Jurisprudence : CE 9 ch., 10-03-2023, n° 464123

CE 9 ch., 10-03-2023, n° 464123

A76319H4

Référence

CE 9 ch., 10-03-2023, n° 464123. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/94204989-ce-9-ch-10032023-n-464123
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Abstract

► En cas de location, seule est assujettie à la taxe sur les véhicules de sociétés la société locataire desdits véhicules.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 464123⚖️


Séance du 16 février 2023

Lecture du 10 mars 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème chambre jugeant seule)


Vu la procédure suivante :

La société Butterfield et Robinson France a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. Par un jugement n° 1802776 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 19LY03772 du 17 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon⚖️, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, a annulé ce jugement puis rejeté les conclusions à fin de décharge présentées par la société.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 4 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société

Butterfield et Robinson France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Butterfield et Robinson France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Butterfield et Robinson France, filiale de la société canadienne Butterfield et Robinson Inc. qui conçoit et commercialise des circuits touristiques en France auprès d'une clientèle anglophone, l'administration fiscale a notifié à la société française des rappels de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. Par un jugement du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge de ces impositions. La société Butterfield et Robinson France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et rétabli les rappels de taxe litigieux.

2. Aux termes de l'article 1010 du code général des impôts🏛, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. () / II. () / Lorsqu'elle est exigible en raison des véhicules pris en location, la taxe est à la charge de la société locataire. () ". Il résulte de ces dispositions que, sauf pour ce qui concerne la taxe exigible en raison de véhicules pris en location qui n'est due que par la seule société locataire, l'administration est tenue d'assujettir à la taxe tous les redevables qui remplissent l'un des critères alternatifs d'assujettissement ainsi définis.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon a déduit de ce que les véhicules en cause étaient utilisés en France par la société Butterfield et Robinson France que celle-ci était redevable de la taxe sur les véhicules de société à raison de ces véhicules. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait par ailleurs que ces véhicules faisaient l'objet de contrats de location conclus entre la société mère canadienne

Butterfield et Robinson Inc. et la société Europcar, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 1010 du code général des impôts telles qu'interprétées au point 2 ci-dessus. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Butterfield et Robinson France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative🏛.

5. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales🏛 : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". En vertu de cette charte, le contribuable peut saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal pour obtenir des éclaircissements supplémentaires sur les rectifications envisagées au terme de la vérification. Si des divergences importantes subsistent, il peut en outre faire appel à un interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur.

6. Ces dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'imposent pas que le supérieur hiérarchique du vérificateur prenne expressément position après son entretien avec le contribuable. En l'absence de prise de position écrite du supérieur hiérarchique, les divergences avec l'administration fiscale doivent être regardées comme persistant. Par suite, tant qu'un document écrit par lequel l'administration fiscale fait savoir au contribuable qu'il n'y a plus de désaccord, n'est pas intervenu, le contribuable peut faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné. Dans l'hypothèse où une position écrite du supérieur hiérarchique faisant état de la disparition des divergences entre l'administration fiscale et le contribuable intervient après que celui-ci a demandé à rencontrer l'interlocuteur, cette demande devient sans objet.

7. En application des dispositions citées au point 5 ci-dessus telles qu'interprétées au point 6, la société Butterfield et Robinson France pouvait, dès l'issue de son entretien avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, qui a eu lieu le 28 novembre 2017, faire appel à un interlocuteur spécialement désigné, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que le supérieur hiérarchique, qui n'y était pas tenu, ait fait parvenir à la société le 6 décembre 2017 un courrier confirmant la persistance du désaccord avec l'administration fiscale. Les rappels de taxe sur les véhicules de société en litige ayant été mis en recouvrement le 15 décembre 2017, la société doit être regardée comme ayant bénéficié, dans les circonstances de l'espèce, d'un délai raisonnable pour exercer son droit de faire appel à l'interlocuteur. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon, pour prononcer la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société en litige, a jugé que la société Butterfield et Robinson France avait été privée, faute d'un délai suffisant, de la possibilité de saisir utilement cet interlocuteur du désaccord qui subsistait.

8. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société

Butterfield et Robinson France, tant devant la cour administrative d'appel de Lyon que devant le tribunal administratif de Dijon, à l'exception, s'agissant de ces derniers, de ceux qui auraient été expressément écartés par le jugement attaqué et qui n'auraient pas été repris en appel.

9. Il résulte de l'instruction que les véhicules de neuf places à raison desquels la société Butterfield et Robinson France a été assujettie aux rappels de taxe sur les véhicules de société en litige sont pris en location par la société canadienne Butterfield et Robinson Inc. Dès lors, eu égard à ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, seule cette dernière pouvait être assujettie à la taxe sur les véhicules de société à raison de ces véhicules. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a déchargé la société Butterfield et Robinson France, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les véhicules de société auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Butterfield et Robinson France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 17 mars 2022 est annulé.

Article 2 : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à la société Butterfield et Robinson France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Butterfield et Robinson France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 10 mars 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Nissen

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

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