Jurisprudence : CA Chambéry, 29-06-2023, n° 21/01288, Infirmation partielle

CA Chambéry, 29-06-2023, n° 21/01288, Infirmation partielle

A194898N

Référence

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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY


2ème Chambre


Arrêt du Jeudi 29 Juin 2023


N° RG 21/01288 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GXOA


Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection d'ANNEMASSE en date du 07 Janvier 2021, RG 1117000892



Appelante


S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE dont le siège social est sis [Adresse 1] - prise en la personne de son représentant légal


Représentée par la SELARL CABINET ALCALEX, avocat au barreau de CHAMBERY


Intimées


Mme [T] [K]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 6], demeurant [… …] - [Localité 5]


sans avocat constitué


S.E.L.A.R.L. JÉROME [D] ès qualité de Mandataire liquidateur de la SAS RHONE TECHNICALSERVICES dont le siège social [Adresse 4] - prise en la personne de son représentant légal


sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-



COMPOSITION DE LA COUR :


Lors de l'audience publique des débats, tenue le 02 mai 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :


- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente


- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,


- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,


-=-=-=-=-=-=-=-=-=-



EXPOSÉ DU LITIGE


Par acte sous seing privé du 12 septembre 2014, la société Sygma Banque, aux droits de laquelle intervient aujourd'hui la société BNP Paribas Personal Finance a consenti à Mme [T] [K], un crédit affecté d'un montant principal de 28 900 euros, remboursable en 120 mensualités de 180,66 euros, moyennant règlement d'un intérêt au taux contractuel de 5,76 % l'an, et ce pour l'acquisition et l'installation de panneaux photovoltaïques, avec un ballon thermodynamique et l'isolation en vertu d'un contrat portant le n°2551175. Ce contrat faisait suite à la signature d'une première commande du 8 septembre 2014, portant le n°255176⚖️, financé en totalité par un autre contrat de prêt souscrit auprès de la société Sofinco à hauteur de 28 900 euros.


A la suite d'impayés, la société BNP Paribas Personal Finance a prononcé la déchéance du terme.


Par acte du 25 octobre 2017, la société BNP Paribas Personal Finance a assigné Mme [T] [K] en paiement.


Par acte du 27 avril 2020, Mme [T] [K] a assigné en intervention forcée la SAS Rhône Technical Services prise en la personne de son mandataire liquidateur maître [B] [D].



Par jugement réputé contradictoire du 7 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Annemasse a :

- débouté Mme [T] [K] de sa demande de nullité du contrat souscrit sous la référence n° 255175, fondée sur l'existence d'un dol,

- prononcé la nullité du contrat conclu sous le bon de commande n° 255175 avec la société Rhône Technical Services sur le fondement des imprécisions de désignation et caractéristiques de la commande,

- dit que l'annulation du contrat principal entraîne l'annulation du contrat de crédit affecté souscrit le 12 septembre 2014 avec la SA Sygma Banque, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SA BNP Paribas Personal Finance,

- constaté l'absence de demande de la SAS Rhône Technical Services prise en la personne de son mandataire liquidateur maître [B] [D] au titre de la restitution du matériel financé,

- dit que la SA Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la SA BNP Paribas Personal Finance, a commis une faute dans la délivrance des fonds la privant de son droit à restitution du capital prêté,

- débouté en conséquence la SA BNP Paribas Personal Finance de ses demandes en paiement au titre du prêt affecté souscrit le 12 septembre 2014 par Madame [T] [K],

- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à Madame [T] [K] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- condamné la SAS Rhône Technical Services prise en la personne de son mandataire liquidateur maître [B] [D] à payer à Madame [T] [K] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SA BNP Paribas Personal Finance et la SAS Rhône Technical Services prise en la personne de son mandataire liquidateur maître [B] [D] aux dépens.



Par déclaration du 18 juin 2021, la société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel du jugement.


Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :


- dire et juger que son appel à l'encontre du jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Annemasse du 7 janvier 2021 est recevable et bien fondé,

- réformer le jugement rendu,

et, statuant à nouveau,

- dire et juger que Mme [T] [K] n'établit pas que le bon de commande serait irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation🏛 dans sa rédaction applicable à la date de l'offre,

en conséquence,

- dire et juger que la nullité du contrat de vente n'est pas encourue et partant, celle du contrat de crédit,

subsidiairement, si la cour considérait que le bon de commande était entaché d'une nullité,

- dire et juger que Mme [T] [K] a renoncé à se prévaloir d'une irrégularité purement formelle du contrat et a confirmé la validité formelle de celui-ci procédant à son exécution volontaire lorsqu'elle a réceptionné l'installation sans réserves, procédé volontairement au règlement du prix de la prestation en lui demandant de verser les fonds prêtés entre les mains du vendeur, en réglant les échéances du crédit, et en utilisant l'installation pendant plus de deux ans,

en conséquence,

- dire et juger, en conséquence, que la nullité ou la résolution du contrat principal n'est pas encourue, et partant, que le contrat de crédit n'est ni annulé, ni résolu,

- condamner Mme [T] [K] à lui payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 33 197,48 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,76 % sur la somme de 30 989,12 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 6 novembre 2016 au titre du solde du contrat de crédit,

à titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que Mme [T] [K] n'avait pas entendu renoncer à se prévaloir de la nullité,

- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute dans le versement des fonds prêtés à la société venderesse sur la base du certificat de livraison de bien ou de fourniture de services aux termes duquel Mme [T] [K] attestait de ce que l'installation était terminée et lui donnait l'ordre de verser les fonds prêtés à la SAS Rhône Technical Services,

- dire et juger de surcroît, que Mme [T] [K] n'établit pas le préjudice qu'elle aurait subi en lien avec son éventuelle faute en ne rapportant pas la preuve de la réalité des non-conformités, vices et dysfonctionnements allégués,

en conséquence,

- dire et juger que Mme [T] [K] devra restituer le capital prêté, déductions faites des sommes d'ores et déjà versées soit la somme de 2 659,93 euros,

- condamner Mme [T] [K] à lui payer la somme de 26 240,07 euros, et ce, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

en tout état de cause,

- condamner également Mme [T] [K] à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de maître Lorelli, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile🏛.


La déclaration d'appel a été signifiée à Mme [T] [K] par acte du 25 août 2021 remis à étude et à maître [B] [D] mandataire liquidateur de la SAS Rhône Technical Services par acte du 25 août 2021 délivré à personne habilitée.


Les conclusions de la société BNP Paribas Personal Finance ont été signifiées à Mme [T] [K] par acte du 21 septembre 2021 remis à domicile et à maître [B] [D] mandataire liquidateur de la SAS Rhône Technical Services par acte du 20 septembre 2021 remis à personne habilitée.


Mme [T] [K] et la SELARL [B] [D] n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2023.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur la nullité du contrat principal


La société BNP Paribas Personal Finance critique le jugement en ce qu'il a constaté que le contrat principal ne respectait pas les dispositions du code de la consommation quant à la précision des informations livrées à l'acheteur. Elle expose en effet que le contrat litigieux proposait clairement un prix forfaitaire, poste par poste, chaque poste décrivant précisément le bien et la prestation concernés.


Toutefois, dans la mesure où elle ne fournit pas le contrat litigieux, elle ne procède que par affirmations et ne contredit pas utilement les éléments relevés par le juge des contentieux de la protection.


Il est constant que la nullité dont il est question est une nullité de protection. Elle est donc susceptible d'être couverte par une exécution volontaire ou une confirmation tacite de l'acquéreur. Toutefois, pour qu'une telle validation du contrat annulable puisse intervenir, encore faut-il que toutes les conditions d'une régularisation soient remplies et qu'en particulier Mme [T] [K] ait eu l'intention non équivoque de réparer le vice dont il serait démontré qu'elle avait connaissance. A cet égard, la cour relève que, le contrat n'étant pas produit, il n'est pas possible de savoir s'il contient ou non les textes applicables du code de la consommation et s'il était donc de nature à permettre au consommateur, par définition profane, d'avoir connaissance d'un vice dans sa rédaction. Par ailleurs la signature du certificat de livraison, particulièrement succinct ne permet pas de savoir si, à ce moment, Mme [T] [K] avait connaissance du vice affectant le contrat. Enfin, le remboursement du prêt pendant deux années n'est pas davantage de nature à établir, à lui seul, une intention de couvrir la nullité. Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a relevé qu'aucune confirmation ne pouvait être caractérisée en l'espèce en l'absence de preuve cumulative de la connaissance certaine du vice par Mme [T] [K] et de sa volonté non équivoque de confirmer l'acte.


Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat souscrit sous le bon de commande n°255175 avec la société Rhône Technical Service sur le fondement des imprécisions de désignation et de caractéristiques de la commande.


Sur la nullité du contrat de prêt


L'article L. 311-32 du code de la consommation🏛, applicable au temps de la conclusion du contrat litigieux dispose que : 'En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé'. Par conséquent, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a annulé le contrat de prêt litigieux.


Il en résulte que le prêteur doit rembourser à l'emprunteur les sommes perçues au titre du contrat de prêt. De même, l'emprunteur doit, par principe, rembourser au prêteur le capital emprunté pour financer l'acquisition des biens, quand bien même les fonds ont été débloqués entre les mains d'un tiers.


Toutefois, il est constant que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (cass. civ. 1, 25 novembre 2020, n°19.14-908).


En l'espèce, la société Sygma Banque, aux droits de laquelle la société BNP Paribas Personal Finance intervient, en tant que partenaire financier de la société Rhône Technical Service, a effectivement commis une faute en versant les fonds à cette société sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires, auprès du vendeur et des emprunteurs, vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat était affecté d'une cause de nullité. Néanmoins, l'absence de vérification établit seulement l'existence de la faute du prêteur.


En ce qui concerne le préjudice né de cette faute et dont aurait souffert Mme [T] [K], il convient de constater qu'aucun élément du dossier ne permet de le caractériser, notamment en ce la cour ne dispose d'aucune information sur l'état de fonctionnement des installations litigieuses, le premier juge n'ayant, pour sa part, pas fourni d'explications sur la consistance du préjudice qu'il a estimé égal au capital emprunté.


Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que la société BNP Paribas Personal Finance se trouvait privée de sa créance en restitution.


Il résulte des pièces versées par la société BNP Paribas Personal Finance (pièce n°14) que Mme [T] [K] lui a réglé une somme totale de 2 665,46 euros. Elle sera donc condamnée à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 26 234,54 euros (28 500 - 2 665,46), outre intérêt au taux légal à compter de la date de la présente décision.


Sur les dépens et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile


Mme [T] [K] qui succombe sera, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, condamnée aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ceux d'appel au profit du conseil de la société BNP Paribas Personal Finance par application de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


Aucune considération d'équité ne permet de faire supporter par Mme [T] [K] tout ou partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la société BNP Paribas Personal Finance en première instance et en appel. Elle sera donc déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision de défaut et sur les points critiqués en appel,


Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat souscrit sous le bon de commande n°255175 entre Mme [T] [K] et la société Rhône Technical Service et prononcé la nullité du crédit affecté souscrit avec la société Sygma Banque aux droits de laquelle intervient la société BNP Paribas Personal Finance,


Infirme le jugement pour le surplus,


Condamne Mme [T] [K] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 26 234,54 euros, outre intérêt au taux légal à compter de la date de la présente décision,


Condamne Mme [T] [K] aux dépens de première instance et d'appel, maître Véronique Lorelli, avocat de la SELARL Cabinet Alcatex étant autorisée à recouvrer directement auprès d'elle ceux d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision,


Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Ainsi prononcé publiquement le 29 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile🏛, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.


La Greffière La Présidente

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