Lexbase Affaires n°268 du 13 octobre 2011 : Baux commerciaux

[Jurisprudence] Procédure de fixation du loyer : sur l'exigence d'un mémoire préalable

Réf. : Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-10.032, FS-P+B (N° Lexbase : A7544HXP)

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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

le 13 Octobre 2011

Dans le cadre de la procédure en fixation du loyer devant le juge des loyers commerciaux, la notification d'un mémoire préalable est nécessaire, même lorsque le juge des loyers a été saisi à la suite d'un renvoi par une juridiction qui s'est déclarée incompétente. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 14 septembre 2011.
En l'espèce, par acte du 29 avril 1992, des locaux à usage commercial avaient été donnés à bail. Le bailleur avait notifié au preneur, par acte du 14 mai 2004, un congé avec offre de renouvellement avec un loyer déplafonné puis l'avait assigné devant le juge des référés pour voir ordonner une expertise sur la valeur locative. Par ordonnance du 29 mars 2005, le juge des référés s'était déclaré incompétent et avait renvoyé l'affaire devant le juge des loyers du même tribunal. Par jugement du 4 septembre 2008, le juge des loyers avait fixé à une certaine somme le prix du bail renouvelé. La cour d'appel de Montpellier a alors annulé la procédure et les décisions rendues (CA Montpellier, 20 octobre 2009, n° 08/06834 N° Lexbase : A6617GLN). Le bailleur s'est pourvu en cassation.
La procédure en fixation du loyer révisé ou renouvelé obéit à des règles spécifiques, tant en ce qui concerne le juge compétent pour fixer un tel loyer que sur le déroulement du procès.

I - Sur la question de la compétence du juge des référés pour connaître d'une demande de désignation d'expert judiciaire aux fins de déterminer le montant du loyer en renouvellement

L'article R. 145-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L0053HZY ; anc. décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, art. 29 N° Lexbase : L4553E9I) dispose que "les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge qui le remplace [le juge des loyers]", tandis que "les autres contestations sont portées devant le tribunal de grande instance qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent".

Le tribunal de grande instance peut ainsi connaître d'une demande de fixation du loyer révisé ou renouvelé à la condition que ce soit accessoirement à une autre demande relevant de sa compétence, par exemple, une contestation sur la date du renouvellement du bail (Cass. civ. 3, 24 février 1999, n° 97-14.536 N° Lexbase : A0239AUE).

L'article R. 211-4 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L2134IG7) dispose, également, que le tribunal de grande instance a compétence exclusive en matière de baux commerciaux, à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé.

La compétence du président du tribunal de grande instance en matière de contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé avait conduit, notamment la cour d'appel de Paris (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 13 février 1991, n° 90/24643 N° Lexbase : A4373A3D), à considérer que le juge des référés ne pouvait être saisi d'une demande d'expertise en vue de la détermination du montant du loyer renouvelé, fût-ce sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49). L'article R. 145-30 du Code de commerce (N° Lexbase : L0060HZA) prévoit d'ailleurs expressément la possibilité pour le juge de recourir à une expertise portant sur l'appréciation des critères permettant de fixer le loyer.

Dans l'arrêt rapporté, le juge des référés qui avait été saisi d'une demande d'expertise sur la valeur locative avait également décliné sa compétence au profit du juge des loyers. La Cour de cassation n'a pas été directement interrogée sur la compétence du juge des référés pour statuer sur une telle demande mais seulement sur la régularité de la procédure devant le juge des loyers une fois l'affaire renvoyée devant ce dernier.

II - Sur l'exigence d'un mémoire préalable dans le cadre de la procédure en fixation du loyer révisé ou renouvelé

La procédure de fixation du loyer en renouvellement est une procédure sur mémoire.

A - Champ d'application de la règle imposant la notification d'un mémoire préalable

L'article R. 145-23 du Code de commerce prévoit, en effet, dans le cadre de la procédure en fixation du loyer révisé ou renouvelé, qu'il est statué sur mémoire. Cette procédure sur mémoire ne semble applicable que devant le juge des loyers et non devant le tribunal de grande instance compétent à titre accessoire pour fixer le loyer (en ce sens Cass. civ. 3, 27 novembre 2002, n° 01-12.775, FS-P+B N° Lexbase : A1262A4I).

Le juge des loyers ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi (C. com., art. R. 145-27 N° Lexbase : L0057HZ7 ; anc. décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, art. 29-2 N° Lexbase : L3453AHD).

L'exigence de la notification d'un mémoire s'applique également après qu'une mesure d'expertise a été ordonnée. L'article R. 145-31 du Code de commerce (N° Lexbase : L0061HZB) dispose en effet que dès le dépôt du constat ou du rapport, le greffe avise les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, si elles sont représentées, leurs avocats, de la date à laquelle l'affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l'exécution de la mesure d'instruction devront être échangés". La Cour de cassation a ainsi précisé qu'après une mesure d'expertise, un mémoire préalable devait être notifié avant la saisine du juge des loyers (Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B N° Lexbase : A9622ECD), et ce même si les parties n'avaient aucun argument ou moyen supplémentaire à développer (Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-15.508, FS-P+B N° Lexbase : A7553BSK) et même si aucun grief ne résultait de cette omission (Cass. civ. 3, 24 juin 1998, n° 96-19.730 N° Lexbase : A5532ACU).

Dans l'arrêt du 14 septembre 2009, la Cour de cassation précise que la notification d'un mémoire préalable s'impose également lorsque le juge des loyers a été saisi à la suite d'un renvoi par le juge initialement saisi qui s'est déclaré incompétent. Le bailleur soutenait que cette formalité n'avait pas à être accomplie dans la mesure où en application de l'article 97 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1355H4X), les parties sont invitées par la juridiction désignée à la suite d'une décision d'incompétence, à poursuivre l'instance et, s'il y a lieu, à constituer avocat ou avoué. Aucune autre formalité n'étant imposée, et l'instance se poursuivant, la nécessité de notifier un mémoire préalable pouvait en effet être discutée. La Cour de cassation refuse toutefois de retenir une telle solution en imposant la notification d'un mémoire préalable même dans cette hypothèse.

La notification préalable à la saisine du juge du mémoire du demandeur ou du défendeur ne peut être remplacée par aucun acte, même extrajudiciaire, et les conclusions déposées devant le juge des loyers commerciaux ne peuvent suppléer l'absence de mémoire (Cass. civ. 3, 5 avril 2005, n° 04-11.410, F-D N° Lexbase : A7600DHX ; Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B, préc.). Toutefois, il a été jugé que la formalité préalable du mémoire après dépôt du rapport d'expertise est respectée lorsque le mémoire est régulièrement notifié avant que le juge ne statue, même si antérieurement à cette notification, des conclusions ont été déposées (Cass. civ. 3, 17 septembre 2008, n° 07-17.362, FS-P+B N° Lexbase : A4045EA3 ; voir également, pour une notification antérieure d'un mémoire par acte du palais, Cass. civ. 3, 17 septembre 2008, n° 07-16.973, FS-P+B N° Lexbase : A4034EAN).

L'exigence du mémoire préalable a été qualifiée d'ordre public dans la mesure où il s'agit d'une règle de procédure édictée dans le cadre de l'organisation judiciaire et dans l'intérêt d'une meilleure administration de la justice et non dans l'intérêt particulier des parties (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678 N° Lexbase : A6697AG7 ; voir également Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B, préc.). Ces dernières, même d'un commun accord, ne sauraient en conséquence éluder cette exigence (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678, préc.).

B - Conséquences de l'absence de notification d'un mémoire préalable

Le défaut de mémoire préalable "vicie l'instance toute entière" (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678, préc.) et entraîne une interruption définitive et une extinction de la procédure en fixation du loyer engagée (Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-15.508, FS-P+B N° Lexbase : A7553BSK ; Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B, préc.)

Il s'agit d'une irrégularité de fond qui peut être soulevée en tout état de cause (Cass. civ. 3, 5 avril 2005, n° 04-11.410, F-D, préc.). L'arrêt rapporté rappelle cette solution, la Cour de cassation décidant qu'il n'y avait pas lieu à renvoi, "l'irrégularité de la procédure suivie devant le juge des loyers commerciaux après renvoi par le juge des référés entraînant interruption définitive et extinction de l'instance en fixation du loyer".

En revanche, et sur la portée de la nullité de la procédure, la Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, censure la cour d'appel qui avait annulé l'ordonnance de référé dans la mesure où cette dernière n'avait pas fait l'objet d'un appel.

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