La lettre juridique n°176 du 14 juillet 2005 : Immobilier et urbanisme

[Textes] La réforme de la police du changement d'affectation des immeubles (1ère partie)

Réf. : Ordonnance du 8 juin 2005, n° 2005-655, relative au logement et à la construction (N° Lexbase : L8527G8C)

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N6601AIC

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris

le 07 Octobre 2010

Le titre IV de l'ordonnance du 8 juin 2005 n° 2005-655, relative au logement et à la construction, apporte d'importantes modifications à la police du changement d'affectation des immeubles. Tant le champ d'application de l'interdiction du changement d'affectation (1ère partie), objet du présent commentaire, que les dérogations et les tempéraments à cette interdiction (2ème partie), ont été réformés. En revanche, les sanctions du changement d'affectation prohibé n'ont fait, pour l'essentiel, l'objet d'aucune retouche. I - Modification du champ d'application de la police d'affectation

L'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation a été modifié par l'article 24 de l'ordonnance du 8 juin 2005 :

"Dans les communes définies à l'article 10, 7° de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 modifiée (N° Lexbase : L3873AHW) :

1° Les locaux à usage d'habitation ne peuvent être, ni affectés à un autre usage, ni transformés en meublés, hôtels, pensions de famille ou autres établissements similaires dont l'exploitant exerce la profession de loueur en meublé au sens du premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 49-458 du 2 avril 1949 modifiée (N° Lexbase : L7091AZN), accordant le bénéfice du maintien dans les lieux à certains clients des hôtels, pensions de famille et meublés ; les présentes dispositions n'étant pas applicables aux locations en meublé mentionnées au deuxième alinéa dudit article 2 ;

2° Les locaux à usage professionnel ou administratif ainsi que les meublés, hôtels, pensions de famille ou établissements similaires ne peuvent, s'ils ne conservent pas leur destination primitive, être affectés à un usage autre que l'habitation ;

3° Les garages et remises mentionnés à l'article 2 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L3888AHH) précitée ne peuvent être affectés à un usage commercial, industriel ou artisanal.

Il ne peut être dérogé à ces interdictions que par autorisation administrative préalable et motivée, après avis du maire et, à Paris, Marseille et Lyon, après avis du maire d'arrondissement.

Le représentant de l'Etat dans le département peut autoriser l'exercice, sous certaines conditions, dans une partie d'un local d'habitation, d'une profession qui ne puisse à aucun moment revêtir un caractère commercial si ce local constitue en même temps la résidence du demandeur.

Ces dérogations et autorisations sont accordées à titre personnel. Cependant, les bénéficiaires membres d'une profession libérale réglementée, qui rendent à l'habitation le local qui était devenu totalement ou partiellement professionnel, peuvent être autorisés à transformer un autre local d'habitation en local professionnel pour une surface équivalente.

La dérogation et l'autorisation cessent de produire effet lorsqu'il est mis fin, à titre définitif, pour quelque raison que ce soit, à l'exercice professionnel du bénéficiaire.

Sont nuls de plein droit, tous accords ou conventions conclus en violation du présent article. Toutefois, le locataire ou occupant d'un local d'habitation irrégulièrement transformé en meublé et réaffecté à la location nue bénéficie de plein droit, quelle que soit la date de son entrée dans les lieux, du maintien dans les lieux dans les conditions prévues aux chapitres Ier et II du titre Ier de la loi précitée du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L4772AGT)".

"Dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1 (N° Lexbase : L6983G7R).

Pour l'application du présent chapitre, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction a été autorisée.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après la date de référence pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux locaux appartenant à une personne publique, affectés à un autre usage que l'habitation à la date de leur cession et dont le produit de la cession donne lieu au versement d'une recette non fiscale au profit du budget de l'Etat. Elles demeurent inapplicables aux locaux qui auront fait l'objet d'une telle cession".

1.1 - Champ d'application géographique

Les locaux soumis à la police du changement d'affectation étaient ceux situés dans les communes définies à l'article 10, 7°de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L3873AHW), soit à Paris, dans un rayon de 50 kilomètres de l'emplacement des anciennes fortifications de Paris et dans les communes dont la population municipale est égale ou supérieure à 10 000 habitants.

Le champ d'application géographique est désormais limité aux communes de plus de 200 000 habitants et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. La jurisprudence de la Cour de cassation, rendue sous l'empire de l'ancienne rédaction de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, et aux termes de laquelle il faut prendre en considération la population permanente à l'époque de la transformation, devrait continuer à trouver application (Cass. civ. 3, 7 novembre 1979, n° 78-10.980, Corneille c/ Candresse, Ets Pierrot Boutiques, Crouzet N° Lexbase : A6245AYX).

Par ailleurs, l'ancien article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation pouvait être rendu applicable à d'autres communes que celles qu'il visait par arrêté du ministre chargé de la construction et de l'habitation après avis du maire et du préfet (CCH, art. L. 631-9 N° Lexbase : L7698ABQ et R. 631-5 N° Lexbase : L9403ABU), dont la liste avait été annexée à la circulaire n° 72-158 du 3 octobre 1972 relative aux changements d'affectation et de démolitions de locaux. La possibilité d'une extension du champ d'application géographique de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation reste toujours possible, les dispositions de l'article L. 631-9 du même code (N° Lexbase : L7698ABQ) n'ayant pas été abrogées.

En revanche, les dispositions de l'article L. 631-8 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6476G9Q) ont été remplacées, par l'article 28 de l'ordonnance du 8 juin 2005, par des dispositions relatives aux effets de la demande d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux quant à la procédure de changement d'affectation (voir la deuxième partie). Les anciennes dispositions de cet article, qui prévoyaient que "les dispositions de l'article [CCH, art. L. 631-7] ne sont pas applicables dans les stations balnéaires, climatiques ou thermales, classées ou en voie de classement, aux locaux qui, avant le 2 septembre 1939, étaient habituellement affectés à la location saisonnière ou occupés pendant la saison par leur propriétaire" sont donc implicitement abrogées.

Enfin, les dispositions de l'article L. 631-10 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7699ABR), aux termes desquelles "les dispositions de l'article L. 631-7 ne sont pas applicables dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (N° Lexbase : L4249AHT)" ont été maintenues.

1.2 - Le champ d'application matériel - la notion de logement à usage d'habitation

Les anciennes dispositions de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ne définissaient pas la notion de local d'habitation. Le nouvel article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, en son troisième alinéa, est plus disert sur cette notion de local destiné à l'usage d'habitation et édicte deux présomptions qui faciliteront les opérations de qualification.

1.2.1 - La détermination des locaux à usage d'habitation

La catégorie des locaux à usage d'habitation, aux termes des nouvelles dispositions, est large.

Le texte précise, en effet, que constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6983G7R).

1.2.1.1 - Toutes catégories de logement et leurs annexes

Les nouvelles dispositions incluent expressément dans leur champ d'application les annexes de locaux à usage d'habitation.

Faute de précision, et au regard des dispositions anciennement applicables, la question se pose de savoir s'il convient d'intégrer dans cette catégorie les garages et les remises attenants à un local à usage d'habitation.

La Cour de cassation avait jugé que l'interdiction du changement d'affectation ne concernait pas des garages situés en sous-sol d'une maison à usage d'habitation (Cass. civ. 3, 14 janvier 1976, n° 74-14473, Consorts Rosa c/ Procureur Général près la Cour d'Appel de Paris N° Lexbase : A3818CHU ; voir, contra, CE 6 mai 1957, min. reconst., Rec. CE, p. 954, cité par G. Liet-Veaux, Changement d'affectation des immeubles, J.-Cl. Construction-Urbanisme, Fasc. 30, n° 25).

Il existait, cependant, une exception textuelle, l'ancien article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation intégrant, dans son champ d'application, les garages et remises visés à l'article 2 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L3888AHH), c'est-à-dire, des garages et remises loués accessoirement aux logements visés par l'article 1er de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L3887AHG) et situés dans un immeuble collectif. Cette exception n'a pas été reprise par l'ordonnance du 8 juin 2005.

Désormais, si les garages et remises attenants à un local destiné à l'habitation devaient être qualifiés d'annexes au sens du nouveau texte, ce que la jurisprudence devra préciser, ils seront automatiquement soumis à la prohibition du changement d'affectation.

1.2.1.2 - Logement inclus dans un bail commercial

Ce texte tranche, tout d'abord, la question de savoir s'il convenait, en présence d'un bail mixte, commercial et d'habitation, d'exclure les locaux objet d'un tel bail de la prohibition du changement d'affectation, le local étant réputé commercial pour le tout, ou s'il était nécessaire de distinguer la partie affectée à un usage commercial de celle affectée à un usage d'habitation, cette dernière étant soumise à l'interdiction du changement d'affectation (sur ce point, voir G. Liet-Veaux, Changement d'affectation des immeubles, J.-Cl. Construction-Urbanisme, Fasc. 30, n° 37 et ss.).

La jurisprudence, consacrant une approche pragmatique, s'en tenait à l'usage effectif des locaux et opérait une ventilation entre les surfaces affectées à un usage commercial et celles affectées à l'habitation, la violation de l'interdiction de changement d'affectation n'étant caractérisée que lorsque la partie des locaux à usage d'habitation avait cessé de servir effectivement à cet usage (en ce sens, Cass. civ. 3, 28 avril 1971, n° 69-14.208, Epoux Miquel c/ Compagnie d'Assurances La Vigilance N° Lexbase : A4635AYC, Cass. civ. 3, 23 mai 1973, n° 72-11.785, SA Ets Cunow c/ C/ Lifschitz, Rodriques-Henriques, Société Financière et agricole de France N° Lexbase : A4632AY9 et CA Paris, 16ème ch., sect. A, 3 février 1999, n° 1996/86915, SARL Secri c/ SARL Anciens Ets Fleuret N° Lexbase : A5937A4N).

La solution est consacrée par le nouveau texte qui intègre expressément dans la catégorie des locaux destinés à l'habitation les logements inclus dans un bail commercial.

1.2.1.3 - Logements-foyers, chambres de service, logements de fonction

Le nouvel article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation vise expressis verbis certains logements affectés à l'habitation : les logements-foyers, les chambres de services et les logements de fonction (pour ces derniers, voir, déjà, Cass. civ. 3, 23 mai 1973, n° 72-11.785, précité).

D'une manière générale, l'ordonnance du 8 juin 2005 entretient une approche matérielle et concrète de la notion d'habitation consacrée par la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancienne rédaction de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, un local étant reconnu à cet usage quel que soit le titre en vertu duquel cette occupation s'exerce : en tant que propriétaire (CE Contentieux , 23 octobre 1998, n° 180241, Ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement c/ Chermet-Carroy N° Lexbase : A8418ASL) ou en tant que locataire, en vertu d'un bail d'habitation ou d'un bail mixte à usage d'habitation et commercial (Cass. civ. 3, 23 mai 1973, précité).

1.2.1.4 - Les locaux meublés donnés en location, les hôtels, les pensions de famille et les établissements similaires

Entre les locaux à usage d'habitation et les autres, l'ancien article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation traitait de manière spécifique une catégorie de locaux intermédiaires : les locaux meublés donnés en location, les hôtels, les pensions de famille et les établissements similaires. Ces locaux n'étaient, en effet, pas tout à fait des locaux à usage d'habitation dans la mesure où la transformation d'un local dit à "usage d'habitation" en l'un des ces établissements était interdite, lorsque leur exploitant était un loueur professionnel au sens du premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 49-458 du 2 avril 1949 (N° Lexbase : L7091AZN), c'est-à-dire, un "bailleur qui loue habituellement plusieurs logements meublés, que la location s'accompagne ou non de prestations secondaires telles que location de linge, nettoyage des locaux, préparations culinaires".

En dehors de cette hypothèse du loueur professionnel, la transformation d'un local à usage d'habitation en meublé restait, a contrario, en principe possible. L'ancien article L. 631-7, 1°, disposait également expressément que cette interdiction ne s'appliquait pas au "bailleur d'une ou plusieurs pièces de sa propre habitation, même isolées, ni le bailleur de moins de quatre pièces dont il a recouvré la disposition en application des articles 1er et 2 de la loi n° 54-781 du 2 août 1954" (loi n° 49 -458 du 2 avril 1949, art. 2, al. 2). Le local restait affecté, en effet, à un usage d'habitation.

L'affectation de ces locaux n'était pas non plus considérée comme commerciale ou professionnelle dans la mesure où, parallèlement, le point 2° de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, dans son ancienne rédaction, disposait que les meublés, hôtels, pensions de famille ou établissements similaires, s'ils ne conservaient pas leur destination primitive, ne pouvaient être affectés à une autre destination que celle d'habitation. L'interdiction était générale et ne concernait pas seulement les établissements exploités par un loueur professionnel.

Les nouvelles dispositions de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ignorent cette catégorie intermédiaire de locaux.

Elles incluent, dans la liste des locaux à usage d'habitation, les locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6983G7R), c'est-à-dire, à tout type de location d'un logement meublé qui s'accompagne ou non de prestations secondaires, dès lors que le logement loué constitue la résidence principale du locataire.

Par conséquent, la transformation d'un local à usage d'habitation en meublé semble devenir possible, même lorsqu'il s'agit d'une location d'un meublé par un loueur professionnel, dans la mesure où le local reste, aux termes de la définition du nouveau texte, un local à usage d'habitation. La deuxième phrase du 6ème alinéa de l'ancien article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, qui accordait un droit au maintien dans les lieux à l'occupant d'un local à usage d'habitation irrégulièrement transformé en meublé, a d'ailleurs été supprimée (voir infra, 2. Les sanctions du changement d'affectation prohibé).

Il est à relever que l'article L. 632-1 du Code de la construction et de l'habitation a été récemment modifié par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49) dans le sens d'une extension du champ d'application des mesures protectrices des occupants de meublés puisque désormais, ces dernières s'appliquent à tout type de location en meublé, dès lors que le locataire y a sa résidence principale et non plus seulement en présence d'un bailleur louant habituellement plus de quatre logements meublés.

Le nouveau texte est, par ailleurs, muet sur les hôtels, pensions de famille ou autres établissements similaires, à l'exception des foyers-logements expressément qualifiés par le texte de local à usage d'habitation. Doivent-ils, par conséquent, être qualifiés de locaux à usage d'habitation, auquel cas la transformation d'un local d'habitation, au sens de l'ancien texte, en hôtel ou pensions de famille devrait être possible ? Une réponse certainement négative doit être apportée, au moins en ce qui concerne les hôtels pour lesquels cette qualification est difficilement envisageable. Dans ce cas, ce type d'établissement devrait pouvoir être affecté ou transformé en tout type de local à usage commercial.

1.2.1.5 - Les locaux à usage professionnel ou administratif

L'article L. 631-7, 2°, du Code de la construction visait également, à côté des meublés, hôtels, pensions de famille et établissements similaires, les locaux à usage professionnel ou administratif. Ces derniers, à l'instar des premiers, s'ils ne gardaient pas leur usage primitif, ne pouvaient être affectés à un usage autre que l'habitation.

Ce texte semblait distinguer l'activité professionnelle et l'activité commerciale, un local affecté à la première ne pouvant, en principe, être affecté à la seconde.

Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 décembre 1995 (Cass. civ. 3, 20 décembre 1995, n° 94-12.897, Cabinet ASPE c/ Société Savoie Gascogne N° Lexbase : A8500ABG) a précisé que la notion de local professionnel devait s'entendre comme s'agissant du local où s'exerce régulièrement une profession qu'elle soit ou non commerciale, le changement de nature de l'activité professionnelle n'entraînant pas changement de destination au sens de l'article L 631-7 du Code de la construction et de l'habitation.

La distinction devait donc porter entre l'activité professionnelle, qui pouvait englober une activité commerciale, et celle qui ne l'était pas. Sur ce point, les commentateurs de cette décision avaient précisé que si la notion de local professionnel incluait les bureaux commerciaux, elle excluait les boutiques et les surfaces de vente, ces dernières posant, en outre, un problème de qualification (voir, par exemple, G. Liet-Veaux, JCP éd. G. 1996, II, 22637).

Les nouvelles dispositions de l'ordonnance du 8 juin 2005 ignorent la notion d'usage professionnel. Par conséquent, il semble que le local affecté à un tel usage puisse être librement transformé ou affecté à tout usage commercial, c'est-à-dire, être utilisé en tant que surface de vente.

Enfin, dans son ancienne rédaction, l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation disposait également que les locaux administratifs ne pouvaient, en cas de changement d'affectation, être affectés à un autre usage que celui d'habitation. La notion de local administratif n'avait fait l'objet d'une définition que par la circulaire du 27 juin 1962 abrogée (G. Liet-Veaux, J.-Cl. Construction-Urbanisme, Changement d'affectation des immeubles, Fasc. 30, n° 42). Cette dernière indiquait que les locaux à usage administratif étaient les locaux utilisés par un organisme administratif privé que son caractère juridique et le régime fiscal auquel il est soumis ne permettaient pas de considérer comme présentant un caractère commercial (syndicat professionnel, associations régies par la loi du 1er juillet 1901, société civile, etc.) et par ceux occupés par les administrations publiques sous réserve des locaux commerciaux occupés par des services ou organismes à caractère industriel ou commercial.

Cette catégorie des locaux administratifs n'a pas été reprise dans le nouveau texte.

En revanche, l'ordonnance du 8 juin 2005 a créé une disposition spécifique qui soustrait à la police de l'affectation, à certaines conditions, les locaux appartenant à une personne publique qui ont fait l'objet d'une cession.

1.2.1.6 - L'exclusion de certains locaux appartenant à une personne publique

L'ordonnance du 8 juin 2005 a ajouté un nouvel alinéa à l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, aux termes duquel "les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux locaux appartenant à une personne publique, affectés à un autre usage que l'habitation à la date de leur cession et dont le produit de la cession donne lieu au versement d'une recette non fiscale au profit du budget de l'Etat. Elles demeurent inapplicables aux locaux qui auront fait l'objet d'une telle cession".

L'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2003 n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 (N° Lexbase : L6330DME) avait déjà rendu les dispositions de l'article L. 631-7, 2°, du Code de la construction et de l'habitation inapplicables aux locaux appartenant à une personne publique affectés à un autre usage que l'habitation et dont le produit de la cession avait donné lieu au versement d'une recette non fiscale au profit du budget de l'Etat et cédés à compter du 1er janvier 2004.

1.2.2 - Les présomptions

L'ordonnance du 8 juin 2005 introduit un système de présomption dans la détermination de l'affectation d'un local.

Ces présomptions seront précieuses, d'autant que les dispositions de l'ancien article L. 631-7-2 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7695ABM) qui imposaient au préfet de délivrer, sur requête de tout intéressé, un certificat d'affectation, ont été implicitement abrogées.

Par ailleurs, le nouvel article L. 631-7-1, alinéa 3, du Code de la construction et de l'habitation  (N° Lexbase : L6473G9M) rejette expressément le jeu de la prescription trentenaire sur l'affectation du local. La question avait fait l'objet de divergences doctrinales et jurisprudentielles (sur ce point, voir, G. Liet-Veaux, Changement d'affectation des immeubles, J.-Cl. Construction-Urbanisme, Fasc. 30, n° 52 et ss.).

1.2.2.1 - Les présomptions générales

Est réputé entrer dans la catégorie de local à usage d'habitation, le local affecté à cet usage depuis le 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. En pratique, il pourra s'agir, par exemple, d'une chaîne de baux commerciaux.

Cette date correspond à l'année au cours de laquelle la déclaration d'affectation des locaux par les propriétaires a été obligatoire.

En outre, les locaux construits postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction a été autorisée.

1.2.2.2 - La modification de la présomption générale à la suite d'une compensation

Une exception à ces présomptions est néanmoins prévue. En effet, lorsqu'une autorisation administrative, subordonnée à une compensation, a été accordée après la date de référence, vraisemblablement le 1er janvier 1970, pour changer l'usage d'un local à usage d'habitation, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de la compensation (CCH, art. L. 631-7, al. 4 ).

Une circulaire du 27 juin 1962 subordonnait l'octroi des autorisations préfectorales au changement d'affectation à des conditions strictes, notamment celle de la compensation de toute perte de logement résultant d'une transformation ou d'une démolition par la construction de nouveaux locaux d'habitation. Ce mécanisme de compensation a été repris et détaillé dans la circulaire n° 72-158 du 3 octobre 1972 (voir également, à Paris, la circulaire n° 89-69 du 3 novembre 1989) et aménagé par cette dernière sous deux formes : investissement direct (construction de logement, remise de locaux commerciaux à l'habitation, etc.) ou indirect (versement de sommes d'argent à des organismes construisant des logements sociaux), cette dernière forme de compensation ayant été jugée illégale par le Conseil d'Etat (voir, par exemple, CE Contentieux, 6 mars 1992, n° 69902, Sieurs Mérand et Morvan N° Lexbase : A5401ARH).

Le nouvel alinéa 4 de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation reconnaît in fine le mécanisme de la compensation directe et cristallise les situations qui en sont résultées : le local nouvellement affecté à l'habitation et celui affecté en échange à un autre usage en vertu à la suite d'une compensation sont réputés être affectés chacun à ce nouvel usage. Là encore, le texte emploi le terme "réputé", ce qui laisse présager la possibilité d'apporter une preuve contraire si la situation a évolué depuis le changement résultant de la compensation.

Le nouvel article L. 631-7-1 du Code la construction et de l'habitation reconnaît, également, expressément, le mécanisme de la compensation et y accorde un effet important puisque, lorsqu'elle aura lieu, l'autorisation ou la dérogation au changement d'affectation devient attachée au local et non à la personne. L'article 2, II, de l'ordonnance du 8 juin 2005 rend cette solution applicable aux autorisations définitives accordées avant son entrée en vigueur et qui ont donné lieu à compensation (voir la deuxième partie).

2. Les sanctions du changement d'affectation prohibé

Les sanctions du changement d'affectation prohibé n'ont fait, pour l'essentiel, l'objet d'aucune modification.

Les dispositions de l'article L 631-7 du Code de la construction et de l'habitation selon lesquelles "sont nuls de plein droit, tous accords ou conventions conclus en violation du présent article" ont été maintenues.

La jurisprudence, qui avait précisé que cette nullité était d'ordre public (Cass. com., 2 juillet 1963, n° 61-11.486, Epoux O'Donovan c/ Veuve Martin N° Lexbase : A2829AUC), pouvant être invoquée par quiconque, y compris par le bailleur (Cass. civ. 3, 24 juin 1992, n° 90-21.276, Société L'Immobilier Rationnel Lira et autre c/ Epoux Markovic N° Lexbase : A4323ABQ) ou par le syndicat des copropriétaires (Cass. civ. 3, 15 janvier 2003, n° 01-03.076, FS-P+B N° Lexbase : A6822A4G) devrait continuer à s'appliquer.

En revanche, les dispositions de l'ancien article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation qui prévoyaient que, en dépit de cette nullité, "le locataire ou occupant d'un local d'habitation irrégulièrement transformé en meublé et réaffecté à la location nue [bénéficiait] de plein droit, quelle que soit la date de son entrée dans les lieux, du maintien dans les lieux dans les conditions prévues aux chapitres Ier et II du titre Ier de la loi [...] du 1er septembre 1948" n'ont pas été reprises. En effet, désormais, l'affectation d'un local "à usage d'habitation", au sens de l'ancien texte, en local meublé, est toujours possible, la catégorie du local meublé ayant été intégrée dans celle du local à usage d'habitation (cf. supra).

Enfin, la violation du seul article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation reste sanctionnée par une amende civile de 22 500 euros et le contrevenant devra réaffecter les locaux à leur usage antérieur ou dans le délai imparti par le juge, l'administration pouvant procéder d'office, au-delà de ces délais, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires aux frais de celui-ci (CCH, art. L. 651-2 N° Lexbase : L7746ABI).

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Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

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Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.