La lettre juridique n°187 du 27 octobre 2005

La lettre juridique - Édition n°187

Éditorial

PLF 2006 : 25 octobre 2005, une nouvelle "journée des Dupes" ?

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Les années parlementaires se suivent et... se ressemblent. A l'inflation législative galopante, se conjugue, presque hors du temps, ce moment privilégié de la vie politique française que constitue le vote du budget. Ainsi, à l'orée de l'automne, le Gouvernement dévoile "sa" réforme fiscale fondée sur de nobles considérations générales (réforme de l'imposition des personnes physiques, réforme de l'imposition locale des entreprises, adaptation de la fiscalité à l'évolution de l'environnement économique...) ; et 544 pages d'amendements plus tard, le peuple souverain, par le truchement de l'Assemblée nationale, vote, ce 25 octobre 2005, le volet "recettes" (volet le plus suivi par la grande majorité des contribuables, des amoureux des dédales et imbroglios fiscaux, et des aficionados de ce sport élitiste que l'on appelle l'évasion fiscale) du projet de loi de finances pour 2006 (PLF 2006). C'est incongru à dire, mais jamais majorité parlementaire ne se sera sentie aussi seule au moment du vote du budget. Si nous laissons de côté les amertumes politiques -car tel n'est pas ici notre propos-, du moins conviendrons-nous que la fracture entre les partisans d'un pragmatisme fiscal au soutien de la "tranquillité" économique de la France et de la pérennité de son tissu social, et les "gardiens de l'orthodoxie" budgétaire, chantres de la sincérité économique, est de plus en plus apparente. Mais tout cela ne nous ramènerait-il pas à un certain 10 novembre 1630, que d'aucuns avaient taxé de "journée des Dupes" ? Pourtant, tout est dans le texte, dans le Grand Livre de la réforme fiscale : promouvoir le travail (instauration d'un crédit d'impôt sur le revenu pour les personnes qui changent d'habitation principale pour retrouver une activité salariée) ; soutenir le pouvoir d'achat (aménagement du régime des réductions de droits applicable aux donations) ; faire face à l'augmentation des prix du pétrole (modification du régime fiscal privilégié des biocarburants) ; améliorer la compétitivité des entreprises (renforcement du crédit d'impôt recherche et mesures en faveur du capital-risque) ; simplifier et sécuriser les relations du contribuable avec l'administration. Pour autant, l'ensemble de ces mesures constitue-t-il la réponse ad hoc aux maux français que représentent la ponction fiscale (au point que l'on veuille inscrire, dans le marbre constitutionnel, un "bouclier" fiscal anti-confiscatoire) et le sentiment d'injustice sociale que suscitent, dans l'opinion publique, les "niches" fiscales (400 dispositifs différents répertoriés et une recommandation du Conseil des impôts, en 2003 : les simplifier et les limiter à leur stricte efficacité). Aussi, fixer ce seuil confiscatoire à 60 % des revenus du contribuable et plafonner à 8 000 euros le montant des niches qu'un contribuable pourra cumuler sur une même année fiscale (mesure concernant 7 000 foyers fiscaux pour un gain budgétaire de 50 millions d'euros, face au 50 milliards que coûtent ces mêmes niches) permettront-il de réaffirmer haut et fort le principe du consentement à l'impôt ? "Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée" (DDHC, art. 14). Au regard de ces grands principes, la réforme fiscale a-t-elle pour téléologie l'adhésion (quasi-complète) d'un peuple à son système fiscal ; ou comme le pensait Edgar Faure, "c'est quand vous promettez de réduire les impôts sur les choses qui étaient taxées depuis longtemps et que vous en créez de nouveaux sur celles qui ne l'étaient pas encore" ? Les éditions juridiques Lexbase consacrent leur édition fiscale, cette semaine, à la présentation des principales mesures inscrites au PLF 2006.

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Social général

[Jurisprudence] Seuils d'effectifs : un arrêt du Conseil d'Etat en demi-teinte

Réf. : CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération générale du travail et autres (N° Lexbase : A9978DKR)

Lecture: 12 min

N0047AKX

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Le 07 Octobre 2010

Les opposants à la réforme excluant du calcul des seuils d'effectifs les jeunes de moins de 26 ans (loi du 26 juillet 2005 n° 2005-846 habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : L8804G9X et ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises N° Lexbase : L0757HBN) se sont manifestés par la voie judiciaire qui, jusqu'à présent, ne leur pas donné raison. En effet, le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2005-521 DC du 22 juillet 2005, Loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : A1642DKZ), saisi par les parlementaires, n'a pas censuré la loi du 26 juillet 2005. Le Conseil d'Etat vient de rendre une décision le 14 octobre 2005, saisi par la CGT, la CFDT, la CGC, la CFTC et FO, qui demandaient l'annulation de cette ordonnance. La décision, en demi-teinte, déboute les syndicats de l'ensemble de leurs prétentions (1), sauf sur le point de la carence des institutions représentatives du personnel résultant d'une dispense (par le jeu même de l'ordonnance n° 2005-892) préjudiciable aux salariés dans le cadre d'un licenciement économique collectif, tel que prévu par les Directives 98/59/CE du 20 juillet 1998 (N° Lexbase : L9997AUS) et 2002/14/CE du 11 mars 2002 (N° Lexbase : L7543A8U). Le Conseil d'Etat prononce un sursis à statuer sur les requêtes jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée (2).
Décision

CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération générale du travail et autres (N° Lexbase : A9978DKR)

Textes applicables :
- Préambule de la Constitution (N° Lexbase : L6815BHU) ;
- Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (N° Lexbase : L9900AU9) ;
- Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatifs aux licenciements collectifs (N° Lexbase : L9997AUS) ;
- Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (N° Lexbase : L7543A8U) ;
- Loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : L8804G9X) ;
- Décision du Conseil constitutionnel n° 2005-521 DC du 25 juillet 2005 (N° Lexbase : A1642DKZ).

Lien bases :

Faits

1. Requête de la CGT, la CFDT, la CGC, la CFTC et FO : demande l'annulation de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005.

Les requérants invoquaient :
- la méconnaissance du champ de la loi d'habilitation n° 2005-846 ;
- la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ;
- la méconnaissance du principe d'égalité ;
- la méconnaissance de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 ;
- la méconnaissance des objectifs des Directives 98/59/CE du 20 juillet 1998 et 2002/14/CE du 11 mars 2002.

Solution

1. Aucun des moyens invoqués par les syndicats contre l'ordonnance n° 2005-892 n'est retenu par le Conseil d'Etat, sauf le dernier moyen, portant sur les Directives 98/59/CE du 20 juillet 1998 et 2002/14/CE du 11 mars 2002.

2. Il est sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) se soit prononcée sur les questions suivantes :

Compte tenu de l'objet de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002, qui est d'établir un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements situés dans la Communauté, le renvoi aux Etats membres du soin de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés que cette directive énonce, doit-il être regardé comme permettant à ces Etats de procéder à la prise en compte différée de certaines catégories de travailleurs pour l'application de ces seuils ?

Dans quelle mesure la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 peut-elle être interprétée comme autorisant un dispositif ayant pour effet que certains établissements occupant habituellement plus de 20 travailleurs se trouvent dispensés, fût-ce temporairement, de l'obligation de créer une structure de représentation des travailleurs en raison de règles de décompte des effectifs excluant la prise en compte de certaines catégories de salariés pour l'application des dispositions organisant cette représentation ?

3. Il est demandé à la CJCE que ces questions, dont la réponse, eu égard au caractère limité dans le temps du dispositif litigieux qui doit cesser de produire effet au 31 décembre 2007, présente un caractère exceptionnellement urgent, soient examinées conformément à la procédure prévue à l'article 104 bis de son règlement de procédure.

Observations

1. Ordonnance n° 2005-892 : un dispositif validé, en partie, par le Conseil d'Etat

1.1. Conformité de l'ordonnance n° 2005-892 à la loi d'habilitation n° 2005-846

Les requérants contestaient l'écart entre la loi d'habilitation du 26 juillet 2005 et sa mise en oeuvre par le pouvoir réglementaire au titre de l'ordonnance n° 2005-892 : le Conseil d'Etat n'a pas été convaincu.

En effet, selon le juge administratif, il résulte de la loi du 26 juillet 2005 que le législateur n'a pas entendu limiter à certaines dispositions du Code du travail la possibilité conférée au Gouvernement de modifier les règles de décompte des effectifs mais l'a, au contraire, habilité à aménager toutes celles de ces règles dont la modification lui paraîtrait de nature à atteindre l'objectif, fixé par la loi, de favoriser l'embauche par les entreprises de salariés âgés de moins de 26 ans.

De plus, selon le Conseil d'Etat, si larges soient-ils, les aménagements aux règles de décompte des effectifs auxquels a procédé l'ordonnance n° 2005-892 sont bien en rapport avec cet objectif d'intérêt général.

1.2. Conformité partielle au droit de la représentation du personnel

L'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005, en modifiant les règles de décompte des effectifs, influence directement la mise en place des institutions représentatives du personnel ou du CHSCT, laquelle est fonction des effectifs de l'entreprise.

En effet, l'ordonnance n° 2005-892 permet, par exception au principe général défini par l'article L. 620-10 du Code du travail (N° Lexbase : L7732HBY), une non-prise en compte des jeunes de moins de 26 ans du calcul des effectifs dans toutes les dispositions du Code du travail qui font intervenir la variable seuil d'effectifs : seuil de déclenchement de la mise en place des institutions représentatives du personnel, seuil de déclenchement d'un régime propre dans le droit des licenciements, dispositions liant l'obtention de certains droits des salariés à des seuils (procédures de licenciement, participation, congés, formation...) ainsi que celles qui sont relatives à l'hygiène et à la sécurité (locaux de premiers secours, CHSCT...).

  • Mise en place des institutions représentatives du personnel

Le Sénat a montré qu'il était réticent à la réforme mise en place par l'ordonannce n° 2005-892, sur le point précis de la mise en place des institutions représentatives du personnel : "même si elle comprend que la priorité soit aujourd'hui accordée à la création d'emplois, [le Sénat] regrette les conséquences de cette disposition sur la représentation du personnel et la présence syndicale dans l'entreprise. Il serait certainement souhaitable de réfléchir aux moyens propres à renforcer la présence syndicale dans l'entreprise, et à y conforter la représentation du personnel, qui sont des préalables indispensables au développement du dialogue social auquel votre commission est très attachée" (1).

Pourtant, dans sa décision DC 2005/521 rendue le 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel n'a pas émis de critiques ni de réserves : l'article 1er-5ème de la loi d'habilitation n° 2005-846 n'autorise qu'un aménagement des règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail ou d'obligations financières imposées par d'autres législations, et non du contenu desdites dispositions ou obligations.

Aussi, le Conseil constitutionnel a rejeté les moyens invoqués par les parlementaires, le grief tiré de la méconnaissance du droit des salariés de participer à la détermination de leurs conditions de travail ainsi que de leur droit au repos et à la protection de la santé, énoncés par les huitième et onzième alinéas du Préambule de 1946.

Le motif principal tient à ce qu'aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle, n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes rencontrant des difficultés particulières : il pouvait donc, en vue de favoriser le recrutement des jeunes âgés de moins de 26 ans, autoriser le Gouvernement à prendre des dispositions spécifiques en ce qui concerne les règles de décompte des effectifs.

Devant le Conseil d'Etat, les syndicats invoquaient le même moyen tiré de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. Dans sa décision rapportée, le Conseil d'Etat apporte la même réponse que celle du Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 22 juillet 2005.

Les dispositions attaquées de l'article 1er de l'ordonnance du 2 août 2005 ne procèdent qu'à un aménagement des règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail. Elles ne modifient pas le contenu de ces dispositions et ne privent pas d'effectivité la portée de celles qui mettent en oeuvre le principe énoncé au huitième alinéa du préambule.

Par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'ordonnance attaquée a été prise en méconnaissance de ce principe.

  • Mise en place du CHSCT

Devant le Conseil d'Etat, les syndicats invoquaient un moyen tiré de la méconnaissance de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 que les parlementaires n'avaient pas soumis au Conseil constitutionnel.

Il faut rappeler que la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 (art. 9 § 2) prévoit que les Etats membres définissent, compte tenu de la nature des activités et de la taille des entreprises, les obligations auxquelles doivent satisfaire les différentes catégories d'entreprises, en ce qui concerne l'établissement des évaluations portant sur les risques pour la sécurité et la santé au travail, de la définition des mesures de protection à prendre, de la liste des accidents du travail et des rapports concernant ces accidents du travail.

En droit interne, les dispositions du titre III du livre II du Code du travail relatives à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail garantissent le respect de ces obligations, en prenant en compte la taille de l'établissement, la nature de son activité, le caractère des risques qui y sont constatés ainsi que le type des emplois occupés par les salariés concernés.

Selon le Conseil d'Etat, si l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises introduit par l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 peut affecter la portée de celles des dispositions du Code du travail qui prennent en compte la taille de l'entreprise quant à la nature ou à l'étendue de ses obligations en la matière, cet aménagement n'est pas incompatible avec les objectifs de la directive 89/391/CEE, laquelle laisse aux Etats membres la faculté de faire varier ces obligations en fonction de la taille de l'entreprise et n'impose aucun mode de calcul de cette taille.

Aussi, le moyen tiré de la contrariété de l'ordonnance n° 2005-892 avec les dispositions de cette Directive ne peut être accueilli, selon le Conseil d'Etat, par l'arrêt rapporté.

1.3. Conformité au principe d'égalité entre salariés et entre employeurs

Enfin, les syndicats invoquaient devant le Conseil d'Etat un moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité.

Le Conseil d'Etat rappelle que selon la loi du 26 juillet 2005 (art. 1), la possibilité d'exclure du décompte des effectifs les salariés âgés de moins de 26 ans résulte, dans son principe, de la loi, le législateur ayant laissé à l'appréciation du Gouvernement, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le choix des mesures propres à satisfaire l'intérêt général qui s'attache à l'accroissement du recrutement par les entreprises de tels salariés.

Les aménagements auxquels a procédé l'ordonnance n° 2005-892 sont en rapport avec cet objectif d'intérêt général et ne sont pas manifestement disproportionnés. Le Conseil d'Etat s'aligne sur la décision précitée du Conseil constitutionnel du 22 juillet 2005, selon laquelle les règles de droit commun en matière de décompte des effectifs s'appliqueront à nouveau lorsque les intéressés atteindront l'âge de 26 ans. Aussi, les différences de traitement qui peuvent résulter de la loi d'habilitation n° 2005-846 répondent à une fin d'intérêt général qu'il appartenait au législateur d'apprécier et ne sont, dès lors, pas contraires à la Constitution.

2. Ordonnance n° 2005-892 : un dispositif invalidé par le Conseil d'Etat

2.1. Non-conformité au droit de la consultation des représentants du personnel au titre de la réglementation communautaire sur le licenciement

Le dernier moyen invoqué par les syndicats portait sur la non-conformité de l'ordonnance n° 2005-892 avec le droit communautaire, parce que l'aménagement des règles de décompte des effectifs conduirait à méconnaître les objectifs des Directives 98/59/CE du 20 juillet 1998 et 2002/14/CE du 11 mars 2002.

Le droit communautaire des licenciements économiques est composé de deux sources essentielles : la Directive n° 98/59/CE du 20 juillet 1998 et la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 (2).

La Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 définit comme travailleur toute personne protégée à ce titre par la législation nationale sur l'emploi. Elle prescrit aux Etats membres d'organiser l'information et la consultation des travailleurs dans les établissements qui en emploient au moins 20 salariés ou les entreprises qui en emploient au moins 50. Cette Directive 2002/14/CE précise que les Etats membres déterminent le mode de calcul des seuils de travailleurs employés.

Selon la Directive n° 98/59/CE du 20 juillet 1998, cette information et cette consultation doivent prendre la forme de procédures portant sur les possibilités d'éviter ou de réduire le nombre des licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d'en atténuer les conséquences par des mesures sociales d'accompagnement dans tous les cas où au moins 10 travailleurs ont été licenciés pendant une période de 30 jours, dans les entreprises employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs.

Dans un premier temps, le Conseil d'Etat rappelle utilement que les dispositions de l'ordonnance n° 2005-892 n'ont pas directement pour effet d'exclure l'application des dispositions du Code du travail qui mettent en oeuvre les objectifs de ces directives c'est-à-dire, d'une part, celles de l'article L. 421-1 (N° Lexbase : L6352ACA) prévoyant l'élection de délégués du personnel dès lors qu'un effectif d'au moins 11 salariés est atteint dans l'établissement pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 années précédentes et, d'autre part, celles de l'article L. 321-2 (N° Lexbase : L0048HD7) selon lesquelles les employeurs qui envisagent de procéder à un licenciement pour motif économique sont tenus de réunir et de consulter le comité d'entreprise ou les délégués du personnel lorsque le nombre de licenciements envisagés est au moins égal à 10 dans une même période de 30 jours (mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi).

Mais, dans un second temps, le Conseil d'Etat, par l'arrêt rapporté, relève que dans le cas d'entreprises (ou établissements) comportant plus de 20 travailleurs, spécialement parmi lesquels moins de 11 sont âgés de 26 ans ou plus, l'application de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 peut avoir pour conséquence, ainsi que le relèvent les syndicats requérants, de dispenser l'employeur de l'obligation d'assurer l'élection des délégués du personnel, et donc finalement de faire obstacle au respect de l'obligation de consultation édictée par l'article L. 321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0048HD7).

2.2. Questions préjudicielles

Dans ces conditions, la réponse aux moyens dont le Conseil d'Etat est saisi à l'encontre de l'ordonnance n° 2005-892 soulève deux questions déterminantes :

- Compte tenu de l'objet de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 (art. 1 : établir un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements situés dans la Communauté), le renvoi aux Etats membres du soin de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés que cette directive énonce doit-il être interprété comme permettant à ces Etats de procéder à la prise en compte différée de certaines catégories de travailleurs (jeunes de moins de 26 ans) pour l'application de ces seuils ?

- Dans quelle mesure la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 peut-elle être interprétée comme autorisant un dispositif ayant pour effet que certains établissements occupant habituellement plus de 20 travailleurs se trouvent dispensés (ne serait-ce temporairement, jusqu'au 31 décembre 2007) de l'obligation de créer une structure de représentation des travailleurs en raison de règles de décompte des effectifs excluant la prise en compte de certaines catégories de salariés pour l'application des dispositions organisant cette représentation ?

Ces deux questions sont, pour le Conseil d'Etat, déterminantes pour la solution du litige soulevé par les syndicats contre l'ordonnance n° 2005-892. Elles posent une difficulté sérieuse : il y a lieu de saisir la Cour de justice des Communautés européennes en application de l'article 234 du traité CE et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les requêtes des syndicats (précités).

Enfin, en raison du caractère limité dans le temps de l'ordonnance n° 2005-892 (qui doit cesser de produire effet au 31 décembre 2007), ces questions appellent, selon le Conseil d'Etat, une réponse exceptionnellement urgente, justifiant de demander à la Cour de justice des Communautés européennes de faire usage de la procédure prévue à l'article 104 bis de son règlement de procédure.

En réalité, ces deux questions préjudicielles posent un même conflit entre deux normes, la première assurant une obligation de consulter les représentants du personnel dans le cadre d'un licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; la seconde, un aménagement aux droit de la représentation du personnel (donc, de leur consultation en cas de licenciement) au nom de l'emploi, de la lutte contre le chômage et les exclusions, dont l'ordonnance n° 2005-892 est une mesure d'application.

On sait comment le Conseil constitutionnel a tranché ce litige, en donnant la priorité à l'emploi. Il est plutôt délicat d'anticiper la décision de la CJCE, spécialement, de prédire si elle va se positionner sur ce terrain, qui est finalement le véritable débat.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace


(1) A. Gournac, Sénat, Rapport n° 457, 6 juil. 2005.

(2) G. Couturier, Quel avenir pour le droit de licenciement ? Perspectives d'une régulation européenne, Dr. soc. 1997, p. 75 ; F. Favennec-Héry, La directive n° 92 /1956 du 24 juin 1992 ou les espoirs déçus, Dr. soc. 1993, p. 29 ; F. Gaudu, L'influence du droit communautaire sur la politique de l'emploi, Dr. soc. 1993, p. 801 ; P. Morvan, Le rôle des représentants du personnel dans les restructurations d'entreprises de dimension communautaire, dans Le salarié, l'entreprise, le juge et l'emploi, Cahier travail et emploi, Doc. Fr./ministère de l'Emploi et de la solidarité, 2001. 179 ; P. Rodière, Le comité d'entreprise à l'heure européenne, Dr. ouvrier 1995, p. 61 ; Le cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans l'entreprise - Semaine sociale Lamy 18 nov. 2002, n° 1098, p. 6 ; B. Teyssié, Le comité d'entreprise européen, Economica 1997 ; Le comité d'entreprise européen (Directive n° 94/45 du 22 septembre 1994), JCP E, 1995. I. 416.

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Social général

[Evénement] Informatique et libertés au travail : droits, obligations et responsabilité de l'entreprise

Réf. : Conférence Informatique et libertés au travail : droits, obligations et responsabilité de l'entreprise, organisée le 12 octobre 2005 par le cabinet Gide Loyrette Nouel

Lecture: 8 min

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par Compte-rendu réalisé par Aurélie Serrano, SGR - Droit social

Le 07 Octobre 2010

Pierre Sargos, Président de la Chambre sociale de la Cour de Cassation, Gérard Couturier, Directeur du master "Juristes de Droit Social" de l'Université Paris I et Hubert Bouchet, Commissaire de la Cnil, membre du Conseil économique et social sont intervenus, le 12 octobre 2005, sur le thème des droits, obligations et responsabilité de l'entreprise en matière d'informatique et de libertés au travail. Cette conférence, organisée par le cabinet Gide Loyrette Nouel, était animée par Maître Joël Grange, avocat associé, responsable du Département Droit Social et par Maître Etienne Drouard, avocat du Département Droit de l'Informatique. Alors qu'un décret du 20 octobre 2005 (décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 N° Lexbase : L0844HDM) apporte des précisions sur le statut et les missions du correspondant à la protection des données personnelles dans l'entreprise, rarement ce sujet n'aura été autant d'actualité. Selon Pierre Sargos, les droits, obligations et responsabilités en matière d'informatique sur le lieu de travail doivent être appréciés à la lumière de l'exigence du "raisonnable". Ce concept correspond à une notion juridique très précise, utilisée régulièrement en droit.

Le législateur consacre, tout d'abord, cette notion au travers du droit d'alerte et de retrait reconnu au bénéfice du salarié qui a un motif "raisonnable" de penser que la situation dans laquelle il se trouve présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (C. trav., art. L. 231-8 N° Lexbase : L5969AC3 ; C. trav. art. L. 231-10 N° Lexbase : L5973AC9).

Au niveau communautaire et international, ce concept n'est pas non plus méconnu. Ainsi, aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai "raisonnable", par un tribunal indépendant et impartial.

Le concept du "raisonnable" est également utilisé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) qui considère, par exemple, que le responsable d'un fichier doit fixer une durée de conservation raisonnable en fonction de l'objectif du fichier. De même, la Commission préconise, dans son rapport sur "la cybersurveillance sur les lieux de travail", une utilisation raisonnable d'Internet à des fins personnelles.

La Cour de cassation n'est pas en reste et procède volontiers à une appréciation selon le critère du "raisonnable". On peut citer, par exemple, le délai raisonnable pour accepter ou refuser une modification prononcée à titre disciplinaire (Cass. soc., 1er avril 2003, n° 01-40.389, F-D N° Lexbase : A6315A7Z), le délai raisonnable de la prise d'effet d'un contrat de travail -lorsque celle-ci n'est pas concomitante avec sa signature- conclu avec une entreprise utilisatrice pour apprécier si l'indemnité de précarité est due ou non (Cass. soc., 8 décembre 2004, n° 01-46.877, FS-P+B N° Lexbase : A3413DE7) ou le délai raisonnable après le licenciement pour apprécier la nécessité du remplacement définitif d'un salarié absent en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel (Cass. soc., 10 novembre 2004, n° 02-45.156, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8471DD4). Le prochain rapport de la Cour de Cassation, indique Pierre Sargos, devrait mettre l'accent sur cette notion en pleine essor.

Dans le domaine de l'utilisation des nouvelles technologies sur le lieu de travail, il appartient aux juges de retenir une approche "raisonnable" en mettant en balance divers éléments qui peuvent parfois se révéler contradictoires. Ainsi, dans un arrêt du 2 juin 2004 (Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-45.269, M. Marc X c/ Société Spot image SA, publié N° Lexbase : A5260DCS), la Cour de cassation décide que le fait pour un salarié d'utiliser la messagerie électronique que l'employeur met à sa disposition pour émettre dans des conditions permettant d'identifier l'employeur, un courriel contenant des propos antisémites constitue nécessairement une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Dans cette affaire, estime Pierre Sargos, c'est une approche raisonnable qui a été retenue par la Cour de cassation (voir, dans le même sens, à propos de l'usage du téléphone portable : CA Paris, 21ème, A, 2 février 2005, n° 04/37436, M. Farés Gmir c/ SA Transport Alsthom N° Lexbase : A8053DGD ; refusant de sanctionner le salarié pour faute grave : Cass. soc., 3 février 1999, n° 97-40.495, Société Locamion, société anonyme c/ M. Belgacem Ben Mariem, inédit N° Lexbase : A6125CLG).

L'utilisation des nouvelles technologies doit également être guidée par l'exigence d'une information loyale. Celle-ci est fondamentale dans le domaine contractuel car elle permet de corriger le déséquilibre existant entre les parties. Ainsi, dans un arrêt du 17 mai 2005 (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT, lire Christophe Radé, L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence "Nikon", Lexbase Hebdo édition sociale du 25 mai 2005 [LXB=N4601AIA]), la Cour de cassation décide que "sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé". Par cette décision, la Cour suprême assouplit considérablement la solution adoptée dans le célèbre arrêt "Nikon" rendu le 2 octobre 2001 (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof, publié N° Lexbase : A1200AWD) aux termes de laquelle l'employeur avait interdiction de consulter les fichiers personnels présents sur l'ordinateur professionnel du salarié.

De même, aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à un emploi. Ainsi, un enregistrement réalisé à l'insu du salarié constitue un mode de preuve illicite (Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120, Mme Neocel c/ M. Spaeter, publié N° Lexbase : A9301AAQ ; Cass. soc., 22 mai 1995, n° 93-44.078, Société Manulev service c/ M. Salingue, publié N° Lexbase : A4033AAM). Ce régime prétorien a d'ailleurs été consacré par le législateur (C. trav., art. L. 121-8 N° Lexbase : L5450ACT).

Toutefois, nuance la Cour de cassation dans un arrêt du 19 avril 2005 (Cass. soc., 19 avril 2005, n° 02-46.295, F-P+B N° Lexbase : A9552DHA, lire Christophe Radé Faute, preuve et vidéo, Lexbase Hebdo édition sociale du 4 mai 2005 N° Lexbase : N3922AI4), l'employeur peut opposer aux salariés "les preuves recueillies par les systèmes de surveillance des locaux auxquels ils n'ont pas accès , et n'est pas tenu de divulguer l'existence des procédés installés par les clients de l'entreprise". Au total, le salarié bénéficie d'une protection dans la phase d'exécution de la prestation de travail et aucun dispositif de contrôle de l'activité professionnelle ne peut être mis en oeuvre s'il n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés. Toute preuve obtenue sans se conformer à cette exigence sera automatiquement considérée comme illicite. Il est donc inutile de maintenir des zones de clandestinité en dissimulant les risques encourus par le salarié.

La notion de proportionnalité est, également, au coeur de l'appréciation de la Chambre sociale. Ainsi, une société ne peut pas mettre en place un système de badgeage par empreintes digitales, le traitement pris dans son ensemble n'apparaissant ni adapté ni proportionné au but recherché (TGI Paris, 19 avril 2005, n° RG 05/00382, Comité d'entreprise d'Effia Services c/ Fédération des Syndicats Sud Rail N° Lexbase : A0577DI9, lire Gilles Auzero, De l'illicéité d'un système de "badgeage" par empreintes digitales, Lexbase Hebdo édition sociale du 11 mai 2005 N° Lexbase : N4025AIW). La Cour de cassation fait ainsi application de l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI), inséré dans le Code du travail par la loi du 31 décembre 1992 aux termes duquel "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".

L'utilisation des NTIC est également limitée par la nécessité du respect de la vie privée du salarié mais, au-delà, il s'agit d'une simple exigence de bon sens, exigence qui sert de fil conducteur à la Cnil. Cette dernière a, par exemple, établi une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre dans le cadre de l'utilisation de services de téléphonie fixe ou mobile sur les lieux de travail (délibération Cnil n° 2005-019, 3 février 2005, portant création d'une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel N° Lexbase : X0260ADY).

Au travers de cette norme, la Cnil s'inquiète, notamment, du sort des salariés protégés. Elle précise que "des mesures particulières doivent être prises afin que les conditions de mise en oeuvre et d'utilisation des services de téléphonie n'entravent pas l'exercice des droits reconnus par la loi en matière de droits et libertés des représentants des personnels et des employés protégés". A cet effet, ils doivent pouvoir disposer d'une ligne téléphonique excluant toute possibilité d'interception de leurs communications ou d'identification de leurs correspondants.

Le développement de la téléphonie mobile et de la messagerie privées rend progressivement ces questions obsolètes. En effet, l'usage par le salarié du téléphone et de la messagerie de l'entreprise sont devenus moins indispensables. Seule demeure, désormais, un contrôle en terme d'usage abusif.

Selon Hubert Bouchet, la technologie a une certaine propension à se répandre au-delà du berceau pour lequel elle a été conçue. Pourtant, il faut exclure tout approche manichéenne du sujet. L'informatique est au service de toutes les parties en présence et il faut trouver un point d'équilibre, dans la cybersurveillance des salariés, entre la sécurité des entreprises et le bien-être des salariés. Réagissant à ces propos, Gérard Couturier estime qu'au-delà même de la relation de travail, la personne humaine est confrontée à une organisation qui le dépasse et c'est ce risque qui justifie un contrôle en termes de proportionnalité.

Ainsi que le souligne Hubert Bouchet, l'instauration d'un dispositif de dénonciation dans l'entreprise est un sujet d'actualité qui illustre bien cette dialectique. Le 7 janvier 2005, la Cnil a été saisie d'une déclaration portant sur la mise en oeuvre d'un dispositif d'intégrité professionnelle au sein du groupe Mc Donald's France. Ce dispositif, qui s'inscrit dans le cadre du "code d'éthique" ("whistleblowing lines") du groupe international Mc Donald's visait à permettre aux collaborateurs des filiales françaises du groupe d'alerter, par courrier postal ou par télécopie, la société-mère américaine (Mc Donald's Corporation) sur les comportements de leurs collègues de travail "supposés contraires aux règles légales françaises ainsi qu 'au code d'éthique".

Selon la Cnil, le dispositif présenté est disproportionné au regard des objectifs poursuivis et des risques de dénonciations calomnieuses et de stigmatisation des employés objets d'une "alerte éthique". Compte tenu de ces observations, la Commission n'autorise pas la mise en oeuvre du dispositif d'intégrité professionnelle (délibération n° 2005-110 du 26 mai 2005 relative à une demande d'autorisation de Mc Donald's France pour la mise en oeuvre d'un dispositif d'intégrité professionnelle N° Lexbase : X2560AD8).

De tels dispositifs de dénonciation sont en pleine expansion dans les entreprises, d'où la nécessité de clarifier la situation. D'ici le début du mois de novembre 2005, la Cnil devrait publier une nouvelle recommandation sur ce thème afin d'offrir un code de bonne conduite aux entreprises. Dans cette recommandation, il y aurait une définition précise du dispositif d'alerte. L'utilisation d'un tel dispositif ne devrait pas pouvoir constituer une obligation pesant sur les collaborateurs. Les personnes susceptibles de faire l'objet d'une alerte devraient être déterminées précisément. La personne mise en cause devrait être informée de la dénonciation dans les plus brefs délais et devrait pouvoir consulter et éventuellement rectifier les informations la concernant dans les plus brefs délais. Devrait également se poser la question de l'anonymat ou, à tout le moins, de la confidentialité des personnes qui dénoncent. La recommandation préciserait, également, le mode de collecte des alertes, la pertinence des données relatives aux alertes et la question des données de conservation (droit à l'oubli prévu par la loi informatique et libertés n° 78-17, 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS).

Gérard Couturier estime, quant à lui, que les employeurs doivent trouver une limite dans leur possibilité de surveiller les salariés. Le fondement juridique à cette limite peut se trouver dans l'exigence de loyauté et de transparence. Il est possible de procéder par analogie avec le secret des correspondances et l'ouverture des vestiaires mais, à la différence de ces deux exemples, la surveillance d'un ordinateur ne nécessite pas une ouverture matérielle des fichiers. Il est clair que les possibilités de contrôle de l'activité d'un salarié sur son ordinateur sont à la fois nombreuses et discrètes. Toutefois, selon Pierre Sargos, ce rapprochement va plus loin que la simple métaphore. En effet, malgré la suppression du support papier, la notion de correspondances perdure.

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Sociétés

[Le point sur...] Le contrôle des rémunérations, entre le dédale et l'impasse...

Lecture: 8 min

N9830AIW

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par Jean-Philippe Dom, Maître de conférences à l'Université de Caen

Le 07 Octobre 2010

La transparence des rémunérations est sortie à la fois renforcée et délimitée de la loi "Breton" . La fin de l'année 2005 approchant, à l'occasion de l'établissement des rapports annuels, les interrogations se font nombreuses sur ce sujet. Il est vrai que la matière est nouvelle et que la réforme a été, en bien des points, pour le moins hâtive et hasardeuse pour ce qui est du contrôle du commissaire aux comptes et la procédure des conventions réglementées.

I - Le contrôle par le commissaire aux comptes

Il est, tout d'abord, une bien singulière disparition. L'article 9-II de la loi n° 2005-842, du 26 juillet 2005 avait inséré une phrase au troisième alinéa de l'article L. 225-235 du Code de commerce (N° Lexbase : L3895HBU). Suivant celle-ci, mission était donnée au commissaire aux comptes de la société d'attester "spécialement" l'exactitude et la sincérité des informations visées aux trois premiers alinéas de l'article L. 225-102-1 du même code (N° Lexbase : L3957HB8). Instaurée au mois de juillet, cette obligation s'est éteinte dès septembre. En effet, l'article 20 III de l'ordonnance du 8 septembre 2005, n° 2005-1126, relative au commissariat aux comptes (N° Lexbase : L9911HBP) a, notamment, abrogé les alinéas 1 à 4 de l'article L. 225-235 du Code de commerce.

L'ordonnance en question n'était pourtant pas à même de réaliser une telle coupe sombre dans le Code de commerce. Prise en application de l'article 28, 2° de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU), elle devait "opérer la refonte des livres II et VIII du code de commerce en ce qu'ils concernent les commissaires aux comptes et intégrer dans le livre VIII du même code les règles applicables aux commissaires aux comptes, en améliorant la formation et le contrôle des commissaires aux comptes ainsi que le fonctionnement du Haut Conseil du commissariat aux comptes et en permettant à celui-ci de négocier et conclure des accords de coopération avec les autorités des autres Etats exerçant des compétences analogues ou similaires".

L'abrogation est probablement accidentelle. Elle semble être le résultat d'une erreur matérielle. Or, suivant une décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation, du 22 mai 1975, "le décret n° 73-1046 du 15 novembre 1973, qui n'était qu'une oeuvre de codification des textes antérieurs, n'avait pas eu pour objet de modifier les dispositions contenues dans ceux-ci" (Cass. soc., 22 mai 1975, n° 75-60.027, Margutti c/ Negrerie, Simon, publié, Bull. III, n° 268 N° Lexbase : A5613CIQ). En conséquence, cet arrêt rejette le pourvoi qui se prévalait de la substitution, dans l'article L. 435-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6446ACQ), d'une conjonction "ou" à une conjonction "et". Cette conjonction "et" figurait initialement dans l'article 3 de la loi du 29 décembre 1972 remplacé par le nouveau texte (v. la présentation faite de cet arrêt, à propos de l'article 631 du Code de commerce N° Lexbase : L6009CZL, par Fabrice Fages et Claire Vexliard, "De l'abrogation par mégarde de certains articles du Code de commerce [Chronique d'une renaissance annoncée]" : Dr. 21., 2001, E 002).

Au secours de sa mission, en attendant une prochaine loi de ratification, le commissaire aux comptes peut, soit s'appuyer sur cette jurisprudence -une réponse ministérielle serait néanmoins bien utile à cet effet !!!- soit se référer à l'article L. 823-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L3059HCB). Cependant, la généralité des termes de ce dernier texte ne permet pas de justifier une mission spécifique concernant l'attestation d'exactitude et de sincérité des informations visées aux trois premiers alinéas de l'article L. 225-102-1 du Code de commerce.

II - Les conventions réglementées

Un autre objet d'étonnement provient de la rédaction des articles L. 225-22-1 (N° Lexbase : L3775HBG), L. 225-42-1 (N° Lexbase : L4054HBR), L. 225-79-1 (N° Lexbase : L3811HBR), et L. 225-90-1 (N° Lexbase : L3739HB4) du Code de commerce. Ces textes organisent la mise oeuvre de la procédure des conventions réglementées (C. com., art. L. 225-38 et s. N° Lexbase : L5909AIP) afin d'assurer le contrôle et la transparence des rémunérations versées aux dirigeants sociaux.

Deux catégories de textes peuvent être établies et concernent les membres du directoire, le président, le directeur général et les directeurs généraux délégués des sociétés anonymes cotées en bourse.

En premier lieu, les articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 requièrent la mise en oeuvre de la procédure des conventions réglementées pour les engagements :

- pris aux bénéfices de ces dirigeants par la société cotée, celles qu'elle contrôle ou qui la contrôlent ;
- "correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci".

En second lieu, les articles L. 225-22-1 et L. 225-79-1 du Code de commerce peuvent, également, être rapprochés. Ils se rapportent à l'hypothèse de nomination aux fonctions de dirigeant d'une personne liée par un contrat de travail à la société cotée ou aux sociétés qui contrôlent ou sont contrôlées par celle-ci. Dans ce cas, "les dispositions du contrat de travail correspondant, le cas échéant, à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci", sont soumises aux dispositions relatives aux conventions réglementées.

Le premier groupe de textes concerne, ainsi, les rémunérations liées au mandat social, alors que le second suppose (les termes "le cas échéant" rappellent -était-ce utile ?- que tout contrat de travail ne contient pas nécessairement des dispositions relatives à un mandat social exercé par le salarié) une indivisibilité des fonctions de salarié et de mandataire social. Les situations juridiques visées ne sont donc pas identiques. Néanmoins, les questions en suspens englobent toutes les situations. Elles visent, d'une part, les rapports qu'entretiennent l'application de la loi dans le temps et, au cas particulier, la procédure des conventions réglementées dans les sociétés anonymes et, d'autre part, le respect de l'effet relatif des conventions et de la personnalité des sociétés d'un même groupe.

A - La procédure des conventions réglementées confrontée à l'application de la loi dans le temps

Le législateur a précisé que ces dispositions sont applicables aux conventions conclues à compter du 1er mai 2005 (loi n° 2005-842, du 26 juillet 2005, dite de modernisation de l'économie, art. 8, II). En pratique, si la convention ne porte pas sur une opération courante et n'est pas conclue à des conditions normales (C. com., art. L. 225-39 N° Lexbase : L5910AIQ) -cela devrait être rarement le cas d'un "parachute doré"- il apparaît impossible de se conformer à la procédure d'autorisation préalable du conseil d'administration. L'intéressé devra bien informer le conseil (C. com., art. L. 225-40 N° Lexbase : L5911AIR) ; à défaut, la convention serait considérée comme dissimulée et le point de départ du délai de prescription devrait être reporté au jour où elle a été révélée (C. com., art. L. 225-42, al. 2, in fine N° Lexbase : L5913AIT). En dépit de cela, l'autorisation ne pourra plus être préalable, la convention ou l'engagement étant, par hypothèse, déjà signée.

En principe, l'action en nullité qui pourrait éventuellement résulter des conséquences dommageables pour la société peut être couverte par un vote de l'assemblée générale intervenant sur rapport spécial des commissaires aux comptes exposant les circonstances en raison desquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie (C. com., art. L. 225-42).

En outre, il faudra également se poser des questions de frontière : par exemple, que se passe-t-il lorsque la suspension du contrat de travail conclu avant la loi est prévue en cas de nomination à un poste de direction et que sont organisées des conditions avantageuses permettant, notamment, la reprise de l'activité salariée et un rattrapage de rémunération en cas de révocation ? Tout dépend du contenu des actes et de leur date de conclusion ou de celle de leurs amendements. Comme élément de solution, la lecture des articles L. 225-22-1 et L. 225-79-1 du Code de commerce laisse penser que seul le contrat de travail doit être soumis à la procédure des conventions réglementées.

B - L'effet relatif des conventions et la personnalité morale des sociétés d'un même groupe à l'épreuve de la procédure des conventions réglementées

Lorsque les rémunérations sont dues par une société que contrôle ou qui contrôle la société cotée, les difficultés d'interprétation du texte s'intensifient.

Tout d'abord, rien n'est véritablement précisé concernant une éventuelle antériorité du contrat de travail par rapport au mandat. Certes, il paraîtrait tentant de cantonner l'application des articles L. 225-22-1 et L. 225-79-1 au contrat de travail antérieur au mandat. En ce sens, les termes "en cas de nomination aux fonctions de membre du directoire d'une personne liée par un contrat de travail" peuvent laisser penser que la personne est déjà liée par un tel contrat. Il faudrait donc lire "déjà liée". Néanmoins, on pourrait tout aussi bien lire "venant à être liée".

Il faut, alors, se référer à la ratio legis. Celle-ci n'est pas précisée dans l'exposé des motifs de la loi. En revanche, l'amendement n° 260 (2ème rect.) présenté le 20 juin 2005 par le Gouvernement à l'Assemblée Nationale propose un exposé sommaire du texte. D'après celui-ci, "l'amendement vise à améliorer les règles de gouvernance des sociétés anonymes à l'égard de certains éléments de rémunération des dirigeants et des administrateurs des sociétés cotées (indemnités ou compléments de retraite notamment) susceptibles d'être payés par la société à ses dirigeants. La disposition proposée vise à soumettre ces engagements de la société au régime dit 'des conventions réglementées', et donc à l'autorisation préalable du conseil d'administration (ou du conseil de surveillance) et à l'approbation de l'assemblée générale de la société ; les commissaires aux comptes seront tenus de présenter sur ces conventions un rapport spécial à l'assemblée générale.
En outre, ce dispositif d'approbation est complété et étendu aux engagements du même type qui seraient stipulés dans un contrat de travail liant un administrateur ou un dirigeant à la société ou à une société contrôlant ou contrôlée par cette dernière. Il s'agit d'assurer vis-à-vis des actionnaires la stricte égalité des dirigeants de la société, quel que soit par ailleurs leur statut contractuel
".

"Quel que soit leur statut contractuel", les dirigeants, qu'ils aient donc ou non été préalablement salariés, sont assujettis à cette procédure.

D'autre part, dans quelle société et avec quelles conséquences la procédure doit-elle être mise en oeuvre lorsque la personne reçoit, au titre de son mandat, une rémunération de la part d'une société contrôlante ou contrôlée ? La question prolonge celle de l'antériorité ou non du contrat de travail par rapport au mandat.

Un contrat de travail peut, par exemple, stipuler que "M. X., salarié de la société mère pourra être amené à exercer des fonctions de direction dans une ou plusieurs filiales dans le cadre de l'exercice de son contrat de travail". La personne n'est investie d'aucun mandat social et, pourtant, le contrat de travail peut aussi prévoir des conditions spécifiques de rémunération ou d'indemnité en cas de révocation ou de changement dans les fonctions à venir.

Si, dans notre exemple, une des sociétés contrôlées est cotée, comment mettre en oeuvre le nouveau texte ? Le contrat de travail existe, les fonctions mandatées prendront effet ultérieurement. A la lettre des nouveaux textes, seule la société cotée serait tenue de mettre en oeuvre la procédure des conventions réglementées. Cependant, elle ne peut ni autoriser un contrat de travail qui existe déjà, ni couvrir par un vote en assemblée une éventuelle nullité qui concerne une société et un rapport contractuel à l'égard duquel elle a la seule qualité de tiers.

Tout au plus peut-elle s'interroger sur le bien-fondé de la nomination du mandataire social. Mais ceci ne relève pas de la procédure des conventions réglementées. Au cas particulier, la solution n'apparaît pas.

De très nombreux autres cas de figure peuvent se présenter en pratique. Il conviendra de les analyser un à un en faisant preuve d'esprit critique : la transparence n'est pas synonyme de lumière !

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Entreprises en difficulté

[Panorama] Entreprises en difficulté : panorama de jurisprudence du troisième trimestre 2005 (1ère partie)

Lecture: 15 min

N9939AIX

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université Lumière-Lyon II, Avocat au Barreau de Grasse

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, un panorama de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de la jurisprudence rendue en matière de procédures collectives au cours du troisième trimestre 2005. La vente d'un bien indivis en liquidation judiciaire, mais aussi la nullité de licenciements intervenus dans le cadre d'un plan de cession, ou encore l'action en revendication, constituent les thèmes majeurs de l'actualité jurisprudentielle (cf. Entreprises en difficulté : panorama de jurisprudence du troisième trimestre 2005 (2ème partie) N° Lexbase : N6356AKM).

La coordination des règles de l'indivision et du droit des procédures collectives est une délicate question. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par deux arrêts rendus le même jour, a largement contribué à l'éclaircir. Ces deux arrêts se prononcent dans deux situations susceptibles de se présenter en pratique.

Tout d'abord, lorsque l'indivision est apparue après l'ouverture de la procédure collective, le liquidateur conserve le droit de poursuivre la saisie et la vente de l'immeuble, puisqu'il représente des créanciers de l'indivision qui, selon l'article 815-17, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L3453ABI), auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision (Cass. com., 18 février 2003, n° 00-13.100, FS-P N° Lexbase : A1813A7B ; 2003, somm. comm. p. 1620, obs. P.- M. Le Corre ; Procédures juin 2003, p. 21, n° 150, note C. Laporte ; JCP éd. N 2003, Affaires 1597, p. 1701, note F. Vauvillé ; Rev. proc. coll. 2003, p. 356, n° 4, obs. M.- P. Dumont ; RJ com. 2004, p. 31, note J.-P. Sortais).

Ensuite, lorsque l'indivision est apparue avant la liquidation judiciaire du propriétaire indivis, les règles de l'indivision ne se trouvent pas affectées par la survenance de la procédure collective d'un des indivisaires. Le droit commun de l'indivision doit s'appliquer, ce qui autorise le créancier de l'indivision à saisir le bien indivis, avant tout partage (Cass. com., 18 février 2003, n° 00-11.008, Crédit immobilier de la Gironde c/ Société civile professionnelle (SCP) René et Laurent Mayon, FS-P N° Lexbase : A1801A7T ; D. 2003, somm. comm. p. 1620, obs. P.-M. Le Corre ; Procédures juin 2003, p. 20, n° 149, obs. C. Laporte ; JCP éd. N 2003, Affaires 1597, p. 1701, note F. Vauvillé ; Rev. proc. coll. 2003, p. 356, n° 4, obs. M.- P. Dumont; RJ com. 2004, p. 31, note J.-P. Sortais).

Mais il reste des zones d'ombre. L'une d'elle vient d'être dissipée par l'arrêt ci-après commenté, en répondant à la question de savoir, lorsque l'indivision est apparue avant la liquidation judiciaire, si le créancier de l'indivision peut prétendre appréhender, dans la limite de sa créance, le prix de vente du bien indivis, alors qu'il ne s'est pas opposé à la vente du bien par le liquidateur.

En l'espèce, une banque consent un prêt à deux concubins pour l'acquisition d'une maison en indivision, en procédant à l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle. Par jugement séparé, du 22 avril 1998, les deux concubins sont déclarés en liquidation judiciaire. Le juge-commissaire autorise, le 25 février 1999, le liquidateur de M. L. à céder de gré à gré l'immeuble indivis et la répartition du prix entre les deux liquidations judiciaires. Le liquidateur de M. L a établi un état de collocation portant sur la répartition de la moitié du prix de vente et sur lequel la banque a été colloquée après les frais de justice et de greffe. La banque a contesté cet état en demandant à être colloquée avant toutes créances sur la totalité du prix de vente. Les juges du fond vont rejeter cette prétention. La banque forme un pourvoi en cassation et va obtenir gain de cause. La Cour de cassation casse, en ces termes, la décision des juges du fond : "Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'autorisation donnée par le juge-commissaire de faire vendre le bien et de répartir le prix de vente par moitié entre les deux co-indivisaires n'était pas de nature à priver la Caisse, créancière de l'indivision qui préexistait à l'ouverture de la procédure collective de Mlle Guche, des droits qu'elle tient de l'article 815-17, alinéa 1, du Code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Cet arrêt est important pour les établissements de crédit, prêteurs immobiliers. Il les autorise à conserver le bénéfice de la règle qui les autorise, lorsqu'ils sont créanciers de l'indivision, à être payés avant tout partage en application de l'article 815-17, alinéa 1er, du Code civil. Pour cela, et en conformité avec la décision précitée du 8 février 2003, le créancier doit être créancier de l'indivision, c'est-à-dire de tous les indivisaires et pas seulement de l'un d'eux. Il faut, encore, que l'indivision soit apparue avant le jugement d'ouverture de la procédure collective. En ce cas, priorité est donnée aux règles de l'indivision, sur celles des procédures de redressement et de liquidation judiciaires. Ces conditions cumulatives ont très souvent l'occasion de se rencontrer en pratique. Il suffit que deux personnes (ou plus) non mariées, ou mariées sous un régime séparatiste, achètent un bien avec recours à un prêt et que l'une d'elles, voire toutes, fassent ensuite l'objet d'une procédure collective. Situation somme toute extrêmement banale. Pourtant, en pratique, le schéma décrit dans l'espèce a souvent l'occasion de se présenter. Le liquidateur se fait autoriser à vendre le bien indivis et le classement sur le prix de vente du bien laisse souvent apparaître des créanciers primant le créancier de l'indivision. C'est pourtant impossible. D'abord, le juge-commissaire excède ses pouvoirs à autoriser la vente du bien. En effet, si le bien est indivis, il appartient, par principe, au créancier de l'indivision d'en poursuivre la vente, sans que le liquidateur ne puisse s'y opposer. Si le créancier est négligent, le liquidateur devra, d'abord, passer par une licitation partage de droit commun, qui ne nécessite pas l'autorisation du juge-commissaire. Mais cela sera, et c'est l'apport essentiel de l'arrêt, en pure perte pour la liquidation judiciaire. Le prix est intégralement pour le créancier de l'indivision, à concurrence, toutefois, du montant de sa créance. Il apparaît donc, si le créancier de l'indivision a été au départ négligent, qu'il est inutile qu'il forme opposition à l'ordonnance du juge-commissaire.

P.-M. Le Corre

  • Nullité d'un jugement prononçant la nullité de licenciements dans le cadre d'un plan de cession faute de représentation légale de la société débitrice (Cass. soc., 13 septembre 2005, n° 04-42.876, FS-P N° Lexbase : A4538DKB)

L'absence d'articulation du droit des sociétés et du droit des procédures collectives, qui a son siège dans l'article 1844-7-7° du Code civil (N° Lexbase : L2027ABP), continue à faire des dégâts, ainsi qu'en témoigne l'arrêt rapporté. Selon l'article 1844-7 du Code civil, "la société prend fin [...] 7° par l'effet du jugement ordonnant la liquidation judiciaire ou la cession totale des actifs de la société". Il en résulte que le dirigeant de la société ayant fait l'objet d'un plan de cession totale perd ses pouvoirs de représentation de celle-ci. Dans ces conditions, des salariés non repris par le repreneur, dans le cadre d'un plan de cession totale, peuvent-ils contester, devant le conseil des prud'hommes, leur licenciement en se contentant d'assigner le commissaire à l'exécution du plan ? Non, répond la Chambre sociale de la Cour de cassation : "la cour d'appel, qui a constaté qu'aucun mandataire de justice n'avait été désigné à effet de représenter la société Affinal, dont la cession totale des actifs avait entraîné la dissolution par application de l'article 1844-7. 7° du Code civil, et n'avait été appelé devant le conseil de prud'hommes saisi de la question de la nullité des licenciements de ses salariés prononcés par l'administrateur judiciaire tant pendant la période d'observation qu'en exécution du plan de cession, a exactement décidé que le jugement rendu par cette juridiction était nul".

La solution ne peut, sur le strict terrain juridique, qu'être approuvée. Elle est la conséquence inéluctable de la perte de qualité du dirigeant à représenter la société une fois le plan de cession totale intervenu. Pourtant, la participation de la société aux instances qui la concernent est un droit propre. Elle constitue, en conséquence, une condition de régularité de l'instance.

La solution a été posée dans de multiples domaines. Contentons d'en rappeler les plus exemplaires.

C'est ainsi, tout d'abord, que la personne morale privée d'organe statutaire de représentation ne peut plus exercer d'action en justice mettant en jeu ses droits non soumis au dessaisissement (Cass. com., 18 janvier 2000, n° 97-16.224, Société Garage Martinache et autres c/ Société Fina France N° Lexbase : A8150AGX, Bull. civ. IV, n° 16 ; JCP éd. E 2000, pan. 397 ; Act. proc. coll. 2000/2, n° 32 ; Cass. com., 20 février 2001, D. 2001, AJ p. 1032 ; Act. proc. coll. 2001/6, n° 79). Elle ne peut, davantage, être auditionnée, ce qui entraînera l'irrégularité des décisions d'admission de créance, pour défaut de respect du principe du contradictoire, faute de participation du débiteur aux opérations de vérification des créances (CA Lyon, 3ème ch., 26 avril 2002, n° 2001/01102, Société Galaxie, SARL c/ Société SAMSE, SA N° Lexbase : A7560C9U, RD bancaire et financier 2002/4, n° 141, obs. F.-X. Lucas ; adde, P.-M. Le Corre, Procédure de vérification et d'admission des créances et dissolution des sociétés placées en liquidation judiciaire, Gaz pal. doctr. 7 et 8 avril 2004, p. 2). Son absence d'audition entraînera aussi l'irrégularité des ordonnances par lesquelles le juge-commissaire autorise le liquidateur à vendre les actifs du débiteur, faute d'audition préalable de celui-ci (CA Paris, 3ème, sect. B, 18 janvier 2002, n° 2000/23576, Société AGF IART c/ Maitre Jean-Claude Pierrel N° Lexbase : A6148DH8, RD bancaire et financier 2002/4, n° 143, obs. F.-X. Lucas).

C'est ainsi, également, que la société débitrice ne peut plus exercer de voies de recours, au titre de ses droits propres, si un mandataire ad hoc ou un liquidateur amiable n'a pas été nommé pour la représenter. En ce sens, il a pu être décidé que la voie de recours émanant de l'ancien dirigeant sera irrecevable si elle a pour objet de contester la décision prononçant la liquidation judiciaire (Cass. com., 11 juin 2003, n° 00-17.441, F-D N° Lexbase : A7112C8W ; Cass. com., 8 juillet 2003, n° 00-18.449, F-D N° Lexbase : A0873C99 ; Cass. com., 28 janvier 2004, n° 02-14.534, F-D N° Lexbase : A0494DBW ; Cass. com., 28 janvier 2004, n° 02-14.531, F-D N° Lexbase : A0493DBU, Rev. proc. coll. 2004, p. 264, n° 1, obs. M.-P. Dumont ; Cass. com., 30 mars 2005, n° 00-16.369, F-D N° Lexbase : A4432DHM ; Cass. com., 12 avril 2005, n° 04-11.994, M. Christophe Thévenot c/ Société civile professionnelle (SCP) Brouard-Daude, F-P+B N° Lexbase : A8794DH8, lire P.-M. Le Corre, La présence obligatoire du débiteur à l'instance tendant au report de la date de cessation des paiements, Lexbase Hebdo n° 168 du 19 mai 2005 - édition affaires N° Lexbase : N4224AIB), une décision d'admission au passif (Cass. com., 21 janv. 2003, arrêts nos 112 F-D, 113 F-D, 114 F-D, 115 F-D, 116 F-D, 117 F-D et 121 F-D, inédits ; Cass. com., 3 décembre 2003, n° 00-21.223, Société civile immobilière (SCI) Schirmeck 306 c/ Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), F-D N° Lexbase : A3525DAS ; Cass. civ. 3, 17 novembre 2004, n° 03-10.308, Société Résidence Le Château c/ Société BNP Paribas, FS-P+B N° Lexbase : A9333DDZ, D. 2004, AJ p. 3143, D. 2005, pan. p. 295, obs. P.-M. Le Corre ; Cass. com., 23 novembre 2004, n° 02-18.036, Société Rome c/ M. Christian Guyot, F-D N° Lexbase : A0267DEM; Cass. com., 23 novembre 2004, n° 03-13.929, Mme Martine Monnier, épouse Chaussée c/ Mme Anne Ravise-Bes, F-D N° Lexbase : A0354DET ; Cass. com., 7 juin 2005, n° 03-19.951, Banque de La Réunion c/ Société bourbonnaise de travaux routiers (SBTR), F-D N° Lexbase : A6484DIY), une ordonnance du juge-commissaire autorisant le liquidateur à vendre les actifs de la société (Cass. com., 5 novembre 2003, n° 00-20.857, F-D N° Lexbase : A0594DAA ; Cass. com., 18 janvier 2005, n° 02-18.070, F-D N° Lexbase : A0737DGE, Gaz. proc. coll. 2005/1, p. 30, n° 2-2, obs. D. Voinot), ou encore, le report de la date de cessation des paiements (Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-10.356, F-D N° Lexbase : A2631DCG).

Symétriquement, une instance ne peut être engagée contre la société débitrice si un mandataire ad hoc ou un liquidateur amiable ne la représente pas pour l'exercice de ses doits propres. C'est ainsi qu'il avait pu être décidé que l'assignation en report de la date de cessation des paiements délivrée es qualité au dirigeant de la société en liquidation judiciaire est irrecevable, faute pour ce dernier de représenter la société dissoute (Cass. com., 1er mars 2005, n° 03-19.956, FS-P+B N° Lexbase : A1065DHW, lire P.-M. Le Corre, La présence obligatoire du débiteur à l'instance tendant au report de la date de cessation des paiements, Lexbase Hebdo n° 168 du 19 mai 2005 - édition affaires N° Lexbase : N4224AIB).

Le fait, comme en l'espèce, d'assigner devant le conseil des prud'hommes le commissaire à l'exécution du plan de cession est inopérant pour deux raisons. La première raison tient au fait que le commissaire à l'exécution du plan ne se voit pas reconnaître par la loi qualité pour représenter le débiteur (Cass. soc., 27 novembre 2001, n° 00-40.771, FS-P N° Lexbase : A2703AXE, RTD Com. 2002, p. 154, n° 3, obs. C. Saint -Alary Houin ; Cass. com., 13 novembre 2003, n° 01-10.724, M. Pascal Raynaud c/ Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre France, F-D N° Lexbase : A1230DAS ; Cass. com., 12 octobre 2004, n° 02-16.762, M. Frédéric Letertre c/ M. David Noël, FS-P N° Lexbase : A6002DDN, D. 2004, AJ p. 2790 ; D. 2005, pan. p. 295, obs. P.-M. Le Corre ; JCP éd. E, 2005, chron. 31, p.27, n° 4, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; Bull. Joly 2005 /1, § 2, p. 27, note A. Cérati-Gauthier). Une action en paiement ne peut donc être dirigée contre lui (Cass. com., 12 juillet 2004, n° 01-16.034, F-P+B+I N° Lexbase : A0985DDT, RD bancaire et financier 2004/6, p. 415, n° 255, obs. F.-X. Lucas). La seconde raison tient à la considération selon laquelle, même si le commissaire à l'exécution du plan avait qualité pour représenter la société débitrice, il n'en serait ainsi que pour la défense de ses droits patrimoniaux, non pour la défense de ses droits propres. Or, la participation du débiteur aux instances qui le concernent, est un droit propre qui ne peut, en conséquence, être exercé par un organe de la procédure collective.

Les avocats spécialistes en droit social ne peuvent s'émanciper du droit des procédures collectives, lorsque la question relève du droit social des procédures collectives. Ils n'oublieront plus, tout au moins pour les procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006, de faire nommer un mandataire ad hoc pour représenter la société débitrice dans les instances devant le conseil des prud'hommes en cas de plan de cession totale et en cas de la liquidation judiciaire de la société employeur.

La loi de sauvegarde des entreprises a modifié, en apparence du moins, le texte en supprimant le visa du plan de cession totale comme cause de la dissolution des sociétés. En réalité, il s'agit, par cette modification, de tenir compte de la possibilité d'arrêté d'un plan de cession en liquidation judiciaire. Le plan de cession totale n'entraîne plus, par lui-même, dissolution de la société. Celle-ci sera la conséquence de la seule liquidation judiciaire. C'est ainsi que l'article 1844-7 du Code civil (N° Lexbase : L2027ABP) dispose : "la société prend fin [...] 7° Par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire". Mais la difficulté ici rencontrée n'aura pratiquement plus l'occasion de se rencontrer car, faisant preuve d'un grand pragmatisme, le législateur prévoit, à l'article L. 641-9-II, alinéa 1er, nouveau du Code de commerce (N° Lexbase : L3951HBX) que, "lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale. En cas de nécessité, un mandataire peut être désigné en leur lieu et place par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public".

P.-M. Le Corre

  • L'absence d'interruption de la prescription courant contre le débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire (Cass. com., 20 septembre 2005, n° 03-17.137, Société Laporte Holding c/ Crédit commercial de France (CCF), F-P+B N° Lexbase : A5013DKU)

Selon l'article L. 621-40-I du Code de commerce (N° Lexbase : L6892AI4), "le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent
".

Selon l'article L. 621-40-III du Code de commerce, "les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus".

Cette dernière disposition est l'objet de fort peu de contentieux. L'intérêt de l'arrêt rapporté n'en est que plus grand. Il pose la question de savoir si le débiteur peut exhiber la règle pour prétendre à l'interruption du délai de prescription pour soulever l'exception de nullité du contrat de prêt dans le cadre d'une instance d'admission de la créance au passif.

En l'espèce, une banque accorde un prêt à une société. Moins de cinq ans plus tard, la société est déclarée en redressement judiciaire. Dans le cadre de la procédure de vérification des créances, une exception de nullité du prêt pour irrégularité de la stipulation du taux d'intérêts insérée dans le contrat de prêt est soulevée par le débiteur et son administrateur judiciaire, plus de cinq ans après le déblocage du prêt. Cette nullité, enfermée dans le délai de cinq ans du début de l'exécution du prêt, avait-elle vu son délai de prescription interrompu par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur ? Non, répond la Cour de cassation. "Le délai de prescription qui court contre un débiteur n'est pas suspendu par sa mise en redressement ou liquidation judiciaire".

L'article L. 621-40-III du Code de commerce, qui est repris par la loi de sauvegarde des entreprises à l'article L. 622-21-III du même code (N° Lexbase : L3741HB8), n'est donc pas réversible. Il joue à sens unique. Il interrompt les délais de prescription, voire de forclusion, au seul bénéfice du créancier qui est frappé par la règle de l'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution. Le débiteur, quant à lui, n'est pas concerné par cette règle. Il peut agir, éventuellement avec l'assistance de son administrateur, voire par représentation de son administrateur judiciaire ou de son liquidateur judiciaire. Mais, puisqu'il peut agir, il n'y a pas de raison de le faire bénéficier de la règle de l'interruption des délais impartis à peine de déchéance.

Au demeurant, il faut ajouter que, du côté du créancier, les actions qui ne tendent ni directement, ni indirectement au paiement d'une somme d'argent, ne sont pas concernées par la règle de l'arrêt des poursuites individuelles.
Il en est ainsi des actions qui portent sur l'efficacité de la convention. Sont, ainsi, soustraites à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, les actions tendant à déterminer la validité de la convention (CA Agen, 23 octobre 1996, Rev. proc. coll. 1998, 236, n° 3, obs. F. Macorig-Venier), les actions en nullité du contrat (CA Dijon, 25 novembre 1995, Bull. inf. C. cass. 1995, n° 841 ; Rev. huissiers 1995, 263 ; CA Paris, 2ème ch., sect. A, 14 oct. 2003, RG n° 2002/12938 ; adde sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967 (loi n° 67-563 N° Lexbase : L7803GT8) ; Cass. com., 10 octobre 1978, n° 77-10156, Lelaie, SA SCIFA c/ SA Office Foncier Investissement OFI, Pernot, publié N° Lexbase : A9513CGG, Gaz. Pal. 1979, I, pan. 40), desquelles on rapprochera les actions en réduction du prix de vente d'un fonds de commerce pour inexactitude des mentions obligatoires (CA Paris, 17 janvier 1994, RJDA 1994, n° 333 ; Rev. proc. coll. 1996, 70, n° 1, obs. F. Macorig-Vénier) ou en rescision pour lésion (Cass. com., 8 décembre 1976, n° 74-14607, Feraud-Prax c/ Poletti, publié N° Lexbase : A6884CG3, sol. impl., Bull. civ. IV, n° 312 ; CA Angers, 12 avril 1989, Rev. proc. coll. 1990, 227, n° 7, obs. C. Saint-Alary Houin ; CA Paris, 5ème ch., sect. B, 13 mai 1993, Rev. proc. coll. 1994, 34, n° 4, obs. C. Saint-Alary Houin). En conséquence, puisque de telles actions ne sont pas affectées par la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, l'article L. 621-40-III du Code de commerce, et demain, l'article L. 622-21-III, ne pourraient être appliqués, puisque ces textes sont des corollaires directs de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles.

Signalons, enfin, qu'il existe une autre cause d'interruption de la prescription (Cass. com., 15 mars 2005, n° 03-17.783, FS-P+B N° Lexbase : A3022DHE, D. 2005, AJ p. 1286, obs. A. Lienhard), mais qui ne joue identiquement qu'au profit du créancier : la déclaration de créance au passif, pour cette raison qu'elle est aussi un corollaire de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles.

P.-M. Le Corre

Pour la 2ème partie de cet article, lire (N° Lexbase : N6356AKM)

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Entreprises en difficulté

[Panorama] Entreprises en difficulté : panorama de jurisprudence du troisième trimestre 2005 (2ème partie)

Lecture: 13 min

N6356AKM

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Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3207659-edition-n-187-du-27102005#article-86356
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université Lumière-Lyon II, Avocat au Barreau de Grasse

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, un panorama de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de la jurisprudence rendue en matière de procédures collectives au cours du troisième trimestre 2005. La vente d'un bien indivis en liquidation judiciaire, mais aussi la nullité de licenciements intervenus dans le cadre d'un plan de cession, ou encore l'action en revendication, constituent les thèmes majeurs de l'actualité jurisprudentielle (cf. Entreprises en difficulté : panorama de jurisprudence du troisième trimestre 2005 (1ère partie) N° Lexbase : N9939AIX).
  • L'embauche d'un salarié peut être un acte de gestion courante (Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-41.598, F-P+B N° Lexbase : A5042DKX)

La notion d'acte de gestion courante est délicate. La jurisprudence est assez peu fournie sur la question. Pourtant, la qualification d'acte de gestion courante est importante. Elle peut, en effet, conditionner l'efficacité de l'acte accompli. La question qui se posait, dans l'arrêt rapporté, était de savoir si l'embauche d'un chauffeur-livreur constituait, pour le débiteur en régime simplifié, non flanqué d'un administrateur, un acte de gestion courante. La Cour de cassation y apporte une réponse positive en énonçant que, "lorsqu'aucun administrateur n'a été désigné par le jugement de redressement judiciaire selon la formule simplifiée, l'activité est poursuivie par le seul débiteur, lequel doit, en application de l'article L. 621 -24 du Code de commerce, obtenir l'autorisation du juge-commissaire pour l'exercice des actes de disposition étrangers à la gestion courante de l'entreprise ; [...] que le conseil de prud'hommes, qui a relevé que la salariée avait été engagée en qualité de chauffeur-livreur en vertu d'un contrat conclu pour une période courte afin de faire face à un surcroît de l'activité habituelle de transport de marchandises de l'entreprise, a décidé à bon droit que le contrat de travail conclu par le débiteur constituait un acte de gestion courante pour l'exercice duquel l'autorisation du juge-commissaire n'était pas requise".

Dans le régime général du redressement judiciaire simplifié et, sous l'empire de la législation issue de la loi de sauvegarde des entreprises , dans les procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire ouvertes sans administrateur, la notion d'acte de gestion courante est utile pour protéger les tiers de bonne foi, c'est-à-dire les personnes restées dans l'ignorance de la procédure collective atteignant le débiteur. L'article L. 621-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L6875AIH) (anct L. 25 janv. 1985, art. 32, al. 2), dans la rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, valide, en effet, les actes de gestion courante accomplis par le débiteur seul, alors qu'il aurait dû être assisté en sauvegarde ou en redressement judiciaire ou représenté, en redressement judiciaire, par l'administrateur judiciaire. La solution est reprise par la réforme du 26 juillet 2005, par l'article L 622-13 (N° Lexbase : L3872HBZ) texte de la procédure de sauvegarde également applicable en redressement judiciaire (C. com., art. L 631 -14-I N° Lexbase : L4025HBP). Le Code de commerce ne définit pas la notion d'acte de gestion courante. Cependant, il exclut, dans ces articles, certaines dispositions, ce qui, négativement, permet de ne pas englober dans le périmètre de la notion d'acte de gestion courante un certain nombre d'opérations. Il en est ainsi des paiements, des constitutions de sûretés, des compromis et des transactions.

La continuation des contrats en cours échappe également à la notion d'acte de gestion courante. Le débiteur ne pourra seul, alors qu'un administrateur judiciaire a été nommé, opter pour la continuation du contrat, même si le cocontractant est de bonne foi.

En revanche, que se passe-t-il pour la conclusion de contrats après le jugement d'ouverture ? La jurisprudence avait eu à statuer sur l'embauche, par le débiteur flanqué d'un administrateur, d'un salarié de haut niveau. Elle avait considéré qu'il n'y avait pas là acte de gestion courante (Cass. com., 3 avril 1990, n° 85-46.530, Mlle Baratay c/ Société Clinique du Léman et autre, publié N° Lexbase : A1738AHT ; Bull. civ. IV, n° 115 ; Cass. com., 5 octobre 1993, n° 91-14.361, M Caille, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Douzies Cérame c/ Cartonnerie Norembal N° Lexbase : A5670ABM, D. 1994, somm. p. 81, obs. A. Honorat ; Cass. soc., 30 mai 2001, n° 99-42.769, M. Leblay c/ M. Benoît Fontaine N° Lexbase : A6296AGB, Act. proc. coll. 2001 /16, n° 203, obs. C. Régnaut-Moutier). La solution était particulièrement dommageable pour le salarié. En effet, l'acte passé au mépris des règles dites de l'administration contrôlée, qui permettent de déterminer une répartition des fonctions entre le débiteur et son administrateur judiciaire, est frappé d'inopposabilité à la procédure. Le salarié ne peut donc prétende être payé dans les conditions préférentielles attachées aux créances postérieures. En effet, le non-respect des règles de l'administration contrôlée empêche la naissance régulière de la créance. La solution de l'inopposabilité de l'acte accompli au mépris des règles de l'administration contrôlée à la procédure collective a été spécialement posée pour le licenciement opéré par le débiteur seul, sans intervention de l'administrateur ayant mission d'assistance (Cass. soc., 28 juin 2001, n° 00-40.986, M. Dominique Miquel c/ Centre de gestion et d''études AGS (CGEA) de Lille N° Lexbase : A7977ATM, Act. proc. coll. 2001/14, n° 175).

La solution contraire est, ici, posée par la Cour de cassation. L'embauche du salarié par le débiteur seul est un acte de gestion courante. Comment articuler ces deux solutions apparemment contradictoires ? Dans l'espèce ici commentée, il ne s'agissait pas d'un salarié d'un haut niveau de qualification. Il s'agissait de l'embauche, par une société de transport de marchandises, d'un chauffeur-livreur. L'embauche était intervenue à une période de pointe dans l'activité de l'entreprise. Or, positivement, nous avons pu définir l'acte de gestion courante comme l'acte permettant à l'entreprise de fonctionner au quotidien. Une entreprise de transport de marchandises ne peut fonctionner au quotidien que si elle est en mesure d'effectuer les livraisons commandées. La définition de l'acte de gestion courante est, ici, parfaitement respectée et l'arrêt mérite, en conséquence, pleine approbation.

P.-M. Le Corre

  • La demande en acquiescement : préalable obligatoire à la demande en restitution (Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-11.320, FS-P+B N° Lexbase : A8956DIK)

En matière de restitution, la demande en acquiescement constitue-t-elle un préalable obligatoire ? L'espèce ayant donné lieu à l'arrêt rapporté du 5 juillet 2005 a conduit la Cour de cassation à répondre à cette interrogation.

Un débiteur avait fait l'objet d'un redressement judiciaire avec désignation d'un administrateur judiciaire. Un crédit-bailleur présentait une demande en acquiescement de restitution au représentant des créanciers. Alors que le délai d'un mois de réponse à la demande en acquiescement de restitution n'était pas expiré, le redressement était converti en liquidation judiciaire et le représentant des créanciers désigné en qualité de liquidateur. Faute d'avoir obtenu une réponse à sa demande en acquiescement, le crédit-bailleur saisissait le juge-commissaire puis, en l'absence de décision émanant de ce dernier, assignait le liquidateur devant le tribunal aux fins de restitution du matériel, à défaut, de son prix. Le tribunal ne fit pas droit à cette demande. Sur appel du crédit-bailleur, la cour d'appel de Douai, infirmant le jugement du tribunal, a accueilli la demande du crédit-bailleur, entre temps absorbé par sa société mère, laquelle était intervenue volontairement en cause d'appel. Le pourvoi formé par le liquidateur es qualité fut rejeté par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt qui répond à plusieurs questions intéressant les demandes en restitution.

On se souvient que la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction initiale, n'avait institué qu'une seule action devant être exercée par le propriétaire : l'action en revendication présentée dans le délai de l'article 115 (N° Lexbase : L6494AHY). Elle ne prévoyait qu'une étape unique: celle de la requête au juge-commissaire. La loi du 10 juin 1994 (N° Lexbase : L9127AG7) y a substitué une procédure en deux temps : celle de la demande en acquiescement -de revendication ou de restitution- adressée au mandataire compétent, suivie de la phase de saisine du juge-commissaire en cas de défaut d'acquiescement exprès ou tacite. La Cour de cassation, statuant en matière de revendication, a considéré que la phase de la demande en acquiescement constituait un préalable obligatoire. Le propriétaire ne peut donc saisir directement le juge-commissaire de sa demande en revendication. La requête qui lui serait adressée serait irrecevable (Cass. com., 2 octobre 2001, n° 98-22.304, Mme Marie Babian, épouse Sandjian c/ M. Walczak N° Lexbase : A1487AWY, D. 2001, AJ p. 3043, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll. 2001/19, n° 250, obs. F. Pérochon ; JCP éd. E 2001, pan. p. 1746 ; Dr. et procéd. 2002/1, p. 29, J. 006, obs. J.-L. Courtier; JCP éd. E 2002, chron. 175, p. 173, no 13, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; RTD Com. 2002, p. 360, n° 3, obs. B. Bouloc ; RTD Com. 2002, p. 159, n° 9, obs. A. Martin-Serf; Cass. com., 28 janvier 2004, n° 01-03.240, F-D N° Lexbase : A0328DBR), même si elle l'est dans le délai de l'article L. 621-115 du Code de commerce (N° Lexbase : L6967AIU). Cette solution n'est pas modifiée par l'article L. 624-9 issu de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005  (N° Lexbase : L3777HBI) qui reprend cette disposition.

En matière de restitution, la saisine préalable du mandataire de justice compétent s'impose-t-elle également ? Le juge-commissaire -ou le tribunal sur le fondement de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5307A4C), si le juge-commissaire tarde à rendre une ordonnance- peut-il être directement saisi d'une demande en restitution sans que le mandataire de justice compétent n'ait été au préalable saisi de la demande en acquiescement ?

Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation répond par l'affirmative : la procédure préliminaire de la demande en acquiescement présentée au mandataire compétent constitue "un préalable obligatoire à l'engagement de l'action en restitution".

Cette position présente la mérite d'être parfaitement cohérente car elle se situe dans la droite ligne de celle adoptée en matière de demande en revendication, est parfaitement cohérente et ne peut, sous cet angle, qu'être approuvée. Cette unicité de solution découle logiquement de la rédaction de l'article L. 621-123 du Code de commerce (N° Lexbase : L6975AI8) (devenu l'article L. 624-17 dans la rédaction qui lui donne la loi de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L4089HB3) qui concerne, à la fois, les demandes en revendication et en restitution et vise les deux phases -demande en acquiescement puis demande en restitution-. Cependant, les conséquences de l'erreur du propriétaire ayant directement saisi le juge-commissaire ne seront pas identiques selon que l'action l'est en revendication ou en restitution. Dans le premier cas, celui de l'action en revendication, le propriétaire se trouvera forclos si le délai de l'article L. 621-115 du Code de commerce (N° Lexbase : L6967AIU) est expiré. Dans le second cas, aucune forclusion ne frappera le propriétaire titulaire d'un contrat publié qui n'aura pas respecté les exigences procédurales posées en matière de restitution. L'action en restitution, facultative, n'est, en effet, enfermée dans aucun délai. Si le propriétaire voit sa requête en restitution rejetée pour ce motif, il aura commis une erreur qui ne doit pas porter à conséquence. Il lui appartiendra, simplement, de présenter, à tout moment, une nouvelle demande en acquiescement de restitution auprès du mandataire compétent. L'autorité de chose jugée attachée à la première ordonnance de rejet de la demande en restitution rendue au motif de l'absence de demande en restitution régulière préalable ne vient pas contrarier cette possibilité, la triple identité de parties, de cause et d'objet n'existant pas (CA Agen, 1ère ch., 13 juin 2005, RG n° 04/00609, arrêt n° 665-05).

E. Le Corre-Broly

  • Dès lors que le prix de revente n'a pas été réglé entre les mains de l'acquéreur débiteur faisant l'objet d'une procédure collective, la demande en revendication du prix présentée par le vendeur initial doit-elle être dirigée à l'encontre du débiteur ou du sous-acquéreur ? (Cass. com., 20 septembre 2005, n° 04-14.702, F-P+B N° Lexbase : A5194DKL)

A la suite de la liquidation judiciaire de l'acquéreur, un vendeur impayé a revendiqué les marchandises vendues avec réserve de propriété et, à défaut, leur prix. Dans un premier temps, le juge-commissaire puis le tribunal ont rejeté la demande. Réformant le jugement, la cour d'appel a considéré comme bien fondée l'action en revendication et jugé que les sous-acquéreurs pourront se libérer valablement entre les mains du revendiquant. La Cour de cassation, statuant par un arrêt en date du 20 septembre 2005, rejeta le pourvoi formé par le liquidateur judiciaire de l'acquéreur.

Au soutien de son pourvoi, le liquidateur judiciaire de l'acquéreur, es qualité, relevait que les biens vendus par le revendiquant à la société ensuite liquidée avaient été livrés auprès de sous-acquéreurs qui ne s'étaient pas acquittés du prix. Il en déduisait que le prix ne pouvait être revendiqué qu'entre les mains des sous -acquéreurs et non pas entre celles de la société liquidée, acquéreur d'origine.

L'argument trouvait sa source dans la rédaction des articles L. 621-124 du Code de commerce (N° Lexbase : L6976AI9) et 85-3 du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5384A48). Il résulte des dispositions du premier texte que "peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l'article L. 621-122 (N° Lexbase : L6974AI7) qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire". Le second texte, l'article 85-3 du décret du 27 décembre 1985, précise que les sommes payées par le sous-acquéreur au débiteur postérieurement à l'introduction de l'action revendication doivent être versées par le débiteur entre les mains du liquidateur afin d'être attribuées au créancier revendiquant à concurrence de sa créance.

Le liquidateur es qualité en déduisait, à tort, que l'action en revendication du prix ne pouvait prospérer que si celui-ci avait effectivement été versé entre les mains du débiteur après l'ouverture de la procédure.

La question qui se posait, en l'espèce, était donc celle de savoir si pouvait être revendiqué, entre les mains du débiteur, un "prix" qui ne lui avait pas encore été versé par le sous-acquéreur du bien vendu sous clause de réserve de propriété. Comment peut-on revendiquer entre les mains du débiteur un "prix", alors que celui-ci ne lui a pas été versé ? La réponse à cette question nous vient de la doctrine faisant autorité en la matière (F. Pérochon, Dic. Perm. Diff. Ent., Clause de réserve de propriété et revendications, n° 60) : cette revendication est possible parce que l'objet de la revendication n'est pas à proprement parler le "prix" de revente convenu entre le débiteur-revendeur et le sous-acquéreur. En effet, comme le remarque cet auteur, "bien que l'article L. 621-124 du Code de commerce évoque la 'revendication du prix' [...], c'est en substance la revendication de la créance du prix de revente qu'il prévoit, puisque cette action a pour objet le prix de revente restant dû par le sous-acquéreur à l'ouverture de la procédure". L'action revendication du prix a pour objet de faire reconnaître au profit du vendeur son droit sur la créance du prix de revente qui, par l'effet de la subrogation réelle, s'est substitué à la chose vendue. Ainsi, il importe peu, pour que puisse s'exercer l'action en revendication du prix, que le prix de revente n'ait pas été versé entre les mains du débiteur-revendeur au jour où est rendue la décision relative à l'action en revendication.

Ainsi, l'expression "revendication du prix" désigne, à la fois, l'action en revendication du prix déjà versé entre les mains du débiteur, ainsi que celle en revendication de la créance du prix. Cette ambivalence est source de confusion, comme en témoigne l'espèce rapportée.

En définitive, de deux choses, l'une :- soit le prix de revente, non payé à la date du jugement d'ouverture, est versé au débiteur avant la décision statuant sur la revendication. Le mandataire de justice devra affecter les fonds au paiement de la créance du revendiquant. S'il n'est pas en mesure de représenter les fonds provenant de la vente, à concurrence de la créance du revendiquant, il engage sa responsabilité (Cass. com., 4 janvier 2000, n° 96-18.638, M Koch c/ Société PRB, publié N° Lexbase : A8676AHS, Bull. civ. IV, n° 5 ; JCP éd. E 2000, chron. 701, n° 7, obs. M. Cabrillac ; Act. proc. coll. 2000/3, n° 29, obs. P. Crocq) ;- soit, comme c'est le cas en l'espèce, le prix de revente n'a pas été versé entre les mains de l'acquéreur d'origine au jour où est rendue la décision relative à l'action en revendication du prix. Il n'en demeure pas moins que cette action doit prospérer puisqu'elle est, en définitive, une action en revendication de la créance du prix de revente. Par l'effet de cette revendication, le revendiquant est reconnu comme titulaire d'un droit de propriété sur la créance du prix de revente "né sur la tête du débiteur puis entré, par subrogation réelle, dans le patrimoine du revendiquant aux lieu et place de la chose vendue" (Cass. com., 20 juin 1989, n° 88-11.720, Banque Nationale de Paris c/ Société Micro-Informatique et de Télécommunications et autres, publié N° Lexbase : A0025ABK, Bull. civ. IV, n° 197 ; D. 1989, p. 431, note F. Pérochon ; Banque 1989, p. 760, obs. Rives-Lange ; RTD Com. 1989, p. 745, obs. A. Martin-Serf ; RTD Civ. 1989, p. 748, obs. J. Mestre ; RTD Civ. 1990, p. 131, obs. Bandrac ; JCP éd. E, II, 15668, n° 14, obs. M. Cabrillac).

C'est en ce sens que statue la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté. En admettant la revendication d'un prix qui n'avait pas encore été versé entre les mains du débiteur, elle considère, implicitement, mais nécessairement, que l'action en revendication du prix est une action en revendication de la créance du prix. Une fois cette revendication de la créance du prix de revente exercée, il appartient alors au vendeur-revendiquant d'exercer une action personnelle en paiement contre le sous-acquéreur et ce, comme l'a relevé la doctrine, sur le fondement "de sa qualité de propriétaire de ce bien qu'est la créance du prix de revente si le sous-acquéreur ne paye pas à l'échéance" (Pérochon, préc., n° 61 ; Cass. com., 15 février 2000, n° 97-15.335, M. Lucien Guitart c/ Société Lasry vitrage N° Lexbase : A0900B7H ; Act. Proc. Coll. 2000-7, n° 75 ; RJDA n° 5/2000, n° 573). Cette action en paiement contre le tiers découle de l'action en revendication, mais ne se confond pas avec elle.

Quelle attitude conseiller au praticien ? Dans l'hypothèse où le prix de revente n'aurait pas encore été versé entre les mains du débiteur, la prudence et la commodité conduiront le vendeur avec clause de réserve de propriété à faire intervenir le sous -acquéreur à l'instance en revendication.

E. Le Corre-Broly

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Fiscalité des particuliers

[Textes] Fiche n° 3 : du "bouclier fiscal" aux "niches fiscales"

Réf. : Projet de loi de finances 2006

Lecture: 5 min

N0053AK8

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par S. D.

Le 07 Octobre 2010

Dès le 1er septembre, lors de sa conférence de presse de rentrée, le Premier ministre, Dominique de Villepin, avait annoncé qu'il souhaitait limiter le bénéfice des différents déductions, réductions et crédits d'impôt pour les contribuables, afin d'éviter que certains contribuables abusent des "niches fiscales" pour ne pas payer d'impôt. En conséquence, les avantages fiscaux seraient plafonnés, en 2007, à 8 000 euros par foyer, plus 750 euros par personne à charge (2). Ce dispositif compenserait, également, une autre mesure d'envergure désignée sous le vocable de "bouclier fiscal" (1). 1. Le plafonnement des impôts directs par rapport au revenu ("bouclier fiscal")

Le projet de finances pour 2006 introduit une nouveauté majeure dans le système fiscal français consistant à restituer au contribuable les sommes prélevées par l'Etat ou les collectivités publiques, dès lors qu'elles dépassent 60 % de ses revenus.

  • Le principe du "bouclier fiscal"

Comme l'a rappelé le Premier ministre lors de sa conférence de presse du 1er septembre, les effets d'un prélèvement fiscal excessif peuvent être dévastateurs sur l'investissement, les délocalisations et, en définitive, sur l'emploi. En effet, il peut arriver que le montant total des impositions locales, des impôts sur le revenu et sur le patrimoine dépasse le revenu annuel. Le Gouvernement cite, pour exemple, l'hypothèse de contribuables modestes, souvent âgés, qui perçoivent de très faibles revenus ou bien des artisans qui ont eu une année difficile, des agriculteurs qui ont subi une mauvaise récolte ou des créateurs d'entreprise dont l'activité met du temps à démarrer.

Pour corriger ces situations et renforcer la compétitivité fiscale de la France, il est, donc, proposé d'affirmer solennellement, dans un article 1er du CGI, que le niveau de la charge fiscale ne peut excéder une certaine proportion du revenu.

Il convient de souligner que ce dispositif existe, déjà, dans trois pays de l'Union européenne. Ainsi, en Suède, le total de l'impôt sur le revenu national et local et de l'impôt sur la fortune ne doit pas excéder 60 % des revenus. De même, en Espagne, le montant cumulé de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur le fortune ne doit pas dépasser 60 % des ressources imposables. Enfin, en Finlande, le montant cumulé de l'impôt sur le revenu (tant national que municipal et cultuel), de l'impôt sur la fortune et des prélèvements sociaux ne peut pas excéder 60 % des revenus.

  • Les modalités du droit à restitution

Les impôts concernés par ce dispositif seraient l'impôt sur le revenu (y compris le prélèvement libératoire), l'impôt de solidarité sur la fortune, ainsi que la taxe d'habitation et la taxe foncière afférentes à l'habitation principale, une fois ces impôts régulièrement payés. En revanche, les prélèvements sociaux (CSG, CRDS), qui viennent en substitution des cotisations sociales, et la fiscalité locale sur les résidences secondaires dont l'existence et le nombre relèvent du libre choix du contribuable, n'entreraient pas dans le champ de cette mesure.

Par ailleurs, l'ensemble des revenus perçus par le contribuable l'année précédant celle du paiement des impôts, qu'ils soient actuellement déclarés ou non déclarés, à l'exception de certaines allocations (allocation familiale ; allocation adulte handicapé ; allocation parent isolé ; etc.) et de certaines plus-values exonérées (plus-values immobilières) serait pris en compte.

S'agissant du droit à restitution, celui-ci serait exercé sur demande du contribuable et se traduirait, dans un premier temps, par un reversement effectif des sommes indûment prélevées. La restitution accordée au contribuable serait, ensuite, prise en charge par l'Etat et les collectivités territoriales en proportion du montant des impôts revenant à chacun d'eux. La "refacturation" aux collectivités territoriales interviendrait deux années après le versement de la restitution, afin de laisser le temps à celles-ci d'intégrer le coût dans leurs prévisions budgétaires.

Le droit à restitution pourrait être exercé pour la première fois début 2007 au titre des impôts payés en 2006. Si ce dispositif fonctionne, quelques 93 000 contribuables verront, ainsi, leur impôt allégé. Parmi eux, les 6 000 contribuables assujettis à l'ISF.

C'est pourquoi, afin de contrebalancer ce "bouclier fiscal" au nom de la justice sociale, le Gouvernement a mis en avant le plafonnement des avantages tirés des "niches fiscales".

2. Le plafonnement des "niche fiscales"

Pour éviter que le cumul d'avantages fiscaux ne réduise la progressivité de l'impôt sur le revenu au-delà de ce que peut justifier l'objectif d'intérêt général, il est proposé de limiter l'avantage que l'ensemble des mesures catégorielles sont susceptibles de procurer à un même foyer fiscal.

  • Le dispositif actuellement en vigueur

L'impôt sur le revenu est normalement dû chaque année en raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année sous déduction des dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de leur conservation.

Toutefois, afin de dynamiser certains secteurs économiques ou d'aider au financement de dépenses particulières, le législateur accorde des avantages fiscaux sous la formes d'exonération, d'abattements, de réductions et de crédits d'impôts. Ces avantages fiscaux sont considérés individuellement et peuvent se cumuler.

  • Les changements proposés par le Gouvernement

A compter des revenus 2006, les avantages fiscaux seraient plafonnés à 8 000 euros par foyer fiscal, majorés de 750 euros par personnes à charge (enfants, personnes âgées) et de 5 000 euros en cas de présence d'une personne handicapée.

Seraient concernés les avantages fiscaux à caractère économique afférents à un investissement du contribuable et ceux ayant pour contrepartie une prestation dont bénéficie le contribuable, tels que les investissements immobiliers Robien et ceux issus de la loi Malraux.

Toutefois, les avantages correspondants à des situations subies, compensant des astreintes particulières, liés à une activité professionnelle ou encourageant des versements sans contrepartie ne se situeraient pas dans le périmètre du plafond. C'est le cas, par exemple, du plan d'épargne retraite individuelle (PERP).

S'agissant des investissements dans les départements d'outre-mer, les réductions existantes actuellement et non plafonnées feraient l'objet d'un encadrement spécifique compte tenu de leur importance économique. L'avantage serait, en effet, limité soit à 8 000 euros (plus majorations pour personnes à charges ou handicapées), soit à 15 % du revenu net imposable si ce montant est supérieur.

De même, les investissements au capital des SOFICA, ainsi que les pertes en capital subies à la suite de souscriptions en numéraire au capital de certaines sociétés, qui sont actuellement déductibles du revenu global et qui procurent un avantage lié au taux marginal d'imposition à l'impôt sur le revenu, donneraient droit à une réduction d'impôt sur le revenu au taux de 40 %.

Ne seraient, ainsi, concernées que les niches dites "d'opportunité", comme la réduction d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile , le crédit d'impôt pour frais de garde des jeunes enfants , le crédit d'impôt en faveur de l'acquisition de véhicules propres  ou encore souscriptions de parts de fonds communs de placement . En revanche, sont exclus du plafonnement la prime pour l'emploi , le quotient familial et les indemnités de départ à la retraite pour ne citer que ceux-ci.

Le Gouvernement estime qu'entre 10 000 et 20 000 contribuables seraient concernés par le plafonnement de ces avantages fiscaux.

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Social général

[Manifestations à venir] Droit social : Les restructurations, 27ème colloque

Lecture: 1 min

N0091AKL

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Le 07 Octobre 2010

Jean-Emmanuel Ray organise le 27ème colloque "Droit social" le jeudi 1er décembre 2005, qui aura pour thème les restructurations. 8h30 ouverture du colloque
Par Fernando Vasquez,
Conseiller du directeur général, en charge des restructurations
DG "Emploi, Affaires sociales et Egalité des Chances" - Commission Européenne
  • Matinée

Restructurations, transfert d'une activité ou externalisation du personnel ?
Alain Supiot, professeur à l'Université de Nantes
Michel Henry, avocat à la Cour, Paris

Restructurations et protection sociale
Patrick Morvan, professeur à l'Université Paris II (Panthéon-Assas)
Xavier Barrière, directeur des Ressources Humaines Europe, Groupe Air Liquide

Restructurations et délocalisations
Christophe Radé, professeur à l'Université Montesquieu (Bordeaux IV)
Yves Fromont, avocat à la Cour, Lyon

  • Après-midi

Négocier les restructurations après la loi du 18 janvier 2005
Paul-Henri Antonmattéi, doyen de la faculté de droit de Montpellier
Anne de Ravaran, directeur juridique RH, Groupe Thalès

Restructurations et comité d'entreprise européen
Marie-Ange Moreau, professeur à l'Institut Universitaire Européen (Florence)
Gilles Bélier, avocat à la Cour, Paris

Restructurations et expertises
Pierre-Yves Verkindt, professeur à l'Université Lilles II
Frédéric Bruggeman, responsable du pôle "Licenciements et restructurations", Cabinet Syndex

17h30, conclusion du colloque par Fernando Vasquez

  • Lieu

Sofitel Paris, Forum Rive Gauche
17 boulevard Saint-Jacques - 75 014 Paris

  • Renseignements

Tel : 01.55.42.61.30
Fax : 01.55.42.61.39

  • Inscriptions

Droit social
3, rue Soufflot
75 005 Paris
www.editecom.com

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