La lettre juridique n°152 du 27 janvier 2005 : Social général

[Textes] Fiche n° 2 : la réforme des contrats de travail spéciaux par la loi de cohésion sociale

Réf. : Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49)

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[Textes] Fiche n° 2 : la réforme des contrats de travail spéciaux par la loi de cohésion sociale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3207127-textes-fiche-n-2-la-reforme-des-contrats-de-travail-speciaux-par-la-loi-de-cohesion-sociale
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace

le 07 Octobre 2010

La loi de cohésion sociale achève l'entreprise de refonte des contrats de travail spéciaux, menée par le législateur depuis deux ans. De tous ces contrats, il ne reste presque plus de dispositifs connus. Les principales étapes sont la refonte des contrats de formation en alternance par le contrat de professionnalisation (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 N° Lexbase : L1877DY8, art. 13, abrogeant les articles L. 981-1 N° Lexbase : L4799DZR à L. 981-12 du Code du travail ; décret n° 2004-968 du 13 septembre 2004 relatif au contrat et à la période de professionnalisation N° Lexbase : L7733GTL ; décret n° 2004-1004 du 23 septembre 2004 portant modification du régime de l'aide à la création d'entreprise N° Lexbase : L7819GTR ; décrets n° 2004-815 et n° 2004-816 du 18 août 2004 portant réforme du CEC N° Lexbase : L0843GTE et du CES N° Lexbase : L0844GTG ; loi nº 2003-1200 du 18 décembre 2003, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité N° Lexbase : L9700DLT ; décrets d'application du 29 mars 2004). La loi de cohésion sociale confirme, pourtant, que cette intense activité législative se fait, en réalité, à droit constant : de manière générale, exception faite de certains dispositifs réellement exceptionnels tel que le Cirma, les nouveaux dispositifs ne constituent qu'un habillage nouveau, le principe et le contenu restant identiques. Aussi, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est probable que la mise en oeuvre des contrats donnera lieu aux mêmes difficultés. Portées devant les juridictions, elles appelleront les mêmes solutions. La jurisprudence élaborée par la Cour de cassation, à l'occasion des contrats de travail spéciaux, mêmes aujourd'hui abrogés, garde ainsi tout son intérêt et toute sa pertinence.

1. Nouveaux contrats de travail spéciaux pour les allocataires de minima sociaux

1.1. Contrats de travail spéciaux dans le secteur non-marchand

  • Remplacement du CES et CES par le contrat d'accompagnement dans l'emploi

La loi de cohésion sociale a procédé à un important travail de refonte des contrats de travail spéciaux destinés aux personnes les plus éloignées de l'emploi : les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emploi-consolidé (CEC). Le nouveau contrat initiative-emploi regrouperait les CIE, Sife et SAE en un contrat unique pour le secteur marchand.

L'article L. 322-4-7 nouveau du Code du travail regroupe tous ces dispositifs, pour mettre en place un unique contrat d'accompagnement dans l'emploi. Les employeurs visés sont les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public. Les salariés bénéficient d'actions d'orientation et d'accompagnement professionnel et de validation des acquis de l'expérience nécessaires à la réalisation du projet professionnel de l'intéressé.

Le contrat de travail est un contrat de droit privé à durée déterminée, passé en application de l'article L. 122-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5454ACY). Sa durée ne peut être inférieure à 6 mois et il ne peut être conclu pour pourvoir des emplois dans les services de l'Etat. Ces contrats d'accompagnement portent sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. La durée hebdomadaire du travail des personnes embauchées dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi ne peut être inférieure à 20 heures, sauf lorsque la convention le prévoit en vue de répondre aux difficultés particulièrement importantes de la personne embauchée.

Les bénéficiaires de contrats d'accompagnement dans l'emploi perçoivent un salaire égal au Smic horaire. L'Etat prend en charge une partie du coût afférent aux embauches : l'aide peut être modulée en fonction de la catégorie à laquelle appartient l'employeur, des initiatives prises en matière d'accompagnement et de formation professionnelle en faveur du bénéficiaire, des conditions économiques locales et de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi.

Bref, la loi de cohésion sociale n'apporte aucune plus value juridique au régime de ce contrat, dont on peut raisonnablement escompter les mêmes difficultés d'application et, donc, les mêmes questions posées au contentieux. Le seul intérêt réside dans la simplification des dispositifs antérieurs.

  • Nouveau contrat de travail : le contrat d'avenir

Le contrat d'avenir est destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiant du revenu minimum d'insertion, de l'allocation spécifique de solidarité ou de l'allocation de parent isolé. Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. Le département ou la commune de résidence du bénéficiaire ou l'établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune assure la mise en oeuvre du contrat d'avenir.

La conclusion de chaque contrat d'avenir est subordonnée à la signature d'une convention avec le bénéficiaire, qui s'engage à prendre part à toutes les actions qui y sont prévues. Cette convention définit le projet professionnel proposé au bénéficiaire du contrat d'avenir. Elle fixe, notamment, les conditions d'accompagnement dans l'emploi du bénéficiaire et les actions de formation ou de validation des acquis de l'expérience qui doivent être mises en oeuvre. La convention est conclue pour une durée de 2 ans ; elle est renouvelable pour une durée de 12 mois. La situation du bénéficiaire du contrat d'avenir est réexaminée tous les 6 mois.

Le contrat d'avenir est un contrat de travail de droit privé à durée déterminée. Conclu pour une durée de 2 ans, il peut être renouvelé dans la limite de 12 mois. Pour les bénéficiaires âgés de plus de 50 ans, la limite de renouvellement peut être de 36 mois. La période d'essai du contrat d'avenir est fixée à 1 mois.

La durée hebdomadaire du travail, fixée à 26 heures, peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat et à condition que, sur toute cette période, elle n'excède pas en moyenne 26 heures. Ce contrat prévoit obligatoirement des actions de formation et d'accompagnement au profit de son titulaire, qui peuvent être menées pendant le temps de travail et en dehors de celui-ci. Le bénéficiaire du contrat d'avenir, sous réserve de clauses contractuelles plus favorables, perçoit une rémunération égale au Smic horaire.

Le contrat d'avenir, conclu pour une durée déterminée, peut être rompu avant son terme, à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie d'une embauche pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée au moins égale à 6 mois, ou du suivi d'une formation conduisant à une qualification mentionnée aux quatre premiers alinéas de l'article L. 900-3 (N° Lexbase : L4632DZL). A la demande du salarié, le contrat d'avenir peut être suspendu afin de lui permettre d'effectuer une période d'essai afférente à une offre d'emploi visant une embauche, en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à 6 mois. En cas d'embauche à l'issue de cette période d'essai, le contrat est rompu sans préavis.

L'employeur bénéficie d'une aide qui lui est versée par le débiteur de l'allocation perçue par le bénéficiaire du contrat. Le montant de cette aide est égal à celui de l'allocation de revenu minimum d'insertion garanti à une personne isolée (article L. 262-2 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L3240DYN). Il perçoit de l'Etat, également, une aide dégressive avec la durée du contrat dont le montant ne peut excéder le niveau de la rémunération versée à l'intéressé. L'Etat apporte une aide forfaitaire à l'employeur en cas d'embauche du bénéficiaire sous contrat à durée indéterminée dans des conditions précisées par la convention (prévue à l'article L. 322-4-11 N° Lexbase : L6149ACQ).

1.2. Contrats de travail spéciaux dans le secteur marchand

  • Contrat initiative-emploi

Poursuivant un objectif louable de simplification et de rationalisation des dispositifs de contrats aidés, la loi de cohésion sociale a regroupé sous le label unique du "contrat initiative-emploi" certains contrats aidés : l'ancien contrat initiative-emploi, le stage d'accès à l'entreprise (SAE) et le stage individuel et collectif d'insertion et de formation à l'emploi (Sife). Les conditions posées au recours au CIE sont reconduites, ainsi que les traits principaux du régime juridique du contrat de travail (durée du contrat, statut du salarié, rémunération...). Les modifications apportées par la loi de cohésion sociale portent sur le régime de la suspension et de la rupture anticipée, ainsi que l'aide de l'Etat.

  • Cirma

Le contrat insertion - revenu minimum d'activité a été mis en place par la loi du 18 décembre 2003 (loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité N° Lexbase : L9700DLT). La loi de cohésion sociale recentre ce dispositif sur le secteur marchand (alors qu'auparavant, il concernait, indifféremment, secteurs marchands et non-marchands) et élargit le champ de ses bénéficiaires (titulaires de l'allocation spécifique de solidarité et titulaire de l'allocation de parent isolé).

Attentif aux critiques émises sur la protection sociale des bénéficiaires du Cirma, le législateur a apporté de sensibles modifications. Les droits sociaux des bénéficiaires de ce contrat, jusque-là calculés sur une partie seulement du revenu d'activité, sont désormais calculés sur la totalité de ce revenu. La condition d'ancienneté dans le dispositif, qui est fixée à 12 mois au cours des 24 derniers mois par l'article D. 322-22-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7163DYX), est ramenée à 6 mois, comme ce sera le cas pour le nouveau contrat d'activité.

2. Contrats spéciaux destinés à l'insertion des jeunes

2.1. Droit à un accompagnement professionnel

La loi de cohésion sociale a innové totalement, en créant un droit au profit de toute personne de 16 à 25 ans révolus, en difficulté, et confrontée à un risque d'exclusion professionnelle, à un accompagnement organisé par l'Etat, ayant pour but l'accès à la vie professionnelle (C. trav., art. L. 322-4-17-1).

Cet accompagnement est mis en oeuvre par les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation. Pour chaque bénéficiaire de niveau V bis et VI, cet accompagnement est personnalisé, renforcé et assuré par un référent.

2.2. Contrat d'insertion dans la vie sociale

Le Civis comportait trois dispositifs : un dispositif destiné aux associations, visant les jeunes porteurs d'un projet social ou humanitaire (décret n° 2003-644 du 11 juillet 2003 relatif à l'insertion des jeunes dans la vie sociale N° Lexbase : L9288BHH) ; un dispositif "accompagnement vers l'emploi", dans le prolongement de feu le programme Trace, jamais mis en oeuvre, faute de décret d'application et, enfin, une dimension "aide à la création d'entreprise", là aussi jamais mise en oeuvre, faute de décret d'application.

La loi de cohésion sociale a réactivé cette deuxième dimension du Civis. A cet effet, les jeunes de 16 à 25 ans révolus, dont le niveau de qualification est inférieur ou équivalent à un diplôme de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel ou n'ayant pas achevé le premier cycle de l'enseignement supérieur et rencontrant des difficultés particulières d'insertion sociale et professionnelle, peuvent bénéficier d'un contrat d'accompagnement dénommé "contrat d'insertion dans la vie sociale", conclu avec l'Etat.

Ce contrat prévoit les engagements du bénéficiaire pour la mise en oeuvre de son projet d'insertion professionnelle, les actions engagées par l'Etat à cet effet et les modalités de leur évaluation. Il peut être précédé d'une période d'orientation de 3 mois au cours de laquelle est élaboré le projet d'insertion. Les bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale sont affiliés au régime général de Sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 962-1 (N° Lexbase : L4651DZB) et L. 962-3 (N° Lexbase : L1737GUU), pour les périodes pendant lesquelles ils ne sont pas affiliés, à un autre titre, à un régime de Sécurité sociale.

Les titulaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale âgés de 18 à 25 ans révolus peuvent bénéficier d'un soutien de l'Etat sous la forme d'une allocation versée pendant les périodes durant lesquelles les intéressés ne perçoivent ni une rémunération au titre d'un emploi ou d'un stage, ni une autre allocation.

Il faut reconnaître que, contrairement aux objectifs affichés par le législateur de simplification du droit, le résultat ici est loin d'être atteint : il est difficile de justifier pourquoi le Civis comporte trois sous-ensembles, qui sont, en réalité, trois contrats de travail spéciaux. Il en résulte une complexité sémantique qui, nécessairement, engendrera des difficultés d'application, faute de lisibilité.

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