Jurisprudence : TA Cergy-Pontoise, du 30-06-2023, n° 2307209

TA Cergy-Pontoise, du 30-06-2023, n° 2307209

A153999U

Référence

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N° 2307209

SECTION FRANCAISE DE L'OBSERVATOIRE INTERNATIONNAL DES PRISONS (SFOIP) et
autres

M. Aa . Mme Ab .

M. Ac .

Juges des référés

Ordonnance du 30 juin 2023

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES RÉFÉRÉS STATUANT DANS LES CONDITIONS PREVUES AU TROISIÈME ALINEA
DE L'ARTICLE L. 511-2 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE🏛



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2023 et le 15 juin 2023,
la section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP),
l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la
défense des droits des détenus, représentés respectivement par Me Quinquis, Me
Arakelian et Me Chapelle demandent au juge des référés du tribunal
administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L.
521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner à l'administration, sous astreinte de 500 euros par jour de
retard et par mesure, toutes mesures qu'il estimera nécessaires afin de faire
cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux droits
fondamentaux des personnes détenues au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine
et notamment, de :

- dans l'attente d'une solution pérenne, identifier l'ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement et procéder aux réparations provisoires nécessaires pour y remédier ;

- dans l'attente de la création de cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite, garantir à toute personne détenue ayant de grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente, qu'elle soit ou non en fauteuil roulant, qui en forme la demande l'accès à une cellule individuelle dans des conditions tenant compte de sa mobilité réduite ;

- procéder à la rénovation et au nettoyage des murs et à la réparation du carrelage cassé lorsque cela est nécessaire ;

- faire procéder à la réfection nécessaire pour permettre aux locaux d'être convenablement chauffés dans toutes les parties de l'établissement ;

- procéder au recensement et à la vérification des bouches d'aération défectueuses dans chaque cellule, et procéder à leur réparation dans les plus brefs délais ;

- faire procéder, dans les plus brefs délais, selon les modalités juridiques et techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus et des autres personnes fréquentant l'établissement ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l'ensemble des locaux du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ;

- procéder au nettoyage régulier et suffisant des douches, à leur rénovation, notamment en réparant le sol et les murs abîmés ;

- réorganiser la gestion des déchets pour mettre un terme à l'accumulation des poubelles et procéder dans les plus brefs délais à l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes ;

- procéder au nettoyage régulier et suffisant de l'ensemble des cours de promenade et des abords du bâtiment, et à leur rénovation, notamment en sécurisant le réseau de concertinas ;

- assurer, dans l'ensemble des cellules, la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace par un cloisonnement et procéder à l'installation immédiate d'une porte entre les sanitaires et l'espace de vie de l'ensemble des cellules ;

- procéder au renforcement des moyens matériels et humains de l'équipe médicale, notamment en prescrivant au garde des Sceaux de prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires à la rémunération par le service public hospitalier d'un psychiatre supplémentaire à plein temps ;

- faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues ;

- mettre les gaines électriques aux normes ;

- procéder dans les plus brefs délais à une communication à l'ensemble des détenus sur la problématique des jets de nourritures et veiller à ce que les détenus disposent gratuitement de sacs poubelles en nombre suffisant pour assurer l'évacuation quotidienne intégrale des déchets produits dans les cellules ;

- procéder aux réparations nécessaires afin d'assurer le fonctionnement permanent des téléphones au sein de l'unité sanitaire, afin notamment de permettre aux personnes détenues de contacter l'hôpital et le service d'interprétariat ;

- veiller dans les plus brefs délais à ce que toutes les personnes détenues identifiées médicalement comme présentant des troubles psychiatriques accompagnés d'un risque hétéro-agressif fassent l'objet d'un encellulement individuel quelle que soit leur adhésion à leur traitement ;

2°) à titre principal, d'organiser le suivi des injonctions ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner à l'administration de tenir informées les
associations requérantes très régulièrement, et a minima tous les deux mois,
en rapportant les pièces justificatives nécessaires et probantes de l'avancée
des mesures ordonnées dans le cadre de la présente instance ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Ils soutiennent que :

- se fondant sur un rapport des représentants de l'ordre des avocats des Hauts-de- Seine rédigé à la suite d'une visite de l'établissement le 15 mars 2023, du compte rendu de visite de l'établissement et de photos prises lors d'une visite des locaux par le député Ugo Bernalicis le 27 janvier 2023 ainsi que sur un article de presse du 5 janvier 2023 publié par le journal StreetPress ;

- les conditions de détention constatées au sein de l'établissement et les dysfonctionnements qui y sont relevés portent une atteinte grave et manifestement illégale aux droits garantis par les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à la dignité des détenus et au droit à l'exécution d'une décision de justice.

Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2023, le garde des Sceaux, ministre de la
justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il n'appartient pas au juge des référés d'organiser le suivi des injonctions qu'il prononce ni d'ordonner à l'administration de tenir les associations requérantes informées de l'avancée des mesures d'exécution ;

- il n'appartient pas au juge des référés de prononcer certaines des injonctions demandées qui relèvent de mesures structurelles reposant sur des choix de politique publique ;

- l'existence d'une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention du juge des référés dans les quarante-huit heures n'est pas caractérisée ;

- les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 ne sont pas réunies.

Vu l'ordonnance n° 2215650 du 2 décembre 2022 des juges des référés du
tribunal de Cergy-Pontoise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code pénitentiaire ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Le président du tribunal a désigné M. Aa , et Mme Y et M. Ac , premiers
conseillers, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de
justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à une audience publique le 16
juin 2023 à 9 heures et 15 minutes.

Ont été entendus au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme K ,
greffière d'audience :

- le rapport de M. Y , juge des référés ;

- les observations de Me Arakelian pour l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine ;

- les observations de Mme J , élève avocate, sous le contrôle de Me Quinquis, pour l'Association pour la défense des droits des détenus ;

- les observations de Me Quinquis, pour la section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP) ;

- les observations de Mme P , cheffe d'établissement par intérim du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, Mme Q , juriste au service du droit pénitentiaire de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris et Mme R , attachée au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, représentant le garde des Sceaux, ministre de la justice ; et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 22 juin 2023 à 14 heures puis au 26 juin 2023 à 17 heures.

Vu le nouveau mémoire, et les pièces complémentaires, enregistrés le 22 juin
2023 à 12h57, présenté par le garde des Sceaux, ministre de la justice,
concluant au rejet de la requête.

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 juin à 15h31, pour la SFOIP, l'Ordre
des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la défense des
droits des détenus qui maintiennent leurs conclusions.

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 2 décembre 2022 n° 2215650 la formation collégiale
des juges des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a enjoint au
garde des Sceaux, ministre de la justice, de prendre les mesures suivantes
relatives au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine :

- veiller dans les plus brefs délais à ce que toutes les personnes détenues identifiées médicalement comme présentant des troubles psychiatriques accompagnés d'un risque hétéro- agressif fassent l'objet d'un encellulement individuel quelle que soit leur adhésion à leur traitement ;

- dans l'attente de la création de cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite, garantir à toute personne détenue ayant de grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente, qu'elle soit ou non en fauteuil roulant, qui en forme la demande l'accès à une cellule individuelle dans des conditions tenant compte de sa mobilité réduite ;

- dans l'attente d'une solution pérenne, identifier l'ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement et procéder aux réparations provisoires nécessaires pour y remédier ;

- procéder dans les plus brefs délais à l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes ;

- procéder dans les plus brefs délais à une communication à l'ensemble des détenus sur la problématique des jets de nourritures et de veiller à ce que les détenus disposent gratuitement de sacs poubelles en nombre suffisant pour assurer l'évacuation quotidienne intégrale des déchets produits dans les cellules ;

- faire procéder, dans les plus brefs délais, selon les modalités juridiques et techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus et des autres personnes fréquentant l'établissement ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l'ensemble des locaux du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ;

- procéder aux réparations nécessaires afin d'assurer le fonctionnement permanent des téléphones au sein de l'unité sanitaire, afin notamment de permettre aux personnes détenues de contacter l'hôpital et le service d'interprétariat ;

- faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues.

2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : «
Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés
peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de
droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans
l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
( ) ».

3. La section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP),
l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la
défense des droits des détenus demandent au juge des référés, statuant sur le
fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner
diverses mesures pour faire cesser des atteintes graves et manifestement
illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au centre
pénitentiaire des Hauts-de-Seine.

Sur le cadre juridique du litige :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Le
droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être
infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence
capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine
par la loi ». Aux termes de l'article 3 de cette convention : « Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants ». Enfin, aux termes de son article 8 : « 1. Toute personne a
droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans
l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la
loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est
nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions
pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des
droits et libertés d'autrui ».

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2 du code pénitentiaire : «
Le service public pénitentiaire s'acquitte de ses missions dans le respect des
droits et libertés garantis par la Constitution et les conventions
internationales ratifiées par la France, notamment la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ». L'article L.
6 du même code dispose que : « L'administration pénitentiaire garantit à toute
personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de
ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des
contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon
ordre des établissements, de la prévention de la commission de nouvelles
infractions et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions
tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap, de l'identité de
genre et de la personnalité de chaque personne détenue ». Aux termes de
l'article L. 7 de ce code🏛 : « L'administration pénitentiaire doit assurer à
chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en
tous lieux collectifs et individuels ». Enfin aux termes de l'article 22 de la
loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : « L'administration pénitentiaire
garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits.
L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles
résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la
sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive
et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent
compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la
personne détenue ».

6. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière
dépendance vis à vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et
notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de
chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi
qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le
respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par
les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que
le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants
constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque la carence de l'autorité
publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou
les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain
ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces
libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des
mesures de sauvegarde dans un délai de quarante- huit heures, le juge des
référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L.
521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation
résultant de cette carence.

7. Le droit au respect de la vie privée et familiale rappelé notamment par
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales dont bénéficient, compte tenu des contraintes
inhérentes à la détention, les personnes détenues, revêt le caractère d'une
liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de
justice administrative. Lorsque le fonctionnement d'un établissement
pénitentiaire ou des mesures particulières prises à l'égard d'un détenu
affectent, de manière caractérisée, son droit au respect de la vie privée et
familiale dans des conditions qui excèdent les restrictions inhérentes à la
détention, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette
liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des
mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des
référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L.
521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser l'atteinte
excessive ainsi portée à ce droit.

8. Il résulte de ce qui précède que les conditions d'intervention du juge des
référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice
administrative, diffèrent selon qu'il s'agit d'assurer la sauvegarde des
droits protégés par les articles 2 et 3 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une part, et
du droit protégé par l'article 8 de la même convention, d'autre part, le
paragraphe 2 de ce dernier article prévoyant expressément, sous certaines
conditions, que des restrictions puissent être apportées à son exercice.

Sur les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code
de justice administrative :

9. Aux termes de l'article L. 521 2 du code de justice administrative🏛 : «
Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés
peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de
droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans
l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

10. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L.
521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative🏛
qu'il appartient au juge
des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2
précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée
par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre
les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette
atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire,
sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder
l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté
atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article L. 521-2 du
code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à
titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son
autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure
particulière prévue par l'article L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures
d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de
quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une
atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut
également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure
prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui
peuvent également être très rapidement mises en œuvre. Dans tous les cas,
l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière
prévues par l'article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la
situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les
mesures de sauvegarde nécessaires.

11. En outre, s'il n'appartient pas au juge des référés de prononcer, de son
propre mouvement, des mesures destinées à assurer l'exécution de celles qu'il
a déjà ordonnées, il peut, d'office, en vertu de l'article L. 911-3 du code de
justice administrative, assortir les injonctions qu'il prescrit d'une
astreinte. Il incombe dans tous les cas aux différentes autorités
administratives de prendre, dans les domaines de leurs compétences
respectives, les mesures qu'implique le respect des décisions
juridictionnelles. L'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés,
sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, peut
être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et
en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5. La personne intéressée peut
également demander au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-4
du même code🏛
, d'assurer l'exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet
par de nouvelles injonctions et une astreinte.

12. Enfin, il découle des obligations qui pèsent sur l'administration, qu'en
parallèle de la procédure prévue à l'article L. 521-2 du code de justice
administrative, qui permet d'ores et déjà de remédier aux atteintes les plus
graves aux libertés fondamentales des personnes détenues, le juge de l'excès
de pouvoir peut, lorsqu'il est saisi à cet effet, enjoindre à l'administration
pénitentiaire de remédier à des atteintes structurelles aux droits
fondamentaux des prisonniers en lui fixant, le cas échéant, des obligations de
moyens ou de résultats. Il lui appartient alors de statuer dans des délais
adaptés aux circonstances de l'espèce.

Sur la demande en référé :

13. La SFOIP, l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et
l'Association pour la défense des droits des détenus soutiennent que les
conditions de détention constatées au sein du centre pénitentiaire des Hauts-
de-Seine, constituant une atteinte grave et manifestement illégale aux droits
garantis par les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à la dignité des
détenus, justifient d'enjoindre à l'administration d'y mettre fin en exécutant
toutes mesures nécessaires notamment les mesures qu'ils demandent.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la garde des Sceaux,
ministre de la justice tirée de l'irrecevabilité des conclusions relatives au
suivi de l'exécution de l'ordonnance à intervenir :

14. Ainsi qu'il a été dit au point 10, il n'appartient pas au juge des
référés de prononcer, de son propre mouvement, des mesures destinées à assurer
l'exécution de celles qu'il a déjà ordonnées ni davantage de celles qu'il est
susceptible d'ordonner. En tout état de cause, compte tenu de l'existence des
procédures d'exécution prévues aux articles L. 521-4, L. 911-4 et L. 911-5 du
code de justice administrative, l'absence de tels pouvoirs conférés au juge
des référés liberté n'est pas constitutive d'une atteinte grave et
manifestement illégale à un droit à l'exécution d'une décision de justice
découlant de la liberté fondamentale que constitue le droit à un recours
effectif garanti à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les conclusions
tendant à ce que le juge des référés organise le suivi des injonctions ou
ordonne à l'administration de tenir informées les associations requérantes
très régulièrement, et a minima tous les deux mois, en rapportant les pièces
justificatives nécessaires et probantes de l'avancée des mesures ordonnées
dans le cadre de la présente instance, doivent être rejetées.

En ce qui concerne les injonctions relatives à des mesures d'ordre structurel
ou de politique publique :

15. Pour faire cesser les atteintes invoquées aux droits découlant des
articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, la SFOIP, l'Ordre des avocats du
barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la défense des droits des
détenus, demandent qu'il soit enjoint à l'administration :

- de procéder à la rénovation des murs et à la réparation du carrelage cassé lorsque cela est nécessaire ;

- de procéder à la rénovation des douches, notamment en réparant le sol et les murs abîmés ;

- de procéder à la rénovation des cours de promenade et des abords du bâtiment, notamment en sécurisant le réseau de concertinas.

16. Eu égard à leur objet, les injonctions demandées mentionnées au point
précédent, qui portent sur des mesures d'ordre structurel et au surplus sur
des choix de politique publique, insusceptibles d'être mis en œuvre, et dès
lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures
d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des
pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de
justice administrative. Il s'ensuit que les associations requérantes ne sont
pas fondées à demander le prononcé de ces injonctions.

En ce qui concerne les autres demandes d'injonctions :

S'agissant des conditions matérielles d'accueil des détenus :

17. Il résulte de l'instruction que le centre pénitentiaire des Hauts-de-
Seine comprend une capacité théorique de 592 places et accueille, au 30 mai
2023, 974 personnes détenues, soit un taux d'occupation de 165 %. Au sein du
quartier « maison d'arrêt des hommes » seules 49 personnes font l'objet d'un
encellulement individuel. De telles conditions de détention qu'aggravent
encore la promiscuité et le manque d'intimité qu'elles engendrent sont
susceptibles d'exposer les personnes qui y sont soumises à un traitement
inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave à une liberté
fondamentale. Toutefois, le caractère manifestement illégal de l'atteinte à la
liberté fondamentale en cause doit s'apprécier en tenant compte des moyens
dont dispose l'autorité administrative compétente. Il est vrai que
l'administration pénitentiaire ne dispose d'aucun pouvoir de décision en
matière de mises sous écrou, lesquelles relèvent exclusivement de l'autorité
judiciaire et qu'un centre pénitentiaire est ainsi tenu d'accueillir, quel que
soit l'espace disponible dont il dispose, la totalité des personnes mises sous
écrou. En outre, aux termes de l'article L. 213-4 du code pénitentiaire : « Il
peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt
lorsque la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes
détenues présentes ne permet pas son application. ».

18. En premier lieu, les associations requérantes demandent qu'il soit
enjoint à l'autorité administrative, dans l'attente d'une solution pérenne,
d'identifier l'ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas
correctement et de procéder aux réparations provisoires nécessaires pour y
remédier. Les associations requérantes font valoir que le rapport de visite de
l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine du 15 mars 2023 déplore la
présence de « fenêtres qui ne se ferment pas », sans qu'elles n'aient été «
réparées, ni remplacées », contraignant les personnes détenues à les couvrir
avec des draps et produisent deux photographies de fenêtres de cellules
calfeutrées par une couverture. Une photographie d'une cellule produite en
défense montre également une fenêtre calfeutrée avec un drap. Toutefois, d'une
part, ces photographies ne permettent pas d'établir à elles seules que les
trois fenêtres en cause sont défectueuses. D'autre part, l'administration fait
valoir qu'un audit de l'ensemble des cellules de l'établissement a été réalisé
par le prestataire GEPSA afin de contrôler l'état des fenêtres, notamment
l'état du châssis, des vitres, des joints et des poignées, qui a permis
d'effectuer au cours d'une même opération les réparations qui ont été
identifiées comme immédiatement nécessaires dans chaque cellule pour toutes
les rubriques concernées. L'administration ajoute qu'un système de signalement
des dysfonctionnements permet au prestataire de les prendre en charge au fil
de l'eau. Elle produit un tableau récapitulatif de l'ensemble des
interventions mensuelles du prestataire à l'occasion des signalements pour des
réparations régulières de maintenance. En outre, elle précise que cinquante-
cinq fenêtres ont été changées depuis le mois de décembre 2022 et que vingt
nouvelles fenêtres ont été réceptionnées au début du mois de juin 2023 pour
servir de stock au prestataire pour intervenir en cas de signalement d'une
personne détenue. Enfin, elle ajoute que des pénalités contractuelles sont
prévues en cas de non-respect par le prestataire d'un délai d'intervention et
de réparation maximum. Ainsi, même s'il résulte de l'audit réalisé en décembre
2022, versé aux débats par l'administration qu'a été relevée la défectuosité
de trente châssis, seize vitres, cinq cents trente-huit joints et cent
soixante-cinq poignées et que le registre des signalement et réparations versé
aux débats ne permet pas d'établir que l'ensemble des réparations des fenêtres
identifiées comme nécessaires lors de l'audit a été effectivement réalisé,
l'administration pénitentiaire a toutefois déjà entrepris de procéder à des
réparations immédiatement nécessaires et a mis en place un système de
signalement des dysfonctionnements devant conduire à traiter l'ensemble de
ceux-ci. Dans ces conditions, à la date de la présente ordonnance, rendue au
début de l'été, la circonstance que quelques fenêtres de cellules ne ferment
pas encore correctement, aussi regrettable soit-elle, ne porte pas une
atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties
par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde
soit ordonnée à très bref délai.

19. En deuxième lieu, il est demandé au juge des référés d'enjoindre à
l'administration de procéder à la réfection nécessaire pour permettre aux
locaux d'être convenablement chauffés dans toutes les parties de
l'établissement. Les associations requérantes font valoir que le rapport de
visite du 15 mars 2023 fait état d'un problème de chauffage persistant et de
la circonstance qu'un détenu a indiqué qu'il avait froid et qu'il était obligé
de calfeutrer la fenêtre d'une couverture pour ne pas laisser passer l'air,
que l'un des surveillants présents a confirmé que les détenus se plaignaient
de l'absence de chauffage et que des détenus ont branché une plaque chauffante
pour avoir un peu de chaleur. L'administration fait valoir en défense que le
système de chauffage mis en place est assuré par la centrale de traitement
d'air et que le chauffage se déclenche automatiquement à partir d'une
température extérieure de 13°C pour qu'un seuil minimum de 19° C soit atteint
dans les cellules. Elle ajoute qu'elle a procédé à la réfection de la
chaufferie de l'établissement entre 2019 et 2021 et verse aux débats des
relevés de températures aléatoires dans les cellules entre le 23 décembre 2022
et le 19 avril 2023 qui font état d'une température généralement supérieure à
19°C. Il ressort toutefois de ces relevés qu'à plusieurs reprises il a été
constaté une température inférieure à 17°C mais aussi des températures
comprises entre 23 et 27°C au mois de mars, ces constatations traduisant des
failles dans le système de chaufferie. Toutefois, aussi regrettables que
soient ces dysfonctionnements, à la date de la présente ordonnance, rendue au
début de l'été, ces constatations ne caractérisent pas une atteinte grave et
manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par l'article 3 de
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très
bref délai, d'autant que l'administration fait valoir qu'une procédure a été
mise en place au sein de l'établissement selon laquelle, sur signalement d'une
personne détenue ou d'un membre du personnel, une intervention du prestataire
privé a lieu afin de vérifier la température en cellule et que si cette
température est inférieure au seuil minimum de 19°C, la cellule est évacuée le
temps d'assurer les réparations de la gaine technique faisant défaut .

20. En troisième lieu, les associations requérantes demandent au juge des
référés d'ordonner à l'administration de faire procéder au recensement et à la
vérification des bouches d'aération défectueuses dans chaque cellule, et
procéder à leur réparation dans les plus brefs délais. Elles font valoir que
le rapport de visite de l'établissement du 15 mars 2023 fait état de bouches
d'aération dysfonctionnelles dans les cellules du bâtiment A et dans les
bâtiments B et C et joignent une photographie montrant une grille d'aération
cassée et un conduit obstrué. Elles versent également aux débats des
témoignages de personnes détenues ayant répondu au questionnaire de la SFOIP
qui font part du manque d'aération, notamment au niveau des toilettes, les
contraignant à ouvrir la fenêtre et déplorent l'absence de tout moyen
d'aération et de ventilateurs pendant les périodes de canicule, l'un d'eux
décrivant une situation d'«horreur». L'administration fait valoir que les
cellules sont toutes équipées de ventilation mécanique contrôlée (VMC) qui
s'appuie sur deux tuyaux, situés dans la gaine technique, raccordés à des
bouches d'aération. Elle indique que les tuyaux sont protégés par des grilles
de protection que les personnes détenues ont pris l'habitude de « déclipser »
afin de cacher du matériel interdit à l'intérieur ce qui entraine un
dysfonctionnent du système. Elle fait valoir qu'un audit, versé aux débats, de
l'ensemble des cellules de l'établissement a été réalisé en décembre 2022 par
le prestataire GEPSA afin de contrôler l'état des gaines techniques en
vérifiant l'état des bouches d'aération et de la ventilation. Elle ajoute qu'à
la suite de cet audit, de nouvelles bouches d'aération ont été commandées afin
que puissent être remplacées celles qui ont été identifiées comme défaillantes
et que si certaines sont encore en cours de fabrication, d'autres ont déjà été
installées de sorte qu'environ 10% des bouches d'aération a été changé dans le
cadre de travaux quotidiens au rythme de quatre nouvelles cellules par jour.
Enfin, l'administration précise que les personnes détenues peuvent signaler
une bouche d'aération défectueuse dans leur cellule auprès du personnel de
l'administration pénitentiaire. Toutefois, le bilan de l'audit effectué par la
société GEPSA fait état de ce que trois cent soixante-neuf bouches d'aération
sont hors service. Dans ces conditions, l'absence de système d'aération
fonctionnel dans les cellules, au début de l'été, en particulier dans des
cellules collectives, porte une atteinte grave et manifestement illégale aux
libertés fondamentales garanties par l'article 3 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales nécessitant
qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très bref délai. Dès lors,
l'urgence étant caractérisée, il y a lieu seulement, compte tenu de ce qui
vient d'être dit, d'enjoindre à l'administration, de procéder à la réparation
de l'ensemble des bouches d'aération identifiées comme défectueuses lors de
l'audit technique, dans les plus brefs délais.

21. En quatrième lieu, les associations requérantes demandent au juge des
référés, dans l'attente de la création de cellules adaptées aux personnes à
mobilité réduite, de garantir à toute personne détenue ayant de grandes
difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente, qu'elle
soit ou non en fauteuil roulant, qui en forme la demande l'accès à une cellule
individuelle dans des conditions tenant compte de sa mobilité réduite. Les
associations requérantes soutiennent que le rapport de visite de
l'établissement du 15 mars 2023 fait le constat qu'«il n'existe aucune cellule
au sein du centre pénitentiaire qui soit facilement accessible pour les
détenus à mobilité réduite. » et que la cellule dédiée à une personne à
mobilité réduite visitée « ne parait cependant pas adaptée à une personne à
mobilité réduite puisque le mobilier n'est ni adéquat pour une personne
atteinte d'un handicap, ni ergonomique. Il n'y a par exemple aucune fixation
sur le mobilier ou les murs pour faciliter les déplacements du détenu. ».
Elles ajoutent que les photographies jointes au rapport montrent « une cellule
classique, simplement munie d'un déambulateur » et que « les sanitaires sont
totalement inadaptés pour des personnes à mobilité réduite ». Il est constant
qu'aucune cellule n'est, en l'état, adaptée à l'accueil des personnes à
mobilité réduite « PMR ». Toutefois, il résulte de l'instruction que des
travaux pour la mise aux normes d'accessibilité des PMR au centre
pénitentiaire des Hauts-de-Seine vont démarrer en juillet 2023 qui prévoient
notamment l'adaptation de six cellules aux « PMR ». L'administration ajoute
qu'il est également prévu d'aménager deux places de parking « PMR », d'adapter
la zone d'accueil des familles et la zone parloir, d'aménager les escaliers et
les accès aux promenades et terrains de sport non adaptés et l'équipement des
sanitaires de l'ensemble des bâtiments. L'administration verse en outre aux
débats une note de service de la cheffe d'établissement du centre
pénitentiaire des Hauts-de-Seine datée du 9 décembre 2022 qui prévoit que «
les personnes détenues signalées par l'unité sanitaire comme présentant de
grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente,
qu'elles soient ou non en fauteuil roulant, peuvent bénéficier d'une cellule
individuelle dans des conditions tenant compte de leur mobilité réduite » et
que « les personnes détenues qui s'estimeraient concernées par cette mesure
mais qui n'auraient pas fait l'objet d'un signalement par l'unité sanitaire
peuvent également demander à être placées seules dans une cellule adaptée »
après évaluation par l'unité de consultation et de soins ambulatoires.
L'administration indique que deux personnes détenues ont été identifiées par
l'unité sanitaire comme rencontrant des problèmes de mobilité et bénéficient
d'une cellule individuelle. Elle ajoute qu'une note du directeur interrégional
des services pénitentiaires de Paris datée du 29 décembre 2022, versée aux
débats, encadre la procédure d'accueil des « PMR » dans l'ensemble des
établissements pénitentiaires franciliens en prévoyant de réorienter la
personne détenue concernée vers l'établissement le plus adapté à sa prise en
charge. Il résulte ainsi de l'instruction que, dans l'attente de la
construction prochaine de cellules adaptées aux « PMR », les personnes
détenues ayant de grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire
ou permanente, qu'elle soit ou non en fauteuil roulant, sont affectées dans
une cellule individuelle au rez-de-chaussée. Dans ces conditions, la
circonstance que ces cellules ne fassent pas l'objet d'aménagement
particulier, en l'état, n'est pas à elle seule de nature à caractériser une
atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties
par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde
soit ordonnée à très bref délai.

22. En quatrième et dernier lieu, il est demandé au juge des référés
d'enjoindre à l'administration de veiller dans les plus brefs délais à ce que
toutes les personnes détenues identifiées médicalement comme présentant des
troubles psychiatriques accompagnés d'un risque hétéro-agressif fassent
l'objet d'un encellulement individuel quelle que soit leur adhésion à leur
traitement. Les associations requérantes font valoir que le rapport de visite
de l'établissement du 15 mars 2023 relève que « seuls huit détenus sont en
cellules individuelles pour des raisons liées à leur personnalité
particulière, leur profil psychiatrique accompagné d'un risque hétéro-agressif
» ou en raison d'une dangerosité particulière. Il résulte de l'instruction que
la cheffe d'établissement, notamment par une note de service datée du 9
décembre 2022 versée aux débats, a mis en œuvre l'injonction ordonnée par le
juge des référés le 2 décembre 2022 et que les vingt-sept détenus identifiés
médicalement comme présentant des troubles psychiatriques accompagnés d'un
risque hétéro-agressif font l'objet d'un encellulement individuel.
L'administration fait valoir que la liste des détenus concernés fait l'objet
d'une actualisation mensuelle. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de
prononcer l'injonction demandée.

S'agissant des conditions d'hygiène des personnes détenues et de la lutte
contre les nuisibles :

23. En premier lieu, les associations requérantes demandent au juge des
référés d'ordonner le nettoyage des murs des cellules. Elles font valoir que
le rapport de visite du 15 mars 2023 fait état de « murs dégradés » et
produisent des photographies montrant des murs cloqués et abîmés, à quelques
centimètres des lits des personnes détenues, ou au niveau des lavabos.
L'administration quant à elle verse aux débats des photographies de cellules
dont les murs et les sols ne sont pas dégradés. Elle fait valoir, d'une part,
que soixante-six cellules de l'établissement ont récemment été repeintes et,
d'autre part, que lorsque des dégradations sont ponctuellement constatées et
signalées au personnel de l'administration pénitentiaire par les personnes
détenues, il est procédé à des réparations par le prestataire. Il résulte de
ce qui précède que si les murs de certaines cellules, telles que celles
photographiées lors de la visite du vice-bâtonnier, comprennent des parties de
murs dégradées ou avec des moisissures entre le signalement et la prise en
charge, cette situation, aussi regrettable soit-elle, ne caractérise pas une
situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention d'une
mesure de sauvegarde à très bref délai.

24. En deuxième lieu, les associations requérantes demandent qu'il soit
ordonné à l'administration de procéder au nettoyage régulier et suffisant des
douches. Elles font valoir que le rapport de visite du 15 mars 2023 fait état
de la circonstance que « L'état général des douches, dont le nombre est
insuffisant au regard du nombre de détenus, est [ ] accablant et de la
présence « de moisissures sur les murs » et que les photographies jointes au
rapport montrent « des douches insalubres », « des détritus au sol », des «
murs sales, dégradés et couverts de moisissures ». L'administration verse aux
débats des photographies des douches et soutient que le constat fait par le
juge des référés dans l'ordonnance du 2 décembre 2022 selon lequel « le lavage
et la désinfection des douches est pratiqué quotidiennement par les
auxiliaires de nettoyage qui assurent également à un rythme hebdomadaire le
détartrage des cabines et des sols et le nettoyage des carrelages muraux» et
«l'état de propreté [des douches] est correct » reste d'actualité. Elle ajoute
qu'une opération de nettoyage en profondeur de ces douches est prévue à
compter du 27 juin 2023 qui s'étalera sur quatre semaines, qu'un prestataire
va intervenir à l'aide de matériaux et de produits puissants et adaptés
permettant de détartrer et désinfecter les douches. Dans ces conditions, il
n'y a pas lieu d'ordonner une mesure de nettoyage des douches.

25. En troisième lieu, les associations requérantes demandent au juge des
référés de faire procéder, dans les plus brefs délais, selon les modalités
juridiques et techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure
compatible avec la protection de la santé des détenus et des autres personnes
fréquentant l'établissement ainsi qu'avec la nécessité de garantir la
continuité du service public pénitentiaire, à une opération d'envergure
susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l'ensemble
des locaux du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine . Les associations
requérantes font valoir que le rapport de visite du 15 mars 2023 a relevé la
présence de rats dans les espaces extérieurs ainsi qu'en atteste notamment une
photographie. S'agissant de la lutte contre la prolifération des rats,
l'administration fait valoir que le contrat entre l'établissement et le
prestataire, la société Ecolab, prévoit une intervention mensuelle obligatoire
et qu'en sus de cette prestation contractuelle, une opération «coup de poing»
a été mise en œuvre, à compter du 15 février 2023 et pour une durée d'un mois
à raison d'une intervention une fois par semaine pour dératiser les espaces
extérieurs. Une nouvelle opération « coup de poing » a été initiée le 14 juin
2023 répartie en huit passages, pour traiter les abords extérieurs, les
chemins de ronde, les pieds de bâtiments, les abords des terrains de jeux.
L'administration ajoute que les modalités de nettoyages quotidiens des pieds
de bâtiment ont été rappelées aux agents par une note du 13 juin 2023, versée
aux débats, et le principe de nettoyage bimensuel des toitures terrasse par
une note du 19 juin 2023 également versée aux débats. S'agissant de la lutte
contre les insectes, l'administration fait valoir que le contrat entre
l'établissement et le prestataire, la société Ecolab, prévoit une intervention
à raison de quatre fois par an. S'agissant de la lutte contre les cafards,
l'administration soutient que le problème a été résorbé au sein de
l'établissement. Elle ajoute qu'en cas de présence ponctuelle de nuisibles en
cellule, le prestataire intervient sur signalement de la personne détenue et
enfin que des actions de sensibilisation des personnes détenues aux problèmes
posés par le jet de nourritures sont menées afin de lutter efficacement contre
la prolifération de nuisibles au sein de l'établissement. Il résulte de
l'instruction que les mesures prises par l'établissement ont permis de mettre
un frein sérieux à la prolifération des nuisibles sinon de les éradiquer
définitivement. Dans ces conditions, compte tenu des mesures qui ont déjà été
prises et notamment de l'opération « coup de poing » en cours de réalisation,
la situation ne caractérise pas, à la date de la présente ordonnance, une
atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties
par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde
soit ordonnée à très bref délai.

26. En quatrième lieu, les associations requérantes demandent au juge des
référés d'ordonner de réorganiser la gestion des déchets pour mettre un terme
à l'accumulation des poubelles et procéder dans les plus brefs délais à
l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces
extérieurs sur lesquels donnent des cellules et veiller par un nettoyage
régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté
satisfaisantes. Les associations requérantes font valoir que le rapport de
visite du 15 mars 2023 constate que « L'état des espaces extérieurs entre la
cour de promenade et le pied de mur du bâtiment est extrêmement sale. », «
L'état des espaces extérieurs est sale et le sol est jonché de détritus. », «
À l'instar des bâtiments A et B, nombre de cellules donnent sur une cour
extérieure où des détritus jonchent le sol et où prolifèrent des rats. » et
qu'« en l'absence de ramassage régulier et du nombre de détenus par cellule,
les poubelles s'entassent. ». L'administration fait valoir quant à elle que,
en exécution de l'ordonnance du 2 décembre 2022, une vaste opération de
nettoyage des abords des bâtiments et du stade a été organisée le 21 février
2023 et réalisée par quarante personnes détenues volontaires et que cette
opération a été renouvelée le 8 juin 2023, faisant à nouveau appel au
volontariat des personnes détenues. Elle ajoute que, outre cette opération
exceptionnelle, les cours de promenade et les abords du bâtiment sur lesquels
donnent les cellules sont nettoyés quotidiennement par les personnes détenues,
classées au service général, en qualité d'auxiliaire étage et auxiliaire
abords. Elle fait valoir en outre qu'une note de service datée du 9 février
2023, versée aux débats, encadre la procédure de nettoyage des cours de
promenade en rappelant les responsabilités des détenus et qu'il appartient à
chaque responsable de secteur de faire nettoyer chaque jour les cours de
promenade de son bâtiment par les auxiliaires dédiés. Elle précise également
que des poubelles vont être installées au sein des cours de promenades afin de
prévenir l'accumulation des détritus et que dans l'attente de la mise en place
de cette solution pérenne, des sacs poubelles aux abords des cours de
promenades ont été accrochés aux grillages depuis le 23 avril 2023. Elle
ajoute enfin que le nettoyage des toits des bâtiments est prévu pour les 6, 7,
27 et 28 juin 2023 et les 4, 5, 25 et 26 juillet 2023. Dans ces conditions,
s'il est constant que des déchets sont encore jetés dans les cours et aux
abords des bâtiments, il ne résulte pas de l'instruction que le nettoyage
présenterait des carences constitutives d'une atteinte grave et manifestement
illégale à une liberté fondamentale.

27. En cinquième lieu, les associations requérantes demandent qu'il soit
enjoint à l'administration de procéder au nettoyage régulier et suffisant de
l'ensemble des cours de promenade et des abords du bâtiment. Il résulte de
l'instruction que les cours de promenade sont nettoyées tous les matins dans
tous les bâtiments par les auxiliaires d'étage et que les abords de
l'établissement le sont par les auxiliaires « abords ». Si ce nettoyage est
perfectible, il ne résulte pas de l'instruction qu'il présenterait des
carences constitutives d'une atteinte grave et manifestement illégale à une
liberté fondamentale. Par suite, la demande d'injonction présentée par les
associations requérantes sur ce point doit être rejetée.

28. En sixième et dernier lieu, les associations requérantes demandent au
juge des référés d'ordonner à l'administration de procéder dans les plus brefs
délais à une communication à l'ensemble des détenus sur la problématique des
jets de nourritures et veiller à ce que les détenus disposent gratuitement de
sacs poubelles en nombre suffisant pour assurer l'évacuation quotidienne
intégrale des déchets produits dans les cellules. En ce qui concerne la
communication sur les jets de nourriture, il résulte de l'instruction que deux
consultations de personnes détenues ont été organisées le 14 décembre 2022 et
le 16 février 2023 afin de les sensibiliser sur les risques sanitaires et les
conséquences du jet de détritus, notamment en ce qui concerne la prolifération
de nuisibles. Une intervention animée par la croix rouge sur le thème de
l'hygiène a également eu lieu le 13 juin 2023. En outre, une sensibilisation
au sujet du tri et la gestion des déchets a été mise en œuvre par le biais
d'une affiche diffusée à l'attention des personnes détenues. Enfin, la cheffe
d'établissement par intérim a indiqué à l'audience qu'une communication sur ce
sujet était faite pour chaque personne détenue à son arrivée au centre
pénitentiaire. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner à
l'administration de procéder à bref délai à une communication sur la question
des jets de nourriture et de détritus. En ce qui concerne les sacs poubelles
et l'évacuation quotidienne des déchets produits dans les cellules,
l'administration fait valoir, d'une part, que, en application de l'ordonnance
du juge des référés du 2 décembre 2022, les personnes détenues sont dotées
désormais dans leur kit d'hygiène de trente sacs poubelles, renouvelés à
échéance mensuelle et qu'une note de service du 14 décembre 2022, versée aux
débats, rappelle que ces kits d'hygiène doivent être distribués aux personnes
détenues, sans condition de ressources, et peuvent être renouvelés entre ces
dotations mensuelles au moyen d'un imprimé type à remplir par la personne
détenue pour validation de l'officier de secteur, lequel est chargé de
vérifier que ces produits ne sont ni stockés en masse ni détournés en cellule.
Elle précise qu'une note à l'attention de la population pénale en date du 13
décembre 2022 a été affichée en détention afin d'informer les personnes
détenues de ce dispositif. D'autre part, l'administration indique que l'ajout
d'un second ramassage quotidien des poubelles en cellule a été expérimenté à
compter du 6 février 2023 et a été pérennisé par une note de service du 16
juin 2023 versée aux débats. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner
les mesures demandées.

S'agissant du respect de l'intimité et de la vie privée et familiale des
détenus :

29. Les associations requérantes demandent au juge des référés d'ordonner à
l'administration d'assurer, dans l'ensemble des cellules, la séparation de
l'espace sanitaire du reste de l'espace par un cloisonnement et procéder à
l'installation immédiate d'une porte entre les sanitaires et l'espace de vie
de l'ensemble des cellules.

30. Lorsqu'une cellule est occupée par plus d'une personne, l'absence de
séparation des sanitaires par une cloison ou par des rideaux permettant de
protéger suffisamment l'intimité est de nature tant à porter atteinte à la vie
privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions inhérentes à la
détention, qu'à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant, portant une
atteinte grave à ces deux libertés fondamentales. D'une part, il résulte de
l'instruction que les sanitaires des cellules sont séparés du reste de
l'espace de la cellule par une cloison et des portes battantes. Il ne résulte
pas de l'instruction que le dispositif de cloisonnement partiel mis en place
porterait une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité humaine ou
au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes détenues dans
la mesure où l'absence de cloisonnement total, que justifie la nécessité de
pouvoir surveiller la totalité de la cellule, ne fait pas obstacle à ce que
soit préservée l'intimité des détenus, quelles que soient les regrettables
conséquences que ce dispositif entraîne. D'autre part, il résulte du rapport
de visite du 15 mars 2023 que certaines cellules visitées et photographiées ne
comportent pas de portes sur les sanitaires. L'administration reconnaît que
certaines portes battantes sont manquantes et indique que cela résulte de
dégradations par les personnes détenues, notamment du fait d'un usage détourné
en table. Elle ajoute qu'un bon de dégradation est émis dès que cette
situation est constatée et une demande au prestataire de l'établissement est
effectuée afin de la remplacer. Elle précise que l'établissement a commandé
cent portes à cette fin le 31 mai 2023 et que sont régulièrement commandées
des charnières pour pouvoir réparer les portes de toilette défaillantes en cas
de besoin. Il résulte en outre de l'instruction que les portes battantes des
toilettes, lorsqu'elles sont dégradées, sont habituellement réparées dans un
délai inférieur à 48 heures. La circonstance qu'à la date du 22 juin 2023,
deux signalements du 19 juin 2023 à 7h34 et 7h35 relatifs à des portes
battantes à refixer étaient en cours de traitement, ainsi qu'il ressort de la
fiche des signalements en cours versée aux débats par l'administration, ne
caractérise pas une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité
humaine ou au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes
détenues.

S'agissant de l'accès aux soins :

31. En premier lieu, les associations requérantes demandent au juge des
référés d'ordonner à l'administration de procéder au renforcement des moyens
matériels et humains de l'équipe médicale, notamment en prescrivant au garde
des Sceaux de prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires à la
rémunération par le service public hospitalier d'un psychiatre supplémentaire
à plein temps. L'administration établit qu'un médecin psychiatre à plein temps
a été recruté pour une durée de 3 ans à compter du premier mai 2023 pour être
affecté au sein de l'unité sanitaire du centre pénitentiaire des Hauts-de-
Seine. Il ne résulte pas de l'instruction que le sous-dimensionnement, à le
supposer établi, des moyens matériels et humains de l'unité de l'équipe
médicale caractériserait une atteinte grave et manifestement illégale à une
liberté fondamentale. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer
l'injonction demandée.

32. En second lieu, les associations requérantes demandent au juge des
référés d'ordonner à l'administration de procéder aux réparations nécessaires
afin d'assurer le fonctionnement permanent des téléphones au sein de l'unité
sanitaire, afin notamment de permettre aux personnes détenues de contacter
l'hôpital et le service d'interprétariat. L'administration fait valoir sans
être contestée que l'unité sanitaire dispose de cinq lignes téléphoniques vers
l'extérieur à disposition du personnel médical (au secrétariat, pour les deux
médecins chefs, dans la salle de soins, et dans la salle de repos), que les
installations téléphoniques sont en état de fonctionnement et que la cheffe
d'établissement a rappelé par une note de service à l'attention des personnels
médicaux de l'unité sanitaire datée du 20 décembre 2022 la procédure à suivre
en cas de panne constatée sur un des équipements de télécommunication. Elle
ajoute que les personnes détenues n'ont pas accès aux lignes téléphoniques
présentes au sein de l'unité sanitaire et que le contact entre ces dernières
et l'hôpital et le service d'interprétariat est assuré par l'intermédiaire des
personnels de l'administration pénitentiaire et de l'unité sanitaire. Dans ces
conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner la mesure demandée.

S'agissant de la sécurité électrique dans l'établissement :

33. En premier lieu, les associations requérantes demandent au juge des
référés d'ordonner de faire réaliser dans les meilleurs délais une
vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de
procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées,
et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des
personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du
service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent, en
particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser
tout danger pour la sécurité des personnes détenues. Elles font valoir que le
rapport de visite du 15 mars 2023 a relevé dans les cellules des fils
apparents et pendants ainsi qu'en attestent les photographies jointes.
L'administration quant à elle fait valoir qu'un audit de l'ensemble des
cellules de l'établissement a été réalisé par le prestataire GEPSA afin de
contrôler l'état du système électrique et des gaines techniques de chaque
cellule et qu'ont été contrôlés la prise, la réglette lavabo, l'interrupteur,
le luminaire et le plafonnier. Elle soutient que cet audit a permis d'établir
un bilan afin d'effectuer, au cours d'une même opération, les réparations qui
ont été identifiées comme nécessaires dans chaque cellule pour toutes les
rubriques concernées Elle ajoute que lorsque les personnes détenues constatent
un dysfonctionnement ou la nécessité d'effectuer des travaux dans leur
cellule, il leur appartient de le signaler à un personnel de l'administration
pénitentiaire afin que la situation soit consignée et qu'elle puisse alors
être prise en charge par le prestataire GEPSA compétent pour intervenir en la
matière. Toutefois, alors qu'il est constant que certaines cellules ont été
identifiées lors de l'audit de décembre 2022 comme nécessitant des réparations
de sécurité électrique, ni le registre des réparations ni le tableau des
signalement ISIS versés au débats ne permettent d'établir que l'ensemble des
réparations électriques nécessaires a été effectivement réalisé. En l'absence
de preuve de la réalisation de ces réparations, la situation est susceptible
de mettre en danger les personnes détenues concernées et constitue une
atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties
par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'enjoindre à
l'administration pénitentiaire, l'urgence étant caractérisée, de faire de
procéder sans délai, selon les modalités techniques les plus appropriées, et
dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus
ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public
pénitentiaire, à l'ensemble des réparations identifiées comme nécessaires lors
de l'audit électrique, en particulier en ce qui concerne les fils électriques
dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes
détenues.

34. En second lieu, les associations requérantes, en se fondant sur le
rapport de visite du 15 mars 2023, soutiennent que les gaines électriques ne
sont pas aux normes. Toutefois, il n'est pas établi, par la seule photo
produite, que les gaines électriques ne seraient pas aux normes de sécurité ni
que cette non-conformité nécessiterait que soit ordonnée une mesure de
sauvegarde bref délai.

35. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au garde des
Sceaux, ministre de la justice, sans qu'il soit utile de prononcer une
astreinte, :

- de procéder à la réparation de l'ensemble des bouches d'aération identifiées comme défectueuses lors de l'audit technique, dans les plus brefs délais ;

- de faire de procéder sans délai, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations identifiées comme nécessaires lors de l'audit électrique pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues.

36. En l'état de l'instruction, il n'y a pas lieu d'enjoindre d'autres
mesures de sauvegarde.

Sur les conclusions relatives aux frais liés à l'instance :

37. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de
l'Etat le versement de la somme globale de 1 500 euros à la section française
de l'Observatoire international des prisons, à l'Ordre des avocats du barreau
des Hauts-de-Seine et à l'Association pour la défense des droits des détenus
au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


ORDONNE :

Article 1 : Il est enjoint au garde des Sceaux, ministre de la justice, de
prendre les mesures suivantes relatives au centre pénitentiaire des Hauts-de-
Seine :

- procéder à la réparation de l'ensemble des bouches d'aération identifiées comme défectueuses lors de l'audit technique, dans les plus brefs délais ;

- faire de procéder sans délai, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations identifiées comme nécessaires lors de l'audit électrique, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues.

Article 2 : L'Etat versera une somme globale de 1 500 euros à la section
française de l'Observatoire international des prisons, à l'Ordre des avocats
du barreau des Hauts-de-Seine et à l'Association pour la défense des droits
des détenus au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la section française de
l'Observatoire international des prisons, à l'Ordre des avocats du barreau des
Hauts-de-Seine, à l'Association pour la défense des droits des détenus et au
garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre de la santé et de la
prévention.


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