. Di Vita, secrétaire général et M. Lanctuit, directeur international, étaient poursuivis, ont pour origine la conférence de presse du 29 avril 1999 convoquée par M. Olivier durant laquelle il fera état d'un nouveau procédé qualifié de "révolutionnaire" et baptisé "ACTIS". Ce dernier était présenté comme étant particulièrement prometteur sur le marché du conditionnement de la bière et de nature àgénérer un chiffre d'affaire important pour l'avenir. Le procédé, toutefois, ne connaîtra aucun succès et il sera démontré, en outre, que l'annonce avait été faite par M. Olivier avec précipitation puisque les agréments nécessaires à son exploitation n'avaient pas encore été obtenus.

Or, dès l'annonce de la mise au point du procédé, l'action Sidel avait connu une hausse très importante, passant, très rapidement, de 84 à 109 euros et continuant de monter jusqu'en fin mai 1999, à 138 euros. Le titre, par la suite, ne fera que baisser jusqu'à l'OPA réalisée par "Tetra-Laval" au cours de 50 euros.

Sur ce point M. Di Vita (le secrétaire général) reconnaîtra, pour sa défense, avoir acheté des titres dans l'espoir de réaliser une plus-value, reconnaissant également que lorsqu'il avait agi, il savait que la société allait faire une annonce sur le procédé "ACTIS". Il invoquait, toutefois, avoir réalisé ces achats "par imprudence", sans avoir porté suffisamment attention à la communication et, en tout état de cause, sans l'intention de commettre un manquement ou un délit d'initié. Il invoquait, en exergue, afin d'échapper à l'application de sa peine, la règle non bis idem (5), arguant de sa condamnation préalable par la COB et à l'impossibilité, selon la doctrine dominante -du moins dans l'interprétation qu'en donnait le prévenu- de maintenir la jurisprudence de la Cour de cassation concernant la possibilité d'infliger deux condamnations pour des faits similaires.

M. Lanctuit, directeur international, était moins informé (au titre de ses fonctions) que M. Di Vita puisqu'il n'avait -à l'époque- que la qualité de salarié de la société et n'était ni administrateur, ni dirigeant, ni en charge de la communication financière, mais était jugé pour des faits comparables. Il était poursuivi, selon la COB, pour avoir affirmé, dans un premier temps, lors de sa garde à vue, n'avoir pas donné d'ordre d'acheter des actions Sidel à son gestionnaire de portefeuille. Puis, dans un second temps, il s'était rétracté devant la Commission, estimant avoir commis une erreur, arguant que c'était la seule fois qu'il avait acheté des titres dans une période sensible alors qu'il bénéficiait d'une information privilégiée.

Il soutenait, par ailleurs, qu'en dépit de sa condamnation par la COB, le déroulement de son audition faisait apparaître qu'il ne s'était pas exprimé à l'occasion de l'entretien. C'est son conseiller financier, celui qui avait passé les ordres d'achat qui aurait déclaré -selon lui- "avoir acheté des titres Sidel dans une période sensible alors qu'il bénéficiait d'une information privilégiée", ce même conseiller ayant, par ailleurs, reconnu que c'est lui qui avait demandé à son client s'il souhaitait se porter acquéreur des titres litigieux. D'autre part, M. Lanctuit, toujours selon lui, n'avait pas réellement formalisé d'ordre d'achat, la date de l'ordre ne pouvant, en tout état de cause, être véritablement établie. Il demandait, donc, au tribunal de constater l'impossibilité de dater avec certitude l'instruction d'achat, le doute sur la réalité de l'information devant lui bénéficier. Il invoquait, également, l'application du principe non bis idem comme l'avait fait l'autre prévenu.

Le juge va ainsi avoir à répondre sur la mise en oeuvre du principe non bis idem pour les deux prévenus. Il va renvoyer, pour ce faire, aux dispositions du Code monétaire et financier. Il en réfère, d'abord, à l'article L. 621-16 (N° Lexbase : L3132G9U), qui dispose que "le juge pénal statuant sur les mêmes faits, peut ordonner que la sanction financière s'impute sur l'amende qu'il prononce". Il précise, ensuite, que le dispositif mis en place par le législateur organise une coordination des sanctions et que le texte précité est un texte de droit positif qui doit nécessairement recevoir application.

Sur ce point, le raisonnement du juge, et son renvoi à la "coordination" des sanctions fait table rase des arguments concernant la double peine. D'une part, les peines encourues, en l'espèce, ne sont pas de même nature (situation que l'on connaît, d'ailleurs, en matière de faute déontologique constitutive également d'une faute civile où la Cour de cassation conclut toujours à l'indépendance des sanctions). D'autre part, la loi prévoit, dans un texte limpide, (l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier) qu'en la matière, le juge doit prendre en considération la première peine pour décider de la seconde.

En réalité, ce n'est à notre sens, pas l'argument tiré du droit positif qui est le plus judicieux, pas plus que celui de la "coordination" des peines. En effet, l'application du principe non bis idem, emporte que "nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi ou à la procédure pénale de son pays". Il ne s'applique que dans le cas où une même infraction pénale, ayant déjà donné lieu à un jugement définitif, fait l'objet d'une nouvelle poursuite pénale. Ce n'était pas le cas en l'espèce. Le juge écarte, donc, ce moyen de défense et doit, sur ce point, être vigoureusement approuvé, même si nous pensons qu'il n'avait pas à se justifier de la sorte.

Le tribunal examine, par ailleurs, le fond. A ce titre, il établit que les prévenus connaissaient l'imminence de l'annonce de la mise au point du procédé "ACTIS" et que cette connaissance constituait une information privilégiée au sens de l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7995HBQ).

- S'agissant de l'intention délictueuse, le tribunal rappelle que l'intention délictueuse est caractérisée, en matière de délit d'initié, du fait, par le détenteur d'une information privilégiée non connue du public, de se livrer sciemment à la passation d'un ordre de bourse sur cette action. Il établit que M. Di Vita, par l'organisation et la nature des ordres passés, entendait sans équivoque opérer une plus-value sur cette opération et que cette plus-value a bien été réalisée. Plus laconiquement, le tribunal établit, en outre, que M. Lanctuit avait également réalisé une plus-value conséquente, en toute connaissance de cause.

- Quant au délit d'initié, enfin, la mise en oeuvre de l'article 1, alinéa 5 du règlement, COB n° 90-08 (règlement du 17 juillet 1990 relatif à l'utilisation d'un information privilégiée N° Lexbase : L4749A4N) et celle de l'article 2 du même texte, sera retenue. Le tribunal relèvera, essentiellement, que les détenteurs de cette information l'ont utilisée pour réaliser une plus-value et que ces derniers avaient directement passé les ordres d'achat, alors que leurs mandats de gestion de portefeuille ne le prévoyaient pas.

Le tribunal conclut, ainsi, que le délit d'initié doit être retenu pour les deux prévenus, tout en tenant compte de l'existence d'une sanction pécuniaire antérieure infligée par l'autorité boursière.

3 - Sur les informations mensongères

Les informations en cause consistaient en un entretien donné au journal Investir, paru le 1er décembre 1999, sous le titre : "La valorisation minimum de l'action SIDEL est aujourd'hui de 160 euros par action". Dans cet article, M. Olivier faisait état de différentes informations qui, selon la plainte de M. Montalbano, (le plaignant initial qui avait revendu ses actions à perte), incitaient à "l'achat de l'action qui du fait des propos de son président présentaient un caractère très attractif". Ces informations portaient, en premier lieu, sur la vente des machines attachées au procédé "ACTIS" qui, après enquête, se sont avérées inférieures à ce qu'avait annoncé M. Olivier. Elles portaient, en second lieu, sur le titre de l'article de la revue Investir qui évoquait une valorisation de l'action à 160 euros.

Or, selon la défense, ce titre avait été choisi par la rédaction et, M. Olivier, s'il avait bien évoqué ce montant, l'avait fait dans un contexte différent, affirmant : "qu'en cas d'OPA ma position consistera a défendre les actionnaires. J'expliquerai aisément à mon attaquant que la valorisation [...] est aujourd'hui de 160 euros par action". M. Olivier invoquait, par ailleurs, le fait qu'à l'époque, les informations n'étaient ni fausses, ni trompeuses.

Le tribunal observera, toutefois, que l'évolution du marché du titre démontrait de façon indubitable que les hausses des cours de l'action étaient liées aux déclarations de M. Olivier. Il rappellera, au surplus, qu'au moment de l'entretien litigieux, les bilans ne reflétaient pas la réalité de la situation de la société et, qu'enfin, les commandes annoncées ne correspondaient pas à la réalité commerciale. Ainsi, le président, en affirmant que "Sidem" avait des perspectives importantes et des commandes fermes qu'il n'avait pas, alors même qu'il connaissait la situation puisqu'il devait, ultérieurement, proposer un prix d'OPA à "Tetra-Laval" de 50 euros devait être : "retenu dans les liens de la prévention du chef de diffusion d'information mensongère".

Les prévenus seront condamnés respectivement à 24 mois de prison avec sursis et 300 000 euros d'amende pour M. Olivier, à 18 mois avec sursis et 150 000 euros d'amende pour M. Lanctuit, et à 10 mois de prison et 50 000 euros, pour M. Di Vita.

Pour la seconde partie de cet article, lire (N° Lexbase : N3835ALM).

Jean-Baptiste Lenhof
Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) Association des petits porteurs actifs.
(2) Association des actionnaires minoritaires.
(3) Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, édition du 17 septembre 2006 : "la bataille peut se déplacer sur le terrain civil : en effet les 124 300 actionnaires qui n'ont pas pris part à la procédure pénale peuvent intenter une action civile, et l'on voit mal comment les juges civils pourraient les débouter alors que le tribunal correctionnel a reconnu la culpabilité des responsables et la réalité du préjudice des victimes. Un collectif d'une quinzaine d'avocats européens représentant des actionnaires institutionnels, notamment allemands, vont se réunir le 23 septembre à Munich pour réfléchir aux suites judiciaires possibles". Dans le même sens, sur le risque d'une contamination et de la multiplication des actions collectives : Valérie de Senneville, Caroline Lechantre, Les Echos, édition du 19 septembre 2006.
(4) Les plaintes sont ainsi déposées et l'affaire instruite durant une période où la société Sidel se trouve sous le feu de l'actualité, tant industrielle que boursière. En effet, la société devait, faire l'objet, le 27 mars 2001 d'une offre publique d'achat (OPA) amicale par le groupe suédois "Tetra Laval" à 50 euros l'action, montant que les actionnaires estimaient, pour leur part, être sous-évalué (permettant ainsi, aux actionnaires représentés par la SA Deminor d'obtenir, par rapport à l'OPA de "Tetra-Laval" au prix de 50 euros, une négociation permettant d'obtenir un complément de prix de 20 euros par action). Cette opération, toutefois, soumise au droit communautaire de la concurrence au titre du contrôle des concentrations devait, dans un premier temps, être interdite par la Commission. En effet, celle-ci aurait pu avoir, selon la Commission, des incidences dommageables sur la concurrence dans plusieurs marchés. Cette décision ayant fait l'objet d'un recours devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE, 25 octobre 2002, aff. T-5/02, Tetra Laval BV c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A3292A3C et TPICE, 25 octobre 2002, aff. T-80/02, Tetra Laval BV c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A3282A3X), ce dernier devait décider : d'une part, que "les conséquences anticoncurentielles de l'opération de concentration [avaient] été surestimées sur les marchés identifiés par la Commission" et, d'autre part, qu'il ne partageait pas les conclusions auxquelles aboutit la Commission dans cette affaire s'agissant du caractère négatif des effets de conglomérat engendrés par la nouvelle structure issue de l'OPA. A ce sujet, lire, Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 7 - Freshfields Bruckhaus Deringer .
(5) La règle non bis in idem (ou ne bis in idem) est un principe classique de la procédure pénale, déjà connu du droit romain, d'après lequel "nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits" (ancien Code d'instruction criminelle). Cette règle, qui répond à une double exigence d'équité et de sécurité juridique, est reconnue et appliquée dans l'ordre juridique interne par l'ensemble des pays respectueux de l'État de droit. En France, elle figure, notamment, à l'article 368 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4375AZ3). Le principe non bis in idem est, également, consacré dans plusieurs instruments internationaux de protection des droits fondamentaux, tels que le Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques de 1966 (article 14 § 7 N° Lexbase : L6816BHW), le protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 4) et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 50).
(6) Par ex., Cass. civ. 1, 5 novembre 1991, n° 89-15.179, M. Conta c/ Société Le Blanc distribution et autre (N° Lexbase : A4543AHQ), Bull. civ. I, n° 297, Defrénois, 1992 1075, obs Aubert.
(7) Article 14-7 du Pacte de New York, invoqué par la défense.
(8) L'article 1er, alinéa 5, du règlement COB 90-08 figure, désormais, à l'article 621-1 du règlement général de l'AMF , aux termes duquel, "une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés. Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement".
(9) L'article 2 du règlement COB 90-08 figure, désormais, à l'article 622-1 du règlement général de l'AMF, aux termes duquel, "toute personne mentionnée à l'article 622-2 doit s'abstenir d'utiliser l'information privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en cédant ou en tentant d'acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés.
Elle doit également s'abstenir de :
1° Communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée ;
2° Recommander à une autre personne d'acquérir ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur la base d'une information privilégiée, les instruments financiers auxquels se rapportent cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés.
Les obligations d'abstention posées au présent article ne s'appliquent pas aux opérations effectuées pour assurer l'exécution d'une obligation d'acquisition ou de cession d'instruments financiers devenue exigible, lorsque cette obligation résulte d'une convention conclue avant que la personne concernée détienne une information privilégiée
".

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Droit financier

[Jurisprudence] L'affaire du groupe d'emballage "Sidel", "class actions" en paquet en correctionnelle (2nde partie)

Réf. : TGI Paris, 12 septembre 2006, n° RG 0018992026, Ministère public c/ Francis Olivier (N° Lexbase : A7599DRU)

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N3835ALM

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Le 07 Octobre 2010

C'est un procès passionnant qui a retenu, au milieu du mois dernier, l'attention de la presse économique sous le nom d'"affaire Sidel", du nom du célèbre groupe d'emballage normand. Le jugement rendu le 12 septembre par le tribunal correctionnel de Paris a, en effet, fait grand bruit, à l'inverse de l'annonce -le 26 septembre suivant- que la société Sidel interjetait appel et que les associations représentant les actionnaires minoritaires, l'Appac (1) et l'Adam (2), les suivaient dans cette voie. L'oubli, cette ombre médiatique, est ainsi retombé comme une chape sur l'une des décisions les plus intéressantes de la décennie en matière de droit boursier.

Voilà, en tout cas, l'occasion donnée au juge du second degré de connaître d'une curieuse affaire. Curieuse par l'ampleur du jugement -avec une décision de 91 pages-, mais curieuse, également, par le nombre de victimes indemnisées (plus de 700 actionnaires à hauteur de 10 euros par action). De plus, ce jugement n'est pas, seulement, remarquable par son aspect arithmétique et si les journalistes économiques évoquent, à mots couverts, le caractère explosif (3) du dossier, les juristes s'étonnent, eux, au fond, de la reconnaissance implicite par le juge du principe de l'existence de "class actions" au profit des associés des sociétés cotées, à l'image des recours boursiers du droit américain. Le juge d'appel choisira-t-il de ne pas réformer cette décision ? Rien n'est moins sûr. La solution de "l'affaire Sidel" est donc loin d'être acquise pour les actionnaires. Encore faut-il nuancer l'avantage que ces derniers pourront tirer de l'arrêt de première instance que nous vous présentons ici. En effet, sa substance ne laisse guère de doute quant à la responsabilité civile solidaire de "Sidel" et de ses dirigeants, du moins ceux qui ont été condamnés sur le plan pénal (I) (Cf. L'affaire du groupe d'emballage "Sidel", "class actions" en paquet en correctionnelle (1ère partie) N° Lexbase : N3807ALL). La partie du jugement qui, en revanche, risque d'être réformée, est celle qui porte sur l'indemnisation des parties civiles (II) car elle reconnaît, de façon implicite, la possibilité pour les actionnaires d'intenter une action collective sans que le législateur l'ait prévue.

II - L'aspect civil et la reconnaissance implicite de l'action collective des actionnaires

L'intérêt de la décision, toutefois, comme nous l'avons souligné plus avant, autant que sa dimension exceptionnelle ne tiennent pas à l'aspect pénal de l'affaire, mais à son aspect civil (A), d'autant que cette décision de justice a été présentée dans la presse comme un arrêt admettant l'existence de class actions en matière boursière (B).

A - Le sort des parties civiles à l'issue du jugement

La société Sidel s'était, dans cette espèce, constituée partie civile à l'encontre des trois prévenus, constitution à laquelle étaient venus se joindre différents représentant des actionnaires. D'abord, l'ADAM (association de défense des actionnaires minoritaires), acteur désormais incontournable de l'actualité boursière qui représentait 344 actionnaires. L'association invoquait l'article 1384 du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), afin de voir condamnée la société pour les fautes commises par ses salariés et son dirigeant, au titre de la responsabilité des commettants du fait des préposés. Elle demandait, pour ce préjudice, l'attribution d'une somme de 20 euros par action. A cette action civile s'étaient joints : la société de droit panaméen Taissa international incorporated, l'association des petits porteurs actifs (l'APPAC) -soit 355 actionnaires- ainsi que 8 actionnaires isolés. Sur ce point, l'"affaire Sidel" va se trouver déplacée du plan de la sanction des prévenus, à celui de l'affrontement entre les actionnaires et la société.

Sidel faisait valoir en défense, d'une part, que la société était, en elle-même, victime du préjudice et qu'elle n'aurait, es qualité, pu être poursuivie, d'autant qu'elle n'avait commis aucune faute. D'autre part, toujours selon elle, la jurisprudence constante de la Cour de cassation refuserait d'indemniser les actionnaires de la perte de valeur de leurs titres, cette perte n'étant que le corollaire de l'atteinte portée au patrimoine de la société (4). La société faisait valoir, également, le caractère arbitraire du montant demandé qui n'avait pour base de référence que la somme que Sidel avait accepté de donner à d'autres actionnaires (ceux de la société Deminor) lors de l'OPA, à la suite d'une transaction menée par cette dernière société. Pour Sidel, en outre, aucun lien de causalité n'avait été établi par les actionnaires. Ainsi, la responsabilité, fondée sur l'article 1384 du Code civil, ne pouvait être invoquée à l'encontre de la société car, toujours selon elle, M. Olivier, dont les fonctions s'exerçaient dans la plus grande autonomie, ne pouvait être considéré comme son préposé, d'autant qu'il aurait agi hors lesdites fonctions, ce qui entraînait exclusivement sa responsabilité personnelle.

M. Olivier contestait cette dernière analyse, au motif que les actes qu'il avait pu commettre ne l'avaient été que dans l'exercice de ses fonctions et que, la faute n'étant pas détachable de celles-ci, la société Sidel devait en répondre. Au surplus, il faisait également valoir, outre l'absence de causalité entre la faute et le préjudice, que les actionnaires ne pouvaient prétendre à un préjudice direct propre et distinct de celui de la société, ce qui devait les priver de tout droit à réparation. Quant à la demande relative à la somme de 20 euros, elle ne correspondait pas, selon lui, à la réalité du préjudice subi.

C'est, globalement, la même ligne de défense qu'adoptera M. Di Vita, en prétendant également -pour simplifier sa position- avoir essentiellement agi dans l'exercice de ses fonctions.

La réponse du juge aux conclusions en défense des prévenus mérite, en comparaison, d'être autrement détaillée.

S'agissant, en premier lieu, de la mise en oeuvre de la jurisprudence invoquée par la société Sidel pour écarter l'action civile des actionnaires, le tribunal va en limiter les suites. En effet, la décision, à laquelle il était fait référence par la défense (5), constituait une jurisprudence relative aux abus de biens sociaux "qui ne [pouvait] être transposée en l'espèce" selon les termes du tribunal. Ce dernier ajoutera que les articles 2 et suivants du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3834HCY) donnent aux actionnaires minoritaires le droit "de demander réparation du préjudice direct résultant de la commission d'infractions causé par les dirigeants de la société dont ils détenaient une part et qui ont intentionnellement abusé des prérogatives qu'ils détenaient alors que la société faisait publiquement appel à l'épargne". Ainsi, en application de l'article 1384 du Code civil, l'action directe des minoritaires contre la société était recevable, en tant qu'elle était civilement responsable de ses dirigeants. Le tribunal ajoutera que, sur le principe, l'action pouvait, dans l'absolu, être également intentée contre les dirigeants personnellement responsables d'infractions. Incidemment, le tribunal rejettera l'action récursoire introduite par la société Sidel à l'encontre de ses préposés.

Le tribunal relèvera, en second lieu, que les parties civiles ne pouvaient faire valoir, au titre du préjudice, le fait d'avoir vendu leurs actions à un prix inférieur à celui acheté. En effet, la cotation en bourse représente, selon le juge, un risque spéculatif qui doit être pris en compte par l'investisseur. Il convenait donc, en l'espèce, d'apprécier le trouble réellement subi. C'est la raison pour laquelle le délit d'initié sera jugé insusceptible d'avoir eu le moindre impact sur l'évolution des cours.

En revanche, s'agissant des délits de publication de comptes inexacts et d'informations mensongères, le juge retiendra que des personnes avaient pu, sur la foi des informations véhiculées sur le marché, être incitées à acheter ou conserver des titres dont la valeur réelle était inférieure au cours de l'action. Ainsi, les actionnaires ont subi un préjudice analysable comme "la perte d'une chance" en achetant ou conservant une action. Le tribunal retiendra donc, pour évaluer les préjudices, le montant des surévaluations causées par les infractions et conclura à l'attribution d'une réparation de 10 euros par action, toutes causes de préjudice confondues. Ainsi, il condamne les prévenus à payer la somme de 1 euro à la société Sidel au titre de la réparation des intérêts civils des infractions, et condamne solidairement MM. Olivier et Di Vita, la société Sidel étant civilement responsable, à indemniser les actionnaires parties civiles.

B - L'admission d'une class action en question

La portée de cette décision ne peut être mesurée sans en revenir aux principes qui encadrent les compétences et les attributions des associations d'actionnaires dans le Code de commerce et le Code monétaire et financier.

Abstraitement, le législateur a voulu autoriser, par l'intermédiaire de certains groupements, des actions qui sont ouvertes à des actionnaires détenant une fraction du capital mais que les petits porteurs, en raison de la faiblesse de leur participation, ne peuvent exercer. On notera l'ambivalence du procédé : le législateur limite les recours, afin d'éviter les sollicitations intempestives envers les dirigeants tout en ménageant la possibilité de représentation des petits porteurs à travers l'action d'associations, selon la loi de 1901 (loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association N° Lexbase : L3076AIR). Délicat équilibre que, semble-t-il, l'arrêt commenté risque de rompre.

Ainsi, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les actionnaires justifiant d'une inscription nominative depuis au moins deux ans et détenant ensemble au moins 5 % des droits de vote peuvent se regrouper en associations destinées à représenter leurs intérêts au sein de la société. Pour exercer les droits qui leur sont reconnus aux articles L. 225-103 (N° Lexbase : L5974AI4), L. 225-105 (N° Lexbase : L5976AI8), L. 225-230 (N° Lexbase : L2865HC4), L. 225-231 (N° Lexbase : L6102AIT), L. 225-232 (N° Lexbase : L6103AIU), L. 225-233 (N° Lexbase : L2866HC7) et L. 225-252 (N° Lexbase : L6123AIM) du Code de commerce, ces associations doivent avoir communiqué leur statut à la société et à l'AMF (6).

C'est ainsi que les associations d'actionnaires disposent du pouvoir de convoquer des assemblées (7), d'en influencer l'ordre du jour (8), de poser par écrit des questions aux dirigeants sur des opérations de gestion et de diligenter, si nécessaire, un rapport de gestion (9), ainsi que de poser des questions sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation (10). Accessoirement, elles peuvent demander la récusation d'un commissaire aux comptes en vertu du renvoi de l'article L. 225- 230 à l'article L. 823-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L3055HC7) (11) ou demander sa suspension par le jeu d'un renvoi équivalent à l'article L. 823-7 du même code (N° Lexbase : L3056HC8) (12).

Et l'on en arrive, en fin d'inventaire, à la disposition, non visée à notre connaissance par le juge, qui est à l'origine de la problématique de l'arrêt : il s'agit de l'article L. 225-252 du Code de commerce, disposition récente puisque issue de la loi "NRE" du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ). Ce texte établit, en effet, que "outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 (N° Lexbase : L6800HCT) soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués".

Sans reprendre tous les termes du texte, on mesure que, sur ce point, le législateur a adopté une rédaction univoque qui n'est pas susceptible d'interprétation.

D'une part, l'article L. 225-252 ne prévoit d'action collective par l'intermédiaire des associations qu'"outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement" par les associés. Ces derniers ne peuvent donc, au titre de leur préjudice personnel, qu'intenter une action individuelle, tant le droit français répugne encore à l'admission des actions collectives

D'autre part, le même article limite très clairement l'étendue de l'action : "les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués". Le législateur, là encore, s'exprime avec limpidité : s'il y a préjudice collectif, c'est uniquement parce que la société est un être collectif, ainsi la réparation du préjudice lui revient de droit.

Comment expliquer, alors, la solution donnée par le juge, au mépris des règles les plus élémentaires du droit des sociétés et des principes de procédure ? On peut y voir, en premier lieu, un mouvement de fond qui nous semble reposer sur trois pivots : une réalité sociale, un besoin économique et des axes de politique législative.

En effet, -s'agissant du caractère social de l'action- on se souvient qu'à l'origine, la loi du18 janvier 1992 avait créé l'action en représentation conjointe. Cette action devait, dans l'esprit du législateur, "faciliter l'action en réparation de dommages trouvant leur source soit dans une faute de caractère pénal ou une présomption de faute, soit dans une responsabilité de plein droit ou une responsabilité contractuelle selon les articles 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) et 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) à 1386 du Code civil". Cette disposition, limitée dans son introduction en droit positif aux articles L. 422-1 (N° Lexbase : L6821ABA), L. 422-2 (N° Lexbase : L6822ABB), et L. 422-3 (N° Lexbase : L6823ABC) du Code de la consommation n'a pourtant pas eu le succès escompté même si les associations de consommateurs disposent, depuis 1988, d'un pouvoir plus vaste et plus institutionnalisé que les associations d'actionnaires.

On ne saurait, pourtant, passer sous silence le souci de la puissance publique de généraliser les "class actions". D'une part, une proposition de loi a été déposée par un groupe de sénateurs le 25 avril dernier sur "le recours collectif" en droit français, en réponse aux demandes des principales associations de consommateurs qui souhaiteraient voir se créer une "action de groupe" à la française. On se souvient, également, d'autre part, que le Président de la République avait demandé au Gouvernement, au début de l'année 2005, d'introduire l'action collective en droit français et que le projet n'avait pas abouti en raison du rapport très nuancé qui avait été remis par le groupe de travail, créé à cette occasion, au ministre de l'Economie et des Finances ainsi qu'au ministre de la Justice.

Le juge parviendra-t-il à imposer ce que le législateur, lui-même, a des difficultés à mettre en place ? Il faut du moins reconnaître que, vu d'une perspective internationale, l'existence d'une "class action" à la française serait sans doute susceptible d'accroître l'intérêt des investisseurs étrangers pour le marché local, à moins que, inopportunément, cela n'aboutisse à fragiliser ce même marché. Vaste question. En tous cas, avec l'"affaire Sidel", nous aurons peut-être, comme les actionnaires...La surprise au déballage.

Jean-Baptiste Lenhof
Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) Association des petits porteurs actifs.
(2) Association des actionnaires minoritaires.
(3) Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, édition du 17 septembre 2006 : "la bataille peut se déplacer sur le terrain civil : en effet les 124 300 actionnaires qui n'ont pas pris part à la procédure pénale peuvent intenter une action civile, et l'on voit mal comment les juges civils pourraient les débouter alors que le tribunal correctionnel a reconnu la culpabilité des responsables et la réalité du préjudice des victimes. Un collectif d'une quinzaine d'avocats européens représentant des actionnaires institutionnels, notamment allemands, vont se réunir le 23 septembre à Munich pour réfléchir aux suites judiciaires possibles". Dans le même sens, sur le risque d'une contamination et de la multiplication des actions collectives : Valérie de Senneville, Caroline Lechantre, Les Echos, édition du 19 septembre 2006.
(4) Cass. crim., 13 décembre 2000, n° 99-80.387, Leonarduzzi Raynaldet autre (N° Lexbase : A3245AUQ) : "En cas de poursuites pour abus de biens sociaux, les associés, hors le cas d'exercice de l'action sociale 'ut singuli', ne peuvent demander à la juridiction correctionnelle réparation du préjudice résultant de la perte ou de la baisse de valeur de leurs titres, ou de la perte des gains escomptés. En effet, la dévalorisation des titres d'une société découlant des agissements fautifs de ses dirigeants constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même".
(5) Cass. crim., 13 décembre 2000, précitée. 
(6) Toutefois, la jurisprudence a considéré qu'une association non agréée, ayant pour objet statutaire la défense des intérêts collectifs des investisseurs de valeurs mobilières et de produits financiers, qui avait acquis une action avant la publication de la décision du CBV autorisant une offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire dans la perspective d'un contentieux, avait un intérêt légitime à agir et que le recours contre cette décision était légitime (CA Paris, 16 mai 1995, RJDA 1995, n° 681).
(7) C. com., art. L. 225-103 (issu de la loi nº 2001-420 du 15 mai 2001, art. 114) :
"I. - L'assemblée générale est convoquée par le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas.
II. - A défaut, l'assemblée générale peut être également convoquée :
1º Par les commissaires aux comptes ;
2º Par un mandataire, désigné en justice, à la demande, soit de tout intéressé en cas d'urgence, soit d'un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins 5 % du capital social, soit d'une association d'actionnaires répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120
(N° Lexbase : L6800HCT) ;
3º Par les liquidateurs ;
4º Par les actionnaires majoritaires en capital ou en droits de vote après une offre publique d'achat ou d'échange ou après une cession d'un bloc de contrôle.
III. - Dans les sociétés soumises aux articles L. 225-57
(N° Lexbase : L5928AIE) à L. 225-93, l'assemblée générale peut être convoquée par le conseil de surveillance.
IV. - Les dispositions qui précédent sont applicables aux assemblées spéciales. Les actionnaires agissant en désignation d'un mandataire de justice doivent réunir au moins le dixième des actions de la catégorie intéressée.
V. - Sauf clause contraire des statuts, les assemblées d'actionnaires sont réunies au siège social ou en tout autre lieu du même département"
.
(8) C. com., art. L. 225-105 (issu de la loi nº 2003-706, du 1 août 2003, de sécurité financière, art. 119 N° Lexbase : L3556BLB) :
"L'ordre du jour des assemblées est arrêté par l'auteur de la convocation.
Toutefois, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital ou une association d'actionnaires répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 ont la faculté de requérir l'inscription à l'ordre du jour de projets de résolution. Ces projets de résolution sont inscrits à l'ordre du jour de l'assemblée et portés à la connaissance des actionnaires dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. Celui-ci peut réduire le pourcentage exigé par le présent alinéa, lorsque le capital social excède un montant fixé par ledit décret.
L'assemblée ne peut délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour. Néanmoins, elle peut, en toutes circonstances, révoquer un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance et procéder à leur remplacement.
L'ordre du jour de l'assemblée ne peut être modifié sur deuxième convocation.
Lorsque l'assemblée est appelée à délibérer sur des modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise sur lesquelles le comité d'entreprise a été consulté en application de l'article L. 432-1 du Code du
travail (N° Lexbase : L3116HIA), l'avis de celui-ci lui est communiqué".
(9) C. com., art. L. 225-231 (issu de la loi nº 2001-420, du 15 mai 2001, art. 114) :
"Une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 (N° Lexbase : L4050HBM). Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes.
A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Le ministère public, le comité d'entreprise et, dans les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, l'Autorité des marchés financiers peuvent également demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.
Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d'entreprise, au commissaire aux comptes et, selon le cas, au conseil d'administration ou au directoire et au conseil de surveillance ainsi que, dans les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, à l'Autorité des marchés financiers. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par les commissaires aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité.
(10) C. com., art. L. 225-232 (issu de la loi nº 2001-420, du 15 mai 2001, art. 114) :
"Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social ou une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 peuvent, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au président du conseil d'administration ou au directoire sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. La réponse est communiquée au commissaire aux comptes".
(11) C. com., art. L. 823-6 (inséré par l'ordonnance nº 2005-1126, du 8 septembre 2005, relative au commissariat aux comptes, art. 19 N° Lexbase : L9911HBP) :
"Un ou plusieurs actionnaires ou associés représentant au moins 5 % du capital social, le comité d'entreprise, le ministère public, l'Autorité des marchés financiers pour les personnes faisant publiquement appel à l'épargne et entités peuvent, dans le délai et les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, demander en justice la récusation pour juste motif d'un ou plusieurs commissaires aux comptes.
Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables, en ce qui concerne les personnes autres que les sociétés commerciales, sur demande du cinquième des membres de l'assemblée générale ou de l'organe compétent.
S'il est fait droit à la demande, un nouveau commissaire aux comptes est désigné en justice. Il demeure en fonctions jusqu'à l'entrée en fonctions du commissaire aux comptes désigné par l'assemblée ou l'organe compétent
".
(12) 
C. com., art. L. 823-7 (inséré par l'ordonnance nº 2005-1126) :
"En cas de faute ou d'empêchement, les commissaires aux comptes peuvent, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être relevés de leurs fonctions avant l'expiration normale de celles-ci, sur décision de justice, à la demande de l'organe collégial chargé de l'administration, de l'organe chargé de la direction, d'un ou plusieurs actionnaires ou associés représentant au moins 5 % du capital social, du comité d'entreprise, du ministère public ou de l'Autorité des marchés financiers pour les personnes faisant publiquement appel à l'épargne et entités.
Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables, en ce qui concerne les personnes autres que les sociétés commerciales, sur demande du cinquième des membres de l'assemblée générale ou de l'organe compétent
".

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Entreprises en difficulté

[Evénement] La situation des créanciers dans le cadre de la procédure de conciliation

Lecture: 8 min

N3709ALX

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par Propos recueillis par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

Le 07 Octobre 2010

La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), entrée en vigueur le 1er janvier 2006, confère un nouveau rôle aux créanciers dans les procédures collectives, en leur octroyant de nouvelles prérogatives. Afin de faire le point sur les implications pratiques de cette réforme, Francis Lefebvre Formation a organisé, le 27 septembre dernier, une journée technique d'actualité "Réforme des procédures collectives. La nouvelle situation des créanciers", animée par Jean-Charles Boulay, ancien avocat, maître de conférences, Faculté de Droit et IUP Banque-Assurances de Caen. Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, un compte-rendu des points abordés lors de cette journée et, plus particulièrement, des avancées que présente la conciliation par rapport à l'ancien règlement amiable. Rappelons, à titre préliminaire, que, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, quatre procédures sont désormais proposées : la conciliation, la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire. Le règlement amiable ayant connu un échec complet, le législateur du 26 juillet 2005 a opté pour son abandon et a organisé une procédure de conciliation, qui en est inspirée. Essentiellement, cette procédure permet de prononcer un jugement d'homologation et instaure, pour certains créanciers, un nouveau privilège dit de "new money".

Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, le règlement amiable était considéré strictement comme une phase préventive pour le débiteur qui n'était pas en cessation des paiements.
Jean-Charles Boulay souligne, ici, que la définition de la cessation des paiements a été maintenue dans la loi : il s'agit du débiteur dont le passif exigible est supérieur à l'actif disponible.
Le passif exigible s'entend du passif échu et exigé. La condition du passif exigé a été posée par la Cour de cassation dans un important arrêt de 1998 (Cass. com., 27 octobre 1998, n° 96-13.849, Société PSL Voltaire, société à responsabilité limitée c/ Compagnie foncière, société à responsabilité limitée, inédit N° Lexbase : A3078C4R), estimant que le créancier qui ne réclame pas sa créance accorde un crédit au débiteur.
S'agissant de l'actif disponible, au sens juridique du terme, il s'agit de l'actif avec lequel on peut payer. C'est pourquoi, par exemple, à aucun moment le stock ne peut être qualifié d'actif disponible. De même, le compte clients ne fait pas partie de l'actif disponible, sauf, seulement, s'il existe un accord de mobilisation des créances.
La conception de la cessation des paiements reste donc assez étroite et peut être résumée à la situation dans laquelle le débiteur ne paie pas à échéance et le créancier réclame son argent.
Si le débiteur en cessation des paiements ne pouvait bénéficier d'un règlement amiable, il peut, aujourd'hui, demander à bénéficier d'une procédure de conciliation, à condition, toutefois, qu'il ne soit pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

La procédure de conciliation est régie par les articles L. 611-4 et suivants du Code de commerce (N° Lexbase : L4108HBR). Cette procédure est à l'initiative du seul débiteur.
S'agissant des personnes physiques, peuvent bénéficier de cette procédure les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale (C. com., art. L. 611-4) et celles exerçant une activité professionnelle indépendante -cette dernière catégorie constituant une nouveauté-, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
La conciliation concerne, également, les personnes morales de droit privé (par exemple, les sociétés, GIE, SCP, sociétés d'économie mixte, etc.).
Si l'une de ces personnes sollicite le bénéfice d'une conciliation, deux conditions pour ouvrir cette procédure sont alors requises par l'article L. 611-4 du Code de commerce : la personne doit éprouver une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

Le débiteur doit, en application de l'article L. 611-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4110HBT), s'adresser par voie de requête au président du tribunal de commerce ou, s'il est une personne morale de droit privé ou une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, au président du tribunal de grande instance. Les créanciers ne sont donc toujours pas habilités à saisir le président du tribunal. Si le président du tribunal estime que les conditions sont réunies, il rend une ordonnance qui ouvre la période de conciliation et ce, pendant quatre mois. L'objectif étant d'obtenir un accord, un mois supplémentaire pourra être accordé si les quatre mois apparaissent comme insuffisants.

Il est important de souligner que, lorsque le débiteur est en procédure de conciliation, les créanciers ne sont pas habilités à l'assigner en redressement (C. com., art. L. 631-4 N° Lexbase : L4015HBC) ou en liquidation judiciaire (C. com., art. L. 640-4 N° Lexbase : L4041HBB). Le débiteur "échappe" donc à l'ouverture de l'une de ces procédures pendant toute la durée de la conciliation.

Par ailleurs, le président du tribunal ne peut pas décider que, pendant la conciliation, toutes les poursuites contre le débiteur doivent cesser (C. com., art. L. 611-7 N° Lexbase : L4111HBU). Il s'agit là d'une nouveauté introduite par la loi de sauvegarde des entreprises qui a voulu anéantir les effets néfastes qui existaient sous l'ancien régime et tenant à la publication de l'ordonnance que le président rendait pour décider de l'arrêt des poursuites. La grande idée est donc, désormais, que tout ceci doit rester confidentiel. Il en résulte, pour les créanciers, la possibilité d'agir contre le débiteur, mais ce dernier pourra toujours leur opposer l'article 1244-1 du Code civil (N° Lexbase : L1358ABW), à savoir, des mesures individuelles et pour un délai maximum de deux ans.

La période de conciliation devra déboucher sur un accord. Il convient de constater, ici, qu'il est exclu d'accorder un plan de conciliation au débiteur si, au jour où il est statué, ce dernier est en cessation des paiements, à moins que le plan ne mette fin à cet état. Aussi, comme le souligne Jean-Charles Boulay, y a-t-il deux manières de sortir de la période de conciliation.
Il y a, d'un côté, la "manière faible", c'est-à-dire l'accord constaté. Les effets de l'accord constaté sont relativement faibles, dans la mesure où la constatation n'a pas d'effet à l'égard de ceux qui ne font pas partie de l'accord.
Il y a, d'un autre côté, la "manière forte", c'est-à-dire l'accord homologué. Le tribunal, après s'être assuré que les conditions posées par la loi sont réunies, ordonne l'homologation de l'accord de conciliation. Trois conditions sont requises par l'article L. 611-8 II du Code de commerce (N° Lexbase : L4112HBW) : tout d'abord, le débiteur ne doit pas être en cessation des paiements ou l'accord conclu doit y mettre fin ; ensuite, les termes de l'accord doivent être de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise ; enfin, l'accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires, sans préjudice de l'application qui peut être faite des articles 1244-1 à 1244-3 du Code civil (N° Lexbase : L1360ABY). S'agissant de la troisième condition, il reviendra à la jurisprudence de préciser la notion de cette "non atteinte". Toutefois, selon la doctrine déjà émise, une atteinte pourrait être la prise de sûretés excessive. Cette condition tient à ce que, selon l'article L. 611-7 du Code de commerce, le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion d'un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels ; convoquer tous les créanciers serait, en effet, hors de portée. Bien évidemment, en revanche, si les trois conditions ne sont pas réunies, le tribunal doit refuser l'homologation.
Cette homologation fait l'objet d'une publicité : l'article L. 611-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L4114HBY) dispose, en effet, que "le jugement d'homologation est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance et fait l'objet d'une mesure de publicité". Notons que, selon cette même disposition, les créanciers peuvent faire tierce opposition dans les 10 jours à compter de la publicité de l'avis au Bodacc. En contrepartie de cette absence du caractère confidentiel, le jugement d'homologation est opposable à tous et, notamment, aux créanciers qui n'ont pas été parties à l'homologation.

L'homologation présente, alors, beaucoup d'avantages. Jean-Charles Boulay insiste sur deux de ses conséquences.

La première conséquence est le privilège de "new money" ("nouvelle trésorerie" ou "argent frais") prévu par l'article L. 611-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L4115HBZ). Ainsi, les personnes qui ont consenti un nouvel apport en trésorerie au débiteur, et celles qui ont fourni un nouveau bien ou service, en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité apparaissent dans l'accord homologué et vont obtenir un privilège extraordinaire qui, en cas d'ouverture postérieure d'une procédure de sauvegarde ou de redressement, va les placer avant même le paiement du passif généré pendant la période d'observation.
Toutefois, la condition d'obtention de ce privilège est l'homologation de l'accord. Or, il ressort de l'article L. 611-8 que seul le débiteur peut demander l'homologation. Il convient donc, pour ces créanciers, d'être particulièrement vigilants en prévoyant une condition suspensive expresse selon laquelle le débiteur doit faire homologuer l'accord. Ainsi, l'argent ne sera débloqué que si et seulement si le créancier a connaissance du jugement d'homologation.

La seconde conséquence est l'opposabilité des dispositions de l'accord homologué par les cautions, mais aussi par les coobligés et les garants autonomes. L'article L. 611-10, alinéa 3, dernière phrase, du Code de commerce énonce, en effet, que "les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l'accord homologué".
La question de savoir si les cautions pourraient se prévaloir des remises et délais contenus dans l'accord homologué a fait l'objet de nombreuses discussions. Selon la règle classique du droit civil, les remises de dettes volontaires faites au débiteur profitent à la caution. L'article L. 611-10 reprend, ici, la jurisprudence antérieure en accordant la possibilité, pour la caution, de se prévaloir des remises et délais accordés dans le cadre de l'accord. Il précise, toutefois, que cette possibilité n'est admise qu'en cas d'homologation de l'accord. Ce qui peut, en revanche, surprendre, est l'absence de distinction selon que la personne ayant consenti le cautionnement est une personne physique ou une personne morale (telle qu'une société de cautionnement mutuel).
La loi est allée encore plus loin en étendant la règle applicable à la caution à la garantie autonome. Cette solution est d'autant plus surprenante que, contrairement au cautionnement, la garantie à première demande a un caractère autonome. De surcroît, les coobligés peuvent, eux aussi, se prévaloir des dispositions de l'accord homologué.

Le créancier aura donc tout intérêt à être vigilant en accordant des délais et remises dans le cadre d'un accord qui se trouve ensuite homologué, dans la mesure où les cautions, personnes physiques ou morales, mais aussi les garants autonomes et les coobligés vont profiter de sa générosité...
Pour terminer, Jean-Charles Boulay précise que, lorsqu'un jugement d'homologation est intervenu, si, plus tard, l'accord est résilié et qu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, la période suspecte ne pourra être fixée à une date antérieure au jugement d'homologation (ce dernier étant rendu sur le postulat qu'il n'y a pas cessation des paiements).
Enfin, d'un point de vue fiscal, le créancier soumis à l'impôt sur les sociétés, qui accorde une réduction de créance à ses débiteurs, doit savoir qu'il ne pourra les faire passer en charges déductibles.

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Procédure civile

[Jurisprudence] Coup d'arrêt à la notion d'inexistence en procédure civile

Réf. : Cass. mixte, 7 juillet 2006, n° 03-20.026, Société Hollandais Kinetics Technology international BV (KTI) et autres, P+B+R+I (N° Lexbase : A4252DQK)

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N3808ALM

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Le 07 Octobre 2010

L'analyse civiliste de la théorie classique des nullités, concevant l'acte juridique comme acte-organisme, a longtemps fait la part belle à la théorie de l'inexistence. Défendue par nombre d'auteurs (1), la notion a finalement plus ou moins périclitée faute pour les auteurs de ne jamais avoir réussi à s'accorder (2). En procédure civile, la place de l'inexistence était jusqu'alors plus nuancée. Accueillie par une partie de la doctrine comme "une réalité intellectuelle et presque incontournable" (3), l'inexistence n'est apparue que par touches irrégulières au sein de la jurisprudence et n'a jamais reçue de consécration textuelle. Reléguée à un quasi-imaginaire par la doctrine autorisée (4), cette alternative au régime général des nullités prévu par le Nouveau Code de procédure civile continuait néanmoins d'exister et d'avoir une actualité, certes restreinte, au sein de nos juridictions. C'est finalement par un arrêt rendu le 7 juillet 2006 que la Cour de cassation, en Chambre mixte, semble porter définitivement un coup d'arrêt à la théorie de l'inexistence en procédure civile. En l'espèce, les sociétés KTI, Technip et leurs assureurs avaient assigné devant le tribunal de commerce un transporteur, la société Jules Roy, en vue de la réparation du préjudice résultant d'avaries ayant endommagé leur cargaison. Le problème résidait dans le fait que cette assignation visait un jour férié, les sociétés et leurs assureurs ayant alors dû réitérer leur assignation pour une date utile, ce qu'ils ont fait moins d'un mois plus tard.

En première instance, le défendeur avait alors plaidé l'inexistence de l'acte afin de bénéficier de la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L5647AIY) qui, entre les deux assignations, avait expiré. Le tribunal de commerce écarta cette prétention au motif que le défendeur avait été réassigné en temps utile et qu'aucun grief ne lui avait été causé. La société Jules Roy interjeta, avec succès, appel de ladite décision, la cour d'appel de Versailles retenant l'inexistence du fait que l'acte était privé d'une mention substantielle. Les sociétés KTI, Technip et leurs assureurs formèrent alors un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation censure les juges d'appel, par un arrêt rendu au visa des articles 114 (N° Lexbase : L1950ADL), 117 (N° Lexbase : L2008ADQ) et 855 (N° Lexbase : L3160ADE) du Nouveau Code de procédure civile, dont l'attendu de principe réaffirme clairement l'économie générale du régime des nullités prévu par le Nouveau Code de procédure civile et marque, par prétérition, la fin de la notion d'inexistence. L'intérêt de l'arrêt est donc remarquable, la Cour de cassation n'hésitant pas à affirmer l'existence de l'acte de procédure litigieux et à lui donner les conséquences procédurales qui en découlent (I), ainsi qu'à infirmer l'immixtion de la théorie de l'inexistence en procédure civile, favorisant alors l'application hégémonique du régime voulu par le Nouveau Code de procédure civile (II).

I - L'affirmation de l'existence de l'acte de procédure

La Cour de cassation, reprenant l'analyse retenue par les juges du premier degré, retient clairement l'existence et la validité de l'acte de procédure du fait qu'il ne soit entaché que d'une simple inexactitude (A), existence entraînant alors, par application du droit commun, interruption du délai de prescription prévu à l'article L. 133-6 du Code de commerce (B).

A - Une simple inexactitude ne relevant pas de l'omission

"Les formes sont nécessaires comme les cerceaux du muid ou comme le ciment qui colle et retient les pièces de l'édifice". La maxime de Loysel nous rappelle que le formalisme procédural s'explique par une indispensable protection de l'intérêt général et des intérêts particuliers. Le formalisme guidant les actes de procédure doit donc faire l'objet d'un respect certain et d'une application entendue strictement.

Pour autant, cette acception que se doit de recevoir le formalisme procédural, ne doit pas être comprise aveuglement, auquel cas ce qui génère l'égalité sera invariablement source d'iniquité.

En l'espèce, les juges ont eu à se prononcer sur la valeur d'un acte de procédure, une assignation, comportant une inexactitude quant à un de ses éléments substantiels.

L'assignation à comparaître devant le tribunal de commerce délivrée par les sociétés KTI, Technip et leurs assureurs à la société Jules Roy, visait un jour férié.

Il ne s'agit donc que d'une inexactitude et non d'une omission au sens où l'entend une jurisprudence déjà bien fournie.

En effet, nos juridictions ont, depuis longtemps, eu affaire à des cas d'irrégularité ou de vice qu'elles qualifient d'omission (5). Tel est le cas lorsque l'acte requis n'a pas été accompli, comme par exemple le défaut de notification préalable à avocat ou d'arrêt à avoué en cas de représentation obligatoire (6). Tel est aussi le cas lorsque l'acte omis a été remplacé par un autre effectué à sa place. On pense alors à la jurisprudence rejetant tout acte inapproprié dans l'hypothèse d'appel par déclaration en matière de saisie immobilière (7). Tel est, enfin, le cas face à un vice contenu dans l'acte, lorsque une importante partie de celui-ci est restée vierge (8), ou lorsque un acte de contrainte dans lequel n'apparaît ni la nature ni les obligations du débiteur (9).

Ces cas d'omission de l'acte ou d'omission dans l'acte, ont été sanctionnés de différentes manières, sanctions oscillant entre nullité de forme, de fond ou même d'inexistence.

Ce qui doit actuellement retenir notre attention provient de la spécificité du litige présenté devant la Cour de cassation. L'acte ne relève aucune omission, seulement une inexactitude à savoir une erreur dans la date de l'assignation.

Par cette seule remarque, on comprend dès lors la position des juges du premier degré donnant force audit acte et à sa régularisation, solution reprise par les juges de cassation en dépit d'un arrêt d'appel retenant l'inexistence de la première assignation au prétexte que l'acte ne pouvait saisir les premiers juges car privé d'une mention substantielle.

L'acte, même partiellement inexact, n'en était pas moins, selon le tribunal de commerce et la Cour de cassation, doté de toutes ses mentions substantielles. De même, sa régularisation rapide par une autre assignation constituait, là aussi, un étai plaidant en faveur de son existence.

Quant à sa validité, la nullité pour irrégularité de forme devait être écartée par l'adage désormais incontournable "pas de nullité sans grief". Cette règle posée à l'alinéa deux de l'article 114 du Nouveau Code de procédure civile, a été appliquée fidèlement par les juges de premier degré. En effet, bien qu'étant une formalité prévue à peine de nullité (10), la mention des lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée, doit en cas de défaut causer un grief au défendeur. Le grief devant évidement résulter de l'acte lui-même et non de l'intérêt que peut avoir un plaideur à faire échouer la demande de son adversaire (11).

Or, en l'espèce, comme le reprend le tribunal de commerce, aucun grief n'avait pu être causé au défendeur étant donné que la deuxième assignation était intervenue moins d'un mois après la première et que le tribunal avait statué plusieurs mois après sur les exceptions et plusieurs années après sur le fond. La réassignation ayant été faite en temps utile et les droits de la défense n'ayant donc pas été évincés, la demande de nullité ne pouvait prospérer faute de grief à invoquer.

On le voit, l'acte litigieux ne pouvait être frappé d'omission ou de nullité. Il s'agit d'un acte comportant, certes, une inexactitude, mais existant, entraînant alors pleinement toutes ses conséquences.

B - L'interruption de la prescription par application du droit commun

La Cour de cassation décide, en effet, que l'assignation délivrée par les sociétés KTI, Technip et leurs assureurs à la société Jules Roy interrompt pleinement le délai de prescription posé à l'article L. 133-6 du Code de commerce. Cette position se justifie et s'explique par plusieurs raisons qu'il convient de détailler.

En premier lieu, la Cour de cassation fait une application fidèle de l'article 115 du Nouveau Code de procédure civile disposant que "la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief". Une assignation nulle pour défaut de forme ne saurait interrompre la prescription (12), à moins donc qu'elle ne soit régularisée. Or, tel a bien été le cas puisqu'une nouvelle assignation a été délivrée moins d'un mois après. L'acte est alors bien valide, le fait que la régularisation intervienne hors délai n'étant aucunement un obstacle à sa prise en compte (13).

Dès lors, la régularisation n'étant pas intervenue en cas de forclusion, le délai de l'article L. 133-6 étant un délai de prescription, et ne laissant subsister aucun grief, la validité de l'assignation était totale et son effet interruptif applicable.

En deuxième lieu, la pratique des "assignations conservatoires" (14) dont l'objectif exclusif ne serait que d'interrompre les délais, a souvent inquiété la justice relevant alors, par son oeuvre jurisprudentielle, bien souvent des cas de nullité ou d'inexistence.

Le danger provient de l'article 2246 du Code civil (N° Lexbase : L2534ABH) donnant à la citation en justice un pouvoir interruptif de prescription.

Ainsi, la jurisprudence a entendu limiter l'usage abusif d'une telle disposition en donnant, le plus souvent, aux actes de procédures pleine force juridique. C'est cet esprit qui a guidé la Cour de cassation à préciser qu'une citation en justice devant une juridiction inexistante est sans effet interruptif de prescription (15). Bien sûr il s'agit d'un cas où ce sont les éléments nécessaires pour que l'acte atteigne son but qui étaient visés et non, comme dans la présente affaire, l'inexistence de l'acte lui-même qui était contestée.

Or, pour que l'acte lui-même soit inexistant, il faut se trouver dans une situation équivalente à son omission pure et simple ce qui, nous venons de le voir, n'est de toute façon pas présentement le cas.

Un troisième point à relever est que la jurisprudence a souvent cherché à interrompre le délai de prescription dont il est question. En effet, l'article L. 133-6 du Code de commerce prévoit une prescription annale susceptible, comme tout délai de prescription, d'être suspendue ou interrompue. Cet "élan interruptif" est très marqué si l'on observe les arrêts rendus sur le sujet. Ainsi, ont été jugé interruptives les conclusions de demande reconventionnelle déposées au greffe dans le délai mais signifiées après (16). Ce nouvel arrêt s'inspire donc aussi de ce mouvement plus général.

Enfin, la dernière raison provient vraisemblablement du désir, pour la Cour de cassation, de faire une juste et exacte application du système des nullités tel que prévu par le Nouveau Code de procédure civile. Or, une telle volonté passe par une défiance envers la notion d'inexistence ce que la Cour de cassation ne se retient pas de  faire transparaître en l'espèce.

II - L'infirmation de l'immixtion de la théorie de l'inexistence en procédure civile

Par raisonnement a contrario, la Cour de cassation marque la fin de l'existence de la théorie de l'inexistence (A), et ce en faveur de l'application fidèle du régime des nullités prévu aux articles 114 et 117 du Nouveau Code de procédure civile (B).

A - La disparition de la notion d'inexistence

"Attendu que, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de formes faisant grief, soit les irrégularité de fond limitativement énumérées à l'article 117 du Nouveau Code de procédure civile".

Un tel attendu, de principe, ne peut que retenir l'attention du lecteur qui, comme dans un roman de Perec, ne peut que noter La disparition.

Par un habile non-dit, raisonnement a contrario cher au juriste, la Cour de cassation condamne l'existence de l'inexistence.

Cette notion, plus politique que juridique (17), utilisée par nos juridictions pour compléter, en la prolongeant, la sanction de la nullité, venant, par le truchement de l'équité, corriger le droit en vigueur (18), ne semble plus être retenue par la Cour de cassation.

Pourtant, une telle position opère un réel revirement au regard de la jurisprudence antérieure.

En effet, la présente affaire connaît un véritable opposé jugé il y a un peu plus d'un an (19).

Pour mieux s'en convaincre, il suffit de reprendre les deux derniers attendus dudit arrêt : "Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et condamner la société Calberson à payer à la société Asica, la somme de 23 145,97 euros, l'arrêt retient que par acte du 2 novembre 2001, la société Calberson a été assignée par la société Asica pour une comparution à une audience 'fantôme' du samedi 2 mars 2002 et que la nullité de cet acte ne peut être prononcée en l'absence de grief, faisant ainsi ressortir qu'il avait interrompu la prescription.
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la citation à comparaître à une date à laquelle il n'était pas tenu d'audience est inexistante et que l'article 114 du Nouveau Code de procédure civile n'est pas applicable à cet acte, la cour d'appel a violé les textes susvisés
".

De même, au début de notre raisonnement (20) nous citions des arrêts ayant trait à l'omission, arrêts qui sont autant de références, explicites on non (21), à cette sanction si particulière qu'est l'inexistence.

Pour autant, les causes de ce revirement paraissent obscures. Est-ce par soucis d'alignement auprès de la Cour de justice des Communautés européennes que la condamnation, sans appel, de l'inexistence a été prononcée ? La juridiction communautaire interprète de manière restrictive le champ d'application de l'inexistence. Ainsi, elle a refusé de tenir pour inexistante une décision de la Commission comportant de nombreuses irrégularités parce qu'elles n'étaient pas "d'une gravité à ce point évidente que ladite décision doive être regardée comme juridiquement inexistante" (22). La Cour de cassation dépasserait alors l'exigence communautaire pour évincer toute idée d'inexistence que les manquements au sein de l'acte soient graves ou non.

Finalement, la notion étant, nous l'avons vu, éminemment politique, ne faut-il pas y voir l'expression pure et simple d'une politique jurisprudentielle en faveur du prononcé des nullités ou des fins de non-recevoir ? En pareille hypothèse l'impact du présent arrêt se fait plus large car visant la promotion et l'assise du système originaire tel que voulu par le Nouveau Code de procédure civile.

Il a souvent été demandé à la théorie de l'inexistence de cesser d'osciller entre réalité et imagination (23), c'est aujourd'hui chose faite, la notion n'appartenant plus qu'à l'imaginaire.

Une telle condamnation de l'existence de l'inexistence ne peut être prononcé sans avoir pour pendant un plaidoyer pour l'exacte application du régime des sanctions prévues en cas de remise en cause de la validité d'un acte de procédure.

B - Un retour vers le régime existant

Le but formel, avoué ou inavoué, de l'inexistence est de contourner les conditions procédurales imposées par le Nouveau Code de procédure civile. L'inexistence n'est pas seulement un instrument d'équité, elle est aussi un raccourci juridique.

Il est vrai que le régime visant à sanctionner les irrégularités au sein d'un acte de procédure est quelque peu délicat. Les nullités de fond prévues à l'article 117 du Nouveau Code de procédure civile sont limitativement envisagées comme le précise avec force le présent arrêt. Mais plus compliqué encore est le régime des nullités de forme.

L'article 114 du Nouveau Code de procédure civile est le siège d'un régime clairement contraignant. En effet, pour être nul pour vice de forme, l'acte de procédure doit violer une disposition prévue expressément à peine de nullité. Pour autant, cette obligation découlant de l'adage "pas de nullité sans texte" n'est pas générale puisqu'une annulation peut être prononcée en cas d'inobservation, au sein de l'acte, d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Mais les conditions ne s'arrêtent pas là. Il faut enfin, et cette condition est cumulative aux deux précédentes, que le vice de forme cause un grief à celui qui invoque la nullité comme en dispose le deuxième alinéa de l'article 114 du Nouveau Code de procédure civile.

On le comprend, le régime des nullités de forme est un régime compliqué favorisant le développement d'une voie alternative pour sanctionner les actes de procédure "incomplets".

Plus encore, ce régime se révèle clairement oscillant. En effet, la catégorie des formalités substantielles varie selon l'interprétation des juges du fond. Cette appréciation casuelle n'est d'ailleurs pas propre à la procédure civile, mais comme pour la procédure pénale (24), l'interprétation des juges sur la notion de formalité substantielle se fait variable et restrictive (25).

Passé cette oscillation, demeure encore la preuve du grief, preuve qui s'applique donc aussi aux formalités substantielles ou d'ordre public (26). Or, c'est par l'interaction entre preuve du grief et formalité substantielle que l'on a vu poindre la théorie de l'inexistence. En effet, la Cour de cassation a très tôt considéré que la violation d'une formalité substantielle entraînait le prononcé d'une nullité sans être subordonnée à la preuve d'un préjudice (27). De même, certains auteurs présentaient le caractère substantiel comme une formalité sans laquelle l'acte perd sa raison d'être et ne peut exister (28). Cette acception conduit aux confins de la notion d'inexistence et il n'est donc pas étonnant que l'usage de la notion, tant par les plaideurs que par les juridictions, ait pour but l'évitement de la preuve du grief.

C'est ce glissement de la théorie de l'inexistence au coeur du régime des nullités que vient sanctionner la Cour de cassation dans le présent arrêt. Par cet attendu de principe, la Cour marque un retour à la théorie des nullités dont l'économie a été voulue par le Nouveau Code de procédure civile. Le rejet marqué de la notion d'inexistence ne répond certainement pas à toutes les questions qui se posent sur les nullités en procédure civile, mais il a l'avantage d'en clarifier, au moins ponctuellement, le régime.

Olivier Falga
Allocataire de recherche - Université Paris XI
Chargé d'enseignement - Université Paris I


(1) Voir pour exemple : Aubry et Rau, Traité de droit civil, t. 1, §37 ; Cohendy, Des intérêts de la distinction entre l'inexistence et les nullités d'ordre public, RTD civ., 1911.33 ; Loyer, Des actes inexistants, thèse Rennes, 1908.
(2) On note, en effet, chez certains auteurs classiques une transfusion constante de la catégorie des nullités absolues vers celle de l'inexistence prenant alors une place démesurée. Voir sur ce point G. Dury, Trav. Assoc. H. Capitant, t. 14, p. 615, analysant les positions d'Aubry et Rau dans leurs différentes éditions.
(3) P. Hébraud, obs. RTD civ., 1958, 122.
(4) J. Pellerin, L'omission de l'acte de procédure, Mel. BUFFET, Montchrestien 2004, p. 379 ; E. Putman, JCP éd. G 2006, II, n° 1713.
(5) Sur la notion voir, J. Pellerin, op cit..
(6) Cass. civ. 2, 27 novembre 1996, n° 94-16.399, Consorts de Lestapis et autres c/ Mme Carde et autres (N° Lexbase : A6376AHM), Bull. civ. II, n° 267.
(7) Cass. civ. 2, 22 mai 1996, n° 94-13.004, Union de crédit pour le bâtiment c/ Epoux Buitrago-Ferrer (N° Lexbase : A9721ABN), Justices 1996-4, p. 260, note J. Heron., et Cass. civ. 2, 9 décembre 1997, n° 96-10.763, Epoux Dumel c/ Banque nationale de Paris (BNP) (N° Lexbase : A1002AC4), Bull. II, n° 313.
(8) CA Versailles, 3 mars 1989, D. 1990, jurispr. p. 51, note Prévaut.
(9) Cass. soc., 6 février 2003, n° 01-20.534, M. Jacques Pion c/ Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Marne, FS-P (N° Lexbase : A9063A4G), RTD civ., 2003, 350 obs. R. Perrot.
(10) NCPC, art. 855.
(11) Cass. mixte, 22 février 2002, n° 00-19.639, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre Loire c/ Mme Michèle Lebosse-Peluchonneau, FS-P (N° Lexbase : A0661AY7), JCP éd. G, 2002, IV, p. 1563.
(12) C. civ., art. 2247 (N° Lexbase : L2535ABI).
(13) Voir Cass. com., 5 juillet 1988, n° 87-10.590, Société Interfret et autre c/ Compagnie Allianz et autres (N° Lexbase : A2641AHB), RTD com 1989 p.303, obs B. Bouloc.
(14) J.-P. Désideri, JCP éd. G 2000, II, n° 10348.
(15) Cass. civ. 2, 23 mars 2000, n° 97-11.932, Société Bils Deroo Transports c/ Société P and O European Ferries (N° Lexbase : A5149AWM).
(16) Cass. com., 5 juillet 1988, op. cit..
(17) L. Ségur, L'inexistence en procédure civile, JCP, 1969, I, n° 2129.
(18) E. Putman, Cinq questions sur les nullités en procédure civile, Justices, 1995, n° 2, p. 193, spec. p. 197 s.
(19) Cass. com, 4 janvier 2005, n° 03-16.486, Société Calberson armorique c/ Société Asica, F-D (N° Lexbase : A8749DER).
(20) Voir supra.
(21) J. Pellerin, L'omission de l'acte de procédure, op. cit..
(22) CJCE, 15 juin 1994, aff. C-137/92, Commission des Communautés européennes c/ BASF AG et autres (N° Lexbase : A5825AYE).
(23) D. Mouralis, L'inexistence des actes juridiques en droit privé, entre réalité et imagination, Mémoire DEA droit privé Aix-Marseilles, cité par E. Putman, JCP éd. G 2006, II, n° 1713.
(24) P. Hennion-Jaquet, Les nullités de l'enquête et de l'instruction un exemple de déclin de la légalité procédurale, RPDP 2003, p. 7.
(25) Voir par exemple, Cass. civ.1, 14 janvier 1981, n° 79-13023, Dame C. c/ G., publié (N° Lexbase : A3852CH7).
(26) Sur ce point une partie de la doctrine regrette que les nullités substantielles ne soient pas de "super-nullités de fond" non régularisables et s'affranchissant de la règle "pas de nullité sans grief" : E. Putman, Cinq questions sur les nullités en procédure civile, op. cit..
(27) Cass. civ., 18 novembre 1947, D. 1948, 177.
(28) Voir L. Ségur, op. cit..

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