La lettre juridique n°833 du 23 juillet 2020 : Filiation

[Brèves] Refus de transcription de l’acte de naissance d’un enfant né de GPA à l’étranger : quid lorsque la mère d'intention est aussi la mère génétique ?

Réf. : CEDH, 16 juillet 2020, Req. 11288/18, D c/ France (N° Lexbase : A35543R3)

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N4170BY4

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 28 Juillet 2020

► Le refus, par les juridictions françaises, de transcrire l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger d’une gestation pour autrui en tant qu’il désigne la mère d’intention comme étant sa mère, celle-ci étant sa mère génétique, et pour autant que la procédure d’adoption permet de reconnaître un lien de filiation, n’emporte ni violation de l’article 8 (N° Lexbase : L4798AQR, droit au respect de la vie familiale), ni violation de l’article 14 (N° Lexbase : L4747AQU, interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8.

La question de la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né de GPA à l’étranger a fait l’objet d’un contentieux très important depuis quelques années, qui a permis progressivement à la Cour européenne des droits de l’Homme de poser des principes jurisprudentiels désormais bien définis ; c’est dans le cadre de ces principes qu’elle continue d’apporter des réponses qui s’inscrivent dans la lignée de sa jurisprudence, comme en témoigne l’arrêt rendu le 16 juillet 2020.

L’affaire. Les parents requérants s’étaient mariés en France en 2008, et l’enfant (troisième requérant) était né en Ukraine en septembre 2012, d’une gestation pour autrui. L’acte de naissance établi à Kiev indiquait que la première requérante était la mère, que le deuxième requérant était le père et ne mentionnait pas la femme qui avait accouché de l’enfant.

Face au rejet de la demande de transcription de l’acte de naissance ukrainien de l’enfant pour autant qu’il désignait la première requérante comme étant sa mère, les requérants invoquaient, devant la CEDH, l’article 8 (droit au respect de la vie familiale), pris isolément et combiné avec l’article 14 (interdiction de la discrimination), dénonçant une violation du droit au respect de la vie privée de l’enfant ainsi qu’une discrimination fondée sur « la naissance » dans sa jouissance de ce droit.

♦ Sur la violation alléguée du droit au respect de la vie privée de l’enfant (article 8)

Rappel de la jurisprudence CEDH. La Cour rappelle qu’elle s’est déjà prononcée sur la question du lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention, père biologique, dans les arrêts « Mennesson c/ France » et « Labassee c/ France » (CEDH, 26 juin 2014, deux arrêts, Req. 65192/11, Mennesson c/ France N° Lexbase : A8551MR7, et Req. 65941/11, Labassée c/ France N° Lexbase : A8552MR8, et le comm. d’Adeline Gouttenoire, Lexbase, Droit privé, n° 577, 2014 N° Lexbase : N2924BUT). Elle précise qu’il ressort de sa jurisprudence que l’existence d’un lien génétique n’a pas pour conséquence que le droit au respect de la vie privée de l’enfant requière que la reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention puisse se faire spécifiquement par la voie de la transcription de son acte de naissance étranger. La Cour ne voit pas de raison dans les circonstances de l’espèce d’en décider autrement s’agissant de la reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention, mère génétique.

Il ne saurait donc être retenu que le rejet de la demande de transcription de l’acte de naissance ukrainien de la troisième requérante pour autant qu’il désigne la première requérante est constitutif d’une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de sa vie privée du seul fait que la première requérante est sa mère génétique, dès lors que le lien de filiation entre l’une et l’autre peut être effectivement établi par une autre voie.

Reconnaissance du lien de filiation par un autre moyen, tel que l’adoption. Comme le soulignait le Gouvernement, les deux premiers requérants étant mariés et l’acte de naissance ukrainien de la troisième requérante ne mentionnant pas la femme qui avait accouché, la première requérante avait la possibilité de saisir le juge d’une demande tendant à son adoption plénière au titre de l’adoption de l’enfant du conjoint.

Ainsi que l’avait relevé la Cour dans son avis consultatif rendu le 10 avril 2019, l’adoption produit des effets de même nature que la transcription de l’acte de naissance étranger s’agissant de la reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention (CEDH, 10 avril 2019, avis n° P16-2018-001 N° Lexbase : A7859Y8L, cf. les obs. d'Adeline Gouttenoire, Le régime français de la GPA à l’étranger validée par la Cour européenne des droits de l’Homme, sous certaines réserves…, Lexbase, Droit privé, n° 784, mai 2019 N° Lexbase : N9099BXB).

La Cour observe notamment qu’il résulte des indications données par le Gouvernement que la durée moyenne d’obtention d’une décision n’est que de 4,1 mois en cas d’adoption plénière.

En refusant de procéder à la transcription de l’acte de naissance ukrainien de la troisième requérante sur les registres de l’état civil français pour autant qu’il désignait la première requérante comme étant sa mère, l’État défendeur n’a pas, dans les circonstances de la cause, excédé sa marge d’appréciation. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

♦ Sur la discrimination alléguée fondée sur « la naissance » dans la jouissance du droit au respect de la vie privée de l’enfant

Pour la Cour, la différence de traitement entre les enfants français nés d’une gestation pour autrui à l’étranger et les autres enfants français nés à l’étranger, ne tient pas à ce que les premiers ne pourraient - comme les seconds - obtenir la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation à l’égard de celle dont le nom figure sur l’acte de naissance étranger. Elle consiste en ce que, à l’époque des faits, les premiers, contrairement aux seconds, ne pouvaient obtenir la transcription intégrale de l’acte de naissance étranger et devaient passer par la voie de l’adoption pour leur filiation maternelle.

Or, comme l’a déjà souligné la Cour, l’adoption de l’enfant du conjoint constitue en l’espèce un mécanisme effectif permettant la reconnaissance du lien de filiation entre la première et la troisième requérante cette différence de traitement quant aux modalités d’établissement du lien maternel de filiation visait à s’assurer, au regard des circonstances particulières de chaque cas, qu’il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant né d’une gestation pour autrui qu’un tel lien soit établi à l’égard de la mère d’intention.

La Cour admet donc que la différence de traitement dénoncée par les requérants quant aux modalités de la reconnaissance du lien de filiation avec leur mère génétique, reposait sur une justification objective et raisonnable. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 14 combiné avec l’article 8.

Sur l’ensemble de la question :

V. ETUDE : La gestation ou maternité pour autrui, in La filiation, Lexbase (N° Lexbase : E4415EY8).

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