Jurisprudence : TA Grenoble, du 08-11-2022, n° 1800374

TA Grenoble, du 08-11-2022, n° 1800374

A51418S9

Référence

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Références

Tribunal Administratif de Grenoble

N° 1800374

Juge unique 8
lecture du 08 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 janvier 2018 et 1er décembre 2020 sous le n°1800374, M. B D et Mme E, représentés par Me Romeuf-Coste demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler la décision du 28 novembre 2017 par laquelle la présidente du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur recours administratif contre la décision les radiants des droits au revenu de solidarité active et leur notifiant un indu de 10 681,38 euros pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017 ;

2°) d'enjoindre au département de la Drôme de leur rétablir leurs droits avec effet rétroactif au titre du revenu de solidarité active ;

3°) de mettre à la charge du Département de la Drôme une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛.

Ils soutiennent que :

- la décision est illégale dès-lors qu'ils sont éligibles au bénéfice du revenu de solidarité active ;

- ils ne sont les auteurs d'aucune manuvre frauduleuse ;

- ils sont dans une situation financière difficile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2020, le département de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D ne sont pas fondés.

II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril 2018 et 1er décembre 2020 enregistrés sous le n°1802301, M. B D et Mme E, représentés par Me Romeuf-Coste demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur demande de remise gracieuse d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 10 681,38 euros ;

2°) de leur accorder une remise totale de cette dette ;

3°) de mettre à la charge du Département de la Drôme une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2020, le département de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D ne sont pas fondés.

M. et Mme D ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2019.

Par un jugement n°s1800374 et 1802301, du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble⚖️ a annulé la décision du 28 novembre 2017 par laquelle le département de la Drôme a notifié l'indu de 10 681,38 euros, rétablis dans leur droit au revenu de solidarité active des requérants, les a déchargés de l'indu litigieux, et a condamné le département de la Drôme à une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛.

Par un arrêt du Conseil d'Etat n°449780⚖️ du 26 avril 2022, le jugement du 16 décembre 2020 a été annulé et l'affaire a été renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.

Procédure devant le tribunal administratif de Grenoble sur renvoi du Conseil d'Etat :

I°) Par des mémoires enregistré les 1er juillet et 18 octobre 2022 sous le n°1800374, M. et Mme D, représentés par Me Romeuf-Coste demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler la décision du 28 novembre 2017 par laquelle la présidente du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur recours administratif contre la décision les radiants des droits au revenu de solidarité active et leur notifiant un indu de 10 681,38 euros pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017 ;

2°) d'enjoindre au département de la Drôme de leur rétablir leurs droits avec effet rétroactif au titre du revenu de solidarité active ;

3°) de mettre à la charge du Département de la Drôme une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Ils soutiennent que :

- la décision est illégale dès-lors qu'ils sont éligibles au bénéfice du revenu de solidarité active ;

- ils ne sont les auteurs d'aucune manuvre frauduleuse ;

- ils sont dans une situation financière difficile.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2022, le département de la Drôme conclut au rejet de la requête.

II°) Par des mémoires enregistrés le 1er juillet et le 18 octobre 2022 sous le n°1802301, M. et Mme D, représentés par Me Romeuf-Coste, demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur demande de remise d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 10 681,38 euros ;

2°) de leur accorder une remise totale de cette dette ;

3°) de mettre à la charge du Département de la Drôme une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2022, le département de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir, au cours de l'audience publique, entendu :

- le rapport de M. C,

- les observations de Me Romeuf-Coste, représentant M. et Mme D.

La clôture d'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n°1800374 et n°1802301, présentées pour M. et Mme D, tendent à traiter les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

2. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D, de nationalité syrienne, sont arrivés en France au mois de décembre 2014 sous couvert d'un visa délivré en qualité d'ascendants à charge d'un ressortissant de nationalité française avant d'obtenir, sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 423-11 de ce code, une carte de résident valable du 13 avril 2015 au 12 avril 2025. Ils ont obtenu le bénéfice du revenu de solidarité active à compter du 1er janvier 2016. Par une décision du 10 avril 2017, la présidente du conseil départemental de la Drôme a mis fin à leur droit au revenu de solidarité active et, par une décision du 4 mai 2017, la caisse d'allocations familiales de la Drôme a mis à leur charge le remboursement d'un indu de revenu de solidarité active de 10 681,38 euros pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017.

3. Sur recours administratif préalable formé par M. et Mme D, la présidente du conseil départemental de la Drôme a, le 28 novembre 2018, confirmé ces deux décisions au motif que, ayant été admis sur le territoire en qualité d'ascendants à charge d'un ressortissant de nationalité française et alors que leur fils s'était engagé à les prendre en charge financièrement pendant leur séjour en France, ils ne remplissaient pas la condition de ressources pour bénéficier du revenu de solidarité active. Enfin, par une décision du 12 février 2018, la présidente du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur demande de remise gracieuse de l'indu.

Sur le bien-fondé de la créance :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles🏛 : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre ", l'article L. 262-3 du même code précisant que l'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1 de ce code🏛, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. Aux termes de l'article L. 262-4 du même code : " Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : / () 2° Etre français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n'est pas applicable : a) () aux étrangers titulaires de la carte de résident () ".

5. D'autre part, en vertu du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 alors applicable, sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour aux ascendants d'un ressortissant de nationalité française et de son conjoint qui sont à sa charge. Aux termes de l'article R. 314-2 du même code : " Pour l'application des dispositions des articles L. 314-11 et L. 314-12, l'étranger présente à l'appui de sa demande : () 5° Les pièces justifiant qu'il entre dans l'un des cas prévus aux articles L. 314-11 et L. 314-12 pour se voir délivrer de plein droit la carte de résident () ".

6. Il résulte de ces dispositions que, si la circonstance qu'un étranger soit titulaire d'une carte de résident délivrée sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article

L. 423-11 de ce code, ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'il puisse bénéficier du revenu de solidarité active, le titulaire d'une telle carte est réputé entièrement pris en charge par son descendant et ne saurait dès lors, en principe, être regardé comme remplissant la condition de ressources prévue par les dispositions citées au point 4. Il ne peut en aller autrement que si l'intéressé, invoquant un changement dans sa situation à cet égard depuis la délivrance de ce titre de séjour, justifie qu'il ne peut plus, du fait de ce changement, être regardé comme entièrement pris en charge par son descendant, la condition de ressources devant être alors examinée au regard de l'ensemble des ressources du foyer.

7. En l'espèce, M. et Mme D font seulement valoir qu'ils ont cessé d'être à la charge de leur fils à partir du moment où ils ont perçu le revenu de solidarité active. Toutefois, cette perception ne saurait être regardé comme un changement dans leur situation au sens des dispositions citées aux points 4 et 5 et il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient cessé d'être à la charge de leur fils A pendant la période considérée s'ils n'avaient pas perçu le revenu de solidarité active litigieux. S'ils indiquent être de bonne foi et avoir été aidés par une assistante sociale, ces circonstances sont sans incidence sur le bien-fondé de l'indu. Par suite, leurs conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 mai 2017 par laquelle la caisse d'allocations familiales de la Drôme leur a notifié un indu de revenu de solidarité active de 10 681,38 euros pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017doivent être rejetées.

Sur la demande de rétablissement des droits au revenu de solidarité active :

8. Comme il a été dit ci-dessus, c'est à bon droit que la présidente du conseil départemental de la Drôme a confirmé le bien-fondé de l'indu de revenu de solidarité active mis à la charge des requérants à partir du 1er janvier 2016. Ainsi, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au rétablissement rétroactif de leurs droits doivent être rejetées. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que M. et Mme D, s'ils s'y croient recevables et fondés, présentent une nouvelle demande de revenu de solidarité active auprès de la présidente du conseil départemental de la Drôme.

Sur la demande de remise gracieuse :

9. Aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles🏛 : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / () La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil départemental en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration () ".

10. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d'un indu de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise. Lorsque l'indu résulte de ce que l'allocataire a omis de déclarer certaines de ses ressources, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l'intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l'inverse, portent sur des ressources dépourvues d'incidence sur le droit de l'intéressé au revenu de solidarité active ou sur son montant, de tenir compte de la nature des ressources ainsi omises, de l'information reçue et de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l'omission, des justifications données par l'intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l'allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises. A cet égard, si l'allocataire a pu légitimement, notamment eu égard à la nature du revenu en cause et de l'information reçue, ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises, la réitération de l'omission ne saurait alors suffire à caractériser une fausse déclaration.

11. Il résulte de l'instruction que l'indu de revenu de solidarité active en litige résulte de l'absence de déclaration des époux D auprès des services de la caisse d'allocations familiales de leur prise en charge totale par leur fils. Les intéressés, qui ne contestent pas cette omission, doivent être regardés comme ayant ignoré, de bonne foi qu'ils étaient tenus de déclarer cette prise en charge, dont ils bénéficiaient effectivement.

12. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D ne disposent d'aucun revenu propre et sont à la charge de leur fils A, qu'ils justifient par ailleurs de charges courantes mensuelles - eau, facture téléphonique et électricité - s'élevant à environ 200 euros. Au regard de cette situation, qui doit être regardée comme précaire et au montant élevé de l'indu réclamé il y a lieu de leur accorder une remise partielle de leur dette de revenu de solidarité active à hauteur de 80%, soit 8 545,11 euros.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme D présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

Article 1er : Il est accordé à M. et Mme D une remise partielle de l'indu de revenu de solidarité active de 10 681,38 euros à hauteur de 80%, soit de 8 545,11 euros.

Article 2 : La décision du 12 février 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur demande de remise d'un indu de revenu de solidarité active est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 1er du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B D et Mme E, au département de la Drôme.

Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales de la Drôme.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

Le président,

J-P. CLa greffière,

L. BOURECHAK

La République mande et ordonne à la préfète de la Drôme en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 1800374,1802301

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