Réf. : Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-45.382, M. Eric Margottin, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pressing 49, F-D (N° Lexbase : A0473ESC)
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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 07 Octobre 2010
Patrick Laurent : La réponse est à l'article L. 6323-19 du Code du travail (N° Lexbase : L9602IED), lequel prévoit que, "dans la lettre de licenciement, l'employeur informe le salarié, s'il y a lieu, de ses droits en matière de droit individuel à la formation. Cette information comprend les droits visés à l'article L. 6323-17 (N° Lexbase : L9632IEH) et, dans les cas de licenciements visés à l'article L. 1233-65 (N° Lexbase : L1247H93), les droits du salarié en matière de droit individuel à la formation définis par l'article L. 1233-66 (N° Lexbase : L1250H98)".
Ces dispositions obligent donc à mentionner expressément dans la lettre trois choses : le nombre d'heures acquises, la possibilité pour le salarié de demander -avant la fin du préavis- à utiliser ses droits pour financer une action de bilan de compétences, de VAE ou de formation, et le fait que, si cette action est réalisée pendant l'exercice du préavis, elle se déroulera pendant le temps de travail. (C. trav., art. L. 6323-17 N° Lexbase : L9632IEH).
Elles contraignent également à y préciser, s'agissant des licenciements pour motif économique, que lorsque le salarié accepte une convention de reclassement personnalisé (CRP), les droits au Dif sont doublés (C. trav., art. L. 1233-66 N° Lexbase : L1250H98).
Enfin, on peut se demander si elles ne rendent pas indirectement nécessaire l'insertion des dispositions de l'article L. 6323-18 (N° Lexbase : L9616IEU) relatives à la "portabilité" des droits au Dif.
Lexbase : Comment expliquer que les employeurs ne respectent pas toujours cette obligation ?
Patrick Laurent : Dans beaucoup de PME, le Dif -bien que créé il y a près de six ans (2)- reste assez peu utilisé. Je connais des petites entreprises dans lesquelles aucun salarié ne l'a encore demandé ! Peut-être parce ces employés ne sont pas informés chaque année de leurs droits, comme pourtant leur employeur en a l'obligation, en application de l'article L. 6323-7 du Code du travail (N° Lexbase : L3643H9S).
Il n'est donc pas très étonnant que le Dif ait été parfois oublié au moment du licenciement.
Je pense, quand même, que ce genre d'oubli va devenir plus rare. D'abord, parce qu'aujourd'hui, le plafond de 120 heures (C. trav., art. L. 6323-5 N° Lexbase : L3643H9S) étant atteint, on peut s'attendre à une augmentation des demandes en cours de contrat. Ensuite, parce que la "portabilité" du Dif, nouveau droit issu de la loi du 24 novembre 2009 (3), va accroître l'intérêt des salariés pour ce dispositif.
Lexbase : Et peut-être est-ce aussi en raison de la crainte d'une sanction financière, dont le principe est désormais reconnu par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 février 2010 ?
Patrick Laurent : Le législateur n'avait pas prévu de sanction spécifique. Les juridictions du fond en ont donc créé une, mais sur deux bases juridiques différentes :
- soit le droit à l'indemnité légale pour procédure irrégulière de licenciement ;
- soit le droit à des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
La Cour de cassation semble avoir tranché définitivement, par cet arrêt du 17 février dernier, en faveur des dommages et intérêts.
Le recours à l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) me paraît logique en droit.
Il convient de préciser que, dans ce cadre, le salarié n'a à démontrer ni le lien de causalité, ni la réalité de son préjudice engendré par la négligence de l'employeur : le manquement de celui-ci crée nécessairement un préjudice que les juges du fond doivent apprécier souverainement.
La solution pourra sembler sévère aux entreprises quand la rupture, intervenue pour faute lourde -ce qui entraîne la perte des droits au Dif-, aura ensuite été requalifiée en licenciement pour faute grave ou pour faute simple ou sans cause réelle et sérieuse.
Dans une décision de la cour d'appel de Bordeaux du 7 janvier 2010 (4), les juges ont ainsi accordé 750 euros de dommages et intérêts à une salariée licenciée pour faute grave (à l'époque des faits la faute grave était privative des droits au Dif (5)) après avoir dit la rupture sans cause réelle et sérieuse...
Par ailleurs, il faut s'attendre à la même logique s'agissant des mentions dans le certificat de travail des droits acquis au titre du Dif. (C. trav., art. L. 6323-21 N° Lexbase : L9643IEU) (6). Leur absence engendrera un préjudice, et donc des dommages et intérêts...
Lexbase : Ce défaut de sanction soulève une première "faille". N'existe-t-il pas d'autres incohérences, notamment en cas de faute grave ?
Patrick Laurent : La nouvelle loi du 24 novembre 2009, on l'a vu, oblige à mentionner dans la lettre de licenciement la possibilité d'utiliser le Dif pendant la période de préavis, alors que -par définition- dans un licenciement pour faute grave, il n'y a pas de préavis...
Pour ma part, il me paraît plus dangereux de tenter de reproduire cette mention -qui créerait un doute sur la qualification du licenciement (faute grave ou faute simple ?)- que de ne pas le faire. Attendons les premières décisions pour y voir plus clair.
(1) Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-45.382, M. Eric Margottin, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pressing 49, F-D (N° Lexbase : A0473ESC).
(2) Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Présentation de la réforme du dialogue social, Lexbase Hebdo n° 120 du 13 mai 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1585ABC).
(3) Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (N° Lexbase : L9345IET). Lire les obs. de Ch. Willmann, Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 : de nouveaux droits en matière d'orientation et de formation professionnelle (première partie), Lexbase Hebdo n° 374 du 3 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5875BMK) et Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 : rendre plus efficace l'organisation de l'orientation et de la formation professionnelle (seconde partie), Lexbase Hebdo n° 375 du 10 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5967BMX).
(4) CA Bordeaux, 7 janvier 2010, n° 09/03269, SARL Algita c/ Madame Marie Josée Pelin (N° Lexbase : A2358EUU).
(5) Aujourd'hui, le salarié ne perd le bénéfice de son Dif que dans l'hypothèse d'une faute lourde.
(6) Ces mentions ont récemment été précisées (décret n° 2010-64 du 18 janvier 2010, relatif à la mention des droits acquis au titre du droit individuel à la formation dans le certificat de travail N° Lexbase : L3855IGU). Le certificat de travail doit désormais mentionner le solde du nombre d'heures acquises au titre du Dif et non utilisées, ainsi que la somme correspondant à ce solde, et l'organisme collecteur paritaire agréé compétent pour financer les actions de formation (C. trav., art. D. 1234-6 N° Lexbase : L4036IGL).
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