La lettre juridique n°181 du 15 septembre 2005

La lettre juridique - Édition n°181

Table des matières

Au fil des revues... de la naissance à l'évidence

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N8424AIT

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010


Le droit public est un droit vivant, abreuvé chaque jour de nouveaux textes, de nouvelles jurisprudences sur lesquels de nouvelles opinions doctrinales doivent éclairer les praticiens. Hiérarchiser, analyser et synthétiser sont les maîtres-mots de la nouvelle Revue Lexbase de Droit Public aux fins exclusives d'accompagner les juristes et avocats dans leur recherche d'une solution d'information fiable pour une applicabilité directe. Articles de veille, de doctrine, conseils pratiques, brèves d'actualité, compte-rendus de conférence et autres entretiens avec des professionnels alimenteront chaque édition bimestrielle. Et parce que l'information juridique mérite toute confiance, un lien direct avec le texte ou la décision commentée, en format intégral et des renvois vers toutes les références pertinentes permettent d'appréhender l'information dans toutes ses dimensions. Prenez rendez-vous, à compter du 15 septembre, avec la Revue Lexbase de Droit Public pour faire le point sur toute l'actualité du droit des marchés publics, de la fonction publique, du droit électoral, de l'intercommunalité, de la délégation de service public...

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Avocats

[Evénement] Le cabinet Savin-Martinet Associés* présent à la Juris'cup 2006 aux côtés de IFAJC**

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N8461AI9

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Le 07 Octobre 2010

Du 15 au 18 septembre 2005, plus de 150 voiliers seront rassemblés à Marseille dans le cadre de la 15ème Juris'cup : La régate des professionnels du droit. Plus de 2000 avocats et juristes de l'Europe entière se rencontrent ainsi sur l'eau.

Pour la 2ème année consécutive, le cabinet Savin-Martinet Associés et les élèves avocats membres de l'IFAJC auront leur bateau. Ils espèrent réussir aussi brillamment qu'en 2004 où ils avaient obtenu la 3ème place du podium dans la catégorie des monotypes Jod 35.

* Cabinet d'avocats conseils, spécialisé en risques industriels (environnement, sites et sols pollués, hygiène, sécurité, santé...). http://www.smaparis.com
** Institut de Formation des Attachés de Justice Consulaire regroupant chaque année 12 élèves avocats du Barreau de Paris qui effectuent un stage de six mois au sein des différentes chambres du Tribunal de Commerce de Paris parallèlement à leur scolarité à l'EFB.

newsid:78461

Social général

[Textes] Précisions réglementaires sur la responsabilité sociale de l'entreprise en cas de licenciement économique

Réf. : Décret n° 2005-1084 du 31 août 2005 pris pour l'application de l'article L. 321-17 du Code du travail et modifiant ce code (N° Lexbase : L9076HBR)

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N8421AIQ

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (N° Lexbase : L1304AW9) avait, dans son article 118, mis en place des mesures visant à contraindre les entreprises qui procèdent "à des licenciements économiques susceptibles par leur ampleur d'affecter l'équilibre économique du bassin d'emploi considéré" à prendre des mesures destinées à "contribuer à la création d'activités, aux actions de formation professionnelle et au développement des emplois dans le bassin d'emploi". Suspendues par la loi du 3 janvier 2003 (loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques N° Lexbase : L9374A8P), ces dispositions ont été définitivement abrogées par la loi de cohésion sociale (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49), et remplacées par un dispositif moins contraignant. Un décret n° 2005-1084 du 31 août 2005 pris pour l'application de l'article L. 321-17 du Code du travail ([LXB=L8932G7X ]) et modifiant ce code (N° Lexbase : L9076HBR) vient préciser les modalités d'application de ces nouvelles dispositions, tant pour les entreprises occupant au moins 1 000 salariés (1) que pour les autres (2). 1. Mesures applicables aux entreprises occupant au moins 1 000 salariés

1.1. Entreprises concernées

La loi concerne ici les entreprises qui "procèdent à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l'équilibre du ou des bassins d'emploi dans lesquels elles sont implantées", à l'exclusion de celles qui font l'objet d'une procédure collective.

1.2. Mesures à mettre en oeuvre

  • Contribution des entreprises

Ces entreprises doivent "contribuer à la création d'activités et au développement des emplois" et "atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi".

Cette contribution est fixée par la loi et le montant "ne peut être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé".

Le décret fournit des précisions sur cette contribution. Il convient, en effet, de prendre en compte "le nombre d'emplois supprimés", lequel "est égal au nombre de salariés licenciés", auquel il convient de soustraire ceux qui ont bénéficié de mesures de reclassement sur le ou les bassins d'emploi affectés par le licenciement collectif (C. trav., art. R. 321-21).

  • Réduction de la contribution

Cette contribution peut être réduite si l'entreprise se trouve dans l'incapacité d'en assurer la charge financière. Dans cette dernière hypothèse, le représentant de l'Etat peut "fixer un montant inférieur". Le décret indique qu'il doit recueillir "l'avis du comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises compétent ou, le cas échéant, du comité interministériel de restructuration industrielle" (C. trav., art. R. 321-21).

  • Conclusion d'une convention avec l'Etat

C'est une "convention entre l'entreprise et le représentant de l'Etat, conclue dans un délai de six mois à compter" de la notification à l'autorité administrative du projet de licenciement, qui "détermine, le cas échéant sur la base d'une étude d'impact social et territorial prescrite par le représentant de l'Etat, la nature ainsi que les modalités de financement et de mise en oeuvre des actions prévues à l'alinéa précédent".

Sur ce premier point, le décret apporte des précisions intéressantes.

En premier lieu, l'article R. 321-17 nouveau du Code du travail dispose que le ou les représentants de l'Etat doivent informer l'entreprise, dans le mois qui suit l'information de l'autorité administrative et, le cas échéant, en ayant recueilli ses observations, du fait de savoir si elle relève du champ d'application de l'article L. 321-17 du Code du travail.

Pour ce faire, le représentant de l'Etat apprécie "si ce licenciement affecte, par son ampleur, l'équilibre du ou des bassins d'emploi concernés" à l'aide d'indices précisés par le texte tenant au nombre et aux caractéristiques des emplois susceptibles d'être supprimés, du taux de chômage et des caractéristiques socio-économiques du ou des bassins d'emploi et des effets du licenciement sur les autres entreprises de ce ou ces bassins d'emploi.

Le représentant de l'Etat pourra, également, "demander à l'entreprise de réaliser, dans un délai d'un mois, une étude d'impact social et territorial. Dans cette hypothèse, le délai mentionné au premier alinéa est prolongé d'un mois".

Cet acte constitue, à n'en pas douter, un acte administratif que l'entreprise pourra contester, soit dans le cadre d'un recours gracieux, soit dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, puisqu'il lui fait grief.

  • Détermination des actions

Ces actions "sont déterminées après consultation des collectivités territoriales intéressées, des organismes consulaires et des partenaires sociaux membres de la commission paritaire interprofessionnelle régionale". "Leur exécution fait l'objet d'un suivi et d'une évaluation, sous l'autorité du représentant de l'Etat, selon des modalités fixées par décret".

Le décret a précisé les modalités de ce suivi. L'article R. 321-20 nouveau crée "un comité présidé par le ou les représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés et associant l'entreprise, les collectivités territoriales intéressées, les organismes consulaires et les partenaires sociaux membres de la ou des commissions paritaires interprofessionnelles régionales concernées".

Ce comité "se réunit au moins une fois par an, sur la base du bilan, provisoire ou définitif, transmis préalablement par l'entreprise au ou aux représentants de l'Etat et justifiant de la mise en oeuvre de son obligation. Le bilan définitif évalue notamment l'impact sur l'emploi des mesures mises en oeuvre et comprend les éléments permettant de justifier le montant de la contribution de l'entreprise aux actions prévues".

L'article L. 321-17 du Code du travail dispose qu'un décret "détermine également les conditions dans lesquelles les entreprises dont le siège n'est pas implanté dans le bassin d'emploi affecté par le licenciement collectif contribuent aux actions prévues".

La convention "tient compte des actions de même nature éventuellement prévues dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi établi par l'entreprise".

Le décret précise le contenu de cette convention (C. trav., art. R. 321-19 nouveau) qui "comporte notamment" :

- 1° Les limites géographiques du ou des bassins d'emploi affectés par le licenciement collectif et concernés par les mesures qu'elle prévoit ;
- 2° Les mesures permettant la création d'activités, le développement des emplois et l'atténuation des effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi concernés ainsi que, pour chacune d'entre elles, les modalités et les échéances de mise en oeuvre et le budget prévisionnel et, le cas échéant, le ou les noms et raisons sociales des organismes, établissements ou sociétés chargés pour le compte de l'entreprise de les mettre en oeuvre et les financements qui leur sont affectés ;
- 3° La durée d'application de la convention qui ne peut dépasser 3 ans, sauf circonstances particulières ;
- 4° Le montant de la contribution de l'entreprise par emploi supprimé et le nombre d'emplois supprimés au sens de l'article R. 321-21 ;
- 5° Les modalités de suivi et d'évaluation des mesures mises en oeuvre.

L'usage de l'adverbe "notamment" montre que ce contenu impératif peut être complété.

Le décret précise également que "les mesures engagées avant la signature de la convention peuvent être prises en compte dans le cadre de cette dernière lorsqu'elles contribuent à la création d'activités, au développement des emplois et permettent d'atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi affectés par le licenciement".

L'entreprise peut envisager des actions sous la forme de l'octroi d'un prêt. Le décret les valorise "à hauteur d'un coût prévisionnel tenant compte du coût de gestion du prêt, du coût du risque et du coût de l'accès au financement. Cette valorisation ne peut dépasser 30 % des sommes engagées".

Le texte précise, par ailleurs, que "les mesures envisagées au même titre sous la forme de la cession d'un bien immobilier sont valorisées à hauteur de la différence entre la valeur de marché du bien, déterminée après avis des services fiscaux, et sa valeur de cession".

  • Conventionnalisation des mesures

L'article L. 321-17 du Code du travail dispose que "lorsqu'un accord collectif de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévoit des actions de telle nature, assorties d'engagements financiers de l'entreprise au moins égaux au montant de la contribution visée au premier alinéa, cet accord tient lieu, à la demande de l'entreprise, de la convention prévue au présent alinéa entre l'entreprise et le représentant de l'Etat, sauf opposition de ce dernier motivée et exprimée dans les deux mois suivant la demande".

Le décret apporte des précisions sur la possibilité de satisfaire aux obligations légales dans un cadre conventionnel. L'article R. 321-18 nouveau du Code du travail dispose que l'entreprise indique, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision prise par le représentant de l'Etat, "si elle entend satisfaire cette obligation par la voie d'une convention signée avec l'Etat ou par celle d'un accord collectif". Si elle opte pour la voie conventionnelle, elle devra alors transmettre à l'autorité publique "la copie de cet accord, son récépissé de dépôt et l'ensemble des informations, notamment financières, permettant d'évaluer la portée des engagements y figurant".

Lorsque le siège de l'entreprise n'est pas situé dans le ou les bassins d'emploi concernés, l'entreprise devra désigner une personne chargée de la représenter devant le ou les représentants de l'Etat dans le ou les départements.

  • Sanction en l'absence de convention ou d'accord collectif

L'article L. 321-17 du Code du travail dispose qu'"en l'absence de convention signée ou d'accord collectif en tenant lieu, les entreprises versent au Trésor public une contribution égale au double du montant prévu au premier alinéa". L'article R. 321-22 nouveau du Code du travail prévoit que, dans cette hypothèse, le représentant de l'Etat établit un titre de perception qui sera transmis au trésorier-payeur général qui en assure le recouvrement.

2. Entreprises occupant moins de 1 000 salariés

  • Conditions de mise en oeuvre du dispositif

Sont ici visées les entreprises occupant un nombre de salariés compris entre 50 et 999 et qui procèdent à un licenciement économique collectif qui "affecte, par son ampleur, l'équilibre du ou des bassins d'emploi dans lesquels celle-ci est implantée". Sont exclues de ce dispositif les entreprises qui font l'objet d'une procédure collective.

Comme précédemment, le représentant de l'Etat appréciera, selon les termes du décret, "si ce licenciement affecte, par son ampleur, l'équilibre de ce ou ces bassins d'emploi en tenant notamment compte du nombre et des caractéristiques des emplois susceptibles d'être supprimés, du taux de chômage et des caractéristiques socio-économiques du ou des bassins d'emploi et des effets du licenciement sur les autres entreprises de ce ou ces bassins d'emploi et le lui indiquent" (C. trav., art. R. 321-23 nouveau).

Dans un délai de 6 mois à compter de l'information délivrée à l'autorité administrative, le représentant de l'Etat lui indiquera alors "les actions mises en oeuvre pour permettre le développement d'activités nouvelles et atténuer les effets de la restructuration envisagée sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi". Le texte précise qu'"une convention entre le ou les représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés et l'entreprise détermine les modalités de la participation, le cas échéant, de celle-ci à ces actions".

Le décret prévoit aussi qu'"au plus tard trois ans après la notification", "le ou les représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés réunissent un comité de suivi dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article R. 321-20".

  • Modalités de mise en oeuvre

L'article L. 321-17 du Code du travail dispose que "le représentant de l'Etat, après avoir, le cas échéant, prescrit une étude d'impact social et territorial qui prend en compte les observations formulées par l'entreprise susvisée, intervient pour la mise en oeuvre, en concertation avec l'ANPE et, le cas échéant, avec la ou les maisons de l'emploi, d'actions de nature à permettre le développement d'activités nouvelles et à atténuer les effets de la restructuration envisagée sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi".

"L'entreprise et le représentant de l'Etat définissent d'un commun accord les modalités selon lesquelles l'entreprise prend part, le cas échéant, à ces actions, compte tenu notamment de sa situation financière et du nombre d'emplois supprimés".

La détermination de ces actions se réalise comme pour les entreprises occupant au moins 1 000 salariés.

newsid:78421

Rel. individuelles de travail

[Le point sur...] La distinction du travail indépendant et du travail salarié toujours d'actualité !

Lecture: 6 min

N8364AIM

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Le 07 Octobre 2010

Ainsi que le rappelait la Chambre sociale dans un arrêt en date du 19 décembre 2000, "l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs" (Cass. soc., 19 décembre 2000, n° 98-40.572, M. Labbane c/ Chambre syndicale des loueurs d'automobiles de place de 2e classe de Paris Ile-de-France et autre, publié N° Lexbase : A2020AIN, Dr. soc. 2001, p. 227, note A. Jeammaud). Cette solution de principe fait évidemment écho aux prescriptions de l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2043ADZ) qui, faut-il le rappeler, dispose que le juge "doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée" (1). Sur la base de ces directives, il appartient aux juges du fond de dépasser la dénomination donnée par les parties à leur relation pour, à partir de considérations objectives des conditions effectives d'exercice de l'activité, donner au contrat son exacte qualification. Cette démarche peut alors les conduire à requalifier le contrat, soit que le prétendu contrat de travail n'en soit pas un, soit que le contrat utilisé doive être rangé dans la catégorie du contrat de travail. Il s'agit là de questions fort classiques (2) qui ne paraissent, dès lors, pas appeler de grands commentaires.

Nous voudrions cependant, dans les quelques lignes qui vont suivre, faire état d'un mouvement législatif qui a récemment pris une certaine ampleur et qui suscite d'importantes questions au regard, très précisément, de l'indisponibilité de la qualification de contrat de travail. On se réfère ici à la création, par des lois très récentes, de contrats propres au travail indépendant mais qui, par leur objet ou leur nature, se situent aux frontières du salariat. Ce qui, immanquablement, posera de délicats problèmes de requalification.

1. La création de nouveaux contrats propres au travail indépendant

Ainsi que le relèvent certains auteurs, les contrats propres au travail indépendant "sont divers et il ne s'agit pas seulement de contrats nommés. Il importe surtout de relever que, dans le cadre de ces contrats, l'appréciation du degré nécessaire de sujétion pour qu'il y ait éventuelle requalification en contrat de travail s'avère souvent fort délicate" (J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, ouvrage préc., § 137). Et les auteurs en question de citer les cas des contrats d'entreprise, de mandat et de société. Il faut aujourd'hui ajouter à ces derniers plusieurs contrats qui susciteront le même type de difficultés.

Il convient tout d'abord de citer le contrat de "gérance-mandat", mis en place par l'article 19 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (3). Selon l'article L. 146-1 nouveau du Code de commerce (N° Lexbase : L3990HBE), "les personnes physiques ou morales qui gèrent un fonds de commerce ou un fonds artisanal, moyennant le versement d'une commission proportionnelle au chiffre d'affaires, sont qualifiées de "gérants-mandataires" lorsque le contrat conclu avec le mandant, pour le compte duquel, le cas échéant dans le cadre d'un réseau, elles gèrent ce fonds, qui en reste propriétaire et supporte les risques liés à son exploitation, leur fixe une mission en leur laissant toute latitude, dans le cadre ainsi tracé, de déterminer leurs conditions de travail, d'embaucher du personnel et de se substituer des remplaçants dans leur activité à leurs frais et sous leur entière responsabilité".

Il faut, ensuite, évoquer le contrat de collaborateur libéral qui est étendu par la loi du 2 août 2005 (art. 18) à la majorité des professions libérales (4). Ainsi que le précise la § II de l'article précité, "a la qualité de collaborateur libéral le membre non salarié d'une profession mentionnée au I qui, dans le cadre d'un contrat de collaboration libérale, exerce auprès d'un autre professionnel, personne physique ou personne morale, la même profession".

Là ne s'arrêtent pas les dispositions de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises dont il doit être fait mention ici. En effet, il faut encore s'attacher aux précisions apportées par cette réforme au statut du conjoint de l'entrepreneur. A l'image du cas précédent, la loi en cause ne fait pas véritablement oeuvre créatrice en la matière, dans la mesure où, comme antérieurement, le conjoint du chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale se voit toujours offrir le choix d'y exercer son activité professionnelle en qualité de conjoint collaborateur, de conjoint associé ou de conjoint salarié. Mais, et c'est l'apport premier de la loi du 2 août 2005, ce choix n'est plus facultatif, il est désormais obligatoire (C. com., art. L. 121-4, modifié N° Lexbase : L3845HBZ). Par ailleurs, la loi s'efforce de préciser le statut social du conjoint collaborateur (5).

Enfin, et pour en terminer avec cette brève énumération des nouveaux contrats propres au travail indépendant, il faut citer le contrat d'appui au projet d'entreprise pour la création ou la reprise d'une activité économique mis en place par la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique (6). L'article L. 127-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6086DIA) définit ce contrat comme celui "par lequel une personne morale s'oblige à fournir, par les moyens dont elle dispose, une aide particulière et continue à une personne physique, non salariée à temps complet, qui s'engage à suivre un programme de préparation à la création ou à la reprise et à la gestion d'une activité économique" (7).

Il est évident que ces contrats n'ont pas tous le même objet. Ainsi, le contrat d'appui au projet d'entreprise vise à faciliter la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur. Les trois premiers ont, en revanche, en commun de développer des formes d'activités intermédiaires entre le salariat et le travail indépendant. Mais tous ne manqueront pas de poser de délicats problèmes de requalification.

2. La multiplication des hypothèses de requalification en contrat de travail

Si tous les contrats précités sont propres au travail indépendant, ils se situent, à n'en point douter, à la frontière de celui-ci et du travail salarié. Il convient, en effet, de relever que chacun de ces contrats comporte un certain degré de sujétion entre les parties qui pourrait fort bien dégénérer en lien de subordination. Tout est alors question de limites, de nuances et, bien entendu, d'appréciation des juges du fond, sous le contrôle de la Cour de cassation.

Le législateur a eu conscience de ces problèmes de requalification, ce qui explique un certain nombre de précautions ou de dispositifs de "sécurisation juridique" qu'il a tenté de mettre en place. Ainsi, on ne doit pas être surpris qu'à l'occasion de la création du contrat d'appui au projet d'entreprise, le législateur ait ressuscité la fameuse présomption de non-salariat (8).

Rappelons qu'il résulte de celle-ci que les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales, ainsi que les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés sont présumés ne pas être liés, avec le donneur d'ouvrage, par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à cette immatriculation (C. trav., art. L. 120-3, al. 1er N° Lexbase : L1422G9K).

Cette présomption vaudra pour les gérants-mandataires qui doivent être immatriculés au registre du commerce et des sociétés et, le cas échéant, au répertoire des métiers (C. com., art. L. 146-1, al. 1er N° Lexbase : L3990HBE). Il faut, en outre, rappeler que la loi précise bien, afin d'éviter tout risque de requalification, que le contrat de gérance-mandat doit se borner à fixer une "mission" au gérant-mandataire en lui laissant toute latitude, dans le cadre ainsi tracé, de déterminer ses conditions de travail, d'embaucher du personnel et de se substituer des remplaçants dans son activité à ses frais et sous son entière responsabilité.

Autant de critères qui permettent de distinguer contrat de gérance-mandat et contrat de travail. S'agissant du conjoint collaborateur, le § V de l'article L. 121-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L3845HBZ) renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser, pour toutes les professions concernées, les critères concourant à la définition du conjoint collaborateur (9). Ces critères devront permettre de distinguer le statut de conjoint collaborateur de celui de salarié. Or, le décret en question ne pourra se contenter de faire référence à une quelconque subordination, la Cour de cassation considérant que l'existence d'un lien de subordination n'est pas une condition de l'application des dispositions de l'article L. 784-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5345ACX) relatif au conjoint salarié (Cass. soc., 6 novembre 2001, n° 99-40.756, FP-P+B+R N° Lexbase : A0668AXZ, Dr. soc. 2002, p. 403, note F. Favennec-Héry) (10).

Pour ce qui est, enfin, du contrat de collaborateur libéral, l'article 18 de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises précise, en son paragraphe II, alinéa 2, que "le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et peut se constituer une clientèle personnelle". Des dispositions qui relèvent plus de la pétition de principe que du dispositif de sécurisation juridique...

Au final, et sans même parler de l'intérêt des différents contrats évoqués précédemment, il y a tout lieu de constater que ceux-ci sont de nature à susciter bien des demandes en requalification que le juge sera amené à trancher. Souhaitons que ce dernier fasse alors preuve de pragmatisme et surtout de nuances. Car le risque est de voir nombre de ces demandes aboutir compte tenu du fait que, il faut le rappeler, tous ces contrats comportent par nature un certain degré de sujétion qui ne manque pas d'évoquer le fameux lien de subordination. Lien de subordination qui se trouve ainsi, encore et toujours, en question.

Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) Règle que la Cour de cassation a fait sienne bien antérieurement à la décision précitée du 19 décembre 2000. On songe, notamment, à l'important arrêt de l'Assemblée plénière en date du 4 mars 1983, affirmant que la volonté des parties est "impuissante à soustraire des travailleurs au statut social découlant nécessairement des conditions d'accomplissement de leur tâche" (Ass. plén., 4 mars 1983, n° 81-15.290, SA Ecole des Roches N° Lexbase : A3665ABD, D. 1983, p. 381, concl. J. Cabannes).

(2) Pour plus de développements sur cette question, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 22ème éd., 2004, pp. 172 et s.

(3) V., sur ce contrat et plus généralement sur le volet social de cette réforme, notre article, Les dispositions à caractère social de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, Bull. Joly Sociétés 2005, p. 1083, § 242.

(4) Ce contrat n'est pas une création de la loi en cause. On sait, en effet, qu'en application de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130, 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ), la profession d'avocat pouvait déjà être exercée dans le cadre du statut de "collaborateur non salarié" d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats.

(5) Sur ces dispositions, v. notre art. préc.

(6) Loi n° 2003-721 du 1er août 2003, pour l'initiative économique (N° Lexbase : L3557BLC)

(7) Le texte précise, en outre, que ce contrat peut aussi être conclu entre une personne morale et le dirigeant associé unique d'une personne morale.

(8) V. notre chron., La résurrection de la présomption de non salariat, Lexbase Hebdo n° 80 du 17 juillet 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N8197AAT).

(9) Ce texte dispose très précisément que "la définition du conjoint collaborateur, les modalités selon lesquelles le choix de son statut est mentionné auprès des organismes visés au IV et les autres conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat".

(10) Ainsi que le décide la Cour de cassation dans cette décision, la participation effective à l'activité de l'entreprise de l'époux et la perception d'une rémunération horaire minimale égale au Smic sont les seules conditions de l'application des dispositions du Code du travail au conjoint du chef d'entreprise.

newsid:78364

Contrôle fiscal

[Jurisprudence] Sous quelles conditions est-il possible de notifier des rappels en droits d'enregistrement à la suite d'une vérification de comptabilité ?

Réf. : Cass. com., 12 juillet 2005, n° 02-11.254, M. Peter Mattey c/ Directeur général des impôts, FS-P+B (N° Lexbase : A9103DIY)

Lecture: 5 min

N8430AI3

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

On sait que les droits d'enregistrement ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une vérification de comptabilité. Ce qui n'interdit pas, cependant, à l'administration de recueillir, au cours d'une telle procédure, des renseignements lui permettant de motiver des redressements sur ces droits. 1. Les conditions dans lesquelles une vérification sur place permet de recueillir des renseignements

1.1. La collecte de renseignements

La Haute juridiction judiciaire a, au fil de ses décisions, considérablement assoupli les conditions dans lesquelles le vérificateur est en droit de relever, au cours de son contrôle sur place, des éléments susceptibles de fonder un redressement en matière de droits d'enregistrement. En effet, le juge a, tout d'abord, posé le principe selon lequel l'administration a la possibilité de notifier un redressement en matière de droits d'enregistrement en se fondant sur les renseignements recueillis au cours d'un contrôle externe, en l'occurrence une VASFE (vérification de la situation approfondie de la situation fiscale d'ensemble, "ancêtre" de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle), diligenté sur une période au titre de laquelle les droits litigieux étaient estimés dus (Cass. com., 15 avril 1986, n° 84-15.195, Bounour c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A3136AAE). Dans un second temps, il semblait découler d'une décision rendue en 1995 qu'il soit nécessaire que la date du fait générateur des droits rappelés soit incluse dans la période soumise au contrôle. En l'espèce, un redressement pour non-respect de l'engagement d'affecter un bien immobilier à l'habitation pendant trois ans avait été validé par la Cour, alors même que la date d'acquisition du bien sur lequel portait l'engagement était antérieure à la période vérifiée (Cass. com., 17 octobre 1995, n° 93-19.424 ). Cependant, la date d'expiration du délai de conserver à l'usage d'habitation était intervenue au cours de la période vérifiée.

La Haute juridiction s'est, ensuite, affranchie de cette condition dans un nouvelle affaire relative, à nouveau, à l'engagement de l'article 710 ancien du CGI. Dans cette espèce, la date d'expiration du délai de trois ans était le 29 septembre 1981 et la vérification portait sur les années 1982 à 1984. La Cour a, cependant, décidé que "même si la date du fait générateur des droits de mutation était antérieure à la période concernée par la vérification, ces droits n'en étaient pas moins dus pour cette période" (Cass. com., 18 novembre 1997, n° 95-17.599, M Chouraqui c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A1953ACC). Toutefois, la preuve de l'exigibilité des droits ne doit pas être étrangère à la période soumise au contrôle et le juge doit vérifier le respect de cette condition (Cass. com., 3 mars 2004, n° 01-11.732, F-D N° Lexbase : A4811DBS). Autrement dit, le vérificateur doit "découvrir" les renseignements susceptibles de motiver le redressement en matière de droits d'enregistrement dans les documents qui lui sont communiqués au cours du contrôle et qui concernent la période vérifiée. Cette condition est respectée lorsqu'il est constaté qu'en raison, d'une part, de son occupation par l'acquéreur, ayant pris lors de l'acquisition l'engagement de revendre prévu à l'article 1115 du CGI , d'autre part, du paiement de travaux constaté pendant la période vérifiée, l'acquéreur n'avait pas l'intention de revendre (CA Douai, 15 septembre 2003, n° 02-2473). La Cour de cassation vient de rappeler cette exigence dans un attendu sans ambiguïté "l'administration des impôts peut notifier un redressement en matière de droits d'enregistrement en se fondant sur des renseignements recueillis lors d'un vérification de comptabilité effectuée régulièrement au titre d'une période au cours de laquelle les droits étaient estimés dus, même si la date du fait générateur des droits est antérieure à la période concernée par la vérification". Cette jurisprudence a, cependant, une limite. En effet, il est impératif que le délai de prescription dont dispose l'administration pour constater l'omission ne soit pas écoulée. Cette exigence a été rappelée par la Cour (Cass. com., 29 octobre 2003, n° 00-22.620, F-D N° Lexbase : A9890C98). A cet égard, sauf exception, la prescription est décennale et court, lorsque la créance d'impôt est affectée d'une condition suspensive, comme c'est le cas dans nombre de régimes de faveur, à compter du premier jour suivant l'expiration du délai imparti à l'acquéreur pour tenir son engagement (Doc. adm., 13 L 1214, 1er juillet 2002, n° 46 et 47). La prescription de trois ans, dite abrégée, ne peut être revendiquée que de façon exceptionnelle si l'exigibilité des droits a été suffisamment révélée à l'administration par un acte intervenu après l'expiration du délai imparti pour tenir l'engagement.

1.2. La collecte "fortuite"

En l'état actuel de la jurisprudence, fondée sur une seule décision, cette collecte de renseignements doit être fortuite. En effet, selon la cour d'appel de Versailles, s'il est démontré que l'administration n'a pas trouvé incidemment dans les documents remis pour les besoin de la vérification de comptabilité ceux justifiants les rappels de droits d'enregistrement, la procédure est irrégulière (CA Versaille 23 octobre 2003, n° 02-4523). En effet, dans une telle hypothèse, le contrôle sur place est censé avoir porté sur les droits d'enregistrements dont on sait qu'ils ne sont pas susceptibles d'être examinés dans le cadre d'une vérification de comptabilité. Au cas particulier de l'affaire examinée par la cour de Versailles, la preuve du contrôle prohibé découlait de l'examen du rapport de vérification établit par l'agent des impôts. Ce dernier indiquait que le contrôle avait effectivement porté sur les droits d'enregistrement. Il conviendra de vérifier si la Haute juridiction, appelée à statuer, puisque l'administration a formé un pourvoi en cassation, valide une telle analyse.

2. Les conditions dans lesquelles les redressements sont notifiés au redevable

Sur le plan formel, il est à remarquer que les règles de compétence en matière de droits d'enregistrement doivent être respectées. Dans ce domaine, sont seuls compétents les agents affectés au service territorial dont dépend le lieu d'imposition (LPF, art. R. 190-1, al. 2 N° Lexbase : L5326GUS et R. 202-1, al. 2 du LPF N° Lexbase : L4635AEE). Ainsi, la procédure est irrégulière dans l'hypothèse où la proposition de rectification en matière de droits d'enregistrement est effectuée à l'issue du contrôle sur place, en même temps que celle portant sur les impôts commerciaux (CA Paris 11 septembre 2003, n° 2002-06231). Au cas particulier, l'agent vérificateur avait mentionné les droits d'enregistrement parmi la liste des redressements envisagés sur l'imprimé spécifique adressé au contribuable à l'issue d'un contrôle sur place. En effet, la compétence des agents est commandée par les règles d'enregistrement des actes. Par suite, le lieu d'imposition pour les ventes d'immeubles est l'adresse professionnelle du notaire qui a rédigé l'acte ou, si la formalité est fusionnée avec celle de la publicité foncière, le bureau des hypothèques du lieu de situation de l'immeuble par application des dispositions de l'article 657 du CGI . En pratique, l'inspecteur compétent, destinataire des informations recueillies, doit adresser au redevable un imprimé n° 2120.

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Baux commerciaux

[Textes] Réforme des procédures collectives : le sort du bail commercial en cours au jour de l'ouverture de la procédure

Réf. : Loi du 26 juillet 2005, n° 2005-845, de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L0828HDZ)

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Les dispositions générales relatives à la continuation des contrats en cours ont été peu modifiées par la loi du 26 juillet 2005 réformant le droit des procédures collectives. En revanche, celles relatives au sort des baux commerciaux ont fait l'objet de nombreux remaniements. Ces modifications créent, cependant, de nouvelles incertitudes. Article L. 621-28 du Code de commerce (N° Lexbase : L6880AIN) remplacé par l'article L. 622-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L3872HBZ) (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, art. 29)




  • Ancien article L. 621-28 du Code de commerce

"L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Le contrat est résilié de plein droit après une mise en demeure adressée à l'administrateur restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour prendre parti.

Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu 'il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

A défaut de paiement dans les conditions définies à l'alinéa précédent et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, le contrat est résilié de plein droit et le parquet, l'administrateur, le représentant des créanciers ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.

Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat, l'inexécution peut donner lieu à des dommages-intérêts dont le montant sera déclaré au passif au profit de l'autre partie. Celle-ci peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages-intérêts.

Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail".

  • Nouvel article L. 622-13 (1)

"L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Le contrat est résilié de plein droit après une mise en demeure adressée à l'administrateur restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour prendre parti.

Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu 'il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

A défaut de paiement dans les conditions définies à l'alinéa précédent et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, le contrat est résilié de plein droit et le parquet, l'administrateur, le représentant des créanciers ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.

Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du deuxième alinéa, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts dont le montant doit être déclaré au passif au profit de l'autre partie contractante. Celle-ci peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.

Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail".

1. L'absence de résiliation de plein droit du bail à la suite de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire

L'ouverture d'une procédure de redressement (C. com. art L. 621-28, al. 6) ou de liquidation (Cass. com., 17 octobre 1989, n° 88-12.261, Société financière Locabanque c/ M. Ayache, publié N° Lexbase : A7813AGH, Bull. civ. IV, n° 251) judiciaire ne saurait entraîner la résiliation ou la résolution d'un contrat en cours, nonobstant toute clause contraire, même si, dans le cadre d'une liquidation, l'activité n'est pas poursuivie (Cass. com., 22 janvier 2002, n° 99-20.003, FS-D N° Lexbase : A8187AXI ; lire E. Le Corre-Broly, La liquidation judiciaire et les contrats en cours, Lexbase Hebdo n° 139 du 21 octobre 2004 - édition affaires N° Lexbase : N3161ABP).

Le bail commercial en cours, en tant que contrat, n'est donc pas résilié du simple fait de l'ouverture d'une procédure collective. L'ancien article L. 622-13, alinéa 1er, le prévoit, d'ailleurs, expressément, pour les baux des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise.

La solution a été reprise au nouvel article L. 622-13, alinéa 5, du Code de commerce. Ce dernier vise la nouvelle procédure de sauvegarde mais il sera, également, applicable à la procédure de redressement en raison du renvoi opéré par le nouvel article L. 631-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L4025HBP). Elle est, également, expressément prévue en phase de liquidation judiciaire en ce qui concerne les baux des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise, le premier alinéa de l'ancien article L. 622-13 ayant été repris au premier alinéa de l'article L. 641-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L3905HBA).

Il est à noter que le statut des baux commerciaux prévoit lui-même que le redressement ou la liquidation judiciaire n'entraîne pas la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l'industrie, au commerce ou à l'artisanat du débiteur, toute clause contraire étant réputée non écrite (C. com., art. L. 145-45 N° Lexbase : L5773AIN).

2. L'option de l'organe compétent sur la continuation du bail

2.1 Régime actuel

Aux termes de l'article L. 621-28 du Code de commerce, l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution d'un contrat en cours. En cas de procédure de redressement simplifiée sans administrateur, l'article L. 621-137 du Code de commerce (N° Lexbase : L6989AIP) accorde cette faculté au débiteur, sous réserve de l'autorisation du juge-commissaire, à défaut de laquelle l'option pour la continuation ne produit aucun effet (Cass. com., 6 mai 1997, n° 95-10.933, M. Laroppe, ès qualités de liquidateurde la société Le Stingray c/ Epoux Renault, publié N° Lexbase : A1714ACH). Le débiteur peut, néanmoins, renoncer seul à la continuation (Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-21.719, Mme Poincheval, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de c/ M. Leclaire, publié N° Lexbase : A9515ABZ). Lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte, le liquidateur est titulaire de ce droit d'exiger la poursuite du contrat en cours (C. com. art. L. 622-12, al. 2 N° Lexbase : L7007AID).

Lorsque l'administrateur, le débiteur autorisé par le juge-commissaire ou le liquidateur, décide de poursuivre l'exécution du contrat en cours, il doit fournir au cocontractant la prestation promise. Lorsqu'elle porte sur le paiement d'une somme d'argent, ce qui est le cas de l'obligation d'un locataire, plus rarement du bailleur, ce paiement doit intervenir au comptant. Avant de demander l'exécution, l'organe compétent doit s'assurer qu'il dispose des fonds nécessaires et, lorsque le contrat est à exécution successive ou paiement échelonné, il doit y mettre fin s'il pense ne pas disposer des fonds nécessaires (C. com. art. L. 621-28, al. 1 et 2). Dans ce dernier cas, le contrat est résilié de plein droit.

Lorsque le contrat est continué, le cocontractant doit également remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs (C. com. art. L. 621-28, al. 5) : il ne peut, donc, se prévaloir d'une exception d'inexécution.

Afin d'éviter de laisser le cocontractant trop longtemps dans l'incertitude, l'article L. 621-28 du Code de commerce lui permet de mettre l'organe compétent en demeure d'opter sur la poursuite du contrat en cours. Le défaut de réponse dans le délai d'un mois, courant à compter de cette mise en demeure, entraîne la résiliation de plein droit du contrat. En cas de réponse négative dans ce même délai, le contrat sera également résilié de plein droit (Cass. com., 18 mars 2003, n° 00-12.693, Société immobilière du Palais des congrès (SIPAC) c/ Société Bel, FS-P N° Lexbase : A5489A7G ; lire E. Le Corre-Broly, Le délai de déclaration de la créance d'indemnité de résiliation, Lexbase Hebdo n° 71 du 15 mai 2003 - édition affaires N° Lexbase : N7189AAI).

A défaut de mise en demeure, la décision de l'organe compétent de ne pas poursuivre le contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit mais, selon la formule de la Cour de cassation, "confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice" (Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-13.542, FS-P+B+I N° Lexbase : A2479DCS ; Cass. com., 7 décembre 2004, n° 03-15 .164, M. Raymond Brun, F-D N° Lexbase : A3625DEY ; et Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-13 .834, Société SCE c/ M. Cosme Rogeau, F-P+B N° Lexbase : A8998DI4).

Ces règles générales sont, également, applicables aux baux commerciaux objet, cependant, d'un régime spécifique en ce qui concerne leur résiliation pour défaut de paiement de loyers postérieurs au jugement d'ouverture.

2.2 Nouveau régime

2.2.1 Règles générales

Les dispositions de l'article L. 621-28 du Code de commerce ont été reprises au nouvel article L. 622-13 du même code et partiellement modifiées. Les solutions antérieures, en ce qu'elles ne sont pas incompatibles avec ces modifications, devront être reconduites.

Tout d'abord, le nouvel article L. 622-13 du Code de commerce est relatif à la procédure de sauvegarde. Il est également rendu applicable à la procédure de redressement judiciaire, en application de l'article L. 631-14 (N° Lexbase : L4025HBP). En cas de liquidation judiciaire, le nouvel article L. 641-10 (N° Lexbase : L3952HBY) confie au liquidateur, à l'instar de l'ancien article L. 622-10 (N° Lexbase : L7005AIB), la faculté d'exiger la continuation des contrats en cours et renvoie, s'agissant de ses prérogatives, à celles de l'administrateur telles qu'elles lui sont conférées par le nouvel article L. 622-13.

Ensuite, le nouveau texte a ajouté un nouveau cas dans lequel l'inexécution du contrat en cours pourra donner lieu à des dommages et intérêts dont le montant devra être déclaré au passif. En effet, l'ancien alinéa 5 de l'article L. 621-28 du Code de commerce n'envisageait cette solution que pour l'hypothèse d'un contrat non continué dès l'origine. Désormais, elle est également applicable lorsque le contrat est résilié, alors qu'il a été initialement continué mais que l'organe compétent y a mis fin en raison du fait qu'il ne disposait pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

Il est probable que le délai de la déclaration de créance de l'indemnité de résiliation du contrat en cours actuellement applicable soit maintenu et étendu à cette nouvelle hypothèse. Ce délai, aux termes de l'article 66 du décret n° 85-1388 (décret du 27 décembre 1985 N° Lexbase : L5358A49), est d'un mois et court à compter de la date de la résiliation de plein droit ou de la notification de la date de la décision prononçant la résiliation.

Par ailleurs, selon l'alinéa 5 du nouvel article L. 622-13, l'indemnité de résiliation ne "sera" plus seulement déclarée mais "doit" l'être. Cette modification ne semble pas emporter d'effets particuliers, la sanction résidant dans l'extinction de la créance. Elle a, peut-être, pour mérite d'attirer l'attention du cocontractant.

Il est également précisé que la partie au profit de laquelle cette déclaration doit être effectuée est la partie contractante, ce qui ne faisait guère de doute.

Enfin, l'avant-dernier alinéa du nouveau texte prévoit, désormais, que c'est l'ouverture de la procédure de sauvegarde qui n'entraîne pas la résiliation de plein droit. Par renvoi, il s'applique également en phase de redressement.

2.2.2 Règles spécifiques au bail commercial

Article L. 621-29 du Code de commerce (N° Lexbase : L6881AIP) abrogé et remplacé par le nouvel article L. 622-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L3873HB3) (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, art. 30)

  • Ancien article L. 621-29 du Code de commerce

"A compter du jugement d'ouverture, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l'activité de l 'entreprise pour défaut de paiement des loyers et des charges afférents à une occupation postérieure audit jugement. Cette action ne peut être introduite moins de deux mois après le jugement d'ouverture.

Nonobstant toute clause contraire, le défaut d'exploitation pendant la période d'observation dans un ou plusieurs immeubles loués par l'entreprise n'entraîne pas résiliation du bail".

  • Nouvel article L. 622-14 du Code de commerce

"La résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et affectés à l'activité de l'entreprise est constatée ou prononcée :

1° Lorsque l'administrateur décide de ne pas continuer le bail et demande la résiliation de celui-ci. Dans ce cas, la résiliation prend effet au jour de cette demande ;

2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.

Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n 'y a pas lieu à résiliation.

Nonobstant toute clause contraire, le défaut d'exploitation pendant la période d'observation dans un ou plusieurs immeubles loués par l'entreprise n'entraîne pas résiliation du bail".

2.2.2.1 Sauvegarde et redressement

Le nouvel article L. 622-14 du Code de commerce prévoit les conditions dans lesquelles la résiliation d'un bail commercial pourra intervenir en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement par renvoi opéré par l'article L. 631-14 du Code de commerce.

Il convient, tout d'abord, de préciser que seul le débiteur locataire est concerné par ces nouvelles dispositions. Si le bailleur est en faillite, il y aura lieu, en principe, d'appliquer le nouvel article L. 622-13 du Code de commerce. Le problème de l'application de ce dernier texte, dont les dispositions ont été reprises pour l'essentiel de l'ancien article L. 621-28 du Code de commerce, dans l'hypothèse où la procédure collective a été ouverte à l'égard du bailleur, n'est donc pas résolu (sur cette question, voir, par exemple, Thierry Grundler, La résiliation du bail commercial en vertu des articles 37 et 153-3 de la loi du 25 janvier 1985 en cas de redressement ou de liquidation du bailleur, Administrer novembre 1998, p. 10 et Fabien Kendérian, Le bail commercial relève-t-il du régime des contrats en cours en cas de procédure collective du bailleur ?, D. 2003, Cahier droit des affaires, chron. p. 610).

Désormais, la résiliation du bail commercial affecté à l'activité du preneur en faillite pourra intervenir lorsque l'administrateur demandera la résiliation de celui-ci, la résiliation prenant, alors, effet au jour de cette demande, ou lorsque le bailleur demandera la résiliation ou la fera constater pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture.

Cet article offre à l'administrateur la faculté de résilier de plein droit le bail commercial consenti au preneur en faillite. Il s'agit d'une nouveauté dans la mesure où, sous l'empire de l'ancien article L. 621-28 du Code de commerce, tel que l'avait interprété la jurisprudence, l'organe compétent ne disposait d'un pouvoir de résiliation unilatérale seulement lorsque le créancier l'avait mis au préalable en demeure d'opter pour la continuation du bail. A défaut, seul le cocontractant avait la faculté de faire prononcer la résiliation en justice (Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-13.542, précité ; Cass. com., 7 décembre 2004, n° 03-15.164, précité ; et Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-13.834, précité). Si cette dernière solution devrait être maintenue pour l'ensemble des contrats, elle n'aura plus cours en présence d'un bail commercial lorsque le preneur sera en faillite puisque, dans ce cas, l'administrateur aura le pouvoir de résilier le bail de sa propre initiative.

La question se pose de l'articulation du nouvel article L. 622-13 du Code de commerce avec le nouvel article L. 622-14 de ce code, notamment, des effets d'une mise en demeure : le nouvel article L. 622-14 du Code de commerce est-il autonome et les cas de résiliation du bail qu'il énumère sont-ils limitatifs, ou son application doit-elle être conciliée avec celle de l'article L. 622-13 du Code de commerce ? En d'autres termes, la mise en demeure de l'administrateur laissée sans réponse plus d'un mois entraînera-t-elle la résiliation de plein droit du bail ? Les travaux préparatoires ne sont pas, sur ce point, d'un grand secours. Ils ne permettent pas d'affirmer avec certitude que le législateur ait souhaité que le nouvel article L. 622-14 du Code de commerce soit exclusif de l'application de l'article L. 622-13 (Rapp. Xavier de Roux, au nom de la commission des lois de l'Assemblée Nationale, Doc. Ass. Nat . 2005, n° 2095, p. 231 et Rapp. J.-J. Hyest, au nom de la Commission des lois du Sénat, Doc. Sénat 2005, n° 335, p. 45). En outre, au cours du processus législatif ayant conduit au vote de l'article L. 622-14 du Code de commerce, la mention "par dérogation aux dispositions de l'article L. 622-13" placée en tête de cet article a disparu, ainsi que celle indiquant que la résiliation ne pourrait intervenir qu'à l'initiative de l'administrateur. Il est donc difficile d'affirmer avec certitude que l'article L. 622-13 du Code de commerce ne trouvera pas à s'appliquer. Dans le cas contraire, la mise en demeure de l'administrateur n'entraînerait aucun effet juridique.

Il est certain, néanmoins, que l'alinéa 3 du nouvel article L. 622-13 du Code de commerce, qui prévoit une résiliation de plein droit en cas de non-paiement des sommes d'argent à leur échéance, dans la mesure où elle contrarie l'alinéa 1er, 2°, du nouvel article L. 622-14 du Code de commerce qui interdit au bailleur d'agir en résiliation du bail pour non-paiement des loyers avant l'expiration d'un délai de trois mois courant à compter du jugement d'ouverture.

2.2.2.2 Liquidation

Article L. 622-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L7008AIE) remplacé par le nouvel article L. 641-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L3905HBA) (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, art. 107)

  • Ancien article L. 622-13 du Code de commerce

"La liquidation judiciaire n'entraîne pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise.

Le liquidateur ou l'administrateur peut continuer le bail ou le céder dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent.

Si le liquidateur ou l'administrateur décide de ne pas continuer le bail, celui -ci est résilié sur sa simple demande. La résiliation prend effet au jour de cette demande.

Le bailleur qui entend demander ou faire constater la résiliation pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire doit, s'il ne l'a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois du jugement. Les dispositions de l'article L. 621-29 sont applicables, que l'activité soit ou non poursuivie.

Le privilège du bailleur est déterminé conformément aux trois premiers alinéas de l'article L. 621-31".

  • Nouvel article L. 641-12 du Code de commerce

"La liquidation judiciaire n'entraîne pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise.

Le liquidateur ou l'administrateur peut continuer le bail ou le céder dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent. En cas de cession du bail, les dispositions de l'article 622-15 sont applicables.

Si le liquidateur ou l'administrateur décide de ne pas continuer le bail, celui-ci est résilié sur sa simple demande. La résiliation prend effet au jour de cette demande.

Le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d'ouverture de la procédure qui l'a précédé. Il doit, s'il ne l'a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire.

Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l'article L. 622-14.

Le privilège du bailleur est déterminé conformément aux trois premiers alinéas de l'article L. 621-31".

Si l'article L. 641-10 du Code de commerce renvoie aux dispositions de celles de l'article L. 622-13 du même code en ce qui concerne le pouvoir du liquidateur d'opter pour la continuation des contrats en cours, il n'est pas effectué de renvoi à l'article L. 622-14. Par conséquent, soit l'article L. 622-13 du Code de commerce s'appliquera faute de sa mise à l'écart expresse, soit il y aura lieu d'appliquer le seul nouvel article L. 641-12 du Code de commerce traitant du sort du bail dans le cadre d'une liquidation. Actuellement, la jurisprudence applique l'ancien article L. 621-28 du Code de commerce en cas de liquidation. Cependant, si l'autonomisation des dispositions propres au bail affecté à l'activité du preneur en faillite en cas de sauvegarde ou de redressement était confirmée, elle conduirait à penser que celles relatives à la liquidation pourraient, désormais, être également exclusives de l'application du régime général.

L'article L. 641-12 du Code de commerce comporte peu de modifications par rapport à l'ancien article L. 622-13 de ce code en ce qui concerne la résiliation demandée par le liquidateur.

Il prévoit toujours que le liquidateur ou l'administrateur peut continuer le bail ou le céder et que la résiliation du bail est constatée sur sa simple demande. Il semble, toutefois, que sous l'empire de l'ancien texte, la renonciation du liquidateur à continuer un bail n'entraîne pas sa résiliation de plein droit (Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-13.834, précité : cependant, l'application de l'ancien article L. 622-13, alinéa 3, n'avait pas été soulevée au moyen).

3. La résiliation du bail à l'initiative du bailleur pour non paiement des loyers

3.1 Sauvegarde et redressement

L'alinéa 1, 2°, du nouvel article L. 622-14 du Code de commerce reprend les dispositions de l'alinéa 1 de l'ancien article L. 621-29 du même code qui permettent au bailleur de demander ou faire constater la résiliation du bail pour non-paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture.

Toutefois, le délai dans lequel le bailleur ne peut agir a été allongé et passe de deux à trois mois. Cette modification trouve son origine dans la volonté du législateur d'aligner ce délai avec celui dans lequel l'action en revendication peut être exercée (C. com. nouv., art. L. 624-9 N° Lexbase : L3777HBI, anc. art. L. 621-115 N° Lexbase : L6967AIU). En pratique, le débiteur était, en effet, tenu de louer de nouveaux locaux pour entreposer le matériel pouvant être revendiqué (Rapp. J.-J. Hyest, au nom de la Commission des lois du Sénat, Doc. Sénat 2005, n° 335, p. 45).

En outre, une nouvelle disposition interdit au bailleur de poursuivre son action en résiliation si des paiements interviennent dans le délai de trois mois.

Enfin, la prohibition de la résiliation du bail pour défaut d'exploitation pendant la période d'observation est reprise.

3.2 Liquidation

Le régime de la résiliation du bail pour défaut de paiement de loyers est clarifié.

L'alinéa 4 de l'ancien article L. 622-13 du Code de commerce reconnaissait in fine au bailleur le droit de demander la résiliation du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation. La question s'était posée de savoir si cette disposition mettait à l'écart l'application de l'ancien article L. 621-40, I, 2°, du Code de commerce (C. com. nouv., art. L. 622-21 N° Lexbase : L3741HB8) qui interdit, après l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation, toute action en justice tendant à la résiliation d'un contrat pour défaut de paiement d'une créance qui a son origine antérieurement au jugement d'ouverture.

La Cour de cassation a répondu par la négative et a limité la possibilité de demander la résiliation pour des causes antérieures à l'hypothèse des obligations ne portant pas sur le paiement d'une somme d'argent (Cass. com., 28 mai 2002, n° 98-14.259, FS-P N° Lexbase : A7930AYD et Cass. com., 30 mars 2005, n° 02-10.422, F-D N° Lexbase : A4440DHW). Elle avait, toutefois, réservé l'application de l'ancien article L. 621-29 du Code de commerce (C. com. nouv. art. L. 622-14). Un auteur en avait conclu que la résiliation du bail était possible pour le non-paiement de loyers ayant leur origine entre le jugement d'ouverture d'un redressement et celui procédant à sa conversion en liquidation (Pierre-Michel Le Corre, AJDI 2002, p. 686, obs. sous Cass. com., 28 mai 2002, n ° 98-14.259, précité).

La nouvelle rédaction des dispositions de l'ancien article L. 622-13 du Code de commerce semble ne plus permettre une telle approche.

L'alinéa 4 du nouvel article L. 641-12 du Code de commerce reconnaît toujours au bailleur la faculté de demander la résiliation du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation mais, également, lorsque ce jugement est de conversion, pour des causes antérieures au jugement d'ouverture de sauvegarde ou de redressement qui l'a précédé. Il doit, alors, toujours former sa demande dans les trois mois. Il est, toutefois, nouvellement précisé que ce délai de trois mois courra à compter de la date de publication du jugement.

L'alinéa 5 de ce texte reconnaît explicitement au bailleur le droit de demander la résiliation pour non-paiement des loyers et charges postérieurs au jugement de liquidation. Cette faculté découlait dans la précédente rédaction du renvoi à l'article L. 621-29 du Code de commerce (C. com. nouv., art. L. 622-14). Le bailleur devra, alors, agir dans les conditions prévues aux alinéas 3 à 5 de l'article L. 622-14 du Code de commerce, à savoir, le respect du délai de trois mois durant lequel le bailleur ne peut agir et l'impossibilité d'obtenir la résiliation du bail si des sommes interviennent dans ce délai.

La référence à l'alinéa 5 est ici inappropriée car ce dernier ne concerne pas la résiliation pour non-paiement des loyers, mais interdit la résiliation du bail pour défaut d'exploitation pendant la période d'observation.

Le renvoi au nouvel article L. 622-14 du Code de commerce ne concernant que les modalités selon lesquelles la résiliation pourra intervenir pour défaut de paiement de loyers postérieurs à la liquidation, il faut en conclure que la possibilité d'une résiliation pour défaut de paiement de loyers antérieurs au jugement de liquidation mais postérieurs au jugement de sauvegarde ou de redressement l'ayant précédé est compromise, ce d'autant que sont visées les causes antérieures aux jugements d'ouverture ayant pu précéder la liquidation.

Julien Prigent
Avocat au barreau de Paris


(1) Les modifications apparaissent en caractère gras.

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Bancaire

[Jurisprudence] L'exception de compensation : un moyen efficace de libérer le débiteur cédé à l'égard du cessionnaire "Dailly"

Réf. : Cass. com., 28 juin 2005, n° 02-19.864, Société civile immobilière (SCI) Well'e c/ Crédit lyonnais, F-D (N° Lexbase : A8412DIE)

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N8368AIR

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Le 07 Octobre 2010

L'exception de compensation constitue un moyen de défense efficace du débiteur cédé actionné en paiement par le cessionnaire "Dailly". En l'espèce, la société Nicoletti Construction est créancière de la SCI Well'e, en exécution d'un contrat de construction de maisons individuelles. En application des dispositions de la loi du 2 janvier 1981 (loi n° 81-1 N° Lexbase : L0197G8S) (codifiées aux articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9256DYH), la société Nicoletti Construction a cédé, par deux bordereaux, dix-neuf créances à une banque le Crédit lyonnais. Le cessionnaire a notifié lesdites créances au débiteur cédé, puis, à défaut de règlement, l'a assigné en paiement. Le débiteur cédé a refusé de procéder au règlement des créances en invoquant l'exception de compensation. Selon l'arrêt de la cour d'appel, la compensation opposée au cessionnaire est privée de ses effets car elle porte sur des créances postérieures à la cession. Contestant le bien fondé de l'action en paiement, le débiteur cédé a formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation devait décider si la compensation était opposable au banquier cessionnaire. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 juin 2005, censure la décision de la cour d'appel en précisant que les juges du fond n'ont pas déterminé "si les créances réciproques n'étaient pas connexes". En somme, cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation précise que la compensation est une exception opposable au cessionnaire "Dailly" (I) et conduit à s'interroger sur la portée de ce moyen de défense (II). I - La compensation : une exception opposable au cessionnaire "Dailly"

Un large débat s'est instauré en ce qui concerne l'opposabilité de l'exception de compensation survenue postérieurement à la cession par bordereau de créances professionnelles mais antérieurement à sa notification au débiteur.
Initialement, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que le débiteur cédé pouvait opposer au cessionnaire l'exception de compensation dès lors que la cession n'avait pas été régulièrement notifiée et que les conditions de la compensation avaient été réalisées antérieurement à la cession (1). II ne semble pas possible d'interpréter cet arrêt a contrario, pour en déduire que seule la notification régulière de la cession aurait pour effet de rendre inopposable au cessionnaire l'exception de compensation.
A la différence de la cession de créance du Code civil, la cession par bordereau "prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau" (2). Il serait donc rationnel de déclarer l'exception de compensation inopposable au cessionnaire par bordereau dès le jour correspondant à la date inscrite sur celui-ci (3).
Ce n'est cependant pas dans cette voie que s'est orientée la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Une société avait cédé à une banque une créance d'un prix de transport qu'elle détenait sur une autre société. La banque avait notifié la cession. Le cédé invoquait en défense à l'action en payement de la banque des retards dans l'exécution du transport et se prévalait de la compensation résultant de la créance née de l'inexécution. La cour d'appel rejetait cette prétention, au motif que le débiteur ne peut pas opposer à la banque une exception de compensation puisque la créance invoquée par elle à l'encontre du cédant est née postérieurement à la notification de la cession, à la date de laquelle la créance est sortie du patrimoine de la société cédante pour entrer dans celui de la banque (4).
La Chambre commerciale retenait "qu'en statuant ainsi, alors que la notification de la cession de créance, dès lors que cette cession n'a pas été acceptée par le débiteur, ne met pas obstacle à l'exercice ultérieur par lui des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, en particulier sur la compensation entre créances connexes dont ils seraient réciproquement titulaires, la cour d'appel a violé l'article 6" (5).
Elle a confirmé son analyse, le 9 novembre 1993, en jugeant "qu'en cas de cession de créance, en la forme prévue par la loi du 2 janvier 1981, non acceptée par le débiteur, celui-ci peut invoquer contre la banque cessionnaire l'exception d'inexécution de ses obligations par le cédant, même si elle est apparue postérieurement à la notification de la cession" (6).
C'est d'ailleurs en ce sens que s'est encore prononcée la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans l'arrêt commenté du 28 juin 2005. Il semble que, dans l'arrêt rapporté, la créance du débiteur cédé contre le cédant était née après la cession, la cour d'appel visant d'ailleurs la notification de la cession. Il pourrait, alors, en être déduit que la date à prendre en considération pour déterminer l'opposabilité de l'exception de compensation n'est pas celle figurant sur le bordereau, mais celle de l'acceptation qui n'est pourtant nullement obligatoire pour le débiteur cédé. Cette interprétation serait, cependant, directement contraire à la lettre du texte, et la notion de "connexité" ne paraît pas la justifier car la créance invoquée pour fonder la compensation serait née après la prise d'effet de la cession, tant dans les rapports entre les parties qu'à l'égard des tiers.

Quoi qu'il en soit, la Cour de cassation a atténué la rigueur qui serait résulté pour le débiteur d'une application littérale de la loi "Dailly".

II - La portée de ce moyen de défense

II semble donc que la notion de "connexité", entendue de façon particulièrement large, permette de s'écarter de la lettre de la loi. En revanche, en l'absence de connexité, la date à prendre en considération devrait être logiquement celle portée sur le bordereau. La date dont il faut tenir compte pour déterminer l'opposabilité de l'exception de compensation est donc, en l'absence de connexité, la notification au débiteur cédé (7), ce qui revient à exiger la connaissance personnelle de ce dernier.
D'après le droit commun de la cession de créance (8), le débiteur cédé qui n'a pas accepté peut opposer la compensation, lorsque sa créance contre le cédant a été acquise avec les conditions requises pour que prenne effet la compensation avant la notification de l'opération. La compensation légale peut donc se réaliser si les conditions (créances certaines, liquides et exigibles) en sont réunies avant la notification. Dans cette hypothèse, il faut admettre le jeu de la compensation légale que si les créances réciproques sont devenues liquides, exigibles et certaines avant la date portée sur le bordereau. En effet, à compter de cette date, la créance du cédant est sortie de son patrimoine, ce qui constitue un obstacle au jeu de la compensation : il n'y a plus de créances réciproques ; la compensation est impossible. En vertu de la solution retenue par la Cour de cassation (9), la compensation est possible si les créances sont devenues certaines, liquides et exigibles (10) antérieurement à la notification de la cession.
La solution est plus radicale lorsque les créances réciproques sont connexes ; la compensation peut fonctionner même si elles ne sont pas toutes les deux liquides et exigibles au moment de la cession (11). La connexité rend opposable l'exception de compensation quelle que soit la date de la notification. C'est que confirme l'arrêt commenté du 28 juin 2005 de la Cour de cassation, dans les termes suivants : "attendu que la notification de la cession de créance, dès lors que cette cession n'a pas été acceptée par le débiteur, ne met pas obstacle à l'exercice ultérieur par lui des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, en particulier sur la compensation entre créances connexes dont ils seraient réciproquement titulaires".
La connexité opère, ainsi, rétroactivement. L'exception de compensation pour dettes connexes est très proche de l'exception d'inexécution ou de mauvaise exécution ; elle "se présente comme une exception inhérente à la créance cédée et l'on sait que la cession n'opère pas purge des exceptions" (12).
Un courant d'affaires entre le cédant et le débiteur ne suffit pas à caractériser la connexité, mais celle-ci peut résulter de la convention des parties. La connexité d'une créance avec une autre, qui peut servir de fondement à une compensation judiciaire, doit être entendue au sens large. II ne s'agit pas seulement d'un lien entre deux créances nées d'un même contrat. Le concept a été élargi : à défaut d'obligations réciproques dérivant du même contrat, le lien de connexité peut exister "entre des créances et dettes nées de ventes et achats conclus en exécution d'une convention ayant défini entre deux sociétés le cadre du développement de leurs relations d'affaires ou constituant les éléments d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations" (13).

Alexandre Le Gars
Docteur en droit,
Chargé d'enseignement à l'Université des sciences sociales de Toulouse I
Chargé d'enseignement à l'IUT de Paul Sabatier Toulouse III


(1) Cass. com., 18 juillet 1989, n° 88-14.301, Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Loire c/ Société Davy Mac Kee (N° Lexbase : A0071ABA).
(2) V. C. mon. fin., art. L. 313-27 (N° Lexbase : L6399DIT).
(3) CA Paris 16ème ch., sect. A, 13 mai 1986, D. 1987 somm. p. 143 obs. Vasseur.
(4) Sous le visa de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1981 correspondant à l 'article L. 313-29 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9262DYP).
(5) Cass. com., 15 juin 1993, n° 91-19.677, Société Limburger c/ Société Logistique du commerce extérieur et autres (N° Lexbase : A6547AB4).
(6) Cass. com., 9 novembre 1993, n° 91-18.116, Société M. Bricolage Kitbois c / Banque générale de commerce (N° Lexbase : A6500ABD).
(7) Cass. com., 6 octobre 1998, n° 95-21.350, Caisse régionale de Crédit agricole mutuelle Deux-Sèvres c/ Société Pierre Robert, publié (N° Lexbase : A5340ACR), Bull. civ . IV, n° 225.
(8) V. C. civ., art. 1295, al. 2 (N° Lexbase : L1405ABN).
(9) Cass. com., 6 octobre 1998, précité.
(10) Cass. com., 13 décembre 1994, n° 92-16.550, Société Calberson international c/ Société nancéienne Varin-Bernier (N° Lexbase : A7108ABU), Bull. civ. IV, n° 373.
(11) Cass. civ. 3, 30 mars 1989, n° 87-12.470, SCI Gambetta-Park c/ Banque niçoise de crédit et autres (N° Lexbase : A2780AHG), RTD Com. 1990, p. 77 obs. M. Cabrillac et Teyssie.
(12) Cass. com., 15 juin 1993, n° 91-19.677, Société Limburger c/ Société Logistique du commerce extérieur et autres, publié (N° Lexbase : A6547AB4), Bull. civ. IV, n° 242.
(13) Cass. com., 17 mai 1989, n° 87-18.103, Société des produits alimentaires de la Thiérache et autre c/ Société Ménart, publié (N° Lexbase : A3185AHG), Bull. civ. IV n° 153.

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Marchés publics

[Questions à...] Le positionnement délicat des acheteurs publics vis à vis des marchés de services financiers

Lecture: 7 min

N8345AIW

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par Propos recueillis par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public

Le 07 Octobre 2010

Le 23 février 2005, le Conseil d'Etat a annulé l'article 3-5° du Code des marchés publics, en ce qu'il prévoyait l'exclusion du champ d'application du Code des marchés publics des contrats ayant pour objet "des emprunts ou des engagements financiers, qu'ils soient destinés à la couverture d'un besoin de financement ou de trésorerie". En effet, cet article a été jugé contraire aux dispositions de la directive 92/50/CEE du 18 juin 1992, relative aux marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI), qui soumettent la passation de tels contrats aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Le décret n° 2005-601 du 27 mai 2005 (N° Lexbase : L7651G8U) a donc réécrit les dispositions litigieuses. Mais la nouvelle rédaction de l'article 3-5° étant pour le moins ambiguë, afin de clarifier la situation, nous avons interrogé Maître Guillou, avocat à la Cour, Maître de conférences à l'Université de Lille II et Professeur à l'ESSEC et à l'École des Ponts, et Maître Laffargue, avocat à la Cour, Cabinet De Pardieu Brocas Maffei. LEXBASE : Comment interprétez-vous la nouvelle rédaction de l'article 3-5° du Code des marchés publics (N° Lexbase : L1029G9Y) ?

Me Guillou, Me Laffargue : Incontestablement, à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat de l'article 3-5° du Code des marchés publics (CE 2° et 7° s-s., 23 février 2005, n° 264712, ATMMP N° Lexbase : A7529DGX), le Gouvernement a souhaité, à travers la nouvelle rédaction de cet article par le décret n° 2005-601 du 27 mai 2005 (N° Lexbase : L7651G8U), réaffirmer le régime d'exonération de l'ensemble des services financiers.

L'article 29 du même code (N° Lexbase : L1074DYG), qui énumère les différents marchés de services soumis aux règles du Code des marchés publics, vise les services bancaires, "sous réserve des dispositions du 5° de l'article 3". Ce renvoi laisse apparaître une certaine contradiction, manifestant l'embarras du Gouvernement face à cette question. Mais, in fine, sa volonté est bien d'exclure les services financiers, dans leur ensemble, du champ d'application du Code des marchés publics.

Cette interprétation est, d'ailleurs, confirmée par une réponse ministérielle du 26 juillet dernier, indiquant que "la rédaction de ce nouvel article 3.5° permet d'exclure les emprunts du champ des marchés publics. Les marchés relatifs aux emprunts peuvent donc à nouveau être passés dans les conditions qui prévalaient avant l'arrêt du Conseil d'État du 23 février 2005" (QE n° 66824 de M. Mourrut Etienne, JOANQ 7 juin 2005 p. 5726, min. Éco., réponse publ. 26 juillet 2005 p. 7407 N° Lexbase : L8119HBC).

LEXBASE : Quelles sont, selon vous, les raisons qui poussent le Gouvernement à vouloir exonérer, absolument, l'ensemble des services financiers des dispositions du Code des Marchés publics ?

Me Guillou, Me Laffargue : Trois raisons légitimes peuvent expliquer une telle position.

1 - Tout d'abord, l'incontestable spécificité des services financiers.

Il convient de distinguer les différents types de services :
- les services pour lesquels une mise en concurrence est impossible : certains services financiers sont monopolisés par les organes nationaux ou supra-nationaux, et ne peuvent donc pas être mis en concurrence ;
- les services pour lesquels une mise en concurrence est tout simplement inutile : certains produits sont déjà optimisés par une concurrence ayant eu lieu au préalable, ils sont donc le fruit d'une mise en concurrence ;
- les autres services, pour lesquels une mise en concurrence serait nécessaire, précisément, ceux qui nous intéressent.

Or, pour ces derniers, il semble que les règles du Code des marchés publics soient peu adaptées. Par exemple, les délais de mise en oeuvre d'un appel d'offres sont effectivement peu compatibles avec la fluctuation qui caractérise ces produits.

Il apparaît donc un risque de contradiction entre le cadre des marchés publics et la nécessaire souplesse des services financiers.

Mais cette analyse est un peu courte, car il faut différencier les produits de forte mobilité, des produits non négociables, pour lesquels la mise en concurrence est favorable.

2 - La deuxième raison est d'ordre politique.

La France s'appuie, en effet, sur un accord politique entre les 15 Etats membres, signé en juin 2003 (avant l'élargissement de l'Union européenne) : il s'agit d'un accord unanime dont l'objet a été d'exonérer de façon globale les services financiers des règles de la commande publique. La France peut-elle, alors, s'affranchir d'un Traité auquel elle a adhéré ?

Mais cet argument est contestable dans la mesure où un accord politique ne peut s'opposer aux directives communautaires. Il doit s'exprimer dans un texte de droit.

3 - Enfin, il existe une raison macro-économique, celle de la tradition du financement des collectivités publiques fondée sur la présence d'une institution publique chargée de les financer. L'Etat n'a aucun intérêt à risquer de déstabiliser un secteur économique qui fonctionne déjà plutôt bien.

Mais cet argument présente un certain anachronisme, face à l'actuelle mutation du financement public : la complexification des modes de financement des projets publics, avec notamment l'apparition des contrats de partenariat public-privé, entraîne la multiplication des acteurs et la communautarisation des financements.

LEXBASE : Les acheteurs publics sont dans une situation délicate : doivent-ils suivre à la lettre les dispositions du Code des marchés publics, ou adopter une démarche prudente, en décidant de soumettre les contrats d'emprunt aux règles des marchés publics ?

Me Guillou, Me Laffargue : La conformité du décret du 27 mai 2005 avec le droit communautaire est plus qu'incertaine. Une simple analyse sémantique permet de faire apparaître cette incertitude.

En effet, l'article 16-d de la directive n° 2004/18 CE du 31 mars 2004 (N° Lexbase : L1896DYU) exclut de son champ d'application les marchés de services "concernant des services financiers relatifs à l'émission, à l'achat, à la vente et au transfert de titres ou d'autres instruments financiers, en particulier les opérations d'approvisionnement en argent ou en capital des pouvoirs adjudicateurs, et des services fournis par des banques centrales".

Ainsi, c'est parce que les opérations d'approvisionnement en argent ou en capital correspondent à des services financiers relatifs à l'émission, à l'achat, à la vente et au transfert de titres ou d'autres instruments financiers qu'ils doivent être exclus du champ d'application de la directive.

Selon la directive, les marchés ayant pour objet des emprunts ou des engagements financiers ne seraient donc pas des opérations d'approvisionnement en argent ou en capital et entreraient ainsi dans le champ d'application de la directive.

En revanche, le décret du 27 mai 2005 prévoit la non application du code "aux contrats qui ont pour objet des services financiers relatifs à l'émission, à l'achat, à la vente et au transfert de titres ou d'autres instruments financiers et à des opérations d'approvisionnement en argent ou en capital, ou des services fournis par des banques". Cela laisse supposer que les contrats ayant pour objet des emprunts ou des engagements financiers sont des opérations d'approvisionnement en argent ou en capital et qu'ils doivent ainsi échapper aux mesures de publicité et de mise en concurrence du Code des marchés publics.

Il y aurait donc une contradiction entre la Directive communautaire et le décret du 27 mai 2005.

La primauté du droit communautaire sur le droit national doit conduire les acheteurs publics à observer une certaine prudence par rapport à la nouvelle rédaction de l'article 3-5° du Code des marchés publics, si celle-ci a bien pour but d'exclure les contrats ayant pour objet des emprunts ou des engagements financiers du champ d'application du Code des marchés publics. Conformément à l'article 29 du code (N° Lexbase : L1074DYG), il convient, alors, de soumettre ces contrats aux règles de passation des marchés publics.

LEXBASE : Comment les acheteurs publics doivent-ils, alors, mettre en oeuvre les règles du Code des marchés publics, pour la passation des contrats ayant pour objet des emprunts ou des engagements financiers ?

Me Guillou, Me Laffargue : S'agissant de marchés de services, la question se pose de déterminer le régime applicable alors même que les dispositions du Code des marchés publics telles que modifiées par le décret du 27 mai 2005 nous paraissent non-conformes aux directives communautaires.

Dans cette hypothèse, il nous semble nécessaire et prudent de faire application du droit communautaire. Ceci veut dire, pour être précis, que nous conseillons aux collectivités publiques de ne pas faire application du Code des marchés publics, et de soumettre les marchés financiers notamment les emprunts, hormis les titrisations et autres produits dont le marché assure par lui-même une concurrence "naturelle", à une mise en concurrence.

Ce principe de soumission étant posé, il convient de définir le régime applicable. Dans la mesure où le Code des marchés publics dans son article 3.5° doit être exceptionnellement écarté, la personne publique ne dispose pas toujours de règles définies pour déterminer les conditions de passation de la procédure. Pour ce qui concerne les marchés financiers non exonérés dont le seuil est supérieur à 230 000 euros HT, il convient d'appliquer les règles définies par les directives communautaires. En revanche, pour les marchés inférieurs aux seuils communautaires, notre conseil consiste à créer ses propres procédures, mais en s'appuyant sur les dispositions du Code des marchés publics comme celles de l'article 40 par exemple (N° Lexbase : L8746GYL).

La première difficulté qui se pose, alors, réside dans l'évaluation du montant du marché à comparer aux seuils de déclenchement de la procédure d'appel d'offres (150 000 euros HT pour les marchés de l'Etat, et 230 000 euros HT pour les marchés des collectivités territoriales).

Faut-il prendre en compte le volume global de l'opération, ou la marge bancaire ? Il faut retenir la marge bancaire, c'est-à-dire la rémunération de l'établissement financier.

Ensuite, comment calculer alors cette marge bancaire ?

- s'il s'agit d'un taux fixe : il n'y aura, dans ce cas, aucune difficulté ; la marge bancaire se calculera en appliquant le taux fixé, au montant du marché, pour la durée fixée ;
- s'il s'agit d'un taux variable : la question est plus délicate. Par prudence, il conviendra de prendre le taux maximal.

Pour conclure, les marchés financiers forment un réseau complexe d'obligations. Tout d'abord la personne publique doit qualifier la nature de son marché financier. La règle de partition entre les marchés financiers est présentée par Didier Casas dans ses conclusions sous l'arrêt du 23 février 2005 (ATMMP) précité. Cette partition par nature entraîne des conséquences importantes en ce qui concerne le régime applicable. Pour certains marchés financiers pour lesquels le marché "commercial" forme en lui-même une mise en concurrence préalable, la personne publique n'a pas à mettre en concurrence. Pour les autres, notre conviction contra legem, c'est que la personne publique doit les mettre en concurrence.

newsid:78345

Economique

[Textes] Le point sur la mise en oeuvre des pôles de compétitivité après la publication du décret d'application le 9 juillet 2005

Réf. : Décret n° 2005-765 du 8 juillet 2005 portant application de l'article 24 de la loi de finances pour 2005 et relatif aux pôles de compétitivité (N° Lexbase : L7836G94)

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N8009AIH

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Le 07 Octobre 2010

1 - Le décret portant application de l'article 24 de la loi de finances pour 2005 et relatif aux pôles de compétitivité a été publié au Journal officiel le 9 juillet 2005 . Si le seul intérêt développé par ce décret réside dans la définition complémentaire de la composition des membres du groupe de personnalités qualifiées amenées à donner leur avis quant à la désignation des pôles de compétitivité effectué par un comité interministériel ainsi que des modalités de leurs nominations, celui-ci nous amène à nous interroger sur l'application plus générale de l'article 24 de la loi de finances pour 2005, que ce soit, notamment, à travers la désignation de ces pôles de compétitivité, ou à travers le régime de faveur alors institué pour les entreprises qui participent au projet de recherche et de développement implantées dans ces pôles de compétitivité. 2 - Les pôles de compétitivité sont des zones au sein desquelles se regroupent des entreprises, établissements d'enseignement supérieur et organismes de recherche publics ou privés, afin de travailler en synergie sur la mise en oeuvre de projets de développement économique pour l'innovation (1). C'est le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) qui, le 14 septembre 2004, a décidé du lancement de ces pôles de compétitivité. Ils doivent constituer l'un des piliers de la politique industrielle du Gouvernement, qui vise à renforcer le potentiel industriel français ainsi qu'à créer des conditions propices à l'émergence d'activités de compétitivité internationale. Cette stratégie de développement national, cherchant à s'affirmer sur la scène mondiale, s'inscrit dans une volonté de développement économique dans le cadre européen (2). L'objectif envisagé est d'atteindre et de maintenir, voire de développer le dynamisme et l'attractivité des territoires français, face à une concurrence internationale croissante. Le développement de ces pôles de compétitivité repose sur un partenariat actif entre les industriels, les centres de recherche et les organismes de formation initiale et continue. Il nécessite une mobilisation énergique de tous les acteurs concernés. Les pôles envisagés peuvent présenter deux dominantes différentes. Une première dominante s'axe sur le domaine technologique. Les pôles sont alors caractérisés par l'importance des activités de recherche ainsi que le développement d'un domaine technologique. La seconde dominante s'axe sur le domaine industriel et se caractérise par une concentration d'entreprises ayant des activités de recherche et de développement plus appliquées et plus proches du marché immédiat.

3 - A noter, cependant, que l'existence de ces pôles va bien plus loin que la simple mise en place de regroupements économiques compétitifs. Elle instaure un régime de faveur pour les entreprises en prévoyant un système d'exonération fiscale. Cependant, ce système d'allègements fiscaux et sociaux n'est que le deuxième volet des mesures gouvernementales qui prévoient, dans un premier temps, des subventions versées par l'Etat, par les collectivités territoriales ainsi que par d'autres organismes publics. Ce dispositif d'avantages fiscaux répond en quelque sorte au problème de délocalisation que connaît la France. En effet, l'engagement de ne pas délocaliser dans l'avenir les activités menées au sein des pôles de compétitivité est une condition sine qua non de l'attribution des différentes aides de l'Etat. Ces mesures prises par le Gouvernement ont donc pour objectif de renforcer l'attractivité de la France, de dynamiser l'économie en mettant le cap sur l'innovation et sur la performance, mais également d'attirer les entreprises sur le sol français et donc, par la même, de répondre à la brûlante question qu'est celle de l'emploi (3). Dans le cadre de ces pôles de compétitivité, des projets de recherche et de développement coopératifs vont voir le jour, ils devront être agréés par les services de l'Etat en fonction de critères relatifs à la nature même de ces projets. Tous les pôles retenus bénéficieront des mêmes avantages : un allègement de charges sociales et une exonération d'impôts, des possibilités de mobilité accrue entre les différents acteurs d'un même pôle (4), la mobilisation des services de l'Etat oeuvrant dans l'intelligence économique, le renforcement de la veille technologique, à l'échelle de chaque pôle ou par mutualisation de l'effort entre pôles aux dominantes proches (5).

4 - Ce n'est qu'en répondant à la double condition d'implantation dans un pôle de compétitivité et de participation à un projet de recherche et de développement (I) que les entreprises pourront alors bénéficier des mesures d'accompagnement technique et financier et, notamment, du régime d'exonération institué (II).

I - Les conditions de désignation des pôles de compétitivité

5 - La désignation des pôles de compétitivité est d'abord passée par l'identification des projets (A) avant qu'un processus de sélection n'ait permis de retenir les meilleurs projets (B).

A - L'identification des projets

6 - L'identification des pôles de compétitivité s'est fait à travers l'expression du volontarisme industriel. Des appels à projet, comportant un cahier des charges (6), ont été lancés en vue de procéder à leur constitution (7). Une première analyse des thématiques traitées fait ressortir tout autant des spécialisations affirmées de l'industrie française (automobile, aéronautique et agro-alimentaire par exemple) que des thématiques en développement ou en émergence (biotechnologies, TIC notamment). Le cahier des charges vise à déterminer trois éléments principaux : la stratégie mise en place par plusieurs partenaires (8) et la place qu'occupe l'innovation dans le processus de création de valeur, les modalités pratiques de mise en oeuvre des projets et l'articulation du projet avec d'autres projets thématiques, régionaux locaux ou européens. Les préfets déterminent les modalités d'accompagnement des porteurs de projet par les services de l'Etat en veillant à y associer les collectivités territoriales, au premier rang desquelles le Conseil régional et les autres principaux acteurs du développement économique régional (9).

7 - Les projets présentés doivent répondre à quatre exigences majeures : être créateurs de richesses nouvelles à forte valeur ajoutée et d'emploi qualifié, pouvoir se positionner sur des marchés mondiaux caractérisés par un fort potentiel de croissance, se fonder sur des partenariats approfondis entre les acteurs, se traduisant par un mode de gouvernance structuré et de qualité et, enfin, définir les objectifs et les moyens d'une stratégie efficace de développement économique et de recherche de l'innovation. Il faut savoir que les pôles de compétitivité peuvent prendre des formes juridiques très diverses pour inscrire leur vocation de projets de développement économique réunissant entreprises, laboratoires et centres de formation : association loi de 1901, groupement d'intérêt économique (GIE), groupement d'intérêt scientifique (GIS)... Mais le pôle doit définir son représentant légal qui ne peut relever ni de l'Etat, ni d'une collectivité territoriale, même si le soutien des pouvoirs publics à la démarche est essentiel.

B - La sélection des projets

8 - La sélection des projets de création des pôles de compétitivité déposés le 28 février 2005 s'est décomposée en trois étapes (10). La première a été menée par les préfets de région, s'appuyant sur les services déconcentrés de l'Etat. Cette appréciation porte sur la qualité des partenariats présentés par les candidats et sur la mobilisation des collectivités locales. La seconde évaluation, plus technique, s'appuie sur l'analyse de plus de 140 experts des différents ministères concernés par les projets (Industrie, Défense, Agriculture, Santé, Transports...) et du ministère chargé de la Recherche et de l'enseignement supérieur. Le troisième niveau d'évaluation est confié à un groupe de personnalités qualifiées, composé de 30 industriels, scientifiques de renom et financiers (11). Ce groupe de personnalités qualifiées a donné un avis sur l'ensemble des projets, notamment sur leur visibilité internationale. Il a rendu ses conclusions au mois de juin, et le Gouvernement a arrêté la liste des pôles de compétitivité lors du CIADT qui s'est tenu au mois de juillet et qui a fait bénéficier 67 projets du label "Pôle de compétitivité" (12) dont 6 ont une capacité mondiale et sont leaders dans leurs secteurs à l'échelle de la planète (13).

Une procédure de sélection et d'agrément des projets de recherche et de développement des entreprises est mise en oeuvre dans le cadre du processus de sélection et de labellisation, elle est distincte de l'appel à projets qui conduit à la désignation des pôles (14). Les projets de recherche et de développement doivent avoir un caractère collectif et être conduits par plusieurs entreprises avec au moins l'association d'un laboratoire public ou privé, d'un établissement supérieur ou d'un organisme concourant aux transferts de technologies. En conséquence, le projet de recherche et de développement conduit par une seule entreprise ne pourra être agréé en tant que tel. Les projets concernés peuvent être les projets de coopération décrits dans le cahier des charges, en réponse à l'appel à projets devant conduire à la désignation des pôles, mais le processus de sélection et de validation est bien distinct de celui conduisant à la désignation des pôles de compétitivité. Ce sont les ministères concernés qui procèderont ensuite à la labellisation des projets et l'agrément sera accordé en fonction d'une liste de critères précis. Un premier critère tiendra compte de la nature même des projets de recherche (nature de la recherche et du développement prévus, modalités de coopération entre les entreprises et les organismes publics ou privés...), un second, de l'impact des projets de recherche sur l'activité du territoire concerné ou sur le développement des implantations d'entreprises et enfin un troisième critère qui tiendra compte du financement des projets de recherche (viabilité économique et financière, implication financière des collectivités territoriales et de leurs EPCI dotés d'une fiscalité propre...). De plus, des subventions pourront aussi être accordées aux projets de recherche et de développement labellisés pour l'ensemble des partenaires concernés, au titre du Fonds européen pour la compétitivité des entreprises. Des mesures d'accompagnement de l'Etat vont aussi faciliter l'implantation des pôles.

II - Les mesures d'accompagnement des pôles de compétitivité

9 - Chaque pôle, une fois identifié et sélectionné, bénéficiera du soutien de l'Etat, à travers une mission générale de pilotage et de suivi (A), mais aussi à travers un dispositif d'allègements fiscaux (B).

A - L'accompagnement technique

10 - Chaque pôle bénéficiera du soutien technique et méthodologique de l'Etat à travers la mise en place d'une équipe dédiée, un groupe de travail interministériel (GTI) étant pour sa part chargé d'une mission générale d'accompagnement et de suivi des pôles labellisés. Le GTI sera également chargé de veiller au processus de labellisation de nouveaux pôles qui pourront voir le jour à l'avenir. A ce titre, le GTI aura notamment une mission de facilitation des relations avec l'administration, suivi des pôles, évaluation, diffusion d'information et de bonnes pratiques, organisation de manifestations, renforcement des relations européennes et internationales (15). Pour accomplir ces différentes tâches, il est nécessaire de compléter la représentation des ministères qui y seront associés, notamment par une présence renforcée du ministère de la Santé et de la Protection sociale et celle des ministères de l'Intérieur, de l'Emploi, de l'Equipement, du Budget. De même, des représentants de l'Agence pour l'Innovation Industrielle, de l'Agence Nationale de la Recherche, du groupe des personnalités qualifiées et du Haut responsable chargé de l'intelligence économique seront sollicités.

11 - Chaque pôle labellisé fera, par ailleurs, l'objet d'un suivi individualisé : le préfet de région concerné mettra en place un comité de coordination dédié pour chaque pôle (16). Ce comité sera organisé en un comité des financeurs et un comité scientifique qui aura plus spécifiquement en charge le suivi et l'évaluation technique des résultats du pôle. Il aura aussi notamment pour tâche, dans un premier temps, de préparer un contrat cadre pour chaque pôle. Ce contrat cadre, associant tous les partenaires et notamment les collectivités locales, sera validé par un prochain CIADT et portera en particulier sur la définition et la gouvernance du pôle (membres du pôle, statut juridique, représentant légal, liste des organismes participants, procédures d'approbation des projets...), la stratégie de développement économique du pôle et ses priorités, une proposition de zonage R&D pour le dispositif d'exonération, les modalités de suivi et d'évaluation du pôle (17). Les préfets des régions concernés mettront en place, en lien avec le GTI, les comités de coordination et prépareront les contrats cadres avec les responsables de la gouvernance des pôles labellisés ainsi que leurs principaux partenaires publics, au premier rang desquels les collectivités territoriales (18).

B - L'accompagnement financier

12 - Les entreprises éligibles au dispositif fixé bénéficient d'une exonération totale d'impôt sur les sociétés (19). Ce dispositif, qui s'inspire du régime de faveur applicable aux jeunes entreprises innovantes , vise à exonérer totalement ou partiellement cinq années de résultats bénéficiaires, qui ne sont pas forcément consécutives (20). En cas de pluralités d'activités, lorsque certaines sont exercées en dehors des zones de recherche éligibles, l'entreprise est tenue de tenir une comptabilité séparée retraçant les opérations propres à l'activité éligible (21). Les entreprises éligibles sont également exonérées d'imposition forfaitaire annuelle (IFA) jusqu'au 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle elles ne bénéficient plus de l'exonération d'impôt sur les sociétés (22). Ce dispositif s'applique dans les limites prévues par le Règlement (CE) du 12 janvier 2001 (Règlement (CE) n° 69/2001 du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du Traité CE relatif aux aides de minimis N° Lexbase : L1592DPN). Ce Règlement permet que soient accordées des aides publiques d'un montant de 100 000 euros par période de trois ans sans que la qualification d'aide d'Etat prohibée par le Traité CE ne soit attachée à ces aides (23). Enfin, des exonérations de charges sociales applicables pendant soixante douze mois à certaines catégories de salariés, et dont l'importance varie selon la taille de l'entreprise partenaire du pôle de compétitivité, sont prévues et ne devraient pas être soumises au plafond communautaire des aides de minimis contrairement aux allégements fiscaux.

13 - En matière de fiscalité directe locale, l'article 24 de la loi de finances pour 2005 institue une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle . Ces exonérations sont laissées à l'initiative des collectivités territoriales concernées, elles sont donc facultatives et subordonnées à une délibération préalable de leur part. Chaque collectivité intervient pour la part qui lui revient et les collectivités concernées peuvent voter l'exonération, soit de la seule taxe professionnelle, soit de la seule taxe foncière, soit des deux taxes à la fois (24). Pour bénéficier de l'exonération, les entreprises doivent en faire la demande (25) mais, dans un souci de sécurité juridique, l'article 24 a étendu la procédure d'accord tacite aux entreprises qui souhaitent s'assurer qu'elles remplissent les critères leur permettant de bénéficier de ces exonérations (LPF, art. L. 80 B N° Lexbase : L8733G8X). Le délai au terme duquel le silence de l'administration vaudra acceptation est fixé à 4 mois (26). L'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle est en principe de cinq ans. L'exonération prend fin de façon anticipée lorsque le redevable ne remplit plus les conditions pour continuer à bénéficier de ce régime. Dans ce cas, elle cesse définitivement à compter de la deuxième année suivant la période d'imposition au cours de laquelle l'entreprise ne remplit plus les conditions pour bénéficier de ce régime (27). L'exonération porte sur la totalité de la part revenant à chaque collectivité territoriale ou EPCI doté de fiscalité propre dans la limite, toutefois, des règles communautaires concernant les aides de minimis évoquées précédemment pour les impositions nationales.

Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'Université de Metz
Membre de l'Institut de droit et d'économie des dynamiques en Europe (ID2), Université de Metz

(1) Art. 24 de la loi de finance pour 2005 précité.

(2) Objectif fixé au Conseil européen extraordinaire de Lisbonne, les 23 et 24 mars 2000, afin de faire de l'Europe la première région du monde pour sa compétitivité et son économie basée sur la connaissance.

(3) Notons, tout de même, que des pôles de compétitivité existaient déjà en France (les pôles de compétitivité qui existent déjà sont par exemple, l'agglomération grenobloise pour la micro-électronique, la région PACA avec notamment la zone Sophia-Antipolis ou encore le biopôle de Poitiers) et que dès lors, la création de ces nouveaux pôles va renforcer l'attractivité de la France en soutenant les pôles préexistants.

(4) A cette fin la législation sur le détachement et le prêt de main d'oeuvre sera adaptée.

(5) Un site Internet a été créé à cet effet : http://www.competitivite.gouv.fr

(6) La réponse au cahier des charges doit permettre de décrire la stratégie générale du pôle, l'état des lieux du pôle, son ampleur quantitative, sa structuration, le périmètre du pôle, la gouvernance et le pilotage du pôle, les projets de coopération.

(7) L'appel a été lancé à la fin du mois de novembre 2004, et clos le 28 février 2005. Il a suscité une forte mobilisation, et donné lieu à un intense travail collectif. Il y a eu 105 projets déposés dont un nombre important de très grande qualité.

(8) Par exemple, progression de la richesse nouvelle créée, gains de parts de marché...

(9) Les préfets mobilisent pour ce faire les services déconcentrés de l'Etat intéressés, et en particulier la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) en vue d'accompagner les candidats dans l'élaboration de leur projet.

(10) Cf. Circulaire du 25 novembre 2004 relative à la mise en oeuvre de la politique des pôles de compétitivité N° Lexbase : L9304HB9).

(11) Il est présidé par Madame Anne Duthilleul, présidente du Conseil d'administration de l'ERAP, établissement public à caractère industriel et commercial gérant des participations de l'Etat dans les secteurs de l'énergie, de la pharmacie et des télécommunications, et administrateur de la COGEMA. Elle est, par ailleurs, Président du Conseil de BIPE Association (depuis décembre 2001) et membre du Conseil économique et social.

(12) Dont la liste est disponible sur le site : http://www.competitivite.gouv.fr.

(13) Les 6 pôles sont localisés en Ile-de-France : Paris et Evry pour les neurosciences et le plateau de Saclay pour les systèmes informatiques complexes ; Toulouse et Bordeaux avec l'aéronautique et l'espace ; Lyon avec la santé ; Grenoble avec les nanotechnologies et enfin la région Provence - Alpes - Côte d'Azur avec les communications informatiques sécurisées.

(14) Les projets de recherche et de développement doivent être déposés par les entreprises concernées avant le 31 de décembre 2007.

(15) Le GTI portera une attention particulière aux projets que le CIADT a spécifiquement distingués.

(16) Celui-ci comprendra les services déconcentrés des ministères les plus concernés, des représentants des agences et de la Caisse des Dépôts, le cas échéant, le recteur et les présidents d'universités, des représentants des collectivités territoriales concernées, et un correspondant du GTI.

(17) Afin d'inscrire la politique des pôles de compétitivité dans la durée, le CIADT a décidé que de nouvelles initiatives puissent s'exprimer à l'avenir : un nouvel appel à candidature sera ouvert dès la fin de l'année.

(18) Un CIADT se tiendra à l'automne 2005 pour valider les contrats cadres et les zonages proposés.

(19) Au titre de leurs trois premiers exercices ou périodes d'imposition bénéficiaires, dans la limite de trente-six mois, puis d'une exonération à hauteur de 50 % des bénéfices réalisés au cours des deux exercices ou périodes d'imposition suivantes, dans la limite de vingt quatre mois .

(20) La période d'exonération totale puis dégressive d'impôt sur les bénéfices s'ouvre au début du mois au cours duquel l'entreprise commence ces travaux de recherche et prend fin au terme du cent dix-neuvième mois suivant cette date. Le droit à exonération dont bénéficient les entreprises éligibles naît à la date d'agrément du projet de recherche et de développement et dure au plus soixante douze mois.

(21) Le bénéfice exonéré s'entend du bénéfice régulièrement déclaré au titre de la période d'imposition concernée, après déduction du produit des actions ou parts de sociétés, des résultats de sociétés de personnes, des subventions, libéralités, abandons de créances et de la part des produits des créances et opérations financières excédant les frais financiers engagés pour la période d'imposition. Le bénéfice de l'exercice à la clôture duquel l'entreprise ne remplit plus les conditions d'application du régime et celui de l'exercice suivant ne sont imposés que pour la moitié de leur montant.

(22) Cette exonération prend fin, en tout état de cause, au 1er janvier de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle l'entreprise en a bénéficié pour la première fois.

(23) Ainsi, les exonérations d'impôts sur les bénéfices ne peuvent excéder la limite de 100 000 euros par période de trente six mois pour chaque entreprise concernée. Il conviendra donc d'assurer un suivi des aides placées sous les minimis dont bénéficie l'entreprise afin de vérifier que les exonérations accordées à l'entreprise ne lui font pas dépasser le plafond de 100 000 euros sur trois ans.

(24) Les délibérations doivent être prises avant le 1er octobre d'une année pour être applicables l'année suivante mais il a toutefois été prévu que, pour permettre l'application de ces exonérations dès l'année 2005, les collectivités puissent prendre des délibérations dans les trente jours de la date de délimitation des zones de recherche et de développement fixée par décret en Conseil d'Etat.

(25) Pour l'exonération de la taxe foncière, l'entreprise doit souscrire une déclaration d'identification des immeubles. L'exonération de taxe professionnelle est subordonnée à la demande du contribuable, adressée pour chaque établissement concerné, au service des impôts dont il relève.

(26) Ainsi à défaut de réponse motivée dans ce délai, l'administration sera réputée donner son accord de principe à l'entreprise qui l'a interrogé sur son éligibilité au régime fiscal applicable dans les pôles de compétitivité.

(27) Ces exonérations facultatives ne s'appliquent pas en cas de transfert d'une activité dans la zone éligible si l'entreprise en a déjà bénéficié au titre d'une ou plusieurs années qui précèdent. En revanche, les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle ne sont pas remises en cause par le changement d'exploitant si le nouvel exploitant remplit les conditions d'application du régime.

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Marchés publics

[Jurisprudence] Arrêt du 1er juin 2005 "Département de la Loire" : le Conseil d'Etat détermine les éléments financiers obligatoires dans les publicités

Réf. : CE 2° et 7° s-s., 1er juin 2005, n° 274053, Département de la Loire N° Lexbase : A5004DI8

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N8047AIU

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par Marie-Hélène Sanson, Juriste marchés publics au sein d'un organisme national de protection sociale

Le 07 Octobre 2010

Par une décision des 7ème et 2ème sous-sections réunies du 1er juin dernier, le Conseil d'Etat a apporté deux précisions relatives aux informations à faire figurer dans les publicités des marchés publics (CE 2° et 7° s-s., 1er juin 2005, n° 274053, Département de la Loire N° Lexbase : A5004DI8).
  • Le juge a tout d'abord affirmé très clairement le caractère non obligatoire du montant prévisionnel du marché dans l'avis d'appel public à la concurrence.

En l'espèce, le département de la Loire avait lancé un appel d'offres ouvert pour la restauration extérieure du chevet de l'église du couvent de Saint-Nizier-sous-Charlieu. La société Desmars, rejetée dans le cadre de la consultation, a saisi le tribunal administratif de Lyon d'un référé précontractuel en invoquant un manquement aux obligations de mise en concurrence et de publicité. Par une première ordonnance, du 8 octobre 2004, le juge des référés a ordonné à la collectivité publique de surseoir à la signature du marché et par une deuxième ordonnance, du 22 octobre 2004, il a annulé la procédure en raison de l'absence, dans l'avis d'appel public à la concurrence [publié dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), le Moniteur et une revue locale], du montant prévisionnel du marché. Saisi par le département de la Loire, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du tribunal administratif de Lyon du 22 octobre, pour erreur de droit, et affirmé "qu'aucune disposition du code des marchés publics ni aucune autre règle ne met à la charge de la personne responsable du marché une obligation de publicité quant au montant prévisionnel du marché".

Cette décision ne semble pas surprenante. Elle met pourtant fin, au moins partiellement, à une controverse existant au sein des juridictions administratives. En effet, récemment et à plusieurs reprises, des tribunaux administratifs avaient annulé, dans le cadre de référés pré-contractuels, des procédures en raison de l'absence dans la publicité d'indication du montant prévisionnel du marché (notamment TA Montpellier, 12 juillet 2004, n° 043464, sté Mares SA N° Lexbase : A4046DK3). Le juge s'était d'ailleurs, dans cette espèce, prononcé en termes très durs à l'égard de la collectivité, qualifiant l'absence de cette indication de "vice substantiel de la publicité des appels à candidatures et [de] manquement grave aux obligations de mise en concurrence égalitaire des candidats potentiels qui doivent être correctement informés des caractéristiques du marché pour pouvoir décider de concourir ou non". La gravité du reproche pouvait surprendre, en l'absence de disposition réglementaire imposant cette information.

Le magistrat avait fondé sa décision sur le respect de l'égalité de traitement des candidats, l'idée étant que les candidats locaux peuvent, grâce à leur proximité géographique, avoir plus facilement connaissance du montant prévisionnel du marché que leurs concurrents plus éloignés. L'indication de ce montant dans la publicité permettrait, alors, d'assurer le même niveau d'information à tous. Il semble, cependant, que cette démarche répondait à un risque quelque peu théorique et que son fondement juridique était incertain.

D'une part, en effet, elle suppose que les candidats locaux aient pour pratique de rechercher le montant prévisionnel du marché préalablement à leur participation aux consultations, en assistant par exemple aux conseils municipaux ou en recherchant une délibération préalable de la collectivité sur cette question. Ceci n'est pas établi. De plus, cette délibération de la collectivité n'est pas nécessairement préalable à la consultation, l'ordonnance n° 2005-645 du 6 juin dernier (N° Lexbase : L8432G8S), prévoyant son intervention à tout moment. Par ailleurs, ce type d'information peut être obtenu très facilement par toute personne intéressée, candidat local, national, ou européen, dans le cadre du droit d'accès aux documents administratifs, très largement entendu par le juge et la commission d'accès aux documents administratifs. Enfin, que dire et comment traiter la situation du titulaire en place d'une prestation à renouveler ? Celui-ci connaît nécessairement très bien le besoin, son évolution, les éventuelles nouvelles attentes de la collectivité puisqu'il les traite. Il est nécessairement plus informé que les autres candidats sur la réalité de l'exécution de la prestation. Est-ce pour autant à l'avis d'appel public à la concurrence de remédier à ce déséquilibre en multipliant les informations qu'il contient ?

D'autre part, une obligation de ce type ne semblait pas disposer de fondement juridique, le Conseil d'Etat ayant ainsi pris soin d'indiquer qu'"aucune disposition du code des marchés publics, ni aucune autre règle" n'impose la mention du montant prévisionnel du marché dans la publicité. Ces autres règles relèvent vraisemblablement du droit communautaire, ce qui, ajouté à la généralité des termes de l'arrêt, permet de penser que cette indication n'est pas non plus obligatoire pour les marchés de seuil européen. Sur ce point, seule une décision future du Conseil d'Etat permettra d'éteindre définitivement le débat. Dans cette attente, on observe cependant que les formulaires de publicité, JOUE N° Lexbase : X3795ADW ou BOAMP N° Lexbase : X3794ADU, obligatoires, ne comportent pas de rubrique relative à cette mention, à la différence par exemple de l'avis de pré-information, qui prévoit, très clairement, les rubriques "Nature et quantité ou valeur des fournitures et services" et "Coût estimatif des travaux hors TVA". De même, aucune de leurs rubriques ne peuvent être interprétées dans ce sens : les éléments relatifs à l'étendue du marché visent "les quantités", "l'étendue" ou "la nature" du marché (JOUE : II.2, BOAMP : bloc n° 4), et les rubriques à portée directement financière concernent les modalités de "financement" et de "paiement" du marché (JOUE : III.1.2 ; BOAMP : bloc n° 7).

Ainsi, sur le plan national au moins, le débat est tranché : entre indiquer le montant prévisionnel du marché dans la publicité pour assurer l'égalité d'information des candidats ou ne pas l'indiquer pour permettre au jeu de la concurrence de s'exprimer librement, le juge a choisi la seconde alternative. L'absence d'obligation relative à ce montant permettra, ainsi, aux candidats de formuler leur proposition en fonction de leurs propres paramètres et non au vu du prix que la personne publique semble susceptible d'accepter, sans bloquer ou réduire leurs efforts de compétitivité par la fixation d'un prix moyen acceptable.

  • Par cet arrêt du 1er juin 2005, le Conseil d'Etat a aussi précisé que, concernant les marchés dont le montant est inférieur aux seuils communautaires, la rubrique "Modalités de financement et de paiement" du formulaire BOAMP "n'est pas au nombre de celles que l'arrêté [du 30 janvier 2004] fait obligation à la collectivité publique de remplir".

La rubrique du formulaire n'est en effet pas identifiée comme une "zone obligatoire". Pourtant depuis l'année 2001, le Conseil d'Etat a sanctionné plusieurs procédures lorsque ces renseignements n'étaient pas fournis, donnant lieu à de nombreux commentaires déplorant l'inflation jurisprudentielle relative aux mentions des publicités. Ces décisions étaient, il est vrai, relatives à des marchés de seuil communautaire, le juge relevant que "l'absence dans [l'avis] de renseignements [...] sur les modalités de financement et de paiement [...] n'a pas permis d'assurer une publicité compatible avec les objectifs de la directive n°92/50/CEE modifiée du 18 juin 1992" (CE, 27 juillet 2001, n° 229566, Compagnie Générale des Eaux N° Lexbase : A1248AW7).

Cette position peut cependant surprendre. L'objectif de cette information est, en effet, de permettre aux candidats qui consultent la publicité de disposer de quelques éléments suffisamment précis pour évaluer l'intérêt de demander un cahier des charges et éventuellement de répondre à la consultation. Cet objectif trouve aussi naturellement à s'appliquer dans le cadre de marchés de seuils nationaux. Quoiqu'il en soit, cette précision, apportée aujourd'hui par le juge, assouplit la rigueur des règles relatives à la rédaction des avis d'appel publics à la concurrence et le risque important d'annulation de procédures qui y est désormais associé, ce dont ne se plaindront pas bon nombre d'acheteurs publics.

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