La lettre juridique n°424 du 20 janvier 2011 : Avocats

[Questions à...] Le collectif "Avocats de combat" - Questions à Maître David Koubbi, avocat à la cour

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[Questions à...] Le collectif "Avocats de combat" - Questions à Maître David Koubbi, avocat à la cour. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3569722-questions-a-le-collectif-avocats-de-combat-b-questions-a-maitre-david-koubbi-avocat-a-la-cour-b-
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

le 24 Janvier 2011

Avocat au barreau de Paris, Maître David Koubbi, associé co-fondateur du Cabinet 28 octobre, a créé un collectif dont l'objet est de faire travailler ensemble des avocats sur des dossiers qui impliquent la défense d'un intérêt supérieur qui aurait été bafoué. Si l'on s'en réfère au portrait que Le Nouvel économiste dresse de lui, il "est devenu le combattant des lynchages médiatiques et judiciaires en tout genre". Lexbase Hebdo - édition professions vous propose cette semaine de revenir avec lui sur le collectif "Avocats de combat". Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le collectif ? Quel a été l'élément déclencheur de sa création ?

David Koubbi : L'impulsion qui a conduit à  la création d'Avocats de combat a plusieurs sources. Tout d'abord, beaucoup de nos cabinets, pour ne pas dire tous, travaillent sur des sujets qui ne donnent pas ou peu lieu à facturation. Il s'agit de dossiers dits pro bono. Quasi systématiquement, nous avons à nous intéresser aux conséquences induites par un dysfonctionnement et, compte tenu de la nature même de ces dossiers, tout autant que des conditions attachées à leur traitement, nous ne pouvons le plus souvent pas nous intéresser à leurs causes.

La question est simple : sommes-nous, en notre qualité d'avocats, en notre qualité d'adversaires quasi "génétiques", capables de travailler ensemble lorsqu'un intérêt supérieur est bafoué, lorsque l'équité est manifestement malmenée, lorsqu'une entité économique, industrielle ou gouvernementale par exemple, entend imposer une décision qui nuit à ceux qui auront à la subir.

J'ai téléphoné à certains de mes confrères contre lesquels j'ai eu à travailler au cours des dix dernières années et dont les qualités professionnelles, humaines, et la pugnacité qu'ils avaient développée, ne m'avaient pas échappé. Je leur ai proposé de participer à ce projet en précisant qu'il conviendrait d'inventer la suite ensemble. Tous ont dit oui.

Avocats de combat n'est pas structuré hiérarchiquement, tous les avocats qui nous rejoignent ont les mêmes obligations et prérogatives.

Lexbase : Comment les avocats membres du collectif vont-ils travailler ?

David Koubbi : Il s'agit de structurer ce qui existe déjà. Les plus jeunes ont toujours demandé conseil auprès de leurs aînés, les moins spécialisés auprès de ceux qui maîtrisent tel ou tel point d'une matière ciblée...

Dans les prochaines semaines, notre site internet sera en ligne et chacun d'entre nous sera en mesure d'inviter ses confrères à participer à l'un des combats qu'il mène ou qu'il mènera à l'avenir. Aucun d'entre nous ne communique sur les combats des autres, sauf à ce que cela soit proposé. Chacun assume la responsabilité pleine et entière des contentieux qu'il mène et des stratégies qu'il retient et bénéficie d'un moyen efficace de les affiner et d'obtenir l'aide des membres avocats d'Avocats de combat quand il en ressent le besoin.

L'objectif est d'échanger autour des dossiers éligibles à un traitement par Avocats de combat, de partager des expériences, de la documentation et de mener simultanément plusieurs actions sur le territoire national contre un même adversaire.

Nous avons à coeur de respecter scrupuleusement les règles qui régissent notre Ordre et y ajoutons, à titre de principe de fonctionnement, que nous demanderons à la partie adverse amiablement de faire ce qu'elle doit une fois, mais une fois seulement.

L'un des objectifs demeure la création d'un regroupement d'avocats dont la voie sera mieux entendue que celle d'un avocat isolé. Les avocats qui nous rejoignent ont fait montre de leur capacité à défendre et à attaquer, de leur goût pour le combat et de leur faciliter à mobiliser des médias autour de causes ou d'affaires dans lesquelles ils ont eu à diligenter lorsque cela est nécessaire.

Que fera un adversaire lorsque il recevra une lettre d'un avocat membre d'Avocats de combat et qu'en allant sur notre site, il constatera qu'aux côtés de celui qui lui écrit, travaillent une cinquantaine ou une centaine d'avocats parmi les plus pugnaces et les plus efficaces ? Si ce qui est demandé à cet adversaire est conforme au droit et à l'équité, il me semble que son intérêt sera de ne pas aller au-delà.

Lexbase : Quels sont les types d'actions menées par Avocats de combat ?

David Koubbi : Les diligences accomplies jusqu'ici au service des familles adoptantes en Haïti pour parvenir à faire rentrer les orphelins dont la procédure d'adoption avait débuté avant le séisme ont été accomplies selon les principes de fonctionnement d'Avocats de combat. Lorsqu'il s'est agi de s'opposer à Monsieur Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères en exercice, de lui faire signifier une sommation par huissier d'avoir à rapatrier les enfants, je voyais bien que mon influence, en tant qu'avocat à la cour de Paris, même épaulé par mon cabinet, mes associés Céline Lemoux et Benoît Pruvost, serait moindre si nous demeurions isolés. J'ai donc demandé l'aide de certains confrères qui ont accepté de me l'apporter.

A la suite de notre déplacement en Haïti, en juillet dernier, à l'occasion duquel nous avons négocié avec les plus hautes instances locales, nous organisons une vente aux enchères publique de plus de 80 oeuvres d'artistes contemporains au profit des habitants du camps de déplacés du "Champs de Mars", cette vente aura lieu le 7 février prochain à 19 heures à Drouot-Montaingne sous le marteau de Maîtres Delettrez et Cornette de Saint Cyr. Nous retournerons sur place pour nous assurer que les fonds seront correctement dépensés pour offrir aux habitants ce qui leur fait défaut.

Nous travaillons également, comme vous le savez, contre le constructeur Renault qui s'obstine à appeler pour la troisième fois l'un de ses modèles par un prénom, alors qu'il n'ignore rien des conséquences que cela emporte sur les enfants concernés et sur leurs familles (1). Ce constructeur avait pris un engagement écrit de ne pas appeler son prochain modèle "Zoé" lorsqu'il répondait en 2005 aux familles qui s'en plaignaient. Nous sommes là pour rappeler à Renault ce qui a été écrit. Plusieurs actions seront menées partout où cela sera possible pour que Renault se rende à l'évidence : les prénoms sont pour les humains. Lors du référé que nous avons eu à plaider, la marque au losange a développé que "Zoé" n'était pas un prénom après que son prestataire a pourtant déclaré "nous utilisons ce prénom pour donner un côté sympathique à cette voiture électrique afin de compenser certaines performances réduites du véhicule". De qui se moque-t-on ? Evidemment que Renault a souhaité utiliser un prénom. Nous entendons bien que le processus industriel est très avancé et que cela pose une difficulté à la marque de revenir en arrière mais en quoi cela concerne-t-il les familles concernées ? Lorsque que vous êtes dans la situation d'un parent qui voit une voiture nommée comme votre propre enfant et qu'on vous explique que ce prénom est utilisé pour "compenser certaines performances réduites" du produit qui va porter le prénom de votre fils ou de votre fille, il y a de quoi s'interroger sur le fonctionnement des services marketing de certaines entreprises... Si la question est : il y a-t-il une limite à ne pas dépasser pour générer du chiffre d'affaires, la réponse, pour nous, est clairement oui. J'imagine que Renault a fait le pari que les gens ne se fédèreraient pas, c'était une erreur.

Plus largement, il y a des sujets de société, des décisions qui sont prises et qui sont destinées à s'appliquer au plus grand nombre qui passent à travers les mailles du filet judiciaire. C'est intolérable dans une société comme la nôtre. Notre rôle doit être, en guise de dernier rempart, de faire en sorte que face à une injustice (je n'ai pas de difficulté à utiliser ce mot), la voix des personnes concernées soit entendue. Nous allons nous intéresser très particulièrement à ce qui assombrit la vie de nos concitoyens et qu'on leur sert comme une fatalité, alors même que nos règles de droit permettent le plus souvent qu'il en soit autrement. Cette formation qui regroupe plusieurs avocats existe désormais et il ne s'agit pas d'attaquer sans discernement ou de s'opposer à tout et n'importe quoi. Certains confrères s'intéressent aux opérateurs de téléphonie mobile, pendant que d'autres réfléchissent aux actions qu'il conviendra de mener contre des organismes de crédit dès lors que ceux qui pratiquent cette matière sont souvent confrontés aux mêmes problématiques. Il s'agira de s'attaquer aux causes.

Nous croyons sincèrement que c'est ce que nous avons à faire. La suite nous dira si nous avions raison...


(1) Sur ce sujet lire, Affaire "Zoé Renault" : droits et libertés fondamentaux versus liberté du commerce - Questions à David Koubbi et Julien Dami Le Coz, Avocats à la cour, Cabinet 28 octobre, Lexbase Hebdo n° 421 du 16 décembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N8463BQI).

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