Jurisprudence : CA Colmar, 16-05-2023, n° 21/03911, Confirmation


EP/KG


MINUTE N° 23/462


Copie exécutoire

aux avocats


Copie à Pôle emploi

Grand Est


le


Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A


ARRET DU 16 MAI 2023


Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03911

N° Portalis DBVW-V-B7F-HVH7


Décision déférée à la Cour : 19 Juillet 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANTE :


S.A.R.L. ISD EXPRESS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]


Représentée par Me Orlane AUER, avocat à la Cour


INTIME :


Monsieur [T] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]


Représenté par Me Alexandre TABAK, avocat au barreau de MULHOUSE



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 24 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller rapporteur et M. LE QUINQUIS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.


Greffier, lors des débats : Mme Aa


ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


EXPOSE DU LITIGE


Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 7 mars 2019, Monsieur [T] [K] a été embauché en qualité de chauffeur livreur par la Sarl Isd Express.


Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juillet 2019, Monsieur [K] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.


L'entretien préalable s'est déroulé le 27 juillet 2019, et la procédure disciplinaire a pris fin le 26 août 2019, sans que Monsieur [K] ne soit licencié pour les faits qui y sont à l'origine.


Monsieur [K] ne s'est plus présenté à son poste de travail.


Par requête du 11 octobre 2019, Monsieur [T] [K] a saisi le Conseil de prud'hommes de Mulhouse d'une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail au torts exclusifs de l'employeur et aux fins d'indemnisation en conséquence, outre d'un rappel de salaire.


Monsieur [K] a été licencié pour faute grave, selon lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2019, pour absence injustifiée depuis le 1er septembre 2019.



Par jugement du 19 juillet 2021, ledit Conseil de prud'hommes, section commerce, a :


- dit et jugé que la demande de Monsieur [K] est recevable et bien-fondée,


- prononcé la résiliation judiciaire du contrat liant Monsieur [T] [K] et la Sarl Isd Express,


- dit et jugé que la résiliation doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- condamné la Sarl Isd Express à payer à Monsieur [Ab] les sommes suivantes :


* 4 563 euros bruts au titre des salaires du 13 août au 17 octobre 2019,

* 1 792, 68 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,

* 179, 26 euros bruts au titre des congés payés afférents,


- dit et jugé que les intérêts légaux sont de droit en ce qui concerne les salaires et

accessoires de salaires à compter du 13 octobre 2019 et que pour le surplus, ils sont dus à compter du 19 juillet 2021,


-débouté Monsieur [K] de sa demande de dommages et intérêts,


- constaté l'exécution provisoire de droit des montants salariaux, la moyenne mensuelle des trois derniers salaires s'élevant à 1 792, 68 euros bruts,


- condamné la Sarl Isd Express prise en la personne de son représentant légal à payer à Monsieur [K] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


- condamné la Sarl Isd Express, prise en la personne de son représentant légal, aux frais et dépens de l'instance y compris aux frais éventuels d'exécution.



Par déclaration au greffe du 23 août 2021, la société Isd Express a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions sauf le rejet de la demande de dommages et intérêts.


Par écritures, transmises par voie électronique le 22 novembre 2021, la société Isd Express sollicite l'infirmation du jugement entrepris et que la Cour statuant, à nouveau, :


- déboute Monsieur [K] de l'ensemble de ses prétentions,


- condamne Monsieur [K] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.


Par écritures, transmises par voie électronique le 10 janvier 2022, Monsieur [T] [K], qui a formé un appel incident, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts, et que la Cour, statuant à nouveau, :


- condamne la société Isd Express à lui payer la somme de 7 170, 70 euros pour le caractère frustratoire et vexatoire et pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- condamne, en outre, la société Isd Express à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


En application de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.


Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 6 septembre 2022.



MOTIFS


I. Sur la résiliation judiciaire du contrat


Selon l'article L 1332-2 du code du travail🏛, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.


Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.


Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.


La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.


Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée et ne se prononce sur le licenciement notifié par l'employeur que dans le cas contraire


Sur le fondement de l'article 1227 du code civil🏛, le salarié est en droit de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail s'il justifie de manquements suffisamment graves de la part de son employeur, qui empêchent la poursuite du contrat de travail.


Si tel est le cas, la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 20 janvier 1998 n° 95-43.350⚖️).


Il est de principe que le juge doit se placer au jour de sa décision pour apprécier les manquements invoqués par le salarié et que, pour apprécier la gravité des faits, il doit tenir compte de la persistance des faits jusqu'au jour du licenciement, et c'est donc dans cette mesure que les faits postérieurs à la demande doivent être examinés.


En l'espèce, le salarié invoque que, suite à l'entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, la Sarl Isd Express n'a pris aucune décision et l'a laissé dans l'expectative pendant 3 mois.


L'employeur réplique qu'à défaut de licenciement et de notification d'une sanction, la mesure de mise à pied à titre conservatoire dure pendant un mois, et doit être considérée à son terme comme une mise à pied disciplinaire.


Une mise à pied conservatoire qui n'est pas suivie immédiatement de l'engagement de la procédure de licenciement, sans nécessité et sans que l'employeur puisse s'en expliquer, peut être requalifiée, par les juges, en une mise à pied disciplinaire.


Il appartient à l'employeur de justifier que le délai de mise à pied à titre conservatoire, particulièrement important, était justifié, notamment par la recherche des éléments de preuve sur les faits reprochés (telle une enquête interne), l'employeur ne pouvant valablement invoquer un délai de réflexion d'un mois sans aucune formalité entreprise.


Il devait, en tout état de cause, notifier au salarié à l'issue du délai d'un mois, depuis l'entretien préalable, sa décision, en l'espèce, à suivre son raisonnement, de mise à pied disciplinaire, et ne pouvait laisser, comme les premiers juges l'ont retenu, le salarié dans l'expectative.


Si les bulletins de paie de Monsieur [K] des mois de juillet et suivants 2019 ne sont pas produits par les parties, l'attestation destinée à Pôle Emploi fait apparaître un salaire brut de 959, 56 euros pour 85, 67 heures travaillées au mois de juillet, et une absence de salaire brut pour les mois d'août et septembre 2019.


Le salarié produit, aux débats, des certificats d'arrêt de travail pour rechute d'accident du travail couvrant la période du 16 juillet au 29 août 2019.


Selon attestation de la Cpam du Haut-Rhin du 21 Octobre 2019, Monsieur [T] [K] a perçu des indemnités journalières jusqu'au 13 août 2019.


Il n'est pas établi que l'employeur ait versé de complément de rémunération en sus des indemnités journalières ; mais, le salarié ne sollicite que le paiement de la rémunération à compter du 13 août 2019 jusqu'au 17 octobre 2019.


Il en résulte que l'employeur a bien suspendu tout paiement du salaire, à tout le moins, à compter du 13 août 2019.


L'employeur, qui n'a pas réagi, ne peut invoquer les conséquences de sa propre turpitude et a commis un manquement suffisamment grave à ses obligations contractuelles justifiant que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée à ses torts exclusifs.


En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé cette résiliation aux torts de l'employeur, et complété en ce que la date de résiliation doit être fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement, soit le 17 octobre 2019.


II. Sur le rappel de salaire pendant la période de mise à pied à titre conservatoire


Compte tenu des mentions de l'attestation destinée à Pôle Emploi, précitées, et en l'absence de toute contestation sur le quantum du rappel de salaire retenu par les premiers juges, il y a lieu de confirmer la décision, de ces derniers, de condamnation de l'employeur au paiement d'une somme de 4 563 euros bruts.


III. Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis


Au regard des motifs précités sur les effets de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, de la convention collective nationale des transports routiers, et du salaire brut de référence, non discuté, de 1 792, 68 euros bruts, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des sommes de 1 792, 68 euros à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 179, 26 euros bruts au titre des congés payés y afférents.


IV. Sur les dommages et intérêts pour résiliation aux torts de l'employeur et caractère frustratoire et vexatoire


En application de l'article 1235-3 du code du travail🏛, le salarié présentant une ancienneté inférieure à un an, et qui travaillait dans une entreprise comptant au moins 11 salariés, peut obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au maximal de 1 mois de salaire brut.


En l'espèce, Monsieur [T] [K] ne produit aucune pièce relative à son préjudice, ni même n'évoque ce dernier dans les motifs de ses écritures.


En conséquence, la demande, de dommages et intérêts pour rupture ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, apparaît mal fondée.


L'indemnisation pour caractère frustratoire et vexatoire répare un préjudice distinct de celui indemnisé par l'article 1235-3 du code du travail.


Toutefois, en l'espèce, Monsieur [T] [K] ne démontre pas plus que la résiliation aux torts de l'employeur, ou les motifs de cette dernière, présente un tel caractère.


En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts.


V. Sur les demandes annexes


Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité accordée à Monsieur [K] au titre des frais irrépétibles.


Toutefois, la Cour ajoutera au jugement le rejet de la demande de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les premiers juges ayant omis de statuer sur cette prétention.


Succombant, à titre principal, la Sarl Isd Express sera condamnée aux dépens d'appel.


En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à Monsieur [T] [K] la somme de 1 500 euros pour les frais irrépétibles à hauteur d'appel.


La demande, de la Sarl Isd Express, à ce titre, sera rejetée.



PAR CES MOTIFS


La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,


CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 19 juillet 2021 du Conseil de prud'hommes de Mulhouse ;


Y ajoutant,


DIT que la résiliation judiciaire du contrat de travail a pour date le 17 octobre 2019 ;


DEBOUTE la Sarl Isd Express de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;


CONDAMNE la Sarl Isd Express à payer à Monsieur [T] [K] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


DEBOUTE la Sarl Isd Express de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


CONDAMNE la Sarl Isd Express aux dépens d'appel.


Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe 16 mai 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.


Le Greffier, Le Président,

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