La lettre juridique n°153 du 3 février 2005

La lettre juridique - Édition n°153

Table des matières

Protection des consommateurs : la confiance confortée

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N4522AB4

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par D. M.

Le 07 Octobre 2010


Après plus de six mois d'âpres discussions, la proposition de loi "Chatel" vient enfin d'être adoptée et publiée au Journal officiel. Si le titre a légèrement évolué -la loi ne cherche plus à redonner mais à conforter la confiance et la protection du consommateur-, force est de constater que nous retrouvons presque sans changement les mêmes dispositions. Et, concrètement, il est important de souligner la qualité intrinsèque du texte qui tend adroitement vers la protection du consommateur. Malgré le peu de dispositions (quatre articles), l'activité de dispensateur de crédit des banques est, à tout le moins, modifiée. Les consommateurs disposent, désormais, d'une faculté de résiliation des contrats tacitement reconductibles facilité par l'instauration d'une nouvelle obligation d'information à la charge du banquier. De plus, le crédit renouvelable -entrant également dans le collimateur du législateur- se voit proposer différentes dispositions dont une résiliation automatique en cas d'inactivité. Mieux, le point le plus novateur du texte est à venir : le législateur, par la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005, accorde la publicité du crédit gratuit hors des points de vente. Créateur de droit(s) pour le consommateur, cette nouvelle loi a, néanmoins, un goût d'inachevé. Il est fort à parier qu'elle sera instamment suivie d'autres textes, simplification du droit oblige. Déjà, une proposition de loi tendant à prévenir le surendettement est sur le point d'être examinée, alors... Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose un point sur cette nouvelle loi avec Richard Routier, maître de conférences à l'Université du sud Toulon-Var.

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Bancaire

[Textes] Les banques face aux dispositions de la loi tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur

Réf. : Loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur (N° Lexbase : L6468G4C)

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N4455ABM

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par Richard Routier, Maître de conférences à l'Université du sud Toulon-Var, Codirecteur du Master banque

Le 07 Octobre 2010


Nous avons déjà eu l'occasion de commenter dans ces colonnes la proposition de loi "Chatel", et ses implications pour les banques (1). Avec la loi du 28 janvier 2005, ces dispositions, qui reprennent sans changement la mouture du Sénat, entrent dans notre droit positif et franchissent une étape importante pour la protection du consommateur. Cela se retrouve dans l'intitulé même de la loi tendant désormais "à conforter la confiance et la protection du consommateur". Sans doute peut-on objecter que "conforter" n'est pas "redonner" -qui laissait supposer dans le texte initial que la confiance était perdue, ce qui pouvait appeler une réponse plus énergique du législateur-, mais l'inclusion du mot "protection" reflète assez fidèlement la teneur d'une loi dont les mesures prises vont indiscutablement dans le sens de la protection du consommateur. Quatre dispositions phares de la loi donnent, désormais, un nouvel éclairage aux relations que les "professionnels prestataires de services", et donc les banques, devront entretenir avec leurs clients. En pratique cela se traduit, pour les consommateurs, par une résiliation plus facile des contrats tacitement reconductibles, par un crédit renouvelable mieux encadré, par une meilleure information dans les opérations de crédit gratuit par ailleurs libérées, et par la reconnaissance d'une nouvelle clause abusive : celle obligeant le consommateur à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

I - Résiliation des contrats tacitement reconduits

Aux termes de l'unique article composant un nouveau chapitre du Code de la consommation consacré à la reconduction des contrats (2), le banquier, comme tout professionnel prestataire de services, a dorénavant une nouvelle obligation : celle d'informer le consommateur "par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite" (3). A défaut d'avoir été régulièrement informé "le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction". Les avances qu'il aurait, le cas échéant, effectuées lui sont alors remboursées dans les trente jours -déduction faite des sommes correspondant à l'exécution du contrat jusqu'au jour de la résiliation-, et passé ce délai les sommes sont productives d'intérêts au taux légal. Cette nouvelle obligation d'information vient s'ajouter aux autres informations qui seraient, le cas échéant, légalement dues suivant le contrat considéré.

On déplorera au passage, pour la lisibilité du droit et sa simplification, que le législateur n'ait pas cru devoir ici uniformiser le délai de résiliation des contrats tacitement reconduits avec le délai de vingt jours posé par ailleurs et, dans cette même loi, pour résilier d'autres contrats. Une difficulté pratique subsiste aussi quant aux dates d'information et de résiliation qui ne sont pas précisées par le législateur. L'information doit être écrite pour le banquier, mais aucune forme ne lui est imposée. Cela vaut aussi pour le consommateur. On doit donc admettre qu'une remise aux guichets serait possible dans les deux cas. La question se pose moins pour l'information car on peut penser que le banquier adressera systématiquement un courrier. Elle reste cependant entière pour la résiliation du client. Une remise contre récépissé serait une protection élémentaire mais cela n'est nullement exigé, ce qui pourrait poser un problème de preuve. Certes, la plupart du temps le contrat imposera que la résiliation intervienne par courrier : est-ce alors la date de réception par le banquier ou celle de l'envoi par le consommateur qu'il faudra retenir ? On regrettera que la date du cachet de la poste n'ait pas été expressément retenue ici par le législateur, contrairement à ce qu'il a pris soin de faire dans cette même loi pour les contrats relevant d'autres codes et, notamment, pour certains contrats d'assurance.

Précisément, le banquier pourrait, également, être concerné par la tacite reconduction plus particulière qui touche les contrats d'assurance couvrant les personnes physiques, où cette fois la "date limite d'exercice par l'assuré du droit à dénonciation du contrat doit être rappelée avec chaque avis d'échéance annuelle de prime ou de cotisation". Pour éviter que l'assuré ne soit pris de court par un avis adressé tardivement, le législateur a aménagé un régime particulier : lorsque cet avis est adressé "moins de quinze jours avant cette date, ou lorsqu'il lui est adressé après cette date, l'assuré doit être informé avec cet avis qu'il dispose d'un délai de vingt jours" pour dénoncer la reconduction du contrat, et c'est -précision heureuse- le cachet de la poste qui fait courir ce délai. Le défaut d'information régulière permet à l'assuré de "mettre un terme au contrat, sans pénalités, à tout moment à compter de la date de reconduction en envoyant une lettre recommandée à l'assureur" ; le législateur s'étant attaché à préciser ici encore que "la résiliation prend effet le lendemain de la date figurant sur le cachet de la poste". Le paiement de la partie de prime ou de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque a couru jusqu'à la date d'effet de la résiliation est dû par l'assuré. Mais les sommes relatives à la période pendant laquelle le risque n'a pas couru doivent lui être remboursées dans les trente jours, et au-delà, avec un intérêt au taux légal.

Ces nouvelles dispositions en matière d'assurance ne devraient pas fondamentalement bouleverser les pratiques actuelles des banques proposant des produits d'assurance. La reconduction tacite ne concerne d'abord qu'un nombre limité de contrats. L'application de ces dispositions est, ensuite, elle-même assez contingente puisque sont exclus les contrats couvrant les personnes physiques dans leurs activités professionnelles (4), les contrats d'assurances sur la vie, les contrats de groupe et, plus généralement, toutes les opérations collectives (5).

II - Crédit renouvelable

Le banquier est ici davantage touché par les changements apportés au crédit renouvelable. Encore que ceux-ci doivent être, pour certains, nuancés. Le formalisme de l'offre préalable, qui n'était, jusqu'alors, légalement obligatoire que pour le contrat initial, doit ainsi à l'avenir être réitéré pour toute augmentation du crédit consenti (6). Cette nouvelle exigence met donc formellement un terme aux dispenses de réitération. Mais comme la jurisprudence avait déjà singulièrement commencé à les limiter (7), le changement est en fait assez relatif.

Tel n'est pas le cas, en revanche, de la nouvelle faculté dont dispose l'emprunteur "de demander à tout moment la réduction de sa réserve de crédit, la suspension de son droit à l'utiliser ou la résiliation de son contrat" (8). La résiliation n'est pas sans conséquence pour l'emprunteur puisqu'il est naturellement tenu de rembourser le montant qu'il a déjà utilisé, et ce, aux conditions du contrat. Mais cela doit être vu comme un progrès en lui permettant de sortir d'un enfermement, voire d'une spirale quelque peu infernale, à un moment où il en a les moyens, lequel ne correspond pas forcément à celui de la date anniversaire de son contrat.

La loi institue aussi une résiliation automatique en cas d'inactivité. Désormais, "si pendant trois années consécutives, le contrat d'ouverture de crédit ou tout moyen de paiement associé n'ont fait l'objet d'aucune utilisation, le prêteur qui entend proposer la reconduction du contrat adresse à l'emprunteur, à l'échéance de la troisième année, un document annexé aux conditions de cette reconduction. Ce document indique l'identité des parties, la nature de l'opération, le montant du crédit disponible, le taux annuel effectif global ainsi que le montant des remboursements par échéance et par fractions de crédit utilisées. A défaut pour l'emprunteur de retourner ce document, signé et daté, au plus tard vingt jours avant la date d'échéance du contrat, ce dernier est résilié de plein droit à cette date" (9). Le délai de vingt jours de cette résiliation de plein droit, qui est identique à celui que ce même article prévoyait déjà pour s'opposer aux modifications proposées lors de la reconduction du contrat, est assez cohérent. Une telle mesure, qui a le mérite de clarifier la situation en ne maintenant pas de manière pérenne des engagements devenus inutiles, doit également être approuvée.

III - Crédit gratuit

Le législateur s'est finalement résolu à permettre la publicité du crédit gratuit hors des lieux de vente. Elle peut donc être utilisée plus largement par le banquier. Mais pour éviter que l'échelonnement des paiements sans intérêts ne vienne renchérir le prix de vente à l'insu du consommateur elle doit dorénavant "préciser qui prend en charge le coût du crédit consenti gratuitement au consommateur" (10). Il spécifie, également, qu'un crédit à titre onéreux proposé concomitamment à une opération de crédit gratuit ou promotionnel, donne lieu à une offre préalable de crédit distincte (11). Ces dispositions viennent sensiblement améliorer le sort du consommateur en l'éclairant mieux dans les opérations complexes, et en lui évitant les marchés de dupes.

IV - Clause abusive

Le législateur vient, enfin, ranger dans la catégorie des clauses abusives celle obligeant le consommateur "à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges" (12). Les banques qui ont été amenées à mettre en place un système de règlement des conflits par la médiation (13) ne peuvent donc pas imposer celui-ci. Même si, en général, le recours au médiateur est facultatif pour le client, ce caractère n'est pas toujours explicite. Au surplus, le médiateur est choisi et rémunéré par la banque, ce qui en terme d'indépendance pouvait légitimement susciter quelques craintes. Une clause obligeant dans ces conditions le consommateur à passer par un mode alternatif de règlement des litiges était de nature à créer un déséquilibre significatif à son détriment. Avec la loi du 28 janvier 2005, cette question est désormais réglée.

Les banques ont jusqu'au 28 juillet prochain pour adapter leur contrats et leur procédure aux dispositions nouvelles relatives aux contrats tacitement reconductibles et au crédit renouvelable, lesquelles s'appliquent au demeurant, avec celle concernant le caractère abusif de la clause qui oblige le consommateur à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges, aux contrats en cours et à leur reconduction (14).

Les esprits chagrins regretteront sans doute que le législateur n'ait pas été plus loin (15). Ce premier train de mesures, qui presse d'ores et déjà les banques à revoir leurs relations, marque quand même une avancée notable. Il devrait aussi être rapidement suivi d'un autre, aux implications infiniment plus lourdes pour le banquier, avec la proposition de loi n° 2029 du 13 janvier 2005 tendant à prévenir le surendettement (pour en savoir plus, lire Surendettement des particuliers : actualité législative et jurisprudentielle, Lexbase Hebdo n° 152 du 27 janvier 2005 - édition affaires N° Lexbase : N4379ABS).


(1) R. Routier, Proposition de loi tendant à redonner confiance au consommateur : les incidences pour les banques, Lexbase Hebdo n° 127 du 1er juillet 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N2160ABM).
(2) L'inclusion d'un chapitre entier pour la reconduction des contrats peut laisser augurer d'autres retouches en la matière.
(3) C. consom., art. L. 136-1 nouv.
(4) C. assur., art. L. 113-15-1, nouv. al. 1er
(5) C. assur., art. L. 113-15-1, nouv. al. 3.
(6) C. consom., art. L. 311-9 (N° Lexbase : L6744ABE).
(7) Cass. civ. 1, 3 juillet 1996, n° 94-13.396, M. Robert Bouillard c/ Société Via crédit banque (N° Lexbase : A9237CLP), D. 1996, IR p. 191 ; Contrats. conc. consom. 1996, n° 160, note G. Raymond ; Cass. civ. 1, 17 mars 1998, n° 96-13.876, Mlle Sanchez c/ Société Finaref (N° Lexbase : A2248ACA), Bull. civ. I, n° 119 ; D. 2000, p. 499, obs. J-P. Pizzio ; D. aff. 1998, p. 840, obs. CR ; Contrats. conc. consom. 1998, n° 122, obs. G. Raymond ; RTDcom. 1998, p. 907, obs. B. Bouloc ; Cass. civ. 1, 18 janvier 2000, n° 97-19.048, Epoux Villatte c/ Banque nationale de Paris (BNP) (N° Lexbase : A5265AWW), Bull. civ. I, n° 14 ; D. 2000, p. 134, obs. C. Rondey.
(8) C. consom., art. L. 311-9-1 (N° Lexbase : L3179DAY).
(9) C. consom., art. L. 311-9 al. 5 (N° Lexbase : L6734ABZ).
(10) C. consom., art. L. 311-6 (N° Lexbase : L6731ABW).
(11) C. consom., art. L. 311-7-1 (N° Lexbase : L6732ABX).
(12) C. consom., art. L. 132-1, annexe (N° Lexbase : L6478ABK).
(13) C. mon. et fin., art. L. 312-1-3, I (N° Lexbase : L2899AWB).
(14) Loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005, art. 7.
(15) Ass. nat., compte rendu analytique, 1ère séance du jeudi 20 janvier 2005.

newsid:14455

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] La fourniture de repas moyennant une contrepartie inférieure au prix de revient n'est pas une livraison ou un service à soi-même

Réf. : CJCE, 20 janvier 2005, aff. C-412/3, Hotel Scandic Gåsabäck AB c/ Riksskatteverket (N° Lexbase : A3119DGM)

Lecture: 8 min

N4492ABY

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

Le 07 Octobre 2010

La réduction de prix accordée aux membres du personnel d'un hôtel sur la consommation de repas sur les lieux de travail entraîne-t-elle application du régime des prestations à soi-même ? A cette question, la CJCE répond "que les articles 2, 5, paragraphe 6, et 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive (N° Lexbase : L9279AU9) doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui considère comme le prélèvement d'un bien ou la prestation de services pour des besoins privés des opérations pour lesquelles une contrepartie réelle est acquittée même si cette contrepartie est inférieure au prix de revient du bien ou du service fourni" (§ 30).

L'hôtel suédois "Scandic Gåsabäck AB" s'apprêtait à réduire, en deçà du prix de revient, le prix des repas fournis à son personnel. Avant d'y procéder, il a sollicité l'avis de l'administration fiscale suédoise quant aux conséquences de cette réduction au regard du droit suédois. Ce dernier permet d'assimiler aux prestations à soi-même taxables sur le prix de revient les opérations réalisées pour un prix inférieur au prix de revient. D'une part, Scandic s'interrogeait à propos du taux de TVA applicable à cette fourniture de repas à prix réduit, car le taux diffère selon qu'il s'agit de livraisons de biens ou de prestations de services. D'autre part, Scandic se demandait si, du fait du tarif privilégié accordé aux salariés, l'assiette de la TVA devait être le tarif pratiqué, comme s'il s'agissait de prestations fournies aux tiers cocontractants ou, s'il fallait appliquer le régime des prestations à soi-même taxables sur le prix de revient. L'administration interrogée a considéré que les prestations en cause constituaient des services à soi-même relevant de la TVA au taux supérieur et sur la base du prix de revient. Scandic, ne s'avouant pas vaincu, a saisi la Cour administrative suprême suédoise, laquelle, sur la question des prestations à soi-même, a préféré s'en remettre à la CJCE.

Par sa réponse, le juge communautaire fait, naturellement, prévaloir le droit communautaire sur le droit suédois, en sanctionnant une interprétation erronée de la 6ème directive TVA.

1. Les prestations à soi-même selon la 6ème directive TVA

L'article 5, § 6, de la 6ème directive (N° Lexbase : L9279AU9) dispose : "Est assimilé à une livraison effectuée à titre onéreux le prélèvement par un assujetti d'un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu'il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu'il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l'entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons". En cas de prélèvement d'un bien de l'entreprise à des fins non professionnelles, l'article 11, A, § 1, b de la 6ème directive prévoit une règle spécifique de détermination de la base d'imposition. Cette dernière est, en effet, alors constituée "...par le prix d'achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d'achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s'effectuent ces opérations".

S'agissant de prestations de services à soi-même, l'article 6, § 2, de la 6ème directive dispose : "Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux : a) l'utilisation d'un bien affecté à l'entreprise pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée ; b) les prestations de services à titre gratuit effectuées par l'assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise". L'assiette de la TVA applicable à ces prestations de services à soi-même résulte de l'article 11 , A, § 1, c), de la 6ème directive : "...le montant des dépenses engagées par l'assujetti pour l'exécution de la prestation de services".

Aucun des textes cités ne fait expressément dépendre l'identification des prestations à soi-même de la pratique de prix inférieurs au prix de revient. Textuellement, la référence au prix n'est qu'implicite car la 6ème directive évoque le bien que l'assujetti "transmet à titre gratuit" et "les prestations de services à titre gratuit effectuées par l'assujetti". Aussi, la fourniture de biens ou de services moyennant une contrepartie inférieure au prix de revient soulève-t-elle la question de savoir si la réduction prive l'échange économique de son caractère onéreux. En d'autres termes, le rabais caractérise-t-il la libéralité ?

Dans la mesure où le caractère onéreux d'une livraison de bien(s) ou d'une prestation de services se manifeste par une contrepartie, il convient de rappeler la jurisprudence communautaire en la matière. Le caractère onéreux d'une livraison ou d'un service résulte du paiement d'une contrepartie. Cette contrepartie identifie l'opération dans le champ d'application de la TVA et mesure son assiette . Selon une jurisprudence communautaire constante, la contrepartie est la valeur subjective voulue par les parties. Peu importe la valeur objective et le mode paiement, en espèces ou en nature (CJCE, 10 avril 1984, aff. C-324/82, Commission des Communautés européennes c/ Royaume de Belgique N° Lexbase : A8682AU4 ; CJCE, 23 novembre 1988, aff. C-230/87, Naturally Yours Cosmetics Limited c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A7745ATZ, spéc. § 16 et 18 ; CJCE, 27 mars 1990, aff. C-126/88, Boots Company plc c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A8609AUE ; CJCE, 9 juillet 1992, aff. C-131/91, "K" Line Air Service Europe BV c/ Eulaerts NV et Etat belge N° Lexbase : A9706AUZ ; CJCE, 2 juin 1994, aff. C-33/93, Empire Stores Ltd c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A7746AT3 ; CJCE, 24 octobre 1996, aff. C-317/94, Elida Gibbs Ltd c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A0131AWR ; CJCE, 29 mai 1997, aff. C-63/96, Finanzamt Bergisch Gladbach c/ Werner Skripalle N° Lexbase : A0356AW4 ; CJCE, 16 octobre1997, C-258/95, Julius Fillibeck Söhne GmbH & Co. KG c/ Finanzamt Neustadt N° Lexbase : A9969AUR ; CJCE, 29 mars 2001, C-404/99, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A9919AS8 ; CJCE, 20 janvier 2005, aff. C-412/03, Hotel Scandic Gåsabäck AB, précité). La contrepartie traduit l'existence d'un lien entre des contre-prestations précises (CJCE, 5 février 1981, aff. C-154/80, Staatssecretaris van Financiën c/ Association coopérative Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats GA, quest. préj. N° Lexbase : A6101AUI ; CJCE, 8 mars 1988, aff. C-102/86, Apple and Pear Development Council c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A7336AH8 ; CJCE, 20 juin 1991, aff. C-60/90, Polysar Investments Netherlands BV c/ Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen N° Lexbase : A7267AHM). L'arrêt "Tolsma" affirme qu'"une prestation de services n'est effectuée à titre onéreux [...] que s'il existe un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire" (CJCE, 3 mars 1994, aff. C-16/93, R. J. Tolsma c/ Inspecteur der Omzetbelasting Leeuwarden N° Lexbase : A7246AHT).

En l'espèce, personne ne conteste que les salariés de Scandic paient une contrepartie. Par ailleurs, la 6ème directive ne prohibe pas les réductions. Elle les admet en prescrivant la diminution de l'assiette à due concurrence (art. 11 A 2 b). Ni la 6ème directive, ni la CJCE n'autorisent un Etat membre à inférer de l'existence d'une réduction de prix la réalité d'une prestation à soi-même. Dès lors, la CJCE ne pouvait que sanctionner une interprétation erronée de la 6ème directive TVA.

2. La sanction d'une interprétation erronée de la 6ème directive TVA

L'arrêt "Scandic", en son point 22, précise fort opportunément que "le fait qu'une opération économique soit effectuée à un prix supérieur ou inférieur au prix de revient est dénué de pertinence lorsqu'il s'agit de qualifier une opération d'opération à titre onéreux. Il poursuit en rappelant que l'opération à titre onéreux "suppose uniquement l'existence d'un lien direct entre la livraison de biens ou la prestation de services et une contrepartie réellement reçue par l'assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council, point 12, précité).

Le mécanisme des livraisons et services à soi-même taxables ne vise que l'utilisation des moyens de l'entreprise pour satisfaire des besoins non professionnels sans réelle contrepartie (§ 23 et 24). Si les prestations fournies à titre gratuit constituent des prestations à soi-même, tel n'est pas le cas des opérations effectuées pour un prix inférieur au coût de revient. Toute solution contraire nécessiterait une autorisation spécifique accordée par le Conseil sur le fondement de l'article 27 de la 6ème directive TVA, en vue de prévenir la fraude et l'évasion fiscale (§ 26). L'absence de contrepartie, au moins équivalente au prix de revient, ne renvoie pas obligatoirement l'opération en cause au système des prestations à soi-même.

A l'évidence, la législation et l'administration suédoises confondent qualification et régime juridiques. En effet, elles assimilent à des prestations à soi-même les échanges économiques réalisés pour un prix inférieur au prix de revient, au prétexte que l'article 11 A § 1 b de la 6ème directive retient le prix de revient pour fixer l'assiette de la TVA exigible sur de telles prestations (§ 9, 10,14 et 19). De plus, l'administration suédoise considère que, dans la mesure où l'article 11 A § 1 a) inclut les subventions dans l'assiette de la TVA, il faut considérer que la fourniture de prestations au personnel avec réduction de prix caractérise une subvention. La différence entre le coût de revient et le prix demandé serait une subvention en nature (§ 27). En sorte que l'effet déterminerait la cause. Or, en droit, la qualification précède le régime. A cet effet, la CJCE se réfère à l'arrêt "Office des produits wallons" (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ État belge N° Lexbase : A5858AXA ; Les critères d'identification de la subvention à inclure dans l'assiette de la TVA, Y. Sérandour, DF, 2003, n° 3, p. 84). Elle réitère la définition de la subvention à inclure dans l'assiette de la TVA en précisant que la subvention présuppose une situation où "trois parties sont en cause, à savoir celle qui accorde la subvention, le fournisseur du bien ou le prestataire de services qui en bénéficie et l'acheteur du bien ou le preneur du service (§ 29)". En l'espèce, il n'y a que deux parties, fournisseur-employeur et clients-salariés. Manifestement, caractériser l'existence de prestations à soi-même par la fourniture de prestations au personnel à prix de faveur reste à être démontré.

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Fiscal général

[Manifestations à venir] Actualité fiscale jurisprudentielle

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N4517ABW

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Le 07 Octobre 2010

L'association des étudiants et enseignants fiscalistes de Rennes popose, le vendredi 11 mars 2005, un colloque sur l'actualité fiscale jurisprudentielle de l'année 2004.
  • Programme :

13 h 30 - Accueil des participants

14 h - Allocution de bienvenue de Mme Christiane Plessix-Buisset, Doyen de la Faculté de droit et de science politique 

14 h 15 - Président de séance - Propos introductifs, de monsieur le Bâtonnier Raymond Bondiguel, avocat fiscaliste, chargé de cours en Master 2 professionnel, Droit fiscal des affaires 

14 h 30 - L'abus de droit en droit fiscal, de M. Henri Hovasse, professeur à la Faculté de droit et directeur du Master 2 professionnel, Gestion du patrimoine

15 h - L'activation des charges, de M. Daniel Gutmann, professeur à Paris I et directeur du DES affaires et fiscalité à Paris I 

15 h 30 - Débats et Pause 

16 h - La réforme de l'article 209 B du CGI inspirée par la jurisprudence, de M. Alfred de Lassence, directeur fiscal de Thomson

16 h 30 - Produits financiers et TVA, de Mme Yolande Sérandour, professeur à la Faculté de droit et directrice du Master 2 professionnel, Droit fiscal des affaires

17 h - Libres propos avec M. Hervé Depouez, expert-comptable et commissaire aux comptes, chargé de cours en Master 2 professionnel, Droit fiscal des affaires

  • Droits d'inscription :

- 46 euros
- Règlement à l'ordre de l'Association des étudiants et enseignants fiscalistes de Rennes (ADEFR)

  • Inscription :

- Auprès de Mme le Professeur Y. Sérandour, Faculté de droit et de science politique9, rue Jean Macé, 35042, Rennes cedex

  • Renseignements  :

- n° de tél : 02 23 23 77 58
- e-mail : laurence.trinquart@univ-rennes1.fr

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Entreprises en difficulté

[Le point sur...] Le sort des contrats de travail en cas de cession d'unité de production après le prononcé d'une liquidation judiciaire

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N4505ABH

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Le 07 Octobre 2010

Une cession d'unité de production peut être envisagée lorsqu'une entreprise a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire. La cession d'unité de production soulève, d'emblée, la question du sort des contrats de travail des salariés de l'unité transférée. Les solutions actuellement appliquées découlent d'une combinaison entre les textes du droit des procédures collectives et du droit du travail, ainsi que de la jurisprudence. Or, cette combinaison aboutit à une solution différente selon qu'il y a cession de l'unité de production ou plan de cession. Cette incohérence est essentiellement problématique. Devant une telle situation, la doctrine n'hésite plus à inciter les juges à modifier leur jurisprudence, et le législateur à intervenir. I) Cadre législatif et problématique

L'article L. 622-17, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L7012AIK) prévoit que, lorsqu'une liquidation judiciaire a été prononcée, des unités de production composées de tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier peuvent faire l'objet d'une cession globale.
L'unité de production, au sens de l'article L. 622-17, alinéa 1er, du Code de commerce, correspond à un ensemble d'éléments corporels ou incorporels, permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre (Cass. soc., 27 octobre 1999, n° 97-43.194, Société La Dunoise c/ M. Gosselin et autres N° Lexbase : A4776AGY).

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY), "s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise".

Se pose, ainsi, la question de savoir si l'article L. 122-12 du Code du travail s'applique à la cession d'une unité de production, opérée après le prononcé d'une liquidation judiciaire, au sens de l'article L. 622-17 du Code de commerce.
Les enjeux soulevés revêtent une importance non négligeable, non seulement pour les salariés dont l'employeur a été mis en liquidation judiciaire, mais également aux yeux du candidat repreneur, en sa qualité de cessionnaire.

II) La solution jurisprudentielle

Selon une jurisprudence constante, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire n'entraîne pas, en soi, la rupture des contrats de travail (voir, notamment, Cass. civ. 1, 7 juillet 1998, n° 96-15.280, Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), inédit N° Lexbase : A6966A4R ; Cass. soc., 24 mai 2000, n° 98-42.343, AGS, inédit N° Lexbase : A6306A4C ; Cass. soc., 20 juin 2001, n° 99-43.793, AGS de Paris c/ M. Eric Rambeau, inédit N° Lexbase : A6366ATX). Par conséquent, les contrats de travail sont poursuivis, lorsque la liquidation judiciaire est prononcée et ce, nonobstant la cessation d'activité (Cass. soc., 20 juin 2001, n° 99-43.793 précité ). Or, le maintien des contrats de travail après le prononcé de la liquidation judiciaire de l'entreprise n'est pas opportun, dans la mesure où celle-ci cesse son activité. C'est pourquoi le liquidateur doit procéder aux licenciements dans un délai de quinze jours (1).
Toutefois, un auteur (2) a souligné que ce maintien des contrats de travail peut être utile si le tribunal autorise une poursuite provisoire d'activité (3), ou lorsqu'une cession d'unité de production, dans les conditions de l'article L. 622-17 du Code de commerce, est envisagée.

Qu'advient-il, alors, si une cession globale d'unité de production est, effectivement, décidée ?

Il ressort d'une position de principe que la décision du juge-commissaire d'autoriser la cession d'éléments d'actifs de l'entreprise en liquidation judiciaire ne fait pas échec à l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail.
En outre, la jurisprudence réitère, fréquemment, une solution a priori favorable aux salariés. Elle énonce, en effet, qu'aux termes de l'article L. 622-17 du Code de commerce, la cession globale des unités de production, composées de tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier de l'entreprise en liquidation judiciaire, peut être autorisée par le juge-commissaire. Pour choisir l'offre qui lui paraît la plus sérieuse, le juge-commissaire doit vérifier, outre que cette offre permet, dans les meilleurs conditions, d'assurer durablement l'emploi, que l'unité de production dont la cession est envisagée correspond à un ensemble d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. Il en résulte que la cession entraîne de plein droit le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite, avec le cessionnaire, des contrats de travail des salariés de l'unité de production transférée (Cass. soc., 27 octobre 1999, précité ; Cass. soc., 27 avril 2000, n° 98-40.064, M. Girard et autre c/ Société Huileries de Lezay et autres, publié N° Lexbase : A8184AG9 ; Cass. soc., 28 juin 2000, n° 97-43.606, Me Lott, ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Kuhn c/ Mme Kimme, publié N° Lexbase : A8741AH9).

En d'autres termes, les licenciements qui auraient pu intervenir au cours de la liquidation judiciaire se trouveront privés d'effet, en cas de cession d'unité de production, unité à laquelle les emplois des salariés étaient attachés.

Cette jurisprudence a connu, néanmoins, deux aménagements successifs.
Dans un deuxième temps, en effet, la jurisprudence a offert un choix aux salariés : soit ces derniers considéraient que leur licenciement était sans cause réelle et sérieuse, auquel cas ils avaient droit à une indemnisation, soit ils décidaient d'être réintégrés. Telle est la solution qui ressort, implicitement, de quelques arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 20 juin 2002, n° 00-43.610, Société Berton-Demangeau N° Lexbase : A2646A77 ; Cass. soc., 24 septembre 2002, n° 00-41.643, Société CIC N° Lexbase : A2212A4P ; Cass. soc., 26 février 2003, n° 01-41 .482, Société Vernier c/ M. Jean-Pierre Fiorentini, F-P N° Lexbase : A2925A7H).
Dans un troisième temps, la jurisprudence a semblé vouloir supprimer ce choix, lorsque le repreneur a annoncé reprendre le salarié, et quand bien même le licenciement de celui-ci aurait été prononcé. En effet, la Chambre sociale de la Cour de cassation a énoncé l'attendu suivant : "Attendu, cependant, que la cession globale des unités de production composées de tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier de l'entreprise en liquidation judiciaire, autorisée par le juge-commissaire en application de l'article L. 622-17 du Code de commerce, entraîne de plein droit le transfert d'une entité économique maintenant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite des contrats de travail des salariés affectés aux unités cédées et repris par le cessionnaire ; qu'il s'ensuit que les licenciements de ces salariés, prononcés par le liquidateur dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire, sont dépourvus d'effet, en sorte qu'aucune avance de créances résultant de la rupture des contrats de travail ne leur est due par l'AGS" (Cass. soc., 5 novembre 2003, n° 01-45.161, F-D N° Lexbase : A0679DAE).

Paradoxalement, la solution rencontrée, en présence d'un plan de cession adopté dans le cadre d'un redressement judiciaire, est toute autre.

III) Comparaison avec la solution applicable en présence d'un redressement judiciaire

Le principe de la continuation de plein droit du contrat de travail, posé par le législateur pour la période d'observation, se retrouve, également, lors de l'arrêté d'un plan de redressement, qu'il s'agisse d'un plan de continuation ou d'un plan de cession.
A ce titre, l'article L. 621-63, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L6915AIX) prévoit que "le plan expose et justifie le niveau et les perspectives d'emploi" ; l'alinéa 3 de ce même texte dispose, quant à lui, que "les personnes qui exécuteront le plan [...] ne peuvent pas se voir imposer des charges autres que les engagements souscrits au cours de sa préparation". Par conséquent, les personnes qui exécuteront le plan sont chargées de déterminer le nombre de contrats de travail qu'elles entendent continuer, et elles ne pourront s'en voir imposer davantage par le tribunal.

Plus précisément, la cession des contrats de travail en plan de cession adopté lors d'une procédure de redressement judiciaire présente certaines règles spécifiques .
La cession des contrats de travail au repreneur n'intervient pas en application de l'article L. 621-88 du Code de commerce (N° Lexbase : L6940AIU), cette disposition n'étant pas applicable au contrat de travail. Un auteur (4) a, à cet égard, souligné le caractère heureux de cette solution, car, "dans le cas contraire, le tribunal aurait eu le pouvoir d'imposer, par application de l'article 86 de la loi (aujourd'hui codifié à l'article L. 621-88 du Code de commerce), des délais aux salariés pour le paiement de leurs créances, ce qui aurait constitué une source sérieuse de conflit entre les salariés et leur nouvel employeur".
C'est, en effet, en application de l'article L. 122-12 du Code du travail qu'intervient la cession. En témoigne la jurisprudence suivante : "la cession, même partielle, par décision du tribunal de commerce, d'une entreprise en redressement judiciaire entraîne le transfert d'une entité économique autonome, dont l'activité est poursuivie par le cessionnaire" et "les contrats de travail des salariés repris par le cessionnaire subsistent par le seul effet de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, peu important que les intéressés aient été licenciés par l'administrateur" (Cass. soc., 13 janvier 1999, n° 96-42.536, M. Paul Laurent, ès qualité de représentant des créanciers c/ M. Christian Brexel et autres N° Lexbase : A6949AHT).
Toutefois, dans le cas d'une cession d'entreprise intervenant dans le cadre d'un redressement judiciaire, l'article L. 621-64 du Code de commerce (N° Lexbase : L6916AIY) prévoit que le plan de cession précise, notamment, les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement, et que, dans ce délai, ces licenciements interviennent sur simple notification de l'administrateur. En d'autres termes, l'application de l'article 122-2, alinéa 2, du Code du travail est, en pareille hypothèse, exclue à l'égard des salariés, dont le licenciement a été autorisé par le plan de cession. La volonté du repreneur conditionne donc l'ampleur de cette cession (5).
Ainsi, dès lors que leur licenciement est prononcé dans le délai d'un mois à compter du jugement prononçant le plan de cession, leur contrat de travail échappe à la cession totale ou partielle de l'entreprise. En témoigne l'attendu de principe suivant : "Attendu, cependant, qu'en vertu de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail , la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le tribunal de la procédure entraîne de plein droit le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l'entreprise cédée ; qu'il ne peut être dérogé à ces dispositions que lorsqu'en application des articles 61 ou 81 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L. 621-62 et L. 621-83 du Code de commerce le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique ; que, dans cette hypothèse, conformément aux articles 63 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-64 du Code de commerce et 64 du décret du 27 décembre 1985, d'une part, le plan doit prévoir notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement, d'autre part, le jugement arrêtant le plan doit indiquer le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées" (Cass. soc., 10 juillet 2001, n° 99-44.466, M. Jean-Luc Leblanc c/ Société Saint-Frères N° Lexbase : A1745AU8).

En d'autres termes, dès lors que le jugement arrêtant le plan de cession indique le nombre des licenciements autorisés, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées, l'article L. 621-64 du Code de commerce permet, donc, d'écarter l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail.

Or, comme nous avons pu le constater, le législateur n'a pas prévu une semblable échappatoire, lorsque la cession a lieu dans le cadre d'une liquidation judiciaire.

IV) Critiques adressées à cette jurisprudence

Cette jurisprudence a fait l'objet de critiques de la part de certains auteurs (6).

Ont été soulevées, d'une part, les conséquences économiques et sociales d'une telle solution.
En effet, l'obligation de reprendre l'ensemble du personnel, sans pouvoir modifier les contrats de travail, a un caractère dissuasif, pouvant conduire à ce qu'aucun repreneur ne se manifeste plus pour assurer la sauvegarde d'un nombre minimum d'emplois.
De plus, les liquidateurs, face à l'absence d'offres de cession, peuvent être amenés à licencier massivement. Ces licenciements aggraveront, alors, les charges de l'AGS et de l'assurance chômage.
En outre, l'entreprise qui, elle-même, s'est portée acquéreur de l'unité de production, courra le risque de faire l'objet d'une procédure collective, tant les charges récupérées par elles seront lourdes.
Enfin, les salariés, dont les contrats de travail ont été transmis au repreneur, rembourseront les indemnités de rupture qui leur auraient été versées.

D'autre part, c'est sur le plan de la logique juridique que cette jurisprudence a été vivement critiquée. A ce titre, il faut souligner l'incohérence de la situation : pourquoi conférer à la liquidation judiciaire "un effet translatif des contrats de travail plus étendu que celui produit par un plan de redressement judiciaire par voie de cession partielle, qui s'accompagne toujours d'une autorisation judiciaire de licenciement collectif" ?

Ainsi, certains auteurs (7) insistent sur la nécessité d'un revirement de jurisprudence. Dans cette attente, il appartiendra aux différents intervenants de la procédure collective de veiller à distinguer les règles applicables en cas de cession d'unité de production, quand bien même cette distinction trouve difficilement de justification.
Le projet de réforme supprimera la difficulté car, du fait du glissement du plan de cession en liquidation judiciaire, seules les règles du premier s'appliqueront, et la cession d'unité de production est appelée à disparaître.

Florence Labasque
SGR - Droit des entreprises en difficulté


(1) Sur ce point, F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, 4e édition, n° 376.
(2) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action 2003, 2e édition, n° 43.42.
(3) Sur le sort du contrat de travail en cas de maintien temporaire de l'activité, F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, 4e édition, n° 378.
(4) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action 2003, 2e édition, n° 43.44.
(5) Note précitée.
(6) L. Moreuil et P. Morvan, Cession d'unité de production après liquidation judiciaire et transfert des contrats de travail : un revirement ou une réforme s'impose, JCP édition E. du 23 décembre 2004, p. 2060 et suiv.
(7) Chronique précitée.

newsid:14505

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Nouvelles précisions concernant la prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat

Réf. : Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 02-41.113, Association Société philanthropique c/ Mme Olimpia Gravouil, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0755DG3) ; Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 03-45.018, M. Philippe Cot c/ Société Climb, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0940DGW)

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N4456ABN

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


Si la Cour de cassation a, depuis longtemps, interdit à l'employeur de prendre acte de la rupture du contrat pour lui imposer le respect des procédures du licenciement, elle l'a consacré au bénéfice du salarié, tout en en précisant les conditions (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42.679 N° Lexbase : A8977C8Y ; n° 01-42.335 N° Lexbase : A8976C8X ; n° 01-43.578 N° Lexbase : A8978C8Z ; n° 01-41.150 N° Lexbase : A8975C8W ; n° 01-40.235 N° Lexbase : A8974C8U, lire Christophe Radé, Autolicenciement : enfin le retour à la raison !, Lexbase Hebdo n° 78 du 3 juillet 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9951AAS). Deux arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 19 janvier 2005, et promis à la plus large diffusion (P+B+R+I), apportent des précisions importantes sur les conséquences de cette prise d'acte. Il s'agit, en effet, d'un véritable mode de rupture du contrat de travail (1) qui fixe définitivement les droits et obligations des parties, de telle sorte que l'employeur ne peut plus, par la suite, prononcer ou être considéré comme ayant prononcé de licenciement (2).
Décisions

Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 02-41.113, Association Société philanthropique c/ Mme Olimpia Gravouil, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0755DG3)

Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 03-45.018, M. Philippe Cot c/ Société Climb, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0940DGW)

Cassation partielle sans renvoi (CA Paris, 21e ch. C, 20 décembre 2001) et rejet (CA Riom, 4e ch. soc., 20 mai 2003)

Textes visés et concernés : C. trav., art. L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) ; C. trav., art. 122-13 (N° Lexbase : L5564AC3) ; C. trav., art. L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9)

Mots clefs : salarié ; prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; effets.

Lien bases :

Faits

1. Arrêt n° 122 :

Mme Gravouil, engagée le 7 septembre 1990 en qualité de surveillante par la Société philanthropique et devenue animatrice sociale, a souscrit une convention de formation d'éducateur spécialisé en septembre 1993. Par courrier du 2 janvier 1998, elle a demandé à exercer les fonctions et à percevoir le salaire d'éducateur spécialisé, au motif qu'elle avait obtenu son diplôme en juin 1997.

L'employeur ayant refusé de satisfaire à ses demandes, la salariée a, par lettre du 22 juillet 1998, pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, avec effet au 1er août 1998. Par courrier du 27 juillet 1998, l'employeur a pris acte de la démission de la salariée et l'a dispensée de son préavis.

Pour dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel énonce que la démission ne pouvant résulter d'une lettre de prise d'acte, l'employeur a pris acte, à tort, de la démission qui n'en est pas une et n'a pas cru devoir licencier.

Le défaut de lettre de licenciement rend celui-ci dépourvu de cause réelle et sérieuse.

2. Arrêt n° 124 :

M. Cot, attaché technico-commercial de la société Climb a, par lettres adressées à son employeur, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de ce dernier en se prévalant de retards dans le paiement de salaires, de frais de déplacement et de commissionnements. La société, qui contestait ces imputations, l'a mis en demeure de reprendre son travail puis, eu égard à son refus, l'a licencié pour faute grave.

L'arrêt attaqué (Riom, 20 mai 2003), retenant cette qualification, a débouté M. Cot de toutes ses demandes tendant à faire juger qu'il avait été victime d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Problème juridique

Quel est le sort réservé au licenciement prononcé par l'employeur d'un salarié qui a pris acte de la rupture du contrat de travail à ses torts ?

Solution

1. Arrêt n° 122 :

"Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d'une démission ; [...] le contrat de travail étant rompu par la prise d'acte de la rupture émanant du salarié, peu importe la lettre envoyée postérieurement par l'employeur pour lui imputer cette rupture".

En affirmant l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, "tout en constatant que la salariée avait pris acte de la rupture et que les manquements qu'elle reprochait à l'employeur n'étaient pas de nature à la justifier, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Cassation partielle sans renvoi.

2. Arrêt n° 124

"Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d'une démission".

"La cour d'appel, analysant l'ensemble des faits allégués par M. Cot au soutien de sa prise d'acte, a constaté qu'ils n'étaient pas établis, le seul décalage d'une journée ou deux de certains paiements s'expliquant par des jours fériés et ne pouvant en tout état de cause être considéré comme suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; [...] ayant ainsi retenu qu'en l'absence de faits suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, la prise d'acte du salarié avait les effets d'une démission, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs relatifs au licenciement auquel l'employeur avait procédé après la prise d'acte du salarié et qui, de ce fait, devait être considéré comme non avenu".

Rejet

Commentaire

1. La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié fixe définitivement les droits et obligations des parties

  • Les effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié

Le 25 juin 2003, la Cour de cassation posait le principe selon lequel "lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission".

Depuis, la Cour de cassation s'est efforcée de préciser quelles étaient les fautes commises par l'employeur justifiant la prise d'acte, à ses torts, de la rupture du contrat de travail par le salarié ; ont, ainsi, été sanctionnés le refus de faire convoquer le salarié par la médecine du travail, au motif qu'il n'avait pas demandé à reprendre le travail (Cass. soc., 15 octobre 2003, n° 01-43.571, Société Aux produits du Nyonsais c/ M. Jacky Richard, inédit N° Lexbase : A8327C9BInaptitude médicale et autolicenciement : un employeur averti en vaut deux !, Lexbase Hebdo, n° 91 du 23 octobre 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9165AAP), le retard répété dans le paiement des salaires, sans raison valable (Cass. soc., 24 avril 2003, n° 00-45.404, F-D N° Lexbase : A4999BM4), ou encore le refus de verser au salarié des primes qui lui sont normalement dues (Cass. soc., 21 janvier 2003, n° 00-44.502, FS-P+B+R N° Lexbase : A7345A4S).

La Cour de cassation a, également, précisé que sa jurisprudence s'appliquait y compris lorsque le salarié avait formellement démissionné de l'entreprise, puis contestait la validité de celle-ci en justice (Cass. soc., 19 octobre 2004, n° 02-45.742, Société Ateliers Industriels Pyrénéens (AIPSA), F-P+B+R+I N° Lexbase : A6216DDLAutolicenciement et démission : même combat !, Lexbase Hebdo n° 140 du 28 octobre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3313ABC).

  • Le doute sur le moment où s'apprécient les droits du salarié

On pouvait, toutefois, s'interroger sur la portée réelle de la formule selon laquelle la rupture "produit les effets", et, singulièrement, sur le rôle du juge saisi par le salarié. Le contrat de travail est-il rompu dès la prise d'acte par le salarié ou seulement par le jugement qui analyse la situation en tenant compte des torts, réels ou supposés, de l'employeur ?

  • La réponse apportée : le contrat est bien rompu par la prise d'acte

C'est à cette question que répond la Cour de cassation dans ces deux décisions, en affirmant que le contrat de travail du salarié se trouve bien définitivement rompu, et les droits des parties établis, dès la prise d'acte par le salarié.

Dans la première affaire (arrêt n° 122), la salariée prétendait ne pas être rémunérée à la hauteur de sa qualification professionnelle. L'employeur ayant refusé de satisfaire à ses demandes, la salariée avait pris acte par écrit de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur. L'employeur avait alors riposté en prenant acte, à son tour, de la rupture de son contrat et en la dispensant du préavis.

Or, les juges du fond avaient considéré que la prise d'acte par la salariée était inopérante, sans doute parce que les griefs n'étaient pas établis, et s'étaient, par conséquent, concentrés sur l'analyse du licenciement par l'employeur. L'arrêt est cassé, "le contrat de travail étant rompu par la prise d'acte de la rupture émanant du salarié, peu importe la lettre envoyée postérieurement par l'employeur pour lui imputer cette rupture".

Dans la seconde affaire (arrêt n° 124), un salarié se plaignait de retards dans le paiement de salaires, de frais de déplacement et de commissionnements, et avait également pris acte par écrit de la rupture du contrat aux torts de l'employeur. Les juges avaient bien analysé les torts de l'employeur, préalables à la prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat de travail, mais avaient fondé le refus d'indemniser le salarié sur le caractère justifié du licenciement pour faute grave prononcé par l'employeur à la suite de la prise d'acte. Ici, le pourvoi est rejeté, même si la cour d'appel avait fondé le rejet des prétentions du salarié sur le caractère bien fondé du licenciement pour faute grave, dans la mesure où les magistrats avaient relevé que les griefs du salarié n'étaient pas fondés et qu'il n'avait, en toute hypothèse, droit à aucune indemnité.

Ces deux solutions permettent donc d'affirmer, d'une part, que la prise d'acte par le salarié rompt bien, par principe, le contrat de travail et que c'est à ce moment qu'il convient de se situer pour analyser les droits et obligations des parties, le licenciement prononcé ultérieurement par l'employeur devant être considéré comme nul et non avenu.

2. Le licenciement intervenant après la prise d'acte du contrat de travail par le salarié est nul et non avenu

  • L'intérêt de la solution

C'est surtout pour les conséquences qui résultent du principe affirmé que ces deux arrêts présentent le plus vif intérêt.

Dans la première affaire (n° 122), l'employeur avait eu la mauvaise idée de répondre au courrier de la salariée -par lequel elle prenait acte de la rupture- par un autre courrier par lequel il prenait acte, à son tour, de la rupture et il entendait la dispenser de l'exécution de son préavis. Les juges du fond avaient refusé de faire produire effet à la lettre de la salariée, en avaient déduit que le contrat s'était poursuivi et condamné l'employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse puisqu'il avait "pris acte" de l'abandon de poste sans respecter la procédure de licenciement, ce qui se traduit nécessairement par une condamnation pour absence de cause réelle et sérieuse (principe rappelé par deux des arrêts rendus le 25 juin 2003, pourvois n° 01-41.150 N° Lexbase : A8975C8W et n° 01-40.235 N° Lexbase : A8974C8U, "l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement ; à défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse").

Cet arrêt est cassé, car les juges du fond auraient dû tenir pour acquis la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée et examiner le bien-fondé des griefs formulés contre l'employeur. Or, en l'espèce, il était apparu que les prétendues fautes commises par l'employeur n'étaient pas de nature à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée.

On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi les juges du fond n'avaient pas tenu compte de la lettre de rupture de la salariée qui devait, nécessairement, les conduire à qualifier la rupture de démission et donc à ne lui attribuer aucune indemnité. En se fondant sur la prise d'acte de la rupture par l'employeur, en revanche, les juges du fond pouvaient valablement conclure à l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui attribuer les indemnités afférentes.

Voilà donc de quoi justifier la cassation et l'absence de renvoi.

Dans la seconde affaire, l'analyse retenue par les juges du fond avait été plus confuse. Après avoir conclu que les griefs du salarié n'étaient pas de nature à justifier la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, la cour d'appel avait considéré que le licenciement du salarié pour faute grave était parfaitement justifié et le privait, par conséquent, de toute indemnité. Le résultat du raisonnement était le même, puisque le salarié ne percevait aucune indemnité, mais le raisonnement était erroné.

Or, cet arrêt est sauvé par le rejet du pourvoi, dans la mesure où les juges du fond, tout en fondant leur décision sur le caractère justifié du licenciement pour faute grave, avaient tout de même caractérisé que le comportement de l'employeur ne justifiait pas la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.

  • Quel comportement adopter face à la prise d'acte par le salarié ?

La morale de ces deux affaires est donc identique. Le contrat de travail est rompu, par principe, lors de la prise d'acte du contrat de travail par le salarié. Pour déterminer ses droits, il convient nécessairement de se placer à ce moment et de vérifier si les griefs formulés à l'encontre de l'employeur étaient ou non de nature à justifier la rupture du contrat. Dans l'affirmative, la rupture "produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse". Dans l'hypothèse inverse, et c'est là que la solution revêt son plus grand intérêt, elle "produit les effets d'une démission", et ce même si l'employeur a cru bon de redoubler de prudence en procédant au licenciement du salarié "démissionnaire", dans des conditions qui pourraient justifier sa condamnation.

On peut comprendre l'inquiétude des employeurs qui ne savent pas toujours comment réagir face au salarié qui prend acte de la rupture de son contrat et craignent de se voir, par la suite, condamnés pour n'avoir pas engagé la procédure de licenciement.

Même si la Cour de cassation considère comme nul et non avenu ce licenciement de précaution, il n'est toutefois pas dénué d'intérêt. Il existe, en effet, des situations, en pratique assez nombreuses, où l'intention du salarié de prendre acte de la rupture du contrat de travail pourra apparaître comme équivoque, notamment lorsqu'il ne rédige pas de lettre claire et précise en ce sens. Si, d'aventure, les juges du fond considèrent que le salarié n'avait pas véritablement l'intention de prendre acte de la rupture de son contrat, alors l'inertie de l'employeur pourra se retourner contre lui. Au mieux, un licenciement tardif le privera de la faculté d'invoquer une faute grave (Cass. soc., 13 janvier 2004, n° 01-46.592, F-P+B N° Lexbase : A7800DA7Abandon de poste : comment réagir ? Lexbase Hebdo n° 104 du 22 janvier 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0221ABS).

Au pire, les juges du fond pourront considérer que l'employeur a pris acte de la rupture du contrat de travail et le condamneront pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Même si le licenciement sera généralement redondant, il ne sera donc pas systématiquement inutile. Un employeur averti en vaut, décidément, deux !

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Du bon usage du CDD pour le remplacement de salariés absents

Réf. : Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-45.342, Société des Autoroutes du Sud de la France c/ Mme Monique Artus, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1244DG8)

Lecture: 8 min

N4447ABC

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Le 07 Octobre 2010

Soit une salariée ayant travaillé pendant deux ans pour la même société, suivant 104 contrats à durée déterminée successifs ayant pour objet le remplacement de salariés absents ! Pour apparaître quelque peu irréelle et non moins choquante, cette situation est pourtant à l'origine d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 janvier 2005. Cette décision, dont l'importance est à souligner, conduit la Chambre sociale à affirmer qu'un employeur ne saurait recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre et les ériger en mode normal de gestion de celle-ci.
Décision

Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-45.342, Société des Autoroutes du Sud de la France c/ Mme Monique Artus, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1244DG8)

Rejet de CA Montpellier, 11 juin 2002

Textes concernés : C. trav., art. L. 122-1 (N° Lexbase : L5451ACU) ; C. trav., art. L. 122-1-1 (N° Lexbase : L9607GQU) ; C. trav., art. L. 122-3-1 (N° Lexbase : L9625GQK).

Mots clefs : contrat à durée déterminée ; remplacement d'un salarié absent ; succession de contrats avec le même salarié ; requalification en contrat à durée indéterminée.

Liens base : ;

Faits

1. Mme X a travaillé pour le compte de la Société Autoroutes du Sud de la France (ASF) du 12 mai 1997 au 30 mai 1999, en qualité de receveuse, en application de 104 contrats à durée déterminée successifs ayant pour objet le remplacement de salariés absents. Estimant que ces divers contrats s'analysaient, en réalité, en un contrat à durée indéterminée, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

2. L'arrêt attaqué a fait droit aux demandes de la salariée, requalifiant les contrats à durée déterminée conclus entre les parties en un contrat global à durée indéterminée. Les juges d'appel ont, également, condamné l'employeur à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnités de requalification et de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse.

Problème juridique

A quelles conditions la faculté de conclure avec un même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents peut-elle dégénérer en abus et entraîner une requalification en contrat à durée indéterminée ?

Solution

1. "La possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre" ;

2. "Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que, pendant deux années consécutives, et quel que soit le remplacement assuré à l'occasion des cents quatre contrats à durée déterminée conclus, la salariée avait occupé le même emploi de receveuse de péage, pour des durées très limitées mais répétées à bref intervalle, que le nombre de contrat de travail à durée déterminée de remplacement au péage était important comparativement à l'effectif de l'entreprise et que le recours au contrat à durée déterminée était important comparativement à l'effectif de l'entreprise et que le recours au contrat à durée déterminée était érigé en mode normal de gestion de la main-d'oeuvre, la cour d'appel en a exactement déduit que l'emploi qu'elle occupait était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il y avait lieu de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée".

Observations

1. La possibilité de conclure un contrat à durée déterminée pour remplacer des salariés absents

  • Un cas de recours au contrat à durée déterminée autorisé par la loi

Il résulte de l'article L. 122-1, alinéa 2 du Code du travail (N° Lexbase : L5451ACU) que, "sous réserve des dispositions de l'article L. 122-2, [le contrat à durée déterminée] ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 122-1-1". Le législateur a, ainsi, opté pour une énumération limitative des cas dans lesquels un contrat à durée déterminée peut être conclu. Parmi ceux-ci, figurent le remplacement d'un salarié absent ou dont le contrat est suspendu (C. trav., art. L. 122-1-1, 1° N° Lexbase : L9607GQU).

Ce contrat à durée déterminée jouit d'un régime quelque peu dérogatoire à, au moins, deux égards. D'une part, il peut ne pas comporter un terme précis (C. trav., art. L. 122-1-2, III N° Lexbase : L9608GQW) et, d'autre part, les contrats de remplacement à terme précis d'un même salarié peuvent se succéder immédiatement (C. trav., art. L. 122-3-11, al. 2 N° Lexbase : L9644GQA ; v., aussi, Cass. soc., 26 février 1991, n° 87-40.410, Mme Gautrand c/ Clinique Pasteur, publié N° Lexbase : A1417AAQ).

En d'autres termes, afin de remplacer un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, l'employeur dispose de deux possibilités. Soit il conclut un contrat à durée déterminée à terme imprécis qui prendra fin au retour du salarié absent, soit il conclut plusieurs contrats à durée déterminée à terme précis qui pourront s'enchaîner sans interruption.

Dans les deux cas, l'article L. 122-3-1 (N° Lexbase : L9625GQK) impose de faire figurer dans le contrat conclu le nom et la qualification du salarié remplacé. Une telle exigence rend, par suite, impossible de prévoir simplement dans le contrat que la personne recrutée en contrat à durée déterminée occupera les postes vacants sans autre précision (v., également, Cass. soc., 24 février 1998, n° 95-41.420, Société Sonimar c/ M Ammar N° Lexbase : A5352AC9, Dr. soc. 1998, p. 608, obs. Cl. Roy-Loustaunau). Cela étant, rien ne s'oppose à ce qu'un même salarié enchaîne plusieurs contrats à durée déterminée dans une même entreprise pour pourvoir au remplacement de différents salariés, qui viendraient à s'absenter successivement.

  • Un cas de recours au contrat à durée déterminée encadré par la loi

La loi apporte, cependant, une importante limite à la solution précédemment évoquée. En effet, l'article L. 122-1 dispose, de manière générale, que "le contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise". La possibilité de recourir à des contrats à durée déterminée pour pourvoir au remplacement de salariés absents doit donc s'entendre dans cette stricte limite. C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans l'espèce commentée, en affirmant que "la possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat est suspendu ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise".

Facile à énoncer dans son principe, la règle qui vient d'être énoncée est délicate à mettre en oeuvre en pratique. Comment, en effet, distinguer les entreprises abusant du procédé et celles qui, de bonne foi, sont amenées à enchaîner les contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à une succession d'absences imprévisibles ? On peut avancer, ainsi que le faisait en l'espèce la société demanderesse, que la succession de contrats à durée déterminée ne peut avoir pour effet de créer entre les parties une relation de travail à durée indéterminée, dès lors que le salarié a conclu des contrats distincts, autonomes les uns par rapport aux autres, pour le remplacement de salariés temporairement absents et nommément désignés. Telle n'est toutefois pas l'opinion de la Cour de cassation.

2. L'interdiction de recourir de façon systématique à des contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre

  • Une prohibition de principe

Ainsi que l'indique la Cour de cassation dans cet arrêt du 26 janvier 2005, "l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre" (1). Sans doute faut-il comprendre que seul un besoin conjoncturel de main-d'oeuvre permet un tel usage du contrat à durée déterminée de remplacement. Il reste que la frontière entre les deux situations n'est guère facile à dessiner.

Il est vrai, qu'en l'espèce, l'abus pouvait se deviner dès lors que la salariée avait été conduite à enchaîner pas moins de 104 contrats à durée déterminée en l'espace de deux ans ! Au-delà, et ainsi que prend soin de le souligner la Cour de cassation dans un motif que l'on qualifiera de "didactique", "la salariée avait occupé le même emploi de receveuse de péage, pour des durées très limitées mais répétées à bref intervalle, que le nombre de contrat de travail à durée déterminée de remplacement au péage était important comparativement à l'effectif de l'entreprise et que le recours au contrat à durée déterminée était érigé en mode normal de gestion de la main-d'oeuvre". Il s'en déduit, par suite, pour la Chambre sociale que l'emploi qu'occupait la salariée était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Deux lignes directrices, intimement liées, se dégagent de l'arrêt en cause : les contrats à durée déterminée de remplacement ne sauraient être utilisés pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre et être, ainsi, érigés en mode normal de gestion de main-d'oeuvre. Une telle affirmation, à laquelle on souscrit volontiers, ne saurait, malheureusement, empêcher toute casuistique en la matière. Il est, cependant, difficile d'en faire le reproche à la Cour de cassation, tant la notion d'emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise s'avère imprécise.

Il faut comprendre que, sous couvert du remplacement de salariés absents momentanément de l'entreprise, l'employeur ne saurait utiliser le contrat à durée déterminée comme un moyen commode de gestion de son personnel. C'est ce qui ressortait, en l'espèce, du fait que la salariée avait occupé le même poste pour des durées très limitées mais répétées à bref intervalle et que le nombre de contrats à durée déterminée de remplacement était important comparativement à l'effectif de l'entreprise (2). En d'autres termes, dans la mesure où l'employeur était conduit à faire face à des absences chroniques, il lui appartenait de recourir à des embauches en contrat à durée indéterminée, afin de pourvoir à des emplois qui étaient, en réalité, liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise (3).

  • La requalification comme sanction

La sanction prononcée par les juges du fond, et confirmée par la Cour de cassation, n'appelle guère de commentaire. Il ressort clairement de l'article L. 122-3-13 du Code du travail (N° Lexbase : L5469ACK) que lorsqu'un contrat de travail à durée déterminée a été conclu en dehors des situations autorisées par la loi ou en violation des interdictions légales, il est réputé à durée indéterminée. La requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée entraîne des conséquences importantes : la rupture ou, en l'occurrence, le non-renouvellement du contrat, s'analyse en un licenciement dépourvu, par hypothèse, de cause réelle et sérieuse.

En définitive, le respect par un employeur des exigences formelles posées par le Code du travail dans le recours au contrat à durée déterminée de remplacement n'est pas de nature à éviter tout risque de requalification en contrat à durée indéterminée. La règle soumettant un tel recours au fait que l'emploi ne soit pas lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise doit, ici comme ailleurs, recevoir application.

Gilles Auzero
Maître de conférences à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) Cet arrêt est à rapprocher d'une précédente décision, dans laquelle la Cour de cassation a condamné la même société pour recours abusif aux contrats à durée déterminée de remplacement (Cass. soc., 29 septembre 2004, n° 02-43.249, F-P+B N° Lexbase : A4742DDY). Dans cette espèce, une receveuse de péage avait été embauchée 22 fois en un an par la Société ASF pour pallier les absences de salariés dans six postes de péages différents. Selon la Cour de cassation, cette succession de remplacements revenait à utiliser le contrat à durée déterminée pour occuper un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

(2) On ne retrouve pas, dans cette décision, la constatation qu'avait pu faire la Cour de cassation dans l'arrêt précité du 29 septembre 2004, selon laquelle la salariée oeuvrait dans une "zone géographique étendue", qui couvrait en l'espèce six postes de péage. Selon un commentateur (F.V., Sem. soc. Lamy, préc.), cela était révélateur "car, dans un tel périmètre, il y a inévitablement et régulièrement des absences à combler. Il s'ensuit que l'employeur avait implicitement défini pour la salariée une zone d'intervention qui faisait du CDD de remplacement un mode de gestion des absences en général, même les plus prévisibles".

(3) En l'occurrence, c'était les absences qui tendaient à être normales et permanentes.

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Procédures fiscales

[Jurisprudence] La notification de la décision statuant sur une réclamation préalable faite au domicile réel du contribuable fait courir le délai de recours devant le tribunal administratif

Réf. : CE, 3° et 8° s-s., 5 janvier 2005, n° 256091, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Sugier (N° Lexbase : A2292DGY)

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N4488ABT

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par S. D.

Le 07 Octobre 2010

Décision : CE, 3° et 8° s-s., 5 janvier 2005, n° 256091, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Sugier (N° Lexbase : A2292DGY)

Rejet : CAA Marseille, 3ème, 19 décembre 2002, n° 02MA01142, M. Fabien Sugier c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A0841B7B)

Mots-clés : délai de recours ; réclamation ; mandataire ; avocat ; intermédiaire

Textes concernés : LPF, R. 198-10 (N° Lexbase : L7830AEQ) et CJA, R. 431-1 (N° Lexbase : L3028ALQ)

Lien base :

Faits

1. A la suite d'un redressement fiscal, le requérant avait déposé une réclamation auprès du directeur des services fiscaux par l'intermédiaire de son avocat. Cette réclamation avait, ensuite, fait l'objet d'une décision de rejet, notifiée au domicile du contribuable le 17 octobre 2000 ;

2. Le contribuable avait, alors, porté le litige devant le tribunal administratif de Montpellier. Mais sa demande avait été rejetée pour dépôt tardif.

Solution

1. Le délai de recours devant le tribunal administratif ne court qu'à compter du jour où la notification de la décision de l'administration statuant sur la réclamation du contribuable a été faite au contribuable lui-même, à son domicile réel, alors même que cette réclamation aurait été présentée par l'intermédiaire d'un mandataire, tel qu'un avocat ;

2. Rejet.

Observations

L'article R. 198-10 du LPF dispose que la décision de l'administration sur une réclamation présentée par un contribuable est notifiée dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif. Or, l'article R. 431-1 du Code de justice administrative précise que lorsqu'une partie est représentée par un avocat ou un avoué, les actes de procédure doivent être notifiés à ce mandataire. La cour administrative d'appel de Marseille en avait déduit que, lorsque le contribuable a eu recours à un avocat pour contester une imposition par voie de réclamation, la notification de la décision de rejet au seul contribuable est irrégulière et n'a pu faire courir à son encontre le délai de recours contentieux contre cette décision (solution qu'elle confirma par la suite : CAA Marseille, 4ème ch., 7 juillet 2003, n° 99MA02086, SARL Sophora c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2482DA8). Cette solution ne faisait pas l'unanimité parmi les juridictions administratives. En effet, si la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 2ème ch., 19 avril 2001, n° 98LY00262, M. et Mme Jean-Claude Navarro c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7671AZ7) rejoignait sa position, d'autres juridictions, au contraire, considéraient, pour leur part, que la notification de la décision de rejet au seul contribuable est régulière, quand bien même la réclamation aurait été présentée par un avocat (CAA Paris, 2e ch., 12 décembre 2000, n° 97PA00198, SA "Cruise and Charm" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0303AXI). Tout comme le Conseil d'Etat en l'espèce, ces juridictions s'appuyaient sur l'article R. 751-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3217ALQ), qui prévoit une notification au domicile réel de la partie réclamante. Le débat est, dorénavant, clos.

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