La lettre juridique n°152 du 27 janvier 2005

La lettre juridique - Édition n°152

Table des matières

"Cohésion sociale" : une édition spéciale pour une loi d'envergure

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N4427ABL

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par Charlotte Figerou, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


Annoncée depuis longtemps par le Gouvernement, vivement attendue par les uns, appréhendée par les autres, passée au peigne fin par les juges du Conseil constitutionnel, la fameuse loi de cohésion sociale a -enfin- vu le jour la semaine dernière, après avoir beaucoup fait parler d'elle. Datée du 18 janvier 2005 et publiée le lendemain au Journal officiel, cette loi marque une étape majeure dans l'évolution du droit social. La lecture du texte est éloquente : les domaines visés sont aussi nombreux que variés. Pour s'en tenir aux dispositions sociales, c'est d'abord le grand licenciement économique qui est réformé en profondeur. Mais, toutes aussi capitales sont les réformes entreprises par le législateur en matière de contrats de travail spéciaux, d'intérim, de chômage ou encore d'apprentissage. Certains domaines relatifs à la durée du travail n'ont pas non plus échappé à l'emprise du législateur : tel est le cas, par exemple, du régime applicable au travail de nuit ou au temps de trajet du salarié. Les relations collectives de travail, la Sécurité sociale sont, également, présentes au coeur du dispositif, ce qui accentue d'autant plus l'ampleur de la réforme. Aussi, afin d'appréhender au mieux les principaux volets de cette gigantesque entreprise, Lexbase Hebdo - édition sociale propose à ses lecteurs, cette semaine, un numéro social "Cohésion sociale", qui leur permettra d'y voir plus clair sur l'ensemble des dispositifs ici évoqués.

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Sociétés

[Focus] Lenteur, vitesse et précipitation : quand le droit des sociétés cherche son rythme ...

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N4400ABL

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par Jean-Philippe Dom, Maître de conférences à l'Université de Caen

Le 07 Octobre 2010


Les réformes législatives se suivent et, malheureusement, leurs accompagnements techniques se ressemblent. Trois exemples suffiront à illustrer un propos qui tient lieu d'humeur (plutôt mauvaise...). Il a fallu trente ans pour adopter, au sein de l'Union européenne, la société européenne. La doctrine française a donc salué avec justesse l'avènement de la societas europaea avec le règlement communautaire n° 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (N° Lexbase : L1040AWG ; JOCE, 10 novembre 2001, L 294/1) et la directive 2001/86/CE du Conseil, du 8 octobre 2001 complétant le statut de la Société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs (N° Lexbase : L5882A4M ; JOCE, 10 novembre 2001, L 294/22). Après trente années de négociations, ces textes ont finalement été adoptés à la hâte, notamment parce que l'Espagne en a finalement accepté le principe après que la France lui ait assuré de mettre en oeuvre de nouvelles dispositions contre les terroristes de l'E.T.A.

Ce n'est pas tant leur contenu qui importe aujourd'hui -celui-ci a d'ores et déjà été largement analysé par la doctrine (1)- que les suites qui devaient être données pour que cette nouvelle réglementation devienne effective dans l'ordre interne français. Suivant la directive, "les Etats membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 8 octobre 2004" (directive, art. 14). Ce n'était qu'en raison d'une erreur de traduction dans la version française du règlement que la date du 8 octobre 2001 avait été retenue. Dans les autres traductions du règlement, la date du 8 octobre 2004 figure à l'article 70. Le 8 octobre 2004 est loin... Pourtant, les projets n'ont pas manqué. Messieurs les Sénateurs Marini, d'une part, Branger et Hyest, d'autre part, ont, tour à tour, proposé des textes et leur complément nécessaire (proposition de loi relative à la société européenne, texte n° 11 (2003-2004) de M. Philippe Marini, déposé au Sénat le 9 octobre 2003 N° Lexbase : X7537ABR ; proposition de loi portant sur la mise en oeuvre des dispositions de renvoi en droit interne contenues dans le règlement (CE) n° 2157 /2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE) et sur la transposition concomitante de la directive n° 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs, texte n° 152 (2003-2004), présenté par MM. Jean-Guy Branger et Jean-Jacques Hyest ; proposition de loi portant statut d'une société anonyme fermée, texte n° 148 (2003-2004) de MM. Jean-Guy Branger et Jean-Jacques Hyest, déposé au Sénat le 29 juillet 2004). Ce qui était une priorité en 2001 passe, en 2004, après beaucoup de nouvelles urgences... Cela est regrettable, car les pays voisins de la France ne s'y sont pas trompés et ont, justement, vu l'importance économique de l'instrument juridique que constitue la SE. L'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Hongrie, l'Islande, Malte, le Royaume-Uni, la Slovaquie et la Suède se sont dotés d'une réglementation adéquate.

Parmi les urgences qui ont probablement ralenti les débats techniques qui auraient dû entourer la SE, figure à n'en pas douter l'ordonnance n° 2004-604 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer des lois ayant modifié le Code de commerce (N° Lexbase : L5052DZ7 ; JO n° 147, 26 juin 2004). L'élaboration de cette ordonnance (2) n'a pas suivi le processus qui normalement devrait être réservé à un texte censé jeter les bases du droit des investissements privés dans les sociétés commerciales ainsi que, de façon plus indirecte, celles de l'appel public à l'épargne étroitement liées à l'émission de valeurs mobilières. En effet, cette ordonnance est le résultat d'une délégation du pouvoir législatif au pouvoir exécutif en vue de simplifier le droit. Or, l'ordonnance devait être prise "dans les douze mois suivant la publication de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003" (art. 35 de cette même loi N° Lexbase : L6771BHA). Voilà pourquoi, issu de longues réflexions, le texte a finalement été remodelé et adopté dans la précipitation. Sa mise en oeuvre requiert, en de nombreux points, l'adoption d'un décret d'application. De bruit de couloir en bruit de salon, celle-ci est imminente, depuis plus de six mois. En attendant, les émetteurs potentiels d'actions de préférence devront patienter (sur l'émission des actions de préférence subordonnée à la publication du décret d'application, voir QE n° 13390 de Adnot Philippe, JOSEQ 5 août 2004 p. 1766, Justice, réponse publ. 14 octobre 2004 p. 2342, 12e législature N° Lexbase : L3711GUY).

Enfin, la loi de finances pour 2005 met en place, à partir du 1er janvier 2005 un nouveau dispositif permettant de faire des attributions d'actions gratuites aux salariés et aux mandataires sociaux (loi n° 2004-1484, du 30 décembre 2004, loi de finances pour 2005, art. 83 N° Lexbase : L5203GUA ; JO du 31 décembre 2004). La deuxième partie de cette loi est consacrée aux moyens des services et dispositions spéciales. Son "II" contient des "dispositions permanentes", de nature fiscale (A), au détour desquelles on découvre sous l'article 83 que dorénavant, "la sous-section 2 de la section 4 du chapitre V du titre II du livre II du Code de commerce est complétée par un paragraphe 3" intitulé "Des attributions d'actions gratuites". On peut légitimement s'étonner de voir une loi de finances aborder un sujet aussi vaste et délicat que celui de l'actionnariat des salariés et des mandataires sociaux. Au final, c'est tout de même un nouveau moyen de répartition des actions représentatives du capital social qui est élaboré. Initialement, une proposition de loi avait été déposée à l'Assemblée Nationale (proposition de loi relative au développement de l'actionnariat salarié, texte n° 1744 présentée par MM. Edouard Balladur, Jean-Paul Anciaux, Gilles Carrez, Gérard Cherpion, Jacques Godfrain, Alain Juppé, Alain Marsaud et Pierre Méhaignerie). Cette proposition a été renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan "à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus". De nombreuses questions d'ordre juridique et fiscal se posent concernant la mise en oeuvre et l'interprétation de ce texte.

Au final, la politique législative adoptée en France pour le droit des sociétés surprend. Des Etats qui ont pour spécialité d'accueillir les constitutions de sociétés (comme le Delaware aux Etats-Unis d'Amérique) adaptent de façon continue leur réglementation afin que celle-ci soit en parfaite adéquation avec les besoins de la pratique et la jurisprudence. L'importance économique d'un droit des sociétés compétitif dans une Union européenne en pleine construction devrait inciter le législateur à plus de discipline dans la gestion de son calendrier.


(1) Voir sur la question : F. Collin, J.-P. Dom et J.-C. Parot, La société européenne, Actes Pratiques et Ingénierie Sociétaire, n° 63, mai 2002, pp. 5-31. J.-L. Colombani et M. Favero, Societas Europaea, Ed. Joly 2002 et les réf. cit. La société européenne, Actes du Colloque Université Robert Schuman - Centre du droit de l'entreprise, 7 février 2002, Petites affiches, 16 avril 2002, n° 76. E. Morgan de Rivery et C. Stockford, La société européenne, RD aff. Int. 2001, p. 711. M. Menjucq, La société européenne : enfin l'aboutissement !, D. affaires 2001, chron., p. 1085. Voir The European Company all over Europe, De Gruyter Recht, Berlin 2004 ; Adde. La société européenne, Droit et Patrimoine, 1er avril 2004, n° 125.
(2) Voir A. Couret et H. Le Nabasque, Valeurs mobilières - Augmentations de capital - Nouveau régime - Ordonnances des 25 mars et 24 juin 2004 : Francis Lefebvre 2004, spéc. p. 7 et s. T. Bonneau, L'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales : Dr. sociétés 2004, Etude 11. A. Lienhard, Présentation de l'ordonnance réformant les valeurs mobilières : D. 2004, p. 1956. P.-Y. Chabert, Les augmentations de capital après l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales : Bull. Joly 2004, p. 1023, § 209 . Adde. M. Bandrac, P. Birotheau, C. Debin, J.-P. Dom, S. Gaillet, F. Le Roquais, M . Supiot, Le régime et l'émission des valeurs mobilières après les ordonnances de 2004, Actes pratiques - Sociétés - Editions du Juris-Classeur Septembre/Octobre 2004, page 7 ; J.-P. Dom et Y. Paclot, Ordonnance portant réforme du régime des valeurs mobilières : le point sur les obligations de transparence et les augmentations de capital, Lexbase Hebdo n° 133 du 9 septembre 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N2685AB3) ; J.-P. Dom et Y. Paclot, Les nouvelles règles applicables aux valeurs mobilières, Lexbase Hebdo n° 138 du 14 octobre 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N3136ABR).

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Concurrence

[Jurisprudence] Position du Conseil de la concurrence sur les conditions de la concurrence dans le secteur de la grande distribution non spécialisée : un avis injustement occulté

Réf. : Avis Conseil de la concurrence n° 04-A-18, 18 octobre 2004 (N° Lexbase : X4848ACK)

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par André-Paul Weber
Professeur d'économie
Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence

Le 07 Octobre 2010

Dans la tourmente médiatique que la diffusion, en octobre dernier, du rapport Canivet a suscitée -rapport consacré, on le rappelle, à la question de l'opportunité d'une modification du seuil de la revente à perte-, l'avis n° 04-A-18 émis par le Conseil de la concurrence le 17 octobre 2004 est resté inaperçu. Une telle situation est dommageable. L'avis est, en effet, au coeur de la lancinante question des rapports entre producteurs et distributeurs. Il propose une analyse du développement des marges arrière qui, par certains aspects, ne manque pas de surprendre. Mais son intérêt réside surtout dans l'affirmation selon laquelle tout accord interprofessionnel entre producteurs et distributeurs tendant à fixer le niveau des marges arrière, fût-ce sous l'égide des pouvoirs publics, ne met pas les partenaires économiques à l'abri d'une application du droit de la concurrence. I - L'origine et le contenu de la saisine

Sur le fondement de l'article L. 462-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6624AI8, l'Union fédérale des consommateurs (UFC-Que Choisir) a, le 6 juillet 2004, saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis relative aux conditions de concurrence dans le secteur de la grande distribution non spécialisée. Partant du constat voulant que la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, dite loi Galland (loi n° 96-588, 1er juillet 1996, sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales N° Lexbase : L0102BIM) ait emporté des effets pervers (développement des marges arrière et hausse des prix de vente à la consommation), l'UFC-Que Choisir relève que "les pouvoirs publics, prenant acte de l'insatisfaction croissante des consommateurs devant cette montée des prix, [...] ont mis en place une concertation" entre producteurs et distributeurs à laquelle des associations de consommateurs ont participé.

L'auteur de la saisine note, encore, que la concertation a abouti, le 17 juin 2004, à un engagement des parties signataires à "mettre en oeuvre une baisse des prix d'au moins 2 % en moyenne sur les produits de marque des grands industriels, sur la base d'un effort également partagé entre distributeurs et industriels dès septembre 2004". Les parties se sont également engagées, pour 2005, à "geler les marges arrière au niveau de 2004" pour, ensuite, "les réduire de un point en moyenne par transfert sur facture".

C'est sur le fondement de ce constat que l'UFC-Que Choisir a posé deux questions au Conseil de la concurrence.

"1°- Dans le cadre précédemment décrit, le développement des accords de coopération commerciale dans le secteur de la grande distribution non spécialisée générant des marges arrière peut-il avoir pour effet de limiter le libre jeu de la concurrence par les prix et ce au détriment des consommateurs ?
2° - Est-il possible, au moyen d'accord conclu sous l'égide des pouvoirs publics entre des producteurs, certaines de leurs fédérations professionnelles, des distributeurs et leurs fédérations, ainsi que des associations de consommateurs, de fixer le niveau de ces marges arrière sans porter atteinte au libre jeu de la concurrence ?
".

En d'autres termes, le Conseil a été saisi pour savoir en quoi l'accord conclu par les partenaires est, ou non, contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN) lequel prohibe les actions concertées, conventions, ententes ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

II - L'analyse proposée par le Conseil de la concurrence

Juridiquement, et donc prudemment, le Conseil fait tout d'abord observer que, consulté sur le fondement de l'article L. 462-1 du Code de commerce, lequel lui donne une attribution consultative, il ne lui appartient pas de qualifier les pratiques soumises à son examen sur le fondement des articles L. 420-1, L. 420-2 (N° Lexbase : L6584AIP) ou L. 420-5 (N° Lexbase : L6587AIS) du même code. Ce n'est que sur le fondement d'une saisine contentieuse -voire d'une auto-saisine, piste dont l'avis ne fait pas état-, par le moyen donc d'une procédure contradictoire, qu'il lui serait possible de porter une appréciation quant à la régularité des pratiques considérées au regard des dispositions prohibant les ententes illicites et les abus de position dominante.

Cette précaution formulée, le Conseil reprend, tout d'abord, le constat voulant que la période récente se soit caractérisée par un développement massif des marges arrière, passant, s'agissant des produits de marque de notoriété nationale et internationale, en moyenne, de 22 % du prix net facturé en 1998, à 32 % en 2003. Parallèlement, sur la période comprise entre juillet 1998 et juillet 2004, les prix des produits alimentaires (hors produits frais et hors viande) ont crû à un rythme plus rapide que l'indice des prix à la consommation publié par l'INSEE. Ainsi, est-il relevé une concomitance entre le développement des marges arrière et la hausse des prix de vente au consommateur des produits de marque de grande consommation depuis la fin des années 1990.

Au surplus, reprenant à son compte les travaux de l'ILEC (Institut de liaisons et d'études des industries de consommation), le Conseil note qu'il existe une liaison négative entre la hausse des marges arrière et le pouvoir de marché des marques. Plus la marque est puissante, moins la marge est élevée. Les marques phares payent moins de marges arrière que les marques secondes et celles-ci moins que les produits des PME (point 17). Ce point est essentiel, on verra en effet plus avant qu'il relativise dans une large mesure certaines des conclusions formulées dans l'avis examiné. Le Conseil souligne parallèlement que le développement des marges arrière n'est toutefois pas généralisé :

"Les marges arrières sont absentes des négociations dans le hard discount. Les hard-discounters se démarquent, en effet, des grands distributeurs par leur absence d'effort de présentation des produits, en contrepartie de quoi ils proposent des prix plus bas. De même, les produits de marques de distributeur (MDD) et les produits dits 'premiers prix' ne font pas l'objet d'accords de coopération commerciale" (point 18).

A - En ce qui concerne la réponse apportée à la première question

Au titre de la première question formulée par l'auteur de la saisine, le Conseil développe un double argument. D'une part, la croissance des marges arrière serait le reflet de la puissance d'achat des distributeurs vis-à-vis de leurs fournisseurs. D'autre part, la croissance des marges arrière témoignerait de certaines pratiques anticoncurrentielles. Il en tire la conclusion que le mécanisme des marges arrière a un effet inflationniste.

Les développements consacrés à la puissance d'achat des distributeurs s'appuient pour l'essentiel sur les constatations avancées par l'ILEC : "Le constat présenté par l'ILEC, selon lequel le niveau des marges arrière est inversement proportionnel à la puissance de la marque du produit conforte l'analyse selon laquelle la puissance d'achat des distributeurs vis-à-vis de leurs fournisseurs n'est pas étrangère à l'importance des marges arrière" (point 27).

Le Conseil estime également que cette puissance d'achat de la distribution est favorisée par la structure oligopolistique du secteur. Cette structure est confortée par les dispositions des lois n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat (dite "loi Royer" N° Lexbase : L6622AGD) et n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat (dite "loi Raffarin" N° Lexbase : L9475A8G) en ce qu'elles limitent l'installation de nouvelles surfaces de vente. En bref, le développement des marges arrière pourrait s'expliquer "en partie" par un nouveau partage du surplus entre producteurs et distributeurs à l'avantage de ces derniers.

Pour une autre part, non autrement davantage précisée par le Conseil, le développement des marges arrière correspondrait "dans certains cas" :
-à la mise en oeuvre de pratiques anticoncurrentielles et de citer la préférence des partenaires commerciaux pour les négociations à l'arrière -ainsi les distributeurs obtiennent-ils des prix nets sur factures très comparables et le seuil de la revente à perte est le même pour tous les opérateurs intervenant sur le marché- ;
-à la volonté de certains fournisseurs de mettre en place un système de prix de revente imposé, ce type de pratiques ayant "pour effet de limiter la concurrence intramarque et de maintenir un prix de vente au consommateur artificiellement élevé" ;
-à la volonté de développer une lisibilité générale des prix finals au consommateur favorisant "la collusion entre marques concurrentes" et de citer l' affaire dite "des calculatrices à usage scolaire" ayant donné lieu à la décision n° 03-D-45 du 25 septembre 2003 (N° Lexbase : X4834ACZ) à l'occasion de laquelle il avait été constaté que les deux principales entreprises intervenant sur ce marché avaient chacune mise en place un dispositif ayant pour objet et effet d'obtenir de leurs clients distributeurs qu'ils pratiquent sur le territoire national les mêmes prix de vente, prix de vente que les fournisseurs en cause avaient préalablement déterminés ;
-en dernier ressort, la pratique des marges arrière et le jeu des remises de gamme importantes permettraient aux fournisseurs en position dominante d'évincer les concurrents des linéaires des commerces de grande surface, le Conseil fonde à cet égard son propos sur sa décision n° 04-D-13 du 8 avril 2004 relative aux pratiques mises en oeuvre par la Société des Caves et des Producteurs réunis de Roquefort (N° Lexbase : L1600DYW et notre commentaire N° Lexbase : N1329ABT).

En bref, de par leur combinaison, les pratiques ainsi rappelées ne seraient pas sans conséquence sur les hausses de prix à la consommation.

En fait, pour partie fondée, l'analyse proposée est, à certains égards, surprenante. Selon un schéma tout à fait traditionnel, le Conseil fait un lien entre inflation et limitation de la concurrence intramarque. Mais c'est oublier que, dans la réalité, bon nombre de fournisseurs voient dans la pratique des prix conseillés ou prix minima de revente un moyen de concurrencer les autres fournisseurs et, précisément, parce qu'une vive concurrence prévaut entre ces derniers les niveaux de prix proposés au consommateur demeurent naturellement compétitifs. Une limitation de la concurrence intramarque est souvent de nature à favoriser la concurrence inter marques.

De surcroît, si, ponctuellement, la lisibilité des prix autorisée par un système de prix de revente plus ou moins imposés a pu favoriser la collusion entre deux marques concurrentes, on ne saurait tirer de cette seule observation une loi d'ordre général. Ce n'est d'ailleurs pas le moindre des paradoxes que de rappeler, comme le relève le Conseil, que, globalement, les marques puissantes parviennent à limiter la dérive des marges arrière ce qui n'est pas le cas des marques secondes et des productions des PME. Or, ce sont précisément les entreprises dotées d'un large pouvoir de marché qui sont susceptibles de s'engager le plus dans des concertations.

Sans doute convient-il encore de déplorer une analyse de l'inflation reposant de façon exclusive sur les produits de marque et de grande consommation. Le panier de la ménagère est non seulement constitué des produits en cause mais aussi des produits des marques de distributeurs, des produits proposés par les PME, ainsi que par les achats opérés auprès des "hard-discounters". Peut-être eût-il été utile d'indiquer à l'auteur de la saisine que le développement des marges arrière a sans doute favorisé d'autres formes de distribution et des modifications dans la composition des linéaires, du coup, l'appréciation portée quant à l'évolution de l'inflation doit sans doute être revue à la baisse.

B - En ce qui concerne la réponse apportée la deuxième question

Cette deuxième question comporte deux parties. L'UFC-Que Choisir pose tout d'abord la question de savoir si un accord consistant à fixer le niveau des marges arrière est, ou non, de nature à faire obstacle au jeu de la concurrence. Dans l'hypothèse où l'accord serait qualifié comme étant anticoncurrentiel, le saisissant demande en quoi la participation des pouvoirs publics et d'associations de consommateurs à la conclusion de l'accord en cause constitue,ou non, une circonstance particulière susceptible de le faire échapper à l'application du droit de la concurrence. Ce dernier aspect est, sans conteste, le plus intéressant.

S'agissant du premier point, le Conseil observe qu'il n'a jamais eu à traiter d'un accord ayant pour objet exclusif "de fixer le niveau des marges arrière". Il n'en affirme pas moins que "s'il avait à le faire, sous réserve d'un examen au cas par cas de l'objet et de l'effet d'un tel accord, il considérerait a priori que l'accord, en ce qu'il fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, entre dans le champ d'application de l'article L. 420-1 du Code de commerce. De plus, un tel accord, s'il avait un champ d'application suffisant, constituant une partie substantielle du marché commun, serait également soumis aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE ".

En ce qui concerne le second aspect de la question posée, sur le fondement d'une jurisprudence tant nationale que communautaire, le Conseil de la concurrence affirme que la participation des pouvoirs publics et d'associations de consommateurs à l'accord examiné ne met nullement les entreprises à l'abri d'une application du droit de la concurrence.

A cet égard, le Conseil rappelle tout d'abord que, selon la cour d'appel de Paris, une entente anticoncurrentielle est constituée dès lors que "l'une au moins des parties à l'entente peut être considérée comme acteur économique exerçant une activité sur un marché" (arrêt Syndicat du livre du 29 février 2000). Il en conclut que l'accord soumis à son examen remplit la condition fixée par la Cour d'appel puisque les producteurs et les distributeurs sont des acteurs économiques exerçant une activité sur le marché visé par l'accord considéré.

Sur le fondement de son avis n° 01-A-13 du 19 juin 2001 (N° Lexbase : X6636ACR), avis émis à la suite d'une saisine de l'UFC relative aux conditions d'une concertation entre des associations de consommateurs et la profession bancaire, le Conseil reprend l'idée que "la présence de l'association de consommateurs est sans influence sur l'appréciation du caractère licite ou non de la réunion".

Quant à la question de la participation des pouvoirs publics, le Conseil rappelle qu'il est de jurisprudence constante qu'une telle participation n'a pas pour effet de rendre inapplicable les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE. Le Conseil fait d'ailleurs remarquer que la position ainsi affirmée est partagée par la Cour de justice des communautés européennes depuis son arrêt du 30 janvier 1985 relatif à une demande de décision préjudicielle du Tribunal de grande instance de Saintes à propos de l'organisme de droit public qu'est le Bureau national interprofessionnel du cognac (CJCE, 30 janvier 1985, aff. C-123/83, Bureau national interprofessionnel du cognac c/ Guy Clair N° Lexbase : A8741AUB).

Le Conseil n'avait plus alors qu'à examiner en quoi l'accord était susceptible d'être exonéré d'une application de l'article L. 420-1 du Code de commerce par l'effet de son article de son article L. 420-4 (N° Lexbase : L6586AIR) aux termes lequel "ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ; dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte [...]".

S'agissant de l'article L. 420-4 I, 1°, le Conseil devait faire observer qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoyait la possibilité pour les distributeurs et leurs fournisseurs de se concerter pour fixer d'un commun accord le niveau des marges arrière, l'exonération prévue par le texte ne pouvait donc pas trouver à s'appliquer.

Au titre de l'article L. 420-4 I, 2°, après avoir passé en revue les multiples conditions qui, conformément à la jurisprudence, devraient être réunies pour qu'il trouve à s'appliquer, le Conseil conclut de la façon lapidaire suivante : "[...] si le bénéfice des dispositions de l'article L. 420-4-I, 2° [...] est envisageable, il n'est pas possible d'affirmer que, du seul fait d'un objectif affiché de baisse des prix de vente au consommateur, un accord sur les marges arrière entre des distributeurs et leurs fournisseurs serait compatible avec le droit de la concurrence" (point 90).

A ce jour, le débat sur les marges arrière est loin d'être clos. En tout état de cause, ce n'est pas le moindre des paradoxes que de noter le point voulant qu'un ministre, apôtre de l'économie de marché, ait invité des professionnels à transgresser les lois sur la concurrence.


Sur ce sujet lire également, A.-P. Weber, Loi Galland, "marges arrière" : quelles perspectives ?, Lexbase Hebdo n° 124 du 10 juin 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N1847ABZ)

newsid:14355

Social général

[Textes] Le droit du travail après la loi du 18 janvier 2005 : la cohésion sociale comme affichage, la flexibilité comme objectif

Réf. : Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49)

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N4353ABT

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


Annoncée depuis plusieurs mois par le Gouvernement, la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49) vient d'être publiée au Journal officiel après avoir passé, presque sans encombre, l'épreuve du contrôle de constitutionnalité (Cons. const., décision n° 2004-509 DC, 13 janvier 2005, loi de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : A9528DEM : seul l'article 139, qui ne concerne pas le droit du travail, a été écarté). Le texte, volumineux, comprend 153 articles, dont plus de la moitié (80) consacrés à la "mobilisation pour l'emploi" (Titre I), 46 au logement (Titre II), 25 à l'égalité des chances (Titre III) et deux aux dispositions transitoires (Titre IV). Bref, sous une appellation ambitieuse, le Gouvernement et le Parlement nous livrent une énième loi portant diverses mesures d'ordre social, dont seules les dispositions intéressant le droit du travail seront abordées dans ce numéro spécial. Au-delà de l'affichage, l'examen des dispositions montre une réelle volonté de poursuivre l'entreprise d'assouplissement du droit du travail et la recherche d'une meilleure flexibilité, notamment dans la gestion de la main d'oeuvre (2). La loi du 18 janvier 2005 livre, également, une vision intéressante du rôle des acteurs en droit du travail (1).

1. La redistribution des cartes

  • La mobilisation des pouvoirs publics

Après s'être intéressé au rôle des syndicats de salariés et organisations patronales dans la loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8), renforçant sensiblement l'autonomie collective des partenaires sociaux (lire La réforme de la négociation collective après la loi du 4 mai 2004 : le changement dans la continuité, Lexbase Hebdo n° 120 du 13 mai 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1573ABU), le Gouvernement s'attaque, cette fois, à la réforme du service public de l'emploi, qui figure en tête de la loi, service public qui avait fortement été remis en cause ces dernières années pour son inefficacité dans la lutte contre le chômage.

L'avenir nous dira si les mesures nouvelles adoptées porteront ou non leurs fruits, et s'il suffit de créer des "Maison de l'emploi" pour créer de l'emploi... La réforme démontre, toutefois, la volonté des pouvoirs publics de ne pas démissionner dans la lutte contre le chômage, en laissant aux seules entreprises le soin de créer de l'activité et, partant, de l'emploi.

  • Le retour du rôle premier de la loi

La loi s'inscrit, également, dans un contexte de résistance face à l'oeuvre créatrice de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Même si la loi du 18 janvier 2005 consacre le changement terminologique intervenu en 1996 concernant la modification du contrat de travail (art. 73), elle remet en cause de manière spectaculaire certaines des décisions les plus emblématiques de ces dernières années, singulièrement en matière de licenciement économique, puisque la jurisprudence "Framatome" et "Majorette" (Cass. soc., 3 décembre 1996, n° 95-17.352, Société Framatome connectors France et autre c/ Comité central d'entreprise de la société Framatome connectors, publié N° Lexbase : A2180AAY ; Cass. soc., 3 décembre 1996, n° 95-20.360, Syndicat Symétal CFDT c/ Société nouvelle Majorette et autre, publié N° Lexbase : A2182AA3 ; Cass. soc., 18 juin 2003, n° 00-46.283, M. Jean Dewasch c/ Société Air Littoral, inédit N° Lexbase : A8527C8C, lire Jurisprudence Framatome et Majorette : la Cour de cassation persiste et signe !, Lexbase Hebdo n° 77 du 26 juin 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7917AAH), qui avait donné lieu à des débats houleux ces derniers mois (Doctrine contre Cour de cassation : 1 à 1, match nul, Lexbase Hebdo n° 114 du 1er avril 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1093AB4), est purement et simplement abandonnée, ce dont on ne se plaindra pas, ainsi qu'une partie de la jurisprudence "La Samaritaine" (Cass. soc., 13 février 1997, n° 96-41.874, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Mme Benoist et autre, publié N° Lexbase : A4174AAT) concernant les suites de l'annulation du plan social pour les salariés (sur ces éléments, cf infra).

Ce retour au premier plan de la loi nous semble bienvenu, notamment dans un contexte de forte contestation de la portée rétroactive des revirements de jurisprudence qui portent une atteinte excessive au principe de sécurité juridique (Cass. soc., 17 décembre 2004, n° 03-40.008, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4376DES, lire A propos de la rétroactivité des revirements de jurisprudence : une évolution en trompe l'oeil !, Lexbase Hebdo n° 148 du 23 décembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N4064AB7).

  • La confirmation du rôle prépondérant des partenaires sociaux

La loi du 18 janvier 2005 traduit, également, la volonté des pouvoirs publics de confier aux partenaires sociaux plus de responsabilités et d'autonomie. Ainsi, les dispositions nouvelles confortent les dispositions de la loi "Fillon" du 3 janvier 2003 (loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques N° Lexbase : L9374A8P) en renforçant le rôle des accords dits "de méthode" dans le cadre des procédures de licenciement pour motif économique (Brèves remarques sur les accords de méthode après l'accord GIAT Industrie du 12 mai 2003, Lexbase Hebdo n° 73 du 29 mai 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7559AA9) et enrichit la négociation d'entreprise de nouvelles compétences.

2. La flexibilisation du droit du travail

  • Le droit de l'emploi gagné par l'entropie législative

La loi contient son habituel train de mesures incitatives à destination des catégories de salariés en difficulté d'insertion, qu'il s'agisse des "jeunes éloignés de l'emploi", des "demandeurs d'emploi de longue durée et des bénéficiaires de minima sociaux", des "personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi", des bénéficiaires du RMI, désormais titulaires d'un nouveau contrat "d'avenir" remplaçant le "contrat insertion-revenu minimum d'activité", des salariés licenciés pour un motif économique, ou encore des apprentis.

Ces dispositions visent à créer de nouvelles dérogations au droit commun des contrats à durée déterminée pour donner plus de souplesse aux entreprises qui considèrent, généralement, le cadre existant comme trop rigide et, partant, comme un frein à l'embauche. La loi poursuit donc l'oeuvre d'éparpillement des statuts professionnels et participe de la confusion qui gagne le droit de l'emploi où chaque réforme se substitue en partie à la précédente, ajoute de nouvelles dispositions, créé de nouveaux organismes, donnant la fâcheuse impression que la lutte contre le chômage est devenue l'apanage de la technocratie ministérielle, ôtant au dispositif toute forme de lisibilité.

La loi du 18 janvier 2005 utilise, comme les autres lois sur l'emploi, le levier des exonérations de charges sociales et fiscales pour abaisser le coût de la main d'oeuvre sans toucher trop ostensiblement au montant des salaires, même si la création de sous-statuts, associant travail et formation, se traduit, généralement, par un abaissement de fait de la rémunération du travail.

La loi modifie, également, de nombreuses dispositions du Code du travail concernant les contrats de travail dérogatoires, qu'il s'agisse du contrat d'apprentissage, du contrat à durée déterminée ou du contrat de travail temporaire qui devient, désormais, un instrument d'insertion professionnelle (art. 64). Sans constituer une réforme en profondeur de l'apprentissage, la loi s'efforce d'adapter ce statut, aujourd'hui dévalorisé, à la vie actuelle des entreprises afin de renforcer son rôle de tremplin vers l'emploi et de l'articuler, notamment, avec les dispositions de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle.

  • La destructuration inexorable des lois "Aubry" sur les 35 heures

D'autres dispositions apportent, également, des dérogations discrètes, mais réelles, aux règles relatives à la durée du travail, achevant ainsi l'inexorable "travail de sape" des dispositions des lois Aubry I et II sur les 35 heures (loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail N° Lexbase : L7982AIH et loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3) engagé par les lois Fillon. On songera, ici, aux dispositions relatives à la durée du travail des éducateurs et aides familiaux (art. 67), au temps consacré par le salarié pour se rendre sur le lieu d'exécution de son contrat de travail, qui ne pourra plus être qualifié de temps de travail effectif (art. 69).

  • La réforme du licenciement économique

Mais, les dispositions les plus importantes concernent, sans aucun doute, le licenciement pour motif économique. Non seulement la loi du 18 janvier 2005 étend le régime des contrats dits "de chantier" de l'article L. 321-12 du Code du travail (N° Lexbase : L6125ACT) pour les missions à l'exportation (art. 62), mais il abroge définitivement les dispositions suspendues en 2003 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (art. 71 N° Lexbase : L1304AW9) et met en place un dispositif plus souple, tant sur le plan collectif (relance des accords de méthode, art. 72, responsabilité sociale allégée de l'entreprise en cas de licenciement important, art. 76, compétence du comité d'entreprise, art. 77) qu'individuel (mise en place d'une nouvelle "convention de reclassement", art. 74).

C'est surtout en matière de licenciement économique que la loi se montre la plus énergique, en revenant sur un certain nombre de solutions dégagées ces dernières années par la jurisprudence. Au titre des nouveautés spectaculaires, on relèvera l'abandon de la jurisprudence Framatome et Majorette qui imposait la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi lorsque l'employeur propose la modification collective des contrats de travail (art. 73), d'une partie de la jurisprudence Samaritaine concernant la nullité du plan social en ne faisant de la nullité du licenciement qu'un motif éventuel de réintégration du salarié (art. 77), la réduction des délais de contestation des accords de méthode mis en place par la loi du 3 janvier 2003 (art. 72) ainsi que du plan de sauvegarde de l'emploi (art. 75).

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Fiscalité des entreprises

[Textes] Le nouveau régime des plus-values à long terme des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés

Réf. : Loi de finances rectificative pour 2004, n°2004-1485, 30 décembre 2004, art. 39 (N° Lexbase : L5204GUB)

Lecture: 8 min

N4381ABU

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par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste

Le 07 Octobre 2010

Bien qu'il ait été intégré au débat budgétaire par le chemin détourné d'un amendement sénatorial, l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2004 est l'une des dispositions fiscales importantes votées en fin d'année dernière, puisqu'il réforme en profondeur le régime fiscal des plus-values à long terme des entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés. Il prévoit en effet un certain nombre d'aménagements qui vont radicalement changer la donne pour les entreprises :
  • une baisse de 19 % à 15 % du taux d'imposition des plus-values à long terme s'applique pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005 ;
  • une imposition séparée des plus-values de cession de titres de participation est instaurée. Pour les exercices ouverts en 2006, ces plus-values seront taxées au taux réduit de 8 % ; et pour les exercices ouverts à compter de 2007, elles seront exonérées exception faite d'une quote-part de frais et charges ;
  • l'obligation de doter la réserve spéciale des plus-values à long terme est supprimée pour les exercices ouverts depuis 2004 ;
  • enfin, une taxe exceptionnelle de 2,5 % sur les réserves existant au bilan de clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2004 est créée. Ce prélèvement s'applique, toutefois, dans la limite de 200 millions d'euros et sous déduction d'un abattement de 500 000 euros.

Ce nouveau régime va incontestablement dans le sens d'une meilleure compétitivité fiscale des entreprises françaises au plan européen.

1. Rappel du régime antérieur

La fiscalité des plus-values professionnelles n'est pas homogène puisqu'elle distingue, d'une part, les plus et moins values à long terme qui sont soumises à un régime de taxation réduite et, d'autre part, les plus et moins values à court terme qui sont soumises à un régime fiscal semblable à celui des bénéfices et pertes d'exploitation. Si cette différence de traitement s'applique clairement pour les plus-values réalisées par les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu, il en va différemment pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. En effet, pour ces sociétés, le champ d'application du régime des plus-values à long terme a été au fil du temps sérieusement restreint.

Ainsi, pour les plus-values réalisées au cours des exercices ouverts à partir du 1er janvier 1997 par des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, seules relèvent de ce régime :

  • les plus-values de cession de titres de participation, ainsi que des parts ou actions de certains fonds commun de placement à risques (FCPR) répondant aux conditions prévues au II-1° bis de l'article 163 quinquies B du CGI et les actions de sociétés de capital-risque (SCR), lorsque ces parts sont détenues depuis au moins 5 ans ;
  • le résultat net des concessions de licences d'exploitation de brevets, d'inventions brevetables ou de procédés de fabrication ;
  • certains dividendes de sociétés de capital-risque.

De plus, pour bénéficier de ce taux réduit fixé à 19 %, les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés sont dans l'obligation de porter ces plus-values pour leur montant net à la réserve spéciale des plus-values à long terme.

2. Le nouveau régime de la réserve spéciale

L'article 39 de la loi de finances pour 2004 supprime l'obligation de doter la réserve spéciale des plus-values à long terme pour les plus-values réalisées au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2004.

En pratique, cela signifie pour les sociétés qu'elles ne sont plus obligées de maintenir ces plus-values investies dans l'entreprise et qu'elles peuvent, donc, les distribuer sans qu'aucune réintégration au résultat imposable n'ait à être opérée. De plus, compte tenu de la réforme du régime fiscal des distributions votée dans le cadre de la loi de finances 2004, le montant de ces plus-values pourra être distribué sans qu'aucun impôt de distribution ne soit exigible. Attention, toutefois, ces distributions ne pourront être réalisées sans aucun coût fiscal qu'à compter de 2006. En effet, pour les distributions mises en paiement en 2005, qui n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux normal, le prélèvement exceptionnel de 25 %, qui se substitue au précompte pour cette année de transition, s'applique (Sophie Duval, Précisions sur la réforme du régime fiscal des distributions, Lexbase Hebdo n° 151, du 20 janvier 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N4321ABN).

En contrepartie de la suppression de la dotation de la réserve spéciale, est instaurée une taxe exceptionnelle de 2,5 % sur le montant de la réserve spéciale des plus-values à long terme figurant au passif du bilan de la société à la clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2004, retenue dans la limite de 200 millions d'euros et sous déduction d'un abattement de 500 000 euros.

Compte tenu du montant élevé de cet abattement, seules 10 % des entreprises devraient, en réalité, s'acquitter de cette taxe. Par ailleurs, les entreprises, dont le montant figurant au compte de réserve spéciale est supérieur à 200 millions d'euros, peuvent ne pas être imposées sur l'intégralité des sommes présentes dans leur réserve spéciale. Elles pourront choisir, avant le 31 décembre 2006, soit de maintenir les sommes qui excèdent ce seuil dans la réserve, soit de payer le prélèvement exceptionnel sur ces sommes. Enfin, il est à noter que dans le cas particulier des groupes intégrés, chaque membres du groupe sera soumis à la taxe exceptionnelle au titre de sa propre réserve spéciale dotée au cours d'exercices antérieures à son intégration. Le plafond de 200 millions d'euros s'appréciera, donc, société par société, et non en faisant la somme des réserves spéciales figurant au bilan de chaque société membre.

En pratique, les entreprises devront transférer les sommes présentes dans la réserve spéciale sur un compte de réserve ordinaire avant le 31 décembre 2005. En cas de non respect de cette obligation, la loi prévoit une sanction très sévère, puisque le montant de la taxe sera doublé. Pour les entreprises réfractaires, le taux de la taxe s'élèvera, alors, à 5 %.

Le paiement de cette taxe, qui sera établie, contrôlée et recouvrée selon les règles applicables à l'impôt sur les sociétés, interviendra en deux fois, le 15 mars 2006 pour la première moitié et le 15 mars 2007 pour le solde. Attention, la taxe ne pourra donner lieu à aucune imputation ou restitution. Elle ne pourra être acquittée au moyen de crédit d'impôt et l'IFA ne sera pas non plus imputable sur ce prélèvement.

3. Les nouveaux taux d'imposition des plus-values à long terme

Si la baisse du taux d'imposition des plus-values à long terme de 19 % à 15 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005 est une mesure qui ne pourra que satisfaire les entreprises, c'est surtout la création d'un régime d'imposition séparée pour certains titres de participation qui est remarquable.

La baisse du taux réduit à 15 % concerne tous les produits et plus-values relevant actuellement du taux de 19 %, c'est-à-dire les plus-values de cession de titres de participation définis à l'article 219 I-a ter du CGI , les plus-values de cession de parts ou d'actions de FCPR ou de sociétés de capital-risque, certains produits de la propriété industrielle et certains dividendes distribués par les sociétés de capital-risque. Et, à la différence du régime antérieur, compte tenu de la suppression de l'obligation de doter la réserve spéciale, le bénéfice de ce taux réduit est définitivement acquis dès l'exercice de constatation du produit éligible.

L'imposition séparée des plus-values sur les titres de participation comprend deux étapes successives : pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net de ces plus-values fera l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %, puis, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, ces plus-values seront totalement exonérées, sous réserve d'une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession, qui sera incluse dans le résultat imposé dans les conditions de droit commun.

Ce nouveau régime étant strictement réservé aux plus-values long terme afférentes à des titres de participation, les titres cédés doivent être détenus depuis au moins 2 ans par l'entreprise cédante et correspondre à la définition de "titres de participation" définie par le nouvel article 219, I du CGI. Selon ce texte, sont ainsi concernés, les titres de participation qui revêtent ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participations ou à une subdivision d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable.

Attention, cet article exclut, de la définition des titres de participation, les titres des sociétés à prépondérance immobilière, ainsi que les titres de participation dont le prix de revient est au moins égal à 22,8 millions d'euros mais représentent moins de 5 % du capital. Ces derniers types de titres, qui, en revanche, entrent dans la définition des titres de participation donnée par l'article 219, I-a ter du CGI, relèveront donc, à compter de 2005, du régime de droit commun des plus-values à long terme taxables au taux de 15 %.

Le nouveau régime d'imposition séparé s'appliquera à toutes les plus-values nettes à long terme afférentes à des titres de participation, quelle que soit l'opération dont elles résultent (cession, apport, dotation et reprise de provisions pour dépréciation de titres de participation relevant du régime du long terme).

Par ailleurs, sont concernées, par ce régime d'imposition séparée, non seulement les plus-values constatées au cours d'exercices ouverts à compter de 2006, mais, également, les plus-values sur titres de participation, qui bénéficient d'un sursis ou d'un report d'imposition pour une opération antérieure à 2006. Ceci constitue une excellente nouvelle pour les entreprises car disparaît, ainsi, à compter de 2007, la fiscalité latente liée à des opérations de restructuration ou résultant de certains régimes de report d'imposition. De nombreuses opérations, dont la réalisation était jusqu'à présent freinée par cet obstacle fiscal, pourront, donc, être envisagées !

Enfin, il est à noter, qu'à compter de 2007, l'exonération des plus-values sur titres de participation devenant la règle générale, les mesures de faveur permettant aux entreprises de bénéficier de report ou de sursis d'imposition seront obsolètes. En effet, dès lors que les entreprises bénéficieront pour les plus-values de titres de participation d'une exonération totale, elles n'auront plus intérêt à se placer sous des régimes spéciaux, dont l'application est subordonnée à de nombreuses conditions contraignantes.

Attention, toutefois, l'exonération prévue par l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2004 n'est pas totale, puisqu'une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession sera tout de même incorporée au résultat imposable de chaque exercice au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, pour conserver sa cohérence à l'ensemble du système, le régime des moins-values à long terme reportables a dû, également, faire l'objet de quelques adaptations. Il est, en effet, prévu une sectorisation des moins-values en report au début de l'exercice 2006. Ainsi, ces moins-values obéiront à des règles d'imputation différentes selon qu'elles ont attrait à des éléments relevant du secteur imposable au taux de 15 % ou aux éléments imposables séparément. A l'ouverture de l'exercice 2006, les entreprises devront donc, en fonction de ces règles, procéder à la détermination de la fraction des moins-values en instance de report qui sera imputable sur les plus-values imposées à 15 %.

Les conséquences favorables de cette réforme des plus-values à long terme ne manqueront pas de se révéler aux chefs d'entreprise au fur et à mesure de son entrée en vigueur. D'ores et déjà, il peut être signalé que ces dispositions sont de nature à encourager un certain dynamisme économique en permettant, par exemple, aux entrepreneurs, dont l'objectif est de créer une activité puis de la vendre pour repartir sur un autre projet, de le faire à moindre coût fiscal. Dans ce cas, l'entrepreneur devra créer, en même temps que sa société d'exploitation, une société holding qui, lorsqu'il désirera se retirer de cette activité, cédera ses titres de participation pour lesquels, à compter de 2007, l'imposition des plus-values sera quasiment nulle !

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Fiscalité immobilière

[Textes] Aménagements et simplification en matière de revenus fonciers et plus-values des particuliers

Réf. : Loi de finances rectificative pour 2004, n° 2004-1485, 31 décembre 2004, art. 49 et art. 50 (N° Lexbase : L5204GUB)

Lecture: 7 min

N4401ABM

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

Simplification et aménagements, tels sont les maîtres mots de deux des dispositions de la loi de finances rectificative pour 2004 qui a été définitivement adoptée le 22 décembre 2004. Simplification en matière de détermination des revenus fonciers qui concerne plus de 2,5 millions de bailleurs ; et aménagements en matière de plus-values des particuliers, dont le régime avait été profondément modifié par la loi de finances pour 2004 (loi de finances pour 2004, n° 2003-1311, 31 décembre 2003 N° Lexbase : L6348DM3), afin d'éliminer, selon les objectifs énoncés, certains facteurs d'évasion fiscale. 1. Revenus fonciers

L'article 49 de la loi de finances rectificative simplifie les règles de détermination des revenus fonciers en rendant obligatoire le mécanisme, actuellement toléré par l'administration, s'agissant du traitement des charges déductibles et en prévoyant une déduction des provisions pour charges versées par les bailleurs placés sous le régime de la copropriété. Ce même article modifie, également, les règles d'assiette de la contribution sur les revenus locatifs.

1.1. La simplification du traitement des charges déductibles du revenu foncier

Pour la détermination des revenus fonciers perçus en 2003, puisque la mesure nouvelle entre en vigueur à compter de l'imposition des revenus de 2004, les dépenses acquittées pour le compte des locataires apparaissaient à la fois en minoration du revenu brut et en majoration en cas de remboursement par le locataire. Les dépenses concernées sont, pour l'essentiel, celles relatives à la fourniture d'eau, de chauffage, d'éclairage, les frais d'ascenseur, ainsi que les taxes locatives, comme, par exemple, celle pour l'enlèvement des ordures ménagères. Cependant, l'administration admettait que, lorsque le propriétaire récupérait ces dépenses locatives sur ses locataires pour leur montant exact, ce dernier pouvait s'abstenir d'en faire état dans ses recettes, à condition, bien entendu, de ne pas les déduire en tant que charges (Doc. adm. 5 D 2213, 10 mars 1999, n° 3).

La loi de finances rectificative supprime la possibilité de déduire les dépenses incombant normalement aux locataires et acquittées par les propriétaires. Ces dépenses sont "neutralisées", puisque non déductibles en tant que charges et non imposables en tant que recettes. Cependant, afin de ne pas pénaliser les bailleurs, la loi les autorise à déduire les charges locatives qui leur incomberaient définitivement à la suite du départ du locataire et de l'impossibilité d'en obtenir le remboursement. Concrètement, cette situation peut se rencontrer soit à l'occasion du congé donné par le locataire, soit en cas de reprise du bien loué par le bailleur.

1.2. Provisions pour charges

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain du 13 décembre 2000 (loi n° 2000-1208, 13 décemmbre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbain N° Lexbase : L9087ARY) a créé l'obligation pour les syndicats de copropriétaires de voter, chaque année, un budget prévisionnel. Ce budget a pour but de faire face aux frais courants de maintenance, de fonctionnement, d'administration courante et d'équipement de la copropriété. En conséquence de ces dispositions en vigueur depuis le 1er janvier 2002, le copropriétaire doit verser, chaque trimestre, une provision. Or, pour ce dernier, une charge n'est déductible que lorsqu'elle a été payée par le syndicat de copropriétaires. Pour pallier cette difficulté, la loi précise que les provisions pour charges peuvent être déduites en deux temps. Tout d'abord, l'ensemble des provisions payées par le propriétaire sont déduites au cours de l'année, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'utilisation effective de ces sommes ou leur affectation à des dépenses déductibles ou pas. Les provisions déduites font, ensuite, l'objet d'une régularisation l'année suivante, une fois la ventilation des charges opérée par le syndicat de copropriétaires. Le nouveau montant des provisions est diminué de celles déduites l'année précédente alors qu'elles n'auraient pas dû l'être, au motif qu'elles correspondent à des charges soit déjà couvertes par la déduction forfaitaire de 14 %, soit non déductibles du revenu foncier.

1.3. Modification de l'assiette de la contribution sur les revenus locatifs

Cette contribution est applicable aux revenus tirés de la location de locaux situés dans les immeubles achevés depuis quinze ans au moins, à l'exception de ceux qui ont subi, depuis moins de quinze ans, des transformations susceptibles de les assimiler à des constructions nouvelles. Cette exception souffre elle-même une exception qui conduit à l'exigibilité de la contribution lorsque les travaux effectués ont fait l'objet d'une aide financière de la part de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat . La loi de finances rectificative supprime cette disposition. Sont, désormais, exonérés de la contribution les logements qui ont fait l'objet de travaux de réhabilitation, lorsque ces travaux ont été financés à hauteur d'au moins 15 % de leur montant par une subvention de l'ANAH.

Par ailleurs, l'assiette de la contribution est élargie. Celle-ci est définie par référence au revenu défini à l'article 234 undecies du CGI , ce qui conduit à une harmonisation : l'assiette de la contribution est donc, désormais, identique à celle de la déduction forfaitaire en matière de revenus fonciers.

2. Plus-values des particuliers

L'article 50 de la loi de finances rectificative apporte certains aménagements au régime d'imposition des plus-values réalisées par les particuliers, issu de la loi de finances initiale pour 2004. Ces aménagements concernent la définition de la notion de prépondérance immobilière des sociétés, le calcul de la plus value imposable et le régime des contribuables domiciliés hors de France.

2.1. La définition de la prépondérance immobilière

On sait que les cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière relèvent du régime d'imposition des plus-values des particuliers et non de celui des cessions de droits sociaux. Par décret en Conseil d'Etat, qui fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, il était prévu qu'étaient considérées comme étant à prépondérance immobilière, les sociétés dont l'actif était, à la clôture des trois exercices précédant la cession, constitué pour plus de 50 % de leur valeur par des immeubles ou des droits sur des immeubles. Cette disposition est "sécurisée" en étant, désormais, inscrite dans la loi.

2.2. Le calcul de la plus value imposable

La loi apporte plusieurs aménagements s'agissant du calcul de la plus-value, dont on sait qu'elle est déterminée par différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant.

Ainsi, la loi harmonise la définition du prix d'acquisition à titre gratuit avec celle applicable en matière de plus-values sur valeurs mobilières. Désormais, dans une telle hypothèse, le prix d'acquisition s'entend de la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit. Jusqu'à présent, l'article 150 VB, I, du CGI , modifié par la loi de finances rectificative, stipulait que le prix d'acquisition s'entendait de la valeur vénale du bien au jour de la mutation qui l'avait fait entrer dans le patrimoine du cédant.

Par ailleurs, s'agissant de la cession d'un immeuble reçu par succession et dont la propriété est démembrée, la loi précise que le prix d'acquisition du droit démembré doit être évalué en appliquant le nouveau barème de l'usufruit prévu à l'article 669 du CGI . Cette précision permet d'éviter l'existence d'une plus-value "mécanique" puisque, jusqu'à cette modification, le prix d'acquisition du droit démembré était déterminé par application de l'ancien barème de l'article 762 , dont on sait qu'il minorait les droits d'usufruit.

En revanche, la loi limite l'application du forfait de 15 % aux seuls immeubles bâtis. Cet abattement s'applique, lorsque l'immeuble étant cédé plus de cinq ans après son acquisition, le vendeur, qui ne peut justifier de la réalité de travaux déductibles, est en droit de les évaluer forfaitairement à 15 % du prix d'acquisition.

Enfin, il est désormais admis que les frais d'aménagement et de viabilisation d'un terrain acquittés par un contribuable dans le cadre d'une opération de lotissement sont déductibles, quand bien même ils n'auraient pas été imposés par les collectivités territoriales.

2.3. Le régime des contribuables domiciliés hors de France

On sait que, sous réserve des convention internationales, les personnes physiques qui ne sont pas domiciliées fiscalement en France au sens de l'article 4 B du CGI , ainsi que les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège est situé hors de France, sont soumis à un prélèvement d'un tiers sur les plus-values résultant de la cession, à titre occasionnel, d'immeubles ou de droits immobiliers. Ce taux est ramené à 16 % pour les personnes physiques et associés de sociétés de personnes résidents d'un état membre de la Communauté européenne.

La loi de finances rectificative prévoit que les non résidents pourront bénéficier, d'une part, des exonérations dont bénéficient les résidents français concernant l'habitation en France, les biens pour lesquels une déclaration d'utilité publique a été prononcée en vue d'une expropriation, les biens dont le prix de cession est inférieur ou égal à 15 000 euros, et les biens échangés dans le cadre d'opérations de remembrement. D'autre part, les mêmes personnes pourront bénéficier du sursis d'imposition applicable en cas d'échange de titres de sociétés à prépondérance immobilière à l'occasion de fusions, scissions ou apports de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. S'agissant de l'exonération particulière de l'habitation en France, la loi la limite aux cessions d'immeubles, dont le cédant a eu la libre disposition depuis le 1er janvier de l'année précédent celle de la cession.

Par ailleurs, la loi aligne les modalités d'imposition des associés non résidents de sociétés de personnes, dont le siège est en France, sur les modalités d'imposition des non résidents détenant directement le bien cédé. En effet, jusqu'à présent le contribuable résident d'un état qui n'est pas membre de la Communauté européenne était imposé, en cas de cession d'un immeuble qu'il détenait directement au taux du tiers. Il était imposé au taux de 16 %, lorsqu'il détenait l'immeuble au travers d'une société civile qui avait son siège en France. La loi gomme, donc, cette différence de traitement fiscal. Le taux du tiers s'applique, désormais, aux plus-values réalisées par les personnes physiques et morales non résidents d'un Etat membre, lorsqu'elles détiennent un immeuble au travers d'une société de personnes qui a son siège en France et aux associés-personnes morales de sociétés de personnes résidents d'un Etat membre de la Communauté européenne, lorsqu'ils détiennent l'immeuble au travers d'une société de personnes dont le siège est en France.

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Social général

[Textes] Fiche n° 1 : la modification du droit applicable en cas de "grand" licenciement économique

Réf. : Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49)

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N4383ABX

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par Nicolas Mingant, Ater en droit privé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

La loi du 18 janvier 2005 a réformé de manière importante le droit applicable en cas de "grand licenciement collectif". La réforme législative porte sur l'articulation des différentes procédures de consultation du comité d'entreprise (1), le caractère facultatif de l'annulation du licenciement consécutif à un plan de sauvegarde de l'emploi nul (2), les accords dérogatoires relatifs aux modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise (3), l'institution d'une obligation de négocier sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi (4), la mise en oeuvre de délais pour agir en matière de licenciement économique (5) et, enfin, les obligations des entreprises en cas de licenciement collectif affectant l'équilibre du bassin d'emploi (6). 1. L'articulation des différentes procédures de consultation du comité d'entreprise

La loi modifie l'article L. 321-3 du Code du travail (N° Lexbase : L9632GQS) relatif à l'obligation de consulter les représentants du personnel en cas de licenciement d'au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours. L'alinéa 2 de cet article est, désormais, rédigé ainsi : "dans les entreprises [...] où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, les employeurs qui projettent d'y effectuer un licenciement [...] sont tenus de réunir et de consulter le comité d'entreprise. Il peuvent procéder à ces opérations concomitamment à la mise en oeuvre des procédures de consultation prévues par l'article L. 432-1".

Il était, depuis longtemps, admis que la procédure de consultation du livre III n'absorbait pas celle du livre IV et que les deux procédures étaient deux procédures distinctes, qui devaient être respectées l'une et l'autre, mais qui pouvaient être concomitantes, sous réserve du respect des délais les plus favorables (Cass. soc., 17 juin 1997, n° 95-18.904, Société des Grands Magasins de l'Ouest c/ Comité d'établissement des Galeries Lafayette, publié N° Lexbase : A1982ACE).

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9) avait articulé les deux procédures de manière très différente, puisque la consultation à propos d'un projet de licenciement collectif devait être effectuée "après l'achèvement des procédures de consultation prévues par les premier et deuxième chapitres du titre III du livre IV ".

D'abord suspendue par la loi du 3 janvier 2003 (loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 N° Lexbase : L9374A8P), cette version du texte est définitivement abandonnée par la loi commentée, dans un but de simplification du droit de la consultation du comité d'entreprise.

Le nouvel article L. 321-3 consacre, explicitement, la solution retenue par la jurisprudence avant la loi de modernisation sociale. Il admet, en effet, qu'il puisse y avoir concomitance entre, d'une part, les consultations prévues à l'article L. 432-1 (N° Lexbase : L4705DZB) (notamment sur "les mesures de nature à affecter le volume et la structure des effectifs") et, d'autre part, la consultation sur un projet de licenciement collectif pour motif économique. Cependant, si la concomitance est désormais admise par la loi, cela ne remet probablement pas en cause la jurisprudence antérieure, exigeant que les délais spécifiques à chaque procédure soient respectés (voir, notamment, à propos du "délai d'examen suffisant" prévu par l'article L. 431-5 N° Lexbase : L6395ACT, Cass. soc., 16 avril 1996, n° 93-20.228, Société Sietam industries c/ Comité central d'entreprise de la société Sietam industries, publié N° Lexbase : A2041AAT).

2. Le caractère facultatif de l'annulation du licenciement consécutif à un plan de sauvegarde de l'emploi nul

On sait que la Chambre sociale, dans un arrêt très controversé, avait posé le principe selon lequel "la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et en particulier aux licenciements prononcés par l'employeur" (Cass. soc., 13 février 1997, n° 96-41.874, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Mme Benoist et autre, publié N° Lexbase : A4174AAT).

Cette solution était, certainement, imposée par la lettre des articles L. 321-4-1 (N° Lexbase : L9634GQU) qui disposait que "la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement des salariés [...] n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel" et L. 122-14-4 (N° Lexbase : L5569ACA) qui énonçait que "lorsque le tribunal constate que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions de l'article L. 321-4-1, il prononce la nullité du licenciement et ordonne, à la demande du salarié, la poursuite du contrat de travail". Elle avait, cependant, été fortement critiquée, notamment parce qu'elle conduisait à contraindre l'employeur, parfois plusieurs années après les faits, à réintégrer le salarié, ce qui n'était, le plus souvent, pas très réaliste.

Désormais, "le juge peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié". La modification de la formule légale est d'importance.

Le juge pourra toujours, après la réforme législative du 18 janvier 2005, prononcer la nullité du licenciement lorsque la procédure de licenciement est nulle en raison de la carence de l'employeur en matière d'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi. Mais, la nullité ne sera plus automatique. Le juge pourra ne pas la prononcer (et ne pas ordonner la réintégration) lorsque l'entreprise se trouvera dans l'une des situations énumérées par la loi. Il convient, d'ailleurs, de souligner que la liste des circonstances autorisant le juge à ne pas annuler le licenciement n'est pas limitative. L'emploi de l'adverbe "notamment" par l'article L. 122-14-4 nouveau conduira le juge, certainement, à retenir une interprétation large de "l'impossibilité de réintégrer".

3. Les accords dérogatoires relatifs aux modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise

L'article L. 320-3 nouveau du Code du travail vient pérenniser le dispositif expérimental institué par la loi du 3 janvier 2003 (loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 N° Lexbase : L9374A8P) en matière d'accords de méthode. Ces accords, qui peuvent déroger aux dispositions des livres III et IV du Code du travail, sont des accords de procédure visant à organiser les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise en cas de grands licenciements collectifs. Ils peuvent porter sur deux points :

- les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise est réuni et informé de la situation économique et financière de l'entreprise et peut formuler des propositions alternatives au projet économique et obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions. Les accords peuvent organiser la mise en oeuvre d'actions de mobilité professionnelle et géographique au sein de l'entreprise et du groupe ;
- les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné à l'article L. 321-4-1 fait l'objet d'un accord, et anticiper le contenu de celui-ci.

Ces accords ne peuvent déroger à certaines dispositions du Code du travail, notamment à l'article L. 321-1, alinéa 3 (N° Lexbase : L6105AC4), imposant à l'employeur une obligation de reclassement avant de procéder au licenciement économique, aux articles L. 321-4, alinéa 1 à 11 (N° Lexbase : L9633GQT) et L. 431-5 (N° Lexbase : L6395ACT), déterminant les informations à transmettre obligatoirement aux représentants du personnel et à l'article L. 321-9 (N° Lexbase : L4795DZM) relatif aux prérogatives du comité d'entreprise en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.

L'action en contestation visant ces accords doit être formée, à peine d'irrecevabilité, dans les 3 mois qui suivent le dépôt auprès des services du ministère du Travail. Le délai est, cependant, porté à 12 mois pour les accords qui déterminent ou anticipent le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi.

4. L'institution d'une obligation de négocier sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi ainsi que sur les salaires

L'article L. 320-2 nouveau du Code du travail prévoit que, dans les entreprises et les groupes d'entreprises qui occupent au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise de 500 salariés en France, l'employeur est tenu d'engager, tous les 3 ans, une négociation portant sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi ainsi que sur les salaires.

Selon l'article L. 320-2 nouveau, la négociation doit, également, porter sur la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et sur les mesures d'accompagnement susceptibles de lui être associées, en particulier en matière de formation, de bilan de compétences ainsi que d'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés.

5. La mise en oeuvre de délais pour agir en matière de licenciement économique

L'article L. 321-16 nouveau du Code du travail dispose que toute action en référés portant sur la régularité de la procédure de consultation doit, à peine d'irrecevabilité, être introduite dans un délai de 15 jours suivant chacune des réunions du comité d'entreprise.

Il dispose, également, que toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par 12 mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. La loi ajoute, cependant, que ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement.

6. Les obligations des entreprises en cas de licenciement collectif affectant l'équilibre du bassin d'emploi

L'article L. 321-17 nouveau du Code du travail énonce que les entreprises de plus de 50 salariés qui procèdent à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l'équilibre du ou des bassins d'emploi dans lesquels elles sont implantées sont tenues, sauf lorsqu'elles font l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, de contribuer à la création d'activités et au développement des emplois et d'atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le bassin d'emploi.

L'intensité des obligations pesant sur l'entreprise est différente, selon qu'elle relève ou non de l'article L. 321-4-3 du Code du travail (N° Lexbase : L0549AZD) (entreprises occupant au moins 1000 salariés, entreprises ou groupes d'entreprise de dimension communautaire, entreprises soumises à l'obligation de mettre en oeuvre un comité de groupe).

Pour les entreprises mentionnées à cet article, le montant de leur contribution ne peut, en principe, être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé. Une convention entre l'entreprise et le représentant de l'Etat doit être conclue dans un délai de 6 mois à compter de la notification du projet de licenciement à l'administration. Celle-ci détermine, sur la base d'une étude d'impact social et territorial prescrite par le représentant de l'Etat, la nature et les modalités de mise en oeuvre des actions, en tenant compte des actions de même nature éventuellement prévues dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi établi par l'entreprise.

Lorsqu'un accord collectif prévoit des actions de telle nature, assorties d'engagements financiers au moins égaux au montant de la contribution, cet accord tient lieu, à la demande de l'entreprise, de la convention entre l'entreprise et le représentant de l'Etat, sauf opposition de ce dernier motivée et exprimée dans les 2 mois suivant la demande.

Si aucune convention ou accord collectif en tenant lieu n'est signée, l'entreprise verse au Trésor public une contribution égale au double du montant prévu ci-dessus.

Pour les entreprises non visées par l'article L. 321-4-3 du Code du travail, le montant de leur contribution n'est pas chiffré. L'article L. 321-17 prévoit, alors, que l'entreprise et le représentant de l'Etat définissent, d'un commun accord, les modalités selon lesquelles l'entreprise prend part aux actions, compte tenu, notamment, de sa situation financière et du nombre d'emplois supprimés.

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Social général

[Textes] Fiche n° 2 : la réforme des contrats de travail spéciaux par la loi de cohésion sociale

Réf. : Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49)

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N4391ABA

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace

Le 07 Octobre 2010

La loi de cohésion sociale achève l'entreprise de refonte des contrats de travail spéciaux, menée par le législateur depuis deux ans. De tous ces contrats, il ne reste presque plus de dispositifs connus. Les principales étapes sont la refonte des contrats de formation en alternance par le contrat de professionnalisation (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 N° Lexbase : L1877DY8, art. 13, abrogeant les articles L. 981-1 N° Lexbase : L4799DZR à L. 981-12 du Code du travail ; décret n° 2004-968 du 13 septembre 2004 relatif au contrat et à la période de professionnalisation N° Lexbase : L7733GTL ; décret n° 2004-1004 du 23 septembre 2004 portant modification du régime de l'aide à la création d'entreprise N° Lexbase : L7819GTR ; décrets n° 2004-815 et n° 2004-816 du 18 août 2004 portant réforme du CEC N° Lexbase : L0843GTE et du CES N° Lexbase : L0844GTG ; loi nº 2003-1200 du 18 décembre 2003, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité N° Lexbase : L9700DLT ; décrets d'application du 29 mars 2004). La loi de cohésion sociale confirme, pourtant, que cette intense activité législative se fait, en réalité, à droit constant : de manière générale, exception faite de certains dispositifs réellement exceptionnels tel que le Cirma, les nouveaux dispositifs ne constituent qu'un habillage nouveau, le principe et le contenu restant identiques. Aussi, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est probable que la mise en oeuvre des contrats donnera lieu aux mêmes difficultés. Portées devant les juridictions, elles appelleront les mêmes solutions. La jurisprudence élaborée par la Cour de cassation, à l'occasion des contrats de travail spéciaux, mêmes aujourd'hui abrogés, garde ainsi tout son intérêt et toute sa pertinence.

1. Nouveaux contrats de travail spéciaux pour les allocataires de minima sociaux

1.1. Contrats de travail spéciaux dans le secteur non-marchand

  • Remplacement du CES et CES par le contrat d'accompagnement dans l'emploi

La loi de cohésion sociale a procédé à un important travail de refonte des contrats de travail spéciaux destinés aux personnes les plus éloignées de l'emploi : les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emploi-consolidé (CEC). Le nouveau contrat initiative-emploi regrouperait les CIE, Sife et SAE en un contrat unique pour le secteur marchand.

L'article L. 322-4-7 nouveau du Code du travail regroupe tous ces dispositifs, pour mettre en place un unique contrat d'accompagnement dans l'emploi. Les employeurs visés sont les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public. Les salariés bénéficient d'actions d'orientation et d'accompagnement professionnel et de validation des acquis de l'expérience nécessaires à la réalisation du projet professionnel de l'intéressé.

Le contrat de travail est un contrat de droit privé à durée déterminée, passé en application de l'article L. 122-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5454ACY). Sa durée ne peut être inférieure à 6 mois et il ne peut être conclu pour pourvoir des emplois dans les services de l'Etat. Ces contrats d'accompagnement portent sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. La durée hebdomadaire du travail des personnes embauchées dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi ne peut être inférieure à 20 heures, sauf lorsque la convention le prévoit en vue de répondre aux difficultés particulièrement importantes de la personne embauchée.

Les bénéficiaires de contrats d'accompagnement dans l'emploi perçoivent un salaire égal au Smic horaire. L'Etat prend en charge une partie du coût afférent aux embauches : l'aide peut être modulée en fonction de la catégorie à laquelle appartient l'employeur, des initiatives prises en matière d'accompagnement et de formation professionnelle en faveur du bénéficiaire, des conditions économiques locales et de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi.

Bref, la loi de cohésion sociale n'apporte aucune plus value juridique au régime de ce contrat, dont on peut raisonnablement escompter les mêmes difficultés d'application et, donc, les mêmes questions posées au contentieux. Le seul intérêt réside dans la simplification des dispositifs antérieurs.

  • Nouveau contrat de travail : le contrat d'avenir

Le contrat d'avenir est destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiant du revenu minimum d'insertion, de l'allocation spécifique de solidarité ou de l'allocation de parent isolé. Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. Le département ou la commune de résidence du bénéficiaire ou l'établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune assure la mise en oeuvre du contrat d'avenir.

La conclusion de chaque contrat d'avenir est subordonnée à la signature d'une convention avec le bénéficiaire, qui s'engage à prendre part à toutes les actions qui y sont prévues. Cette convention définit le projet professionnel proposé au bénéficiaire du contrat d'avenir. Elle fixe, notamment, les conditions d'accompagnement dans l'emploi du bénéficiaire et les actions de formation ou de validation des acquis de l'expérience qui doivent être mises en oeuvre. La convention est conclue pour une durée de 2 ans ; elle est renouvelable pour une durée de 12 mois. La situation du bénéficiaire du contrat d'avenir est réexaminée tous les 6 mois.

Le contrat d'avenir est un contrat de travail de droit privé à durée déterminée. Conclu pour une durée de 2 ans, il peut être renouvelé dans la limite de 12 mois. Pour les bénéficiaires âgés de plus de 50 ans, la limite de renouvellement peut être de 36 mois. La période d'essai du contrat d'avenir est fixée à 1 mois.

La durée hebdomadaire du travail, fixée à 26 heures, peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat et à condition que, sur toute cette période, elle n'excède pas en moyenne 26 heures. Ce contrat prévoit obligatoirement des actions de formation et d'accompagnement au profit de son titulaire, qui peuvent être menées pendant le temps de travail et en dehors de celui-ci. Le bénéficiaire du contrat d'avenir, sous réserve de clauses contractuelles plus favorables, perçoit une rémunération égale au Smic horaire.

Le contrat d'avenir, conclu pour une durée déterminée, peut être rompu avant son terme, à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie d'une embauche pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée au moins égale à 6 mois, ou du suivi d'une formation conduisant à une qualification mentionnée aux quatre premiers alinéas de l'article L. 900-3 (N° Lexbase : L4632DZL). A la demande du salarié, le contrat d'avenir peut être suspendu afin de lui permettre d'effectuer une période d'essai afférente à une offre d'emploi visant une embauche, en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à 6 mois. En cas d'embauche à l'issue de cette période d'essai, le contrat est rompu sans préavis.

L'employeur bénéficie d'une aide qui lui est versée par le débiteur de l'allocation perçue par le bénéficiaire du contrat. Le montant de cette aide est égal à celui de l'allocation de revenu minimum d'insertion garanti à une personne isolée (article L. 262-2 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L3240DYN). Il perçoit de l'Etat, également, une aide dégressive avec la durée du contrat dont le montant ne peut excéder le niveau de la rémunération versée à l'intéressé. L'Etat apporte une aide forfaitaire à l'employeur en cas d'embauche du bénéficiaire sous contrat à durée indéterminée dans des conditions précisées par la convention (prévue à l'article L. 322-4-11 N° Lexbase : L6149ACQ).

1.2. Contrats de travail spéciaux dans le secteur marchand

  • Contrat initiative-emploi

Poursuivant un objectif louable de simplification et de rationalisation des dispositifs de contrats aidés, la loi de cohésion sociale a regroupé sous le label unique du "contrat initiative-emploi" certains contrats aidés : l'ancien contrat initiative-emploi, le stage d'accès à l'entreprise (SAE) et le stage individuel et collectif d'insertion et de formation à l'emploi (Sife). Les conditions posées au recours au CIE sont reconduites, ainsi que les traits principaux du régime juridique du contrat de travail (durée du contrat, statut du salarié, rémunération...). Les modifications apportées par la loi de cohésion sociale portent sur le régime de la suspension et de la rupture anticipée, ainsi que l'aide de l'Etat.

  • Cirma

Le contrat insertion - revenu minimum d'activité a été mis en place par la loi du 18 décembre 2003 (loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité N° Lexbase : L9700DLT). La loi de cohésion sociale recentre ce dispositif sur le secteur marchand (alors qu'auparavant, il concernait, indifféremment, secteurs marchands et non-marchands) et élargit le champ de ses bénéficiaires (titulaires de l'allocation spécifique de solidarité et titulaire de l'allocation de parent isolé).

Attentif aux critiques émises sur la protection sociale des bénéficiaires du Cirma, le législateur a apporté de sensibles modifications. Les droits sociaux des bénéficiaires de ce contrat, jusque-là calculés sur une partie seulement du revenu d'activité, sont désormais calculés sur la totalité de ce revenu. La condition d'ancienneté dans le dispositif, qui est fixée à 12 mois au cours des 24 derniers mois par l'article D. 322-22-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7163DYX), est ramenée à 6 mois, comme ce sera le cas pour le nouveau contrat d'activité.

2. Contrats spéciaux destinés à l'insertion des jeunes

2.1. Droit à un accompagnement professionnel

La loi de cohésion sociale a innové totalement, en créant un droit au profit de toute personne de 16 à 25 ans révolus, en difficulté, et confrontée à un risque d'exclusion professionnelle, à un accompagnement organisé par l'Etat, ayant pour but l'accès à la vie professionnelle (C. trav., art. L. 322-4-17-1).

Cet accompagnement est mis en oeuvre par les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation. Pour chaque bénéficiaire de niveau V bis et VI, cet accompagnement est personnalisé, renforcé et assuré par un référent.

2.2. Contrat d'insertion dans la vie sociale

Le Civis comportait trois dispositifs : un dispositif destiné aux associations, visant les jeunes porteurs d'un projet social ou humanitaire (décret n° 2003-644 du 11 juillet 2003 relatif à l'insertion des jeunes dans la vie sociale N° Lexbase : L9288BHH) ; un dispositif "accompagnement vers l'emploi", dans le prolongement de feu le programme Trace, jamais mis en oeuvre, faute de décret d'application et, enfin, une dimension "aide à la création d'entreprise", là aussi jamais mise en oeuvre, faute de décret d'application.

La loi de cohésion sociale a réactivé cette deuxième dimension du Civis. A cet effet, les jeunes de 16 à 25 ans révolus, dont le niveau de qualification est inférieur ou équivalent à un diplôme de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel ou n'ayant pas achevé le premier cycle de l'enseignement supérieur et rencontrant des difficultés particulières d'insertion sociale et professionnelle, peuvent bénéficier d'un contrat d'accompagnement dénommé "contrat d'insertion dans la vie sociale", conclu avec l'Etat.

Ce contrat prévoit les engagements du bénéficiaire pour la mise en oeuvre de son projet d'insertion professionnelle, les actions engagées par l'Etat à cet effet et les modalités de leur évaluation. Il peut être précédé d'une période d'orientation de 3 mois au cours de laquelle est élaboré le projet d'insertion. Les bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale sont affiliés au régime général de Sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 962-1 (N° Lexbase : L4651DZB) et L. 962-3 (N° Lexbase : L1737GUU), pour les périodes pendant lesquelles ils ne sont pas affiliés, à un autre titre, à un régime de Sécurité sociale.

Les titulaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale âgés de 18 à 25 ans révolus peuvent bénéficier d'un soutien de l'Etat sous la forme d'une allocation versée pendant les périodes durant lesquelles les intéressés ne perçoivent ni une rémunération au titre d'un emploi ou d'un stage, ni une autre allocation.

Il faut reconnaître que, contrairement aux objectifs affichés par le législateur de simplification du droit, le résultat ici est loin d'être atteint : il est difficile de justifier pourquoi le Civis comporte trois sous-ensembles, qui sont, en réalité, trois contrats de travail spéciaux. Il en résulte une complexité sémantique qui, nécessairement, engendrera des difficultés d'application, faute de lisibilité.

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