Jurisprudence : CAA Lyon, 3e, 23-11-2022, n° 21LY04321


Références

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

N° 21LY04321

3ème chambre
lecture du 23 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B A a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision n° 405 du 13 juin 2016 par laquelle le directeur des services courrier Colis Isère Pays de Savoie de La Poste lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours dont huit jours avec sursis et de condamner La Poste au versement d'une somme de 580 euros au titre du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de cette sanction.

Par jugement n° 1604546 lu le 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 février 2019, 23 janvier 2020 et 2 juillet 2020, M. B A, représenté par Me Renard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 13 juin 2016 portant exclusion temporaire de fonctions ;

3°) de mettre à la charge de La Poste le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le principe d'impartialité a été méconnu en ce qu'il y a identité de l'auteur de la sanction et du rapport disciplinaire ;

- les griefs qui lui sont imputés ne relèvent pas de ses obligations de fonctionnaire ;

- la perturbation du service alléguée dans la sanction n'est pas établie ;

- la sanction est disproportionnée ;

- il renvoie aux moyens présentés en première instance.

Par des mémoires, enregistrés les 6 décembre 2019 et 2 juillet 2020, la société La Poste, représentée par Me Kelber, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 19LY00567 du 6 août 2020, la cour administrative d'appel de Lyon⚖️ a annulé le jugement n° 1604546 du 6 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble et la décision n° 405 du 13 juin 2016 par laquelle le directeur des services courrier Colis Isère Pays de Savoie de La Poste a infligé à M. A une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours dont huit jours avec sursis et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par une décision n° 445128 du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat⚖️, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 21LY04321.

Par un mémoire enregistré le 3 février 2022, M. A, représenté par Me Renard, conclut aux mêmes fins que précédemment.

Il soutient en outre qu'aucun élément n'est de nature à établir une perturbation dans le fonctionnement du service ni la violation de règles de sécurité, de sorte que la sanction disciplinaire n'est pas justifiée.

Par mémoire enregistré le 1er septembre 2022, la société La Poste, représentée par la SCP Foussad - Froger, porte à 2 500 euros le montant de sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et conclut, pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par ordonnance du 2 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990🏛 ;

- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 94-130 du 11 février 1994 ;

- le décret n° 2010-191 du 26 février 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me Mokrane pour la société La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, agent de La Poste affecté à Annecy et bénéficiant de décharges de fonctions à raison de ses responsabilités syndicales, relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 décembre 2018 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur des services courrier Colis Isère Pays de Savoie de La Poste du 13 juin 2016 lui infligeant la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours dont huit jours avec sursis.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative🏛 : " Les jugements sont motivés ". Si M. A soutient que le jugement est entaché d'un défaut de motivation, il ressort des termes mêmes de celui-ci que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments en défense, ont suffisamment motivé leur jugement au regard des faits qui lui étaient reprochés et leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité, tel qu'il était soulevé en première instance.

3. Les prétendues erreurs de droit et dénaturation des faits reprochées aux premiers juges relèvent en tout état de cause du bien-fondé du jugement attaqué et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, le directeur des services courrier Colis Isère Pays de Savoie de La Poste, qui est l'auteur de la sanction attaquée, a également rédigé le rapport de saisine du conseil de discipline. Il n'en ressort, contrairement à ce que soutient le requérant pour la première fois en appel, aucun manquement à son obligation d'impartialité, dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que ce supérieur hiérarchique aurait manifesté une animosité personnelle ou fait preuve de partialité à l'égard du requérant qui ne peut, en tout état de cause, se prévaloir des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la procédure au terme de laquelle l'autorité administrative compétente exerce son pouvoir disciplinaire n'entre pas dans le champ d'application de ces stipulations.

5. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Pour critiquer la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de quinze jours, dont huit jours avec sursis, le requérant, qui ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés, soutient néanmoins que ces faits n'ont pas de caractère fautif.

7. Si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales disposent de la liberté d'action et d'expression particulière qu'exigent l'exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu'ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect des règles encadrant l'exercice du droit syndical dans la fonction publique et le droit de grève, ainsi que de leurs obligations déontologiques et des contraintes liées à la sécurité et au bon fonctionnement du service. Le directeur d'un centre de tri postal, responsable de la sécurité des biens et du personnel qui s'y trouvent ainsi que du bon fonctionnement du service public dont il a la charge, peut à ce titre s'opposer aux intrusions de personnes étrangères dans son établissement et prendre des mesures de nature à faire cesser les atteintes au bon fonctionnement du service public.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A s'est rendu dans le cadre de son mandat les 29 décembre 2015 et 29 janvier 2016 dans les centres de tri de Thonon-les-Bains et Annemasse sans l'accord préalable de la direction pour l'un d'entre eux et sans respecter, pour le second, la demande du directeur de l'établissement d'attendre la fin des opérations de tri général. M. A a pris la parole en tant que délégué syndical au cours de ses interventions, au besoin avec un micro malgré la demande des chefs d'établissement de cesser cette prise de parole, et refusant d'obtempérer. A Annemasse, il a, en outre, pénétré dans un espace sécurisé dit de " la cabine ", où sont déposés les fonds, sans y avoir été autorisé. Les faits sanctionnés ne s'inscrivent pas, contrairement à ce qu'il soutient, dans le cadre du décret du 28 mai 1982 susvisé relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, dont les dispositions proscrivent l'intrusion sans autorisation des délégués syndicaux, lesquels ne peuvent tenir des réunions durant les horaires de service qu'à destination des agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d'une autorisation spéciale d'absence. Alors qu'elles ont nécessairement perturbé le travail des agents affectés au tri postal et donc porté atteinte au bon fonctionnement du service public, M. A ne pouvait se borner à soutenir à cet égard que ses interventions avaient été brèves et n'avaient pas entraîné de cessation du travail par le personnel. L'intrusion sans autorisation dans les centres de tri de Thonon-les-Bains et Annemasse, la prise de parole intempestive pendant les heures de service, le refus d'obtempérer aux injonctions des directeurs de ces centres, le non-respect des consignes de sécurité d'un espace sécurisé et la méconnaissance des règles d'exercice du droit syndical à La Poste, constituent, par suite, des fautes susceptibles de faire l'objet d'une sanction disciplinaire.

9. En troisième lieu, eu égard à la nature de la sanction prononcée et alors que M. A avait déjà été sanctionné d'un blâme pour des faits similaires, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée.

10. En dernier lieu, en se bornant à maintenir l'ensemble des autres moyens qu'il avait soulevés en première instance, sans même les énoncer sommairement, ni joindre à sa requête une copie de ses mémoires de première instance contenant les précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, le requérant ne met pas la cour à même de se prononcer sur ces moyens.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par La Poste à la requête d'appel, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande, tendant à l'annulation de la décision du 13 juin 2016 portant exclusion temporaire de fonctions.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A le versement à la société La Poste de la somme de 800 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera à la société La Poste la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B A et à la société La Poste.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative🏛,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Gilles Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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