La lettre juridique n°188 du 3 novembre 2005

La lettre juridique - Édition n°188

Éditorial

Crédit à la consommation : en attendant l'âge d'or...

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N0376AK7

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


L'endettement des ménages européens a poursuivi sa progression en 2004 enregistrant même une accélération de la tendance (+ 8,7 % contre + 5,9 % en 2002 et + 6,2 % en 2003), grâce au maintien du bas niveau des taux d'intérêts, selon un rapport de l'Observatoire de l'épargne européenne (AFP, 18 octobre 2005, Europe: l'endettement des ménages a progressé grâce aux bas taux d'intérêts) -à noter, la France s'est située dans la moyenne européenne avec une progression de 8,6 % en 2004, après + 6,2 % en 2003-. L'endettement des ménages comprend essentiellement les crédits à l'habitat, le crédit à la consommation et les crédits professionnels. Aussi, à la lecture de ces chiffres, rien ne semble devoir presser l'encouragement des transactions transfrontalières au niveau européen ; et l'on se dit que la proposition révisée de directive en matière de crédit à la consommation du 7 octobre 2005 n'a pour vocation que de favoriser la libération totale des mouvements de capitaux en Europe, libération souhaitée, mais difficilement applicable au bénéfice des particuliers, depuis 1990. Ce serait, toutefois, oublier quelque peu l'impact de cet endettement des ménages sur l'économie européenne. La croissance du crédit à la consommation enregistre une hausse de 8,7 % des encours en 2004, contre 2,5 % en 2003. A noter que la progression en France a été plus forte que la moyenne européenne en 2003 (+ 5,1 %) mais inférieure en 2004 (+ 4,2 %). Ainsi, le crédit à la consommation, avec 750 milliards d'euros d'encours en 2003, soit 8 % du PIB de l'Europe à 15, est un élément moteur de l'économie qui participe pleinement au soutien de la croissance. C'est pourquoi la proposition de directive " Crédit aux consommateurs ", adoptée le 11 septembre 2002 par la Commission, a mobilisé la profession bancaire pendant plus de 24 mois, avant d'être recalée par le Parlement, souhaitant que la Commission revoit sa copie ; chose désormais faite (Observateur Cetelem, janvier 2005). L'objectif de cette réforme est de faciliter l'octroi de crédits transfrontaliers en rapprochant les réglementations des Etats membres, tout en offrant des garanties au consommateur. La Commission préconise, d'une part, l'harmonisation des dispositions relatives à la protection des consommateurs et, d'autre part, un principe de reconnaissance mutuelle. C'est le seul type de crédit actuellement contrôlé par une directive européenne, qui assure à l'emprunteur un niveau minimal de protection. Aucune réglementation européenne n'encadre les autres types de crédit. Aussi, le contrat de crédit immobilier est, en principe, régi par la loi du pays où est situé l'établissement prêteur, sauf dans certains cas particuliers ou si les contractants en décident autrement. Du fait de la diversité des règles nationales, il faut rester vigilant : on peut croire faire une bonne affaire en renégociant, par exemple, un prêt immobilier avec une banque étrangère, et s'apercevoir ensuite que le remboursement anticipé n'est pas soumis à la réglementation française plus avantageuse (qui limite l'indemnité de remboursement anticipé à un semestre d'intérêt ou 3 % du capital restant dû). Pour éviter ce type de problème, certains établissements prêteurs adhèrent à un code de conduite volontaire relatif à l'information précontractuelle sur les prêts au logement et peuvent fournir une "fiche européenne d'information standardisée" permettant à l'emprunteur de comparer plus aisément les offres de prêt des différents établissements (Centre d'information sur l'Europe - Sources d'Europe, 28 juillet 2005). Ce code pourrait-il servir de base à l'élaboration d'une directive en la matière, visant à favoriser une concurrence saine entre établissements bancaires européens et par là-même l'accès au logement (*)... Les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire le commentaire de Frédéric Leplat, Avocat au barreau de Lille, Maître de conférences à l'Université de Rouen et d'Yves Brulard, Avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris, associé Hoche, Demolin, Brulard, Barthélemy, Proposition révisée de directive en matière de crédit à la consommation.
(*) Prenons l'analyse empirique suivante : soit un ménage avec deux enfants, dont les revenus correspondent au revenu moyen des Français (27 314 euros en 2002), primo acquéreur, souhaitant acquérir un appartement de 60 m² à Paris. Le prix moyen au m² est, selon la chambre des notaires d'Ile-de-France de 4 745 euros. Le prix de l'appartement est donc de 284 700 euros. La capacité de remboursement du ménage correspond au maximum à 33 % de son revenu mensuel, soit 750 euros par mois. Au mieux, ce ménage peut acquérir un bien immobilier à Paris en souscrivant un prêt sur 30 ans de 155 000 euros (au taux de 3,91 % assurance incluse) moyennant un apport personnel de 130 000 euros. A supposer que notre ménage n'ait pas cet apport personnel, il envisage d'acquérir un bien en grande couronne dont les prix moyens au m² sont de 2 269 euros, soit, pour un appartement de 60 m², un prix de 136 140 euros. Dans ce cas, il peut acquérir ce bien, sans apport personnel, moyennant un prêt sur 25 ans (au taux de 3,91 % assurance incluse). Pour acquérir un appartement de 60 m² sans apport personnel à Paris, il faudrait que notre ménage dispose de revenus annuels de 50 000 euros pour un prêt à 30 ans, de 55 000 euros pour un prêt à 25 ans (soit deux fois les revenus moyens d'un ménage) et de 75 000 euros pour un prêt à 15 ans. On comprend donc pourquoi, au moins en ce qui concerne les primo-acquéreurs, la capacité d'acquisition des ménages se soit dégradée à un point tel en 2005 que la demande ne puisse désormais que fléchir (Les perspectives d'évolution du marché immobilier et son contexte macroéconomique, Rapport d'information n° 6 (2005-2006) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 octobre 2005). De deux choses l'une : soit il est possible d'influer de manière dirigiste sur les prix de l'immobilier, en France, afin de rétablir une situation d'endettement saine pour les primo-acquéreur (ce qui semble incongru sur un marché libre), soit la durée des prêts sera l'une des clés de l'endettement de demain (conjugué au développement du crédit hypothécaire viager, par exemple), afin d'obtenir un taux d'endettement des ménages aussi raisonnable que possible. En Europe, les pays qui favoriseront un endettement au-delà de 30 ans, pour un bien souvent d'exception-compte tenu de sa valeur nominale et de son emplacement- ont donc toutes leurs chances dans cette compétition bancaire.

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Social général

[Jurisprudence] Le Conseil d'Etat valide le contrat nouvelles embauches

Réf. : CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, Confédération générale du Travail et autres (N° Lexbase : A9977DKQ)

Lecture: 14 min

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace

Le 07 Octobre 2010

Le contrat nouvelles embauches (CNE) constituait la mesure phare des différents dispositifs mis en place par le législateur au cours de l'été 2005 (loi du 26 juillet 2005, n° 2005-846, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, art. 1-1° N° Lexbase : L8804G9X), puis mise en oeuvre par le pouvoir réglementaire par une ordonnance du 2 août 2005 (ordonnance n° 2005-893, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" N° Lexbase : L0758HBP, lire S. Martin-Cuenot, Le contrat nouvelles embauches, mode d'emploi, Lexbase Hebdo n° 179 du 1er septembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N7758AI8 ; P. Morvan, Le contrat de travail nouvelles embauches, JCP-S 2005 n° 11, 6 sept. 2005, p. 7). Le contrat nouvelles embauches, destiné aux PME (0 à 20 salariés), est un contrat de travail sans limitation de durée comportant, pendant une période de 2 ans, des règles de rupture et un régime indemnitaire spécifiques garantissant au salarié, pendant cette période, une indemnité en cas de rupture à l'initiative de l'employeur supérieure à celle résultant de l'application des règles de l'article L. 122-9 du Code du travail (N° Lexbase : L5559ACU). La polémique est née du caractère dérogatoire au droit commun des contrats de travail du CNE, parce que le régime du licenciement ne lui est pas applicable pendant les deux premières années (régime fixé par les articles L. 122-4 N° Lexbase : L5554ACP à L. 122-11 N° Lexbase : L5561ACX, L. 122-13 N° Lexbase : L5564AC3 à L. 122-14-14 N° Lexbase : L5474ACQ et L. 321-1 N° Lexbase : L8921G7K à L. 321-17 N° Lexbase : L0036HDP du Code du travail).
Décision

CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, Confédération générale du Travail et autres (N° Lexbase : A9977DKQ)

Textes applicables :
- Préambule de la Constitution (N° Lexbase : L1356A94) ;
- Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur adoptée à Genève le 22 juin 1982 ;
- Charte sociale européenne (révisée) faite à Strasbourg le 3 mai 1996, publiée par le décret n° 2000-110 du 4 février 2000 (décret portant publication de la Charte sociale européenne révisée N° Lexbase : L1676HDG) ;
- Directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (N° Lexbase : L8292AUN) ;
- Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4) ;
- Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX) ;
- Loi du 26 juillet 2005, n° 2005-846, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : L8804G9X) ;
- Cons. const., décision n° 2005-521 DC, du 22 juillet 2005, Loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : A1642DKZ)

Lien bases :

Résumé

Le contrat "nouvelles embauches" est validé par le Conseil d'Etat.

Faits

Requête de la CGT, la CFDT, la CGC, la CFTC et FO, qui demandent l'annulation de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail "nouvelles embauches".

Problème juridique

Les requérants invoquaient :
1. la méconnaissance du champ de la loi d'habilitation n° 2005-846 ;
2. la méconnaissance de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1368A9K) ;
3. la méconnaissance de la convention internationale du travail n° 158 et de la charte sociale européenne ;
4. la méconnaissance de la directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe et de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
5. la méconnaissance de l'article 30 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
6. la méconnaissance du principe d'égalité.

Solution

Aucun des moyens invoqués par les syndicats requérants n'est retenu par le Conseil d'Etat.

Observations

Comme pour l'ordonnance n° 2005-892 portant sur les seuils d'effectifs (ordonnance du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises N° Lexbase : L0757HBN), l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 a été critiquée et placée au coeur de vives polémiques, portées en juillet 2005 devant le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2005-521 DC, du 22-07-2005, Loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : A1642DKZ) et en septembre 2005 devant le Conseil d'Etat (arrêt rapporté).

Si le Conseil d'Etat a prononcé un sursis à statuer en posant une question préjudicielle à la CJCE, s'agissant de l'ordonnance n° 2005-892 relative aux seuils d'effectifs dans son arrêt rendu le 19 octobre 2005 (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération générale du travail et autres N° Lexbase : A9978DKR, lire nos obs., Seuils d'effectifs : un arrêt du Conseil d'Etat en demi-teinte, Lexbase Hebdo n° 187 du 27 octobre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N0047AKX) il a, en revanche, pleinement et sans réserves validé le CNE, en rejetant les requêtes des syndicats.

Différents moyens portant sur le régime juridique du CNE étaient invoqués, sans succès, devant le Conseil d'Etat (1), mais c'est essentiellement sur le régime dérogatoire au droit commun de la rupture du contrat de travail que l'arrêt du Conseil d'Etat était attendu, le rejet des moyens invoqués par les syndicats devant apaiser, sinon taire, pour l'instant, les polémiques juridiques et judiciaires (2).

1. Régime juridique général du CNE : validation par le Conseil d'Etat

1.1. Compétence du pouvoir réglementaire

Les requérants contestaient devant le Conseil d'Etat la légalité de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005. Le moyen, non convaincant, est écarté par le Conseil d'Etat.

En effet, il appartenait au Gouvernement de faire usage de l'habilitation conférée par le législateur, dans le respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, des principes généraux du droit qui s'imposent à toute autorité administrative ainsi que des engagements internationaux de la France produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne. Or, les termes mêmes de l'ordonnance n° 2005-893 reproduisent les dispositions de la loi d'habilitation.

De même, pour le Conseil d'Etat, les articles L. 122-14-8 (N° Lexbase : L5573ACE), L. 122-14-12 (N° Lexbase : L5576ACI), L. 122-14-13 (N° Lexbase : L6530DIP), L. 212-14-14 (N° Lexbase : L5474ACQ), L. 321-1-2 (N° Lexbase : L8923G7M) et L. 321-14 (N° Lexbase : L9592GQC) du Code du travail (dont l'application est écartée par l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893) se rattachent, contrairement à ce que soutiennent les syndicats requérants, aux conditions de rupture d'un contrat de travail. Il en va de même de celles du septième alinéa du même article 2 prévoyant un délai de prescription de 12 mois pour toute contestation portant sur la rupture de ce contrat.

Enfin, en excluant l'application de certaines règles protectrices contre le licenciement, l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 n'a fait que mettre en oeuvre l'habilitation conférée au Gouvernement par la loi, le législateur ayant lui-même établi le lien que contestent les syndicats requérants entre la définition de règles de rupture spécifiques et, pour les PME, l'incitation à l'embauche.

Devant le Conseil constitutionnel, les parlementaires avaient développé le même argumentaire juridique, rejeté par le Conseil (Cons. const., décision n° 2005-521 DC, du 22 juillet 2005, Loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : A1642DKZ). Selon les requérants, la loi habilitation ne satisfaisait pas aux exigences de précision résultant de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X) et permettait au Gouvernement de "bouleverser l'ensemble du droit du travail". Le Conseil, dans une décision particulièrement peu explicite et très laconique, a relevé, au contraire, que la finalité de l'autorisation délivrée au Gouvernement (art. 1er, 1° de la loi déférée), qui est de lever certains freins à l'embauche de nouveaux salariés dans les petites entreprises, et le domaine dans lequel l'ordonnance a pu intervenir, sont définis avec une précision suffisante pour satisfaire aux exigences de l'article 38 de la Constitution.

De plus, les dispositions en cause ne sont ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en application de l'article 38 de la Constitution, de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle, ainsi que les normes internationales ou européennes applicables.

1.2. Régime du CNE

Les syndicats reprochaient au pouvoir réglementaire sa méconnaissance de la Directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (N° Lexbase : L8292AUN) et de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4).

Selon ces deux directives, lorsqu'une personne s'estimant lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement, établit devant une juridiction des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement. Le Conseil d'Etat relève, par l'arrêt rapporté, que la transposition de ces dispositions est assurée par l'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L1417G9D), mais l'ordonnance du 2 août 2005 n'a pas exclu son application au CNE.

Enfin, les syndicats contestaient la méconnaissance de l'article 30 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par le pouvoir réglementaire au titre de l'ordonnance n° 2005-893 : le Conseil d'Etat observe, sans surprise, que cette charte n'a pas été introduite dans l'ordre juridique interne ; dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de son article 30 est inopérant.

Tous ces arguments juridiques portés devant le Conseil d'Etat, de portée et de valeur très inégales, n'étaient pas convaincants. Le Conseil d'Etat pouvait, dès lors, sans difficulté, les écarter. Le noeud même de la polémique développée par la mise en place du CNE ne se noue pas dans ces différents points accessoires, mais dans le régime dérogatoire au droit commun du licenciement, dont les employeurs sont dispensés.

2. Régime juridique du licenciement dérogatoire au droit commun : validation par le Conseil d'Etat

Les syndicats ont repris à leur compte les griefs invoqués par les parlementaires devant le Conseil constitutionnel : la loi d'habilitation porterait une atteinte disproportionnée à l'économie des accords collectifs en cours ainsi qu'à la convention C 158 de l'OIT, concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur ; elle procéderait à une conciliation déséquilibrée du droit à l'emploi et de la liberté d'entreprendre.

Le CNE, par les possibilités nouvelles qu'il offre à l'employeur de mettre fin au contrat de travail au cours d'une période initiale pouvant aller jusqu'à 2 ans, serait contraire aux exigences constitutionnelles relatives à la résiliation des contrats, telles que le Conseil constitutionnel les a déduites de l'article 4 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1368A9K) dans sa décision du 9 novembre 1999 (décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, cons. 60 à 63 N° Lexbase : A8783ACB) ; à la liberté contractuelle, dès lors que l'ordonnance n° 2005-893 porterait atteinte, sans motif d'intérêt général suffisant, à l'économie des conventions collectives en cours (stipulations conventionnelles en matière de période d'embauche et de préavis) ; aux dispositions du Préambule de la Constitution de 1946 relatives au droit au travail (N° Lexbase : L6815BHU), à défaut de garanties contre un licenciement abusif (nécessité d'une cause réelle et sérieuse, contrôle juridictionnel de la cause, protection des salariés protégés et des salariées enceintes, droit au reclassement interne...) ; aux dispositions propres aux procédures de cessation des contrats de travail figurant dans la convention n° 158 de 1982 de l'OIT (art. 8-1).

Ces points (du moins, certains d'entre eux) ont été également soulevés devant le Conseil d'Etat avec aussi peu de succès que devant le Conseil constitutionnel.

2.1. Finalités et caractères des dérogations aux règles de droit commun du licenciement

Destinée à réduire le "risque d'embauche" pesant sur les petites entreprises, la dérogation au droit commun du licenciement prévue par l'ordonnance n° 2005-893 a pour objet d'inciter les PME à recruter. Cette flexibilité tient à ce que la résiliation du contrat de travail peut être décidée pour tout motif non illicite et n'est assujettie ni aux contraintes procédurales du livre Ier du Code du travail (motivation, entretien préalable), ni aux obligations de reclassement prévues par son livre III.

En contrepartie, l'intéressé bénéficie d'un meilleur régime d'indemnisation et d'accompagnement dans la recherche d'un nouvel emploi. C'est pourquoi la rupture du CNE n'est pas régie par les articles L. 122-14-8, L. 122-14-12, L. 122-14-13, L. 212-14-14, L. 321-1-2 et L. 321-14 du Code du travail.

Les dérogations aux règles de droit commun prévues par l'ordonnance n° 2005-893 sont-elles limitées et proportionnées au but visé de lutte contre le chômage et d'incitation au recrutement ? Au nom de l'emploi, peut-on déroger au droit commun du licenciement ? Selon le Conseil d'Etat, les objectifs poursuivis par le législateur justifient que la priorité donnée à l'emploi prime sur l'application du Code du travail et du droit social européen /international, précision étant faite que le domaine de la dérogation reste limité et encadré.

  • Motivation et cause du licenciement

Les syndicats considéraient que l'ordonnance n° 2005-893 méconnaissait l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : la liberté ouverte à l'employeur de rompre le contrat sans respecter le droit commun du licenciement serait une liberté qui nuirait au salarié.

L'argument, trop général pour être entendu, n'a pas convaincu le Conseil d'Etat, selon lequel il ne résulte ni du principe de liberté énoncé à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni d'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle que la faculté pour l'employeur de mettre fin au CNE devrait être subordonnée à l'obligation d'en énoncer préalablement les motifs et d'en prévoir les modalités de réparation.

  • Domaine matériel de la dérogation

Les syndicats reprochaient au pouvoir réglementaire le non-respect de la convention OIT n° 158 (art. 4, art. 7, 8-1, 9 et 10) et de la charte sociale européenne (art. 24). Le Conseil d'Etat rappelle qu'en écartant l'application au CNE des dispositions de droit commun régissant la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, l'ordonnance déroge non seulement aux dispositions du Code du travail relatives à la procédure de licenciement, mais aussi à l'exigence, issue de la loi du 13 juillet 1973 (C. trav., art. L. 122-14-3 N° Lexbase : L5568AC9), que le motif invoqué par l'employeur présente un caractère réel et sérieux (v. aussi art. de P. Morvan prec.).

Mais, le Conseil d'Etat précise que demeurent, en revanche, applicables au CNE, les articles L. 122-40 (N° Lexbase : L5578ACL) à L. 122-44 (N° Lexbase : L5582ACQ) relatifs à la discipline et l'article L. 122-45 (N° Lexbase : L1417G9D) prohibant les mesures discriminatoires.

Aussi, selon le Conseil d'Etat, l'ordonnance n° 2005-893 n'a pas exclu que le licenciement puisse être contesté devant un juge, afin que celui-ci puisse vérifier que la rupture n'a pas un caractère abusif et n'est pas intervenue en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure disciplinaire et de celles prohibant les mesures discriminatoires.

D'où la conclusion tirée par les juges administratifs : les règles de rupture du CNE pendant les deux premières années suivant la date de sa conclusion ne dérogent pas aux stipulations des articles 8-1, 9 et 10 de la convention OIT n° 158.

  • Domaine personnel de la dérogation

Le droit social international et européen prévoit (art. 2-b, § 2 de la convention OIT n° 158 et annexe à la charte sociale européenne) une dérogation au droit commun du licenciement au profit (ou au détriment, plutôt) de certaines catégories de personnes qui ne sont donc pas soumises à ce minimum.

Le Conseil d'Etat relève que l'ordonnance n° 2005-893 rentre bien dans de telles prévisions : en l'espèce, eu égard au but en vue duquel cette dérogation a été édictée et à la circonstance que le CNE est un contrat à durée indéterminée, la période de 2 ans pendant laquelle est écartée l'application des dispositions de droit commun relatives à la procédure de licenciement et aux motifs pouvant le justifier peut être regardée comme raisonnable, au sens de ces stipulations.

Aussi, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'ordonnance attaquée méconnaîtrait les stipulations de la convention OIT n° 158 ni, en tout état de cause, celles de l'article 24 de la charte sociale européenne.

2.2. Objet et contenu des dérogations aux règles de droit commun du licenciement

  • Egalité de traitement

Le thème de l'égalité entre les salariés et entre les entreprises est très délicat, en droit de l'emploi, parce que par principe, par hypothèse et presque par définition, les aides à l'emploi et les contrats de travail spéciaux conclus au titre des politiques de l'emploi établissent des discriminations entre salariés de "droit commun" et salariés sous statut spécial, entre entreprises bénéficiaires de ces aides et les autres. Déjà évoqué à propos de l'ordonnance n° 2005-892 sur les seuils d'effectifs (N° Lexbase : L0757HBN), l'argument n'avait pas été retenu ni par le Conseil constitutionnel, ni par le Conseil d'Etat.

En l'espèce, l'atteinte au principe d'égalité dont serait porteuse l'ordonnance n° 2005-893 repose sur le dispositif spécifique de la prescription des actions contentieuses liées à la rupture de ce contrat (délai d'un an) : l'ordonnance n° 2005-893 poserait entre les salariés relevant du CNE et ceux relevant d'un contrat de droit de travail de droit commun, une différence de traitement. Mais le Conseil d'Etat, par l'arrêt rapporté, estime au contraire qu'eu égard, notamment, à la circonstance que l'opposabilité au salarié de cette prescription raccourcie est subordonnée à la condition qu'il en ait été informé dans la lettre lui notifiant la rupture, la différence de traitement n'est pas manifestement disproportionnée.

Il faut, de plus, relever que la rupture d'égalité entre salariés de droit commun et salariés régis par un CNE n'est pas pertinente, s'agissant de l'application du droit commun du contrôle de la cause réelle et sérieuse par les juges, qui n'est ouverte qu'aux salariés comptant au moins 2 ans d'ancienneté. Or, le régime dérogatoire institué par le CNE ne vaut que pour les deux premières années du CNE : au-delà, le salarié est régi par le droit commun du licenciement, comme tous les autres salariés. Il n'y a donc pas rupture du principe d'égalité.

  • Procédure contradictoire et droit de la défense

Enfin, les syndicats pointaient une méconnaissance du principe des droits de la défense par l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005.

Le Conseil d'Etat relève que l'ordonnance n° 2005-893 exclut l'application au CNE des dispositions des articles L. 122-14 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L9576GQQ) relatifs à la procédure de licenciement et définit des modalités particulières ne comportant aucune procédure contradictoire en cas de rupture de ce contrat au cours des deux premières années.

Or, les articles L. 122-40 et L. 122-41 du Code du travail demeurent applicables au CNE : ces dispositions prévoient bien des modalités d'une procédure contradictoire dans tous les cas où l'employeur prend une mesure à l'encontre de son salarié, à la suite d'un agissement de celui-ci considéré par lui comme fautif, notamment lorsque cette mesure se traduit par un licenciement.

Les juges administratifs, par l'arrêt rapporté, soulignent que l'obligation de respecter une procédure contradictoire dans les cas de licenciement prononcés pour un motif disciplinaire a le caractère d'un principe général du droit du travail. Mais, il ne résulte pas de ce principe qu'une telle procédure devrait être respectée par l'employeur dans les autres cas de licenciement fondés sur des motifs inhérents à la personne du salarié.

Le Conseil d'Etat, comme le Conseil constitutionnel, paraissent donner au CNE le caractère d'un contrat dont la rupture, non soumise au droit commun du licenciement, serait très ouverte et très souple, accordant à l'employeur un avantage très sensible, et ce, au détriment du salarié, qui se voit privé du bénéfice des garanties légales ou conventionnelles attachées au droit du licenciement.

Cette lecture n'est que partielle : il ne faut pas négliger qu'en contrepartie de cette liberté laissée à l'employeur, l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 prévoit, en cas de rupture du CNE à l'initiative de l'employeur au cours des deux premières années d'exécution du contrat, sauf faute grave ou lourde du salarié, une contribution à la charge de l'employeur qui a pour objet de financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié en vue de son retour à l'emploi. Cette contribution est recouvrée par le régime d'assurance chômage (circ. Unédic, n° 05-18, du 14 octobre 2005, rupture du contrat nouvelles embauches N° Lexbase : L1679HDK). La liberté a un prix !

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] La rupture du contrat de travail du salarié protégé pendant la période d'essai soumise à l'autorisation préalable de l'inspection du travail

Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.751, Mme Laurence Orth c/ APEI, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1388DLY) ; Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.585, Mme Chantal Antoine c/ Association médicale du travail du Jura, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1387DLX)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Quelques semaines seulement après la mise en place du contrat "nouvelles embauches" et de la "super période d'essai" de 2 ans, ces deux arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 26 octobre 2005, et promis à la plus large publicité, sonnent comme une forme de désaveu. La Haute juridiction décide ici, pour la première fois, que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié protégé pendant la période d'essai, sans obtenir l'autorisation préalable de licenciement imposée par leur statut particulier. Ce revirement de jurisprudence est d'une importance pratique et théorique capitale (1). Il n'emporte toutefois pas notre adhésion sur un plan strictement juridique et la portée de la solution mérite également réflexion (2).
Décisions

1. Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.751, Mme Laurence Orth c/ Association de parents d'enfants inadaptés (APEI), FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1388DLY)

Cassation (cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 21 mai 2003)

Textes visés : C. trav., art. L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) ; C. trav., art. L. 122-14-7 (N° Lexbase : L5572ACD) ; C. trav., art. L. 122-14-16 (N° Lexbase : L5476ACS) ; C. trav., art. L. 412-18 (N° Lexbase : L6338ACQ)

Mots-clefs : conseiller du salarié ; protection contre le licenciement ; application pendant la période d'essai.

Lien bases :

2. Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.585, Mme Chantal Antoine c/ Association médicale du travail du Jura, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1387DLX)

Cassation (cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 6 mai 2003)

Textes visés : C. trav., art. L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) ; C. trav., art. L. 122-14-7 (N° Lexbase : L5572ACD) ; C. trav., art. R. 241-31, dans sa rédaction applicable au litige (N° Lexbase : L9901ACP)

Mots-clefs : médecin du travail ; protection contre le licenciement ; application pendant la période d'essai.

Lien bases :

Résumé

La procédure spéciale de licenciement du conseiller du salarié ou du médecin du travail est applicable pendant la période d'essai

Faits

1. Mme Orth, nommée conseiller du salarié par arrêté préfectoral du 30 juin 2000, a été engagée par l'Association de parents d'enfants inadaptés (APEI) le 15 septembre 2000 avec une période d'essai de 6 mois à laquelle l'employeur a mis fin par lettre du 28 février 2001.

Elle a présenté une demande en nullité de la rupture de la période d'essai, en l'absence de respect de la procédure d'autorisation administrative de licenciement prévue par l'article L. 412-18 du Code du travail (N° Lexbase : L6338ACQ).

La cour d'appel de Reims l'a déboutée de ses demandes, après avoir énoncé que l'article L. 122-14-16, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5476ACS) vise exclusivement le licenciement du conseiller du salarié et que, si l'article L. 412-18 prévoit la nécessité d'une autorisation administrative dans d'autres hypothèses que le licenciement, il ne prévoit pas la rupture pendant la période d'essai.

La salariée a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

2. Après avoir engagé Mme Antoine le 28 octobre 1999 en qualité de médecin du Travail, l'Association médicale du travail du Jura a mis fin, le 24 janvier 2000, à la période d'essai d'une durée de 3 mois prévue au contrat. La salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts.

La cour d'appel a rejeté ses demandes après avoir retenu que, selon l'article L. 122-4, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5554ACP), les règles qui régissent la rupture unilatérale ne sont pas applicables pendant la période d'essai. Selon la cour d'appel, il en résulte que chacune des parties est, en principe, libre de rompre le contrat de travail sans donner de motif. La rupture n'est pas soumise aux dispositions de l'article R. 241-31 du Code du travail (N° Lexbase : L9901ACP) et la salariée ne peut faire grief à l'employeur de l'absence de consultation des institutions représentatives et autorités visées par ce texte.

La salariée a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

Solutions

1. "Vu les articles L. 122-4, L. 122-14-7, L. 122-14-16, L. 418-12 du Code du travail" ;

"Attendu que les dispositions légales qui assurent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun à certains salariés, en raison du mandat ou des fonctions qu'ils exercent dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs, s'appliquent à la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur pendant la période d'essai ; qu'il en est ainsi de l'article L. 122-14-16 relatif au conseiller du salarié".

Cassation

2. "Vu les articles L. 122-4, L 122-14-7 du Code du travail, et l'article R. 241-31 du même Code, dans sa rédaction applicable au litige" ;

"Attendu que les dispositions légales qui assurent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun à certains salariés, en raison du mandat ou des fonctions qu'ils exercent dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs, s'appliquent à la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur pendant la période d'essai ; qu'il en est ainsi de l'article R. 241-31 du Code du travail relatif au médecin du Travail".

Cassation

Commentaire

1. Un revirement de jurisprudence important

  • Situation du problème

L'application de la procédure d'autorisation administrative de licenciement des salariés protégés pendant la période d'essai fait classiquement difficulté, en raison de l'enchevêtrement des règles applicables et, singulièrement, d'une apparente contradiction entre deux textes.

L'article L. 122-4, alinéa 2 (N° Lexbase : L5554ACP), dispose, en effet, que les règles contenues dans la sous-section I intitulée "Résiliation du contrat" ne sont pas applicables pendant la période d'essai. L'article L. 122-7 du Code du travail (N° Lexbase : L5557ACS) dispose, pour sa part, que ces mêmes règles "ne dérogent pas aux dispositions législatives ou réglementaires qui assurent une protection particulière à certains salariés définies par lesdites dispositions".

La présence de ces deux textes au sein de la même section introduit une incertitude : faut-il privilégier l'application des règles relatives à la période d'essai, qui excluent l'ensemble des dispositions de la section, y compris celles de l'article L. 122-7 ou, au contraire, faire produire son plein effet à ce dernier texte, par dérogation au principe de la période d'essai, par l'application du principe qui veut que la règle la plus spéciale déroge à la règle la moins spéciale ?

  • Une jurisprudence hésitante

La Chambre criminelle, la première, avait considéré que le statut protecteur devait s'appliquer pendant la période d'essai (Cass. crim., 5 novembre 1974, n° 74-90.085, Morel, CDFT Synd c/ Senault, publié N° Lexbase : A2403CG4).

Mais, la Chambre sociale de la Cour de cassation privilégiait l'application du régime de la période d'essai (Cass. soc., 2 juin 1981, n° 79-40.346, Société Fonderie de Précision-Virax c/ Duarte, publié N° Lexbase : A3452ABH, D. 1982, p. 206, note J. Mouly), qu'il s'agisse du médecin du travail, du conseiller prud'homal (Cass. soc., 13 mars 1985, n° 82-40.506, Association du Logis des jeunes c/ Nicol, Union locale CGT de Pau et banlieue, publié N° Lexbase : A2298AAD, D. 1985, p. 442, note J. Mouly) ou de la femme enceinte (Cass. soc., 2 février 1983, n° 79-41.754, Dame Lemut c/ Chambre d'agriculture du Lot, publié N° Lexbase : A3441AB3).

En 1989, la Cour de cassation avait toutefois fait application des règles particulières concernant les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (Cass. soc., 19 avril 1989, n° 86-44.656, M. Daligaux c/ Société Quentin, publié N° Lexbase : A4020AGY, D. 1990, p. 8, note C. Puigelier ; Cass. soc., 12 mai 2004, n° 02-44.325, F-P+B N° Lexbase : A1687DCH, lire nos obs., Période d'essai et accident du travail : la protection plutôt que la liberté, Lexbase Hebdo n° 121 du 20 mai 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1664ABA).

Dernièrement, la Haute juridiction avait également fait application de la procédure disciplinaire lorsque la rupture de l'essai était fondée sur une faute commise par le salarié (Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-44.750, FS-P+B N° Lexbase : A4834DBN, lire L'application de la procédure disciplinaire pendant la période d'essai, Lexbase Hebdo n° 113 du 25 mars 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0975ABQ ; Cass. soc., 16 février 2005, n° 02-43.402, FS-P+B N° Lexbase : A7344DG4).

Dans cette dernière hypothèse, toutefois, le bénéfice de la protection s'expliquait non par la qualité de salarié protégé, mais par le fait que les règles relatives au droit disciplinaire ne se trouvent pas dans la même section que celles qui sont visées par l'article L. 122-4, alinéa 2, du Code du travail.

  • Situation en l'espèce

Dans ces deux affaires, le problème s'était posé pour deux salariés protégés particuliers, le conseiller du salarié (C. trav., art. L. 122-14-16 N° Lexbase : L5476ACS), qui bénéficie, par analogie, de la procédure applicable au délégué syndical (C. trav., art. L. 412-18 N° Lexbase : L6338ACQ et non 418-12 comme indiqué par erreur dans l'arrêt), et le médecin du travail (C. trav., art. R. 241-31 N° Lexbase : L4188GTB), qui ne peut être licencié qu'après accord du comité d'entreprise ou, en cas de refus, qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

Le contrat de travail de ces deux salariés avait été rompu pendant la période d'essai, sans que la procédure spéciale n'ait été respectée. Les juridictions d'appel avaient donné raison à l'employeur, mais ces deux arrêts sont cassés, la Chambre sociale de la Cour de cassation ayant décidé que "que les dispositions légales qui assurent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun à certains salariés, en raison du mandat ou des fonctions qu'ils exercent dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs, s'appliquent à la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur pendant la période d'essai".

2. Une solution critiquable

  • Une lecture déformée du Code du travail

Sur le plan juridique, la solution n'est pas incontestable, loin s'en faut.

La formulation de l'article L. 122-4, alinéa 2, du Code du travail, exclut, en effet, l'application de l'ensemble des dispositions de la sous-section pendant la période d'essai et, par conséquent, également celles de l'article L. 122-14-7 (N° Lexbase : L5572ACD) qui rappellent que l'employeur doit respecter les règles particulières liées au licenciement de certains salariés.

Certains salariés bénéficient, il est vrai, d'une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun, mais cette protection n'intervient qu'une fois le contrat de travail consolidé, c'est-à-dire une fois passé le cap de la période d'essai. Certes, la loi n'interdit pas à des salariés sous période d'essai d'être candidats à des fonctions électives ou d'être désignés comme représentants mais, serions-nous tentés de dire, à leurs risques et périls.

La référence implicite dans les deux arrêts au principe qui fondait les arrêts "Perrier" (voir Chbre mixte, 21 juin 1974, n° 71-91.225, Perrier, publié N° Lexbase : A6851AGT, concl. A. Touffait, D. 1974, p. 593, chron., p. 237, par H. Sinay), à savoir l'existence d'"une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun [...] en raison du mandat ou des fonctions qu'ils exercent dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs", nous semble d'ailleurs déplacée.

L'employeur qui souhaite poursuivre la résolution judiciaire du contrat de travail cherche, en réalité, à contourner la procédure de l'autorisation administrative de licenciement ; il s'agit d'une fraude à la loi qui doit être sanctionnée. Mais, interdire à l'employeur de rompre le contrat de travail pendant la période d'essai contrevient directement aux termes mêmes de la loi qui écartent l'application des règles relatives au licenciement. Il ne s'agit donc pas d'une fraude à la loi, mais de l'application d'une règle présente dans le Code du travail : comparaison n'est donc pas raison !

  • Une portée incertaine

D'évidence, la formule utilisée dans ces deux arrêts renvoie directement aux arrêts "Perrier" et à l'interdiction qui est faite à l'employeur de poursuivre, par d'autres moyens que le licenciement autorisé, la rupture du contrat de travail.

Elle a également, par sa généralité, vocation à s'appliquer à tous les salariés dont le licenciement est soumis à autorisation, au-delà du conseiller du salarié ou du médecin du travail. L'inspecteur du travail devra donc vérifier que la rupture envisagée du contrat repose bien sur l'échec de l'essai et ne masque pas une volonté discriminatoire.

On peut, en revanche, s'interroger sur l'application de cette jurisprudence s'agissant de salariés dont le licenciement est soumis à des conditions restrictives, mais sans qu'aucune autorisation ne soit nécessaire, comme les grévistes ou les femmes enceintes.

Pour ces dernières, en effet, la Cour de cassation avait fait application du régime propre à la période d'essai (Cass. soc., 15 janvier 1997, n° 94-43.755, Mme Dundas c/ Banque Saint-Dominique, publié N° Lexbase : A1145AAN).

Compte tenu des termes de ces deux arrêts en date du 26 octobre 2005, il semble peu probable que la jurisprudence évoluera puisque ces salariés bénéficient d'une protection contre le licenciement liée à un mandat ou à des fonctions "qu'ils exercent dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs".

On peut se demander, toutefois, si une extension ne serait pas envisageable pour des raisons de cohérence et de justice. L'article L. 122-14-7 du Code du travail renvoie, en effet, aux salariés qui bénéficient d'une "protection particulière", sans préciser si cette protection résulte d'une procédure d'autorisation préalable ou d'une interdiction de licencier.

Les deux arrêts rendus le 26 octobre 2005 tentent bien de justifier la décision par le fait que les salariés dont le licenciement doit être autorisé exercent leur activité dans "l'intérêt de l'ensemble des travailleurs". Mais, on sait très bien que l'interdiction de licencier les femmes enceintes ou les grévistes vise, au travers de la personne des travailleurs concernés, à assurer la protection de la maternité et de sa fonction sociale incontestable, ou du droit de grève garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU).

Pourquoi, dès lors, tenir à l'écart de cette jurisprudence ces salariés ? Une femme enceinte mérite-t-elle moins d'égard qu'une conseiller du salarié ? La Haute juridiction sera rapidement amenée, on peut le penser, à répondre à ces questions.

newsid:80314

Sécurité sociale

[Jurisprudence] Régime de prévoyance obligatoire et décision unilatérale de l'employeur

Réf. : Cass. soc., 19 octobre 2005, n° 03-47.219, Association Apave Nord-Ouest c/ M. Christophe Jacob, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9976DKP)

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N0322AK7

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par Caroline Letellier, Avocate au sein du cabinet Fromont Briens & associés

Le 07 Octobre 2010

En application de l'article 11 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 (loi renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques N° Lexbase : L5011E4D), aucun salarié employé dans une entreprise avant la mise en place, à la suite d'une décision unilatérale de l'employeur, d'un régime de prévoyance complémentaire ne peut être contraint de cotiser contre son gré audit régime. Inversement, les salariés embauchés postérieurement à la mise en place du régime peuvent se voir imposer l'adhésion au régime avec paiement d'une cotisation. La Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle ce principe en ajoutant que l'inobservation, par l'employeur, des règles relatives à l'information des salariés, lors de leur embauche, prévues par l'article 12 de la même loi, ne les autorise pas à refuser d'adhérer au régime ou à en demander ultérieurement leur radiation.


Décision

Cass. soc., 19 octobre 2005, n° 03-47.219, Association Apave Nord-Ouest c/ M. Christophe Jacob, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9976DKP)

Cassation (cour d'appel d'Amiens, 5e chambre sociale A, 4 septembre 2003)

Textes visés : articles 2, 11 et 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 (N° Lexbase : L5011E4D)

Mots-clefs : prévoyance ; décision unilatérale de l'employeur.

Liens bases : ;

Résumé

L'inobservation, par l'employeur, des règles relatives à l'information des salariés, lors de leur embauche, prévues par l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, ne les autorise pas à refuser d'adhérer au régime ou à en demander ultérieurement leur radiation.

Faits

En avril 1989, une association met en place, par décision unilatérale, un régime de prévoyance collective obligatoire au profit de ses salariés. En 1990, un nouveau salarié est embauché et affilié à ce régime. En 2001, il demande à en être radié.

Face au refus de son employeur, il saisit le conseil de prud'hommes, qui rejette sa demande. La cour d'appel infirme cette décision, estimant que l'information qui lui a été donnée, sur ce régime, lors de son embauche, avait été insuffisante et, qu'en particulier, l'impossibilité de "sortir" du régime ne lui avait pas été indiquée.

Solution

"L'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'information des salariés, lors de leur embauche, prévues par l'article 12 de la loi précitée en ce qui concerne notamment les garanties, ne leur ouvre pas le droit de refuser leur adhésion à un régime de prévoyance obligatoire, ni de demander leur radiation".

Cassation au visa des articles 2, 11 et 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989.

Observations

La Cour de cassation confirme qu'un employeur peut, par décision unilatérale, imposer aux salariés embauchés postérieurement à cette décision l'adhésion à un régime de prévoyance collective et le paiement des cotisations afférantes (1). Le fait que l'employeur n'ait pas respecté ses obligations d'information en la matière n'a pas d'incidence sur le caractère obligatoire de cette adhésion et de ce précompte (2).

1. Portée de la décision unilatérale de l'employeur

Aux termes de l'article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5832ADD) (issu de la loi n° 94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés N° Lexbase : L5156A4Q), les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit, en complément de celles qui résultent de l'organisation de la Sécurité sociale, peuvent être mises en place, dans une entreprise, selon trois modalités :
- par voie de conventions ou d'accords collectifs ;
- à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise (référendum) ;
- par décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé.

On sait que le recours à l'accord collectif ou à l'accord référendaire permet d'imposer à l'ensemble des salariés l'adhésion à un régime de prévoyance complémentaire ou de retraite supplémentaire et le précompte d'une cotisation salariale. En revanche, concernant la décision unilatérale, l'article 11 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 (dite "Loi Evin") dispose qu'"Aucun salarié employé dans une entreprise avant la mise en place, à la suite d'une décision unilatérale de l'employeur, d'un système de garanties collectives contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ne peut être contraint à cotiser contre son gré à ce système".

Ce texte constitue une transposition d'un principe général de droit du travail selon lequel la rémunération d'un salarié est toujours un élément de son contrat de travail, qui ne peut être modifié par l'employeur sans son accord. Tel est bien le cas d'une cotisation salariale à un régime de protection sociale, son précompte ayant pour effet de modifier la structure de la rémunération et, partant, le "net à payer".

Pour les salariés présents dans les effectifs lors de la mise en place du régime par décision unilatérale, l'employeur n'a donc d'autre solution que de leur demander leur accord individuel sur le précompte de la cotisation salariale. A défaut de respecter cette règle, il court le risque de voir les salariés formuler une demande en rappel de rémunérations, correspondant aux cotisations précomptées sans leur accord, dans la limite de la prescription de 5 ans sur les salaires, et ce quand bien même ils auraient bénéficié des prestations du régime (voir, Cass. soc., 4 janvier 1996, n° 92-41.885, Société Hyperallye c/ Mme Moreau et autres, publié N° Lexbase : A3912AA7).

Compte tenu de ce principe général, la règle de l'article 11 de la loi précitée peut être étendue aux régimes de retraite supplémentaire. Telle a d'ailleurs été l'analyse de la Cour de cassation, qui a jugé qu'"un tel régime institué soit par convention ou accord collectif, soit par la voie d'un référendum s'impose au salarié ; si ce régime résulte d'une décision unilatérale de l'employeur, il s'impose au salarié engagé postérieurement à l'institution du régime" (Cass. soc., 17 octobre 2000, n° 98-40.288, Association hospitalière Sainte-Marie c/ Mme Pasquet, publié N° Lexbase : A7678AHT). On notera que, dans cette affaire, le régime avait été mis en place par accord collectif : la référence à la décision unilatérale permet donc à la Haute juridiction d'établir un principe général selon lequel les salariés embauchés postérieurement à une telle décision ne peuvent s'opposer à l'adhésion au régime et au précompte de la cotisation salariale. En d'autres termes, le régime de protection sociale est un élément du statut collectif que les salariés acceptent nécessairement lors de leur embauche.

Dans son arrêt du 19 octobre 2005, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme donc une solution bien établie : les salariés embauchés postérieurement à la mise en place d'un régime collectif de prévoyance complémentaire à adhésion obligatoire, par décision unilatérale de l'employeur, ne peuvent ni s'opposer à leur adhésion au régime, ni refuser le précompte de la cotisation salariale, ni ultérieurement demander à en être radiés. La Haute juridiction ajoute que ces principes ne sont pas remis en cause du fait de l'inobservation par l'employeur de son obligation d'information posée par l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989.

2. Obligations d'information de l'employeur

L'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 impose, d'une manière générale, au souscripteur d'un contrat de prévoyance collective conclu avec une société d'assurance, une institution de prévoyance ou une mutuelle, "de remettre à l'adhérent une notice d'information détaillée qui définit notamment les garanties prévues par la convention ou le contrat et leurs modalités d'application".

Cette obligation légale d'information est également prévue dans le Code des assurances (C. assur., art. L. 141-4 N° Lexbase : L7585HBK), le Code de la Sécurité sociale (CSS, art. L. 932-6 N° Lexbase : L5902ADX) et le Code de la mutualité (C. mut., art. L. 221-6 N° Lexbase : L6030DKK), de manière plus détaillée : ces dispositions précisent, notamment, que le souscripteur doit établir la preuve de la remise de la notice d'information.

En l'espèce, la Cour de cassation considère que "l'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'information des salariés, lors de leur embauche, prévues par l'article 12 de la loi précitée en ce qui concerne notamment les garanties, ne leur ouvre pas le droit de refuser leur adhésion à un régime de prévoyance obligatoire, ni de demander leur radiation".

On ne peut qu'approuver cette solution, dans la mesure où il convient de bien distinguer les règles de droit du travail afférentes au régime mis en place dans l'entreprise (accord collectif, accord référendaire, décision unilatérale) et celles régissant le contrat d'assurance. La Cour de cassation l'a expressément rappelé dans un arrêt du 3 juin 1997, en énonçant que la souscription d'un contrat d'assurance n'est qu'une modalité d'exécution de l'engagement de l'employeur, résultant du régime de protection sociale mis en place au profit de ses salariés (Cass. soc., 3 juin 1997, n° 94-43.880, Société Haribo-Ricqlès-Zan c/ M. Delepine et autres, publié N° Lexbase : A1646ACX).

L'obligation de remettre une notice d'information n'est donc que l'exécution de la législation applicable au contrat d'assurance et non pas de celle relative à l'engagement, de droit du travail, de l'employeur envers ses salariés. En d'autres termes, la remise de la notice d'information ne peut constituer une condition d'embauche. C'est parce que le salarié a été embauché qu'il a acquis la qualité d'adhérent au contrat d'assurance et qu'il doit alors être destinataire de la notice d'information.

Si le défaut d'information ne peut aboutir à contester l'adhésion du salarié au régime de prévoyance complémentaire ou de retraite supplémentaire, on sait, en revanche, que la jurisprudence sanctionne très sévèrement tout manquement de l'employeur à ses obligations d'information et de conseil :

- la notice d'information, établie par l'organisme assureur, remise par l'employeur, doit permettre de porter à la connaissance du salarié les principaux éléments du contrat d'assurance, notamment les conditions, limitations et exclusions de garanties. Toute restriction de garantie mentionnée dans le contrat d'assurance et non mentionnée, en caractères très apparents, dans la notice d'information, est inopposable au salarié (Cass. soc., 14 janvier 2004, n° 01-46.617, F-D N° Lexbase : A7801DA8).

- en outre, l'obligation d'information de l'employeur ne se limite pas à la seule remise de la notice d'information. Il supporte une obligation plus générale d'information et de conseil et peut, à ce titre, voir sa responsabilité engagée. La Cour de cassation, dans un arrêt du 24 novembre 1992 (Cass. soc., 24 novembre 1992, n° 89-41.072, Bourguignon c/ Didier et autre, inédit N° Lexbase : A7907CZU), n'a pas hésité à condamner l'employeur à indemniser un salarié qui s'était vu promettre, lors de son embauche, une couverture sociale, au titre des risques décès, invalidité et incapacité de travail. Or, en réalité, le salarié n'était pas couvert pour le risque invalidité. La Cour de cassation a fait supporter à l'employeur ce défaut total de garantie en rappelant que "le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe a le devoir de faire connaître, de façon très précise à l'adhérent à ce contrat, les droits et obligations qui sont les siens ; qu'il est responsable des conséquences qui s'attachent à un manquement à ce devoir d'information et de conseil".

La Haute juridiction a également condamné un employeur à payer à la concubine d'un salarié décédé le capital décès garanti par le contrat d'assurance dans la mesure où il n'avait pas attiré l'attention de son salarié sur la manière de désigner efficacement les bénéficiaires de ce capital.

Ces jurisprudences illustrent la dichotomie qui caractérise les régimes de protection sociale d'entreprise : l'engagement de droit du travail de l'employeur ne doit pas se confondre avec ses obligations liées à la souscription d'un contrat d'assurance.

A cet égard, en matière d'information, on notera enfin qu'il ne faut pas confondre la notice d'information prévue par les articles L. 141-4 du Code des assurances, L. 932-6 du Code de la Sécurité sociale, L. 221-6 du Code de la mutualité et 12 de la loi Evin (sur le visa duquel la Cour de cassation rend sa décision) et la notice d'information prévue par l'article L. 135-7 du Code du travail (N° Lexbase : L4701DZ7).

Cet article prévoit que les conditions d'information des salariés et des représentants du personnel sur le droit conventionnel applicable dans l'entreprise et l'établissement sont définies par convention de branche ou accord professionnel et qu'en l'absence de ces textes, le salarié reçoit de l'employeur, lors de l'embauche, une "notice d'information relative aux textes conventionnels applicables dans l'entreprise ou l'établissement".

Par conséquent, lorsqu'un régime de protection sociale complémentaire est mis en place dans l'entreprise par un accord collectif ou un accord référendaire, l'employeur sera tenu de remettre deux notices : celle prévue par l'article L. 135-7 du Code du travail (sauf disposition différente prévue par convention de branche ou accord professionnel) et celle prévue par l'article 12 de la loi Evin et les articles précités des législations applicables en matière d'assurance.

Si le régime est mis en place par décision unilatérale, l'employeur remettra la notice d'information prévue par les articles L. 141-4 du Code des assurances, L. 932-6 du Code de la Sécurité sociale, L. 221-6 du Code de la mutualité et 12 de la loi Evin, mais également l'écrit matérialisant sa décision unilatérale, prévu par l'article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale.

newsid:80322

Procédures fiscales

[Textes] La charte du contribuable de 2005 ou la traduction d'une contractualisation de la relation entre l'administration fiscale et le contribuable

Réf. : La charte du contribuable de 2005

Lecture: 6 min

N9974AIA

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par Karim Sid Ahmed, Docteur en droit

Le 07 Octobre 2010

Les chartes du contribuable, qui se sont multipliées dans les pays occidentaux ces vingt dernières années (Grande-Bretagne en 1986, Canada et Etats-Unis en 1988, Espagne en 1995 etc.), sont le reflet de la nouvelle politique fiscale voulue par les gouvernements de ces Etats. Cette nouvelle conception de la relation antagoniste entre les deux parties se traduit par un changement du statut du contribuable. D'enfant irresponsable, il devient adulte. En cela, il doit être traité avec respect et courtoisie par les services fiscaux. En effet, pendant longtemps le contribuable a été perçu uniquement par les administrations fiscales au mieux comme un irresponsable à qui on ne pouvait accorder qu'une confiance limitée, au pire comme un fraudeur potentiel. Cette vue étroite d'esprit a, pourtant, évoluée à la fin des années 1970 en France, avec l'adoption d'une charte du contribuable vérifié en 1976. Ce document pour la première fois exprime de façon claire, l'idée que l'administration fiscale a des devoirs et que le contribuable a des droits. On passe d'une relation de sujétion à sens unique au profit du fisc à une relation de service. Ce nouvel état des choses trouve son aboutissement dans les pays anglo-saxons avec un changement de dénomination : le contribuable est désigné par le terme "client". Ce changement profond de la pratique administrative s'explique par une prise de conscience quelque peu tardive par l'administration fiscale qu'une relation apaisée avec le contribuable favoriserait une meilleure acceptation de l'impôt par celui-ci. Et permettrait, en outre, d'éviter que se reproduisent les graves contestations fiscales du passé. Si la charte du contribuable est un élément essentiel permettant de comprendre la nouvelle nature des relations entre le contribuable et son administration, deux interrogations demeurent pourtant à son sujet :
- quels sont les droits qu'elles procurent au citoyen ? (1) ;
- quelle est la force contraignant de ces dispositions ? (2). 1. Les droits procurés par la charte au contribuable

Les droits prévus par la charte de 2005 peuvent être classés en deux catégories. Les premiers visent à assurer la sécurité juridique du redevable, alors que les seconds visent à protéger le contribuable de bonne foi qui a pu commettre une erreur.

On recense trois dispositions s'appliquant au contribuable dont la bonne foi est présumée. La première a été instaurée par la loi de finances rectificative pour 2004 (n° 2004-1485, 30 décembre 2004, art. 25 N° Lexbase : L5204GUB). Codifiée à l'article L. 62 du LPF , elle permet au contribuable de bonne foi de régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans ses déclarations souscrites dans les délais et révélées au cours de la vérification fiscale de l'entreprise, moyennant le paiement d'un intérêt de retard égal à 50 % de celui prévu à l'article 1727 du CGI . La procédure de régularisation s'applique aux contrôles engagés après le 1er janvier 2005 et pour lesquels l'avis de vérification a été adressé après cette date.

Pour en bénéficier, les entreprises individuelles ou sociétales qui font l'objet d'une vérification de comptabilité (générale ou ciblée), quelles que soient leur taille et leur forme, doivent en faire la demande expresse.

La deuxième disposition permet au contribuable d'être exonéré d'intérêts de retard, lorsqu'il a fait connaître, par une indication expresse, les motifs pour lesquels il n'a pas déclaré certains éléments.

Enfin, en cas de discordance entre les montants portés sur la déclaration de revenus et les éléments transmis à l'administration par les employeurs, les caisses de retraite et les banques, le redevable pourra procéder à une régularisation sans pénalité, ni intérêt de retard, et sans perdre le bénéfice de l'abattement de 20 % sur les salaires.

Ces différentes mesures ne peuvent, toutefois, recevoir application que dans l'hypothèse où la déclaration a été déposée dans les délais par le contribuable et si sa bonne foi, bien entendu, n'a pas été remise en cause.

Le droit à la sécurité juridique est mis particulièrement en avant dans cette dernière version de la charte de 1976. Celui-ci implique corrélativement un droit à l'information, qui s'exprime, par exemple, dans l'obligation à la charge de l'administration de prévenir le contribuable d'un contrôle sur place ou bien de se faire assister d'un conseil.

Ce droit à la sécurité juridique se concrétise, également, par le droit que possède le contribuable de demander aux services fiscaux de prendre position par écrit sur une question de fait au regard de la loi fiscale. La procédure du rescrit contraint l'administration à se conformer à sa position, sous réserve que le contribuable n'ait pas fait preuve de mauvaise foi. Ainsi, constitue une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait la décision rendue sur la réclamation contentieuse du contribuable, par laquelle l'administration admet que les enfants de sa concubine peuvent être rattachés à son foyer fiscal (CAA, Paris, 2ème ch., 5 décembre 1996, n° 94PA02177, Ministre du Budget c/ Ponzoni, Publié au Recueil Lebon N° Lexbase : A8272BHT).

Cette prise de position formelle peut, également, intervenir lors d'une vérification de comptabilité, où le chef d'entreprise peut demander à l'agent des impôts de trancher sur un point qu'il a examiné précisément et qui n'a pas donné lieu à rectification.

Dans le même ordre d'idée, l'article L. 13 C du LPF (N° Lexbase : L8750G8L) issu de l'article 25, I, 1 ° de la loi de finances rectificative pour 2004 permet à des petites ou moyennes entreprises de demander à l'administration fiscale, sur certains points précisés dans leur demande, de contrôler les opérations réalisées. Dans l'éventuelle découverte d'erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances constatées sur ces points, le contribuable pourra les rectifier par le biais de l'article L. 62 du LPF .

2. La force contraignante des dispositions de la charte

Dans l'avant-propos à la monture 2005 de la charte du contribuable, le ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat indique que les citoyens pourront "se prévaloir de la charte auprès de l'ensemble des agents de l'administration fiscale".

La charte peut être décrite comme un "aide-mémoire" du contrôle fiscal à l'usage du contribuable. Ce qui semblait être le point de vue de la Direction générale des impôts en 1987, pour qui la charte n'était "que l'exposé des règles de droit issues des lois, des textes réglementaires et de la jurisprudence auxquels se conforme l'administration dans l'exercice de sa mission de contrôle" (ministère de l'Economie, des Finances et de la Privatisation, Les procédures du contrôle fiscal, Journées d'étude et d'information, 24 novembre 1987, Imprimerie nationale, p. 18.).

Elle peut être, aussi, vue comme une liste des standards de services que sont en droit d'attendre les contribuables dénommés clients dans les pays-anglo-saxons. Mais, c'est, également, "un corpus de règles opposables à l'administration des impôts dans le domaine des procédures fiscales, à l'exemple de la doctrine administrative dans le domaine de l'assiette de l'impôt" (J. Maïa, La charte des droits et obligations du contribuable vérifié, son utilité et son opposabilité, RJF 2001, n° 4, p. 295).

Cependant, cette valeur contraignante de la charte doit être nuancée pour deux raisons. D'une part, son actualisation dépend des services fiscaux. C'est, en effet, le Bureau du Contrôle fiscal du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie qui prend en compte l'évolution de la législation, de la réglementation et de la jurisprudence. Ces mises à jour régulières peuvent être la source d'une diminution des garanties du contribuable. On pensera, tout particulièrement, à la garantie incluse dans la charte, qui astreignait l'agent des impôts à un dialogue oral avec le contribuable avant l'envoi d'une demande de justifications (CAA Paris, 5ème ch., 3 décembre 1998, n° 96PA00600, Perrodo c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Publié au Recueil Lebon N° Lexbase : A0218AXD). L'administration fiscale, ayant pris connaissance en 1996 de cette garantie, décida de réviser la charte, afin de la supprimer. Les requérants ne purent, par la suite, invoquer cette garantie, pourtant, indispensable (CE, Contentieux, 5 décembre 2001, n° 215649, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Giresse N° Lexbase : A7357AXR ; lire J. Lamarque, L'ESFP et la jurisprudence Giresse sur le dialogue écrit : le facteur sonnera plus de trois fois, DF 2003, n° 26, pp. 857-863 ; CAA Lyon, 2ème ch., 25 octobre 2001, n° 97LY01896, M. René Colomb c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3130BGZ).

La jurisprudence peut, elle aussi, venir restreindre la portée de la charte. Ainsi, le Conseil d'Etat considère que si le contribuable peut opposer une garantie insérée dans la charte, non prévue par la loi ou le règlement, il ne saurait en revanche revendiquer les imprécisions ou défauts d'actualisation du document (CE, 8° et 3° s-s., 20 octobre 2000, n° 204797, Mlle Czepita c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3813ATE ; CE, 8° et 3° s-s., 20 octobre 2000, n° 204814, société anonyme Comelec c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9594AHS).

Finalement, si on doit tirer un bilan de la charte du contribuable version 2005, trois points doivent être mis en exergue :

  • un changement de style marqué par rapport aux versions précédentes. La version 2005 est, en effet, plus proche des chartes anglo-saxonnes avec une diminution du langage juridique pour un vocabulaire plus simple, plus direct, allant dans le sens de ce rapprochement voulu avec le contribuable ;
  • Elle constitue une reprise des 30 mesures annoncées par le ministre des Finances de l'époque M. Nicolas Sarkozy dans sa conférence de presse du 3 novembre 2004 visant cinq objectifs qu'il convient de rappeler : une meilleure sécurité juridique pour les entreprises, une meilleure prise en compte du contribuable de bonne foi, un accompagnement et une aide dans l'accomplissement de son devoir fiscal, une simplification des procédures pour faciliter la vie du contribuable et une plus grande disponibilité envers le contribuable ;
  • On peut, toutefois, regretter une approche infantilisante dans l'écriture de la charte ("il faut éviter des litiges inutiles", "vous ne vous opposez pas à l'action de l'administration"), qui paraît inutile et redondante dans cette volonté louable de rendre plus adulte la relation entre l'administration et le contribuable.

Soulignons, enfin, que ce document ne doit pas être confondu avec la "Charte du contribuable vérifié", remise aux contribuables qui font l'objet d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de situation fiscale personnelle (ESFP).

newsid:79974

Procédures fiscales

[Jurisprudence] Abus de droit et restructuration

Réf. : CA Paris, 1ère, B, 16 septembre 2005, n° 03/08922, M. Eric Marie Olivier Logeais c/ Dircofi (N° Lexbase : A8564DKE)

Lecture: 10 min

N9978AIE

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

La cession d'un groupe en l'état avec ses actifs industriels, commerciaux et ses actifs immobiliers mélangés n'est pas chose facile et sa restructuration par la filialisation de ses immeubles en vue de faciliter sa cession caractérise-t-elle une situation d'abus de droit visée à l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L5565G4U) ? La cour d'appel de Paris a répondu par la négative en considérant que la restructuration du patrimoine immobilier d'un groupe, réalisée dans des délais très brefs en vue de sa cession et aux mieux des intérêts patrimoniaux de son dirigeant, n'est pas nécessairement constitutive d'un abus de droit dans la mesure où cette restructuration s'explique "suffisamment par la logique économique, juridique et pratique de la négociation de la cession du groupe et répond, en outre, à un souci de bonne gestion patrimoniale". Les circonstances du litige sont les suivantes.

Le contribuable et sa famille contrôlaient un groupe constitué d'une société propriétaire d'un laboratoire pharmaceutique, d'une société de commercialisation de médicaments, d'une société civile immobilière d'investissement (SCII), filiale majoritaire de la société détenant le laboratoire pharmaceutique.

Le 31 juillet 1998, la partie industrielle du groupe a été cédée à une société italienne et à sa filiale, l'opération de rachat excluant le parc immobilier du groupe, composé d'un immeuble figurant dans les actifs de la société propriétaire du laboratoire et d'un autre immeuble détenu par sa filiale majoritaire, la SCII.

Ce parc immobilier avait fait l'objet d'opérations successives entre les différentes entités du groupe, d'avril à juillet 1998, en vue de la cession du groupe. Ces opérations sont les suivantes :

  • constitution de deux sociétés anonymes, deux foncières ;
  • apport de l'immeuble détenu par la société propriétaire du laboratoire pharmaceutique à la première SA foncière et de l'immeuble détenu par sa filiale majoritaire, la SCII, à la seconde SA foncière, avec, en contrepartie, remise d'actions ;
  • fusion-absorption de la société propriétaire du laboratoire et de la SCII devenue inutile, le groupe louant, par ailleurs, aux sociétés foncières les immeubles, ainsi, apportés ;
  • cession, enfin, par la société propriétaire du laboratoire des titres nouvellement acquis, au profit du dirigeant propriétaire du groupe avant sa cession devenant, ainsi, propriétaire, au travers des sociétés foncières, des immeubles apportés.

Le trésor n'avait perçu, en matière de droits d'enregistrement sur l'ensemble des opérations, que le droit fixe de 1 500 F (environ 230 euros) acquitté à la constitution de chacune des sociétés foncières, outre le droit de 1 % (plafonné) sur la cession des droits sociaux.

Estimant que le dispositif visait à éluder l'impôt, l'administration engagea la procédure d'abus de droit et rappela, en conséquence, les droits exigibles en cas de mutation à titre onéreux d'immeubles industriels ou commerciaux, assortis de la majoration de 80 % prévue en cas d'abus de droit.

Aux termes de l'article L. 64 du LPF, "ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou une taxe de publicité foncière moins élevés [...] l'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse".

Est constitutif d'un abus de droit, l'acte qui permet d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait normalement supportées s'il n'avait pas passé cet acte. L'intention frauduleuse est, donc, nécessaire à la mise en oeuvre de l'abus de droit. Cette intention se déduit de deux critères alternatifs retenus par la jurisprudence : la simulation (actes à caractère fictifs) et la fraude à la Loi (actes non fictifs, inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder l'impôt).

Aussi, la procédure de l'abus de droit permet, non seulement, de réprimer les actes ayant un caractère fictif, mais également, les opérations (ou montage) ayant pour but exclusif d'éluder l'impôt normalement exigible.

S'agissant plus particulièrement de l'objectif poursuivi par le contribuable, la Cour de cassation (s'alignant sur la position du Conseil d'Etat : CE, Contentieux, 10 juin 1981, n° 19079, Ministre du Budget c/ xxxxx N° Lexbase : A7572AKN) a considéré, à plusieurs reprises, que si le montage litigieux ne présentait pas un objectif exclusivement fiscal, l'abus de droit n'était pas constitué.

Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt de principe rendu le 19 avril 1988 (Cass. com., 19 avril 1988, n° 86-19.079, Madame Dozinel c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A7796AAY) a énoncé "qu'à défaut de fictivité des actes litigieux, l'existence de préoccupations fiscales de la part des parties, licites en elles-mêmes, ne pourraient être retenue que si elle constituait la justification exclusive de l'opération".

Par suite, le but exclusivement fiscal peut être défini comme celui qui ne fait aucune place à des considérations juridiques, économiques, commerciales ou financières et patrimoniale (CA Bourges, 13 mai 2002, n° 01/00974, Direction des services fiscaux du département du Cher c/ M. Guillaume Tabourdeau N° Lexbase : A5294DHK ; CA Paris, 1ère, B, 7 mars 2002, n° 2000/19154, M. Le Directeur des services fiscaux du Val de Marne c/ Madame Despouys Valérie N° Lexbase : A9255A7W ; Cass. com., 21 mars 2000, n° 97-19.735, M. Le Directeur général des impôts, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société anonyme Anciens Etablissements Kuhn et Fleichel, inédit au bulletin, Cassation N° Lexbase : A0590CYI ; Cass. com., 10 décembre 1996, n° 94-20.070, Société RMC France c/ Directeur général des impôts et autre N° Lexbase : A2547ABX ; Cass. com., 21 avril 1992, n° 88-16.905, SA Saphymo Stel c/ DGI N° Lexbase : A9572ATP ; dans le même sens voir également : TGI Nanterre 16 janvier 2001, req. n° 99-14941 ; CE, Contentieux, 21 mars 1986, n° 53002, Ministre du Budget c/ SA "Auriège" N° Lexbase : A3855AMQ) et qui n'est inspiré que par le seul motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales de sorte que dans de telles situations l'administration fiscale se trouve lésée.

Il convient de rappeler que dans l'arrêt "RMC" précité du 10 décembre 1996, la Cour de cassation a conclu à l'absence d'abus de droit, dès lors que la transformation d'une société et la cession ultérieure de ses actions constituaient deux opérations distinctes aux effets multiples. La Cour de cassation soulignait, en l'espèce, que le fait que l'opération comporte des effets juridiques, économiques et financiers différents excluait le but exclusivement fiscal.

Ainsi, et conformément aux arrêts précités, ne sont pas constitutifs d'un abus de droit : la restructuration d'un groupe qui répond à un intérêt économique (la circonstance que les sociétés ont les mêmes dirigeants n'est pas, selon la Cour de cassation, un argument pertinent pour établir le but exclusivement fiscal et fonder l'abus de droit, chacune des sociétés étant juridiquement distincte l'une de l'autre : Cass. com., 21 avril 1992, n° 88-16.905, SA Saphymo Stel c/ DGI, précité), l'assainissement de la situation financière d'une filiale, même si cet assainissement a été réalisé dans des "conditions fiscales optimales", la recherche du moindre coût fiscal étant légitime (CE, Contentieux, 21 mars 1986, n° 53002, Ministre du Budget c/ SA "Auriège", précité), le souci d'assurer au mieux le maintien de l'unité de l'exploitation (TGI Nanterre 16 janvier 2001, req. n° 99-14941 ; Cass. com., 19 avril 1988, n° 86-19.079, Madame Dozinel c/ Directeur général des impôts, précités). Le contribuable n'est, en toute hypothèse, pas en faute s'il ne fait qu'user d'une faculté ouverte par la loi.

Au cas d'espèce, la cour d'appel de Paris se devait, donc, de déterminer au regard de la jurisprudence si, compte tenu des arguments d'ordre économique et juridique, la restructuration du patrimoine immobilier du groupe revenant en définitive à son dirigeant pouvait être validée au regard de l'abus de droit.

Comme le relève très justement la cour, l'administration fiscale a la charge de la preuve, dans la mesure où le Comité consultatif pour la répression des abus de droit n'a pas été saisi. Dès lors que l'administration n'invoquait pas le caractère fictif des actes de l'opération de restructuration immobilière litigieuse, il lui appartenait, ainsi, d'établir que ces actes avaient pour seul but d'éluder les impositions dont était passible l'opération réelle, en l'occurrence, les droits de mutation dus pour un transfert de propriété des immeubles en question au bénéfice du dirigeant du groupe.

A cet égard, la cour rappelle la jurisprudence constante en la matière suivant laquelle "l'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, laquelle peut résulter d'une pluralité d'actes dont aucun, pris isolément, n'est soumis à l'impôt, mais dont l'ensemble des composantes, étroitement liées, aboutit au résultat recherché par les parties".

Or, pour la cour d'appel de Paris, l'examen des circonstances de fait de l'espèce, en premier lieu, dans le cadre général de la vente du groupe, ne conduit pas à constater un abus de droit.

Elle relève, au contraire, qu'il était "prudent, pour avoir le panel d'acquéreurs le plus large possible, de négocier au mieux le prix et éviter la contrainte des délais (compte tenu des règles de préemption ou de publicité en matière immobilière), de pouvoir offrir, soit seulement les actifs industriels et commerciaux, soit à la fois ceux-ci et les actifs immobiliers", observant qu'au demeurant, la filialisation des immeubles d'un groupe industriel est, aujourd'hui, de bonne gestion.

Pour la cour, "seule l'intention globale portée par la filialisation des immeubles étant à apprécier", observant que les échanges de correspondances avec les divers acquéreurs pour la cession du groupe montraient que la question du périmètre de l'acquisition posée au cours des négociations était avérée ; le dernier acquéreur ayant opté, finalement, pour l'exclusion du rachat du patrimoine immobilier, tout en souhaitant en avoir l'usage, au moins dans un premier temps, et se ménager une faculté de rachat partiel.

Ces circonstances ne pouvaient caractériser à elles seules l'abus de droit, dans la mesure où l'administration ne soutenait ni n'établissait que les acquéreurs potentiels seraient les complices d'un montage à finalité purement fiscale.

Enfin, selon la cour, la brièveté des délais de l'opération litigieuse n'est pas davantage significative pour faire tomber l'opération sous le coup de l'abus de droit.

En second lieu, la cour, au regard toujours de l'examen des circonstances de fait de l'espèce, dans le cadre des justifications apportées par le contribuable sur la réalisation de l'opération, relève que celles-ci ne sont pas contredites par l'administration.

Ainsi, la cession au dirigeant du groupe des titres nouvellement acquis par la société propriétaire du laboratoire dans les sociétés foncières, non seulement, permettait "à la fois des négociations souples, de se prémunir contre leur échec possible, d'éviter les problèmes de financement ou ceux du droit de préemption, et d'honorer en toute sécurité la condition posée par la société italienne acquéreuse, de continuer à utiliser les locaux après l'acquisition du groupe réduite à ses actifs industriels et commerciaux, avec option de rachat d'un des immeubles", mais permettait aussi, "en cas d'ouverture de la succession du dirigeant, d'éviter les méfaits d'une indivision possible tout en facilitant le partage".

De même, la cour observe l'absence de démonstration de l'existence d'un abus de droit par l'administration, dès lors qu'elle "ne fait qu'énumérer des solutions alternatives, sans démontrer qu'elles répondent à l'ensemble des exigences susvisées et sans en comparer le coût avec celui de la solution retenue ; qu'ainsi, la cession directe des immeubles au dirigeant du groupe n'évitait pas le risque et le délai du droit de préemption" et que le bail consenti par des sociétés foncières filiales de la société propriétaire du laboratoire "ne diminuait pas la valeur économique de cette société dans le cadre de la négociation de la cession du groupe".

La cour observe, enfin, que "la cession des titres à un tiers, sous la condition que ce tiers consente" au nouvel acquéreur "à la fois un bail sur les immeubles et un droit de rachat seulement pour" l'un des immeubles, "supposait de trouver un tel tiers consentant à une opération pour le moins inhabituelle, ce qui n'était, certes, pas impossible, mais compliquait singulièrement la négociation ; que les conséquences éventuelles de ces solutions alternatives sur la gestion du patrimoine personnel du dirigeant ne sont aucunement envisagées".

La décision de la cour d'appel de Paris s'inscrit, donc, dans le courant de jurisprudence sur la validation d'opérations dans lesquelles l'interêt patrimonial est prédominant. Ainsi, la cour d'appel de Bourges (CA Bourges, 13 mai 2002, n° 01/00974, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Guillaume Tabourdeau, précité) et de Paris (CA, Paris, 1ère, B, 7 mars 2002, n° 2000/19154, M. Le directeur des services fiscaux du Val de Marne c/ Madame Despouys Valérie N° Lexbase : A9255A7W) ont respectivement énoncé "qu'il ne saurait être reproché au contribuable de poursuivre concurremment avec d'autres buts, la réalisation d'une économie d'impôt, la procédure d'abus de droit n'incriminant pas l'habileté fiscale qui consiste à atteindre un objectif économique déterminé en utilisant la méthode soumise à l'imposition la plus légère".

L'abus de droit doit, en conséquence, être écarté lorsque l'opération en cause a été motivée par d'autres motifs que celui d'éluder l'impôt correspondant et au cas particulier a fortiori lorsque la cession au dirigeant du groupe des sociétés foncières issues de sa restructuration conditionnait la cession de l'activité pharmaceutique du groupe.

Les positions respectivement adoptées par les cours d'appel de Bourges et de Paris confirment la solution rendue par la Cour de cassation dans une affaire dans laquelle l'administration avait plaidé l'abus de droit (création d'un GFA, apport d'un domaine agricole par les contribuables, concession d'un bail par le GFA aux contribuables, donation partage portant sur la nue propriété des parts du GFA en bénéficiant de l'exonération de 75 % de leur valeur, consentie par les contribuables à leur fille). Dans cette affaire, la Cour de cassation avait rejeté l'ensemble des arguments de l'administration considérant que le montage ne répondait pas à des préoccupations exclusivement fiscales dans la mesure où il avait également pour objet de sauvegarder l'unité de l'exploitation (Cass.com., 19 avril 1988, n° 86-19.0179 ; dans le même sens : CA Paris, 1ère, B, 7 mars 2002, n° 2000/19154, M. Le directeur des services fiscaux du Val de Marne c/ Madame Despouys Valérie, précité ; TGI Nanterre, 16 janvier 2001, req. n° 99 -1494).

Enfin, on relèvera, dans la décision commentée de la cour d'appel de Paris du 16 septembre 2005, l'observation de cette dernière sur la portée des avis du Comité consultatif pour la répression des abus de droit.

L'administration invoquait, en effet, l'analogie de l'espèce avec celle d'un avis du Comité consultatif pour la répression des abus de droit qui, selon elle, permettait de résoudre le litige en sa faveur.

La cour ne l'a pas suivie sur ce terrain, au motif tiré de ce que s'agissant "d'identifier l'intention d'un redevable d'éluder les impositions dont était passible l'opération réalisée, la seule comparaison d'une espèce à une autre des éléments matériels de cette opération ou de leurs effets est insuffisante".

Elle précise, à cet égard, qu'il convient "d'analyser dans chaque espèce, au-delà de la matérialité des actes, leur signification psychologique ou économique", ce que n'aurait pas fait l'administration étant observé que dans la présente espèce le comité n'a pas été saisi et n'a, donc, pu reconnaître une telle analogie.


Voir, également, sur le sujet :

- Sophie Duval, L'abus de droit : une procédure de lutte contre l'évasion fiscale compatible avec le droit communautaire, Lexbase Hebdo, n° 172 du 16 juin 2005 - édition fiscale (N° Lexbase : N5349AIX).
- Yolande Sérandour, Cadeau, réduction de prix et TVA, Lexbase Hebdo, n° 184 du 6 octobre 2005 - édition fiscale (N° Lexbase : N9092AIL) ;
- Daniel Faucher, Rapport du Comité pour la repression des abus de droit : "état des lieux de l'habileté abusive", Lexbase Hebdo, n° 165 du 28 avril 2005 - édition fiscale (N° Lexbase : N3695AIP) ;
- Jean-Marc Priol, les limites de l'ingénierie fiscale (l'abus de droit) et de la prise de risque (l'acte anormal de gestion), Lexbase Hebdo, n° 115 du 25 mars 2004 - édition fiscale (N° Lexbase : N1196ABW) ;
- Jean-Marc Priol, Liberté d'établissement et présomption d'évasion ou de fraude fiscale, Lexbase Hebdo, n° 113 du 8 avril 2004 - édition fiscale (N° Lexbase : N1015AB9).

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Bancaire

[Textes] Proposition révisée de directive en matière de crédit à la consommation

Réf. : proposition de directive relative à l'harmonisation des dispositions législatives en matière de crédit aux consommateurs

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Le 07 Octobre 2010

La Commission européenne a présenté, le 7 octobre 2005, une proposition révisée de directive, relative aux contrats de crédit aux consommateurs (1). Actuellement, en droit communautaire, le crédit à la consommation est régi par la directive 87/102/CEE (2), modifiée par la directive 90/88/CEE déterminant la formule de calcul du taux annuel effectif global (Taeg) (3) et la directive 98/7/CE précisant le mode de calcul de ce Taeg (4). Dans l'intérêt du consommateur, cette réglementation prévoit, notamment, l'obligation d'indiquer le taux annuel effectif global et offre au consommateur la possibilité de rembourser par anticipation son prêt en contrepartie d'une réduction équitable du coût de ce crédit. Par ailleurs, dans des conditions restrictives, le consommateur peut exercer un recours contre le prêteur lorsque le crédit est destiné à financer des biens ou services qui ne sont pas fournis. La directive 87/102/CE sur le crédit à la consommation repose sur une harmonisation minimale à l'origine d'une diversité des réglementations nationales allant au-delà de celles de la directive. Cette disparité entrave la liberté de circulation dans le domaine des crédits à la consommation. La proposition révisée de directive revient sur cette approche. Objectif de la réforme. L'objectif de cette réforme est de faciliter l'octroi de crédits transfrontaliers en rapprochant les réglementations des Etats membres, tout en offrant des garanties au consommateur. La Commission préconise, d'une part, l'harmonisation des dispositions relatives à la protection des consommateurs et, d'autre part, un principe de reconnaissance mutuelle.

Concernant l'harmonisation, la Commission européenne maintient une harmonisation complète, tout en accordant une certaine flexibilité, aux Etats membres, dans des domaines précis. La proposition révisée précise, ainsi que, dans la mesure où la directive contient des dispositions harmonisées, les Etats membres ne peuvent maintenir ou introduire d'autres dispositions que celles établies par la directive (5).

Par ailleurs, une clause de reconnaissance mutuelle garantit l'ouverture des marchés pour ce type de contrats. Ce principe de reconnaissance mutuelle implique que, pour certains points énumérés par la directive, les dispositions de la législation de l'Etat membre, dans lequel le consommateur possède sa résidence habituelle, sont écartées si leur application à une situation donnée constitue une restriction à la libre circulation des services, dit autrement, si elles sont plus protectrices pour le consommateur. Tel est, notamment, le cas concernant l'information précontractuelle, le délai de rétractation, les transactions liées, et le remboursement anticipé du crédit (6).

Processus de la réforme. Par sa proposition du 7 octobre 2005, la Commission espère extraire ce texte de l'ornière dans lequel il s'est enlisé. Sa proposition initiale date de septembre 2002 (7). Elle a, cependant, rencontré une forte résistance du Parlement européen qui s'est prononcé, une première fois, le 20 avril 2004 et a adopté quelques 150 amendements. La Commission a alors été contrainte de présenter une première révision à l'automne 2004, texte intégrant une grande partie des amendements parlementaires (8). La seconde version présentée le 7 octobre 2005 y ajoute le résultat des consultations menées courant 2005. Le but de la réforme est toujours le même : actualiser la directive 87/102/CEE au regard du développement des nouvelles formes de crédit couvertes au mieux partiellement par l'actuelle directive. Le projet de directive doit, maintenant, être examiné par le Conseil des ministres. Une position commune est attendue pour 2006.

Champ d'application et principales dispositions (9). La proposition révisée concerne, principalement, les contrats de crédit à la consommation, incluant les facilités de découvert (10), lorsque le montant est compris entre 300 euros (11) et 50 000 euros. Il ne s'applique pas aux garanties de tels crédits, et quelque soit le montant, au crédit garanti hypothécaire (12). A coté de ces principales exceptions, la directive dresse une liste de contrats exclus du champ d'application de la directive en raison de leur objectif étranger au crédit à la consommation (13) ou encore des contrats dont le taux est soumis à des conditions dérogatoires (14).

Les principales dispositions de la proposition révisée de directive organisent la protection du consommateur tout au long du processus de conclusion du contrat. La proposition précise l'information à inclure dans la publicité (15), lors de la phase précontractuelle (16), lors de la conclusion du contrat (17), puis, périodiquement, concernant le taux d'intérêt (18). La comparaison des prestations est facilitée par une méthode harmonisée de calcul du coût total du crédit. Ce coût inclut uniquement le coût correspondant aux services conclus avec le prêteur, de telle sorte que cette définition sert de base au calcul du taux annuel effectif global (TAEG) (19).

La protection du consommateur est, également, assurée par une série de mécanismes dérogeant au droit commun des contrats. Tel est le cas du droit de rétractation ouvert au consommateur dans un délai de 14 jours, mais au cours duquel l'établissement prêteur peut mettre les fonds à disposition de son client immédiatement, si celui-ci le souhaite (20). Dans le cas d'un contrat de crédit lié à un achat, la nullité du contrat de vente donne le droit de renoncer au crédit souscrit pour l'acquisition des biens (21). Par ailleurs, en cas de remboursement anticipé, le coût du crédit fait l'objet d'une "réduction équitable" (22).

En dernier lieu, la directive comporte des mesures structurelles, relatives à l'accès aux bases de données concernant le crédit à la consommation (23) et au statut et contrôle des prêteurs et intermédiaires de crédit (24).

Au regard de l'actualité du crédit à la consommation en France, la proposition révisée de directive retient particulièrement l'attention sur la question de la responsabilité du prêteur professionnel (I) et des bases de données (II).

I - Responsabilité du prêteur professionnel

Outre la responsabilité du prêteur professionnel du fait des informations délivrées au consommateur, sa responsabilité risque d'être, notamment, engagée dans deux hypothèses.

En premier lieu, la proposition de directive modifiée prévoit, également, que "les prêteurs et, le cas échant, les intermédiaires de crédit, fournissent au consommateur des explications adéquates grâce auxquelles celui-ci sera en mesure d'estimer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, si nécessaire en expliquant l'information précontractuelle devant être donnée [...] ainsi que les avantages et inconvénients liés aux produits proposés" (25).

Cette obligation dépasse la simple obligation d'information dont le contenu est précisément déterminé par la directive. Elle met à la charge du prêteur une obligation de conseil dont le contenu s'apprécie in concreto. L'étendue des obligations du prêteur est donc susceptible de varier en fonction de l'âge, de la formation et, plus généralement, des compétences de l'emprunteur. Une telle obligation ouvre la porte à un contentieux abondant. Les associations professionnelles, représentant les établissements de crédit, n'ont pas manqué de réagir. Ainsi, la Fédération bancaire française (FBF) s'est déclarée favorable à une obligation d'information envers le consommateur, mais opposée au devoir de conseil qui impliquerait que le prêteur sache tout de l'emprunteur ; ce qui reviendrait à nier la faculté de libre choix et de responsabilité des emprunteurs (26).

En second lieu, selon la proposition de directive modifiée, "prêteur et, le cas échéant, l'intermédiaire de crédit adhèrent au principe de prêt responsable. Par conséquent, le prêteur et, le cas échéant, l'intermédiaire de crédit, respectent leurs obligations concernant la mise à disposition d'informations précontractuelles ainsi que la nécessité, pour le prêteur, d'évaluer la solvabilité du consommateur à partir des informations précises fournies par ce dernier et, au besoin, en consultant la base de données appropriée" (27).

Cette obligation, faite au prêteur, n'est pas sans rappeler la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 26 janvier dernier (28). Le texte, transmis au Sénat, propose d'instaurer un délai de rétractation de sept jours au profit du prêteur (29), afin de lui permettre de vérifier la solvabilité de l'emprunteur. La proposition, initialement examinée par l'Assemblée nationale, prévoyait que le prêteur devait vérifier la situation de solvabilité de l'emprunteur et, notamment, de sa situation d'endettement global et de ses revenus. A défaut, le prêteur était privé du droit d'exercer des procédures de recouvrement à l'encontre de l'emprunteur défaillant, ou du garant, sauf fausses déclarations ou remise des documents inexacts (30). Cette responsabilité du prêteur visait à lutter contre le surendettement actif. Elle a, notamment, été critiquée en raison de la place limitée du surendettement actif par rapport au surendettement passif. Ainsi, une enquête réalisée par la Banque de France en 2001 (31), montre que le nombre de dossiers de surendettement passif consécutifs à un accident de la vie est très supérieur à ceux s'expliquant par surendettement actif, résultant d'une utilisation excessive du crédit à la consommation. Le surendettement passif correspond à 64 % des dossiers. La proposition renforçait, néanmoins, efficacement le dispositif existant, principalement tourné vers le traitement a posteriori du surendettement.

L'obligation de vérifier la solvabilité du consommateur doit être mise en perspective avec la consultation des bases de données existantes.

II - Accès aux bases de données

La dernière version de la directive prévoyait la création d'une base centralisée de données ayant pour but l'enregistrement des consommateurs et des garants qui ont encouru un incident de paiement, les prêteurs devant consulter la base centralisée de données préalablement à tout engagement du consommateur.

Selon la dernière version modifiée de la directive, dans "le cas de crédits transfrontaliers, chaque Etat membre veille à ce que l'accès aux bases de données situées sur son territoire soit garanti aux prêteurs des autres Etats membres à des conditions non discriminatoires. Le consommateur est, s'il le demande, informé sans délai et sans frais du résultat de la consultation d'une base de données" (32).

Les bases de données concernées ne sont pas précisées. En France, est naturellement concerné le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, communément appelé FICP (33). Le Code de la consommation (34), complété par un règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière (35), prévoit expressément les modalités de collecte et de recensement des informations enregistrées dans ce fichier. Il a pour objet de collecter les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. Les établissements de crédit sont tenus de déclarer, à la Banque de France, les incidents.

La proposition de directive soulève, toutefois, la question de l'étendue du droit d'accès. En effet, il résulte de l'exposé de la proposition de directive que la Commission européenne veut garantir un accès mutuel aux bases de données non seulement publiques, mais également aux bases de données privées existantes et ce, sur une base non discriminatoire (36). La Commission européenne dispense ainsi les Etats membres et les acteurs du crédit à la consommation des frais consécutifs à la création d'un tel fichier, tout en contribuant à atténuer l'un des facteurs entravant l'offre de crédit transfrontalier aux consommateurs. Ce principe de non discrimination conduit, toutefois, à nuancer l'étendue de la possibilité d'accéder aux bases de données privées. En effet, cet accès ne sera ouvert aux établissements de crédit, situés dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, que si un tel accès est déjà possible pour les établissements nationaux. Dit autrement, la directive n'oblige pas les établissements de crédit à rendre leurs bases de données privées accessibles à leurs concurrents.

Cette question de la concurrence entre les établissements de crédit est, d'ailleurs, à l'origine des difficultés entourant la création d'un fichier positif de l'endettement. La dernière proposition, en ce sens (37), s'est heurtée, non seulement aux réserves de la Cnil (38), mais également aux réserves des professionnels.

Frédéric Leplat
Avocat au barreau de Lille, Maître de conférences à l'Université de Rouen
Yves Brulard
Avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris, associé Hoche, Demolin, Brulard, Barthelemy


(1) COM (2005), 483, final.
(2) Directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit à la consommation (N° Lexbase : L9737AU8).
(3) Directive 90/88/CEE du Conseil, du 22 février 1990 (N° Lexbase : L7706AUX).
(4) Directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998 (N° Lexbase : L9949AUZ).
(5) Article 21.
(6) Article 21.
(7) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs.
(8) Le 28 octobre 2004, la Commission a adopté une proposition modifiée de directive sur le crédit aux consommateurs faisant suite à l'avis du Parlement européen (PE) du 20 avril 2004.
(9) Article 2.
(10) Selon l'article 3, "un contrat de crédit en vertu duquel un prêteur permet au consommateur de disposer sur son compte courant de fonds qui dépassent le solde de celui-ci, le montant du crédit devant être remboursé dans un délai de trois mois ou sur demande".
(11) Sous réserve de l'application pour les crédits d'un montant de 300 euros des dispositions relatives à l'octroi de crédit sous la forme d'une facilité de découvert.
(12) Sur le crédit hypothécaire v. Commission européenne, Livre Vert sur le crédit hypothécaire dans l'Union européenne, COM (2005), 327.
(13) Notamment, les contrats de location, contrats de crédit-bail, contrats de crédit conclus avec une entreprise d'investissement.
(14) Notamment, les contrats de crédit liés aux prêts accordés à un public restreint, à un taux d'intérêt inférieur à celui prévalant sur le marché ou sans intérêt, lorsque le prêteur remplit une mission statutaire d'intérêt général, les contrats de crédit liés au délai de paiement consenti, sans frais, pour le règlement d'une dette existante, et,sous certaines conditions, les contrats de crédit conclus par des associations sans but lucratif de consommateurs gérant l'épargne de leurs membres.
(15) Article 4.
(16) Article 5 et, pour en cas facilité de découvert, article 6.
(17) Article 9.
(18) Information sur le taux débiteur.
(19) Article 18.
(20) Article 13.
(21) Article 14.
(22) Article 15.
(23) Article 8.
(24) Article 19.
(25) Article 5.
(26) V. la position publiée de la FBF. 
(27) Article 5.
(28) Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à prévenir le surendettement, n° 153, déposée le 26 janvier 2005 et renvoyée à la commission des affaires économiques et du plan.
(29) Article 2 : les deux premières phrases de l'article L. 311-15 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6740ABA) sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :"dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre, l'emprunteur peut revenir sur son engagement".
Article 3 : la première phrase de l'article L. 311-16 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6741ABB) est ainsi rédigée : "le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que, dans le délai de sept jours, ledit emprunteur n'ait pas usé de la faculté de rétractation visée à l'article L. 311-15 et que le prêteur ait fait connaître à l 'emprunteur sa décision d'accorder le crédit".
(30) Article 1er : après l'article L. 311-10 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6735AB3), il est inséré un article ainsi rédigé : art. L. 311-10-1. - "Le prêteur qui a accordé un crédit sans s'être préalablement informé de la situation de solvabilité de l'emprunteur, et notamment de sa situation d'endettement global et de ses revenus, ne peut exercer de procédure de recouvrement à l'encontre de l'emprunteur défaillant, ou de toute personne physique ou morale s'étant portée caution, sauf si l'emprunteur a, en connaissance de cause, fait des fausses déclarations ou remis des documents inexacts en vue d'obtenir un crédit".
(31) Jean-Luc Vatin, Le traitement du surendettement par les commissions départementales, Contrats, conc., consom., octobre, 2005, n° 10.
(32) Article 8.
(33) P.-L. Chatain, F. Ferrière et F. Leplat, Surendettement des particuliers, Dalloz, 3e éd. à paraître.
(34) C. consom., art. L. 333-4 (N° Lexbase : L6934G7X).
(35) Règlement CRBF n° 2004-01 du 15 janvier 2004 (N° Lexbase : L2705DYT), modifiant le règlement n° 90-05 du 11 avril 1990 (N° Lexbase : L2032ATG).
(36) Exposé des motifs (5.3).
(37) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à prévenir le surendettement, n° 153. Sous-section 4 - Répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels. Article L. 313-6-1. - "Il est institué un répertoire national recensant les crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. Ce fichier est géré par la Banque de France. Il est soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS).
Les établissements de crédit visés par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit ainsi que les services financiers de La Poste (N° Lexbase : L7223AGM), sont tenus de déclarer à la Banque de France les principales caractéristiques des crédits accordés à chaque emprunteur, et notamment le montant, le taux effectif global et l'échéancier de remboursement. Les établissements prêteurs transmettent à la Banque de France les modifications des conditions du crédit.
L'inscription est conservée pendant toute la durée d'exécution du contrat.
La Banque de France est seule habilitée à centraliser les informations visées au premier alinéa.

La Banque de France est déliée du secret professionnel pour la diffusion, aux établissements de crédit et aux services financiers susvisés, des informations nominatives contenues dans le fichier à la demande de ceux-ci avec l'accord écrit préalable du souscripteur.
Un règlement du comité de la réglementation bancaire, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du comité visé à l'article L. 614-1 (N° Lexbase : L6278DID), fixe notamment les modalités de collecte, d'enregistrement, de conservation et de consultation de ces informations.
Dans les départements d'outre-mer, l'institut d'émission des départements d'outre -mer exerce, en liaison avec la Banque de France, les attributions dévolues à celle-ci par le présent article.
Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de cet article
".
(38) CNIL, Les problèmes posés par les fichiers regroupant des informations sur la situation financière des individus au regard de la loi du 6 janvier 1978 (fichiers dits "centrales positives"), Rapport de synthèse du groupe de travail présidé par Monsieur Philippe Nogrix examiné en séance plénière le 18 janvier 2005.

newsid:80315

Sociétés

[Jurisprudence] Le liquidateur ne peut opposer au créancier social une insuffisance d'actif pour échapper au paiement de sa créance

Réf. : Cass. com., 11 octobre 2005, n° 03-19.161, M. René Calzia c/ Mme Suzanne Gannaz, F-P+B (N° Lexbase : A8291DKB)

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

La liquidation de la société est une phase incontournable consécutive à la décision des associés ou des tribunaux de dissoudre la société, les associés ne pouvant décider, même à l'unanimité, d'y déroger (Cass. com., 24 octobre 1989, n° 88-12.713, Mme Espuna et autres c/ M. Lecué et autres N° Lexbase : A4121AGQ). Le liquidateur, désigné par les associés (C. com., art. L. 237-18 N° Lexbase : L6392AIL) ou par décision de justice (C. com., art. L. 237-19 N° Lexbase : L6393AIM et L. 237-20 N° Lexbase : L6394AIN) est responsable, tant à l'égard de la société qu'à l'égard des tiers, des conséquences dommageables des fautes commises par lui dans l'exercice de ses fonctions. L'action en responsabilité se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation (C. com., art. L. 237-12 N° Lexbase : L6386AID). Dans un arrêt récent destiné au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (Cass. com., 11 octobre 2005, n° 03-19.161, M. René Calzia c/ Mme Suzanne Gannaz, F-P+B) étaient, notamment, soulevées les questions de la nature de la faute commise par le liquidateur et du préjudice en découlant pour le créancier social, ainsi que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité. Un salarié licencié par la société avait saisi, en 1984, le conseil de prud'hommes d'une action tendant à obtenir le paiement d'une indemnité contractuelle et de dommages-intérêts. Le conseil de prud'hommes, en 1991, ainsi que la cour d'appel, en 1995, ont accueilli les demandes du salarié licencié. Cependant, de manière concomitante, les associés de la société avaient décidé sa dissolution (1987), laquelle avait été logiquement suivie de la clôture des opérations de liquidation (1990) et de la radiation du registre du commerce et des sociétés (1990).

La veuve du salarié licencié ne pouvant plus se retourner contre la société dissoute, liquidée et radiée du registre du commerce et des sociétés, a, alors, assigné le liquidateur en responsabilité personnelle sur le fondement de l'absence de constitution de provision.

Deux questions étaient soulevées par le liquidateur, auteur du pourvoi en cassation : d'une part, le créancier social agissant sur le fondement de l'absence de constitution de provision justifie-t-il d'un préjudice ouvrant droit à réparation, dès lors qu'il est établi que l'actif existant au jour de la liquidation ne permettait pas le recouvrement de la créance ? Le cas échéant, en quoi consiste ce préjudice ?

D'autre part, quel est le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité à l'encontre du liquidateur ?

I - La responsabilité du liquidateur fondée sur l'absence de constitution de provision

Ainsi qu'il l'a été précisé, le liquidateur est responsable à l'égard des tiers des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions. La responsabilité du liquidateur peut, notamment, être engagée pour défaut d'apurement total du passif (Cass. com., 7 décembre 1993, n° 91-18.145, Coopérative agricole de Civray c/ M. Rivet et autres N° Lexbase : A6502ABG) et pour défaut d'information sur l'état de liquidation de la société (voir, notamment, CA Paris, 25e ch., section B, 3 mai 2002, n° 2001/18237, Mme Alliez dite Chollet c/ SA Franfinance location N° Lexbase : A9942A3M).

Il est, en outre, classiquement admis que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision : si le liquidateur ne les provisionne pas, il engage sa responsabilité (voir, notamment, Cass. civ. 2, 1er avril 1974, n° 73-10.143, Bull. civ. II, n° 124 N° Lexbase : A6490CE4 ; Cass. com., 18 juin 1996, n° 94-18.530, M. Alain Cazeneuve et autres c/ M. Nicolas Soggiu N° Lexbase : A2717AGQ ; Cass. com., 9 mai 2001, n° 98-17.187, Mme Annie Le Guern c/ M. Dominique Le Corre N° Lexbase : A4121ATS).

Ainsi, engage sa responsabilité le liquidateur qui clôture les opérations de liquidation sans avoir provisionné le montant d'indemnités de licenciement ou de dommages et intérêts au paiement desquels la société pourrait être condamnée (Cass. com., 23 mars 1993, n° 91-13.430, Auzias c/ Aronica N° Lexbase : A2248AGD). C'est précisément sur ce dernier fondement que la responsabilité du liquidateur dans l'arrêt rapporté était recherchée. La veuve du salarié licencié précisait que le liquidateur avait l'obligation de provisionner les sommes nécessaires à l'apurement de la dette salariale, puisqu'il a pour mission d'apurer intégralement le passif social.

Toutefois, la responsabilité du liquidateur à l'égard des tiers étant de nature délictuelle, il appartient au créancier social d'établir l'existence du préjudice engendré par la faute reprochée au liquidateur. Or, en l'espèce, ainsi que le soulevait le liquidateur, l'actif social existant au jour de la liquidation n'aurait pas permis d'apurer intégralement la créance du salarié licencié de sorte que, selon le liquidateur, aucun préjudice ne résultait de l'absence de provisionnement.

Dès lors, en quoi consistait le préjudice du créancier ?

Les juges d'appel avaient retenu l'existence d'un préjudice consistant en la privation, depuis plusieurs années, d'une somme importante et en l'obligation, pour la veuve du salarié licencié, d'introduire une nouvelle procédure pour tenter d'obtenir le recouvrement de sa créance. En conséquence, ils avaient condamné le liquidateur à payer des dommages intérêts à Madame G..

La Cour de cassation recentre l'argumentation sur la nature de la faute commise par le liquidateur. Après avoir rappelé que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif social, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, la Haute juridiction précise que, "en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société".

Rappelons, en effet, qu'en cas de dissolution, le tribunal peut être saisi dans le délai d'un an à compter de la radiation du RCS consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation si la date de cessation des paiements est antérieure à cette la radiation (C. com., art. L. 621-15 N° Lexbase : L6867AI8).

Il appartient donc au liquidateur, dès lors qu'il constate que l'actif social ne sera pas suffisant pour apurer le passif social à l'issue des opérations de liquidation, de saisir le tribunal de commerce aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Ainsi, le liquidateur ne peut opposer à un créancier social, après s'être fautivement abstenu de garantir par une provision le paiement de sa créance, l'insuffisance d'actif de la société lors de la liquidation.

En effet, comme le souligne une doctrine autorisée, "en clôturant la procédure amiable et en procédant à la radiation de la société du registre du commerce et des sociétés, le liquidateur commet une faute évidente" (C. Champaud et D. Danet, Note sous Cass. com., 9 mai 2001, Consorts de Rubiana c/ Le Corre précité, RTD com. 2001, p. 713).

Il est, en revanche, regrettable que cet arrêt ne permette pas d'appréhender la nature du préjudice subi par le créancier social dans une telle hypothèse.

Si les premiers juges ont logiquement admis que le préjudice du créancier social pouvait consister en la privation d'une somme importante d'argent et l'obligation d'introduire une nouvelle procédure pour obtenir le recouvrement de la créance, cela ne nous semble pas suffisant.

A notre sens, il pourrait s'agir également d'une perte de chance d'obtenir le recouvrement de sa créance.

II - La prescription de l'action en responsabilité du liquidateur

L'action en responsabilité contre un liquidateur se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation (C. com., art. L. 237 -12 précité et C. com., art. L. 225-254 N° Lexbase : L6125AIP), étant précisé qu'il répond, même après la cessation de ses fonctions, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de celles-ci (Cass. com., 3 novembre 2004, n° 02-18.797, F-D N° Lexbase : A7582DD8).

Pour déterminer le point de départ du délai triennal, il est, désormais, acquis que la prescription de l'action ne peut commencer à courir qu'au jour où les droits des victimes du fait dommageable imputé à ce liquidateur ont été définitivement reconnus par une décision de justice (voir, notamment, Cass. com., 7 décembre 1993, n° 91-15.605, M Leopard c/ Société Oerskov-Maskinfabrik N° Lexbase : A5741ABA). 

En l'espèce, le liquidateur, assigné par Madame G. par acte en date du 3 septembre 1996, opposait une exception de prescription de l'action. Il prétendait, notamment, que le jugement du conseil de prud'hommes en date du 25 octobre 1991, étant exécutoire à titre provisoire, faisait courir la prescription.

Les juges d'appel, suivis pas la Haute juridiction, ont retenu à juste titre que seul l'arrêt de la cour d'appel du 31 janvier 1995 fixait définitivement le montant de la créance de Madame G..

Cet arrêt confirme donc des solutions précédemment acquises. S'il est patent que le créancier social subit un préjudice lié à l'absence de constitution de provision, il reste à déterminer la nature précise de ce préjudice lorsque, comme tel était le cas dans l'arrêt rapporté, l'actif social ne permettait pas, à la date de liquidation, d'assurer le recouvrement de la créance.

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Bancaire

[Evénement] Comment appréhender les services bancaires et financiers en ligne ?

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Le 07 Octobre 2010

Le 20 octobre 2005, les éditions formations entreprises (EFE) ont organisé, à l'étoile Saint-Honoré, un séminaire intitulé "Droit bancaire : actualité 2005". C'était, ainsi, l'opportunité, pour les juristes de banque, de faire le point, par le biais d'éminents spécialistes de la matière, sur les principales actualités de l'année. Marie-Elisabeth Mathieu, directrice scientifique de la base encyclopédique de droit bancaire Lexbase, est intervenue dans l'un de ses domaines de prédilection, les transactions bancaires et financières en ligne. C'est l'occasion, dans nos colonnes, de retranscrire fidèlement les propos de M.-E. Mathieu, sur un sujet qui sera, sans conteste, l'un des piliers de l'actualité 2006 ! Dans la vente à distance, il n'y a pas de présence physique et simultanée des parties au contrat mais bien l'utilisation d'une technique de vente à distance. Ainsi, il convient d'emblée de faire une distinction : il ne s'agit donc pas le cas des contrats conclus en ligne et exécutés hors ligne, ou des contrats dont l'offre est transmise en ligne et la conclusion hors ligne. Ce sont des contrats dont l'offre, la conclusion et l'exécution se réalisent en ligne.

La notion de services financiers n'est pas définie en droit français. Il s'agit de tout service ayant trait à la banque, à l'assurance, aux retraites individuelles et au paiement.

L'objectif est d'améliorer la protection du consommateur et, par conséquent, du client du prestataire, pour développer le marché de détail des services financiers.

Néanmoins, ce droit spécial ne résout pas l'ensemble des questions propres aux transactions en ligne. Il sera donc nécessaire de faire appel aux dispositions de droit commun du commerce électronique, dispositions qui viendront compléter le cadre juridique des transactions bancaires et financières en ligne.

I - La protection du client lors de l'achat de services financiers en ligne

Pour M.-E. Mathieu, un droit spécial propre aux services financiers à distance est en train de naître et les règles de protection du client se préparent.
Il est calqué sur le dispositif existant en matière de contrat à distance, dispositif qui excluait expressément de son champ d'application les services financiers.
En réalité, on va créer dans le Code de la consommation et dans le Code monétaire et financier une section spéciale consacrée aux services financiers à distance. Cette section reprendra les règles de la directive. Il existe, alors, deux types de protection, l'une avant la conclusion du contrat, l'autre après.

A - L'offre de contracter en ligne

L'offre en ligne est précédée d'une étape : la publicité ou le démarchage auprès d'une personne déterminée.

La publicité en ligne. Lorsqu'elle est diffusée au public, elle doit, d'après la loi n° 2004-575, du 21 juin 2004, pour la confiance en l'économie numérique (N° Lexbase : L2600DZC), être clairement identifiée comme telle et clairement désigner la personne pour le compte de laquelle elle est réalisée. En conséquence, une publicité non équivoque faite à tous les internautes est licite.

Le démarchage bancaire et financier. Constitue, suivant l'article L. 411-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9395DYM), "un acte de démarchage bancaire ou financier toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d'obtenir, de sa part, un accord" sur un certain nombre de services ou d'opérations.

Peuvent, ainsi, faire l'objet de démarchage, les opérations sur instruments financiers, de banque et connexes ainsi que les services d'investissement et services connexes et, enfin, les opérations sur les biens divers. Pour pouvoir démarcher en ligne, il faut une prise de contact non sollicitée.
Dans le cas du démarchage en ligne, il y aurait acte de démarchage en cas d'envoi sporadique d'un courrier non sollicité à un client potentiel.
Pour qu'il y ait démarchage, il faut une démarche active du fournisseur de services financiers.
Toute démarche active, du fait de l'internaute, emporte exclusion du champ d'application du démarchage : l'abonnement volontaire à une lettre électronique, l'utilisation d'un lien hypertexte vers un site marchand, etc.

L'ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005, relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs (N° Lexbase : L8431G8R), prévoit une liste d'information à transmettre à la personne démarchée avant la conclusion du contrat (C. mon. fin., art. L. 341-12 N° Lexbase : L7406G98).

Une liste d'information doit être transmise en temps utile et avant que le consommateur ne soit lié par un contrat. Ces informations portent sur l'identité du prestataire, le service financier proposé, le contrat à distance, les recours, etc.

Elles s'ajoutent à celles déjà prévues par les réglementations spécifiques à chaque produit, service ou instrument financier, proposé et à celle de l'article 1369-4 du Code civil (N° Lexbase : L6355G9A).

Les informations à transmettre sont :

- celles de l'article L. 121-20 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1037HBZ) ;
- celles propres à chaque service financier ;
- celles de l'article 1369-4 du Code civil.

Pour M.-E. Mathieu, il existe un aléa. En effet, devant cette quantité d'information, le client pourrait être noyé au risque alors de ne pas en prendre connaissance.

Enfin, quel support permettra un mode de transmission ; qu'est ce qu'un support durable?

Un support durable est un support qui permet le stockage, la consultation ultérieure du document archivé, et sa reproduction fidèle. En fait, l'information doit être communiquée sous une forme qui lui permet d'être consultée et reproduite ultérieurement. Des exemples sont donnés dans la directive : disque dur, dvd, disquette, cedérom... En réalité, l'offre doit pouvoir être archivée par son auteur et donc par le prestataire.

Mais à tout moment, le consommateur peut exiger un support papier.

B - Le droit de rétractation après la conclusion du contrat

Ce droit est une protection spécifique de toute vente à distance.

Dans la vente à distance classique, le droit de rétractation est de 7 jours francs à compter de l'acceptation de l'offre.

Pour les services financiers en ligne, ce délai est de 14 jours francs (30 jours pour l'assurance-vie) à compter de la conclusion du contrat.
M.-E. Mathieu a insisté sur le fait que ce délai n'est pas un délai de réflexion : ce droit ne suspend pas la formation du contrat. En conséquence, le consommateur peut être tenu de payer le service financier qui lui aurait été, effectivement, fourni avant sa rétractation.
Par ailleurs, les contrats soumis au droit de rétractation "ne peuvent recevoir de commencement d'exécution par les parties avant l'arrivée du terme de ce délai qu'avec l'accord du consommateur".

Un choix est donc offert au client :
- soit il préfère attendre la prescription du délai pour entamer l'exécution du contrat et il utilise, en réalité, ce délai de rétractation qui est un délai de réflexion ;
- soit il commence l'exécution de sa transaction, tout en sachant qu'il peut encore se rétracter, mais il sera tenu pendant le temps d'exécution du contrat à payer le service réellement fourni par le prestataire.
C'est un droit de résiliation : une clause de dédit sans indemnité.

II - L'articulation des règles nouvelles avec le droit des contrats électroniques

A - La formation du contrat : la loi pour la confiance en l'économie numérique du 22 juin 2004

Selon l'article 1369-1 du Code civil (N° Lexbase : L6352G97), "son auteur reste engagé tant qu'elle est accessible par voie électronique de son fait".
Personne ne peut être lié par une offre contre son gré. Sur le réseau, l'offre peut être permanente et les fraudeurs peuvent, par des "mémoires caches", faire survivre l'offre à la suppression.
Dans ce cas, l'auteur de l'offre ne sera pas responsable.
Mais lorsque l'offre est faite au public sans durée déterminée, il est préférable d'être vigilant et de retirer l'offre dès que l'on estime devoir la retirer.

A défaut, l'auteur risque d'être indéfiniement tenu par son offre, à moins de considérer de manière classique que l'offre lie son auteur pendant un délai raisonnable.

B - La preuve du contrat ou l'exigence de sécurité

Comment va-t-on démontrer l'existence d'une transaction électronique, s'assurer de sa non-contestation, de l'identité de son correspondant, de la confidentialité des données transmises, de leur intégrité au cours de la transmission ? Autant de questions qui trouvent une réponse dans le système élaboré par le Code civil, mais aussi dans la technique.

  • La réponse du Code civil : la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique (N° Lexbase : L0274AIY)

Il est nécessaire que l'écrit électronique équivale à l'écrit papier.

Selon l'article 1316-1 du Code civil (N° Lexbase : L0627ANK), "l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établit et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité". 

Comment identifier l'acte ? Par la signature.
Cette identification est capitale pour les ouvertures de compte en ligne et pour toutes les opérations bancaires et financières. La question est celle de l'authentification du client.
Par la signature électronique sécurisée, tel que décrite à l'article 1316-4 du Code civil (N° Lexbase : L0630ANN) qui identifie l'acte écrit, on entend qu'elle "consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification".

Ce procédé sera présumé fiable si la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, conformément aux conditions posées par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article 1316-4 du Code civil et relatif à la signature électronique (N° Lexbase : L1813ASX).

En pratique, il sera fait appel à des tiers, "tiers de confiance", véritables prestataires de services (prestataires de services de certification) qui ont pour mission de garantir la fiabilité, l'identité, et l'intégrité de la signature et donc de l'acte auquel elle s'attache. Ils sont accrédités par les pouvoirs publics.

Pour réaliser cette mission, ils doivent créer un dispositif sécurisé de signature électronique et délivrer des certificats électroniques qualifiés pour vérifier l'imputabilité de la signature à l'auteur de l'acte.
Les fournisseurs de prestations bancaires ou financières doivent proposer à leur client un service en ligne sécurisé, en ayant recours à la technique de certification : soit en ayant recours à un tiers, soit en se faisant accréditer.

La signature électronique valide la transaction sur support électronique, mais c'est la technique qui assure sa confidentialité et sa conservation.

  • La réponse de la technique

On pense, en premier lieu, à la cryptologie, technique de protection de la confidentialité des documents. 

Crypter, c'est transformer un message clair en un message codé compréhensible, seulement par celui qui détient le code. On a, le plus souvent, recours à la cryptographie asymétrique qui garantit l'identité de l'émetteur. 

Plus communément, on a affaire à la technique de la carte à puce. Concrétement, un client fait la demande d'accéder aux services en ligne sécurisés proposés par l'établissement de crédit. Par la suite, l'établissement récupère les informations sur le client (téléchargement de sa carte d'identité et vérification par une lettre du domicile déclaré). Il émet, alors, une carte à puce affectée à ce client qui est personnalisée et sécurisée par un certificat électronique par l'autorité de certification. Enfin, lorsque le client voudra accéder aux services en ligne ou signer une transaction, il utilisera cette carte qui permettra de l'authentifier et à l'établissement de contrôler la transaction.

Le client pourra donc se connecter à un service en ligne sécurisé qui assure l'authentification mutuelle, le chiffrement des échanges et la signature en utilisant des certificats sécurisés.

Propos recueillis par Damien Mancel
SGR Droit commercial

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