La lettre juridique n°490 du 21 juin 2012 : Santé

[Jurisprudence] Harcèlement et discrimination : nouvelle salve de précisions

Réf. : Cass. soc., 6 juin 2012, quatre arrêts, n° 10-27.694, FS-P+B (N° Lexbase : A3825INY), n° 11-17.489, FS-P+B (N° Lexbase : A3899INQ), n° 10-28.345, FS-P+B (N° Lexbase : A3898INP) et n° 10-27.766, FS-P+B (N° Lexbase : A3763INP)

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N2514BTB

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 21 Juin 2012

La source semble intarissable et chaque nouvelle semaine livre son lot d'arrêts relatifs au harcèlement ou au principe d'égalité (1). Ce sont cette fois-ci quatre arrêts, tous publiés, en date du 6 juin 2012, qui viennent apporter de nouvelles précisions concernant tant la preuve des différences de traitement (I) que des modalités de leur réparation (II).
Résumés

- Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-27.694, FS-P+B

Les obligations résultant des articles L. 1152-4 (N° Lexbase : L0730H9W) et L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) du Code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.

Si elle ne prive pas le salarié du droit de demander réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement moral dont il a été victime, l'autorisation de licenciement accordée par l'autorité administrative ne permet plus au salarié de contester la cause ou la validité de son licenciement en raison d'un harcèlement.

Le juge ne peut débouter un salarié qui réclame des dommages et intérêts pour violation du principe de non-discrimination syndicale sans examiner le panel de comparaison produit par le salarié ni vérifier si le salarié n'avait pas connu une stagnation de sa carrière en dépit de l'obtention de plusieurs diplômes dans le domaine de la sécurité pouvant être utiles à l'exercice de son activité.

- Cass. soc., 6 juin 2012, n° 11-17.489, FS-P+B

Le juge ne peut débouter une salariée de sa demande de dommage et intérêts pour harcèlement moral alors qu'il retient que l'employeur avait exécuté de façon déloyale le contrat de travail en faisant, à plusieurs reprises, pression sur son apprentie, dont il connaissait l'état de santé, pour lui faire accepter une résiliation amiable du contrat d'apprentissage.

- Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28.345, FS-P+B

Commet une faute grave la salariée qui dénonce de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l'entreprise et de se débarrasser du cadre responsable du département comptable, ce qui établit sa mauvaise foi.

- Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-27.766, FS-P+B

Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, s'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Commentaire

I - Elément laissant supposer l'existence d'une différence de traitement et office du juge

A - Le juge et les panels de comparaison

Méthode des panels. Qu'il s'agisse d'établir une discrimination (C. trav., art. L. 1134-1 N° Lexbase : L6054IAH), un harcèlement (C. trav., art. L. 1154-1 N° Lexbase : L0747H9K) ou une inégalité de traitement (2), la jurisprudence se fonde sur la même méthodologie probatoire : le salarié doit prouver l'existence de faits qui laissent supposer que ses allégations sont exactes, l'employeur doit prouver, si ces faits sont avérés, que les comportements litigieux sont étrangers aux accusations du salarié et le juge doit trancher le cas échéant après avoir ordonné les mesures d'instructions qui s'imposent.

Lorsqu'est en cause une différence de traitement, le salarié va établir d'une part la preuve du traitement dont il se plaint, et d'autre part le traitement d'autres salariés avec lesquels il se compare et qui se trouvent, selon lui, dans une même situation au regard de l'avantage en cause.

La méthode des panels est au coeur des contentieux des retards de carrière, notamment des représentants syndicaux, et fait partie de la méthode "Clerc" largement appliquée (sur cette méthode, v. les obs. de J. Molinier, Le droit social, l'égalité et les discriminations, Lexbase Hebdo n° 490 du 21 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2544BTE).

La Cour de cassation valide cette méthode et demande aux juges du fond de déterminer si les panels fournis par le salarié ou l'employeur sont pertinents (3). C'est ainsi que dans un contentieux intéressant "Renault" chez qui existe un accord de méthode visant à prévenir et réparer les discriminations syndicales, les juges du fond avaient écarté le panel de comparaison proposé par l'employeur au niveau de l'entreprise, "qui n'était pas probant" et admis les panels du salarié car "les comparaisons faites par le salarié étaient pertinentes au regard du pouvoir de proposition reconnu au chef d'établissement en matière d'augmentation de salaires et de promotions individuelles" (4).

La Cour de cassation fait régulièrement référence aux panels comparatifs produits par le salarié, et admis par les juges du fond. Il a ainsi été jugé comme établie la discrimination de carrière dès lors que "la cour d'appel, [...] a relevé que malgré les accords nationaux [...] mettant en place un système de validation des compétences' au profit de salariés exerçant des mandats syndicaux, le salarié, qui consacrait plus de 2/3 de son temps aux mandats syndicaux et représentatifs, était rémunéré selon un coefficient situé à la dernière place dans un panel de comparaison de quinze salariés engagés à la même époque à des fonctions comparables, et n'avait bénéficié depuis son engagement syndical d'aucune formation professionnelle conséquente, sans qu'il ne soit invoqué par l'employeur d'explication autre que celle tenant à l'absence d'activité professionnelle du salarié dans l'établissement, ce qui ne constitue pas un élément justificatif" (5).

Dans d'autres affaires, la discussion s'engage sur la pertinence des comparaisons établies par le salarié, et les juges peuvent parfaitement considérer que les collègues avec lesquels il se compare ne sont pas "dans une situation comparable à la sienne en ce qui concerne le niveau d'études, le profil du poste, la classification d'embauche", étant précisé dans cette affaire "qu'il résultait d'un procès-verbal de l'inspection du travail que son niveau de rémunération se situait dans la moyenne tant au regard de l'ancienneté totale qu'au regard de l'ancienneté dans son poste de travail, et qu'il avait bénéficié entre 1992 et 2003 de plusieurs avancements au choix et mutations de postes conformément à ses désirs" (6). Dans une autre affaire, les juges d'appel avaient également écarté les éléments fournis par le salarié, après avoir relevé "qu'il résultait d'un tableau comparatif de la situation du salarié avec seize autres salariés placés dans une situation comparable que cinq salariés sont demeurés dans la même catégorie quand cinq autres dont [l'intéressé] étaient passés dans la catégorie II, le coefficient de celui-ci étant légèrement supérieur à la moyenne et sa rémunération se situant dans la moyenne, que le salarié a bénéficié d'avancements au choix en 1998 et 2003, le dernier avancement portant sa rémunération au-dessus de la moyenne, qu'un poste d'assistant de développement social lui a été proposé en 2004 qu'il a refusé" (7).

Office du juge. Ce sont ces solutions qui se trouvent ici confirmées (Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-27.694). Dans cette affaire, le salarié avait, en effet, produit un panel mais avait été débouté par les juges d'appel pour qui "le salarié ne développe pas son argumentation se contentant des allégations rapportées". Cette décision est cassée pour manque de base légale car les juges auraient dû entrer dans le détail du panel pour discuter les choix faits par le salarié au regard de la notion d'identité de situation.

Evolution de carrière. Dans cette affaire, le salarié se plaignait également de sa carrière plus lente que celle des collègues avec lesquels il se comparait.

Dans les contentieux de discriminations syndicales, ces critiques sont fréquentes. La jurisprudence a souvent sanctionné des retards de carrière de représentants du personnel, qu'il s'agisse de la "stagnation du salarié au même coefficient pendant 29 ans" (8), d'un "déroulement de carrière 8,6 fois moins rapide que celui des autres salariés occupant les mêmes fonctions extrêmement" (9), d'une carrière "bridée" (10), ou de refus ou des retards (11) d'avancements ou de promotions.

Dans cette affaire, le salarié donnait du sens à sa courbe de carrière en faisant valoir qu'il avait obtenu plusieurs diplômes "dans le domaine de la sécurité pouvant être utiles à l'exercice de son activité", ce qui rendait effectivement suspect son évolution particulièrement lente. Plutôt que de demander à l'employeur de se justifier sur ces faits en faisant valoir, par exemple, que le salarié avait été défavorablement évalué, ou qu'il avait fait l'objet de rappels à l'ordre de ses supérieurs sur la qualité de son travail, les juges avaient débouté le salarié, à tort puisque les éléments fournis étaient suffisants pour laisser supposer qu'il ait pu subir une discrimination.

B - Le juge et la méthode d'appréciation globale du harcèlement

Appréciation globale. L'article L. 1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral comme un ensemble d'agissements répétés "qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".

Il n'existe pas de véritable taxinomie des faits qui constituent un comportement harcelant, tant ils peuvent être variés. C'est précisément parce qu'il s'agit d'un ensemble de faits qui présentent, par leur répétition, un caractère pathogène (alors qu'une discrimination peut ne résulter que d'un acte unique), que le juge doit apprécier la situation litigieuse de manière globale sans pouvoir extraire les faits de leur contexte pour les disqualifier, après avoir constaté que pris isolément ils ne paraissaient particulièrement graves (12). Selon une formule désormais de style, le juge doit donc "apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral" (13). Le juge peut par ailleurs écarter certains faits et considérer qu'une partie seulement suffit à établir l'existence du harcèlement (14).

Confirmation en l'espèce. C'est ce que confirme l'une des décisions rendues le 6 juin 2012 (n° 10-27.766). La cour d'appel avait ici débouté la salariée de ses demandes après avoir justifié chaque allégation, conformément aux explications fournies par l'employeur. L'arrêt est cassé, pour violation de la loi, la Haute juridiction lui reprochant d'avoir procédé "à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral".

En d'autres termes, les juges du fond ne peuvent pas exclure directement la qualification de harcèlement moral à l'occasion de chaque fait invoqué par le salarié, mais doivent procéder en deux temps avant d'y parvenir, tout d'abord en déterminant si l'ensemble des circonstances permettaient de laisser supposer l'existence d'un harcèlement, par leur caractère indivisible, puis de recueillir les explications de l'employeur, avant de pouvoir conclure à l'existence ou non d'un harcèlement.

Si l'on comprend que la reprise du contrôle de la qualification des harcèlements en 2008 (15) se traduit nécessairement par la mise en place de critères que les juges doivent appliquer, sous le contrôle de la Cour, on peut s'interroger sur la nature exacte de ce contrôle : s'agit-il encore d'un contrôle de cassation ou, d'une manière habile sur le plan rhétorique, de rejuger l'affaire au fond et de voir du harcèlement là où les premiers juges l'avaient écarté ?

Eléments constitutifs de harcèlement. Un autre arrêt rendu du même jour permet également d'illustrer ce qui constitue, pour la Cour de cassation, des faits de harcèlement moral (n° 11-17.489).

Dans cette autre affaire, les juges du fond avaient écarté la qualification de harcèlement moral tout en constatant l'existence de pressions réalisées par l'employeur "sur son apprentie, dont il connaissait l'état de santé, pour lui faire accepter une résiliation amiable du contrat d'apprentissage".

L'arrêt est cassé, la Haute juridiction reprochant aux juges d'appel de n'avoir pas tiré les conséquences légales de leurs constatations.

II - Réparation des préjudices consécutifs à un harcèlement

A - Distinction des préjudices

Obligation de sécurité de résultat de l'employeur. La Cour de cassation a rattaché, en 2006, la responsabilité de l'employeur en matière de harcèlement à son obligation de sécurité de résultat et met en cause sa responsabilité civile sans qu'il soit besoin de prouver qu'il a commis une faute personnelle (16). Si le salarié peut mettre en cause sa responsabilité civile indépendamment de tout litige relatif à la rupture du contrat de travail, le premier accompagne souvent le second. L'application du principe de réparation intégrale impose alors la réparation de tous les chefs de préjudice, et le préjudice résultant du harcèlement présente un caractère distinct ; c'est ainsi que la Chambre sociale de la Cour de cassation avait eu l'occasion de distinguer le préjudice résultant de la perte de l'emploi, celui résultant du prononcé de sanctions disciplinaires injustifiées et celui résultant des agissements de harcèlement moral (17) d'ailleurs distinct du défaut de cause réelle et sérieuse (18).

Reconnaissance inédite d'un préjudice lié à l'absence de prévention. C'est la première fois, à notre connaissance, que la Haute juridiction consacre l'existence d'un préjudice résultant distinctement du non-respect par l'employeur de son obligation de prévention en matière de harcèlement, que les juges du fond peuvent réparer lorsqu'il est caractérisé. Dans cette affaire, la Cour d'appel de Paris avait en effet alloué 5000 euros de dommages et intérêts au salarié au titre de la réparation du préjudice résultant du manquement avéré de son employeur à son obligation de prévention (19). Sur ce point, la Cour de cassation confirme : "les obligations résultant des articles L. 1152-4 et L. 1152-1 du Code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques" (arrêt n° 10-27.694).

On aura beau chercher dans l'arrêt d'appel la justification d'un tel préjudice, ou dans l'arrêt de cassation, on ne le trouvera pas, et non ne peut qu'être frappé ici par l'utilisation à peine voilée de la responsabilité civile comme moyen de pénalisation du comportement de l'employeur, sous couvert de réparer un préjudice aux contours bien indéfinissables.

B - Salariés protégés

Cadre juridique. La Cour de cassation confirme également ici les solutions admises depuis trois arrêts rendus le 15 novembre 2011 où elle avait tracé les limites de l'office du juge s'agissant du harcèlement dont sont victimes les salariés protégés ; la Cour y avait affirmé que "si l'autorisation de licenciement accordée par l'autorité administrative ne permet plus au salarié de contester la cause ou la validité de son licenciement en raison d'un harcèlement, elle ne le prive pas du droit de demander réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement moral" (20).

Confirmation. C'est cette solution qui se trouve ici confirmée (n° 10-27.694). Dans cette affaire concernant l'agent de la RATP, la Cour d'appel avait attribué au salarié réparation des conséquences d'un licenciement qu'elle avait considéré comme nul, en ce qu'il faisait suite à un harcèlement. Ce faisant, le juge judiciaire portait nécessairement un jugement sur la légalité de l'autorisation administrative de licenciement qui avait été délivrée, ce qui justifiait la cassation.

III - Protection des acteurs

Cadre juridique. Le Code du travail protège non seulement les victimes de harcèlements ou de discriminations, mais aussi ceux qui dénoncent les faits, pour eux ou pour autrui, ou qui en témoignent. Alors que le Code du travail ne le précise pas, la loi du 27 mai 2008 (loi n° 2008-496 N° Lexbase : L8986H39), qui a introduit en droit français un cadre général à la lutte contre les discriminations, a précisé que cette protection était due aux salariés de bonne foi, et a été immédiatement suivi par la Cour de cassation interprétant les dispositions comparables du Code du travail qui, pourtant, ne le précisaient pas.

Cette exigence de bonne foi permet de protéger les salariés qui se trompent de bonne foi (21) (la mauvaise foi du salarié ne pouvant être déduite du seul caractère erroné des faits dénoncés (22)), mais aussi d'écarter la protection pour ceux qui inventent une affaire de harcèlement ou de discrimination de toutes pièces pour essayer d'échapper aux mesures que l'employeur envisagerait par ailleurs de prendre les concernant ; c'est ainsi qu'a été licencié sans préavis ni indemnités de licenciement une salariée qui s'était "livrée à une manoeuvre ayant consisté à adresser à son supérieur hiérarchique deux lettres lui imputant faussement des actes de harcèlement moral et à poursuivre en justice, sur le fondement des mêmes accusations, la résolution de son contrat de travail aux torts de l'employeur" (23).

Confirmation. C'est cette solution qui se trouve ici confirmée (n° 10-28.345). Dans cette affaire (24), la salariée avait déposé contre son chef de service une main courante pour harcèlement moral, mais la cour d'appel avait considéré qu'il n'y avait rien à reprocher au salarié incriminé qui s'était contenté d'un rappel à l'ordre dans le cadre de ses fonctions ; l'intéressé avait d'ailleurs porté plainte pour dénonciation calomnieuse contre son accusatrice. La cour d'appel avait considéré que ces faits suffisaient à établir la mauvaise foi de la salariée.

Alors qu'on pensait cette argumentation fragile en ce qu'elle semblait déduire la mauvaise foi du seul caractère infondé des accusations, et ce alors que la juridiction d'appel semblait même envisager que la plaignante fut de bonne foi en se croyant harcelé (elle souffrait en effet d'un véritable syndrome anxio-dépressif), le moyen est rejeté, la Haute juridiction relevant que "la salariée avait dénoncé de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l'entreprise et de se débarrasser du cadre responsable du département comptable, la cour d'appel, caractérisant la mauvaise foi de la salariée au moment de la dénonciation des faits de harcèlement, a pu par ce seul motif décider que ces agissements rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et constituaient une faute grave".

Le signe d'un assouplissement du contrôle de la mauvaise foi ? Le moins que l'on puisse dire est que le contrôle exercé dans cet arrêt sur la mauvaise foi des salariés qui dénoncent des faits de harcèlement, et par la même sur l'établissement de la faute grave justifiant le licenciement sans préavis, n'est pas des plus stricts, en tout cas pas autant que dans les décisions précédentes où on pouvait avoir le sentiment que le salarié était présumée de bonne foi tant qu'il n'avouait pas avoir voulu abuser son employeur (25).

Il est sans doute trop tôt pour déterminer si cet arrêt marque le point de départ d'une jurisprudence laissant un peu plus de liberté aux juges du fond dans l'appréciation de la mauvaise foi, ou de la fraude, mais cette solution est la bienvenue car dans de nombreuses hypothèses le sentiment que le salarié a volontaire placé l'affaire sur le terrain du harcèlement uniquement pour bénéficier du régime légal protecteur est très fort, sans que de véritables preuves directes et tangible n'existent. Dans ces hypothèses, il nous semble souhaitable de laisser les juges du fond déterminer, au regard de l'ensemble des pièces du dossier, si l'hypothèse de la mauvaise foi doit être retenue.


(1) V. dernièrement, La Cour de cassation et l'égalité salariale : nouvelles précisions sur la justification des différences de traitement, Lexbase Hebdo n° 489 du 14 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2411BTH).
(2) Cass. soc., 28 septembre 2004, n° 02-43.968, F-P+B sur le premier moyen (N° Lexbase : A4767DDW), Dr. soc., 2004, p. 1144, obs. Ch. Radé ; Cass. soc., 20 octobre 2010, n° 08-19.748, FS-P+B (N° Lexbase : A4140GCC), v. nos obs., Harcèlement et inégalité salariale : la Cour de cassation plus exigeante sur les éléments pertinents à fournir par le demandeur, Lexbase Hebdo n° 415 du 4 novembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4485BQ8).
(3) Cass. soc., 13 janvier 2009, n° 07-42.864, F-D (N° Lexbase : A3509ECX).
(4) Cass. soc., 19 janvier 2011, n° 09-42.541, F-D (N° Lexbase : A2804GQW).
(5) Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 10-20.463, F-D (N° Lexbase : A4613H3A).
(6) Cass. soc., 26 janvier 2012, n° 10-18.447, F-D (N° Lexbase : A4412IBZ).
(7) Cass. soc., 26 janvier 2012, n° 10-18.445, F-D (N° Lexbase : A4362IB8).
(8) Cass. soc., 26 janvier 2010, n° 08-44.118, F-D (N° Lexbase : A7677EQE).
(9) Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-44.243, F-D (N° Lexbase : A3528EPD).
(10) Cass. soc., 6 mars 2012, n° 10-21.038, F-D (N° Lexbase : A3849IEB).
(11) Cass. soc., 24 septembre 2008, jonction, n° 06-45.747 et n° 06-45.794 (N° Lexbase : A4540EAE) : Dr. soc., 2009, p. 57, chron. J. Savatier ; v. nos obs., Principe "à travail égal, salaire égal", égalité de traitement, non-discrimination et harcèlement : la Cour de cassation reprend la main, Lexbase Hebdo n° 320 du 2 octobre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3848BHY).
(12) Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-25.716, F-D (N° Lexbase : A8841IB3).
(13) Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43.372, F-D (N° Lexbase : A7229EXZ) ; Cass. soc., 12 octobre 2011, n° 10-15.258, F-D (N° Lexbase : A7649HYX) ; Cass. soc., 19 octobre 2011, n° 10-12.027, FS-D (N° Lexbase : A8765HYB) ; Cass. soc., 20 octobre 2011, n° 10-15.623, F-D (N° Lexbase : A8851HYH) ; Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-20.236, F-D (N° Lexbase : A5319HZZ) ; Cass. soc., 23 novembre 2011, n° 10-21.158, F-D (N° Lexbase : A0143H3P) ; Cass. soc., 18 janvier 2012, n° 10-15.720, F-D (N° Lexbase : A1456IBK) ; Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-25.716, préc. ; Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-21.231, F-D (N° Lexbase : A3707IEZ) ; Cass. soc., 14 mars 2012, n° 10-28.335, F-D (N° Lexbase : A8834IEW) ; Cass. soc., 15 mars 2012, n° 10-26.669, F-D (N° Lexbase : A8912IES) ; Cass. soc., 21 mars 2012, n° 10-26.602, F-D (N° Lexbase : A4252IGL) ; Cass. soc., 10 mai 2012, n° 10-28.346, F-D (N° Lexbase : A1192ILQ), n° 11-14.099, F-D (N° Lexbase : A1358ILU), n° 11-15.061, F-D (N° Lexbase : A1390IL3), n° 11-11.252, F-D (N° Lexbase : A1349ILK) ; Cass. soc., 16 mai 2012, quatre arrêts, n° 10-10.623, FS-P+B (N° Lexbase : A6980IL4), n° 10-15.238, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7026ILS), n° 11-12.025, F-D (N° Lexbase : A7050ILP), n° 11-11.454, F-D (N° Lexbase : A6905ILC) ; Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-12.152, FS-D (N° Lexbase : A8970INK).
(14) Cass. soc., 28 février 2012, n° 11-10.333, F-D (N° Lexbase : A8699IDK).
(15) Cass. soc., 24 septembre 2008, préc..
(16) Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9600DPA), Dr. soc., 2006, p. 826, chron. Ch. Radé ; JCP éd. G, 2006, II, 10166, note F. Petit.
(17) Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 11-10.528, F-D (N° Lexbase : A4786H3N).
(18) Cass. soc., 19 janvier 2012, n° 10-30.483, F-D (N° Lexbase : A1302IBT).
(19) CA Paris, Pôle 6, 3ème ch., 12 octobre 2010, n° 07/06508 (N° Lexbase : A8971GBU).
(20) Cass. soc., trois arrêts, 15 novembre 2011, n° 10-10.687, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9349HZB), n° 10-30.463, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9350HZC) et n° 10-18.417, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9352HZE), v. nos obs., Le juge judiciaire et l'indemnisation du salarié protégé licencié et harcelé, Lexbase Hebdo n° 465 du 8 décembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N9088BSE).
(21) Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7131EDH), v. nos obs., Nullité du licenciement du salarié qui se trompe de bonne foi en dénonçant des faits non avérés de harcèlement, Lexbase Hebdo n° 343 du 26 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9827BIS) ; Cass. soc., 17 juin 2009, n° 07-44.629, F-D (N° Lexbase : A2932EIG).
(22) Cass. soc., 27 octobre 2010, n° 08-44.446, FS-D (N° Lexbase : A0297GDD) ; Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-18.035, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3661ICL).
(23) Cass. soc., 18 février 2003, n° 01-11.734, F-D (N° Lexbase : A1878A7P),v. nos obs., Tel est pris qui croyait prendre - nul ne peut accuser impunément autrui de harcèlement, Lexbase Hebdo n° 60 du 27 février 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N6177AAZ).
(24) CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 25 mars 2010, n° 08/08326 (N° Lexbase : A3188EUM).
(25) Cass. soc., 7 février 2012, deux arrêts, n° 10-18.035, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3661ICL) et n° 10-17.393, FS-P+B (N° Lexbase : A3635ICM), v. nos obs., Harcèlement dans l'entreprise : dur, dur d'être employeur !, Lexbase Hebdo n° 474 du 23 février 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N0396BTT).

Décisions

- Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-27.694, FS-P+B (N° Lexbase : A3825INY)

Cassation partielle, CA Paris, Pôle 6, 3ème ch., 12 octobre 2010, n° 07/06508 (N° Lexbase : A8971GBU)

Texte visé : loi des 16 et 24 août 1790

Mots-clés : discrimination syndicale, harcèlement, preuve, réparation

Liens base : (N° Lexbase : E0716ETP)

- Cass. soc., 6 juin 2012, n° 11-17.489, FS-P+B (N° Lexbase : A3899INQ)

Cassation partielle, CA Chambéry, ch. soc., 14 octobre 2010, n° 09/02696 (N° Lexbase : A9367GBK)

Textes visés : C. trav., art. L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P), L. 1154-1 (N° Lexbase : L0747H9K) et L. 6222-18 (N° Lexbase : L9755IEZ)

Mots-clés : harcèlement moral, éléments constitutifs

Liens base :

- Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28.345, FS-P+B (N° Lexbase : A3898INP)

Rejet, CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 25 mars 2010, n° 08/08326 (N° Lexbase : A3188EUM)

Textes concernés : C. trav., art. L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P), L. 1152-3 (N° Lexbase : L0728H9T) et L. 1234-1 (N° Lexbase : L1300H9Z)

Mots-clés : harcèlement, dénonciation, mauvaise foi, faute grave

Liens base :

- Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-27.766, FS-P+B (N° Lexbase : A3763INP)

Cassation, CA Aix-en-Provence, 9ème ch., sect. C, 12 octobre 2010, n° 09/14549 (N° Lexbase : A6968GBP)

Textes visés : C. trav., art. L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P)et L. 1154-1 (N° Lexbase : L0747H9K)

Mots-clés : harcèlement moral, appréciation globale

Liens base :

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