La lettre juridique n°824 du 14 mai 2020 : Urbanisme

[Le point sur...] Le point sur l’application du règlement national d’urbanisme (seconde partie)

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences en droit public à l’Université de Caen-Normandie, Centre Maurice Hauriou (Université Paris V- Descartes) et directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de l'urbanisme"

le 13 Mai 2020

Lire Le point sur l’application du règlement national d’urbanisme (première partie) (N° Lexbase : N3171BY4).

II - La sécurité et la salubrité : l’article R. 111-2

A - Le champ d’application

Crée par l’article 2 du décret n° 61-1298 du 30 novembre 1961, la règle reprise par l’actuel article R. 111-2 (N° Lexbase : L0569KWY) prévoit, dans sa rédaction actuelle :

« Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».

Cette règle a connu plusieurs rédactions mais l’idée maîtresse demeure identique : l’autorité peut valablement invoquer un motif tiré de l’atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique pour refuser l’autorisation sollicitée, indépendamment du respect des règles du document local d’urbanisme. Notons qu’elle figure souvent, parfois dans des termes différents, dans beaucoup de PLU. Mais, en tout état de cause, elle peut être valablement opposée à une demande de permis, quand bien même le projet serait compatible avec les dispositions du PLU (CE, 1er mars 2004, n° 209942 (N° Lexbase : A4243DBR). En outre, lorsqu’un grief tiré de l’existence d’un risque pour la sécurité est invoqué devant lui, le juge doit statuer sur le moyen en lui redonnant son exacte qualification et en plaçant, pour y répondre, dans le cadre de l’article R. 111-2 (CE, 27 juillet 2009, n° 317060 N° Lexbase : A1350EK9).

Selon la jurisprudence la plus récente :

« En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect » (CE, 26 juin 2019, n° 412429 N° Lexbase : A7035ZGN).

La violation des exigences de sécurité ou de salubrité publique est, à elle seule, suffisante pour justifier légalement le refus de délivrer une autorisation d’urbanisme (CE, 18 juin 1980, n° 02861 N° Lexbase : A2416B8Y) et pour annuler une autorisation, le juge n’ayant alors pas l’obligation d’examiner les autres moyens soulevés par le requérant (CE, 16 octobre 1992, n° 86494 N° Lexbase : A8039AR8).

Il faut également souligner que les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par l’article R. 111-2 sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers (CE 1er mars 2004, n° 209942 N° Lexbase : A4243DBR).

L’application de cette règle impose donc une appréciation au cas par cas qui tient compte des caractéristiques du projet et de ses conséquences sur son environnement immédiat : l’administration dispose ainsi du pouvoir d’apprécier, pour chaque cas particulier, si en raison de la gravité de l’atteinte à la sécurité ou à la salubrité, il convient de refuser le permis ou d’édicter telle ou telle prescription spéciale (CE Ass., 22 février 1970, n° 76380 N° Lexbase : A4721AQW ; CE, 9 février 1977, n° 00037 N° Lexbase : A6288B7Z). On notera que ces prescriptions ne peuvent apporter de modifications substantielles au projet, lesquelles imposeraient au pétitionnaire de présenter une nouvelle demande (CE, 26 juin 2019, n° 412429 N° Lexbase : A7035ZGN).

L’exercice de ce contrôle est une obligation qui s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation et en l’absence d’un refus ou d’une prescription explicite l’administration est réputée avoir exercer ce contrôle (CE Ass., 22 février 1970, n° 76380, précité).

Le contrôle de l’administration et du juge ne porte pas sur la destination intrinsèque de l’immeuble dont la construction est demandée mais sur ses éventuelles conséquences sur le voisinage : le critère de décision repose donc essentiellement sur la situation du projet et sur les risques qu’il fait supporter à ses occupants, au voisinage et aux tiers (CE, 18 juin 1980, n° 02861, précité ; CE, 1er mars 2004, n° 209942 N° Lexbase : A4243DBR). L’autorité peut ainsi prendre en considération la situation la dimension, l’orientation et l’espacement d’un groupe d’immeuble pour apprécier une éventuelle atteinte à la salubrité et à la sécurité (CE, 25 juin 1980, n° 98945 et n° 05861 N° Lexbase : A7690AIN). Le juge doit donc exercer un contrôle concret en vérifiant, par exemple, si la réalisation du projet est de nature à accroître les risques d’incendie pour les tiers (CE, 1er mars 2004, n° 209942, précité).

B - Les liens avec les autres exigences de sécurité

Ces exigences sont énoncées par d’autres articles du code de l’urbanisme mais également par d’autres législations.

L’article R. 111-2 fait parfois l’objet de combinaison avec d’autres dispositions du Code de l’urbanisme. C’est le cas de l’actuel article R. 111-6 (N° Lexbase : L0565KWT) qui prévoit que le permis peut être refusé si la largeur des voies est insuffisante pour la circulation et la manœuvre des engins de lutte contre l’incendie.

Le respect des exigences de sécurité s’apprécie alors au regard de la largeur de la voie et des caractéristiques du projet (CE, 14 avril 1995, n° 129479 N° Lexbase : A3366ANY). De même, le projet de construction de quatre bâtiments réservés au stockage de produits commercialisés sur le marché  de Rungis est-il apprécié au regard des articles R. 111-2, R. 111-3 (N° Lexbase : L0568KWX) et R. 111-4 (N° Lexbase : L0567KWW) : dès lors que les nuisances potentielles du projet ont été étudiées et que les analyses réalisées ne font pas apparaître d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, compte tenu notamment des mesures envisagées pour limiter les inconvénients de l'installation, tant en ce qui concerne la pollution des eaux et de l'atmosphère que la pollution sonore, le traitement des déchets et l'accroissement de la circulation, le projet ne peut être légalement interdit sur le fondement de ces trois articles (CE, 29 juin 2005, n° 262328 N° Lexbase : A9985DIN).

Le lien de l’article R. 111-2 avec les autres législations mérite également des observations spécifiques.

Initialement, la jurisprudence considérait que l’autorité compétente en matière d’urbanisme devait se prononcer indépendamment de la législation sur les installations classées (CE, 9 février 1977, n° 00037 N° Lexbase : A6288B7Z ; CE, 30 octobre 1987, n° 61098 N° Lexbase : A3928AP8), ce qui ne lui interdisait pas de prendre en considération les caractéristiques du projet telles qu’elles découlent des exigences d’une législation particulière : le préfet pouvait ainsi écarter l’existence d’une violation de l’article R. 111-2 en tenant compte des prescriptions sévères imposées aux constructeurs par la législation et la réglementation spécifique aux installations nucléaires de base (CE, 20 juin 1984, n° 35552 N° Lexbase : A3910ALE ; voir aussi CE, 20 mars 2000, n° 191418 N° Lexbase : A0681AUR).

La connexion entre la législation de l’urbanisme et celle des ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), résultant des articles L. 110-1 (N° Lexbase : L6662C8A) et L. 110-2 (N° Lexbase : L6659C87) du Code de l’urbanisme, limite désormais le champ d’application de l’article R. 111-2 lorsque des ICPE sont en cause dès lors que les prescriptions émises dans le cadre de la législation sur les ICPE sont prises en compte dans l’application de R. 111-2 : dès lors que ces prescriptions sont suffisantes au titre des ICPE,  l’autorité n’a pas lieu d’imposer des prescriptions supplémentaires au titre de la législation relative à l’urbanisme (CE, 13 juillet 2006, n° 269720 N° Lexbase : A6477DQX). Il appartient donc à l’administration, à l'occasion de chaque demande d'autorisation de construire ou d'implanter une activité, d'appliquer les règles notamment de sécurité, découlant de chacune des législations pertinentes (CE, 29 avril 2009, n° 293896 N° Lexbase : A6396EGY).

Le champ d’application de l’article R. 111-2 ne se trouve cependant pas limité par les autres dispositions spécifiques relatives à la sécurité ou à la salubrité. Il incombe en effet à l'autorité compétente, si les particularités de la situation qu'il lui appartient d'apprécier l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue d’un plan de prévention des risques naturels ou de subordonner, en application de l'article R. 111-2, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles du plan (CE, 4 mai 2001, n° 321357 N° Lexbase : A0938HQS). Par conséquent, la circonstance qu'un plan de prévention du risque inondation ait précédemment classé une partie du terrain d'assiette d'un projet de construction en zone constructible n'est pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce qu'un refus de permis soit opposé sur le fondement de l'article R. 111-2 (CE, 15 février 2016, n° 389103 N° Lexbase : A1032PLS).

C - Le contrôle du juge

Si le Conseil d’Etat ne se reconnaît pas le droit de contrôler l’opportunité de la mesure décidée par l’autorité compétente, en revanche, cette décision est contrôlée au titre de l’erreur de fait, de l’erreur de droit, de l’erreur manifeste d’appréciation ou du détournement de pouvoir (CE Ass. 29 mars 1968, n° 59004 N° Lexbase : A9653B8Z ; CE, 13 juillet 1968, n° 66310 N° Lexbase : A8165AQH).

L’administration commet une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle autorise, sans imposer de prescriptions spéciales relatives au dispositif d’assainissement et en se limitant à prévoir que ce dispositif serait soumis à la direction des affaires sanitaires et sociales, la construction d’un immeuble à usage d’habitation situé dans le périmètre de captage d’eau d’une agglomération importante et à la limite du périmètre de protection immédiate à un endroit où la nappe est à une faible profondeur (CE, 25 septembre 1987, n° 66734 N° Lexbase : A3887APN).

Même solution pour un permis de construire délivré pour la construction d’un bâtiment à usage de dépôt, d'atelier de conditionnement et de bureaux situé à trente mètres d'un silo à grains d'une capacité de 20 000 tonnes, compte tenu notamment des dangers pouvant résulter de l'incendie d'un silo (CE, 16 octobre 1992, n° 86494 N° Lexbase : A8039AR8).

Le juge ne peut annuler un permis au motif qu’il ne prévoit pas de prescriptions spéciales à l’égard sans préciser de quelles prescriptions il s’agit et sans dire en quoi elles sont différentes de celles imposées par la législation sur les installations classées (CE, 20 mars 2000, n° 191418 N° Lexbase : A0681AUR).

C’est dire qu’il doit apprécier de manière très concrète le dossier qui lui est soumis en prenant en compte les caractéristiques intrinsèques du projet, et notamment les mesures destinées à pallier ou à limiter les effets nuisibles du projet, pour les replacer dans l’environnement (CE, 16 juin 2004, n° 254172 N° Lexbase : A7615DCZ). Le risque d’incendie auquel est exposé un projet de hangar agricole du fait de sa destination mais aussi de la configuration des lieux justifie ainsi un refus de permis (CE, 22 avril 2005, n° 257743 N° Lexbase : A9340DHE).

Le juge doit donc préciser les atteintes et les risques qui pèsent sur la sécurité et la salubrité du fait de la réalisation du projet et qui justifient des prescriptions ou des précisions complémentaires, sous peine d’entacher sa décision d’un défaut de motivation et d’une erreur de droit (CE, 4 mai 2011, n° 321357 N° Lexbase : A0938HQS).

Cette exigence le conduit ainsi, en cas d’absence de repères préétablis à fixer lui-même les critères d’appréciation de la dangerosité d’une installation. Ces critères relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond et échappent donc au contrôle du juge de cassation. Au sujet du danger constitué par les ruptures de pales et de mâts des éoliennes, le Conseil d’Etat relève que :

« les juges du fond ont relevé qu'il était établi que des ruptures de pales ou, dans une moindre mesure, de mâts étaient survenues dans un rayon de 300 m et qu'un tel risque existait dans un rayon de 500 m ; qu'ils ont ensuite appliqué ce critère aux projets d'implantation d'éoliennes en tenant compte de la topographie des lieux, ce qui les a conduit à annuler les autorisations relatives à des projets situés à l'intérieur d'un périmètre regardé comme définissant la zone de risque, dans le cas où l'environnement était peu marqué par le relief, et à estimer que les autres projets situés dans le même périmètre, correspondant aux éoliennes C3 et C5, avaient pu, sans erreur manifeste, être autorisés compte tenu de la topographie des lieux ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond, qui n'ont pas commis d'erreur de droit en appliquant de façon différente aux situations qui leur étaient soumises le critère de distance qu'ils ont eux-mêmes dégagé, se sont livrés à une appréciation souveraine qu'il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler » (CE, 6 novembre 2006, n° 281072 N° Lexbase : A2892DSW ; CE, 27 juillet 2009, n° 317060 N° Lexbase : A1350EK9 ; CE, 1er mars 2013, n° 350306 N° Lexbase : A9297I8T).

Il en va de même pour des installations de télécommunications : le juge apprécie souverainement leur caractère dangereux au regard de l’article R. 111-2 en fonction de l’état actuel des connaissances scientifiques (CE, 13 décembre 2006, n° 284237 N° Lexbase : A8895DSA).

D - Concrétisations

Les solutions qui suivent ne constituent pas des cas d’école transposables automatiquement à des situations dans lesquelles une construction similaire serait en cause dès lors que le juge ne se fonde pas sur la nature intrinsèque du projet mais sur son interaction avec le voisinage immédiat : tout est donc affaire de circonstances particulières…

Bien entendu, la situation particulière des lieux et leur environnement sont pris en compte dans l’application de l’article R. 111-2. L’appréciation des risques sera moins stricte pour un projet de type industriel situé dans une zone industrielle et portuaire qui, par principe, regroupe des exploitations à risque. C’est le cas pour la construction d’un ouvrage permettant le transfert du ciment entreposé dans le hangar dans les citernes des camions : compte tenu des précautions prises pour éviter les émissions de poussière de ciment dans l'atmosphère et des mesures de sécurité prévues, cette nouvelle installation n'est pas de nature, par elle-même ou en raison de sa situation dans le voisinage d'un dépôt d'anhydride sulfureux, à accroître sensiblement les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques dans une zone industrielle et portuaire (CE, 8 janvier 1997, n° 163035 N° Lexbase : A8072ADC).

Ont été reconnues comme étant de nature à porter atteinte à la salubrité :

- l’absence de certains travaux d’assainissement dans le cadre de la réalisation d’un lotissement (CE, 13 juillet 1968, n° 66310 N° Lexbase : A8165AQH) ;

- les inconvénients résultant, pour le voisinage, de l’installation d’une entreprise polluante et/ ou bruyante (un atelier de réparation automobile, CE 12 décembre 1969, n° 76912 N° Lexbase : A9267AQB ; une porcherie, CE, 25 juillet 1975, n° 87988 N° Lexbase : A7340B8D, CE Sect.  21 mars 1980, n° 12888 N° Lexbase : A9025AI4 ; une entreprise traitant le bois par des produits nocifs, CE, 18 juin 1980, n° 02861 N° Lexbase : A2416B8Y ; un élevage important de volailles contiguë à une maison d’habitation, CE, 24 juillet 1987, n° 56230 et n° 56899 N° Lexbase : A3827APG ; des unités de vapocraquage et d'hydrodésulfuration, des sphères de stockage de gaz combustible liquéfié et une canalisation de transfert d'éthylène, CE, 20 mai 1994, n° 107878 N° Lexbase : A1143AS7) ;

Le risque joue, bien entendu, dans les deux sens : si les exemples précédents concernent l’implantation d’une activité litigieuse, en sens inverse, l’existence préalable d’un établissement susceptible de porter atteinte à la salubrité interdit l’implantation d’une maison d’habitation à proximité (pour une porcherie, voir CE, 12 février 1990, n° 82057 N° Lexbase : A5864AQA).

Du côté de la sécurité, les motifs suivants permettent de justifier légalement un refus d’autorisation :

- un risque pour la sécurité routière (CE, 10 avril 1974, n° 92821 N° Lexbase : A7175B7U) ;

- l’existence d’un silo à grains d’une capacité de 20 000 tonnes : compte tenu des risques existant en cas d’incendie, la présence de cet établissement interdit l’édification d’un atelier de conditionnement et de bureaux à proximité (CE, 16 octobre 1992, n° 86494 N° Lexbase : A8039AR8) ;

- la circonstance que le secteur dans lequel se situe l’immeuble dont l’extension est demandée est très sensible aux feux de forêt et que le passage d’une surface de 45 à 119 m² augmentent le risque de départ de feux (CE, 1er mars 2004, n° 209942 N° Lexbase : A4243DBR) ;

- le risque de perturbation importante de la détection des phénomènes météorologiques dangereux qu'elles entraînent, sans réelle possibilité de neutralisation de leurs effets (CE, 30 décembre 2013, n° 352693 N° Lexbase : A9244KS8).

 En revanche, les projets suivants ne portent pas atteinte aux exigences de sécurité ou de salubrité :

- une étable dont la porte de sortie des bovins donne directement sur la place d’un village, solution surprenante aujourd’hui et qui témoigne d’une France rurale disparue (CE Ass., 22 février 1970, n° 76380 N° Lexbase : A4721AQW) ;

- un poulailler industriel (CE 9 février 1977, n° 00037 N° Lexbase : A6288B7Z) ;

- une installation de traitement des eaux usées (CE, 30 octobre 1987, n° 61098 N° Lexbase : A3928AP8) ;

- trois immeubles destinés à l’exploitation d’un aéroport existant (CE, 14 juin 1989, n° 82067 N° Lexbase : A2051AQZ) ;

- l’implantation selon un axe Nord-Sud d’un bâtiment d’une porcherie, qui devait initialement être implantée selon un axe est-ouest, dès lorsqu'il n'est pas établi que cette nouvelle implantation était, par elle-même, de nature à accroître les désagréments résultant, pour le voisinage, des émanations nauséabondes de cette porcherie (CE, 16 octobre 1992, n° 130367 N° Lexbase : A8047ARH) ;

- la présence à 500 mètres d’une fabrique de gaz de pétrole liquéfié, dès lors que le terrain d’assiette est situé au milieu d’une agglomération, signe d’un certain fatalisme (CE, 29 juillet 1994, n° 115625 N° Lexbase : A1962ASH) ;

- le seul fait que l'édification d’un immeuble d’habitation nécessite l'exécution de travaux d'affouillement du sol à proximité de la nappe phréatique (CE, 5 décembre 1994, n° 137353 N° Lexbase : A4236ASP) ;

- la création d’une fourrière malgré les nuisances sonores qu’elle peut provoquer (CE, 1er octobre n° 88842 N° Lexbase : A1012ANS) ;

- la réalisation d’un ensemble de cinq habitations dès lors que le système d’assainissement, dont il n’est pas établi qu’il serait insuffisant, ne présente pas de risque pour la santé du seul fait qu’il n’est pas implanté sur la partie du terrain d’assiette préconisée par le bureau d’études (CE, 3 juin 2013, n° 342673 N° Lexbase : A3356KGE) ;

Les exigences de l’article R. 111-2 sont également respectées lorsque le permis est assorti de prescriptions destinées à garantir la sécurité ou la salubrité. On peut citer les cas suivants :

-  le permis peut être légalement accordé sous la condition qu'une étude géotechnique soit effectuée afin d'assurer la stabilité des fondations des bâtiments et de "déterminer les conditions d'assainissement des habitations (CE, 10 mai 1995, n° 124959 N° Lexbase : A3833ANB) ;

- le risque de rupture des pales ou du mât d’une éolienne dans un rayon de 500 mètres (CE, 27 juillet 2009, n° 317060 N° Lexbase : A1350EK9) ;

E - Les considérations indifférentes

Pour l’application de l’article R. 111-2, le juge écarte comme indifférentes plusieurs types de considérations.

Il s’agit tout d’abord, du fait que d’autres immeubles sont déjà présents autour d’une installation qui présente des dangers pour la salubrité et la sécurité. Il s’agit ainsi de priver de conséquences de droit des circonstances factuelles, certes contraires au but poursuivi par l’article R. 111-2, mais qui n’ont pas à être appréciées dans le cadre d’une nouvelle construction. Peu importe que la présence de ces ouvrages s’explique par des considérations historiques, la négligence des autorités, voire l’évolution de la réglementation (CE, 20 mai 1994, n° 107878 N° Lexbase : A1143AS7).

La protection de la propriété privée doit également céder devant les exigences de l’intérêt général qui impose de limiter les risques d’incendie (CE, 26 juin 2019, n° 412429 N° Lexbase : A7035ZGN).

La faible probabilité d’un risque est également une considération qui ne doit pas entrer en ligne de compte pour l’autorité administrative : elle ne le dispense pas de prendre en considération l’existence du danger, d’autant qu’il s’agit d’un risque mortel pour le voisinage en cas de rejet accidentel ou d’explosion (CE, 20 mai 1994, n° 107878 N° Lexbase : A1143AS7).

Toutefois, l’application du dogme politico-médiatique de la nécessaire transition écologique a conduit le Conseil d’Etat à assouplir sa position sur ce point et à se mettre ainsi dans le sens du vent : l’existence du risque de rupture de mât et de pales d’éoliennes doit justifier un refus de permis sur le fondement de R. 111-2, dès lors qu’il apparaît que ce risque n’est pas négligeable. A contrario, on doit comprendre qu’il suffit que les données scientifiques concluent au caractère négligeable du risque pour qu’il soit écarté (CE, 27 juillet 2009, n° 317060 N° Lexbase : A1350EK9).

Cette analyse est confirmée de manière explicite par un arrêt du 13 juillet 2012 qui énonce qu’un « risque minime, qui n'est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, ne peut fonder ni un refus de permis de construire ni l'observation de prescriptions spéciales accompagnant la délivrance du permis ».  Dès lors qu’elle estime que les risques potentiels pour les randonneurs circulant sur un chemin de grande randonnée situé à proximité d’une l'éolienne sont minimes, une cour peut donc souverainement décider que le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 (CE, 13 juillet 2012, n° 345970 N° Lexbase : A8403IQB).

F - La responsabilité

Enfin, la question de la responsabilité mérite quelques observations finales.

Dès lors qu’une décision illégale est nécessairement fautive, la méconnaissance de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme est susceptible de fonder une mise en cause de la responsabilité de la personne publique qui a délivré l’autorisation litigieuse.

La décision par laquelle l’autorité administrative a accordé un permis de construire n’est pas fautive dès lors qu’aucune circonstance ne permettait de refuser le permis sur le fondement de l’article R. 111-2 et que la délivrance du permis n’accordait au constructeur aucune garantie au sujet de la résistance du sol (CE, 13 mars 1989, n° 78030 N° Lexbase : A1629AQE).

De même, le juge peut constater, qu’alors même qu'aucune des études de sous-sol disponibles à la date de délivrance du permis de construire en cause ne permettait d'établir avec certitude la présence de la cavité à l'origine du sinistre, et, que, si aucun risque ne pouvait être précisément identifié mettant en cause la sécurité publique, le certificat d'urbanisme positif, auquel le permis de construire délivré un mois plus tard renvoyait expressément, était cependant assorti de prescriptions particulières enjoignant au pétitionnaire de prendre toutes les dispositions nécessaires pour s'assurer de la stabilité des sols, notamment en procédant à des sondages et à des travaux confortatifs, compte tenu de la situation connue de l'état général des sous-sol dans le canton. Dans ces conditions, la délivrance du permis n’est pas fautive (CE, 16 juin 2010, n° 312331 N° Lexbase : A9802EZ3).

En revanche, l’Etat commet une faute de nature à engager sa responsabilité lorsqu’il délivre, sans l’assortir de prescriptions pouvant être prises sur le fondement de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, un permis de construire portant sur la réalisation d’un lotissement alors qu’il est établi qu’ à la date de la délivrance du permis, l’administration avait connaissance de l'existence d'une ancienne galerie souterraine sous le terrain d'assise du projet et qu’un rapport des Mines avait recommandé que fussent réalisés par le promoteur des sondages devant permettre d'apprécier l'importance du vide, son état actuel, de décider des remblaiements de terrain nécessaires ainsi que de la création, en tant que de besoin, d'une zone non aedificandi protégeant du risque d'éboulement. En s’abstenant de faire application du pouvoir qu’il détient en application de l’article R. 111-2, le préfet engage la responsabilité de l’Etat (CE, 3 novembre 1989, n° 80974 N° Lexbase : A2207AQS).

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