Le Quotidien du 17 juillet 2020 : Concurrence

[Brèves] Clauses des contrats de Expedia : la Cour de cassation confirme leur illicéité pour alignement automatique des conditions plus favorables mais pas le déséquilibre significatif

Réf. : Cass. com., 8 juillet 2020, n° 17-31.536, FS-P+B (N° Lexbase : A11893RH)

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N4143BY4

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[Brèves] Clauses des contrats de Expedia : la Cour de cassation confirme leur illicéité pour alignement automatique des conditions plus favorables mais pas le déséquilibre significatif. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/59202400-breves-clauses-des-contrats-de-expedia-A0-la-cour-de-cassation-confirme-leur-illiceite-pour-alignemen
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par Vincent Téchené

le 09 Décembre 2021

► Les dispositions des article L. 442-6, I, 2 et II, d) du Code de commerce (N° Lexbase : L7575LB8), dans sa version antérieure au 26 avril 2019, sont des lois de police ;

► L’annulation de la clause de parité de tarifs et de conditions et de la clause dite « de la dernière chambre disponible » contenue dans les contrats signés entre une plateforme de réservation en ligne de chambres d’hôtel et les hôteliers est justifiée sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, II, d) du Code de commerce, avec les conséquences qui en résultent en termes d’injonction ; mais ces clauses ne constituent pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des partie.

Faits et procédure. Plusieurs sociétés d’un même groupe (Expedia) exploitent plusieurs agences de voyage en ligne qui proposent aux internautes de réserver, via leurs moteurs de recherche, des hébergements dans un grand nombre d’hôtels en France et à l’étranger. En février 2011, après une enquête diligentée par les services de la DGCCRF, le ministre chargé de l'Économie a assigné les sociétés du groupe en annulation des clauses de parité tarifaires, non tarifaires et promotionnelles présentes dans plusieurs contrats sur le fondement de l'article L. 442-6, II, d) du Code de commerce et, subsidiairement, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2 , du même code, en annulation de la clause dite « de la dernière chambre disponible » sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2 , du Code de commerce, et aux fins qu'il soit enjoint aux sociétés en cause de faire cesser les pratiques consistant à mentionner de telles clauses dans leurs contrats, enfin qu'elles soient condamnées au paiement d'une amende civile de deux millions d'euros.

L’arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 21 juin 2017, n° 15/18784 N° Lexbase : A5627WIA) ayant fait droit pour l’essentiel à ces demandes (l’amende prononcée est d’un million d’euros), les sociétés Expedia ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation se prononce sur plusieurs points.

  • Sur l’application de la loi française

Les sociétés du groupe Expedia critiquaient, en premier lieu, l'arrêt pour avoir retenu que la loi française est applicable. La Cour de cassation approuve sur ce point l’arrêt d’appel, concluant que les textes ayant fondé les poursuites sont des lois de police.

Plus précisément, la Haute juridiction retient que le régime spécifique commun aux délits civils prévus par l’article L. 442-6 du Code de commerce se caractérise par l’intervention, prévue au III de cet article, du ministre chargé de l’Économie pour la défense de l'ordre public. En outre, les instruments juridiques dont celui-ci dispose, notamment pour demander le prononcé de sanctions civiles, illustrent l'importance que les pouvoirs publics accordent à ces dispositions Ainsi, la cour d’appel a exactement retenu que l'article L. 442-6, I, 2 et II, d) du Code de commerce prévoit des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial pour la préservation d'une certaine égalité des armes et loyauté entre partenaires économiques et qui s'avèrent donc indispensables pour l'organisation économique et sociale de la France. Par conséquent, ces dispositions constituent des lois de police dont l’application, conformément tant à l’article 9 du Règlement « Rome I » (Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L7493IAR) que l’article 16 du Règlement « Rome II » (Règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007 (N° Lexbase : L0928HYZ) s'impose au juge saisi, sans qu’il soit besoin de rechercher la règle de conflit de lois conduisant à la détermination de la loi applicable. Or, en l’espèce, les hôtels signataires des contrats en cause et victimes des pratiques alléguées étant situés sur le territoire français, la cour d'appel a caractérisé un lien de rattachement de l’action du ministre au regard de l’objectif de préservation de l’organisation économique poursuivi par les lois de police en cause.

  • Sur la validité des clauses (clause de parité de tarifs et de conditions et clause de disponibilité et de dernière chambre disponible)

Les sociétés du groupe Expedia reprochaient, en second lieu, à l’arrêt d’appel de dire que la clause de parité de tarifs et de conditions ainsi que la clause de disponibilité et de dernière chambre disponible sont contraires à l'article L. 442-6, II, d) du Code de commerce en tant qu'elles visent l'alignement sur les meilleures conditions consenties aux concurrents tiers et non pratiquées par l'hôtelier lui-même (cf. désormais : C. com., art. L. 442-3 N° Lexbase : L0499LQK)

Sur ce point, la Cour de cassation approuve également l’arrêt d’appel. Elle rappelle que l’article L. 442-6, I, d) du Code de commerce, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, dispose que sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant. Or, elle relève que la cour d’appel a prononcé l’annulation de la clause dite « de disponibilité de la dernière chambre » sur le fondement de ce texte, après avoir retenu qu’elle instituait une garantie d’alignement des conditions faites aux sociétés du groupe Expedia sur les meilleures conditions en terme d’accès à la dernière chambre disponible. Ainsi, il importe peu que la clause litigieuse ait pour objet de permettre la réservation de la dernière chambre disponible de l’hôtel partenaire par le biais des sociétés du groupe Expedia comme par d’autres canaux, mais aux meilleures conditions de ceux-ci, ou de contraindre les hôteliers partenaires à réserver à ces sociétés leur dernière chambre disponible, dès lors que, dans les deux cas, elle les fait bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes en matière de disponibilité des chambres, ce qui suffit à justifier son annulation.

  • Sur le déséquilibre significatif

Les sociétés du groupe Expedia reprochaient, en troisième et dernier lieu, à l'arrêt d’appel de retenir que par leurs effets cumulés, les clauses litigieuses constituent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Sur ce dernier point, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. En effet, elle relève que l’arrêt retient que la clause « de la dernière chambre disponible », oblige l’hôtelier qui dispose de chambres encore disponibles à les vendre par l’intermédiaire des sociétés du groupe Expedia. Or, pour la Cour de cassation, les clauses relatives à la dernière chambre disponible imposaient seulement aux hôteliers de permettre la réservation de cette chambre par le canal des sociétés du groupe Expedia dans les conditions prévues pour d’autres canaux, de sorte que la cour d’appel, qui a méconnu la volonté exprimée par les parties dans les clauses litigieuses, a violé l’article 1134, ancien, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC).

Portée de la cassation. La Cour prend le soin de préciser la portée de la cassation. Les clauses litigieuses sont bien nulles et seul est censuré « les chefs de dispositif de l’arrêt disant que ces clauses, par leurs effets cumulés, constituent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, que les sociétés [Expedia] sont responsables de la violation de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce et les condamnant, in solidum, au paiement d'une amende d’un million d'euros au ministre de l'Économie ».

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