Jurisprudence : CAA Lyon, 4e, 27-04-2023, n° 21LY02820


Références

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

N° 21LY02820

4ème chambre
lecture du 27 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Sarl Aravis Voyages a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de la Haute-Savoie à lui verser la somme de 26 221 euros, outre intérêts capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait du non-respect des conditions d'exécution du marché de transport scolaire dont elle était titulaire au cours de l'année scolaire 2017/2018.

Par jugement n° 1901762 du 22 juin 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 août 2021 et le 8 novembre 2022, la société Aravis Voyages, représentée par la Selarl Grimaldi Avocats, demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2021 ;

2°) de condamner le département de la Haute-Savoie ou la région Auvergne Rhônes-Alpes à lui verser la somme de 26 221 euros, outre intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire préalable, capitalisés ;

3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Savoie une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'omission à statuer sur le moyen de la méconnaissance de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration🏛 dans le traitement de sa réclamation indemnitaire ;

- le département de la Haute-Savoie, à qui a été adressée la réclamation préalable, est le pouvoir adjudicateur désigné comme tel dans les documents de consultation et contractuels du marché ; la demande indemnitaire n'est entachée d'aucune forclusion ;

- à titre subsidiaire, le département de la Haute-Savoie a méconnu l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration en ne transmettant pas le mémoire en réclamation qui lui avait été adressé à la communauté de communes alors qu'il avait l'obligation légale de le faire ;

- le pouvoir adjudicateur, qui ne lui a commandé aucune prestation sur la ligne La Clusaz - Les Chenons - Ecole primaire et a confié en dehors de tout engagement contractuel la desserte de cette ligne à la société Transdev, n'a pas respecté ses obligations contractuelles en honorant à minima le montant prévisionnel inscrit au marché et en portant atteinte à l'exclusivité dont elle bénéficiait en application de l'accord-cadre à bons de commande ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation de son manque à gagner du fait de l'absence de bon de commande sur la ligne La Clusaz - Les Chenons - Ecole primaire et d'un montant de 16 221 euros ainsi que d'un préjudice moral chiffré à 10 000 euros.

Par mémoires enregistrés le 28 juin 2022 et le 27 février 2023, le département de la Haute-Savoie, représenté par Me Hammerer, conclut au rejet de la requête et à ce que la société Aravis Voyages lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande de la société requérante est mal dirigée, les droits et obligations nées du marché litigieux ayant été transférés à la Région Rhône-Alpes en application de l'article 15 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015🏛 ;

- les dispositions de la loi du 12 avril 2000🏛 et de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration ne peuvent être utilement invoquées et se substituer à la procédure contractuellement convenue entre les parties aux termes de l'article 37 du CCAG FCS ; ce moyen étant inopérant, le jugement n'avait pas à y répondre ;

- la demande est forclose faute d'avoir été présentée dans les délais requis par l'article 37 du CCAG FCS ;

- aucune faute dans l'exécution du contrat ne peut être retenue à l'encontre du département, dès lors que le montant minimum de commande contractuellement garanti a été atteint ;

- les préjudices allégués ne sont pas justifiés ni dans leur principe ni dans leur quantum.

Par courrier du 27 janvier 2023 les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la région Auvergne Rhône-Alpes, nouvelles en appel.

La clôture de l'instruction a été fixée, le 17 mars 2023, par une ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative🏛, le 28 février précédent.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015🏛 ;

- le décret no 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant CCAG pour les contrats de fourniture et service ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubecq pour la société Aravis Voyages, et celles de Me Hammerer pour le département de la Haute-Savoie ;

Considérant ce qui suit :

1. Le département de la Haute-Savoie, alors compétent pour l'organisation des transports scolaires, a confié par convention du 7 mai 2015 à la communauté de communes des vallées de Thônes l'organisation et le financement des transports scolaires desservant son territoire et a lancé une consultation pour attribuer, par accord cadre à bons de commande, les marchés répartis en 5 lots. La communauté de communes a attribué par acte d'engagement signé le 7 mars 2017 le marché du lot n° 1 regroupant quatre lignes à la société Aravis Voyages. Constatant que sur l'une de ces lignes, un transporteur tiers avait réalisé les prestations de transport scolaire durant la première année d'exécution du contrat alors qu'elle avait été désignée comme unique attributaire, la société Aravis Voyages a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de condamnation du département de la Haute-Savoie à lui verser la somme de 26 221 euros outre intérêts capitalisés, en réparation du préjudice subi du fait d'un manquement du département à ses obligations contractuelles. La société Aravis Voyages relève appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du dossier de première instance que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration a été soulevé dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal, après clôture de l'instruction. Dès lors, la société Aravis Voyages n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'omission à statuer sur ce moyen.

Sur le fond du litige :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 213-11 du code de l'éducation🏛, dans sa rédaction rendue applicable à compter du 1er septembre 2017 par le VII de l'article 15 de la loi du 7 août 2015 susvisée qui a transféré des départements aux régions la compétence de l'organisation des transports non urbains réguliers de voyageurs, dont les transports scolaires : " () La région a la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement de ces transports ". Aux termes de l'article L. 3111-1 du code des transports🏛 : " Les services non urbains, réguliers () sont organisés par la région () Ils sont assurés () par la région ou par les entreprises publiques ou privées qui ont passé avec elle une convention à durée déterminée ". Aux termes de l'article L. 3111-9 du même code : " Si elles n'ont pas décidé de la prendre en charge elles-mêmes, la région ou l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains peuvent confier () tout ou partie de l'organisation des transports scolaires au département ou à () des établissements publics de coopération intercommunale () ". Et aux termes du VI de l'article 15 de la loi du 7 août 2015 susvisée : " La région bénéficiaire du transfert de compétences prévu au présent article succède au département dans l'ensemble de ses droits et obligations à l'égard des tiers ".

4. D'autre part, aux termes des stipulations du CCTP du contrat en litige : " 1.1. Objet du contrat : Les prestations font l'objet d'un accord cadre à bons de commande () La signature du contrat s'effectue avec l'AO2 (autorité organisatrice de second rang) indiquée sur la page de garde de l'acte d'engagement. Le pouvoir adjudicateur confie au titulaire pendant toute la validité du contrat () l'exécution de prestations () / 11.3 Subrogation : La loi Notre du 7 août 2015 a pour effet de transférer la compétence transports scolaires du département de la Haute-Savoie à la région Auvergne-Rhône-Alpes à compter du 1er septembre 2017 () ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations qu'à compter du 1er septembre 2017, la région Auvergne-Rhône-Alpes a succédé de plein droit aux obligations qui avaient été contractées, le 7 mars 2017, au nom et pour le compte du département de la Haute-Savoie avec la société Aravis Voyages par la communauté de communes des vallées de Thônes. Il suit de là que le département de la Haute-Savoie ne saurait être tenu de répondre de préjudices nés de la méconnaissance du marché pour des faits survenus au cours de l'année scolaire 2017-2018, postérieurement à ce transfert.

6. La demande dirigée contre le département de la Haute-Savoie est, en conséquence, mal dirigée. La société Aravis Voyages n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a rejeté sa demande et les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de forclusion opposée en défense.

7. Enfin, les conclusions de la requête dirigées contre la région Auvergne-Rhône-Alpes, nouvelles en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées sans que la société Aravis Voyages puisse utilement se prévaloir de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration qui, s'il faisait obligation de transmettre sa réclamation à la collectivité effectivement investie de la compétence pour l'examiner, n'a ni pour objet ni pour effet de substituer d'office au contentieux cette collectivité au défendeur désigné dans les écritures de première instance.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les conclusions de la société Aravis Voyages, partie perdante, doivent être rejetées, tandis que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département de la Haute-Savoie.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Aravis Voyages est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Haute-Savoie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Aravis Voyages et au département de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbaretaz, président

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La rapporteure,

Christine Psilakis

Le président,

Philippe Arbaretaz

Le greffier,

Julien Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

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