Jurisprudence : TGI Paris, 4ème, 28-03-2013, n° 12/14522



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
.
4ème chambre 2ème section
N° RG
12/14522
N° MINUTE /15
JUGEMENT
rendu le 28 Mars 2013
Assignation du 17 Octobre 2012

DEMANDERESSE
Société COOPERATION PHARMACEUTIQUE FRANÇAISE EN
ABREGE COOPER

MELUN
représentée par Me Yann UTZSCHNEIDER de l'Association GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #T03
DÉFENDEURS
Société PYXIS PHARMA 13 rue Joseph
TOURS
ACte4i
-ce AVR' 2013
n F Avec.
cop
Lit..
fLt- 2'9 AVR. 2013
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Qn 2 3 AVR. 2013
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2013
représentée par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0355
Société SAGITTA PHARMA

TOURS
représentée par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0355
Société PHARMACIE SAINT EPAIN

ST EPAIN
représentée par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0355



Décision du 28 Mars 2013 4ème chambre 2ème section N° RG 12/14522
Société PHARMACIE GOURON-BRUNET


L ILE BOUCHARD
représentée par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0355
Société PHARMACIE T RAMBUTEAU

PARIS
représentée par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0355
Monsieur Thomas T

LA RICHE
représenté par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0355
Monsieur Jérôme T

PARIS
représenté par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0355

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mme ROSSI, Vice-Présidente
Mme BERGER, Juge Madame BACH, Juge
assistées de Moinécha ALI, Greffier,
DÉBATS
A l'audience du 31 Janvier 2013 tenue en audience publique devant Mme ROSSI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé en audience publique et par mise à disposition au greffe,
Contradictoire
En premier ressort



FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Sur une assignation à jour fixe régulièrement autorisée, délivrée le 17 décembre 2012 et par dernières écritures récapitulatives signifiées le 4 janvier 2013, auxquelles il est expressément référé, la COOPÉRATION PHARMACEUTIQUE FRANÇAISE, ci-après COOPER, demande au tribunal, au visa des articles L. 5125-1 et L. 5125-2 du code de la santé publique, L. 121-1 du code de la consommation et 1382 du code civil, de juger que l'approvisionnement en produits de la COOPER ainsi que leur revente par les sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA sont illicites, de dire qu'elles sont dirigées en droit et en fait par monsieur Jérôme T et monsieur Thomas T en violation de leur obligation d'exercice personnel et exclusif de leur activité de pharmaciens titulaires d'officine, de dire que l'affichage des prix sur le site internet www.lacentralepharma. com est constitutif d'une pratique commerciale trompeuse, de dire que ces agissements sont constitutifs d'actes fautifs de concurrence déloyale ; en conséquence, de condamner in solidum les sociétés PYXIS PHARMA, SAGITTA PHARMA, PHARMACIE SAINT EPAIN, PHARMACIE GOURON-BRUNET, PHARMACIE T RAMBUTEAU et messieurs Jérôme et Thomas T à payer à la société COOPER les sommes de 56.007 euros au titre du manque à gagner sauf à parfaire ; 100.000 euros au titre du préjudice d'atteinte à l'image et de discrédit, de 100.000 euros au titre du préjudice subi pour désorganisation du réseau sauf à parfaire ; d'ordonner la cessation immédiate de la commercialisation des produits COOPER par les sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA ; d'assortir cette interdiction d'une astreinte, dont le tribunal se réservera la liquidation, de 100 euros par jour et par produit mis en vente sur le site www.lacentralepharma.com dans un délai de 24 heures à compter de la signification de la décision ; d'ordonner la publication d'un communiqué judiciaire reprenant le dispositif du jugement dans trois journaux ou magazines au choix de la société COOPER et de sa propre initiative, aux frais des sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA dans la limite d'une enveloppe globale de 20.000 euros hors taxes, ledit communiqué pouvant être rédigé dans les termes suivants "par jugement du ..., le tribunal de grande instance de PARIS a considéré que la mise en vente des produits COOPER sur le site www.lacentralepharma.com exploités par les sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA était illicite et constituait un acte de concurrence déloyale l'encontre de la société COOPER. Il en a ordonné la cessation immédiate et a condamné les sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA à payer des dommages-intérêts à la société COOPER." ; ordonner la publication du dit communiqué sur la page d'accueil du site www.lacentralepharma.com accessible depuis la FRANCE et depuis un ordinateur et/depuis un Smart phone, pendant une durée d'un mois à compter de la signification du jugement. Elle réclame la condamnation in solidum des défendeurs à lui payer la somme de 30.000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 décembre 2012, auxquelles il est expressément référé, les défendeurs demandent au tribunal au visa des articles 33, 49 et 50 du Code de procédure civile, et l'article D. 442-3 du code de commerce, de déclarer irrecevable la demande de la société
Coopération Pharmaceutique Française et de dire ce tribunal incompétent au profit du tribunal de commerce de PARIS ; subsidiairement, au visa des articles L.442-6 et L.441-6 du Code de commerce, R. 5124-2-15° et D. 5125-24-1 du code de la santé publique, 1382 du code civil, 33, 49, 50 du code de procédure civile, de dire irrecevables les écritures notifiées le 11 décembre 2012, soit le lendemain du délai fixé par le tribunal, de la dire mal fondée et de la débouter de ses prétentions ; plus subsidiairement, de rejeter toute demande d'exécution provisoire.
Reconventionnellement, ils demandent au tribunal d'enjoindre à la société COOPÉRATION PHARMACEUTIQUE FRANÇAISE d'adresser à la SRA PYXIS PHARMA, comme base de la négociation commerciale annuelle, la version de ses conditions générales de vente telles qu'elle les destine à une officine acheteuse ; ils réclament au profit de la SRA PYXIS PHARMA une somme de 150.000 euros en indemnisation du préjudice d'image subi par celle-ci en conséquence directe des pratiques restrictives de concurrence et d'actes de dénigrement commercial ; outre, 12.000 euros à chacun des codéfendeurs pour abus d'ester en Justice ; ils sollicitent la publication, aux frais de la société Coopération Pharmaceutique Française, du dispositif du jugement à intervenir dans les cinq publications suivantes le journal Les Echos ; Le Quotidien du Pharmacien ; Le Moniteur des Pharmacies ; la revue Impact Pharmacien ; la revue Profession Pharmacien ; ils réclament le bénéfice de l'exécution provisoire sur la condamnation de la société Coopération Pharmaceutique Française et la somme de 1.500 euros au profit de chacun des codéfendeurs au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS
SUR LA COMPÉTENCE
Les défendeurs soutiennent que le présent litige relève de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce et qu'à ce titre conformément aux dispositions de l'article D. 442-6 du même code, il devrait être soumis au tribunal de commerce de PARIS seul compétent pour en connaître.
La demanderesse conteste fonder son action sur les dispositions de l'article L. 442-6 précité, mais en tout état de cause, s'il est exact que l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce relève des juridictions désignées par voie réglementaire, cette disposition en son III. dispose que "L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente (..)", et, le tribunal de grande instance de PARIS compte parmi les juridictions désignées à ce titre aux termes de l'article D. 442-4 du même code. Il importe donc de retenir la compétence d'attribution du tribunal de grande instance de PARIS déterminée en l'espèce par la présence en défense de deux défendeurs, personnes physiques non commerçantes, et de deux défenderesses, sociétés d'exercice libéral.
SUR LA RECEVABILITÉ DES CONCLUSIONS DE LA DEMANDERESSE NOTIFIÉES LE 11 DÉCEMBRE 2012
Aux termes de l'article 16 alinéa 1" du code de procédure civile, "Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction."
En l'espèce, la demanderesse a conclu le lendemain du jour défini au calendrier fixé par le tribunal, elle n'a cependant pas porté atteinte aux droits des défendeurs qui ont pu répondre utilement à la suite. À toutes fins, le tribunal constate également que les écritures en demande notifiées par voie électronique le 4 janvier 2013 sont semblables à celles du 11 décembre 2012 sauf en ce qu'elles comportent une réplique à la demande adverse sur la recevabilité des conclusions du 21 décembre 2012. Il en résulte que le principe du contradictoire a été respecté et qu'il n'y a pas lieu d'écarter les écritures soumises au tribunal dans l'intérêt de la demanderesse.
SUR LE FOND
La société COOPERATION PHARMACEUTIQUE FRANÇAISE dite COOPER est un établissement pharmaceutique spécialisé dans la fourniture aux pharmaciens de médicaments, spécialités et matières pharmaceutiques, produits et accessoires utiles à leur activité. Elle dispose pour la commercialisation de ses produits d'un réseau de 82 représentants en pharmacie. 85% de sa gamme de produits "Conseil" présentement en cause est vendue en FRANCE en direct aux officines.
La société COOPER fait grief aux sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA de commercialiser ses produits via le site www.lacentralepharma.com, produits qu'elle ne leur a pas vendus et qui ont, soutient-elle, nécessairement été acquis auprès d'officines pharmaceutiques. Or, elle fait valoir que ce mode d'approvisionnement est illégal. Elle expose avoir tenté de régler la difficulté par la voie amiable mais sans succès, elle se réclame de constats d'huissier de justice des 12 et 19 avril 2012 autorisés sur requête.
La société PYXIS PHARMA est une structure de regroupement à l'achat "SRA". Elle n'a pas le statut d'établissement pharmaceutique. Elle indique comporter actuellement 379 adhérents. Elle exerce son activité conjointement avec une centrale d'achat pharmaceutique "CAP", la société SAGITTA PHARMA qui a le statut d'établissement pharmaceutique. Ces structures ont été toutes deux créées, respectivement en 2010 et novembre 2011, par messieurs Thomas et Jérôme ST qui les dirigent et exploitent par ailleurs des officines de ventes au détail. La SRA PYXIS PHARMA se présente comme une instance de regroupement qui propose à ses adhérents d'intervenir auprès des différents laboratoires fournisseurs en qualité de commissionnaire à l'achat. Elle fait valoir que son activité permet aux officines de mutualiser la négociation et la gestion d'un certain nombre de produits. En contrepartie des services offerts à ses adhérents, elle expose percevoir de ces derniers une commission de 300 euros par an définie dans le contrat d'adhésion signé de chaque adhérent, une régularisation intervenant en fin de période, en fonction de la différence entre ce montant défini a priori et une somme égale à 10% des avantages tarifaires effectivement obtenus par l'adhérent sur l'année entière lorsqu'il commande par la SRA. Elle se réclame en ce sens des dispositions de l'article D. 5125-24-1 du code de la santé publique issu du décret n°2009-741 du 19 juin 2009.
La CAP SAGITTA PHARMA se présente comme prestataire logistique autorisée, du fait de son statut pharmaceutique, à stocker les produits achetés par la SRA pour le compte des adhérents, elle dispose d'un point de livraison centralisé pour les différentes commandes des adhérents, afin de réduire les coûts logistiques. Elle se réclame de l'article R. 5124-2-15° du code de la santé publique issu du décret précité.
Ces deux sociétés SRA PYXIS PHARMA et CAP SAGITTA PHARMA sont liées par un contrat de logistique.
Les défendeurs soutiennent que cette nouvelle forme de distribution pharmaceutique créée par messieurs Thomas et Jérôme ST est permise depuis la réforme de 2009 afin de faire bénéficier les officines de petites ou moyennes tailles des avantages tarifaires dont, disent-ils, ne bénéficient auprès des laboratoires fournisseurs que les pharmacies importantes. Ils contestent la présentation de leur activité faite par la demanderesse qui les désignent comme des structures ayant pour objet de procéder à des acquisitions et des reventes à leur membres. Ils soutiennent que conformément aux prévisions de la réforme de 2009, les officines se regroupent pour mieux négocier, une SRA étant chargée de fédérer leurs efforts. Ils font valoir que la SRA est un commissionnaire à l'achat, ce qui maintient à l'officine la qualité d'acheteur, comme l'ont conçu les pouvoirs publics, la SRA étant dans son rôle de commissionnaire lorsqu'elle désigne comme lieu de livraison les locaux de son prestataire logistique, la CAP SAGITTA PHARMA, et non ceux des magasins de l'acheteur. Ils concluent donc qu'à aucun moment PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA n'ont la qualité de propriétaires des produits. Ils soutiennent que le contrat de commission a été choisi par les pouvoirs publics comme support de la SRA, car l'opacité du commissionnaire à l'achat est un élément important qui permet aux SRA de conserver une véritable puissance d'achat pour la négociation dans de meilleures conditions commerciales. Il est primordial selon eux dans la négociation que le laboratoire n'ait pas connaissance du nombre d'officines regroupées.
Les demandes formées dans l'intérêt de la société COOPER
Aux termes de l'article 1382 du code civil "Toutfait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer".
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, la société COOPER dénonce divers griefs ci-après examinés.
- LES GRIEFS ALLÉGUÉS -
les rétrocessions illicites alléguées
Aux termes de l'article L. 5125-1 du code de la santé publique,



la vente au détail des médicaments relève de la compétence des officines pharmaceutiques.
Aux termes de l'article L. 5124-1 du même code, la fabrication, l'exploitation et la distribution en gros de médicaments en FRANCE ne peuvent s'effectuer que par des établissements pharmaceutiques.
Or, il est établi, notamment par les constats d'huissiers de justice précités, et il n'est pas discuté, que la société PHARMACIE SAINT EPAIN et la société PHARMACIE GOURON-BRUNET, toutes deux officines de pharmacie, ont cédé directement à la société PYXIS PHARMA des produits qui leur avaient été vendus par la société COOPER et qu'elles n'étaient autorisées à céder qu'à des consommateurs en application de l'article L. 5125-1 précité du code de la santé publique, interdiction leur étant faite de se livrer à une activité de grossiste, réservée aux établissements pharmaceutiques soumis à des autorisations administratives spécifiques.
Il en résulte également que la société PYXIS PHARMA s'est illégalement approvisionnée, en toute connaissance de cause, auprès des dites officines et que la société SAGITTA PHARMA a détenu dans ses locaux les dits produits dont elle connaissait également la provenance illicite.
Pour justifier ces faits, les défendeurs font valoir, en premier lieu, que ce système de rétrocessions illicites aurait été mis en place avec l'accord et même à l'initiative de la société COOPER qui le conteste. Les défendeurs prétendent ainsi que cette dernière, désireuse pour des motifs de politique interne, de livrer exclusivement des officines de pharmacie et non des établissements pharmaceutiques, aurait "proposé de changer le compte de la pharmacie de Saint Epain pour le compte de la SRA Pyxis, tout en continuant de livrer les produits à l 'officine de Saint-Epain, et en finançant les frais logistiques subséquents, liés au transport des produits entre cette officine et l'établissement pharmaceutique de Pantin [alors prestataire] en incluant des unités gratuites dans les commandes de la SRA." Cependant, si les factures émises par la société COOPER à partir du mois de juin 2010 portent la mention "Pyxis" accolée à la désignation de l'officine "Brunet Phie St Epain Pyxis", ce seul ajout ne saurait démontrer la thèse soutenue en défense, alors que les autres mentions sont demeurées identiques, en particulier le numéro de compte "1144225", ainsi que les adresses d'exploitation et de livraison qui correspondent à l'officine et dans les locaux de laquelle les produits ont continué d'être livrés. De même, le fait que les paiements aient été réalisés au moyen de prélèvements effectués sur un compte de la SRA PYXIS ne permet pas de retenir la version soutenue en défense.
S'agissant des unités gratuites, la société COOPER justifie avoir fait des opérations de promotions de même nature en fonction du volume des commandes en faveur d'autres officines.
Ainsi, les défendeurs ne font pas la preuve de leurs allégations à cet égard et sont encore contredits par le courriel du 16 février 2012, dans lequel madame Audrey ..., pour la société PYXIS PHARMA, exprimait à la société COOPER le souhait de "présenter nos structures et de construire un partenariat rapidement".



En second lieu, les défendeurs soutiennent avoir été contraints en raison des refus abusifs de la part de plusieurs fournisseurs, dont la société COOPER, à s'approvisionner à titre exceptionnel et pour des impératifs de santé publique, "par d'autres moyens". Cette position était déjà défendue dans une correspondance du 14 mars 2012 adressée à la demanderesse.
À ce titre, les défendeurs font valoir les dispositions des articles R. 5124-2-15° et D.5125-24-1 et 2 du code de la santé publique issues du décret n°2009-741 du 19 juin 2009 et relatives aux SRA et CAP créées par le dit décret. La centrale d'achat pharmaceutique - CAP - y est définie par le premier texte comme l'entreprise se livrant, soit en son nom et pour son compte, soit d'ordre et pour le compte de pharmaciens titulaires d'officine(...) à l'achat et au stockage des médicaments (...) en vue de leur distribution en gros.
La structure de regroupement à l'achat - SRA - aux termes du second texte est constituée de pharmaciens titulaires d'officine ou de sociétés exploitant une officine qui constituent une société, un groupement d'intérêt économique ou une association, en vue de l'achat de médicaments, d'ordre et pour le compte de ses associés, membres ou adhérents pharmaciens titulaires d'officine ou sociétés exploitant une officine (...). Cette structure (...) ne peut se livrer aux opérations d'achat, en son nom et pour son compte, et de stockage des médicaments en vue de leur distribution en gros à ses associés, membres ou adhérents que si elle comporte un établissement pharmaceutique autorisé pour l'activité de distribution en gros.
Les défendeurs exposent avoir créé la SRA et la CAP en conformité avec ces textes. Ils soutiennent que la SRA intervient en qualité de commissionnaire à l'achat, comme instance de regroupement, sans être jamais propriétaire, et permet ainsi à ses adhérents de mutualiser la négociation et la gestion de l'achat d'un certain nombre de produits tout en permettant à l'officine de conserver la qualité d'acheteur à l'égard des laboratoires fournisseurs. La CAP, autorisée par son statut d'établissement pharmaceutique à stocker les produits achetés par la SRA pour le compte de ses adhérents, intervient en qualité de prestataire logistique. La SRA demeurant dans son rôle de commissionnaire lorsqu'elle désigne les locaux de son prestataire logistique, la CAP, comme lieu de livraison.
La SRA et la CAP contestent procéder à des acquisitions de produits et à leur revente et font donc grief à la société COOPER d'assimiler la SRA à un grossiste et de prétendre abusivement la soumettre aux conditions de vente proposées aux grossistes. Elles dénoncent ce moyen qu'elles qualifient d'illicite employé par la société COOPER dans le but de faire obstacle à l'application des dispositions précitées issues du décret du 19 juin 2009.
La société COOPER conteste quant à elle avoir jamais refusé de vendre ses produits aux sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA auxquelles elle expose au contraire avoir communiqué ses conditions de vente en vue d'un partenariat, conditions qui n'ont pas été acceptées par les intéressées.



Or, la société COOPER, et de plus fort du fait de la spécificité des produits vendus, est en droit de définir l'organisation de son réseau de distribution pourvu qu'elle ne commette pas d'abus. Elle peut en effet légitimement pratiquer des conditions de vente spécifiques en présence d'opérateurs faisant écran à des relations directes avec les officines.
De plus, les défendeurs ne démontrent pas que le décret impliquerait la mise en oeuvre d'un contrat de commission, ni dans un tel cas, que celui-ci devrait nécessairement être opaque à l'égard du laboratoire co-contractant.
Ainsi, l'abus ou la discrimination prétendus ne sont pas caractérisés, les sociétés défenderesses s'étant vues proposer les conditions offertes à d'autres opérateurs non officines.
Dès lors et sans qu'il y ait lieu d'entrer plus avant dans la discussion, il résulte des développements qui précèdent que les rétrocessions ont été illégalement pratiquées et que les défendeurs n'établissent pas que ces pratiques auraient été organisées par la demanderesse ni qu'elles auraient été le résultat d'un comportement fautif de cette dernière.
la double activité de messieurs Jérôme et Thomas BRUNET
Aux termes de l'article L. 5125-2 du code de la santé publique l'exploitation d'une officine est incompatible avec l'exercice d'une autre profession.
Monsieur Thomas ST et monsieur Jérôme ST, chacun pharmacien et titulaire d'une officine, sont également dirigeants respectivement des sociétés commerciales PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA.
Ceci étant, il n'est pas démontré par la demanderesse qui prétend que cette situation serait constitutive d'actes de concurrence déloyale à son détriment, que l'activité de messieurs T au sein des deux sociétés les placeraient en infraction des dispositions précitées alors qu'ils font valoir sans être contredits, qu'ils ne sont pas salariés de ces structures mais seulement associés et mandataires sociaux non rémunérés, et que chacune de ces entités est gérée de façon opérationnelle par un pharmacien responsable. La réponse par monsieur Jérôme ST au courrier de la société COOPER du 24 février 2012 pour la société PYXIS PHARMA et la présence de monsieur Thomas ST à la réunion du 3 mai 2012 de la société SAGITTA PHARMA - faits tous deux suscités par les difficultés rencontrées avec la société COOPER - sont insuffisants à démontrer que les activités mises en cause seraient incompatibles avec celle d'exploitant d'une officine et feraient obstacle au respect de l'obligation d'exercice personnel.
Le grief allégué au soutien de l'action en concurrence déloyale n'est dès lors pas établi.
les pratiques commerciales des sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA
Aux termes de l'article L. 121-1 I. 1° du code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse "lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur (..) C) le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix".
Aux termes du paragraphe III de l'article précité "Le I est applicable aux pratiques qui visent les professionnels."
Cependant, la société COOPER - qui prétend que le prix de référence indiqué sur le site des défenderesses n'existe pas et que la remise affichée est en conséquence fausse - n'apporte pas la preuve de ses allégations sur ce point, puisqu'au contraire il est établi en défense que le prix "barré" correspond à celui du catalogue de la demanderesse. Ce grief n'est dès lors pas avéré.
Sont donc seules prouvées les rétrocessions illégales pratiquées par les sociétés les sociétés PYXIS PHARMA, SAGITTA PHARMA, PHARMACIE SAINT EPAIN et PHARMACIE GOURON-BRUNET.
En conséquence, et alors que la personne qui exerce son activité de façon irrégulière bénéficie d'un avantage concurrentiel par rapport à ses concurrents qui se conforment à la réglementation applicable, il convient de retenir que les agissements illicites présentement admis ont caractérisé des actes de concurrence déloyale.
Il y a donc lieu, conformément à la demande, d'ordonner la cessation immédiate de la commercialisation des produits COOPER par les sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA et d'assortir cette interdiction de l'astreinte définie au dispositif de la décision sans qu'il y ait lieu de s'en réserver la liquidation.
- LES PRÉJUDICES ALLÉGUÉS - le manque à gagner
La société COOPER réclame la somme 56.007 euros, constituée, d'une part, d'un montant de 19.873,64 euros résultant du listing des ventes de produits COOPER entre le 13 octobre 2011 et le 28 mars 2012, sur cinq mois et demi, communiqué lors de l'établissement du procès-verbal de constat d'huissier précité du 12 avril 2012, et, d'autre part, d'un montant de 36.133,89 euros obtenu en extrapolant ce manque à gagner sur une période de dix mois supplémentaires. Cependant, ce préjudice ne peut s'analyser qu'en une perte de chance d'avoir conclu avec les officines en cause. Ces éléments fondent d'accorder la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de réaliser directement les ventes escomptées.
la désorganisation de son réseau de distribution
La société COOPER réclame à ce titre la somme de 100.000 euros. Elle fait valoir que des partenaires commerciaux et en particulier des groupements d'officines ont remis en cause leur partenariat du fait de la désorganisation induite par le site www. lacentralepharma.com, elle produit trois courriels en ce sens par lesquels des groupements font part de leurs inquiétudes et de la perturbation de leurs relations avec leurs adhérents. La demanderesse ne produit pas d'éléments comptables mais démontre un trouble incontestable qui sera indemnisé par la somme de 8.000 euros.
l'atteinte à l'image et le discrédit
La société COOPER réclame à ce titre la somme de 100.000 euros. Il est certain comme en attestent les courriers précités qu'il a été porté atteinte à l'image et au crédit de la demanderesse qui sera indemnisée par la somme de 5.000 euros.
SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES
Les motifs qui précèdent et la solution retenue fondent de débouter les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles tendant à obtenir de la demanderesse au profit de la société PYXIS PHARMA, d'une part, les conditions de ventes telles que négociées avec les officines et, d'autre part, des dommages-intérêts, puisqu'aucune faute n'a été retenue à l'encontre de la société COOPER dont au contraire les prétentions ont été en partie accueillies sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Pour des motifs semblables et même en considérant les prétentions rejetées, il ne saurait être retenu à l'encontre de la société COOPER un abus dans l'exercice de son droit d'agir, la demande de dommages-intérêts formée de ce chef au profit de chacun des défendeurs devant également être rejetée.
SUR LES MESURES DE PUBLICITÉ
La publication de la présente décision sera ordonnée dans les termes du dispositif.
SUR LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET LES DÉPENS
La solution retenue fonde de condamner in solidum les sociétés PYXIS PHARMA, SAGITTA PHARMA, PHARMACIE SAINT EPAIN et PHARMACIE GOURON-BRUNET aux entiers dépens de l'instance.
L'équité justifie de condamner in solidum les mêmes parties défenderesses au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles et de rejeter toutes autres demandes de ce chef.
SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE
Il est compatible avec la nature de l'affaire, au sens de l'article 515 du Code de procédure civile, d'ordonner l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
statuant publiquement, par mise à disposition au greffe,
contradictoire, en premier ressort
DIT que la société PYXIS PHARMA, la société SAGITTA PHARMA, la société PHARMACIE SAINT EPAIN et la société PHARMACIE GOURON-BRUNET se sont livrées à des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société COOPER ;
EN CONSÉQUENCE,
CONDAMNE in solidum la société PYXIS PHARMA, la société SAGITTA PHARMA, la société PHARMACIE SAINT EPAIN et la société PHARMACIE GOURON-BRUNET à payer à la société COOPER à titre de dommages-intérêts les sommes de 10.000 euros, 8.000 euros et 5.000 euros ;
FAIT INTERDICTION à la société PYXIS PHARMA et à la SAGITTA PHARMA de commercialiser les produits COOPER;
ASSORTIT cette interdiction d'une astreinte de 20 euros par jour et par produit mis en vente sur le site internet www.lacentralepharma.com dans le délai de 24 heures à compter de la signification de la présente décision, et durant un délai de deux mois ;
AUTORISE la publication, dans trois journaux ou magazines au choix de la société COOPER, au frais des sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 4.000 euros hors taxe, du communiqué judiciaire suivant "Par jugement du 28 mars 2013, le tribunal de grande instance de Paris ajugé que la mise en vente de produits COOPER sur le site www.lacentralepharma.com exploité par les sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA constituait un acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société COOPER et en a ordonné la cessation immédiate" ;
ORDONNE la publication du dit communiqué sur la page d'accueil du site internet www.lacentralepharma.com accessible depuis la FRANCE dans un encadré de couleur rouge sur fond blanc figurant en partie supérieure, en police de caractère de taille 10, pendant une durée de huit jours à compter de la signification du présent jugement ;
REJETTE les demandes formées à titre reconventionnel dans l'intérêt de la société PYXIS PHARMA, la société SAGITTA PHARMA, la société PHARMACIE SAINT EPAIN, la société PHARMACIE GOURON-BRUNET, la société PHARMACIE T RAMBUTEAU, monsieur Thomas ST et monsieur Jérôme ST ;
CONDAMNE in solidum la société PYXIS PHARMA, la société SAGITTA PHARMA, la société PHARMACIE SAINT EPAIN et la société PHARMACIE GOURON-BRUNET à payer à la société COOPER la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE in solidum la société PYXIS PHARMA, la société SAGITTA PHARMA, la société PHARMACIE SAINT EPAIN et la société PHARMACIE GOURON-BRUNET aux dépens ;
ORDONNE l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 28 Mars 2013 Le G 1er Le Président

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