La lettre juridique n°717 du 26 octobre 2017 : Avocats/Honoraires

[Jurisprudence] Honoraire de résultat : l'exigence d'une définition claire et précise du résultat

Réf. : Cass. civ. 2, 5 octobre 2017, n° 16-23.050, F-P+B (N° Lexbase : A1894WUP)

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par Hervé Haxaire, ancien Bâtonnier, Avocat à la cour, Président de l'Ecole régionale des avocats du Grand Est (ERAGE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition professions

le 26 Octobre 2017

Dans une convention d'honoraires, la stipulation d'un honoraire de résultat fait implicitement référence à la notion de succès. Une telle notion de "succès" est, par essence, éminemment subjective, le succès pouvant en particulier être interprété et perçu différemment par l'avocat ou par son client. D'où la nécessité pour l'avocat, dans toute convention d'honoraires instituant un honoraire de résultat, de prendre soin de définir avec précision les contours du résultat qui servira de base, le cas échéant, à l'exigibilité de l'honoraire de résultat, et cela va sans dire, de préciser les modalités de calcul de cet honoraire. Tel est l'enseignement qui résulte de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 octobre 2017 qui a jugé, au visa notamment de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (N° Lexbase : L4857KYK) applicable à la cause, que la convention d'honoraires donnait dans le cas d'espèce une définition du succès, acte dont la décision frappée d'appel ne pouvait dénaturer les termes clairs et précis sans violer ce texte. A contrario, une référence rédigée en termes vagues à une procédure qui serait conduite avec succès autoriserait toutes les interprétations du juge de l'honoraire, étant rappelé de surcroit que l'article 1162 du Code civil (N° Lexbase : L1264ABG) dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, disposait que "dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation", et que le nouvel article 1190 (N° Lexbase : L0903KZH) issu de la même ordonnance dispose que "dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé"
  • Les faits de l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation en date du 5 octobre 2017

M. et Mme Y avaient confié à un avocat la défense de leurs intérêts dans un procès pour contrefaçon et concurrence déloyale, la somme de 75 000 euros leur étant demandée à titre de dommages-intérêts.

Une convention d'honoraires avait été conclue prévoyant notamment : "A l'issue de la procédure, en cas de succès, il pourra être sollicité un complément d'honoraire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. Lorsque le résultat porte sur un intérêt pécuniaire, l'honoraire complémentaire sera de 15 % HT du profit réalisé ou/et des pertes évitées par la décision judiciaire rendue".

Par un jugement devenu irrévocable, un tribunal, déboutant les adversaires de M. et Mme Y de leur demande pour contrefaçon et rejetant les demandes reconventionnelles présentées par ces derniers, a condamné M. et Mme Y à payer à leurs adversaires les sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et de 2 000 euros pour frais irrépétibles.

A la suite d'un différend portant notamment sur le paiement de l'honoraire de résultat, l'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre d'une demande en fixation de celui-ci.

  • L'ordonnance de taxe infirmative rendue le 28 juin 2016 par le Président délégué de la cour d'appel de Rennes

Pour infirmer la décision du Bâtonnier qui accueillait en son principe la demande de taxation de l'avocat portant, notamment sur l'honoraire de résultat convenu, après avoir relevé en préambule que "le premier Président ou son délégué n'a pas compétence pour statuer sur la déontologie de l'avocat, sur un éventuel manque de délicatesse vis-à-vis de son client", ce qui augurait mal de la décision à intervenir, le magistrat a relevé en substance que "la convention prévoyait un honoraire de résultat, lequel était soumis à la réalisation d'une condition : un succès à l'issue de la procédure. Un succès est une 'réussite, le fait de parvenir au résultat souhaité' [dictionnaire Le Robert], 'un résultat heureux obtenu dans une entreprise, un travail, une épreuve sportive, etc. ' [dictionnaire Larousse]. [...] Il en découle que Me X peut difficilement reprocher aux époux Z d'avoir accepté la décision et d'avoir admis, implicitement, qu'elle était un succès puisque c'est lui qui leur a déconseillé d'interjeter appel. Comme le font remarquer les époux Z, la notion de succès' ne doit pas être laissée à l'appréciation discrétionnaire de l'avocat rédacteur de la convention d'honoraires.

Le terme étant insuffisamment défini et ambigu, la convention doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, en application de l'article 1162 du Code civil.

Le jugement du 25 juin 2013 ne constituait pas, pour les époux Z, une réussite, un résultat heureux, car ils n'étaient pas parvenus au résultat souhaité qui aurait été, non seulement, le rejet des prétentions adverses, mais encore le succès de leurs demandes indemnitaires".

C'est sur la base de ces motifs décisifs que, par voie d'infirmation, Me X a été débouté de sa demande en paiement de l'honoraire de résultat convenu.

Rappelons que M. et Mme Y étaient assignés en paiement d'une somme en principal de 75 000 euros pour contrefaçon et que, rejetant les demandes reconventionnelles présentées par ces derniers, le tribunal les avait condamnés à payer à leurs adversaires les sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, et de 2 000 euros pour frais irrépétibles, d'où il suit que M. et Mme Y (abstraction faite de l'indemnité pour frais irrépétibles) avaient échappé à une condamnation au paiement d'un montant de 70 000 euros.

  • L'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 5 octobre 2017

Succès ou échec de Me X dans la défense des intérêts des époux Y ?

La Cour de cassation ne fait aucune référence dans son arrêt aux dictionnaires Le Robert et Larousse, mais à l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction alors applicable à la cause : "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites...".

Notons que l'article 1103 (N° Lexbase : L0822KZH), issu de l'ordonnance du 10 février 2016 ne modifie pas fondamentalement la règle ancienne : "Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits".

Après avoir relevé que selon l'ordonnance attaquée, la convention d'honoraires a été conclue prévoyant notamment : "A l'issue de la procédure, en cas de succès, il pourra être sollicité un complément d'honoraire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. Lorsque le résultat porte sur un intérêt pécuniaire, l'honoraire complémentaire sera de 15 % HT du profit réalisé ou/et des pertes évitées par la décision judiciaire rendue", la Cour de cassation a jugé "qu'en statuant ainsi, alors que la convention d'honoraires définit le succès comme un profit réalisé ou des pertes évitées, le premier président, qui avait constaté que L'avocat de M. et Mme Y leur avait évité la perte d'une somme de 68 000 euros en limitant, compte tenu de la demande en dommages-intérêts d'un montant de 75 000 euros, leur condamnation à celle de 7 000 euros, a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte et violé le texte susvisé".

C'est sur la base de ce motif déterminant qu'est intervenue la cassation.

  • La définition du résultat en termes clairs et précis dans la convention d'honoraires pour justifier un honoraire de résultat

Lorsque le résultat porte sur un intérêt pécuniaire, la définition du résultat ne pose pas de grandes difficultés, encore qu'il faille se souvenir de l'arrêt rendu le 22 mai 2014 par la même chambre de la Cour de cassation : "dès lors qu'une convention d'honoraires dispose que le montant des honoraires de résultat sera calculé en fonction du résultat de l'affaire et sur la base d'un pourcentage par rapport au bénéfice que le client tirera de la décision ou de la transaction qui interviendra par l'intermédiaire ou non d'un avocat, la notion de 'bénéfice' attendu de la décision d'appel, sur lequel s'exerce le pourcentage prévu, doit s'entendre de la différence entre la somme obtenue par l'arrêt définitif de la cour d'appel et celle octroyée par le jugement de première instance" (Cass. civ. 2, 22 mai 2014, n° 13-18.542, F-D N° Lexbase : A5050MMY ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4929E4C).

En effet, devant la cour d'appel, l'ensemble des prétentions des parties est susceptible d'être remis en cause. Sauf à envisager l'hypothèse d'un intimé qui, devant la cour, acquiescerait à la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal alors que le demandeur n'était pas représenté, la prudence commande qu'un avocat qui représente successivement une partie devant le tribunal puis devant la cour appréhende la question d'un éventuel honoraire de résultat dans son ensemble.

Lorsque le litige ne porte pas spécifiquement sur un intérêt pécuniaire, l'avocat devra veiller à rédiger la convention d'honoraire avec une attention toute particulière pour définir, au plus près des éléments du dossier, la notion du résultat justifiant un honoraire de résultat, même en évoquant le cas échéant les éléments annexes qui, bien que négatifs, ne porteraient pas atteinte à l'obtention du résultat.

L'article 1190 du Code civil comporte les mêmes réserves en faveur du débiteur que celles qui étaient édictées par l'ancien article 1162.

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