La lettre juridique n°152 du 27 janvier 2005 : Fiscalité des entreprises

[Textes] Le nouveau régime des plus-values à long terme des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés

Réf. : Loi de finances rectificative pour 2004, n°2004-1485, 30 décembre 2004, art. 39 (N° Lexbase : L5204GUB)

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par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste

le 07 Octobre 2010

Bien qu'il ait été intégré au débat budgétaire par le chemin détourné d'un amendement sénatorial, l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2004 est l'une des dispositions fiscales importantes votées en fin d'année dernière, puisqu'il réforme en profondeur le régime fiscal des plus-values à long terme des entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés. Il prévoit en effet un certain nombre d'aménagements qui vont radicalement changer la donne pour les entreprises :
  • une baisse de 19 % à 15 % du taux d'imposition des plus-values à long terme s'applique pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005 ;
  • une imposition séparée des plus-values de cession de titres de participation est instaurée. Pour les exercices ouverts en 2006, ces plus-values seront taxées au taux réduit de 8 % ; et pour les exercices ouverts à compter de 2007, elles seront exonérées exception faite d'une quote-part de frais et charges ;
  • l'obligation de doter la réserve spéciale des plus-values à long terme est supprimée pour les exercices ouverts depuis 2004 ;
  • enfin, une taxe exceptionnelle de 2,5 % sur les réserves existant au bilan de clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2004 est créée. Ce prélèvement s'applique, toutefois, dans la limite de 200 millions d'euros et sous déduction d'un abattement de 500 000 euros.

Ce nouveau régime va incontestablement dans le sens d'une meilleure compétitivité fiscale des entreprises françaises au plan européen.

1. Rappel du régime antérieur

La fiscalité des plus-values professionnelles n'est pas homogène puisqu'elle distingue, d'une part, les plus et moins values à long terme qui sont soumises à un régime de taxation réduite et, d'autre part, les plus et moins values à court terme qui sont soumises à un régime fiscal semblable à celui des bénéfices et pertes d'exploitation. Si cette différence de traitement s'applique clairement pour les plus-values réalisées par les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu, il en va différemment pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. En effet, pour ces sociétés, le champ d'application du régime des plus-values à long terme a été au fil du temps sérieusement restreint.

Ainsi, pour les plus-values réalisées au cours des exercices ouverts à partir du 1er janvier 1997 par des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, seules relèvent de ce régime :

  • les plus-values de cession de titres de participation, ainsi que des parts ou actions de certains fonds commun de placement à risques (FCPR) répondant aux conditions prévues au II-1° bis de l'article 163 quinquies B du CGI et les actions de sociétés de capital-risque (SCR), lorsque ces parts sont détenues depuis au moins 5 ans ;
  • le résultat net des concessions de licences d'exploitation de brevets, d'inventions brevetables ou de procédés de fabrication ;
  • certains dividendes de sociétés de capital-risque.

De plus, pour bénéficier de ce taux réduit fixé à 19 %, les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés sont dans l'obligation de porter ces plus-values pour leur montant net à la réserve spéciale des plus-values à long terme.

2. Le nouveau régime de la réserve spéciale

L'article 39 de la loi de finances pour 2004 supprime l'obligation de doter la réserve spéciale des plus-values à long terme pour les plus-values réalisées au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2004.

En pratique, cela signifie pour les sociétés qu'elles ne sont plus obligées de maintenir ces plus-values investies dans l'entreprise et qu'elles peuvent, donc, les distribuer sans qu'aucune réintégration au résultat imposable n'ait à être opérée. De plus, compte tenu de la réforme du régime fiscal des distributions votée dans le cadre de la loi de finances 2004, le montant de ces plus-values pourra être distribué sans qu'aucun impôt de distribution ne soit exigible. Attention, toutefois, ces distributions ne pourront être réalisées sans aucun coût fiscal qu'à compter de 2006. En effet, pour les distributions mises en paiement en 2005, qui n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux normal, le prélèvement exceptionnel de 25 %, qui se substitue au précompte pour cette année de transition, s'applique (Sophie Duval, Précisions sur la réforme du régime fiscal des distributions, Lexbase Hebdo n° 151, du 20 janvier 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N4321ABN).

En contrepartie de la suppression de la dotation de la réserve spéciale, est instaurée une taxe exceptionnelle de 2,5 % sur le montant de la réserve spéciale des plus-values à long terme figurant au passif du bilan de la société à la clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2004, retenue dans la limite de 200 millions d'euros et sous déduction d'un abattement de 500 000 euros.

Compte tenu du montant élevé de cet abattement, seules 10 % des entreprises devraient, en réalité, s'acquitter de cette taxe. Par ailleurs, les entreprises, dont le montant figurant au compte de réserve spéciale est supérieur à 200 millions d'euros, peuvent ne pas être imposées sur l'intégralité des sommes présentes dans leur réserve spéciale. Elles pourront choisir, avant le 31 décembre 2006, soit de maintenir les sommes qui excèdent ce seuil dans la réserve, soit de payer le prélèvement exceptionnel sur ces sommes. Enfin, il est à noter que dans le cas particulier des groupes intégrés, chaque membres du groupe sera soumis à la taxe exceptionnelle au titre de sa propre réserve spéciale dotée au cours d'exercices antérieures à son intégration. Le plafond de 200 millions d'euros s'appréciera, donc, société par société, et non en faisant la somme des réserves spéciales figurant au bilan de chaque société membre.

En pratique, les entreprises devront transférer les sommes présentes dans la réserve spéciale sur un compte de réserve ordinaire avant le 31 décembre 2005. En cas de non respect de cette obligation, la loi prévoit une sanction très sévère, puisque le montant de la taxe sera doublé. Pour les entreprises réfractaires, le taux de la taxe s'élèvera, alors, à 5 %.

Le paiement de cette taxe, qui sera établie, contrôlée et recouvrée selon les règles applicables à l'impôt sur les sociétés, interviendra en deux fois, le 15 mars 2006 pour la première moitié et le 15 mars 2007 pour le solde. Attention, la taxe ne pourra donner lieu à aucune imputation ou restitution. Elle ne pourra être acquittée au moyen de crédit d'impôt et l'IFA ne sera pas non plus imputable sur ce prélèvement.

3. Les nouveaux taux d'imposition des plus-values à long terme

Si la baisse du taux d'imposition des plus-values à long terme de 19 % à 15 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005 est une mesure qui ne pourra que satisfaire les entreprises, c'est surtout la création d'un régime d'imposition séparée pour certains titres de participation qui est remarquable.

La baisse du taux réduit à 15 % concerne tous les produits et plus-values relevant actuellement du taux de 19 %, c'est-à-dire les plus-values de cession de titres de participation définis à l'article 219 I-a ter du CGI , les plus-values de cession de parts ou d'actions de FCPR ou de sociétés de capital-risque, certains produits de la propriété industrielle et certains dividendes distribués par les sociétés de capital-risque. Et, à la différence du régime antérieur, compte tenu de la suppression de l'obligation de doter la réserve spéciale, le bénéfice de ce taux réduit est définitivement acquis dès l'exercice de constatation du produit éligible.

L'imposition séparée des plus-values sur les titres de participation comprend deux étapes successives : pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net de ces plus-values fera l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %, puis, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, ces plus-values seront totalement exonérées, sous réserve d'une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession, qui sera incluse dans le résultat imposé dans les conditions de droit commun.

Ce nouveau régime étant strictement réservé aux plus-values long terme afférentes à des titres de participation, les titres cédés doivent être détenus depuis au moins 2 ans par l'entreprise cédante et correspondre à la définition de "titres de participation" définie par le nouvel article 219, I du CGI. Selon ce texte, sont ainsi concernés, les titres de participation qui revêtent ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participations ou à une subdivision d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable.

Attention, cet article exclut, de la définition des titres de participation, les titres des sociétés à prépondérance immobilière, ainsi que les titres de participation dont le prix de revient est au moins égal à 22,8 millions d'euros mais représentent moins de 5 % du capital. Ces derniers types de titres, qui, en revanche, entrent dans la définition des titres de participation donnée par l'article 219, I-a ter du CGI, relèveront donc, à compter de 2005, du régime de droit commun des plus-values à long terme taxables au taux de 15 %.

Le nouveau régime d'imposition séparé s'appliquera à toutes les plus-values nettes à long terme afférentes à des titres de participation, quelle que soit l'opération dont elles résultent (cession, apport, dotation et reprise de provisions pour dépréciation de titres de participation relevant du régime du long terme).

Par ailleurs, sont concernées, par ce régime d'imposition séparée, non seulement les plus-values constatées au cours d'exercices ouverts à compter de 2006, mais, également, les plus-values sur titres de participation, qui bénéficient d'un sursis ou d'un report d'imposition pour une opération antérieure à 2006. Ceci constitue une excellente nouvelle pour les entreprises car disparaît, ainsi, à compter de 2007, la fiscalité latente liée à des opérations de restructuration ou résultant de certains régimes de report d'imposition. De nombreuses opérations, dont la réalisation était jusqu'à présent freinée par cet obstacle fiscal, pourront, donc, être envisagées !

Enfin, il est à noter, qu'à compter de 2007, l'exonération des plus-values sur titres de participation devenant la règle générale, les mesures de faveur permettant aux entreprises de bénéficier de report ou de sursis d'imposition seront obsolètes. En effet, dès lors que les entreprises bénéficieront pour les plus-values de titres de participation d'une exonération totale, elles n'auront plus intérêt à se placer sous des régimes spéciaux, dont l'application est subordonnée à de nombreuses conditions contraignantes.

Attention, toutefois, l'exonération prévue par l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2004 n'est pas totale, puisqu'une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession sera tout de même incorporée au résultat imposable de chaque exercice au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, pour conserver sa cohérence à l'ensemble du système, le régime des moins-values à long terme reportables a dû, également, faire l'objet de quelques adaptations. Il est, en effet, prévu une sectorisation des moins-values en report au début de l'exercice 2006. Ainsi, ces moins-values obéiront à des règles d'imputation différentes selon qu'elles ont attrait à des éléments relevant du secteur imposable au taux de 15 % ou aux éléments imposables séparément. A l'ouverture de l'exercice 2006, les entreprises devront donc, en fonction de ces règles, procéder à la détermination de la fraction des moins-values en instance de report qui sera imputable sur les plus-values imposées à 15 %.

Les conséquences favorables de cette réforme des plus-values à long terme ne manqueront pas de se révéler aux chefs d'entreprise au fur et à mesure de son entrée en vigueur. D'ores et déjà, il peut être signalé que ces dispositions sont de nature à encourager un certain dynamisme économique en permettant, par exemple, aux entrepreneurs, dont l'objectif est de créer une activité puis de la vendre pour repartir sur un autre projet, de le faire à moindre coût fiscal. Dans ce cas, l'entrepreneur devra créer, en même temps que sa société d'exploitation, une société holding qui, lorsqu'il désirera se retirer de cette activité, cédera ses titres de participation pour lesquels, à compter de 2007, l'imposition des plus-values sera quasiment nulle !

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