Jurisprudence : CA Nîmes, 25-05-2023, n° 21/02660, Infirmation partielle


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT N°


N° RG 21/02660 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IDP6


VH


TRIBUNAL DE PROXIMITE D'UZES

15 juin 2021 RGAa:11-21-0000


[J]


C/


[U]


Grosse délivrée

le

à Me Porcher

Selarl Mazarian


COUR D'APPEL DE NÎMES


CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A


ARRÊT DU 25 MAI 2023


Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité d'UZES en date du 15 Juin 2021, N°11-21-0000



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :


Madame Virginie HUET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile🏛, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.


COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

Madame Virginie HUET, Conseillère


GREFFIER :


Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision


DÉBATS :


A l'audience publique du 27 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.



APPELANT :


MonsieurAa[V] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]


Représenté par Me Isabelle PORCHER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES


INTIMÉ :


Monsieur [S] [U]

né le … … … à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]


Représenté par Me Christian MAZARIAN de la SELARL MAZARIAN-ROURA-PAOLINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON


ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 09 Février 2023


ARRÊT :


Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 25 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE


Monsieur [V] [Aa] est propriétaire sur la commune de [Localité 4] (Gard), d'une parcelle cadastrée AK [Cadastre 1], sur laquelle se trouve un cèdre en limite de la propriété de Monsieur [S] [U].


Monsieur [U] a saisi le tribunal de proximité d'Uzès, le 29 juin 2020 afin d'obliger Monsieur [Aa] à élaguer le cèdre dépassant sur sa propriété.


Selon jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort le 29 septembre 2020, le tribunal de proximité d'Uzès a :

- dit que Monsieur [Ab] [Aa] sera tenu d'élaguer le cèdre présent sur sa propriété afin qu'aucune branche n'avance plus sur le terrain de Monsieur [S] [U] ;

- assorti cette obligation d'une astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision ;

- réservé le pouvoir de liquider l'astreinte ;

- rejeté la demande de dommages-intérêts ;

- condamné Monsieur [Ab] [Aa] aux dépens ;

- rappelé l'exécution provisoire de la présente décision.


Un procès-verbal de constat d'huissier a été dressé par Maître [T], le 12 janvier 2021, à la demande de MonsAceur [U].


Un procès-verbal de constat d'huissier a été dressé par Maître [I], le 2 juillet 2021, à la demande de MonsAaeur [J].


Exposant, à l'appui du procès-verbal de constat d'huissier du 12 janvier 2021, que Monsieur [Aa] n'a pas respecté l'obligation mise à sa charge « d'élaguer le cèdre présent sur sa propriété afin qu'aucune branche n'avance plus sur le terrain de Monsieur [S] [U] », sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, Monsieur [U] a, par acte d'huissier en date du 16 février 2021, cité Monsieur [Ab] [Aa] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Uzès aux fins de voir, au visa des articles R 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire🏛 et 673 du code civil :

- condamner en tant que de besoin Monsieur [V] [Aa] à procéder à l'élagage des branches du cèdre dépassant sur la propriété de Monsieur [S] [U], sous astreinte de 200 € par jour de retard, à compter d'un délai de quinzaine de la signification de la présente décision ;

- liquider l'astreinte prononcée à l'encontre de Monsieur [V] [Aa] de 50 € par jour de retard à compter de la signification du jugement intervenu le 29 septembre 2020 et signifié le 6 octobre 2020 ;

- à titre subsidiaire, devant le refus de Monsieur [V] [Aa] à procéder à l'élagage, autorisé Monsieur [S] [U] à réaliser ledit élagage et ceux aux frais de Monsieur [V] [Aa] ;

- condamner Monsieur [V] [Aa] à payer à Monsieur [S] [U] la somme de 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- condamner Monsieur [V] [Aa] aux entiers dépens de la présente procédure, y compris les frais de constat de 300 € ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.


Le tribunal de proximité d'Uzès par jugement contradictoire du 15 juin 2021, a :

- rappelé que le jugement rendu le 29 septembre 2020 par cette juridiction a autorité de chose jugée en ce qu'elle a enjoint à Monsieur [Ab] [Aa] de procéder ou faire procéder à l'élagage du cèdre présent sur sa propriété afin qu'aucune branche n'avance plus sur le terrain de Monsieur [S] [U], sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le 7 novembre 2020 ;

- liquidé l'astreinte prononcée par le jugement du 29 septembre 2020 rendu par la même juridiction, sur la période du 7 novembre 2020 au 13 avril 2021 ;

- condamné à ce titre, pour la période du 7 novembre 2020 au 13 avril 2021, Monsieur [Ab] [Aa] à verser à Monsieur [S] [U] la somme de 7 850 € ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [Ab] [Aa] aux dépens, en ce compris le procès-verbal de constat d'huissier du 12 janvier 2021 ;

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit.



Par acte du 9 juillet 2021, M. [Ab] [Aa] a régulièrement interjeté appel de cette décision.


Par ordonnance du 7 novembre 2022, la clôture de la procédure a été fixée au 9 février 2023, l'affaire a été appelée à l'audience du 27 février 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 25 mai 2023.


EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, M. [Aa], appelant, demande à la cour de :

Vu les articles 671 et suivants du code civil🏛,

Vu l'article L 141-4 du code des procédures civiles d'exécution🏛,

Vu les dispositions jurisprudentielles en matière de trouble anormal du voisinage,

Vu les pièces fournies au débat,

- Recevoir Monsieur [Aa] en ses conclusions d'appelant et l'y dire bien fondé,

- Infirmer la décision en ce qu'elle a liquidé l'astreinte à la somme de 7850 € et a condamné Monsieur [Aa] au paiement de ladite somme.

- A titre subsidiaire, infirmer la décision en ce qu'elle a liquidé l'astreinte à la somme de 7850,00 € et se prononcer à nouveau sur la liquidation de l'astreinte du 7 novembre 2020 et 16 février 2021.

- Débouter Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner Monsieur [U] à payer à Monsieur [Aa] la somme de 2000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Monsieur [Ac] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Isabelle Porcher en application de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que :

- il a exécuté la décision rendue le 29 septembre 2020, que les petits branchages restant au regard du procès-verbal de constat d'huissier en date du 12 janvier 2021 ne mettent pas en péril le fonds voisin qu'un élagage plus complet nuirait à la santé de l'arbre cinquantenaire, que les branches de ces arbres ne poussent que de quelques centimètres par an et ne peuvent représenter un danger compte tenu de l'élagage effectué en décembre 2020,

- les articles 672 et 673 du code civil🏛🏛 comportent des exceptions, notamment en cas de servitude par destination du père de famille et lorsque l'arbre a plus de 2 mètres de haut depuis plus de trente ans, et que tel est le cas en l'espèce,

- à titre subsidiaire, si l'astreinte devait être liquidée, elle serait du 7 novembre 2020 à la date de délivrance de l'assignation par Monsieur [U], soit le 16 février 2021, le délai entre la date de saisine et la date à laquelle le dossier a été retenu par le tribunal de proximité ne pouvant lui être imputé,

- Monsieur [Ac] fait une demande nouvelle en cause d'appel, soit la demande de liquidation de l'astreinte pour la période du 14 avril 2021 au 2 décembre 2021, soit la somme de 11 600 €,

- la cour d'appel n'est pas compétente pour liquider l'astreinte fixée par le tribunal de proximité d'Uzès.


En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023, M. [U], intimé, demande à la cour de :

Vu l'article 12 du code de procédure civile🏛,

Vu l'article 36 de la loi n°91-650 du 9 juillet de 1991.

Après avoir constaté que les obligations mises à la charge des requis ne sont pas remplies.

- Confirmer la décision du 15 juin 2021.

- Juger que les travaux imposés par le tribunal de proximité d'Uzès dans sa décision du 29 septembre 2020 signifiée le 06 octobre 2020 n'ont pas été exécutés.

En l'absence de cause étrangère.

En l'absence de démonstration de leur réalisation à la charge de MonsAaeur [J].

- Confirmer le jugement querellé ayant liquidé l'astreinte pour la période du 07 novembre 2020 au 13 avril 2021 et condamné Monsieur [Aa] à payer la somme de 7 850 €.

Laquelle équivaut au temps de retard apporté à l'exécution.

- Le condamner à payer ladite somme.

- Y ajoutant, liquider l'astreinte pour la période du 14 avril 2021 au 27 février 2023 (date d'audience soit 319 jours à 50 € soit : 15 950 €

- A compter du 27 février 2023, fixer une astreinte définitive à la somme de 100 €/jour jusqu'à ce qu'un constat de bonne fin des travaux soit communiqué.

- S'entendre en outre, condamner à payer au demandeur la somme de 3 000 € (euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ils supporteront, enfin, l'ensemble des dépens de 1ère instance et d'appel.


Il fait valoir que :

- le juge du fond a statué de manière définitive,

- l'arbre litigieux continue d'empiéter sur sa propriété,

- la cour est saisie non du contrôle de la décision ayant fixé l'obligation définitive mais d'une liquidation d'astreinte,

- l'obligation de faire n'a pas été respectée et Monsieur [Aa] n'a jamais prétendu avoir été empêché par une cause étrangère.


Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛.



MOTIVATION


L'astreinte est une mesure de contrainte qui peut être prononcée à l'encontre de toute personne physique ou morale, privée ou publique. Ses règles figurent aux articles L.131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution🏛.


L'article L. 131-2 du CPCE distingue deux types d'astreinte : l'astreinte provisoire et l'astreinte définitive.


Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire (article L. 131-2, alinéa 3, du CPCE). Si le juge ne respecte pas cette priorité et prononce d'emblée une astreinte définitive, celle-ci sera liquidée comme une astreinte provisoire (même texte). Si le juge ne qualifie pas l'astreinte qu'il prononce, elle sera considérée comme provisoire (article L. 131-2, alinéa 2, du CPCE).


En l'espèce, dans sa décision en date du 29 septembre 2020, le juge de proximité d'Uzès ne fixe pas d'astreinte provisoire.


Le juge de proximité d'Uzès, dans son jugement en date du 15 juin 2021 liquide l'astreinte comme une astreinte définitive alors qu'aucune astreinte provisoire n'a été prononcée.


Par ailleurs, la décision du juge de proximité d'Uzès en date du 29 septembre 2020 n'a pas fait l'objet d'un recours. Elle est donc devenue définitive. L'appelant ne peut plus aujourd'hui venir contester le bien fondé de l'obligation mise à sa charge d'élaguer l'arbre. Son moyen est donc inopérant.


Sur les modalités de la liquidation, l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution🏛 dispose que « le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.

L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ».


Le juge chargé de la liquidation d'une astreinte doit apprécier l'exécution ou la non exécution parfaite de l'obligation dans les délais pour établir le principe de la liquidation de l'astreinte celle-ci.


Si l'injonction n'a pas été parfaitement exécutée dans les délais, seuls peuvent être examinés le montant auquel l'astreinte doit être liquidée ou son éventuelle suppression, en tout ou partie.


Dans un arrêt en date du 20 janvier 2022, (publiée 2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-15.26), la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et répond :


Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Selon ce texte, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

7. Suivant une jurisprudence constante, le juge saisi d'une demande de liquidation ne peut se déterminer qu'au regard de ces seuls critères. Dès lors, il ne peut limiter le montant de l'astreinte liquidée au motif que le montant sollicité par le créancier de l'astreinte serait excessif (2e Civ., 25 juin 2015, pourvoi n° 14-20.073) ou qu'il serait trop élevé au regard des circonstances de la cause (2e Civ., 7 juin 2012, pourvoi n° 10-24.967⚖️) ou de la nature du litige (2e Civ., 30 janvier 2014, pourvoi n° 13-10.255⚖️). L'arrêt d'une cour d'appel qui se référait au caractère « manifestement disproportionné » du montant a ainsi été cassé (2e Civ., 26 septembre 2013, pourvoi n° 12-23.900⚖️), de même que celui ayant réduit le montant de l'astreinte liquidée en se fondant sur « l'application du principe de proportionnalité » (2e Civ., 19 mars 2015, pourvoi n° 14-14.941⚖️). Dans aucune de ces affaires n'était invoquée l'application de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son protocole n° 1.

8. Cependant, selon ce dernier texte, invoqué par le moyen, « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

9. L'astreinte, en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci. Elle entre ainsi dans le champ d'application de la protection des biens garantie par ce protocole.

10. Il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit.

11. Dès lors, si l'astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l'objectif d'une bonne administration de la justice, à assurer l'exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, il n'en appartient pas moins au juge saisi d'apprécier encore, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.

12. Pour liquider l'astreinte provisoire à la somme de 1 020 000 euros, l'arrêt retient que la disproportion flagrante entre la somme réclamée au titre de l'astreinte et l'enjeu du litige ne peut être admise comme cause de minoration.

13. En se déterminant ainsi, sans examiner de façon concrète s'il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel elle liquidait l'astreinte et l'enjeu du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. (Sic)


La Cour de cassation répondait au moyen selon lequel elle devait opérer un contrôle de proportionnalité pour mettre sa jurisprudence en conformité avec les principes dégagés par la CEDH, dans un moyen relevant que : ' si l'on peut comprendre qu'un tel contrôle soit écarté au stade du prononcé de l'astreinte, dès lors qu'il s'agit de faire peser une menace sur le débiteur, cette mise à l'écart n'apparaît plus justifiée au stade de la liquidation de l'astreinte dès lors qu'à ce stade la créance liquidée devient définitive et présente le caractère d'une véritable peine privée, dont le montant paraît en outre totalement disproportionné.

En effet, lorsque l'injonction a été complètement exécutée, la liquidation de l'astreinte provisoire, qui n'a jamais un caractère indemnitaire, ne poursuit plus une finalité dissuasive, et a donc une finalité exclusivement punitive.

Cette sanction, une fois l'astreinte liquidée, porte en outre une atteinte au droit de propriété et au patrimoine du débiteur.

La proportionnalité de cette sanction doit donc être contrôlée, conformément aux dispositions de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention, comme c'est le cas pour l'ensemble des amendes ou sanctions de nature patrimoniale. On comprend d'ailleurs la nécessité d'un tel contrôle dans la mesure où, nonobstant le faible encadrement du dispositif résultant de la loi, les astreintes peuvent rapidement atteindre des sommes exorbitantes et sans rapport aucun avec les circonstances propres de l'espèce. (...)

Il importe peu à ce sujet de relever que l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution réserve la possibilité pour le juge de tenir compte (uniquement) des difficultés d'exécution rencontrées par le débiteur et du comportement adopté par celui-ci.

Le contrôle de proportionnalité qui résulte de l'article 1 du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'inscrit en effet dans un cadre plus large, qui impose au juge de tenir compte de l'ensemble des circonstances propres au cas d'espèce, et plus particulièrement de la gravité du manquement imputé au débiteur de l'obligation, de la situation personnelle du débiteur, des enjeux du litige ou encore du comportement du créancier.

Il n'y a aucune raison légitime d'imposer au juge un contrôle de proportionnalité en cas de prononcé d'une sanction pécuniaire à la suite d'une infraction pénale, et de l'en dispenser en cas de liquidation d'une astreinte provisoire lorsque l'injonction a été complètement exécutée ».


En l'espèce, les parties versent aux débats un procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 12 janvier 2021 aux termes duquel l'huissier de justice constate :

- 'un élagage des branches en partie basse, certaines de façon incomplète car encore trop longues'

- 'l'absence d'élagage des branches en partie haute qui continuent de dépasser largement sur le fond dAc M. [U]'


Il est donc, comme le souligne justement le premier juge, établi que M. [Aa] n'a pas entièrement exécuté la décision du 29 décembre 2020 le condamnant à procéder à l'élagage des branches du cèdre présente sur sa propriété afin 'qu'aucune branche n'avance plus sur le terrain de M. [S] [U]'.


M. [Aa], pour justifier de l'exécution de l'obligation mise à sa charge verse aux débats l'attestation de M. [B] [W] (société un jardin, une histoire) en date du 5 décembre 2020, lequel affirme qu'il est intervenu à deux reprises pour élaguer l'arbre, en 2017 et en décembre 2020 pour réduire les branches de l'arbre et précise 'pour la santé de l'arbre, il ne faut pas en couper davantage' (sic).


Le premier juge a souligné qu'aucun élément ne démontrait que l'arbre était cinquantenaire ou centenaire. Force est de constater qu'il n'est versé aucun élément supplémentaire en cause d'appel.


M. [Aa] a cependant fait intervenir un élagueur suite à la décision, même s'il souligne la difficulté à faire venir un élagueur après la période de confinement et les délais imposés par les entreprises. Il ne justifie pas avoir rencontré de difficultés dans l'exécution de la mesure qui lui était imposée.


Toutefois, la cour relève que la demande à hauteur de presque 20 000 euros au titre des deux périodes de liquidation révèle une disproportion flagrante entre la somme réclamée au titre de l'astreinte et l'enjeu du litige, lequel consiste en des branches d'arbres dépassant sur le fond voisin, et peut donc être admise comme cause de minoration. Il n'existe plus en effet à ce stade de rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant de l'astreinte liquidée et l'enjeu du litige au regard de la nature des faits et de leurs conséquences en terme de voisinage.


En cela, la décision de première instance doit être infirmée sur ce point et la liquidation de l'astreinte réévaluée pour la période du 7 novembre 2020 au 13 avril 2021, puis du 14 avril 2021 au 27 février 2023 à la somme globale de 5 000 euros. La présente décision couvrant une période allant jusqu'au 27 février 2023 conformément au terme sollicité paAc M. [U].


Au regard de la nature des faits (s'agissant d'une demande d'élagage d'un arbre), de la date initiale de demande de début 2020, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte définitive pour la période postérieure.


Sur les frais du procès :


Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS,


La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,


Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a condamné M. [Aa] à verser à M. [U] la somme de 7 850 euros,


Confirme le jugement pour le surplus,


Statuant à nouveau de ces chefs :


- Condamne M. [Aa] à verser à M. [U] la somme de 5 000 euros, au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 29 septembre 2020 rendu par le juge de proximité sur la période du 7 novembre 2020 au 13 avril 2021 et du 14 avril 2021 au 23 février 2023,


Y ajoutant,


- Rejette la demande d'astreinte définitive,


- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel,


- Condamne M. [Aa] aux dépens d'appel.


Arrêt signé par la présidente et la greffière,


LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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