La lettre juridique n°180 du 8 septembre 2005

La lettre juridique - Édition n°180

Table des matières

La Fontaine aux orties et Laffer à l'honneur...

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N8110AI9

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010


Rentrée scolaire oblige, il est doux de se rappeler, à tout âge, l'odeur de la craie sur le tableau encore mouillé, les taches indélébiles de feutre sur les doigts endoloris de l'enfant-copiste, et le confort spartiate des bancs et bureaux d'écolier. Et l'image d'Epinal serait incomplète sans l'incontournable fable de La Fontaine récitée à haute et intelligible voix, pour en tirer quelconque maxime dont les échos se font encore entendre au très fond de la vie. Alors quand la Chambre mixte de la Cour de cassation (oui, nous nous éloignons là bien loin de l'innocence de la craie, du feutre et des bancs) décide d'entériner, peu ou prou, la position de la Chambre commerciale en déchargeant la caution de son obligation de garantir une créance, au motif que le créancier bénéficiaire, par ailleurs, d'un nantissement, n'aurait pas réalisé celui-ci, c'est un peu de la morale populaire et littéraire qui disparaît. Chacun avait appris que "Deux sûretés valent mieux qu'une, /Et le trop en cela ne fut jamais perdu" (Le Loup, la Chèvre et le Chevreau - IV, 15), mais Arthur Laffer l'a définitivement emporté sur le fabuliste de Vaux-Le-Vicomte déchu comme son protecteur face à la realpolitik des temps modernes. L'équilibre entre la protection de la caution et celle du créancier garanti est-il, par cet arrêt, rompu ? Pour répondre à cette question délicate, les éditions Lexbase vous proposent de lire le commentaire de Marie-Elisabeth Mathieu, Jeantet Associés, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val d'Essonne, Un excès de sûretés tue toute sûreté ?.

newsid:78110

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] La non taxation de l'usage privé d'un bien professionnel ne justifie pas l'exclusion partielle du système de la TVA

Réf. : CJCE, 14 juillet 2005, aff. C-434/03, P. Charles c/ Staatssecretaris van Financiën (N° Lexbase : A1685DKM)

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N8044AIR

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

Le 07 Octobre 2010

En cas d'utilisation mixte d'un moyen d'exploitation, est-il possible de simplifier la gestion fiscale d'un tel bien en excluant définitivement de l'actif professionnel la fraction correspondant à l'usage privé, notamment lorsque cette exclusion existait avant l'entrée en vigueur de la sixième directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) ? La CJCE rejette une telle faculté. Le 14 juillet 2005, elle a dit pour droit que : "Les articles 6, paragraphe 2, et 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires-Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale telle que celle en cause au principal, adoptée avant l'entrée en vigueur de cette directive, qui ne permet pas à un assujetti d'affecter à son entreprise la totalité d'un bien d'investissement utilisé en partie pour les besoins de l'entreprise et en partie à des fins étrangères à celle-ci et, le cas échéant, de déduire intégralement et immédiatement la taxe sur la valeur ajoutée due sur l'acquisition d'un tel bien".
Avant comme après l'arrêt "Charles", l'usage mixte d'un bien professionnel ne s'oppose pas à la déduction intégrale de la TVA.

1. L'usage privé d'un bien professionnel avant l'arrêt "Charles"

Le litige à l'origine de la saisine à titre préjudiciel de la CJCE oppose M. et Mme Charles à l'administration fiscale néerlandaise au sujet du refus de cette dernière de faire droit à leur demande de remboursement de la totalité de la TVA qu'ils ont acquittée au titre d'un bungalow de vacances faisant l'objet d'une location pour 87,5 % du temps d'utilisation et occupé à des fins privées pour 12,5 % de celui-ci.

L'affectation mixte d'un bien oblige son propriétaire à choisir entre trois solutions quant au régime de TVA applicable. Il peut décider d'affecter à son exploitation la totalité de la dépense ou seulement la partie du bien effectivement utilisée pour réaliser des opérations soumises à la TVA. En cette occurrence, le système de la TVA ne s'applique qu'à cette partie professionnelle, qu'il s'agisse de la déduction initiale ou des éventuelles régularisations (CJCE, 4 octobre 1995, aff. C-291/92, Finanzamt Uelzen c/ Dieter Armbrecht, § 20 N° Lexbase : A7278AHZ ; CJCE, 21 avril 2005, aff. C-25/03, Finanzamt Bergisch Gladbach c/ HE, § 46 N° Lexbase : A9457DHQ : lire Yolande Sérandour, Epoux indivisaires et déduction de la TVA, Lexbase Hebdo n° 166, du 5 mai 2005 - édition fiscale N° Lexbase : A9457DHQ et Adde, Yolande Sérandour, Le bail avec soi-même n'existe pas en droit communautaire, L'Année fiscale 2004, p. 227). Le choix inverse emporte des conséquences très différentes. En effet, l'affectation complète d'un bien à l'exploitation, malgré son usage privé permet d'exercer 100 % du droit à déduction mais déclenche le mécanisme des prestations à soi-même. Toute utilisation en dehors des besoins de l'entreprise donne lieu à exigibilité de la TVA sur la valeur du service ainsi fourni .

En l'espèce, la difficulté provenait de l'existence, en droit néerlandais, avant et après l'entrée en vigueur de la sixième directive-TVA, d'une règle selon laquelle l'assujetti doit déterminer, dans l'année suivant celle de l'engagement de la dépense, la proportion d'utilisation non professionnelle. A l'expiration de ladite année, la TVA déductible à raison de l'usage professionnel est définitivement liquidée (§ 15 et 16). Cette interdiction de réviser la déduction peut pénaliser l'exploitant qui étend l'utilisation professionnelle du bien partiellement exclu du système de la TVA par le droit néerlandais. Ce risque de limitation définitive du droit à déduction fondé sur une affectation professionnelle partielle heurte-t-il la sixième directive-TVA ? En cas de réponse positive, les Pays-bas peuvent-ils justifier cette atteinte par l'absence de transposition du paragraphe 2 de l'article 6 de la sixième directive-TVA. Ce texte dispose :

"Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux :

a) l'utilisation d'un bien affecté à l'entreprise pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée ;

b) les prestations de services à titre gratuit effectuées par l'assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

Les Etats membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence".

La diminution de la TVA déductible, inhérente au système néerlandais d'affectation partielle des dépenses à usage mixte paraissait neutralisée par l'absence d'imposition des utilisations non professionnelles. De plus, dans la mesure où ces règles néerlandaises existaient avant l'entrée en vigueur de la sixième directive-TVA, les Pays-bas pensaient pouvoir bénéficier de la clause de gel des exclusions et limitations prévue par l'article 17 § 6 de la sixième directive-TVA. Cette argumentation n'a pas convaincu le juge communautaire puisqu'il a décidé de maintenir la liberté d'affectation des dépenses à usage mixte.

2. L'usage privé d'un bien professionnel après l'arrêt "Charles"

Après avoir rappelé la jurisprudence communautaire relative à la liberté d'affectation et le droit à déduction intégrale de la TVA ayant grevé des dépenses engagées dans l'intention de les affecter à l'exploitation (§ 23-24 ; lire Yolande Sérandour, Le droit à déduction de la TVA en jurisprudence communautaire, JCP, éd. E., 1999, p. 1954), la CJCE souligne que l'article 6, § 2, al. 1er, a), de la sixième directive-TVA prévoit que "lorsqu'un bien affecté à l'entreprise a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA acquittée en amont, son utilisation pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel ou à des fins étrangères à son entreprise est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux. Cette utilisation, qui constitue donc une opération taxée au sens de l'article 17, paragraphe 2, de la même directive, est, conformément à l'article 11, A, paragraphe 1, sous c), de celle-ci, taxée sur la base du montant des dépenses engagées pour l'exécution de la prestation de services" (voir, en ce sens : CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III, § 26 N° Lexbase : A7275AHW ; CJCE, 8 mars 2001, aff. C-415/98, Laszlo Bakcsi c/ Finanzamt Fürstenfeldbruck, § 30 N° Lexbase : A2714ATP et CJCE, 8 mai 2003, aff. C-269/00, Wolfgang Seeling c/ Finanzamt Starnberg, § 42 N° Lexbase : A9186B4Y).

Il n'y a pas lieu de distinguer selon les catégories d'opérations taxables ouvrant droit à déduction. Il faut seulement se demander si la dépense est affectée à l'exploitation puis dans quelle mesure aux opérations effectivement imposables ou assimilées. Le point 15 de l'arrêt "Lennartz" affirme que "c'est l'acquisition des biens par un assujetti qui détermine l'application du système de la TVA et, partant du mécanisme de déduction [...] l'utilisation ne détermine que l'étendue de la déduction initiale [...] et les éventuelles régularisations" (CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III, précité, § 26). Le droit d'affecter totalement un bien à l'exploitation ne dépend pas du mécanisme des prestations à soi-même.

Certes, l'article 6 § 2 alinéa 2 de la sixième directive-TVA prévoit que "les Etats membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence". Cependant, cela ne permet pas d'en déduire une exclusion définitive du droit à déduction d'une partie d'une dépense au prétexte qu'elle fait l'objet d'une utilisation privée. La Cour de Luxembourg juge qu'"une telle limitation du droit à déduction serait contraire à ladite disposition" (§ 28). De surcroît, l'impossibilité d'imposer l'usage privé d'un bien professionnel comporte un risque de consommation en franchise de TVA. Elle conduit à des distorsions de concurrence spécialement visées par l'article 6 § 2 alinéa 2 précité (§ 29). La CJCE maintien la liberté d'affectation, le droit à déduction intégrale, même en cas d'utilisation privée et "en principe l'obligation, correspondant à ce droit, de payer la TVA sur le montant des dépenses engagées pour l'utilisation dudit bien à des fins étrangères à l'entreprise" (voir, en ce sens, CJCE, 8 mai 2003, aff. C-269/00, Wolfgang Seeling c/ Finanzamt Starnberg, précité, § 43) (§ 30). La déduction ne serait inférieure à 100 % qu'en cas d'affectation partielle à des opérations exonérées. En telle occurrence, le système du prorata (sixième directive TVA, art. 17 § 5) devrait s'appliquer.

Ce régime des biens utilisés à des fins professionnelles et privées prévaut sur un droit interne ne respectant pas vraiment la clause de gel. L'article 17 § 6 de la sixième directive-TVA dispose : "Au plus tard avant l'expiration d'une période de quatre ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation. Jusqu'à l'entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les Etats membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la présente directive".

Bien que ce texte ne comprenne pas une condition de légalité des exclusions antérieures, il est peu probable que les autorités communautaires aient entendu ainsi valider un droit interne contraire aux directives précédentes. Or, l'article 11 de la deuxième directive-TVA invoqué par les Pays-Bas ne visait que "certains biens et certains services, notamment ceux susceptibles d'être exclusivement ou partiellement utilisés pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel" (§ 32 à 34).

En conséquence, "l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive-TVA, lu en combinaison avec l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive, n'autorise pas les Etats membres à maintenir une exclusion générale du régime des déductions de tous les biens de l'assujetti pour autant qu'ils sont utilisés pour les besoins privés de ce dernier" (§ 35).

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Procédures fiscales

[Textes] Solidarité fiscale des gérants de SARL : la fin d'une discrimination dans les conditions de sa mise en oeuvre par rapport aux autres dirigeants

Réf. : Loi du 26 juillet 2005, n° 2005-842, pour la confiance et la modernisation de l'économie, art. 15-I et II (N° Lexbase : L8800G9S)

Lecture: 9 min

N8147AIL

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Paris, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

Les dispositions des articles L. 266 (N° Lexbase : L8282AEH) et L. 267 du LPF (N° Lexbase : L3699HBM) offrent à l'administration la possibilité d'engager la responsabilité solidaire des dirigeants de sociétés lorsqu'elles se trouvent dans l'incapacité d'honorer leurs dettes fiscales à raison des manquements de ces derniers à leurs obligations fiscales. Elles organisent un "double régime de déclaration de responsabilité solidaire de dirigeants", revêtant un caractère redondant. Cette solidarité est strictement encadrée par ces deux textes, dont le premier, l'article L. 266 du LPF, vise les gérants majoritaires de SARL et, par assimilation de la jurisprudence, les gérants d'EURL et, le second, l'article L. 267 du même livre, vise tous les dirigeants de sociétés, de personnes morales ou de tous autres groupements. L'article 15-I et II de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 "pour la confiance et la modernisation de l'économie" a abrogé l'article L. 266 du LPF concernant la solidarité des gérants majoritaires de SARL et modifié l'article L. 267 du même livre en supprimant la référence à l'article L. 266. Ces dispositions ont, en outre, complété l'article L. 267 du LPF, à la suite de la suppression de l'article L. 266 du LPF auquel il faisait référence, à l'effet, en premier lieu, de rappeler la procédure suivie par l'administration au terme de laquelle le comptable de la direction générale de la comptabilité publique ou le comptable de la direction générale des impôts assigne le dirigeant devant le président du tribunal de grande instance du lieu du siège social.

En second lieu, ces mêmes dispositions ont ajouté un alinéa complémentaire à l'article L. 267 du LPF relatif à la circonstance suivant laquelle "les voies de recours qui peuvent être exercées contre la décision du président du tribunal de grande instance ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne à leur encontre des mesures conservatoires en vue de préserver le recouvrement de la créance du Trésor".

Il s'ensuit que l'article L. 267 du LPF constitue, désormais, le droit commun de la solidarité des dirigeants sociaux.

Ces modifications font, ainsi, disparaître la distinction entre gérants majoritaires de SARL et les autres dirigeants de sociétés, personnes morales ou tous autres groupements, qui conduisait à ce que la responsabilité des premiers au regard d'une même situation était plus facilement engagée que pour les seconds.

Cette différence de traitement dans les conditions d'engagement de la solidarité des gérants majoritaires des SARL par rapport aux autres dirigeants visés à l'article L. 267 du LPF se caractérisait au niveau de l'appréciation de l'inobservation des obligations fiscales et de l'exercice des fonctions.

En effet, la solidarité des dirigeants de SARL se trouvait engagée sur des manquements seulement "répétés", alors que, pour les autres dirigeants, ces manquements "répétés" devaient revêtir le caractère d'une certaine gravité.

De même, au niveau de l'exercice des fonctions de dirigeant, leur effectivité était regardée comme une des conditions susceptibles d'engager la solidarité des dirigeants de SARL, alors qu'elle ne l'était pas pour les autres dirigeants qui pouvaient faire valoir qu'ils ne dirigeaient pas.

On pouvait, dès lors, valablement s'interroger sur le point de savoir si cette différenciation manifeste ne contrevenait pas aux dispositions de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4747AQU) qui précisent que "la jouissance des droits et libertés reconnus dans la [...] convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée sur [...] la fortune [...] ou toute autre situation", combinées avec celles de l'article 1 de son Premier Protocole, pour soutenir que ces dispositions seraient à l'origine de discriminations injustifiées entre dirigeants (voir, pour exemple, en ce sens au regard des conditions de détermination de la taxe foncière : TA Pau, 6 mai 2003, n° 01-1063, DSF des Landes).

Désormais, les conditions de mise en oeuvre de la solidarité des gérants de SARL sont alignées sur celles applicables aux autres dirigeants et, de ce fait, assouplies.

Toutefois, il n'en demeure pas moins que les conditions d'application de l'article L. 267 du LPF demeurent strictes et ce, dans la mesure où ces dernières sont réunies, il n'est laissé au juge aucune marge d'appréciation tant sur l'opportunité de la déclaration de solidarité engagée par le comptable public que sur ses incidences sur le patrimoine du dirigeant. C'est toute la question de la proportionnalité du prononcé de la solidarité entre la gravité et l'étendue des manquements des dirigeants et le niveau d'engagement de leur capacité financière.

Il est rappelé que l'engagement de la solidarité du dirigeant, "s'il n'est pas déjà tenu, au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition", est subordonné, aux termes de ces dispositions, aux principales conditions qui suivent :

- la preuve d'une faute soit par des manoeuvres frauduleuses qui supposent un élément moral résidant dans l'intentionnalité de leur auteur soit par l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales du dirigeant impliquant une négligence de ce dernier, telle par exemple en matière de TVA, l'absence de reversement au Trésor public des fonds collectés auprès des clients (Cass. com., 19 décembre 2000, n° 98-11.969, Receveur principal des impôts de Grenoble Vercors c/ M. Robert Bonnard, Cassation N° Lexbase : A4052DKB), ou encore pour l'impôt sur les sociétés, le montant des créances fiscales non recouvrées ;
- les manoeuvres ou l'inobservation des obligations fiscales rendant impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société (Cass. com., 10 mars 1998, n° 95-22.216, M. Henry Mestrallet c/ Receveur des impôts de Pont-l'Evêque, inédit au bulletin, Cassation N° Lexbase : A7382CQH) ;
- l'exercice par le dirigeant en droit ou en fait, directement ou indirectement, de la direction effective de la société (CA Paris, 1ère ch., 6 mars 1987 ; Cass. com., 3 octobre 1989, n° 87-15.723, Mme Ravard c/ Receveur des impôts du 10ème arrondissement N° Lexbase : A4031AGE ; Cass. com., 5 novembre 1991, n° 89-19.064, M Chevreux et autre c/ Receveur divisionnaire des impôts d'Albi N° Lexbase : A3980ABZ ; Cass. com., 12 juillet 1993, n° 91-16.977, M. Gérard Dumont c/ M. le receveur principal des impôts de Vanves et autres, inédit, Rejet N° Lexbase : A0652CSX).

La mise en oeuvre de la solidarité conduit le juge à procéder, au regard des situations de faits qui lui sont soumises, à une appréciation in concreto des seules conditions d'application du texte en sorte que selon ce dernier "ni la situation économique de la personne morale, ni la bonne foi du dirigeant ne sont de nature à diminuer la gravité des manquements constatés" (Cass. com., 16 juillet 1991, n° 89-19.792, M Dagut c/ Receveur principal des impôts de Morcenx N° Lexbase : A3993ABI ; Cass. com., 8 juillet 1997, n° 95-14.537, Epoux Barbonchielli c/ Receveur des impôts de Gardanne, inédit au bulletin, Cassation N° Lexbase : A8004CP7 ; Cass. com., 12 juillet 1993, n° 91-13.936, Chabirand c/ M. le receveur principal des impôts des Sables d'Olonne, inédit au bulletin N° Lexbase : A0641CSK).

C'est, donc, sous le contrôle du juge que les comptables doivent, en conséquence, prouver l'existence d'une faute et d'un préjudice, ainsi que du lien de causalité.

En ce qui concerne le préjudice de l'administration, cette dernière doit démontrer l'impossibilité dans laquelle elle se trouve pour assurer le recouvrement de sa créance (Cass. com., 3 mars 2004, n° 02-16.547, F-D N° Lexbase : A4068DBB).

Elle doit, en effet, justifier avoir agit avec diligence, c'est-à-dire avoir intenté toutes les poursuites offertes par les textes et révélées inefficaces ou insuffisantes (Cass. com., 3 octobre 1995, n° 94-10.108... [LXB=] ; Cass. com., 3 juin 2003, n° 00-13.734, F-D N° Lexbase : A9295C7E ; CA Versailles, 1ère, A, 18 novembre 2004, n° 2003-07159, Marc Gurnaud c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7170DGN) dans les délais de prescription (déchéance quadriennale : LPF, art. L. 274 N° Lexbase : L3884ALG et L. 275 N° Lexbase : L3942ALL).

Les comptables, enfin, se doivent d'apprécier eux-mêmes les perspectives de recouvrement, et ne doivent pas différer les poursuites si l'impossibilité du recouvrement est avérée (Cass. com., 26 mai 2004, n° 01-02.838, F-D N° Lexbase : A2627DCB). Le comptable doit, en conséquence, engager son action sans délai pour autant que les conditions des dispositions des articles L. 267 du LPF soient réunies (instruction du 6 septembre 1988, BOI n° 12 C-20-88 N° Lexbase : X0670AA3).

L'application de l'article L. 267 du LPF requiert, donc, un contrôle précis dans l'appréciation du manquement du dirigeant et la preuve de sa causalité dans le non recouvrement des dettes fiscales de l'entreprise (Cass. com., 19 décembre 2000, n° 98-11.969, F-D N° Lexbase : A4687DDX ; Cass. com., 11 janvier 2005, n° 02-16.597, F-P+B N° Lexbase : A0122DGM).

Le manquement justifie à lui seul la déclaration de responsabilité engagée par l'administration lui donnant, ainsi, un caractère automatique interdisant toute appréciation au cas par cas de l'étendue des manquements des dirigeants.

Par deux récents arrêts, la chambre commerciale de la Cour de cassation illustre ces difficultés dans l'appréciation de la rigueur des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité solidaire du dirigeant de société, lorsque cette dernière a fait l'objet d'une liquidation judiciaire (Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-18.394, M. Pironneau c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie F-D, précité ; Cass. com., 11 janvier 2005, n° 02-16.597, Receveur principal des impôts de Rochefort-sur-Mer c/ M. François Rivallain, précité)

Ainsi, la Cour de cassation rappelle que "le juge saisi sur le fondement de l'article L. 267 du LPF n'a pas compétence pour se substituer au juge de la procédure collective dans l'appréciation du bien-fondé de l'admission d'une créance" (Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-18.394, M. Pironneau c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie F-D, précité).

La Haute cour considère en effet, à cet égard, que "le juge, saisi sur l'article L. 267 du LPF, qui estime que les conditions d'application de ce texte sont remplies pour la totalité de la somme restant due par la société, ne dispose pas du pouvoir de limiter le montant de la condamnation à prononcer" (Cass. com., 11 janvier 2005, n° 02-16.597, Receveur principal des impôts de Rochefort-sur-Mer c/ M. François Rivallain, précité)

Cette position est, également, celle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, pour laquelle le juge pénal "n'a pas le pouvoir de se prononcer, fût-ce de façon incidente ou indirecte sur l'existence et le quantum de la dette fiscale" (Cass. crim., 4 novembre 2004, n° 03-87.503, Eric Bellucci c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0434DES) eu égard au principe de l'indépendance des poursuites du chef de fraude fiscale et du contentieux relatif à l'établissement de l'impôt.

En effet, comme le soulignait le rapport de Philippe Marini fait au nom de la Commission des finances du Sénat (rapport n° 438 du 29 juin 2005), il n'est laissé au juge "aucune marge d'appréciation quant à l'opportunité de la déclaration de solidarité qui lui est demandé de prononcer, ni de la possibilité de moduler la solidarité en fonction du niveau de gravité des manquements constatés , ni même d'aucune prise sur l'ampleur des conséquences patrimoniales que cette déclaration est susceptible d'entraîner envers le dirigeant" (Cass. com., 11 janvier 2005, n° 02-16.597, Receveur principal des impôts de Rochefort-sur-Mer c/ M. François Rivallain, précité).

La mise en oeuvre d'une manière indifférenciée de l'article L. 267 du LPF d'un dirigeant à l'autre lorsque se trouvent plus particulièrement en cause des pénalités fiscales, conduit à s'interroger sur sa compatibilité avec le principe de proportionnalité des peines.

Cette incompatibilité serait, en effet, susceptible d'être déclarée à l'appui la jurisprudence combinée du Conseil constitutionnel (C. const., 29 décembre 1989, n° 89-268 DC N° Lexbase : A8205ACU) et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 24 février 1994, req. 00012547/86, Bendedoun c/ France N° Lexbase : A2994AUG), ainsi que du Conseil d'Etat (CE, Contentieux, 31 mars 1995, n° 164008, Ministre du Budget c/ Auto-Industrie Méric N° Lexbase : A3250ANP) qui considèrent qu'entrent dans le champ d'application de ce principe fondamental les sanctions fiscales par application des dispositions des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P) et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (N° Lexbase : L7558AIR).

C'est, ainsi, que le Sénat a proposé, lors de la discussion du projet d'abrogation de l'article L. 266 du LPF et de modification de l'article L. 267 du LPF, un article additionnel proposant un assouplissement des conditions "du prononcé de la solidarité fiscale" des dirigeants, devant "permettre au juge de ne déclarer une solidarité fiscale des dirigeants que partielle", alors même que les conditions du texte se trouveraient remplies, "en considération de l'étendue des manquements commis eu égard, par exemple, à la situation économique de l'entreprise et à due proportion du patrimoine personnel du dirigeant".

Cette proposition n'a pas été retenue et le texte sur le sujet est resté en l'état jusqu'à une prochaine discussion de loi de finances et, à défaut, l'intervention d'une décision de jurisprudence d'une Haute cour.

Lire également sur le sujet de la responsabilité solidaire des dirigeants :

- Sabine Dubost, "L' exigence de célérité dans la mise en oeuvre de la procédure", Lexbase Hebdo n° 160, du 24 mars 2005 - édition fiscale ([LXB=N 2210AIP]) ;

- Sabine Dubost, "N'établit pas l'impossibilité de recouvrir sa créance, l'administration qui prend une hypothèque sur un bien dont la société vient faire l'acquisition", Lexbase Hebdo n° 159, du 17 mars 2005 - édition fiscale (N° Lexbase : N2064AIB).

newsid:78147

[Jurisprudence] Un excès de sûretés tue toute sûreté ?

Réf. : Chbre mixte, 10 juin 2005, n° 02-21.296, Banque Hervet c/ M. Louis X..., et autres, publié (N° Lexbase : A6758DI7)

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N8070AIQ

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par Marie-Elisabeth Mathieu, Jeantet Associés, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val d'Essonne

Le 07 Octobre 2010

Un créancier, quelle que soit la date, l'origine et la nature de sa créance, a vocation à se faire payer sur les biens de son débiteur. Telle est, à la lecture de l'article 2092 du Code civil (N° Lexbase : L2330ABW), l'idée exprimée par le législateur : "quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir". Il n'en demeure pas moins libre de choisir les moyens d'exécution de sa créance et d'opter pour tel(s) et/ou tel(s) types de garanties. Pourtant, dans l'espèce rapportée, la Chambre mixte relève une faute du créancier garanti par un nantissement et un cautionnement, déchargeant, ainsi, suivant les termes de l'article 2037 du Code civil (N° Lexbase : L2282AB7), la caution de son obligation de règlement, le créancier ayant renoncé au bénéfice du gage. En effet, "la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait du créancier s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite" (C. civ., art. 2037). Mais, puisque le créancier a le choix des mesures pour assurer l'exécution de sa créance, comment peut-on relever une faute de sa part lorsqu'il préfère appeler la caution en garantie plutôt que de réaliser l'attribution judiciaire de son gage ? Ce paradoxe, en présence d'intérêts parfois contradictoires entre le créancier et la caution, a opposé, pendant un temps, la première chambre civile et la Chambre commerciale de la Cour de cassation (I). Cette opposition arrive, semble-t-il, à son terme avec la décision de la Chambre mixte du 15 juin 2005 (II).

I - Le difficile compromis entre les intérêts du créancier et ceux de la caution

Deux conceptions se sont opposées jusqu'à la date de la présente décision.

a) La conception civiliste qui, à l'appui d'une lecture exégétique de l'article 2078 du Code civil (N° Lexbase : L2316ABE), voit dans l'attribution judiciaire du gage une simple faculté. L'alinéa premier de l'article 2078 du Code civil propose, donc, au créancier une alternative : vente aux enchères du bien gagé ou attribution judiciaire à dire d'expert. Le législateur permet, alors, au créancier, détenteur d'un gage de peu de valeur ou susceptible de dépréciation, de le réaliser rapidement dans des conditions plus avantageuses que celles d'une vente judiciaire. Cette option qui lui est offerte est aussi une contrepartie de l'interdiction qui lui est faite de conclure avec le débiteur un pacte commissoire ou une clause de voie parée.

Le créancier peut donc appeler la caution en garantie sans avoir au préalable réaliser son gage et sans y être tenu (Cass. civ. 1, 8 juillet 2003, n° 01-03.177, M. Dominique Stal c/ Société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), F-D N° Lexbase : A0973C9W). Cette conception interdit, en conséquence, la décharge de la caution au moyen de l'article 2037 du Code civil. Dans cette décision du 8 juillet 2003, la caution qui entendait se décharger, sur ce fondement, de son obligation de règlement, s'est donc vue déboutée de son action en responsabilité contre le créancier gagiste, auquel elle reprochait de ne pas avoir demandé l'attribution judiciaire de son gage.

Par cette analyse, c'est le caractère unilatéral du contrat de cautionnement qui prévaut. Un tel engagement unilatéral est conclu, d'abord, au bénéfice du créancier. Il est donc logique que celui-ci demeure libre de demander ou non l'attribution judiciaire du gage sans que son attitude soit constitutif d'une faute. Il est, en effet, nécessaire que le créancier ait eu une obligation d'agir -obligation de faire au sens de l'article 1142 du Code civil (N° Lexbase : L1242ABM)- pour que son abstention soit fautive.

b) La conception de la Chambre commerciale est autre ; bien qu'en son temps, elle ait rejoint celle de la première chambre civile (Cass. com., 3 novembre 1983, n° 82-10.294, Dame Petit, Paquien c/ Estruch, publié au bulletin N° Lexbase : A9348CEX, JCP éd. G. 1984, II, 20234).

Ainsi, "si l'attribution judiciaire du gage ne constitue qu'une faculté pour le créancier, ce dernier, lorsqu'il est par ailleurs garanti par un cautionnement commet une faute au sens de l'article 2037 du Code civil si, en s'abstenant de demander cette attribution, il prive la caution d'un droit pouvant lui profiter" (Cass. com., 13 mai 2003, n° 00-15.404, FS-P N° Lexbase : A0109B78, Bull. civ. IV n° 73, p.83).

Protectrice des intérêts de la caution, la Chambre commerciale pose comme principe que le créancier bénéficiaire d'un gage et d'un contrat de cautionnement doit solliciter l'attribution judiciaire du gage -même si en son principe, cette attribution judiciaire est une simple faculté- avant d'appeler la caution en garantie. Le gage doit donc profiter à la caution.

Cette conception protège le recours de la caution contre le débiteur. En revanche, le créancier risque de se retrouver dépourvu de toutes garanties : tel sera le cas -comme en l'espèce- de celui qui, renonçant à la réalisation du gage, ne peut de ce fait appeler la caution en paiement, celle-ci ayant été déchargée -sur le fondement de l'article 2037 du Code civil- de son obligation.

Soit.

Mais l'excès de sûreté aura alors tué toute sûreté.

Il est vrai, cependant, que le créancier, dans la mesure où il s'est abstenu de solliciter l'attribution du gage, prive la caution d'un avantage non négligeable pour elle. Mais il est tout aussi important de protéger le créancier d'un débiteur négligeant en l'autorisant à réaliser ses garanties.

Il existe donc un conflit d'intérêt bien réel entre le garant, "tiers" à la créance et le créancier détenteur de cette créance envers son débiteur.

En l'état, c'est justement ce conflit d'intérêt qui opposait les chambres civiles et la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Et, c'est la raison pour laquelle la saisine d'une Chambre mixte s'imposait sur une question aussi conflictuelle.

II - La faute du créancier gagiste

Solliciter l'attribution judiciaire du gage est, dans les textes, pure faculté. Cette règle semble recevoir une exception pour la Chambre commerciale : le créancier ne doit pas, par négligence dans l'exercice de ses prérogatives, nuire à la caution.

Une telle exigence va-t-elle jusqu'à imposer au créancier gagiste une hiérarchie dans la réalisation de ses garanties ? Rien n'est moins sûr pour la première chambre civile (V. en ce sens ; Cabrillac et Mouly, Droit des sûretés, 7ème éd. Litec, n° 277-3) et pourtant, c'est une réponse positive qui est apportée par la Chambre mixte.

En retenant "que la banque avait renoncé au bénéfice du gage, la cour d'appel en a exactement déduit que la caution était déchargée de son obligation".

Comment peut-on imposer au créancier gagiste d'acquérir en propriété le bien gagé, par l'exercice de son droit de préférence, alors qu'il dispose d'une autre sûreté lui permettant d'éviter les aléas de la vente et éventuellement ceux de la revente du bien gagé ? En relevant, au moyen de l'article 2037 du Code civil, une faute du créancier et donc un fait exclusif de la banque créancière qui "fait perdre un droit conférant un avantage particulier à la caution" (Cass. com., 2 avril 1996, n° 93-19.074, Epoux Philibert et autre N° Lexbase : A9424ABN).

En réalité, dans la décision du 14 juin 2005, ce qui est reproché à la banque créancière, c'est le fait d'avoir consenti à la mainlevée de son privilège alors que le gage aurait du profiter à la caution. Au surplus, celle-ci n'a pas été informée de cette mainlevée.

La banque a commis une faute : car elle a laissé périr l'efficacité du gage en privant la caution de son droit préférentiel sur celui-ci. Le matériel gagé a probablement été cédé à un prix dérisoire et la banque créancière n'a pas tenté de se le faire judiciairement attribuer à un meilleur prix.

Le raisonnement de la cour d'appel, confirmée par la Chambre mixte, est des plus subtil : la faute imputable à la banque créancière n'est pas stricto sensu le fait d'avoir renoncé à l'attribution judiciaire du gage. C'est le fait d'avoir donné mainlevée de son nantissement sans en informer la caution qui est fautif. Le créancier a donc préféré, peu important le préjudice subi par la caution, consentir à la mainlevée de son privilège plutôt que d'en solliciter l'attribution judiciaire et primer ainsi, les créanciers privilégiés.

Telle est la négligence de la banque créancière.

En l'espèce, le débiteur était, de plus, en état de cessation des paiements.

En toute probabilité, si la banque avait d'abord sollicité l'attribution judiciaire du matériel nanti, elle aurait réalisé cet actif et il lui aurait été affecté. Elle aurait, alors, échappé au concours d'autres créanciers privilégiés titulaires d'un meilleur rang. Le créancier gagiste détient, en effet, un avantage significatif lors d'une liquidation judiciaire de son débiteur : l'attribution du gage l'autorise à échapper au concours des autres créanciers. Un tel avantage rejaillit sur la caution : le créancier gagiste, totalement désintéressé par la vente du ou des biens gagés, n'appellera pas la caution en garantie. S'il ne l'est que partiellement, il l'appellera pour qu'elle exécute son obligation de règlement à proportion de la créance restante.

Cette attitude du créancier préserve, au bénéfice de la caution, les sûretés dont il est bénéficiaire.

Par cette décision, les contours de la faute du créancier au sens de l'article 2037 du Code civil sont définis. Une précision est donc apportée sur le juste équilibre à établir entre le créancier garanti et la caution : le premier ne peut se désintéresser de la seconde et doit l'actionner à sa juste mesure, ne pouvant s'abstenir d'un quelconque fait qui lui serait préjudiciable.

newsid:78070

Sociétés

[Textes] La loi en faveur des petites et moyennes entreprises : aspects concernant le droit des sociétés

Réf. : Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L0750HBE)

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N8100AIT

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Le 07 Octobre 2010

La loi en faveur des petites et moyennes entreprises ("loi sur les PME") (1), adoptée en procédure d'urgence, a été promulguée le 2 août 2005 et publiée au Journal officiel du 3 août 2005. Cette loi poursuit l'objectif de développement des entreprises visé, déjà, par la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003 (loi n° 2003-721 N° Lexbase : L3557BLC), laquelle a eu une contribution importante à la création d'entreprises nouvelles. Ce nouveau texte vise, notamment, la création d'un cadre législatif approprié à la création, au développement et à la transmission des entreprises. Elle tend, également, à assurer la pérennité des petites entreprises et à soutenir leur croissance. Le texte comporte de nombreuses modifications législatives en matière sociale, fiscale, ainsi qu'en droit des sociétés ou en droit de la concurrence. Parmi les dispositions les plus importantes, elle prévoit des mesures d'incitation fiscale, la simplification des formalités de création et de transmission d'entreprise (Lire, V. Le Quintrec, Les mesures en faveur de la création ou de la reprise des entreprises, et Les nouvelles mesures en faveur du développement et de la transmission des entreprises, Lexbase Hebdo n° 179 du 1er Septembre 2005 - édition fiscale, N° Lexbase : N7825AIN ; N° Lexbase : N7823AIL). Le statut des conjoints d'entrepreneur est clarifié et leur patrimoine personnel protégé. L'accès au financement bancaire est facilité. Les dispositions relatives au droit des sociétés contenues dans la loi sur les PME visent, entre autres, le statut du conjoint du gérant (I), la location d'actions (II), ainsi que diverses simplifications relatives à la vie de l'entreprise (III). Elle met, par ailleurs, en place d'autres dispositifs juridiques intéressant le droit des affaires et attendus depuis longtemps par les praticiens (IV).

I - Le statut du conjoint du chef d'entreprise

Le titre III de la loi sur les PME modifie les dispositions de la section 2 du chapitre I du titre II du livre I du Code de commerce dont l'intitulé est désormais rédigé : "Du conjoint du chef d'entreprise travaillant dans l'entreprise familiale".

Les nouvelles dispositions sont destinées à protéger les droits à la retraite des conjoints de chefs d'entreprise artisanale, commerciale ou libérale, notamment, en cas de séparation ou de décès, lorsqu'ils ne sont pas salariés ou associés, ainsi que de renforcer leurs possibilités de se former ou de valider leurs acquis issus de l'expérience.

La loi prévoit, désormais, l'adhésion obligatoire du conjoint à l'un des trois statuts existants : conjoint-collaborateur, salarié ou associé. Ce choix permettra la prise en compte de leur activité et la reconnaissance de leurs droits.

Il convient de préciser que seul le conjoint du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire d'une société à responsabilité limitée (SARL) ou d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) (C. com., art. L. 121-4 N° Lexbase : L3845HBZ, des conditions de seuils seront fixées par décret en Conseil d'Etat) aura accès au statut de conjoint collaborateur.

Les associés doivent être informés du choix du statut de conjoint collaborateur lors de la première assemblée générale suivant la mention de ce statut auprès des organismes chargés de l'immatriculation de l'entreprise.

Un décret en Conseil d'Etat fixera les formalités à effectuer à la suite du choix du statut, ainsi que la définition du conjoint collaborateur et les autres conditions d'application du nouveau dispositif.

L'article 13 de la loi insère dans le Code civil un article 1387-1 (N° Lexbase : L3737HBZ) relatif au régime des dettes et sûretés contractées par les époux dans le cadre de la gestion d'entreprise. Ainsi, en cas de divorce, si des dettes ou sûretés ont été consenties par les époux, solidairement ou séparément, dans le cadre de la gestion d'une entreprise, le tribunal de grande instance pourra décider d'en faire supporter la charge exclusive au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel ou, à défaut, la qualification professionnelle ayant servi de fondement à l'entreprise. Cette nouvelle disposition a fait l'objet de vives critiques lors des débats parlementaires, étant considérée comme allant "trop loin en modifiant le droit des sûretés" (2).

L'article 14 de la loi insère dans le Code de commerce un nouvel article L. 121-7 (N° Lexbase : L3882HBE), selon lequel, dans les rapports avec les tiers, les actes de gestion et d'administration accomplis pour les besoins de l'entreprise par le conjoint collaborateur sont réputés l'être pour le compte du chef d'entreprise et n'entraînent, à la charge du conjoint collaborateur, aucune obligation personnelle.

Par ailleurs, selon les nouvelles dispositions introduites par l'article 15, et modifiant l'article L. 622-8 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L7522HB9), l'adhésion au statut du conjoint-collaborateur permettra de se constituer, désormais, des droits propres en matière d'assurance-vieillesse.

Le choix du statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé entraînera des conséquences nouvelles sur leurs droits sociaux. Il s'agit, notamment, de l'obligation de cotiser au régime d'assurance vieillesse de base, de retraite complémentaire et d'invalidité du chef d'entreprise, lorsque le conjoint qui a opté pour l'un de ces deux statuts n'est pas, par ailleurs, affilié au régime d'assurance vieillesse de la Sécurité sociale, de la possibilité de bénéficier d'un plan d'épargne entreprise. Son statut ouvrira, également, un droit à la formation professionnelle continue ainsi que la faculté de valider les acquis de l'expérience.

Le conjoint bénéficiera d'un délai pour se mettre en conformité avec les obligations en matière de qualification professionnelle afin de poursuivre plus aisément l'exploitation de l'entreprise (article 17 de la loi sur les PME).

En contrepartie de cet accès à la formation continue du conjoint collaborateur ou associé, la loi prévoit une revalorisation de la cotisation due par les travailleurs indépendants au titre de la formation professionnelle continue. La cotisation minimale due au titre de la formation professionnelle continue passera pour le travailleur indépendant ou le membre des professions libérales et des professions non salariées qui bénéficie du concours de son conjoint collaborateur ou de son conjoint associé de 0,15 % à 0,24 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (article 16- IV de la loi sur les PME).

II - La location d'actions

L'article 26 de la loi sur les PME insère dans le titre III du livre II du Code de commerce un chapitre IX intitulé "De la location d'actions et de parts sociales" (C. com., art. L. 239-1 N° Lexbase : L3993HBI à L. 239-5 N° Lexbase : L3997HBN).

La location d'actions ou de parts sociales constitue un contrat en vertu duquel le preneur acquitte un loyer et perçoit en contrepartie les éventuels dividendes mis en distribution.

1. Les titres concernés

La location n'est possible que sur les actions des sociétés pas actions (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, sociétés en commandite par actions, sociétés européennes) ou les parts sociales des sociétés à responsabilité limitée (SARL), et seulement au profit de personnes physiques.

Seuls peuvent faire l'objet d'un contrat de location les titres nominatifs non négociables sur un marché réglementé, non inscrits aux opérations d'un dépositaire central et non soumis à l'obligation de conservation prévue à l'article L. 225-197-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5387G7N) (actions attribuées gratuitement aux salariés et/ou aux mandataires sociaux) ou aux délais d'indisponibilité prévus pour la participation ou les plans d'épargne entreprise (Chapitres II et III du titre IV du livre IV du Code du travail) (3).

En outre, ne peuvent pas être loués :

- les titres détenus par des personnes physiques dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé lorsque les produits et plus-values bénéficient d'un régime d'exonération en matière d'impôt sur le revenu ;
- les titres inscrits à l'actif d'une société de capital-risque (loi n° 85-695 du 11 juillet 1985, art. 1er-1 N° Lexbase : L9116AGQ) ou d'une société unipersonnelle d'investissement à risque  ;
- les titres détenus par les fonds communs de placement mentionnés aux articles L. 214-36 N° Lexbase : L2951G98, L. 214-41 N° Lexbase : L9283G9P  et L. 214-41-1 N° Lexbase : L8017HBK du Code monétaire et financier ;
- les actions des sociétés par actions ou les parts sociales des sociétés à responsabilité limitée (SARL) constituées pour l'exercice des professions libérales, sauf au profit de professionnels salariés ou collaborateurs libéraux exerçant en leur sein ;
- les actions ou parts sociales des sociétés faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire qui ne peuvent être louées que dans les conditions fixées par le tribunal ayant ouvert cette procédure.

2. Les droits attachés aux actions ou parts sociales

a) La date d'entrée en jouissance

La date de délivrance des actions ou parts sociales est réputée avoir lieu au moment de l'inscription dans le registre des titres nominatifs de la société par actions ou dans les statuts de la SARL, à côté du nom de l'actionnaire ou de l'associé, de la mention du bail et du nom du locataire. Dans la SARL, le gérant peut modifier les statuts de la société sous réserve de la ratification de cette décision par les associés représentant plus de la moitié des parts sociales, et sur deuxième convocation, en l'absence de la majorité requise, ou lorsque les statuts le prévoient, à la majorité des votes émis (C. com., art. L. 223-18 N° Lexbase : L3772HBC renvoyant à C. com., art. L. 223-29 N° Lexbase : L5854AIN).

A partir de cette date, le locataire jouit du droit d'information, de participations et de vote aux assemblées.

b) Le droit de vote

Le droit de vote appartient au bailleur dans les assemblées statuant sur les modifications statutaires ou le changement de nationalité de la société et au locataire dans les autres assemblées.

c) Autres droits attachés aux actions

Pour l'exercice des autres droits que le droit de vote attachés aux actions et parts sociales louées, le bailleur est considéré comme le nu-propriétaire et le locataire comme l'usufruitier.

3. L'évaluation des titres

Les actions ou parts louées doivent être évaluées sur la base de critères tirés des comptes sociaux en début et en fin de location. Lorsque le bailleur est une personne morale, les titres sont évalués, également, à la fin de chaque exercice comptable. L'évaluation doit être certifiée par un commissaire aux comptes.

4. L'agrément

Les dispositions relatives à l'agrément du cessionnaire de parts ou d'actions sont applicables dans les mêmes conditions au locataire.

5. Les formalités

a) La conclusion du contrat de bail

Selon l'article L. 239-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3994HBK), le contrat de bail est conclu par acte authentique ou sous seing privé soumis à la procédure de l'enregistrement.

b) Le contenu du contrat de bail

Une liste des mentions qui doivent figurer, à peine de nullité, dans le contrat de bail sera fixée par décret en Conseil d'Etat.

c) Le renouvellement

Selon l'article L. 239-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L3996HBM), le bail est renouvelé dans les mêmes conditions que la conclusion du bail initial. En cas de non-renouvellement ou de résiliation, la mention de la location dans le registre des titres nominatifs de la société par actions ou dans les statuts de la SARL doit être supprimée. Le gérant de SARL peut procéder à la modification des statuts de la société sous réserve de la ratification de cette décision par les associés représentant plus de la moitié des parts sociales, et sur deuxième convocation, en l'absence de la majorité requise, ou lorsque les statuts le prévoient, à la majorité des votes émis (C. com., art. L. 223-18 N° Lexbase : L3772HBC renvoyant à C. com., art. L. 223-29 N° Lexbase : L5854AIN).

d) L'opposabilité

L'opposabilité à la société est faite dans les formes prévues à l'article 1690 du Code civil (N° Lexbase : L1800ABB).

e) Le recours en référés

La modification par le représentant légal de la société du registre des titres nominatifs ou des statuts et la convocation de l'assemblée peut être demandée par tout intéressé au président du tribunal statuant en référé en cas de signification ou d'arrivée à terme d'un contrat de bail.

La loi met, ainsi, en place un dispositif facilitant la transmission de la propriété à un repreneur par le transfert de la propriété à un tiers à l'issue d'une période de location ou location-gérance ou par le développement de mécanismes de crédit-bail étendu aux parts sociales selon des modalités similaires à celles qui existent pour les fonds de commerce. Selon les promoteurs de la loi en faveur des PME, cette mesure ouvre la voie à une simplification des montages existants en matière de cession ou de transmission d'entreprise. La location d'actions permet, en particulier, de limiter le recours aux garanties d'actif ou de passif, de plus en plus fréquemment exigées par les repreneurs, et d'ouvrir des possibilités nouvelles par rapport aux schémas de location-gérance de fonds de commerces.

En outre, l'introduction du crédit-bail pour l'acquisition d'actions ou de parts sociales (article 27 modifiant l'article L. 313-7 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L7976HBZ), pour les seuls titres non négociables sur un marché réglementé, étend la gamme des instruments de crédit disponibles pour ceux qui souhaitent reprendre une entreprise ou y investir pour une période donnée, mais, également, pour le chef d'entreprise qui souhaite développer une activité préexistante.

En conséquence, le Code monétaire et financier qui définit limitativement les opérations de crédit-bail est, également, modifié afin d'inclure les opérations de location de parts sociales ou d'actions prévues aux articles L. 239-1 à L. 239-5 du Code de commerce, assorties d'une promesse unilatérale de vente.

III - Simplifications relatives à la vie d'entreprise

Diverses simplifications relatives au droit de l'EURL et de la SARL ont pour objet d'alléger les obligations procédurales attachées à un certain nombre d'actes courants de la vie de l'entreprise (titre V de la loi sur les PME).

Le nouvel article L. 223-31 du Code de commerce (N° Lexbase : L3774HBE), tel que modifié par l'article 34 de la loi sur les PME, précise que, lorsque l'associé unique est lui-même gérant de sa société, le dépôt au registre du commerce et des sociétés du rapport de gestion, de l'inventaire et des comptes annuels dans les six mois de la clôture de l'exercice vaut approbation des comptes.

En vertu de l'article L. 223-30 modifié du Code de commerce (N° Lexbase : L3773HBD), les règles de quorum pour les SARL (4) constituées après la publication de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, sont alignées sur celles de l'article L. 225-96 du Code de commerce pour les sociétés anonymes (N° Lexbase : L3740HB7) . Les statuts pourront prévoir des quorums ou une majorité plus élevés, sans pouvoir exiger l'unanimité des associés.

Les SARL constituées avant la publication de la loi pourront être régies par ces nouvelles dispositions, sur décision prise à l'unanimité des associés.

IV - Autres mesures intéressant le droit des affaires

1. Le tutorat en entreprise

Le tutorat en entreprise (5) est une autre mesure favorisant la transmission d'entreprise. Ainsi, la loi met en place un dispositif relatif au tutorat en entreprise qui vise à assurer la transmission au cessionnaire de l'expérience professionnelle acquise par le cédant en tant que chef de l'entreprise cédée.

Le tutorat fera l'objet d'une convention de prestation temporaire de tutorat qui pourra être conclue entre le cessionnaire et le cédant d'une entreprise commerciale, artisanale ou de services (6).

2. Le contrat de collaborateur libéral

L'article 18 de la loi fixe le cadre juridique du contrat de collaborateur libéral, déjà possible pour les avocats, et qui sera, désormais, accessible aux collaborateurs de professionnels libéraux qui ne disposaient jusqu'à présent que du statut de salarié.

Le membre non salarié d'une profession libérale qui, dans le cadre d'un contrat de collaboration libérale, exerce auprès d'un autre professionnel la même profession, bénéficie, désormais, de la qualité de collaborateur libéral (article 18 III de la loi PME). Ce dernier exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et peut se constituer une clientèle personnelle.

La loi exclut expressément du contrat de collaborateur libéral les professions d'officiers publics ou ministériels, des commissaires aux comptes et des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises.

La loi prévoit, également, les diverses mentions qui doivent, à peine de nullité, figurer dans le contrat de collaborateur libéral, ainsi que le rattachement du collaborateur libéral au statut social et fiscal du professionnel libéral qui exerce en qualité de professionnel indépendant.

Sa responsabilité sera engagée dans les conditions prévues par les textes régissant les professions libérales respectives.

3. Le contrat de gérance- mandat

Le contrat de gérance-mandat (7) vient encadrer la relation contractuelle existant entre le mandataire et le gérant qui assume la responsabilité de l'exploitation d'une unité économique indépendante (C. com., art. L. 146-1 N° Lexbase : L3990HBE à L. 146-4 N° Lexbase : L3765HB3).

Cette mesure vient combler un vide juridique, confortant, ainsi, la situation des gérants-mandataires qui disposent d'une très grande latitude dans la conduite de leur activité sans être, cependant, propriétaires du fonds. Le mandant supporte les risques liés à l'exploitation du fonds, fixe une mission au gérant-mandataire, en lui laissant toute latitude, de déterminer les conditions de travail, d'embaucher du personnel et de se substituer des remplaçants dans leur activité à leurs frais et sous leur entière responsabilité.

Le gérant-mandataire reçoit en contrepartie une commission proportionnelle au chiffre d'affaires et doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés et, le cas échéant, au répertoire des métiers. Le contrat y est, également, mentionné et fait l'objet d'une publication dans un journal d'annonces légales.

Un décret fixera les informations qui doivent être portées à la connaissance du gérant-mandataire, avant la signature du contrat de gérance-mandat, et qui sont nécessaires à sa mission.

Elena Pascal
Doctorante en droit, Université Paris XI (Sceaux)


(1) Le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 13 avril 2005 par M. Christian Jacob, ministre des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat, des Professions Libérales et de la Consommation. Précisons, également, que par décision n° 2005-523 DC du 29 juillet 2005 (N° Lexbase : A1644DK4), le Conseil constitutionnel avait rejeté le recours déposé le 20 juillet 2005 par plus de 60 députés.

(2) Les parlementaires se sont interrogés sur l'opportunité de légiférer sur ce point en adoptant "un amendement qui bouleversait le droit des sûretés pour répondre à un problème très particulier", voir le rapport en Commission mixte paritaire.

(3) Soulignons, également, que la commission mixte paritaire a supprimé la précision contenue dans le projet de loi selon laquelle la possibilité d'acheter les actions ou les parts sociales louées à l'issue de la période de location est, le cas échéant, prévue dès la conclusion du contrat de bail.

(4) L'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004, portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises (N° Lexbase : L4315DPI), a porté le nombre maximum d'associés pour les SARL de 50 à 100.

(5) L'article 24 de la loi insère dans le titre II du livre Ier du Code de commerce un chapitre IX intitulé "Du tutorat en entreprise".

(6) Les conditions d'application du dispositif relatif au tutorat en entreprise seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

(7) L'article 19 de la loi sur les PME insère dans le titre IV du livre Ier du Code de commerce un chapitre VI intitulé "Des gérants-mandataires".

newsid:78100

Sociétés

[Textes] Le nouveau dispositif légal relatif à la transparence des rémunérations

Réf. : Loi du 26 juillet 2005, n° 2005-842, pour la confiance et la modernisation de l'économie (N° Lexbase : L8800G9S)

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N8154AIT

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Le 07 Octobre 2010

La loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie publiée au Journal officiel du 27 juillet 2005 (loi "Breton") renforce le dispositif légal relatif à la transparence des rémunérations. Cette réforme a été accomplie dans un contexte médiatique houleux (1). Il est étonnant de voir à quel point les politiques de rémunération dans les sociétés ou les groupes ont évolué. Avant la réforme, sur fond de transparence des rémunérations, l'anathème a pu être jeté, non sans une certaine "hypocrisie", sur les augmentations de rémunération sans corrélation avec les résultats sociaux (2). Si certains abus existent, les raisons de ces augmentations peuvent, aussi, être recherchées dans la multiplication des risques inhérents à la fonction de dirigeant. Ces explications semblent, cependant, insuffisantes : en matière de rémunération, les litiges ont été de plus en plus nombreux. Ainsi, Pierre Bilger a renoncé à son indemnité de départ de la présidence de la société Altsom et "s'est vu confisquer ses stocks-options" (3). Par ailleurs, Jean-Marie Messier, l'ancien président directeur général de Vivendi Universal avait signé, en juillet 2002, un contrat de départ prévoyant le versement de près de 21 millions d'euros. La justice française avait ordonné la mise sous séquestre de cette indemnité de départ. Le 23 décembre 2003, à l'issue d'un accord entre Vivendi Universal et la Securities and Exchange Commission (l'homologue de l'Autorité des Marchés Financiers aux Etats-Unis), l'intéressé a renoncé à ce "golden parachute" (4). La loi NRE (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ) avait été trop loin dans ses dispositions relatives à la transparence des rémunérations, en visant indistinctement toutes les sociétés anonymes, qu'elles soient cotées ou non. Utile et nécessaire dans les sociétés cotées (où l'obligation pouvait, à l'époque, être stigmatisée par la Commission des opérations de bourse), la publication dans le rapport annuel de la rémunération des mandataires sociaux des entreprises non-cotées se justifiait difficilement. La sanction prévue pour ces dernières, en cas de non-respect de la transparence des rémunérations (engagement de la responsabilité des membres du conseil d'administration) n'était pas précisée. La loi de sécurité financière (loi n° 2003-706, du 1er août 2003 N° Lexbase : L3556BLB) et l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004, portant réforme du régime des valeurs mobilières (N° Lexbase : L5052DZ7) ont, donc, limité le dispositif légal aux seuls mandataires détenant un mandat dans une société cotée et percevant des rémunérations de la société cotée, de la société contrôlante ou des sociétés contrôlées par cette société cotée.

En substance, en vertu de ces réformes successives :

  • si la personne rémunérée n'a pas de mandat dans une société cotée, elle n'est pas soumise à l'obligation de transparence ;
  • si la personne rémunérée a un mandat dans une société cotée, elle doit déclarer :

    - les rémunérations qu'elle perçoit de la société cotée ;
    - celles qu'elle reçoit des sociétés qui contrôlent la société cotée ;
    - celles qu'elle reçoit des sociétés contrôlées par la société cotée.

Le rapport annuel de gestion de la société cotée doit faire état du montant des rémunérations et des avantages de toute nature ainsi reçus.

La réforme opérée par la loi "Breton" alourdit le dispositif en place, d'une part, en exigeant des précisions quant aux éléments de rémunération et, d'autre part, en renforçant le caractère contraignant du dispositif.

I - Les éléments de rémunérations

Avec la loi "Breton", outre les rémunérations et avantages de toutes natures, la transparence concerne, également, les politiques de rémunérations et les engagements pris par la société.

A - La transparence des politiques de rémunération

Suivant le nouvel alinéa 3 de l'article L. 225-102-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3957HB8), le rapport de gestion doit décrire "en les distinguant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces rémunérations et avantages ainsi que les critères en application desquels ils ont été calculés ou les circonstances en vertu desquelles ils ont été établis". Non seulement la rémunération, mais aussi les politiques de rémunération de la société cotée doivent, dorénavant, être transparentes.

S'il est question de critères, ceux-ci peuvent, en premier lieu, être objectifs, il faut alors se référer, par exemple, à des chiffres moyens par catégories d'entreprises des rémunérations de dirigeant. Les critères peuvent, en second lieu, être subjectifs, en se référant, notamment, à une grille de rémunérations concernant le groupe de sociétés ou encore en se référant, par exemple, pour la partie variable, aux résultats de la société ou du groupe.

Dans la mesure où des risques de nullité existent (v. infra), doit être souligné le caractère alternatif de la référence qui peut être faite, tantôt aux critères permettant de calculer les éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération et les avantages, tantôt aux circonstances en vertu desquelles ils ont établis.

Ces circonstances concerneront probablement, au cas le plus fréquent, les rémunérations exceptionnelles. L'arrivée du mandataire, son départ, des actions ou des résultats remarquables, la volonté de fidéliser une personnalité à un poste de direction permettront, entre autres, de justifier ces rémunérations.

B - La transparence des engagements pris par la société

Dans le prolongement de la transparence de ces rémunérations ou avantages exceptionnels, l'article L. 225-102-1, alinéa 3, du Code de commerce ajoute que le rapport doit, également, indiquer "les engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cession ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci".

L'ensemble du dispositif signifie, donc, que la transparence peut, dorénavant, être à trois vitesses. Doivent être indiqués dans le rapport annuel :

  • le montant des rémunérations et avantages de toute nature ;
  • les critères ou les circonstances permettant de justifier ce montant ;
  • les engagements de toutes natures pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux.

Les engagements concernés sont de toutes natures. Toujours contractuels, ils peuvent être statutaires ou extrastatutaires.

Ils doivent être "pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux". La nullité qui sanctionne le manquement à cette obligation (v. infra) laisse penser qu'une lecture restrictive du texte est envisageable. Suivant celle-ci, les engagements pris par la société cotée envers ses mandataires sont seuls concernés par cette obligation ; cela paraît exclure la transparence des engagements pris par les sociétés contrôlantes ou contrôlées.

Enfin, les engagements correspondent "à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cession ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci". Cette définition est des plus larges. Rémunérations, indemnités et avantages couvrent globalement toutes les techniques permettant d'offrir une contrepartie financière aux services des mandataires sociaux. Quant aux engagements pris "à raison de la prise, de la cessation ou du changement des fonctions ou postérieurement à celles-ci", on comprend que, dès lors que la personne est mandataire d'une société cotée, tous les engagements le concernant sont concernés.

Ces engagements doivent être indiqués. Cela signifie que leur publication intégrale n'est pas exigée. En revanche, de façon beaucoup plus sibylline, la loi exige que l'information donnée à ce titre précise "les modalités de détermination de ces engagements". On pourrait en déduire qu'il suffit, par exemple, d'indiquer que, à l'occasion de l'entrée des dirigeants, un golden hello peut être prévu et que, par voie de conséquence, Monsieur X. a bénéficié d'un engagement en ce sens. Seraient, également, concernés, les golden parachutes et les retraites chapeaux.

II - Le caractère contraignant du dispositif

Le dispositif légal devient plus contraignant en ce que de l'intervention du commissaire aux comptes jusqu'à la nullité, il oblige les sociétés à respecter leurs obligations déclaratives.

En premier lieu, les commissaires aux comptes attestent l'exactitude et la sincérité des informations relatives à la transparence des rémunérations et avantages, à la politique de rémunération et aux engagements de rémunérer (C. com., art. L. 225-235 modifié N° Lexbase : L3895HBU).

En deuxième lieu, les injonctions de faire spécialement dédiées au rapport annuel de gestion s'étendent dorénavant à l'ensemble de l'article L. 225-102-1 et, par conséquent, à la transparence des rémunérations (C. com., art. L. 225-102-1, avant dernier alinéa).

En troisième lieu, suivant le nouvel article L. 225-42-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4054HBR), dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les engagements pris au bénéfice de leurs présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués, par la société elle-même ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16 du Code de commerce (N° Lexbase : L6319AIU), et correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, sont soumis à la procédure des conventions réglementées (C. com., art. L. 225-38 et suivants N° Lexbase : L5909AIP).

En quatrième et dernier lieu, de façon encore plus prophylactique, "hormis les cas de bonne foi, les versements effectués et les engagements pris en méconnaissance des dispositions relatives à la transparence des engagements [v. supra] peuvent être annulés". La nullité n'est donc que facultative. En outre, le demandeur devra, bien entendu, pouvoir démontrer qu'il dispose d'une qualité et d'un intérêt à agir.

En conclusion, l'arsenal législatif paraît complet. On peut, cependant, déplorer que certaines lacunes persistent. D'une part, à la lettre des textes, la transparence ne concerne pas les rémunérations et avantages offerts par une société soeur au mandataire social d'une société cotée. D'autre part, la transparence des engagements de rémunération ne concerne, quant à elle, que la société cotée. Enfin, une réponse ministérielle récente (5) met en évidence les difficultés que l'on peut rencontrer dans les groupes internationaux de sociétés.

Jean-Philippe Dom
Maître de conférences à l'Université de Caen


(1) Voir, également, F. Girard de Barros, "Rémunération des dirigeants : le bébé et l'eau du bain", N° Lexbase : N5263AIR ;
(2) Y. de Kerdrel, "Argent des patrons : l'hypocrisie française", Les Echos, 29 décembre 2003, spéc. p. 12 ;
(3) M.-J. Pasquette, "Les conseils d'administration sur la brêche", Investir Hebdo, 2 janvier 2004 ;
(4) Voir, "Vivendi : le sacrifice de Messier", Le Progrès, 25 décembre 2003, p. 3 ;
(5) QE n° 26438 de M. Falala Francis, JOANQ 13 octobre 2003 p. 7761, min. éco., réponse publ. 2 août 2005 p. 7575, 12e législature, N° Lexbase : L8528HBH.

newsid:78154

Social général

[Textes] Le nouveau régime de l'insertion par l'économique

Réf. : Décret du 2 août 2005, n° 2005-905, modifiant le décret n° 99-109 du 18 février 1999 relatif aux associations intermédiaires (N° Lexbase : L0914HBH)

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N8101AIU

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Le 07 Octobre 2010

Le secteur de l'insertion par l'économique regroupe les entreprises d'insertion (EI), les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), les associations intermédiaires (AI) et, depuis la loi de cohésion sociale (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49), qui les a consacrés légalement, les chantiers d'insertion. Ces structures remplissent une double fonction : lutter contre le chômage en recrutant du personnel et lutter contre l'exclusion sociale en recrutant exclusivement les personnes les plus éloignées de l'emploi. C'est en considération de cette double mission que l'Etat et les collectivités territoriales apportent massivement leur aide, au titre des politiques de l'emploi. Depuis la loi de cohésion sociale, le régime juridique de ces aides publiques a changé sensiblement, qu'il s'agisse des chantiers d'insertion (1) ou des autres structures déjà connues (2). Ces réformes résultent de dispositifs divers et de différentes natures. 1. Ateliers et chantiers d'insertion

Les chantiers d'insertion constituent le dispositif le plus récent du secteur de l'insertion par l'activité économique, auquel ils sont rattachés depuis 1998, à côté des entreprises d'insertion, des associations intermédiaires et des entreprises d'intérim d'insertion. L'appellation exacte des chantiers d'insertion est "organisme développant des activités d'utilité sociale", la dénomination "chantier d'insertion" ne renvoyant à aucun texte précis et étant utilisée par commodité.

1.1. Objet des ateliers et chantiers d'insertion

Ces structures ont pour objectif la mise en oeuvre d'actions visant à accompagner de manière spécifique un groupe de personnes en difficulté dans la perspective d'une insertion, la production étant le support de l'insertion (1).

Jusqu'en 2005, ces structures n'avaient qu'un régime fixé par des dispositions réglementaires (circ. DGEFP, n° 2000/15, du 20 juin 2000, relative aux modalités de conventionnement des organismes qui développent des activités d'utilité sociale tout en produisant des biens et services en vue de leur commercialisation N° Lexbase : L9375HBT). La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (art. 66) a donné une existence légale aux chantiers d'insertion, ainsi qu'une définition (visée à l'article L. 322-4-16-8 du Code du travail N° Lexbase : L7725HBQ).

Selon les statisticiens, en 2001, 1 100 structures qui ont porté 2 294 chantiers d'insertion, accueillait plus de 39 000 personnes (34 000 en CES, 5 000 en CEC), soit plus que l'ensemble des autres structures d'insertion, des entreprises d'insertion, des associations intermédiaires et des entreprises d'intérim d'insertion. Ils présentent des caractéristiques propres qui les distinguent des autres structures de l'insertion par l'économique : accueil des publics les plus en difficulté, les plus éloignés de l'emploi, pour lesquels la priorité est souvent le traitement de problèmes d'ordre social (allocataires du RMI, pour environ 70 %) ; utilisation exclusive du CES/CEC (avant que ces contrats ne disparaissent par l'effet de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005) pour la prise en charge des salaires des personnes en insertion.

Les chantiers d'insertion sont généralement des associations, mais certaines collectivités locales créent leur propre chantier. En 2003, on estime à 1 900 le nombre d'organismes qui portent des chantiers d'insertion. Plus de neuf fois sur dix, il s'agit d'une association, les autres organismes étant principalement des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale. Les autres organismes sont essentiellement des structures de l'IAE (16 %), des organismes de formation (14 %) et des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (6 %). Plus d'un tiers des actions d'insertion recensées sous l'appellation "chantier" se déroulent dans le domaine de l'environnement et des espaces verts, et près d'un quart dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

1.2. Conventionnement des ateliers et des chantiers d'insertion par les communes

Les chantiers d'insertion ne peuvent donner lieu au bénéfice d'aides financières accordées par l'Etat que sous certaines conditions et sous réserve d'un conventionnement. L'Etat, après consultation des partenaires locaux (le préfet, des représentants des collectivités territoriales, des organisations professionnelles ou interprofessionnelles, des organisations syndicales et des personnes qualifiées) réunis au sein du conseil départemental de l'insertion par l'activité économique, peut conclure des conventions avec des employeurs dont l'activité a pour objet de permettre à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières de bénéficier d'une réinsertion (C. trav., art. L. 322-4-16 N° Lexbase : L7724HBP ; v., aussi, décret n° 2000-502, 7 juin 2000, relatif aux conditions de conventionnement des structures d'insertion par l'activité économique prévues par le IV de l'article L. 322-4-16 du Code du travail N° Lexbase : L9376HBU).

Ces conventions peuvent être conclues avec des personnes morales de droit public ou de droit privé à but lucratif ou non lucratif. Il s'agit d'entreprises d'insertion ou d'associations dont l'objet est l'insertion par l'activité économique. Les ateliers et chantiers d'insertion (2) sont portés par un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou par une association d'insertion qui ont conclu une convention à cet effet. Ils assurent l'embauche, le suivi, l'encadrement technique et la formation des personnes concernées par le dispositif.

La nouvelle rédaction de l'article L. 322-4-16 (N° Lexbase : L7724HBP) par la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 (loi du 26 juillet 2005, n° 2005-841, relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, art. 19, 1° N° Lexbase : L8799G9R) permet à l'Etat de conventionner directement des communes, afin qu'elles portent elles-mêmes des ateliers et chantiers d'insertion. Les travaux parlementaires (3) montrent un consensus sur cette ouverture aux communes du conventionnement et du droit de porter des ateliers et des chantiers d'insertion.

2. Nouveau régime des associations intermédiaires

L'insertion par l'économique, assurée par les associations intermédiaires, selon les travaux statistiques (4) représentait, en 2003, 922 associations pour des effectifs calculés en équivalents temps plein de 3 288, générant un volume d'activité assez modeste (chiffré par le nombre de salariés mis à disposition au cours de l'année 2003, soit 175 000), représentant 25 000 salariés agréés par l'ANPE, 2 110 contrats de mise à disposition au cours de l'année. Ces structures ont une véritable utilité, dans la mesure où le service rendu aux personnes en situation d'exclusion sociale est réel (5).

Les derniers textes relatifs aux associations d'insertion, toujours en vigueur, remontent à 1999 (décret n° 99-109, 18 février 1999, relatif aux associations intermédiaires N° Lexbase : L8369AIS modifié par le décret n° 2005-905) et 2002 (décret n° 2002-1469 du 17 décembre 2002 modifiant le décret n° 99-109 du 18 février 1999 relatif aux associations intermédiaires N° Lexbase : L9461A8W, supprimant la limitation de durée de mise à disposition des salariés auprès des entreprises).

2.1. Conventionnement avec l'Etat

Le décret n° 99-109 du 18 février 1999 (décret n° 99-109, 18 février 1999, relatif aux associations intermédiaires N° Lexbase : L8369AIS) portait essentiellement sur la procédure de conventionnement des associations intermédiaires avec l'Etat, condition au bénéfice d'un financement public.

Le décret n° 2005-905 du 2 août 2005 apporte des modifications d'une portée et d'un intérêt très variables. Dorénavant, la convention conclue avec l'Etat doit préciser les engagements pris par l'association au titre de l'accompagnement et du suivi de ces personnes et les objectifs de retour à l'emploi des intéressés (art. 2, décr. n° 2005-905 du 2 août 2005).

Enfin, la convention Etat-association doit désormais préciser les modalités de collaboration avec les organismes et services chargés de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'insertion sociale et professionnelle des personnes prises en charge par l'association intermédiaire et la nature des informations à transmettre à l'autorité administrative signataire de la convention.

2.2. Financement des associations intermédiaires

Le décret n° 2005-905 du 2 août 2005 modifie sensiblement le régime de financement des associations intermédiaires, jusque-là ouvert aussi bien au titre du démarrage de l'association que de l'activité d'accompagnement des personnes en situation d'exclusion.

Les associations intermédiaires pouvaient obtenir une aide pour financer leurs projets d'accompagnement en faveur de leurs salariés mis à disposition. L'aide finançait les actions d'accompagnement vers l'emploi (techniques de recherche d'emploi, élaboration de projet, identification et évaluation des compétences, aide à la construction de parcours de formation), ces actions d'accompagnement dans l'emploi visant à relever les difficultés personnelles pouvant être des freins vers le retour au marché du travail ordinaire.

L'aide forfaitaire variait entre 4 600 euros et 24 400 euros (6). Le financement est, depuis le décret n° 2005-905 du 2 août 2005, limitée à ce second volet, l'accompagnement (art. 2). Le financement de l'Etat ne vise donc plus que l'accompagnement et le suivi professionnels de l'ensemble des personnes mises à disposition par l'association intermédiaire en vue de leur accès ou de leur retour à un emploi durable.

Le montant annuel de l'aide est déterminé pour chaque association d'insertion par le représentant de l'Etat dans le département en fonction des caractéristiques des personnes qu'il est envisagé d'accueillir, du nombre de salariés qui seront mis à disposition, des modalités d'accompagnement de ces salariés, notamment de la qualité de celui-ci et des accords conclus par l'association avec des partenaires locaux contribuant à l'insertion sociale et professionnelle de ces salariés. L'aide est attribuée pour le financement des dépenses directement exposées par l'association au titre des actions de suivi et d'accompagnement.

2.3. Aide à l'accompagnement

Depuis le 1er janvier 2005, le montant annuel du financement de l'accompagnement dans les associations intermédiaires est de 30 000 euros maximum. Le montant de l'aide varie en fonction du projet d'accompagnement proposé par l'association intermédiaire. L'aide est versée par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) en deux fois : à la conclusion de la convention (50 % du montant total de l'aide inscrit à l'annexe financière de la convention) et après remise d'un compte-rendu d'exécution final par l'association et approbation de celui-ci par la DDTEFP (le montant du solde est déterminé par l'administration en fonction du niveau de réalisation de l'action).

3. Nouveau régime des entreprises d'insertion et des entreprises de travail temporaire d'insertion

3.1. Entreprises d'insertion

  • Aide au poste

Un arrêté du 10 juin 2005 (arrêté du 10 juin 2005, fixant le montant de l''aide au poste prévue par le décret n° 99-107 du 18 février 1999 relatif aux entreprises d''insertion et ses modalités de paiement N° Lexbase : L5019G9R) a défini un nouveau montant annuel de l'aide par poste de travail occupé à temps plein (prévue par l'article 5 du décret n° 99-107 du 18 février 1999) d'un montant de 8 385 euros, porté à 9 681 euros par poste de travail occupé à temps plein par des salariés dont la rémunération ne bénéficie pas de l'exonération dite bas salaire (prévue au II de l'article L. 322-4-16 du Code du travail N° Lexbase : L7724HBP) et qui bénéficie, à compter du 1er juillet 2003, de l'allégement prévu au III de l'article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0731G9X) (circ. DGEFP, n° 2005/21, du 4 mai 2005, relative à la réforme des modalités de gestion des aides aux entreprises d'insertion et aux entreprises de travail temporaire d'insertion N° Lexbase : L6214G8N).

Depuis le 1er juillet 2005, l'aide est fixée à 9 681 euros par poste de travail occupé à temps plein par des salariés et pour toutes les entreprises d'insertion. Cette aide ne peut pas se cumuler pour un même poste avec une autre aide à l'emploi financée par l'Etat. Elle est proratisée en fonction de la durée annuelle d'occupation du poste par les salariés.

Le montant de l'aide publique est resté inchangé depuis 2004 (même montant qu'en 2004 : arrêté du 7 juin 2004, modifiant l'arrêté du 25 octobre 2002 fixant le montant annuel de l'aide au poste prévue par le décret n° 99-107 du 18 février 1999 relatif aux entreprises d'insertion N° Lexbase : L5003DZC ; même montant de 9 681 euros par poste de travail occupé à temps plein retenu par l'arrêté du 25 octobre 2002 modifiant l'arrêté du 23 mars 1999 modifié fixant le montant annuel de l'aide au poste N° Lexbase : L4493A8W).

  • Exonération de charges sociales dans les entreprises d'insertion

Jusqu'alors, les entreprises d'insertion bénéficiaient d'une exonération de charges sociales des cotisations patronales au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales dans la limite du Smic (C. trav., art. L. 322-4-16).

L'objectif était de compenser l'effort spécifique consenti pour l'embauche de personnes en difficulté, surcoûts liés à la rotation des personnes en difficulté et à leur faible productivité, coût de leur encadrement et de l'accompagnement social (Circ. DGEFP, n° 99-17, du 26 mars 1999, réforme de l'insertion par l'activité économique N° Lexbase : L0840G8M).

Mais les embauches réalisées à compter du 1er juillet 2005 par les entreprises d'insertion (C. trav., art. L. 322-4-16-1 N° Lexbase : L6146ACM) et par les entreprises de travail temporaire d'insertion (C. trav., art. L. 322-4-16-2 N° Lexbase : L6144ACK) n'ouvrent plus droit à cette exonération (ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003, relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs N° Lexbase : L9710DL9).

3.2. Entreprises de travail temporaire d'insertion

Le montant annuel de l'aide destinée à financer le poste occupé à temps plein par un salarié permanent de l'entreprise de travail temporaire d'insertion pour assurer l'accompagnement social et professionnel de 12 salariés en insertion agréés par l'ANPE (équivalent temps plein) était fixé à 22 415 euros (circ. DGEFP, n° 2005/21, du 4 mai 2005, relative à la réforme des modalités de gestion des aides aux entreprises d'insertion et aux entreprises de travail temporaire d'insertion N° Lexbase : L6214G8N).

Depuis le 1er juillet 2005, le montant annuel de cette aide est doublé, soit 51 000 euros (arrêté 10 juin 2005 N° Lexbase : L5020G9S). Cette aide est proratisée en fonction du nombre de salariés en insertion mis à disposition (équivalent temps plein). Elle ne peut pas se cumuler pour un même poste avec une autre aide à l'emploi financée par l'Etat. Ce montant de 22 415 euros était déjà celui retenu par l'arrêté du 7 juin 2004 modifiant l'arrêté du 23 mars 1999 fixant le montant annuel de l'aide à l'accompagnement social et professionnel prévue par le décret n° 99-108 du 18 février 1999 relatif aux entreprises de travail temporaire d'insertion.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace


(1) B. Seillier et G. Maigne, Pour un contrat d'accompagnement généralisé - contrat de travail accompagné ou contrat de création accompagné, Rapport au Premier ministre, juil. 2003.

(2) R. Céalis, L'insertion par l'activité économique en 2003, Dares, 1ères informations, 1ères synthèses, fév. 2005, n° 06.2.

(3) D. Leclerc, Rapport n° 414, Sénat, 22 juin 2005.

(4) R. Céalis, L'insertion par l'activité économique en 2003, Dares, 1ères informations, 1ères synthèses, fév. 2005, n° 06.2.

(5) Igas, Synthèse des bilans de la loi du 29 juil. 1998, Rapport 2004/054, fiche n° 3, p. 14 ; B. Seillier et G. Maigne, Pour un contrat d'accompagnement généralisé - contrat de travail accompagné ou contrat de création accompagné, Rapport au Premier ministre, juil. 2003.

(6) Note ANPE n° 2002-108 du 26 juin 2002 ; circulaire DGEFP/DGAS 2002/03 n° 2002-25 du 8 avril 2002 non publiée.

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[Manifestations à venir] Loi "Badinter" : le bilan de 20 ans d'application

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Le 07 Octobre 2010

Vingt ans après l'adoption de la loi "Badinter" du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation (loi n° 85-677 N° Lexbase : L7887AG9), l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I) organise, le 30 septembre 2005, un colloque consacré au bilan de l'application de cette loi.
  • Thèmes abordés

Les acquis et les zones d'ombre de l'interprétation jurisprudentielle de la loi
Les apports majeurs de la loi sur la mise en oeuvre du droit à l'indemnisation
L'évaluation quantitative de la loi
Les expériences étrangères
La loi a-t-elle rempli ses objectifs d'accélération des procédures d'indemnisation et d'amélioration de la situation des victimes ?

  • Intervenants

Christine Visier-Philippe, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Chambéry
Philippe Brun, Professeur à l'Université de Savoie
Patrice Jourdain, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), Directeur du Centre de recherche en Droit Privé (CRDP)
Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu (Bordeaux IV)
Hubert Groutel, Professeur à l'Université Montesquieu (Bordeaux IV)
Denis Dénarié, Avocat au barreau de Chambéry, ancien bâtonnier
Jean-Pierre Dintilhac, Président de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation
Evelyne Serverin, Directeur de Recherche du CNRS
Hadi Slim, Professeur à l'Université de Savoie
Philippe Pétranker, Conseillère Juridique Nationale, Association des Paralysés de France (APF)
Bertrand Guérinon, Directeur AIS, MAAF-MMA
Nathalie Néher-Schraub, Conseiller à la Cour d'appel de Paris
Daniel Cataldi et Pierre Perez, Avocats au Barreau de Chambéry
Geneviève Viney, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

  • Date

Vendredi 30 septembre 2005
8h45 - 18h00

  • Lieu

Centre de Congrès le Manège
331, avenue de la République
73000 Chambéry

  • Renseignements

Anne-Marie Larincq
Tél : 01 44 07 78 61
Fax : 01 44 07 78 86
Courriel : crdp@univ-paris1.fr

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