La lettre juridique n°503 du 25 octobre 2012 : Avocats/Champ de compétence

[Le point sur...] L'avocat salarié en entreprise, la somme de toutes les faiblesses

Lecture: 34 min

N4134BTB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Le point sur...] L'avocat salarié en entreprise, la somme de toutes les faiblesses. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/7038025-lepointsurlavocatsalarieenentrepriselasommedetouteslesfaiblesses
Copier

par Didier Lecomte, Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise, MCF associé à l'Université de Cergy (HDR)

le 27 Mars 2014

"Si nous ne pouvons afficher aucune valeur, tout est possible et rien n'a d'importance".
Albert Camus, L'homme révolté, 1951

Le sujet que l'on pensait définitivement réglé après le vote au sein du Conseil national des barreaux (1) et la déclaration, dans ce sens, du Président Wickers, rebondit. En fait, le vote ayant eu lieu serait une "non décision (2)". En effet, la Chancellerie a émis un document de travail sur ce sujet. En outre, il apparaît que certains membres de la nouvelle législature du CNB soient favorables à la création de cet avocat, nouvelle "sorte". Le barreau de Paris semble afficher une position ouvertement favorable à la création de ce statut de l'avocat en entreprise. Le rapport "Prada" (3) va dans le même sens. Enfin, le CNB a mis en ligne, sur son site, un rapport établi par M. Bruno Deffains (4), Professeur d'économie. Ces quatre éléments ne manquent pas de questionner. En effet, les précédents débats au sein de la profession, mais aussi du CNB, ont paru pauvres tant en ce qui concerne le positionnement de la problématique par la profession que par les arguments qui pourraient justifier l'adoption d'une telle position en faveur de l'avocat salarié en entreprise. Le rapport "Prada" n'échappe d'ailleurs pas à cette critique et n'apporte rien de nouveau au débat, bien au contraire. Le document de travail émis par la Chancellerie inquiète par son inconséquence car il tend à imposer la solution sans argument et surtout sans réalisme juridique, sociologique ou économique.

Quant à la position future des membres de la commission chargée de cette question, espérons qu'elle donnera lieu à un débat réel (qui doit avoir lieu en janvier 2013) assorti de réels arguments de fond.

Le document de travail élaboré par la Chancellerie n'appelle pas de développement particulier dans la mesure où il ne démontre rien. En revanche, l'examen du rapport de Bruno Deffains est plus important car il reprend à lui seul l'ensemble des arguments avancés par les promoteurs de cette réforme (Commission droit et entreprise du CNB et rapport "Prada" (5) etc.). Ainsi, nous pourrons examiner l'ensemble de ces arguments et démontrer qu'aucun n'est recevable. C'est pourquoi, le rapport "Deffains" restera le fil conducteur de notre démonstration et nous permettra d'évoquer les autres rapports ou positionnements.

La position adoptée par M. Deffains, dans son rapport, inquiète aussi par sa construction et son analyse purement téléologique.

Ce rapport, finalement, démontre à l'envie à quel point la création d'un statut d'avocat salarié en entreprise est la dernière chose à faire.

En fait, si nous pouvons écarter d'emblée le document de travail de la Chancellerie c'est parce qu'il ne tente pas de justifier la création d'un tel statut de l'avocat en entreprise. Il s'agit en fait d'une proposition de ce que pourrait être ce statut de l'avocat salarié, statut qui ressemble à s'y méprendre à ce que l'association des juristes d'entreprises rêve de voir adopter. Malheureusement, les règles proposées sont incompatibles avec le statut actuel de l'avocat, statut qui n'a de raison d'être que parce qu'il existe dans l'intérêt général. Ce "projet" pèche quant à ces deux principales propositions, à savoir, la création de règles déontologiques dérogatoires et surtout le privilège de confidentialité. Ces points seront évidemment étudiés à l'occasion de l'examen du rapport de M. Deffains.

En outre, s'agissant du rapport de M. Deffains, nous verrons que les arguments avancés sont tellement indéfendables que, finalement, ce rapport qui avait pour objet de justifier la création de ce statut de l'avocat salarié en entreprise, devient un outil sérieux qui démontre non seulement l'inutilité d'un tel statut mais surtout que l'adoption d'un tel statut génèrerait des conséquences gravissimes pour la profession dans son ensemble ainsi que pour l'intérêt général.

Ce rapport établi à la demande du CNB sous la présidence de M. Wickers a été mis en ligne sur le site du Conseil et c'est une satisfaction que de pouvoir en débattre au moment où le projet de création d'un statut de l'avocat en entreprise revient en force avec visiblement, en ligne de mire, une volonté forte de le voir aboutir, comme si l'avenir de la profession en dépendait.

Le rapport de M. Deffains conclut dans ce sens au terme d'un raisonnement totalement téléologique qui laisse malheureusement à penser que celui-ci n'a été saisi par le CNB que pour valider le projet en question. Mais comme souvent, le raisonnement téléologique contraint à opérer quelques manipulations des faits ou de la réalité.

De fait, M. Bruno Deffains opère quelques arrangements (ou peut-être quelques confusions malicieusement opérées) notamment quant aux fondements mêmes de la profession d'avocat. Arrangements qui démontrent une incompréhension presque totale de la profession d'avocat (II).

Par ailleurs, le rapport de M. Deffains repose sur une analyse économique discutable (I).

I - Une analyse économique discutable

Ce rapport tente de démontrer l'intérêt qu'il y aurait à instaurer ce statut de l'avocat salarié en entreprise et ce par une double argumentation. Argumentation économique (A) d'abord, qui tendrait à faire croire que cette réforme génèrerait une augmentation du chiffre d'affaires de la profession d'avocat. Argumentation juridico-économique (B) ensuite, qui voudrait démontrer que cette réforme est conforme à la position de nos institutions européennes avec, en tête, la Commission européenne. Pourtant nous verrons qu'aucun de ces arguments ne fonctionne.

A - L'argument économique

M. Deffains affirme que l'adoption du statut de l'avocat en entreprise aurait des effets économiques bénéfiques pour la profession d'avocat en ce qu'il accroîtrait le chiffre d'affaires de celle-ci. Mais le raisonnement ne tient pas. S'il fonctionne, c'est au prix d'une présentation habile qui entretient la confusion entre chiffre d'affaires et salaires, d'une part, et marché du droit, marché du travail et expansion du droit dans l'entreprise, d'autre part.

- L'expansion du droit dans l'entreprise n'entraîne pas nécessairement un accroissement du marché de l'avocat

L'auteur du rapport expose que le droit de l'entreprise est en pleine expansion et qu'en outre il se complexifierait. Selon l'auteur, "il est avéré que les besoins dans ce domaine [le droit des affaires] sont sinon illimités, au moins insatisfaits". On peut être d'accord avec cette affirmation au moins pour ce qui concerne les PME/PMI.

Partant, la question se poserait de la nécessité, pour les entreprises, d'internaliser le service juridique. Pour l'auteur, cet "insourcing" serait justifié et même commandé par les travaux économiques. Mais, subitement, dans la démonstration, l'on ne parle plus que de l'internalisation de la fonction d'avocat. Ainsi, s'opère subrepticement un glissement terminologique. En effet, si l'expansion et la complexification du droit des affaires ou du droit de l'entreprise supposent qu'il y ait des juristes pour répondre à la demande, cela ne concerne pas spécifiquement l'avocat. Par conséquent, lorsque l'on envisage la question de l'internalisation de la fonction juridique, plus précisément sur le service juridique, cela n'a a priori rien à voir avec l'internalisation de la fonction d'avocat. N'oublions pas qu'aujourd'hui de nombreuses entreprises ont internalisé leur service juridique, un service composé de juristes qui ont parfois recours aux services d'un avocat y compris pour des tâches qui ne relèvent pas de son monopole. Dès lors, on voit mal de quoi il pourrait s'agir lorsqu'il est question d'internaliser la fonction. La seule justification serait outre l'activité de conseil, d'internaliser la fonction de représentation, c'est-à-dire la possibilité pour les salariés de l'entreprise (quel que soit le titre qu'on leur donne) de plaider.

L'auteur poursuit et indique que l'internalisation de la fonction d'avocat serait commandée par les travaux économiques qui voudraient que plus la spécificité et la fréquence des tâches sont importantes et plus on tendrait vers une intégration verticale des activités et donc vers un mode de coordination "hors marché (6)".

Et de conclure qu'"il semble préférable de laisser la possibilité pour les entreprises d'internaliser la fonction d'avocat [conseil et défense] dès lors qu'elles se trouvent confrontées à un risque de conflit répété, de façon à bénéficier des rendements d'échelles, des effets d'apprentissage et des compétences juridiques spécifiques".

Les travaux économiques évoqués ne sont pas précisés mais une approche pragmatique, voire empirique, permet d'avancer une autre théorie.

Premièrement, il est permis de relever, aujourd'hui, une tendance des entreprises à externaliser (7) le maximum de services et de se concentrer sur leur coeur de métier. Par ailleurs, s'agissant plus spécifiquement du droit, la situation mérite d'être analysée plus finement.

Deuxièmement, il n'est pas contestable que les grandes entreprises ont un service juridique intégré et souvent très développé. Pourtant, on constate que cette intégration n'est jamais complète. Ainsi, par exemple, s'agissant de recouvrement de créances (fonction éminemment importante sinon stratégique pour une entreprise et sa trésorerie) cette tâche est régulièrement externalisée dans un premier temps vers les officines de recouvrement de créances et dans un deuxième temps vers le cabinet d'avocat, ce dernier étant le plus souvent saisi dans le cadre du contentieux du recouvrement.

Poussons le raisonnement jusqu'à son terme et prenons l'exemple des banques (mais le raisonnement vaut aussi pour toutes les entreprises de taille importantes face au recouvrement de leurs créances) qui toutes, ont déjà un service juridique intégré. Peut-on imaginer qu'elles intègrent en outre le service contentieux ? Cela est impossible et ce, pour des raisons économiques. Premièrement, cela augmenterait significativement les coûts, notamment en termes de masse salariale. En effet, le contentieux de masse des banques est principalement du ressort des tribunaux d'instance (il en existe encore 295 depuis la réforme de la carte judiciaire). Or, il est impossible pour les banques d'assurer une couverture aussi étendue du territoire national. Mais surtout, rappelons que la représentation par un avocat n'est pas obligatoire devant les tribunaux d'instance (qui concentrent la quasi-totalité du contentieux des banques) et que le salarié d'une entreprise peut parfaitement représenter son employeur devant ces juridictions. Dans ces conditions, si l'internalisation était rentable, il y a longtemps que les banques y auraient procédé.

Un salaire n'est pas un chiffre d'affaires

L'auteur du rapport indique encore que l'accroissement du nombre d'avocats aurait ainsi un effet d'entraînement de la demande de services juridiques susceptibles d'engendrer, non une diminution du chiffre d'affaires de la profession dans son ensemble, mais une augmentation à travers l'émergence de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés. Et de poursuivre que cette logique d'interdépendance entre offre et demande est particulièrement vraie dans le domaine du droit des affaires (8). Mais c'est ici qu'intervient la seconde confusion.

M. Deffains nous indique que l'augmentation du nombre d'avocats génèrerait une augmentation du chiffre d'affaires des avocats libéraux.

Arrêtons-nous sur la notion d'augmentation du nombre d'avocats. Il ne faut pas se tromper et se souvenir que l'objet du présent rapport est de justifier la création du statut d'avocat en entreprise, ce qui revient dans un premier temps, à donner à des juristes d'entreprises déjà en fonction, le titre d'avocat. Dans ces conditions, l'augmentation du nombre d'avocats doit être relativisée. Par ailleurs, comme l'indique l'auteur, si l'expansion du droit de l'entreprise justifie une augmentation de la demande de professionnel en la matière, ce n'est pas nécessairement une augmentation de la demande d'avocats. Surtout, si l'on accepte de conférer le titre d'avocat au nombre de juristes supplémentaires générés par l'augmentation de la demande de conseil, cette demande n'aura aucun effet sur le chiffre d'affaires des avocats, plus précisément des cabinets d'avocats libéraux qui ne sont rien d'autres que des entreprises.

Un service juridique internalisé n'est pas une entreprise et dans ces conditions, comment parler d'expansion du marché du droit pour les entreprises (les cabinets libéraux) d'avocats ? La notion de marché (entendu dans le sens du mécanisme de la concurrence) n'intéresse que les entreprises et non les salariés qui eux sont confrontés au marché du travail (ce qui est autre chose).

Un salaire n'est pas un chiffre d'affaires. En effet, n'oublions pas que l'intégration de l'avocat en entreprise suppose, comme l'indique d'ailleurs M. Deffains, que les entreprises internalisent la fonction juridique. Or M. Deffains nous le dit lui-même, l'internalisation est "un mode de coordination hors marché (9)". Il n'y a donc là aucune augmentation du marché du droit pour les avocats et ce, même s'il peut par ailleurs exister une croissance de la demande de conseil en matière de droit de l'entreprise.

La contradiction devient ici évidente et il est permis dans ces conditions et contrairement à ce que prétend M. Deffains, d'affirmer que la création d'un statut de l'avocat salarié en entreprise ne génèrera aucune augmentation du chiffre d'affaires de la profession d'avocat, autrement dit de la profession des avocats indépendants ou encore des entreprises qui exercent la profession d'avocat.

Dit autrement, si le titre d'avocat est donné aux juristes salariés d'entreprises, il n'y aura aucune extension du marché du travail des juristes en entreprise puisque ceux-là sont déjà en poste. De la même façon, il n'y aura aucune expansion du marché des avocats libéraux. En revanche, si le nombre de juristes affublés du titre d'avocat augmente du fait d'une augmentation des cas d'internalisation du service juridique, alors le marché du travail des juristes/avocats salariés croît et le marché des avocats libéraux diminue d'autant. C'est donc à des conclusions inverses à celles de M. Deffains que l'on aboutit en appliquant son propre raisonnement. Ce qui est réellement inquiétant pour la profession.

B - L'argument juridico-économique

Il est aujourd'hui de bon ton de dénoncer la philosophie économique de la Commission européenne en la qualifiant de néolibérale dogmatique. Il est vrai aussi que certains penseurs français, auteurs de différents rapports, ont fait leur cette philosophie de la dérèglementation systématique. Tel a été le cas notamment de M. Jacques Attali dans ces deux rapports sur l'économie française et de notre confrère Jean-Michel Darois dans son rapport sur la grande profession du droit. Pourtant, s'agissant de la profession d'avocat, il a été démontré que la dérèglementation poussée à son extrême ne pouvait avoir que des effets dévastateurs quant à la garantie de la qualité pour les consommateurs de droit. Par ailleurs, un constat s'impose, le corpus normatif européen valide la réglementation ou la régulation forte de la profession d'avocat.

- La dérégulation ne peut pas concerner la profession d'avocat

La Direction générale de la concurrence de la Commission européenne, dans deux rapports (10), a pu inquiéter par ses propos ouvertement ultralibéraux. Toute règle y est considérée comme une entrave au libre marché et au modèle de concurrence pure et parfaite que prône la Commission, cette concurrence pure et parfaite que la Commission porte au rang de dogme. Partant, une dérégulation s'impose (11). Ainsi, et schématiquement, il y aurait pour la Commission une défaillance de marché dans le périmètre d'activité de l'avocat (12). Par ailleurs, la Commission considère les Ordres et le CNB comme des cartels et les règles générées par ces organismes comme des accords collusifs. Afin de remédier à cette défaillance du marché, la Commission préconise une libéralisation et une déréglementation de la profession d'avocat.

C'est à cette position que M. Deffains, dans son rapport, fait allusion pour justifier ses conclusions et, à tout le moins, leur donner un caractère d'extranéité qui viendrait les justifier. Or, une telle argumentation ne saurait servir de socle à la création de ce statut de l'avocat salarié en entreprise pour la bonne et simple raison que la position de la Commission européenne est critiquable et finalement indéfendable. En effet, M. Deffains passe sous silence les excellents travaux d'un groupe de travail présidé par M. Olivier Favereau (14).

Aux termes de ces travaux, il apparaît que la position de la Commission est erronée et disons-le, fausse. Ceci parce qu'elle repose sur des modèles économiques éculés et inadaptés. Comme le font remarquer les auteurs de ce rapport "Favereau", le raisonnement de la Commission procède d'une analyse caricaturale des apports de l'économie publique en faisant l'impasse sur les évolutions récentes de celle-ci. De même, la Commission fait une fausse analyse de la théorie des contrats (théorie entendue dans le sens de l'économie de l'information et non dans un sens juridique (15)). En substance, ces auteurs démontrent que le raisonnement sur la profession d'avocat ne peut être réduit au coût minimum et qu'il est préférable de raisonner à partir d'une économie de la qualité. Plus généralement, les auteurs concluent au maintien de la réglementation professionnelle, voire à une "re-régulation" de celle-ci.

Par conséquent, tirer de la position de la Commission un fondement de dérégulation nécessaire et valider la création du statut de l'avocat salarié en entreprise est inopérant et surtout dangereux.

- Le corpus normatif européen valide la régulation forte de la profession d'avocat

Déjà, le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne valide les entorses au jeu de la libre concurrence (qu'il s'agisse de la liberté d'établissement ou de circulation).

Rappelons que le droit européen admet les entraves à la libre concurrence dès lors qu'elles sont justifiées par "des raisons impérieuses d'intérêt général". Ces raisons doivent, pour justifier une entrave, remplir trois conditions. Elles ne doivent pas être discriminatoires, elles doivent être nécessaires et proportionnelles, ces conditions étant cumulatives.

Or la Cour de justice de l'Union européenne a eu régulièrement à connaître de cette question de la compatibilité de certaines législations nationales réglementant des professions (notamment juridiques) et les a validées (16).

Bien mieux, la Directive "services" de 2006 (17) qui a fait si peur à la profession d'avocat s'agissant des consultations juridiques et de la rédaction des actes sous seing privé (18), est pleine d'enseignements. En effet, l'article 25.1.a de la Directive dispose que "les professions réglementées, dans la mesure où cela est justifié pour garantir le respect de règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession, et nécessaire pour garantir l'indépendance et l'impartialité (19) de ces professions". Ainsi, contrairement à ce qu'indique M. Deffains, la dérégulation de la profession n'est pas à l'ordre du jour. Au contraire, l'intérêt général, admis par la Directive, commande une régulation forte de la profession. Mais ce qui est surtout intéressant c'est que la Directive indique que la réglementation est justifiée pour garantir l'indépendance et l'impartialité de ces professions. Or cette seule caractéristique suffit à démonter le raisonnement qui nous est proposé (voir infra).

II - Une incompréhension de la profession d'avocat

Louis Assier-Andrieu, dans son avant-propos, nous explique que son ouvrage (20) "interroge la profession d'avocat sous l'angle de son rôle dans la société. Soumise à l'idéologie de la globalisation et de la marchandisation, la fonction d'avocat est à la croisée des chemins, tiraillée entre un passé glorieux de défense des libertés publiques et l'adhésion d'une partie croissante de ses membres à la logique du profit".

Il paraît évident que tout projet de réforme des règles régissant la profession devrait être préalablement évalué à la lumière de ce qu'elle est et représente au sein de notre société afin d'en évaluer les conséquences prévisibles.

S'agissant de l'avocat en entreprise, le raisonnement doit être identique et, pourtant, non seulement il n'apparaît pas dans le rapport de M. Deffains, mais surtout, c'est un autre raisonnement qui est appliqué niant, celui-là, les vraies caractéristiques de la profession.

Pourtant, cette question des fondements de la profession d'avocat ne peut pas être passée sous silence car à l'examen de ceux-ci, il paraît évident que l'adoption du statut de l'avocat salarié en entreprise ne peut avoir comme conséquence que de les saper à terme (et même à court terme). Ceci tout simplement parce que le statut de l'avocat et l'image qu'il renvoie dans notre société (autrement dit la fonction sociale de l'avocat) se sont construits principalement autour de la notion d'indépendance (21) (A).

De cette notion d'indépendance découlent d'autres incompatibilités irréductibles avec le statut de l'avocat salarié en entreprise, tel que le secret professionnel (même appelé legal privilege) (B). De même, l'absence d'indépendance de l'avocat salarié rend inopérant l'avantage invoqué par M. Deffains quant à la responsabilité de l'avocat envers son client, ici, l'employeur (C).

A - L'indépendance de l'avocat

Nous l'avons déjà regretté, la profession d'avocat en France fait peu l'objet de recherche de la part de nos scientifiques (22). Mais néanmoins, il existe quelques travaux d'une extrême qualité (23). Ces chercheurs s'accordent aujourd'hui à dire que la construction de notre groupe professionnel s'est effectuée lentement puisqu'elle est le fruit de six siècles d'histoire. Au terme de cette très longue maturation, il apparaît que la profession a contracté un pacte de confiance, une alliance avec le public (24). Cette confiance globale accordée à la profession relève de nombreuses règles qui sont imposées par l'Etat ou par les Ordres (25). Principalement, ces règles sont relatives à un niveau de formation élevé, des règles de comportements strictes, à l'indépendance et au secret professionnel.

S'agissant de l'indépendance et quel que soit l'angle sous lequel on l'envisage, collective ou individuelle, il serait erroné de penser qu'il est possible d'en limiter la portée en en réduisant le sens. L'indépendance est la qualité d'un groupe, d'un pouvoir, etc., qui n'est pas soumis à un autre, qui est libre de toute sujétion (Larousse). Par conséquent, la question se pose de cette indépendance lorsque l'avocat sera salarié de l'entreprise qui, au demeurant, ne sera plus le client de l'avocat mais son employeur.

Par ailleurs, réduire (jusqu'à la confusion ou la contradiction) la notion d'indépendance à une certaine autonomie intellectuelle ne saurait suffire à justifier la création de ce statut de l'avocat en entreprise. C'est pourtant à cette confusion que procède M. Deffains dans son rapport (26). En effet, dans son introduction, l'auteur explique que le contrat de travail de l'avocat serait "obligatoirement soumis au contrôle de l'autorité ordinale et [que seraient] prohibées les clauses susceptibles de porter atteinte à l'indépendance que comporte le serment de l'avocat (27)" ou encore que "la qualité d'avocat du juriste interne de l'entreprise renforcerait, par le prestige et l'exigence du titre et par la reconnaissance de son indépendance, la place du droit dans l'entreprise (28)". Pourtant cette référence à l'indépendance n'apparaîtra plus dans le rapport, ce terme étant curieusement remplacé par celui d'"autonomie" (29). Or l'autonomie n'a rien à voir avec l'indépendance. Evoquer l'autonomie du prestataire (en réalité du salarié), à propos du contrôle de la qualité et des comportements revient à réduire la notion d'indépendance à une quantité négligeable. De fait, l'autonomie de l'avocat salarié en entreprise, fut-elle intellectuelle, n'apporte rien de nouveau par rapport au juriste d'entreprise. Comme tout salarié effectuant des tâches de haute technicité, celles-ci induisent nécessairement une dose d'asymétrie d'information qui, par nature, installe l'autonomie du subordonné. Il suffit pour s'en convaincre de consulter les conventions collectives qui, dans leur quasi-totalité, consacrent l'autonomie des cadres lorsqu'il s'agit de décrire les postes pour leur attacher un coefficient, une qualification, un statut ou un grade.

L'indépendance, c'est autre chose : "l'avocat est le maître de la direction de la défense.../... En toutes causes, son devoir est de prévenir le client avant de proposer la marche ou la défense ; qu'il répudie ensuite la cause, si celui-ci n'approuve pas (30)".

De façon plus actuelle, il convient de citer Louis Assier-Andrieu qui indique à propos de l'avocat en entreprise que "comme la déontologie accompagne l'avocat, y compris dans l'entreprise, où son indépendance devrait le protéger d'une stricte obéissance à la logique managériale et pourvu que soient recherchés et exposés les moyens d'afficher sa solidarité avec la société globale, on peut estimer en bonne voie d'être rempli le pacte implicite qui lie l'avocat aux autres citoyens (31)". Comment soutenir, sans afficher une certaine mauvaise foi sinon une crédulité certaine, que l'avocat salarié et par conséquent subordonné de son employeur, puisse afficher une quelconque indépendance vis-à-vis de ce dernier. Peut-on raisonnablement croire que l'avocat salarié pourra faire valoir la cause de conscience comme le fait M. Deffains ? Peut-on encore admettre que face à une divergence d'opinion sur la stratégie à mettre en place dans le cadre d'une affaire, l'avocat démissionnera ? A l'évidence non. L'indépendance est définitivement incompatible avec un lien de subordination. Ne serait-ce que parce que l'avocat est dans un rapport d'emploi et n'est pas économiquement indépendant. La situation est la même pour un cabinet d'avocat libéral mono-client dont on sait les problèmes que cela pose quant au respect des règles déontologiques. A titre d'exemple, rappelons que l'avocat, dans le cadre de la rédaction d'acte et en présence d'une partie non assistée d'un conseil, a l'obligation d'assurer la sécurité juridique de ce dernier. Imagine-t-on un avocat salarié chargé de rédiger un contrat de cession de parts sociales, imposer à son employeur une garantie d'actif et de passif au bénéfice de l'autre contractant ? Là encore, il ne pourrait s'agir que d'une vue de l'esprit qui ne pourrait être soutenue qu'au prix d'une naïveté coupable. Ce simple exemple démontre que l'on ne peut procéder à quelque arrangement que ce soit avec la notion ou le principe d'indépendance.

Enfin, on objectera que l'avocat salarié et par conséquent subordonné existe déjà dans notre droit interne puisque l'avocat collaborateur peut être salarié du cabinet. Certes, mais ces deux situations sont incomparables. De fait, l'avocat salarié dans un cabinet libéral n'est pas en lien avec le client consommateur. Il y a entre eux le "patron" qui, seul, a contracté avec le client. Dans ces conditions, il n'y a aucun lien de subordination entre le client et l'avocat, et le principe d'indépendance n'est pas remis en cause. Par ailleurs, dans ce schéma, le "patron" est avocat et en tant que tel il est soumis totalement aux règles déontologiques qui régissent la profession (32). La situation est radicalement différente dans le cas de l'avocat salarié qui est soumis à un lien de subordination direct (et donc à un lien de dépendance) avec le consommateur de droit (qui ne peut plus être qualifié de client) et c'est justement ce lien qui porte atteinte à l'indépendance de l'avocat.

Cette nécessité d'un maintien strict de ce principe d'indépendance est encore confortée lorsque l'on examine la problématique inhérente au secret professionnel (voir infra).

A titre digressif, qu'il nous soit permis de relever que M. Deffains reconnaît néanmoins que la notion d'indépendance est un fondement de notre profession, la clef de voûte de l'édifice (33). On sourit moins lorsque l'on entend les propos tenus par de M. William Feugère, président de la Commission Droit et entreprise du CNB (34). Celui-ci nous explique qu'effectivement, l'avocat salarié en entreprise perdrait son indépendance mais que cela n'est pas important puisque nombreux sont les avocats libéraux qui ne sont pas indépendants (35). Une telle méconnaissance de la profession est consternante et surtout inquiétante. Ainsi, l'un de nos représentants, qui ne sait pas ce que recouvre la notion d'indépendance, bref qui ne connaît pas la profession, est prêt à abandonner cette dernière après avoir, au cours de la même interview, indiqué qu'il n'y aurait pas de réforme si c'était aux dépens de la profession.

Mais cela n'est pas tout, M. Feugère poursuit et indique que si le projet a fait l'objet d'une non décision au CNB (41 voix pour, 41 contre) c'est qu'il a été envisagé sous l'angle de la profession d'avocat. Or aujourd'hui, cette question serait envisagée sous l'angle du seul intérêt de l'entreprise. CQFD, le CNB représente l'entreprise et non la profession d'avocat. Peut-on rappeler ici que le CNB (c'est son objet) représente la profession d'avocat et que la représentation des entreprises est assurée par le MEDEF et la CGPME qui ne réclament d'ailleurs pas la création de ce statut de l'avocat salarié en entreprise (voir infra sur le secret professionnel) ? Enfin, dire que la création du statut de l'avocat salarié en entreprise présente un réel intérêt pour les entreprises, c'est bien, expliquer pourquoi, ce serait mieux, mais là c'est beaucoup plus compliqué.

B - Le secret professionnel

Il apparaît ici nécessaire de rappeler quelques principes à propos du secret professionnel. L'aspect certainement le plus important du secret professionnel tient au fait qu'il n'existe pas dans l'intérêt de l'avocat (36) ou du client. Le secret professionnel n'existe que dans l'intérêt général (37).

Comme l'indique Mireille Delmas-Marty, le secret professionnel ne doit cependant pas être élevé au rang de dogme car il est d'autres impératifs, notamment la paix publique, qui méritent d'être protégés. C'est pour ces raisons que le cabinet de l'avocat ne saurait être érigé en sanctuaire.

Or ce que réclament les juristes d'entreprises c'est un secret professionnel du juriste salarié de l'entreprise dans le seul but de protéger cette dernière. Dès lors, le secret professionnel quel que soit le champ d'application couvert n'existerait plus dans l'intérêt général mais dans un intérêt particulier, celui de l'entreprise employeur de l'avocat. Et de se demander si finalement, l'avocat ne serait pas qu'un alibi afin d'installer dans l'entreprise le secret professionnel ce qui met un peu plus à mal le principe d'indépendance de l'avocat évoqué plus haut.

Premièrement, il convient d'évacuer l'argument de droit comparé qui consiste à dire que dès lors que cela existe dans d'autres pays (surtout s'ils sont anglo-saxons) c'est forcément bon pour nous (38). Il faut rappeler que le droit comparé est une science nouvelle qui ne consiste pas seulement à juxtaposer les règles de chaque pays. Cette science consiste plutôt à comparer des règles après les avoir replacées dans le contexte économique ou social d'un territoire donné. Ce n'est que lorsque ce travail a été effectué que la comparaison devient possible et que la transposition dans un autre territoire peut-être envisagée.

Deuxièmement, il existe un obstacle supplémentaire à l'adoption de ce statut de l'avocat salarié en entreprise, la jurisprudence européenne. Les juges de Luxembourg ne s'y sont pas trompés et ont très justement fait le lien entre secret professionnel et indépendance.

M. Deffains expose que le secret professionnel est une condition sine qua non du statut de l'avocat et il a évidemment raison. Mais comme il le relève, la jurisprudence européenne adopte une position très stricte s'agissant du secret professionnel. Et de citer la décision du TPIUE en date du 17 septembre 2007 (39), qui refuse de reconnaître un quelconque secret professionnel lorsque l'avocat est un salarié d'une entreprise.

De fait, les juges européens ont lié le secret de l'avocat au principe de l'indépendance. Pour ces derniers, il ne peut y avoir de secret attaché aux courriers adressés à son employeur par un avocat subordonné. Fin du débat !

Du bon sens et du pragmatisme. Imagine-t-on un avocat salarié refuser de donner copie d'un courrier entre avocats à son employeur (40)? Il y a réellement de quoi se gausser. Ici encore, on perçoit bien la différence entre un avocat salarié en entreprise ou en cabinet d'avocat. Le second peut parfaitement partager le secret avec son employeur puisque les deux y sont soumis. Au contraire, l'employeur non avocat n'est pas soumis au secret professionnel !

Certes, il est possible de soutenir que cette jurisprudence de la CJUE est isolée (41) et limitée au droit européen de la concurrence (42). Mais si l'on admet que cette jurisprudence ne concerne que le droit de la concurrence et que dans cette hypothèse, elle ne remet pas en cause la possibilité d'adopter un statut de l'avocat salarié en entreprise qui serait soumis au secret professionnel, cela voudrait dire que l'avocat français, selon son statut ou la nature de l'affaire, serait soumis à un secret professionnel qui comprendrait trois champs d'application différents.

De fait, la CJUE pour établir sa jurisprudence s'est fondée sur une recherche des principes communs aux différents Etats membres en matière de secret professionnel (43). C'est ainsi que la Cour a admis le secret professionnel de l'avocat mais à une double condition : outre l'obligation pour l'avocat de ne pas être lié par rapport d'emploi, le secret ne couvre que les documents échangés dans le cadre "des droits de la défense (44)". Par conséquent, le secret professionnel tel qu'il est entendu au sens de la législation française est plus large que celui reconnu par la CJUE puisqu'il couvre totalité des services rendus par l'avocat à son client (45).

Ainsi, nous aurions en droit interne un avocat indépendant ou salarié en entreprise qui serait soumis à un secret professionnel couvrant un même champ d'application. Au contraire, en droit européen de la concurrence (46), il y aurait l'avocat indépendant qui bénéficierait du secret mais seulement en ce qui concerne des écrits relatifs au droit de la défense et l'avocat salarié d'une entreprise qui ne pourrait invoquer aucun secret professionnel même pour des actes inhérents aux droits de la défense (47).

Cette situation est évidemment contraire à l'intérêt général puisqu'elle induit une certaine insécurité juridique pour le client qui ne saurait pas nécessairement distinguer entre les deux champs d'application du secret professionnel. De la même façon, cette circonstance supprime tout intérêt pour une entreprise de salarier un avocat qui n'aurait pas les mêmes attributs ou les mêmes gages de sécurité que l'avocat indépendant.

Enfin, revenons aux propos tenus par M. Feugère qui ne comprend pas que le MEDEF refuse que le secret professionnel de l'avocat soit opposable au patron. L'explication est pourtant on ne peut plus simple. Le patronat français n'a jamais sérieusement réclamé ce statut. Tout au plus est-il prêt à l'accepter avec la règle du secret professionnel. Cependant, cette règle du secret n'est perçue par le patronat que comme un outil de protection de l'entreprise et rien d'autre. Malheureusement, cette perception du secret est incompatible avec celle généralement admise dans le seul intérêt général.

C - La responsabilité professionnelle de l'avocat

Parmi les garanties professionnelles attachées à la profession d'avocat, M. Deffains évoque la responsabilité professionnelle et disciplinaire de l'avocat, responsabilité qui serait, elle aussi, une garantie de la compétence et de la probité du juriste d'entreprise devenu avocat. M. Deffains met aussi l'accent et à juste titre sur le risque de grave préjudice que pourrait subir l'entreprise (l'employeur) du fait d'un manque de compétence ou d'intégrité de celui qui fournit le service juridique.

L'affirmation est vraie pour ce qui concerne la responsabilité disciplinaire mais elle est fausse s'agissant de la responsabilité contractuelle. De fait, en matière de contrat de travail, c'est l'employeur qui est civilement responsable des fautes de son salarié. Le fait de conférer à ce salarié le titre d'avocat n'y changera rien sauf à modifier le régime ancestral de la responsabilité du commettant en créant une exception uniquement destinée à satisfaire certains égos.

Finalement, de cette confrontation aux principes, il ressort à l'évidence que l'adoption d'un statut de l'avocat salarié en entreprise constituerait, au-delà de son caractère incongru, un danger pour la profession et surtout, in fine, pour l'intérêt général.

La solution réside ailleurs et consiste à organiser le statut de l'avocat libéral en entreprise. A ce propos il serait bénéfique pour la profession et surtout pour l'intérêt général que nos représentants et la Chancellerie s'inspirent des excellents travaux du barreau de Lyon ou encore, ceux de la FNUJA sur cette question.

On cherche en vain des arguments sérieux qui tout en permettant la création de ce statut de l'avocat salarié en entreprise seraient bénéfiques pour la profession mais surtout l'intérêt général.

Pour en terminer, qu'il nous soit permis d'affirmer que ce projet d'un statut de l'avocat salarié en entreprise ne correspond qu'à une demande de certains juristes d'entreprises (49) qui rêvent de revêtir le titre d'avocat qui comme l'écrit M. Deffains pour le prestige qu'il confère (50). Mais ce n'est pas le titre qui confère le prestige à son titulaire, c'est la confiance que lui accorde le public. Plus de confiance : plus de prestige. Plus d'indépendance : plus de confiance. Plus de confiance... la boucle est bouclée.

Ces individualités sont soutenues par certains membres du CNB. A ceux-là rappelons que les représentants des entreprises ne veulent pas entendre parler de la clause de conscience. Ils refusent absolument que le secret, quel qu'il soit, soit opposé par l'avocat salarié à son employeur. Enfin, ces mêmes représentants n'imaginent pas une seconde qu'un directeur juridique avocat salarié soit tenu de dénoncer leurs employeurs à TRACFIN (51) (même par l'intermédiaire d'un Bâtonnier).

Ainsi, pour imposer ce statut de l'avocat salarié en entreprise, il en faudra des approximations, des travestissements de la réalité, des faux-semblants, des exceptions et des non-sens. En outre les membres du CNB devront préalablement réfléchir sur le sens de leur engagement au sein de cet organisme qui, rappelons-le une dernière fois, représente la profession d'avocat.


(1) La proposition de créer un statut de l'avocat salarié en entreprise a été rejetée par l'assemblée générale du Conseil national des barreaux (CNB) qui s'est réunie le 20 novembre 2010.
(2) William Feugère, Gaz. Pal., 8-10 juillet 2012, p. 10.
(3) Rapport dirigé par M. Prada du 31 mars 2011, sur certains facteurs de compétitivité de la place de Paris.
(4) Rapport de M. Bruno Deffains, 16 mai 2008, L'exercice de la profession d'avocat en entreprise est-il opportun sur le plan économique ?
(5) Le rapport "Prada" fait d'ailleurs référence à l'étude de Bruno Deffains.
(6) Rapport, p. 11.
(7) Voir quand même sur cette question de l'externalisation le rapport sur L'industrie : enjeux du développement des groupes multiservices, pour le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, sous la direction de Christian Hoarau, professeur du Conservatoire National des Arts et Métiers, mars 2007. Selon ce rapport, l'externalisation serait le plus souvent rentable. Par ailleurs, l'externalisation génère mécaniquement une baisse de la valeur ajoutée de l'entreprise, valeur ajoutée qui constitue d'ailleurs la base de certains impôts ou taxes.
(8) Rapport, p. 8.
(9) Rapport, p. 11.
(10) Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité économique et social européen et au Comité des régions - Services professionnels - Poursuivre la réforme - Suivi du rapport sur la concurrence dans le secteur des professions libérales, COM(2004) 83, du 9 février 2004 (SEC(2005) 1064).
(11) Pour une définition du modèle économique de concurrence pure et parfaite, voir Camille Chaserant et Sophie Harnay, in Les avocats, entre Ordre professionnel et Ordre marchand, sous la direction de Olivier Favereau, Gaz. Pal., Lextenso éditions, p. 34.
(12) Cette défaillance du marché est principalement due à l'asymétrie d'information entre l'avocat et son client et qu'au surplus, les services juridico-judiciaires induiraient des effets externes. La théorie économique enseigne en effet qu'il y a effet externe lorsque l'agent économique ne supporte pas tous les coûts générés par le service (effet externe négatif) ou qu'il ne profite pas de tous les gains générés (effet externe positif).
(13) Ainsi, page 5 de son rapport, après avoir rappelé que l'avocat en entreprise existait dans d'autres pays, Bruno Deffains écrit que : "nous sommes à une époque où la Commission européenne plaide pour une dérégulation des professions juridiques".
(14) Les avocats, entre Ordre professionnel et Ordre marchand, sous la direction d'Olivier Favereau, op. cit.. Ce groupe de travail réunissait des économistes et un sociologue de l'économie (en qualité de conseiller scientifique).
(15) Sur ces points, voir les développements de Camille Chaserant et Sophie Harnay, L'économie sans qualité : critique du diagnostic de la Commission Européenne, in Les avocats, entre Ordre professionnel et Ordre marchand, op. cit., p. 31 à 64. Et la synthèse, p. 5 à 7, voir l'assertion de l'un des auteurs sur les préconisations de la Commission quant à une nécessaire régulation : "appeler à la dérégulation, en l'espèce, est à peu près aussi intelligent que de conseiller une formation pour devenir oenologue à un alcoolique en fin de cure". Une position confortée par les travaux de Lucien Karpik, L'économie des singularités, Editions Gallimard, 2007, 378 pages et du même auteur, in Traité de sociologie économique, sous la direction de Philippe Steiner et François Vatin, PUF, 2009, p. 165 à 208.
(16) On peut ainsi citer : CJUE, 3 décembre 1974, aff. C-33/74 (N° Lexbase : A6956AU8) ; CJUE, 12 décembre 1996, aff. C-3/95 (N° Lexbase : A9992AUM) et CJUE, 19 février 2002, aff. C-309/99 (N° Lexbase : A0074AYE), ces deux arrêts retiennent que les règles professionnelles "procurent la nécessaire garantie d'intégrité et d'expérience aux consommateurs finaux des services juridiques et à la bonne administration de la justice". Voir encore, CJUE ord., 17 février 2005, Mauri.
(17) Directive 2006/123/CE (N° Lexbase : L8989HT4).
(18) D'ailleurs, le CNB ne s'y est pas trompé en sollicitant une consultation à des universitaires, juristes et économistes, Jean-Sylvestre Bergé, Olivier Favereau et Sophie Harnay. La question qui leur était posée était relative à "l'incidence éventuelle de la transposition de la Directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur sur la réglementation française des activités de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé, exercées en lien direct et accessoirement à une activité réglementée ou non réglementée", rapport non publié. Il est regrettable que ce rapport excellentissime n'ait pas été mis à la disposition des confrères.
(19) Souligné par nous.
(20) Louis Assier-Andrieu, Les avocats, identité, culture et devenir, gaz. pal., Lextenso éditions, 2011, p. 7.
(21) Il faudrait aussi évoquer la philosophie du désintéressement qui anime la profession. Une philosophie qui doit bien évidemment être entretenue même si elle mériterait d'être redéfinie ou tout simplement définie. Mais c'est un autre débat.
(22) Contrairement à l'avocat dans les pays anglo-saxons à propos desquels les travaux de recherches sont pléthoriques.
(23) Pour ne citer que les principaux : Lucien Karpik, Les avocats entre l'Etat, le public et le marché, XIIIème-XXème siècle, 1995, Editions Gallimard, 478 pages ; du même auteur, L'économie des singularités, 2007, Editions Gallimard, 373 pages ; Hervé Leuwers, L'invention du Barreau français, 1660-1830, La construction nationale d'un groupe professionnel, Louis Assier-Andrieu, Les avocats, identité, culture et devenir, préc. ; Les avocats, entre Ordre professionnel et Ordre marchand, préc. ; F. Champy, Sociologie des professions, Paris PUF, 2009.
(24) Louis Assier-Andrieu, op. cit., p. 56.
(25) Dans ce sens, L. Karpik, Les avocats entre l'Etat, le public et le marché, op. cit., p. 255 et s. ; sans oublier le serment de l'avocat qui fait référence à l'indépendance.
(26) Mais peut-on lui adresser un tel reproche lorsque l'on peut lire sur le site du CNB à propos de ce statut de l'avocat salarié en entreprise : "la possibilité pour les avocats d'exercer en entreprise sous leur titre professionnel permettra aux entreprises de recruter des professionnels soumis à une déontologie forte et bénéficiant de la protection de l'indépendance intellectuelle [?! Ndlr], du secret professionnel et de la confidentialité des correspondances" ?
(27) Rapport, p. 4.
(28) Rapport, p. 10.
(29) Rapport, pp. 26, 27 et 38.
(30) Citation du début du 19ème siècle, reprise par L. Karpik, L'avocat entre l'Etat, le public et le marché, op. cit., p. 250. Une affirmation toujours d'actualité ! Voir aussi, Louis Assier-Andrieu, citant L. Karpik ; "c'est parce que la profession s'est construite sur l'indépendance et sur le culte de sa propre liberté à l'égard de tous les pouvoirs imaginables qu'elle fut particulièrement bien placée pour embrasser les idéaux démocratiques depuis trois siècles", Les avocats, identité, culture et devenir, op. cit., p. 32 et 97.
(31) Louis Assier-Andrieu, op. cit., p. 53.
(32) D'ailleurs, sur le plan économique, l'admission de l'avocat salarié en cabinet n'implique pas l'internalisation nécessaire en entreprise et permet un développement du chiffre d'affaires du cabinet d'avocat libéral.
(33) On observera que le rapport "Novelli" (33 propositions pour une nouvelle dynamique de l'activité libérale (janvier 2010)) n'imagine pas l'ouverture du capital des entreprises libérales sans créer des règles propres à garantir l'indépendance juridique et économique de l'entreprise ceci, afin de préserver l'indépendance intellectuelle de l'entrepreneur qui ne peut exister à l'état isolé (p. 72).
(34) William Feugère, Gaz. Pal., 8/10 juillet 2012, p. 10.
(35) M. Feugère met là le doigt sur un problème qui ronge la profession et les fondements de celle-ci, la perte d'indépendance mais sans en comprendre le sens. La réponse consiste justement à renforcer cette indépendance de l'avocat si l'on veut que la profession d'avocat continue d'exister et si l'on refuse de voir l'avocat devenir un simple fournisseur d'un service quelconque d'une entreprise quelconque.
(36) Le rapport "Prada" commet une erreur d'appréciation lorsqu'il affirme que le secret de l'avocat est attaché à l'avocat (p. 24) et de citer l'arrêt de la Cour de cassation en date du 6 avril 2004 (Cass. civ. 1, 6 avril 2004, n° 00-19.245 N° Lexbase : A8219DBZ). Pourtant, cet arrêt dit bien autre chose puisqu'il précise que le secret s'impose à l'avocat.
(37) Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Gérard Cornu, PUF 1996 ; Mireille Delmas-Marty, D., 1982, Chronique 39 p. 272 ; nos obs., Le secret professionnel de l'avocat face aux enquêtes administratives et judiciaires, in La facturation de complaisance dans les entreprises, sous la direction de Christian Lopez et Nicole Stolowy, L'Harmattan, 2001, pages 167 à 184 ; Emile Garçon, Code pénal annoté, article 378.
(38) Et bien évidemment, on omet de citer les innombrables pays qui procèdent de façon comparable à celle de la France. Et de déduire que ces derniers doivent aussi être dans l'erreur.
(39) TPIUE, 17 septembre 2007, aff. T-125/03 (N° Lexbase : A2206DYD). Décision confirmée par la Cour, le 14 septembre 2010, aff. C-550/07 P (N° Lexbase : A1978E97). Une jurisprudence ancienne de la Cour puisque fixée dans un arrêt du 18 mai 1982 (CJCE, 18 mai 1982, aff. C-155/79 N° Lexbase : A5944AUP).
(40) Déjà, s'agissant du secret professionnel des avocats, deux auteurs, eux-mêmes avocats expliquent qu'"il est d'ailleurs assez difficile d'expliquer à des clients étrangers, habitués à des pratiques moins opaques, qu'ils ne peuvent être destinataires d'une copie de la majeure partie des courriers échangés entre avocats", Thomas Baudesson et Peter Rosher, Le secret professionnel face au legal privilege, RDAI/ IBLJ, n° 1, 2006, p. 44. Ajoutons que cela est parfois aussi difficile pour un avocat indépendant de le faire admettre à un client français. Surtout, il convient de relever que le MEDEF refuse absolument que le secret professionnel soit opposé à l'employeur par le salarié.
(41) C'est ce que tente de soutenir le rapport "Prada" (p. 9). Mais bien vite (p. 36 de ce même rapport), il est rappelé que cette jurisprudence "Akzo" n'est que la confirmation de la position déjà ancienne de la CJUE (CJUE, 18 mai 1982, aff. C-155/79, préc.).
(42) Malheureusement, les termes de deux arrêts de la CJCE en date du 6 septembre 2012 (CJUE, 6 septembre 2012, aff. C-422/11 P et et C-423/11 P N° Lexbase : A3089IS9) semblent bien élargir le champ d'application de ce raisonnement à la sphère du droit commun européen.
(43) Et ceci est très clair dans les deux dernières décisions de la Cour : CJUE, 6 septembre 2012, aff. C- 422/11 P et C-423/11 P, préc..
(44) On retrouve là un vieux débat qui a animé les chroniques de France. Sur cette question, voir nos obs., Le secret professionnel de l'avocat face aux enquêtes administratives et judiciaires, op. cit., pages 167 à 184.
(45) Cela dit, la situation devrait très prochainement évoluer. En effet, l'Union européenne va adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et elle sera, par conséquent, soumise à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Or pour la Cour, le champ d'application du secret professionnel de l'avocat est conforme à celui qui s'applique en France (CEDH, 24 juillet 2008, requête n° 18603/03 N° Lexbase : A8281D9L). Cependant, la Cour européenne des droits de l'Homme n'a, semble-t-il, jamais été saisie de la question du secret invoqué par un avocat salarié ou un juriste d'entreprise. Cependant, la doctrine semble, sur ce point, conforme à la position de la CJUE. Voir, Thomas Baudesson et Peter Rosher, Le secret professionnel face au legal privilege, RDAI/ IBLJ, n°1, 2006, p 59.
(46) Et bientôt en droit européen général (voir supra).
(47) En fait, le legal privilege n'a de sens que sur le territoire donné et il n'offre pas de garantie dans une relation affectée par l'extranéité. Sur ce point : Thomas Baudesson et Peter Rosher, Le secret professionnel face au legal privilege, préc., p. 63 : "Un document couvert par le legal privilege dans un pays peut ne pas l'être dans un autre".
(48) Et encore il est permis de se demander si l'argument disciplinaire ne pourrait pas être un moyen de pression supplémentaire sur le salarié et au profit de l'employeur.
(49) Il n'est même pas certain que cette demande soit relayée sérieusement par les organisations patronales, si ce n'est pour le côté attractif mais artificiel, du legal privilege.
(50) Rapport, p. 10.
(51) Voici un argument concurrentiel de poids qui poussera les grosses entreprises, pour les opérations ou les montages risqués (restructuration, prix de transfert...) à ne plus recourir à l'avocat libéral qui, lui, reste tenu de dénoncer.

newsid:434134

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus