La lettre juridique n°683 du 12 janvier 2017 : Cotisations sociales

[Textes] CICE, ZRD, actions gratuites, JEI, minima sociaux : les réformes éclectiques

Réf. : Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 (N° Lexbase : L0759LC4)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

le 14 Janvier 2017

La loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 (1) comprend, dans le champ de l'emploi, de la protection sociale et du droit du travail, plusieurs dispositions d'un intérêt inégal : augmentation du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE, art. 72) ; augmentation de la période d'implantation d'activités permettant de bénéficier des exonérations applicables dans les zones de restructuration de la défense (ZRD, art. 76) ; réforme du régime fiscal et social applicable aux attributions d'actions gratuites (art. 61) ; prorogation du dispositif de soutien aux jeunes entreprises innovantes (JEI, art. 73) ; réforme des minima sociaux (art. 87) ; enfin, augmentation du versement de transport en Ile-de-France. Le traitement médiatique de la LF 2017 n'a pas réservé beaucoup de place à ce volet "Mesures générales de soutien à l'emploi/activité économique", s'intéressant plutôt au prélèvement à la source de l'impôt au 1er janvier 2018 (2). Les revenus imposables à l'impôt sur le revenu donneront lieu, l'année au cours de laquelle le contribuable en a la disposition, à un prélèvement qui prendra la forme d'une retenue à la source effectuée par le débiteur (c'est-à-dire, pour les salariés, l'employeur) lors du paiement de ces revenus. Dans le champ des rapports de travail, cette nouvelle disposition fiscale est loin d'être neutre ou indifférente. En effet, la collecte et le versement de la retenue à la source constituent une nouvelle obligation à la charge de l'employeur, obligation générant un certain nombre de sanctions (fondées sur le retard de paiement ou non-versement de la retenue à la source par l'employeur, de violation du secret professionnel, de non déclaration ou de non-réalisation des retenues qui auraient dû être effectuées). Le Conseil constitutionnel (décision n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016 N° Lexbase : A9172SXY) ne s'est prononcé que sur deux dispositifs intéressant le droit social/droit de l'emploi/droit de la protection sociale : l'article 61, modifiant le régime des prélèvements fiscaux et sociaux auquel sont soumises les distributions d'actions gratuites ; l'article 60 instaurant, à compter des revenus de l'année 2018 un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Le Conseil constitutionnel n'a pas prononcé de censure, dans les deux cas (cons. 56 à 66 pour l'article 60, prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et cons. 67 à 70 pour l'article 61, distributions d'actions gratuites).
CICE, ZRD, actions gratuites, JEI, minima sociaux : la LF 2017 couvre donc tous les champs du travail, emploi et protection sociale, sans logique, fil directeur ou cohérence. Certaines mesures s'inscrivent dans la continuité d'une réforme (ex., CICE, dans le prolongement du Pacte de responsabilité et de solidarité), de réflexions et travaux parlementaires (ex., réforme des minima sociaux, dans le prolongement du rapport de Christophe Sirugue (3)) ; d'autres n'ont pas de filiation avouée (ex., réforme des ZRD ou des JEI) ; d'autres sont réformées alors mêmes que les réformes antérieures sont à peine rentrées en vigueur (ex., attributions d'actions gratuites).

I - Mesures générale de soutien à l'emploi/activité économique

La LF 2017 comprend deux ensembles, un premier portant sur les mesures générales de soutien à l'emploi/activité économique (le CICE) et un second, les mesures sectorielles de soutien à l'emploi/activité économique (ZRD, JEI).

A - Mesures générale de soutien à l'emploi/activité économique : le CICE

Pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2017, le taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) passe de 6 % à 7 % de la masse salariale éligible (LF 2017, art. 72) (4).

1 - Genèse

Le CICE a été créé à la suite du rapport "Pacte pour la compétitivité de l'industrie française" remis au Premier ministre le 5 novembre 2012 par Louis Gallois (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificatives pour 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013 N° Lexbase : L7970IUQ, art. 66). Les objectifs assignés au CICE sont plutôt larges : amélioration de la compétitivité des entreprises à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement.

Le crédit d'impôt porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n'excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés (IS) ou de l'impôt sur le revenu d'après leur bénéfice réel. Le taux du CICE s'élevait à 4 % en 2013 et est passé à 6 % depuis 2014 en France métropolitaine. Les établissements localisés dans les DOM bénéficient d'un taux majoré à 9 % depuis 2015.

Peuvent bénéficier du CICE :

- les entreprises employant des salariés et soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu d'après leur bénéfice réel ;

- les entreprises dont le bénéfice est exonéré transitoirement, en vertu de certains dispositifs d'aménagement du territoire ou d'encouragement à la création et à l'innovation ;

- les organismes partiellement soumis à l'IS comme les coopératives ou les organismes HLM, uniquement au titre de leurs salariés affectés à une activité soumise à l'IS.

2 - Evaluation

Le CICE a représenté pour les entreprises une baisse du coût du travail de 11,4 milliards d'euros en 2013 et de 17,6 milliards d'euros en 2014. Au 31 juillet 2016, plus de 44 milliards d'euros de CICE ont été alloués aux entreprises au titre des salaires versés en 2013, 2014 et 2015, dont 9,9 milliards d'euros ont été payés directement aux entreprises (restitutions), 17,8 milliards d'euros ont été imputés par les entreprises sur leur impôt (imputations) et enfin 17 milliards d'euros ont été reportés et sont inscrits à l'actif au bilan des entreprises (reports).

Selon le Comité de suivi de France Stratégie (5), le dispositif aurait permis de créer ou sauvegarder entre 50 000 et 100 000 emplois sur la période 2013-2014. S'appuyant sur les simulations effectuées par la Direction générale du Trésor, France Stratégie a avancé qu'à l'horizon 2020, le CICE conduirait à une activité supérieure de 0,1 point de PIB, à des exportations supérieures de l'ordre de 1 % et à un surcroît de 210 000 emplois par rapport à une situation où le dispositif n'aurait pas été mis en place.

Mais France Stratégie reconnaît qu'il est délicat d'attribuer les effets positifs du CICE en les distinguant des effets induits par des mesures pour l'emploi qui lui sont antérieures/contemporaines : en 2011, annualisation du calcul des exonérations "Fillon" (loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la Sécurité sociale pour 2011 N° Lexbase : L9761INT, LFSS 2011) ; en 2012, réintégration des heures supplémentaires dans les exonérations "Fillon" (loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la Sécurité sociale pour 2012 N° Lexbase : L4309IRZ, LFSS 2012), suppression des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires (loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L9357ITQ), majoration du forfait social sur certains revenus et enfin, toujours en 2012, augmentation du taux de cotisation vieillesse (décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012, relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse N° Lexbase : L5309ITS).

3 - Augmentation du taux

La LF 2017 augmente le taux du CICE d'un point, qui passe de 6 % à 7 % de la masse salariale éligible pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2017. Cette augmentation du taux du CICE est issue de la réorientation du pacte de responsabilité et de solidarité engagée le 30 juin 2016, qui substitue à la suppression définitive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (dont les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 19 millions d'euros étaient déjà exonérées), une hausse du taux du CICE.

Selon les travaux parlementaires (6), l'impact budgétaire de la hausse d'un point du taux du CICE serait nul pour l'exercice 2017, mais croissant pour s'établir, de façon pérenne, à 3,1 milliards d'euros par an à compter de 2021.

B - Mesures sectorielles de soutien à l'emploi/activité économique : ZRD, JEI

1 - Zones de restructuration de la défense

La loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 (art. 76) (7) augmente la période d'implantation d'activités permettant de bénéficier des exonérations applicables dans les zones de restructuration de la défense.

Les entreprises qui s'implantaient dans une ZRD dans les trois ans de la publication de l'arrêté classant un territoire en ZRD ont pu bénéficier de différentes aides fiscales et exonérations de charges sociales (8) :

- exemption pendant cinq ans de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 44 terdecies, al. 1er, I N° Lexbase : L3940KWT) ;

- exemption pendant cinq ans de la cotisation foncière des entreprises (CGI, art. 1466 A, I quinquies N° Lexbase : L6569K8S) ;

- exonération de cotisations patronales au titre des assurances sociales et des allocations familiales (loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 N° Lexbase : L3784IC7, art. 34, 1° du VI).

Seules deux ZRD rentrent dans les prévisions de la LF 2017 (période de trois ans prise en compte pour l'implantation des entreprises pas encore arrivée à terme) : zone d'emploi et à la commune de Châlons-en-Champagne, dans le département de la Marne (arrêté du 28 mai 2015, relatif à la délimitation des zones de restructuration de la défense N° Lexbase : L6983I87) ; communes de la Côte d'Or, de la Haute-Saône, de l'Oise, ainsi que Châteaudun dans l'Eure-et-Loir (arrêté du 8 février 2016, relatif à la délimitation des zones de restructuration de la défense N° Lexbase : L1557KZP).

Cette limite de trois ans n'est plus adaptée et se révèle trop courte pour permettre utilement l'implantation d'activités d'envergure dont les délais de préparation et de conception sont longs. Cette augmentation de trois ans concerne les ZRD reconnues à compter du 1er janvier 2015, et s'appliquera donc aux deux ZRD précédemment mentionnées ainsi qu'à toute nouvelle ZRD qui serait reconnue à l'avenir.

Le législateur n'a donc pas suivi les recommandations de l'IGAS (9) ni de la Cour des comptes (10), très critiques, mettant en avant : l'accès très inégal aux avantages fiscaux et exonérations sociales mises en place en raison de leur complexité ; la redondance avec d'autres dispositifs territoriaux (CER, ZRR) ; un dispositif concernant seulement 1955 salariés, pour un coût s'élevant à 8,6 millions d'euros, soit 4 400 euros par équivalent temps plein ; l'absence d'évaluation de l'efficacité du dispositif en termes de création d'emplois ; enfin, dispositif mal ciblé.

2 - Prorogation du dispositif de soutien aux jeunes entreprises innovantes (JEI)

La loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 (art. 73) (11) proroge pour trois ans le dispositif de soutien fiscal aux jeunes entreprises innovantes (JEI), permettant aux entreprises créées entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019 d'en bénéficier.

Le dispositif a pour objectif de soutenir le développement de la recherche privée, en valorisant la recherche des organismes de formation supérieure et de recherche, en encourageant les transferts et la valorisation des résultats de la recherche des universités et en favorisant la création et la croissance des entreprises innovantes.

L'avantage consiste en une exonération des cotisations patronales de Sécurité sociale (à l'exclusion des cotisations AT/MP), pendant sept ans, pour les rémunérations inférieures à 4,5 SMIC ; le montant global de l'exonération est plafonné à hauteur de cinq fois le plafond de la Sécurité sociale.

La mission IGAS-IGF (12) ainsi que la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) ont porté une évaluation positive sur le dispositif JEI (13). L'effet du dispositif sur l'emploi s'élèverait à 16 400 emplois de 2004 à 2009, soit 12 000 emplois supplémentaires créés grâce au dispositif JEI (par rapport à la trajectoire qu'auraient suivi ces entreprises en dehors du dispositif JEI) et 4 600 emplois préservés au sein des JEI du fait d'une mortalité plus faible que les entreprises et un surplus de 7 200 salariés de plus que leurs homologues permis par des embauches plus importantes.

II - Régime des prélèvements fiscaux et sociaux auquel sont soumises les distributions d'actions gratuites

A - Genèse

Le régime social favorable des attributions gratuites d'actions vise deux objectifs : maintenir des niveaux de rémunération compétitifs au niveau international, permettant ainsi de lutter contre l'expatriation des salariés et des dirigeants les plus qualifiés, tout en garantissant la contributivité de ces avantages ; développer un actionnariat salarié.

1 - Modalités

Mis en place par la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, de finances pour 2005 (N° Lexbase : L5203GUA, art. 83), le dispositif comprend plusieurs aspects (CSS, art. L. 136-2 N° Lexbase : L0434LC3, L. 136-6 N° Lexbase : L3812KW4, L. 137-13 N° Lexbase : L1896KGC, L. 137-14 N° Lexbase : L1895KGB et L. 242-1 N° Lexbase : L1234LCP ; CGI, art. 80 quaterdecies N° Lexbase : L1893KG9, 150 0-A N° Lexbase : L4916I3H, 200 A N° Lexbase : L1890KG4) (14) :

- les actions sont exclues de l'assiette des cotisations de Sécurité sociale et de celle du forfait social, entraînant également une exclusion d'assiette d'autres cotisations et contributions (versement transport, retraite complémentaire, apprentissage, etc.) ;

- les gains d'acquisition et de cession sont assujettis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux global de 15,5 % à la charge du bénéficiaire. Sur un plan fiscal, l'ensemble des gains est imposé, avec le bénéfice de l'abattement pour la durée de détention prévu pour les plus-values mobilières, au moment de la cession des titres ;

- une contribution patronale spécifique au taux de 20 % est due. Elle est assise sur la valeur des actions à la date d'acquisition par le bénéficiaire. Les PME qui n'ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création sont exonérées de cette contribution dans la limite, par salarié, du plafond annuel de la Sécurité sociale (38 616 euros en 2016).

Les entreprises éligibles (C. com., art. L. 225-197-1 N° Lexbase : L1899KGG) sont les sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées et sociétés en commandite par actions), y compris lorsque les titres de la société ne sont pas cotés.

Sont susceptibles de bénéficier d'une attribution gratuite d'actions, les mandataires sociaux (président du conseil d'administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire ou le gérant de la société) et les membres du personnel salarié.

Pour les bénéficiaires, l'attribution gratuite d'actions peut donner lieu à deux principaux types de gains : le gain d'acquisition (valeur des actions attribuées à la date de leur acquisition) et la plus-value de cession (différence entre la valeur des titres au moment de leur cession et le prix d'acquisition). Le régime fiscal applicable dans les deux cas est aligné sur celui des plus-values mobilières, prévu à l'article 150-0 A du Code général des impôts (CGI, art. 80 quaterdecies et 200 A). Les gains réalisés sont donc soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu, après application des abattements pour la durée de détention, soit 50 % pour les titres détenus depuis deux ans et moins de huit ans ; 65 % pour les titres détenus depuis au moins huit ans.

Sur le plan social, les actions sont exclues de l'assiette des cotisations de Sécurité sociale et de celle du forfait social, mais les bénéficiaires sont redevables de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, au taux de 15,5 %, au titre de la CSG (8,2 %), de la CRDS (0,5 %), du prélèvement social (4,5 %), de la contribution additionnelle au prélèvement social (0,3 %) et enfin, au prélèvement de solidarité (2 %).

Il faut relever, au passage, que le taux de 15,5 % résulte de la loi du 6 août 2015 (loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC), puisque les gains d'acquisition d'actions gratuites n'étaient plus soumis à la CSG pesant sur les revenus d'activité et de remplacement mais à celle pesant sur les revenus du patrimoine. Le basculement vers les prélèvements sociaux pesant sur les revenus du patrimoine (et non sur les revenus d'activité) a eu pour effet de faire passer le total de ces prélèvements sociaux de 8 % à 15,5 %.

2 - Conditions

Un certain nombre de conditions doivent être remplies :

- l'employeur doit notifier à l'organisme de recouvrement l'identité des bénéficiaires (salariés ou mandataires sociaux) au cours de l'année civile précédente, ainsi que le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d'entre eux ;

- le délai pendant lequel le conseil d'administration est autorisé par l'Assemblée générale extraordinaire à procéder à des attributions gratuites d'actions ne peut excéder trente-huit mois ;

- le pourcentage maximal d'actions pouvant être attribué gratuitement ne peut excéder 10 % du capital social ou 15 % pour les petites et moyennes entreprises dont les titres ne sont pas cotés (15) ;

- la période d'acquisition au terme de laquelle l'attribution des actions à leurs bénéficiaires est définitive ne peut être inférieure à un an ;

- la durée minimale de l'obligation de conservation des actions par leurs bénéficiaires ne peut être inférieure à un an et court à compter de l'attribution définitive des actions.

Pour la Cour de cassation (Cass. QPC, 8 octobre 2014, n° 14-40.035, F-P+B N° Lexbase : A2033MYX) (16), en fixant les conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de l'exonération de cotisations de Sécurité sociale, le régime mis en place par le législateur (CSS, art. L. 242-1) n'institue pas une "sanction" à caractère de punition et ne ressortit pas au champ d'application de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1372A9P).

3 - Réformes

Afin de prévenir les abus et les optimisations, le législateur a restreint progressivement le champ des avantages fiscaux procurés par les modalités d'assiette.

Jusqu'en 2015, l'avantage en matière d'assujettissement social lié aux attributions d'actions gratuites a été sensiblement réduit par :

- la LFSS pour 2008 (loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la Sécurité sociale pour 2008 N° Lexbase : L5482H3G, art. 13) (17) et la création d'une contribution patronale (CSS, art. L. 137-13) au taux de 10 % et contribution salariale (CSS, art. L. 137-14) au taux de 2,5% ;

- la LFSS pour 2011 (art. 11) (18) et l'augmentation de la contribution patronale (CSS, art. L. 137-13), comprenant un taux 1 de 14 % et un taux 2 de 10 % si les attributions d'actions sont supérieures à un demi PASS ; et de la contribution salariale (CSS, art. L. 137-14 N° Lexbase : L1895KGB), comprenant un taux 1 de 8 % et un taux 2 de 2,5 % si les attributions d'actions sont supérieures à un demi PASS ;

- la seconde LFR pour 2012 (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L7970IUQ, art. 31) et la contribution patronale (CSS, art. L. 137-13) au taux de 30 % et contribution salariale (CSS, art. L. 137-14) au taux de 10 %.

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite loi "Macron", art. 135) (19) a modifié le régime social applicable aux attributions gratuites, que l'on peut synthétiser ainsi :

- dans le domaine fiscal, application au "gain d'attribution" du cadre fiscal des plus-values mobilières, et non plus celui des traitements et salaires ;

- suppression de la contribution salariale de 10 % (auparavant à la charge des bénéficiaires) ;

- abaissement du taux de la contribution patronale de 30 % à 20 % ;

- exonération des PME n'ayant jamais distribué de dividendes, dans la limite du plafond de la Sécurité sociale ;

- assouplissement de la procédure d'attribution.

Cette réforme du régime des actions gratuites poursuivait un double objectif : répondre aux problématiques de recrutement des PME et limiter les risques de délocalisation des centres de décision des grands groupes (20).

B - Réforme de la LF 2017

1 - Périmètre de la réforme (LF 2017)

La LF 2017 (art. 61) (21) durcit le régime fiscal et social applicable aux actions gratuites en soumettant le gain d'attribution au régime de droit commun des traitements et salaires et en portant de 20 % à 30 % le taux de la contribution patronale, sauf lorsque la distribution est réalisée par une petite et moyenne entreprise n'ayant jamais versé de dividendes.

Le "gain d'acquisition" continue à bénéficier du régime fiscal des plus-values mobilières, mais seulement jusqu'à 300 000 euros : au-delà, le gain d'acquisition est imposé comme un salaire. L'application du "gain d'acquisition" initial lié aux actions gratuites au régime de l'impôt sur le revenu de la catégorie des traitements et salaires et non plus dans la catégorie des plus-values mobilières (comme le prévoyait la loi du 6 août 2015) a une réelle incidence (22).

Pour que la restriction ne pénalise, quelle que soit l'entreprise dans laquelle ils travaillent, l'ensemble des salariés que les plans d'attribution d'actions gratuites ont vocation à concerner, la LF 2017 a retenu le principe selon lequel le bénéficiaire du gain d'acquisition continue à bénéficier des abattements pour la durée de détention, dans une limite annuelle fixée à 300 000 euros (23).

Enfin, cette réforme, en son volet "fiscal" et "social", s'applique aux actions gratuites dont l'attribution a été autorisée par une décision de l'assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de la LF 2017. En d'autres termes, dans un souci de stabilité fiscale, ces nouvelles dispositions ne sont applicables qu'aux actions gratuites dont l'attribution a été autorisée par une décision de l'assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

2 - Validation constitutionnelle

Le Conseil constitutionnel (décision n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016) (24) n'a pas prononcé de censure sollicitée par les requérants, lesquels contestaient la procédure d'adoption de l'article 61 (introduit à l'occasion de la nouvelle lecture du texte par l'Assemblée nationale, en violation de l'article 45 de la Constitution). En effet, si l'article 61 résulte de l'adoption, en nouvelle lecture, à l'Assemblée nationale, d'un amendement portant article additionnel, cet amendement était, à ce stade de la procédure, en relation directe avec l'article 4 bis figurant dans la première partie de la loi déférée (dont il visait à transférer le contenu, modifié, en seconde partie de la même loi).


(1) F. Dal Vecchio, Chronique de fiscalité des entreprises - Janvier 2017 (spéciale loi de finances pour 2017 et loi de finances rectificative pour 2016), Lexbase, éd. fisc., n° 682, 2017 (N° Lexbase : N6079BW3) ; LSQ, n° 17236 du 4 janvier 2017. Travaux parlementaires : V. Rabault, Rapport Assemblée nationale, n° 4125, Tome II, Examen de la première partie, Conditions générales de l'équilibre financier, Volume 1, Examen des articles, 13 octobre 2016 ; V. Rabault, Rapport Assemblée nationale, Tome I, n° 4314, 14 décembre 2016.
(2) A. Grevet, Loi de finances pour 2017 et loi de finances rectificative pour 2016 : focus sur les mesures relatives à la fiscalité des personnes physiques, Lexbase, éd. fisc., n° 682 du 5 janvier 2017 (N° Lexbase : N6080BW4).
(3) Ch. Sirugue, Repenser les minima sociaux Vers une couverture socle commune, Rapport au Premier Ministre, 18 avril 2016, Rapporteurs, C. Cadoret et S. Grobon.
(4) V. Rabault, Rapport Assemblée nationale n° 4125, Tome II, Vol. 1, 13 octobre 2016, préc..
(5) Comité de suivi du CICE, Rapport, 29 septembre 2016 ; v. aussi Comité de suivi du CICE, Rapport 2013 ; Rapport 2014 ; Rapport 2015 ; M. Plane, Evaluation de l'impact économique du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), Revue de l'OFCE, n° 126, février 2012, p. 141-153.
(6) V. Rabault, Rapport Assemblée nationale, Tome I, n° 4314, 14 décembre 2016, préc..
(7) V. Rabault, Rapport Assemblée nationale, Tome I, n° 4314, 14 décembre 2016, préc..
(8) Etude d'impact, PLFSS 2017, Annexe 10 Fiches d'évaluation préalables des articles du projet de loi, Fiche n° 15, p. 96.
(9) R. Toussain, F. Schechter, D. Ientile, M. Morel, avec le concours de T. Frassinetti et S. Idrissi-machichi, Revue de dépenses sur les exonérations et exemptions de charges sociales spécifiques, Rapport, Inspection générale des finances n° 2015-M-016-01 et Inspection générale des affaires sociales n° 2015-029R, juin 2015, Annexe III, Fiches individuelles par dispositif, "3125 - Zones de restructuration de la défense (ZRD)", p. 57-60.
(10) Rapport de la Cour des comptes, novembre 2014, Les aides de l'Etat aux territoires concernés par les restructurations des armées. Recommandation n° 4.
(11) Etude d'impact, PLFSS 2017, Annexe 10, Fiches d'évaluation préalables des articles du projet de loi, Fiche n° 25, préc., p. 128 ; B. Le Brethon, Rapport, Examen de la loi n° 2003-1311 de finances pour 2004 à l'Assemblée nationale (séance du 14 novembre 2003), Favoriser le développement de la recherche privée par les entreprises innovantes.
(12) R. Toussain et alii, Revue de dépenses sur les exonérations et exemptions de charges sociales spécifiques, Rapport, juin 2015, préc., Annexe III, Fiches individuelles par dispositif, 4101 - Jeunes entreprises innovantes, p. 118.
(13) S. Hallépée et A. Houlou Garcia, Evaluation du dispositif Jeunes entreprises innovantes, Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), septembre 2012.
(14) J.-Ph. Lieutier, Le modèle de l'actionnariat salarié, thèse, 18 novembre 2011, PUAM, décembre 2012, § 154 ; Etude d'impact, PLFSS 2017, Annexe 10 Fiches d'évaluation préalables des articles du projet de loi, préc., Fiche n° 52, p. 203 ; circ. DSS, n° 2008/119, du 8 avril 2008, relative à la mise en oeuvre de la contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions gratuites d'actions (N° Lexbase : L4155LCU) ; Guide de l'épargne salariale (Direction générale du travail, Direction de la Sécurité sociale, Direction générale du Trésor, Direction de la législation fiscale), 2014.
(15) Ce plafond de distribution est porté à 30 % lorsque l'attribution bénéficie à l'ensemble des membres du personnel salarié de la société. Au-delà de 10 % ou de 15 % du capital social distribué en actions, l'écart entre le nombre d'actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq lorsque les actions gratuites sont attribuées à l'ensemble du personnel.
(16) Nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 588, 2014 (N° Lexbase : N4307BU3).
(17) J.-Ph. Lieutier, Le modèle de l'actionnariat salarié, préc., § 154 ; nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 287, 2008 (N° Lexbase : N6093BDZ) ; mesure d'application réglementaire : circulaire DSS n° 2008/119 du 8 avril 2008, préc., LSQ, n° 144 du 20 juin 2008 et LSQ, n° 157 du 5 août 2011 ; R. Vatinet, LFSS pour 2008 : institution d'une contribution patronale et salariale sur les stock-options et les attributions d'actions gratuites, JCP éd. S, 2008, n° 1056.
(18) Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 du 20 décembre 2010 (LSQ, n° 157 du 5 août 2011 ; nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 425, 2011 N° Lexbase : N1792BRS ; circ. DGFIP 5F-11-11 du 25 mai 2011, BOI n° 49 du 3 juin 2011 (N° Lexbase : X9213AI3), (LSQ, n° 15876 du 14 juin 2011).
(19) B. Chaumet, Lexbase, éd. soc., n° 615, 2015 (N° Lexbase : N7655BU3).
(20) Arguments développés par A. de Montgolfier, dans son Rapport général n° 140, Sénat (2016-2017), Tome II, Fasc. 1, Vol. 1, 24 novembre 2016, p. 69.
(21) Amendements n° 580 (rect) présenté par V. Rabault, 14 octobre 2016 ; A. de Montgolfier, Rapport général n° 140, Sénat (2016-2017), Tome II, Fasc. 1, Vol. 1 (examen des articles), 24 novembre 2016, préc., p. 69 ; V. Rabault, Rapport Assemblée nationale, Tome I, n° 4314, 14 décembre 2016, préc., p. 35 ; Amendement n° CF252 présenté par V. Rabault le 13 décembre 2016 ; Amendement n° CF 110 présenté par M. Colas le 13 décembre 2016.
(22) V. Rabault, Rapport Assemblée nationale, Tome I, n° 4314, 14 décembre 2016, préc., p. 35, selon laquelle, un gain de 100 imposable au taux marginal de l'impôt sur le revenu sera prélevé à hauteur de 45 euros si le titre est cédé moins de deux ans après son acquisition. Dans le cadre de l'abattement de droit commun, il sera prélevé de 22,50 euros après deux ans de détention et de 15,75 euros après huit ans de détention, alors que ce prélèvement serait resté stable à 45 euros dans le régime des traitements et salaires.
(23) Amendement n° CF 110 Présenté par M. Colas le 13 décembre 2016, exposé des motifs.
(24) Question de la constitutionnalité de la réforme débattue par les sénateurs : en ce sens, A. de Montgolfier, dans son Rapport général n° 140, Sénat (2016-2017), Tome II, Fasc. 1, Vol. 1, 24 novembre 2016, préc., p. 69, pour lequel la constitutionnalité de la réforme n'est pas assurée, compte tenu de l'ampleur de l'atteinte aux situations acquises.

Annexe

Le régime fiscal des attributions gratuites d'actions

Régime antérieur à la loi du 6 août 2015 Régime prévu par la loi du 6 août 2015 Régime issu de la loi de finances 2017
Impôt sur le revenu et prélèvements sociaux Catégorie : traitements et salaires (barème de l'impôt sur le revenu sans abattement pour durée de détention et prélèvements sociaux de 8 % perçus en année N+1) Catégorie : plus-values mobilières (abattement pour durée de détention puis application du barème de l'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux de 15,5 % en année N+1) Catégorie : traitements et salaires au-delà de à 300 000 euros, maintien du régime des plus-values mobilières pour les PME qui n'ont pas distribué de dividendes
Assiette : valeur de l'AGA à la date d'acquisition définitive en année N+2 Assiette : inchangée, mis à part le fait que la date d'acquisition définitive est en N+1 et non plus en N+2 Assiette : inchangée
Fait générateur : cession du titre Fait générateur : inchangé Fait générateur : inchangé
Contribution salariale spécifique Assiette : identique à l'impôt sur le revenu Suppression totale de la contribution salariale Suppression maintenue
Taux : 10 %
Fait générateur : cession du titre
Contribution patronale spécifique Assiette : valeur à la date d'attribution (en année N) Assiette : valeur à la date d'acquisition (en année N+1) Assiette : inchangée
Fait générateur : un mois après la décision d'attribution (en année N) Fait générateur : un mois après la date d'acquisition définitive (en année N+1) Fait générateur : inchangé
Taux : 30 % Taux : 20 % Taux : 30 %
- Exonération totale pour les PME qui n'ont distribué aucun dividende Maintien de cette exonération

Source : V. Rabault, Rapport Assemblée nationale, Tome I, n° 4314, 14 décembre 2016, préc., p. 35.

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