Lexbase Avocats n°102 du 15 décembre 2011 : Avocats/Honoraires

[Jurisprudence] De l'action en restitution d'un trop-perçu d'honoraires

Réf. : Cass. civ. 2, 3 novembre 2011, deux arrêts, n° 10-20.162, FS-P+B (N° Lexbase : A5237HZY) et n° 10-25.245, FS-P+B (N° Lexbase : A5238HZZ)

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par Cédric Tahri, Directeur de l'Institut rochelais de formation juridique (IRFJ), Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 15 Décembre 2011


Aux termes de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID), les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu'en recourant à la procédure spéciale prévue aux articles suivants (1). Or, par deux arrêts rendus le 3 novembre 2011, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a apporté des précisions quant au domaine d'application de ce texte. Dans la première affaire (pourvoi n° 10-20.162), la Haute juridiction a indiqué que, lorsque le montant contesté des honoraires de l'avocat a été arrêté, par une ordonnance définitive rendue par le premier président d'une cour d'appel, à une somme inférieure à celle prélevée par l'avocat sur le compte CARPA ouvert au nom du client, la demande de restitution de l'excédent faite par le client constitue une contestation du recouvrement des honoraires d'avocat au sens de l'article 174 du décret précité. En l'espèce, à l'occasion d'un litige les opposant à un assureur à la suite d'une catastrophe naturelle ayant causé des désordres à leur habitation, les époux X-Y ont confié la défense de leurs intérêts à Me Z, avocat, avec lequel ils ont conclu le 4 juillet 2003 une convention d'honoraires selon laquelle ils s'engageaient à payer à l'avocat 10 % des sommes qui leur seraient allouées, outre émoluments et frais taxés. A l'issue du règlement de ce litige comportant condamnation de l'assureur à payer aux époux une indemnité de sinistre, la somme en cause a été consignée sur un compte CARPA commun. Chacun des époux, alors séparés et en instance de divorce, a reçu en quote-part une certaine somme. Me Z a prélevé, sur ce compte CARPA, avec l'accord de M. X, la somme de 61 230,46 euros, imputée sur la quote-part d'indemnité de sinistre lui revenant. Mme Y a contesté ce prélèvement et a saisi de cette contestation le Bâtonnier de l'Ordre des avocats qui, par décision du 25 août 2008, a fixé les honoraires au montant prélevé par M. X. Mme Y a formé un recours contre cette décision devant le premier président de la cour d'appel qui, par ordonnance du 19 décembre 2008, pour l'infirmer, a dit que le règlement des honoraires par prélèvement sur compte CARPA n'était pas opposable à Mme Y et qu'il avait été effectué en fraude de ses droits. Le pourvoi formé par Me Z contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt la Cour de cassation le 10 juin 2010 (Cass. civ. 2, 10 juin 2010, n° 09-11.627, F-D N° Lexbase : A0072EZP). Dans l'intervalle, Mme Y, ayant échoué à obtenir de Me Z, devenu Bâtonnier de son Ordre, la restitution du trop-perçu des honoraires prélevés sur le compte CARPA, a saisi le président du tribunal d'une demande de restitution d'une certaine somme représentant la différence entre le montant des honoraires prélevés et ceux arrêtés par l'ordonnance du 19 décembre 2008 devenue irrévocable. Le président du tribunal ayant accueilli cette demande, Me Z a interjeté appel et la cour a débouté Mme Y de sa demande. Saisie d'un pourvoi la Haute juridiction va approuver la solution du premier président de la cour d'appel en énonçant le principe susvisé. En effet, l'époux ayant seul supporté sur sa propre quote-part de l'indemnité de sinistre versée le paiement des honoraires convenus avec l'avocat, le premier président pouvait valablement en déduire que l'épouse était sans intérêt à réclamer personnellement la restitution de la somme excédant le montant des honoraires définitivement fixés.

Dans la seconde affaire (pourvoi n° 10-25.245), la Cour a décidé qu'une demande en restitution d'honoraires formulée par un client en réponse à la demande de fixation des honoraires présentée par l'avocat entrait également dans le champ d'application du même texte. Il en résulte donc que l'action en restitution d'un trop-perçu d'honoraires peut être examinée suivant la procédure spéciale des articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 propres aux contestations d'honoraires. En l'espèce, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président de la cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 25 février 2010, n° 09-13.117 N° Lexbase : A4507ESQ), un avocat a été chargé, au terme de plusieurs conventions, par une société de la défense de ses intérêts, rémunérée au temps passé, à l'occasion des procédures fiscales contentieuses l'opposant à l'administration et d'une mission permanente d'audit et de conseil auprès de toutes les sociétés du groupe en France, rémunérée selon une convention prévoyant un honoraire forfaitaire par trimestre, pour une durée d'un an, reconductible tacitement, sauf dénonciation par les parties avant l'expiration de chaque période annuelle. Par lettre en date du 22 juin 2006, la société cliente, au nom du groupe, a dénoncé la dernière convention subsistant avec l'avocat, s'engageant néanmoins à verser à ce dernier jusqu'à la fin de l'année 2006 la somme trimestrielle de 52 000 euros, correspondant au montant forfaitaire qui lui était réglé chaque trimestre. L'avocat, qui prétendait avoir poursuivi sa mission au titre de dossiers laissés à sa charge, a adressé, le 2 janvier 2007, une facture de ses honoraires au titre de son assistance en matière fiscale pour le premier trimestre 2007. La société cliente ayant refusé de la payer, l'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre d'une demande de fixation de la totalité de ses honoraires à la somme de 52 243 euros HT. Avant même le prononcé d'une quelconque décision, la société cliente a réglé à l'avocat les honoraires, objet du litige, mais elle a ensuite soutenu avoir ainsi procédé par suite d'une erreur. Pour rejeter la demande de la société cliente tendant à voir ordonner la restitution de la somme de 52 243 euros HT qui lui avait été versée à tort, l'ordonnance énonce que la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d'avocat et que dans le cadre de cette procédure, ni le Bâtonnier en première instance, ni le premier président de la cour d'appel ou son délégataire, n'ont le pouvoir de statuer sur une demande en répétition d'indu résultant d'un paiement réalisé spontanément par le client mais immédiatement contesté et aucunement en exécution d'une décision rendue dans le cadre d'un contentieux d'honoraires. L'arrêt sera censuré par la Haute juridiction au visa des articles 174 et suivants du décret précité. En effet, la demande de restitution par la société cliente avait été formulée en réponse à la demande de fixation des honoraires présentée par l'avocat et entrait dès lors dans le champ d'application des textes susvisés. Du surcroît, les sommes versées ne pouvaient être considérées comme des honoraires dus au praticien pour service rendu puisque aucune prestation n'avait été accomplie par ce dernier (2).

Ces précisions de la deuxième chambre civile sont opportunes. Par le passé, la Cour a déjà eu l'occasion d'affirmer que la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret de 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats (3), y compris lorsque le débiteur fait l'objet d'une suspension des poursuites individuelles, cette procédure n'ayant pas pour objet de déterminer le débiteur de ces honoraires (4). Dès lors, la procédure de fixation des honoraires par le Bâtonnier s'applique pour un avocat honoraire, y compris si son intervention n'a pas fait l'objet d'une autorisation par ce dernier, cet avocat ayant pris sa retraite plusieurs années avant l'entrée en vigueur du règlement prévoyant cette autorisation (5). En revanche, la Haute juridiction a déclaré que n'entre pas dans le champ d'application des articles 174 et suivants, la demande en fixation d'honoraires soumise au Bâtonnier par une compagnie de défense et de protection juridique, alors que, cette compagnie proposant à ses clients des contrats de représentation et de choix éventuels d'avocats ou de défense à ses clients, il s'agit de contrats de droit privé relevant de la compétence des tribunaux de droit commun (6). De même, la procédure prévue pour les contestations en matière d'honoraires, qui ne concerne que celles nées entre un avocat et son client et afférentes au montant et au recouvrement des honoraires dus à l'occasion d'un litige auquel le premier a apporté son concours au second, n'est pas applicable aux contestations relatives à la rétrocession d'honoraires stipulée dans un contrat de collaboration entre avocats (7). Mais quid de l'action en restitution ? Il est admis que la procédure spéciale est applicable lorsque la demande de restitution par le client a été formulée en réponse à la demande de fixation des honoraires présentée par l'avocat. Il a également été jugé que le premier président d'une cour d'appel ne peut ordonner sur le fondement de l'article 174 la restitution d'un trop perçu par l'avocat alors que la procédure suivie devant le Bâtonnier ne concernait pas les honoraires (8). Dorénavant, il ne fait aucun doute qu'une demande en répétition d'indu à la suite d'un paiement réalisé spontanément par le client et aussitôt contesté est soumise aux dispositions précitées dès lors que la restitution est réclamée par celui qui a trop payé.


(1) Cette procédure, conduite en première instance devant le Bâtonnier du barreau auquel est inscrit l'avocat créancier et, en cause d'appel devant le premier président de la cour d'appel, est exclusive de tout autre. L'avocat impayé ne peut saisir le juge de droit commun. Il doit mettre en oeuvre cette procédure spécifique. Même en présence d'une convention d'honoraires il ne peut saisir le juge des référés (Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-17.016, FS-P+B N° Lexbase : A8265BSW). Si la créance n'est pas contestée, l'avocat peut toutefois mettre en oeuvre une mesure conservatoire selon le droit commun (Cass. civ. 2, 5 juillet 2006, n° 03-17.972 N° Lexbase : A3607DQN). Par ailleurs, cette procédure spéciale ne peut concerner que les litiges opposant un avocat à son client. Les différends opposant un avocat à un autre avocat (litige entre associés ou avec un collaborateur) ne peuvent être réglés dans le cadre des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (CA Lyon, 11 septembre 1996, BICC, n° 1256).
(2) V. Cass. civ. 1, 19 juin 2001, n° 98-19.971 (N° Lexbase : A6337ATU) : les honoraires librement fixés après service rendu ne peuvent plus être discutés dans le cadre de l'instance en contestation portée devant le Bâtonnier.
(3) V. Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 02-21.318, FS-P+B (N° Lexbase : A4922DBW), Bull. civ. II, n° 104 ; D., 2004, Somm. 2827, obs. Blanchard ; RTDCiv., 2004, 522, obs. Gautier ; JCP éd. G, 2005, I, 112, obs. Martin ; Cass. civ. 2, 8 septembre 2005, n° 04-10.553, FS-P+B (N° Lexbase : A4475DKX), Bull. civ. II, n° 214 ; D., 2006, pan. 271, obs. Blanchard ; Gaz. Pal., 13-24 septembre 2005, p. 10 ; Cass. civ. 2, 19 février 2009, n° 08-10.790, F-P+B (N° Lexbase : A2693ED4), Bull. civ. II, n° 54 ; D., 2009, pan. 2709, obs. Blanchard.
(4) V. Cass. com., 24 janvier 2006, n° 02-20.095, F-P+B (N° Lexbase : A5636DMP), Bull. civ. IV, n° 13 ; D. 2006, AJ 500, obs. Lienhard ; ibid. 2007. Pan. 831, obs. Blanchard ; JCP éd. E, 2006, I, 188, obs. R. Martin ; ibid. 2250, obs. Lucas et Le Corre ; Procédures, 2006, n° 44, obs. Perrot ; Gaz. Pal., 4 mai 2006, p. 38, note Roussel Galle.
(5) V. Cass. civ. 2, 5 juillet 2006, n° 04-17.421, FS-P+B sur le premier moyen (N° Lexbase : A3666DQT), Bull. civ. II, n° 185 ; D., 2006, IR, 2053 ; ibid. 2007, pan., 832, obs. Blanchard ; JCP éd. G, 2006, I, 188, obs. R. Martin ; Gaz. Pal., 28 décembre 2006, p. 7, note Couard.
(6) V. CA Rennes, 1re ch. A, 9 septembre 1993, D., 1995, somm., 169.
(7) V. Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 04-12.655, FP-P+B+I (N° Lexbase : A7515DLW), Bull. civ. I, n° 423 ; D., 2006, IR, 277, obs. Avena-Robardet ; ibid. 3026, obs. Clay ; RTDCom., 2006. 302, obs. Loquin ; Gaz. Pal., 9 février 2006, jur., p. 16, note Vatier ; LPA, 22 mars 2006, p. 10, note Peltier ; Defrénois, 2006. 590, note Libchaber.
(8) V. Cass. civ. 2, 8 juillet 2010, n° 09-16.523, F-D (N° Lexbase : A2341E4H).

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