La lettre juridique n°268 du 12 juillet 2007 : Internet - Bulletin d'actualités n° 6

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juin 2007

Lecture: 14 min

N7958BBD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juin 2007. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209254-panorama-bulletin-d-actualites-clifford-chance-departement-communication-media-amp-technologies-jui
Copier

le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. A noter ce mois ci, un décret adopté le 9 mai 2007qui complète la liste des mentions légales qu'un éditeur professionnel de site internet doit faire apparaître sur son site, un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2007 qui affirme qu'un SMS constitue une preuve admissible en justice, ou encore, une décision de la cour d'appel de Paris du 6 juin 2007 relative à l'incompétence des juridictions françaises pour statuer sur un litige opposant la société Axa à la société Google Inc. portant sur des liens commerciaux renvoyant vers des sites internet étrangers. I - Informatique
  • Dans un jugement du 28 mars 2007, le tribunal de grande instance de Paris prononce la résolution d'un contrat de cession portant sur le logiciel "Baghera" intégrant le programme "JATLite" dépendant de la licence "GNU GPL" ; cette licence aurait dû être sollicitée auprès de la société ayant développé le programme "JATLite" pour pouvoir utiliser le logiciel sans commettre un acte de contrefaçon : TGI de Paris, 28 mars 2007, Educaffix c/ CNRS, Université Joseph Fourier et autres

Faits :

Le 23 septembre 2003, la société Educaffix a signé avec l'Université Joseph Fourier, l'Institut National Polytechnique de Grenoble, l'Université Pierre Mendés France et l'IUFM de l'Académie de Grenoble ("l'Organisme") un contrat de cession portant sur le logiciel "Baghera".

La société Educaffix envisageait de développer un logiciel, dénommé "Educaxion", à partir du logiciel "Baghera". Mais, la société n'a pu exploiter le logiciel "Educaxion" ainsi développé car il intégrait le logiciel "JATLite", sous licence "GNU", dont les droits appartenaient à l'Université de Standford. En effet, le logiciel "Baghera" livré par l'Organisme était composé d'un soubassement (le programme "JATLite"), ainsi que d'une couche intermédiaire et d'une couche supérieure.

Conscient de ce problème, l'Organisme a proposé, le 27 octobre 2003, de remplacer le programme "JATLite", estimant le temps de travail à 5 semaines. La société Educaffix n'a pas donné suite à cette proposition.

Par acte du 24 octobre 2005, la société Educaffix décidait, cependant, d'assigner l'Organisme aux fins de voir constater la nullité pour dol du contrat de cession, la société estimant que l'Organisme lui a caché que le logiciel "Baghera" intégrait une partie du programme "JATLite". Elle demandait, également, au tribunal de prononcer la résolution du contrat aux torts de l'Organisme puisque l'exploitation du logiciel "Baghera" implique nécessairement la commission d'acte de contrefaçon du programme "JATLite".

Décision :

Concernant la demande de nullité du contrat pour dol, le tribunal de grande instance constate, notamment, que le contrat de cession établit clairement que seul le logiciel "Baghera", à savoir les couches intermédiaire et supérieure des fichiers constituant le système contenu dans le CDRom livré à la société Educaffix, est l'objet du contrat et est cédé par l'Organisme. Il estime que la société Educaffix avait pleinement connaissance de ce que contenait le CDRom livré et de ce que le contrat ne portait pas sur la couche inférieure du système (le programme "JATLite").

Le tribunal considère, par conséquent, que les conditions de l'article 1116 du Code civil (N° Lexbase : L1204AB9) ne sont pas réunies, l'Organisme n'ayant commis aucun dol par réticence à l'égard de la société Educaffix. Il déboute, dès lors, cette dernière de sa demande.

Concernant la demande de résolution du contrat de cession, le tribunal estime que les parties auraient dû solliciter une licence "GNU" auprès de l'Université de Standford ou remplacer le programme "JATLite".

Le tribunal constate qu'aucune licence n'a été demandée et que le remplacement du programme "JATLite" n'a pas été réalisé parce que la société Educaffix n'a pas donné suite à la proposition de remplacement faite par l'Organisme. Il constate, également, que ce dernier a sous-estimé le temps de travail nécessaire au remplacement (5 semaines au lieu des 10 à 15 estimées par le rapport d'expertise).

Ainsi, le tribunal prononce la résolution du contrat de cession aux torts partagés de chacune des parties, l'exploitation du logiciel "Baghera" étant dépendante du remplacement du programme "JATLite".

Commentaire :

Dans ce jugement du 28 mars 2007, le tribunal de grande instance de Paris consacre, pour la première fois, le caractère opposable de la licence "GNU GPL" en affirmant que le logiciel "Baghera" "a la particularité de dépendre de la licence GNU qui permet une utilisation libre du logiciel mais requiert une licence si le travail basé sur le programme ne peut être identifié comme raisonnablement indépendant et doit être considéré comme dérivé du programme JATLite".

En l'espèce, le tribunal estime que le logiciel "Baghera" est bien un dérivé du programme "JATLite". En ne le redistribuant pas sous licence "GNU GPL", l'Organisme a donc commis une faute qui justifie que la résolution du contrat soit prononcée aux torts partagés des parties.

Rappelons que la licence "GNU GPL", pour GNU General Public Licence, fixe les conditions juridiques de distribution des logiciels libres du projet "GNU". Cette licence garantit à l'utilisateur du logiciel libre le droit d'exécuter le logiciel, pour n'importe quel usage ; d'étudier le fonctionnement d'un programme et de l'adapter à ses besoins, ce qui passe par l'accès aux codes sources ; de redistribuer des copies ; d'améliorer le programme et de rendre publiques les modifications afin que l'ensemble de la communauté en bénéficie.

Quiconque accepte les conditions de la licence "GNU GPL" peut modifier le logiciel, l'étudier et le redistribuer dans sa version d'origine ou dans une version dérivée. A noter que cette licence permet une redistribution à des fins commerciales, à la différence des autres licences qui l'interdisent expressément. Cependant, ce droit de redistribution n'est garanti à l'utilisateur que dans la mesure où il fournit le code source de la version qu'il a modifiée et que si cette nouvelle version est également distribuée sous licence "GNU GPL".

II - Internet

  • Par un décret adopté le 9 mai 2007, le Conseil d'Etat complète la liste des mentions légales qu'un éditeur professionnel de site internet doit faire apparaître sur son site : décret n° 2007-750 du 9 mai 2007, relatif au registre du commerce et des sociétés et modifiant le Code de commerce (N° Lexbase : L4431HXE)

Contenu :

Le décret adopté le 9 mai 2007 précise les mentions légales que toute personne immatriculée au RCS doit faire apparaître sur ses papiers d'affaires (factures, documents publicitaires...) ainsi que sur son site.

Ainsi, au titre de l'article 29 du décret, toute personne immatriculée doit indiquer sur son site internet :
- la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe ;
- le numéro unique d'identification de l'entreprise ;
- le lieu du siège social ;
- pour les sociétés commerciales dont le siège est à l'étranger, le lieu du siège social, la mention de son état de liquidation, la dénomination, la forme juridique et le numéro d'immatriculation dans l'Etat où elle a son siège, s'il en existe un.

Le décret dispose que le non-respect de ces obligations est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe, soit un maximum de 750 euros (3 750 euros pour les personnes morales).

Commentaire :

Ce décret renforce l'obligation d'information des internautes notamment mise à la charge des éditeurs de sites internet par la loi pour la confiance dans l'économie numérique, "LCEN", du 21 juin 2004 (loi n° 2004-575 N° Lexbase : L2600DZC).

Aux termes de la "LCEN", l'éditeur d'un site internet, personne physique, doit indiquer son nom, prénom, domicile, numéro de téléphone et, le cas échéant, leur numéro d'inscription au RCS (ou au répertoire des métiers).

Quant aux éditeurs de sites internet, personnes morales, ils doivent préciser leur dénomination ou raison sociale, siège social, numéro de téléphone, et, le cas échéant, leur numéro d'inscription au RCS (ou au répertoire des métiers), capital social et adresse de siège social.

En outre, tout éditeur doit indiquer le nom du directeur ou codirecteur de la publication (ou du responsable de la rédaction), ainsi que les nom, dénomination ou raison sociale et numéro de téléphone de son hébergeur.

Rappelons que ces obligations ne concernent que les éditeurs professionnels. En effet, la "LCEN" permet aux éditeurs non professionnels de préserver leur anonymat. La seule obligation de ces derniers consiste à indiquer les coordonnées de l'hébergeur.

Enfin, pour les sites de commerce électronique, la "LCEN" impose, également, aux éditeurs de fournir des informations supplémentaires, telles que, notamment, leur adresse de courrier électronique ou encore, le cas échéant, leur numéro d'identification TVA.

C'est donc en complément de ce dispositif existant que le décret du 9 mai dernier a été adopté. Il vient, en effet, ajouter des mentions supplémentaires à la liste des mentions obligatoires que les éditeurs professionnels doivent faire figurer sur tout site internet. Par conséquent, nous vous conseillons de vous assurer que votre site internet est bien conforme aux prescriptions de la "LCEN" et de ce décret.

Enfin, nous attirons votre attention sur le fait que ce décret instaure un régime de sanctions différencié en fonction des mentions légales manquantes. Alors que le non-respect des mentions prévues par la "LCEN" est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (375 000 euros pour les personnes morales), celui des mentions prévues par le décret est sanctionné par une amende de 750 euros (3 750 euros pour les personnes morales).

  • Dans une décision en date du 23 mai 2007, la Cour de cassation affirme qu'un SMS constitue une preuve admissible en justice ; ce mode de preuve respecte le principe de loyauté dans la mesure où l'auteur du message ne peut ignorer que ce dernier est enregistré par le téléphone portable du destinataire : Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43.209, Société civile professionnelle (SCP) Laville-Aragon, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3964DWQ) (1)

Faits :

Le 23 août 2000, Mme Y est licenciée par la société Laville-Aragon pour faute grave. Elle saisit le conseil de prud'hommes en contestant la faute grave et en faisant état d'un harcèlement sexuel.

Pour prouver les faits de harcèlement sexuel dont elle se dit victime de la part de son employeur, Mme Y se prévaut, notamment, des SMS que ce dernier lui a envoyés et qui sont enregistrés sur son téléphone portable.

L'affaire est portée devant la cour d'appel, puis devant la Cour de cassation qui, par une décision du 20 avril 2005, casse l'arrêt d'appel et renvoie les parties devant la cour d'appel d'Agen (Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-41.916, F-D N° Lexbase : A9673DHQ).

Dans une décision du 5 avril 2006, la cour d'appel décide que le licenciement de Mme Y ne repose pas sur une faute grave et déclare établi le harcèlement sexuel de cette dernière.

La société Laville-Aragon conteste cette décision et se pourvoit en cassation. Elle affirme, notamment, que l'enregistrement et la reconstitution d'une conversation ainsi que la retranscription de messages effectués à l'insu de leur auteur constituent des procédés déloyaux. Elle estime que les SMS reçus par Mme Y ne sont pas une preuve recevable en justice.

Décision :

Dans cette décision du 23 mai 2007, la Cour de cassation considère que la personne destinataire de SMS peut s'en prévaloir pour prouver les faits de harcèlement sexuel dont elle est victime.

La Cour reconnaît, tout d'abord, que l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée effectuée à l'insu de l'auteur des propos invoqués est bien un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue.

Mais, elle estime que l'utilisation par le destinataire des SMS à titre de preuve de ces propos est parfaitement recevable dans la mesure où l'auteur des SMS ne peut ignorer que ces derniers sont enregistrés par le téléphone portable du destinataire. Ainsi, l'auteur des SMS ne peut invoquer la déloyauté du mode de preuve, les messages n'ayant pas été enregistrés à son insu.

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi formé par la société Laville-Aragon.

Commentaire :

Cet arrêt est intéressant en ce qu'il précise qu'un simple SMS peut constituer une preuve admissible en justice.

En effet, le recours à un tel message n'est pas un procédé déloyal puisque l'émetteur a parfaitement conscience que le message est non seulement reçu par le destinataire, mais également enregistré sur le téléphone portable de ce dernier. Cette connaissance rend, dès lors, impossible tout raisonnement relatif à une utilisation à l'insu de l'auteur du message.

La décision de la Cour de cassation respecte donc le principe de la loyauté des preuves.

  • Dans un arrêt du 23 mai 2007, la Cour de cassation indique qu'un employeur peut demander en justice qu'un huissier soit autorisé à accéder aux données échangées avec des tiers par un salarié et contenues dans l'ordinateur mis à la disposition de ce salarié et à en prendre connaissance pour en enregistrer la teneur : Cass. soc., 23 mai 2007, n° 05-17.818, Société Datacep, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3963DWP) (2)

Faits :

La société Datacep employait M. X en qualité de responsable marketing et recrutement. La société soupçonnait ce dernier d'entretenir avec deux personnes étrangères à l'entreprise des relations constitutives de manoeuvres déloyales tendant à la constitution d'une société concurrente.

La société a obtenu du président du tribunal de grande instance, sur requête, une ordonnance autorisant un huissier de justice à accéder aux données contenues dans l'ordinateur, mis par elle à la disposition de M. X, et à prendre connaissance, pour en enregistrer la teneur, des messages électroniques échangés entre le salarié et les deux personnes étrangères à la société.

M. X a fait appel de cette ordonnance.

Dans un arrêt du 18 mai 2005, la cour d'appel de Douai a rétracté l'ordonnance et annulé le procès-verbal dressé par l'huissier. Elle a considéré que la mesure d'instruction ordonnée avait pour effet de donner à l'employeur connaissance de messages personnels émis et reçus par le salarié. Elle en a déduit que cette mesure portait atteinte à une liberté fondamentale et n'était donc pas légalement admissible.

La société Datacep se pourvoit en cassation.

Décision :

Par un arrêt du 23 mai 2007, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au visa des articles 145 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2260AD3), 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI) et affirme, dans un attendu de principe, que "le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicités".

L'employeur ayant des motifs légitimes de suspecter des actes de concurrence déloyale, il pouvait valablement demander en justice le droit de prendre connaissance des messages électroniques de son salarié.

Commentaire :

Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient compléter les précédentes décisions "Nikon" (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof, publié N° Lexbase : A1200AWD) et "Cathnet" (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT) relatives à la possibilité pour un employeur de prendre connaissance du contenu d'e-mails échangés par un salarié, dans la limite du respect de la vie privée des salariés et du secret des correspondances.

En effet, l'arrêt "Nikon", rendu par la Cour de cassation le 2 octobre 2001, affirme que "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; [...] celle-ci implique en particulier le respect des correspondances". L'employeur ne peut donc pas prendre connaissance des messages personnels émis et reçus par son salarié au moyen de l'ordinateur mis à sa disposition sans violer cette liberté fondamentale.

L'arrêt "Cathnet" du 17 mai 2005 a, cependant, ajouté que, sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir des fichiers identifiés comme personnels qu'en présence du salarié concerné. Ainsi, dès lors que les fichiers ne sont pas identifiés comme étant personnels par le salarié, ces derniers sont présumés avoir un caractère professionnel et l'employeur peut y avoir accès hors la présence du salarié (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-47.400, FS-P+B N° Lexbase : A9616DRL).

Cette nouvelle décision de la Cour de cassation du 23 mai dernier permet de préciser les décisions antérieures en constatant que le droit au respect de la vie personnelle du salarié ne fait pas obstacle à la possibilité pour un employeur de recourir aux dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de procédure civile selon lequel, "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé". Un employeur peut donc demander au président du TGI d'ordonner à un huissier d'accéder aux données contenues dans l'ordinateur du salarié, l'huissier devant agir en présence du salarié dès lors que ces données peuvent avoir un caractère personnel.

  • Dans un arrêt du 6 juin 2007, la cour d'appel de Paris juge que le tribunal de grande instance de Paris est territorialement incompétent pour statuer sur un litige opposant la société Axa à la société Google Inc. et portant sur des liens commerciaux renvoyant vers des sites internet étrangers aux contenus contrefaisant au moyen du mot clé "axa" : CA Paris, 4ème ch., sect. A, 6 juin 2007, n° 06/14890, Google Inc. c/ Axa (N° Lexbase : A2226DXQ)

Faits :

Axa a assigné Google Inc. et Google France (les "sociétés Google") devant le tribunal de grande instance de Paris pour les faire condamner au titre de leur activité liée aux "adwords".

Axa a constaté, au cours de l'année 2003, que l'utilisation du mot clé "axa" sur des versions étrangères de Google (Google.ca, Google.de et Google.co.uk) permettaient d'afficher des liens commerciaux renvoyant vers des sites étrangers, concurrents de Axa et contrefaisant ses marques. C'est dans ces circonstances que Axa a engagé contre les sociétés Google une procédure pour contrefaçon, atteinte à la renommé de sa marque, concurrence déloyale et parasitaire et publicité trompeuse.

Le juge de la mise en état du TGI de Paris a considéré qu'il était compétent pour statuer sur ce litige en application du critère de l'accessibilité du site Internet à partir du territoire français.

Les sociétés Google ont interjeté appel de cette ordonnance au motif qu'aucun dommage résultant des liens commerciaux ne se trouvait rattaché au territoire français.

Par conséquent, les sociétés Google soutenaient que le TGI était territorialement incompétent.

Décision :

Par un arrêt du 6 juin 2007, la cour d'appel juge que le TGI de Paris était territorialement incompétent pour connaître des prétentions émises par Axa à l'encontre de Google Inc.

Tout d'abord, la cour rejette le critère de l'accessibilité car il conduirait à "institutionnaliser le forum shopping", pratique consistant à saisir le juge qui risque d'accueillir le plus favorablement ses prétentions. Elle pose, au contraire, comme critère de compétence rationae loci, la caractérisation "d'un lien suffisant, substantiel ou significatif, entre ces faits ou actes et le dommage allégué".

La cour constate aussi que les liens commerciaux apparaissaient sur des versions étrangères (Canada, Royaume-Uni et Allemagne) du moteur de recherche Google et les sites vers lesquels ces liens renvoyaient étaient essentiellement rédigés en langues anglaise et allemande.

Enfin, la cour considère que Axa n'apporte nullement la preuve d'un préjudice subi alors que, seul, un préjudice subi sur le territoire français aurait été en mesure d'être réparé par Google Inc.

En outre, la cour d'appel juge que la société Google Inc. est la seule propriétaire des sites litigieux et de la technologie Adwords, de sorte qu'il n'existe aucun lien de connexité entre Google Inc. et Google France de nature à permettre à Axa d'attraire Google Inc. devant une juridiction française sur le fondement de l'article 42, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2654ADN).

Commentaire :

Par cet arrêt, la cour d'appel de Paris refuse de retenir la compétence des juges français pour connaître d'un litige portant sur le contenu d'un site internet étranger, prenant en compte le risque du "forum shopping".

Cette décision est contraire à une jurisprudence constante développée par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 9 décembre 2003, n° 01-03.225, FS-P+B N° Lexbase : A4178DAY ; Cass. com., 11 janvier 2005, n° 02-18.381, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A9994DEU ; Cass. com., 20 mars 2007, n° 04-19.679, F-P+B N° Lexbase : A7901DU8) selon laquelle le juge français est compétent dès lors que le site internet litigieux est accessible en France.

Cependant, elle permet à la cour d'appel de Paris de confirmer sa précédente décision du 26 avril 2006, selon laquelle "sauf à vouloir conférer systématiquement, dès lors que les faits ou actes incriminés ont eu pour support technique le réseau internet, une compétence territoriale aux juridictions françaises, il convient de rechercher et de caractériser, dans chaque cas particulier, un lien suffisant, substantiel ou significatif, entre ces faits et le dommage allégué" (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 26 avril 2006, n° 05/05038, M. Fernand S. et autres c/ SARL Acet N° Lexbase : A7221DP7).

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance


(1) Sur cet arrêt lire, également, Ch. Radé, La recherche de la vérité plus forte que le respect de la vie privée, Lexbase Hebdo n° 262 du 31 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1969BBK).
(2) Cf. note (1).

newsid:287958

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus