Jurisprudence : TA Marseille, du 11-04-2012, n° 1201455



TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MARSEILLE
N° 1201455
SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE et autre
M. ...
Juge des référés
Ordonnance du 11 avril 2012
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le juge des référés

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2012, présentée pour la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE, dont le siège social est sis Lambesc , et M. Peter Y, élisant domicile " Cucuron , par Me Patrice X, avocat ;
La SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE et autre demandent au juge des référés :
1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté n° PC 013 050 11 M0037 en date du 20 janvier 2012 par lequel le maire de la commune de Lambesc a décidé de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire présentée par la société GRENACHE ;
2°) d'enjoindre au maire de se prononcer à nouveau sur la demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;
3°) de condamner la commune de Lambesc à leur payer une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE et autre soutiennent : que la condition de l'urgence est satisfaite dès lors que la société GRENACHE a dû régler, à titre définitif, la somme de 37 036 euros en application d'une promesse sous seing privé de bail à construction signée le 3 janvier 2012 avec M. Y ; que les cocontractants se sont engagées à ce que la société GRENACHE verse, à titre définitif, une somme de 1000 euros afin de garantir au bailleur la bonne exécution du bail à construction ; que ladite promesse de bail n'est valable que jusqu'au 31 octobre 2012 ; qu'il n'a pas été procédé à un examen particulier et complet de la demande de permis de construire, comme le révèle la motivation stéréotypée de l'arrêté attaqué ; que l'arrêté attaqué n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 alors qu'il doit être regardé comme une décision retirant le permis de construire tacitement obtenu le 12 janvier 2012, à l'expiration du délai de droit commun d'instruction de deux mois ; qu'en effet, la lettre du 7 novembre 2011 n'a pu faire obstacle à l'application de ce délai dès lors, d'une part, qu'il n'est pas justifié de ce que N° 1201455 2 le maire aurait régulièrement délégué sa signature, comme le prévoit l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme, au directeur général des services, signataire de la lettre du 7 novembre 2011, qui n'a d'ailleurs pas la qualité d'un " agent chargé de l'instruction des demandes " au sens de ces dispositions et dès lors, d'autre part, que les pièces demandées n'étaient pas nécessaires à l'instruction de la demande de permis de construire ; que l'arrêté attaqué méconnaît les articles L. 111-7 et L. 123-6 du code de l'urbanisme dès lors que l'état d'avancement du document d'urbanisme en cours d'élaboration ne permettait pas de déterminer que le projet serait de nature à compromettre l'élaboration du futur plan ; que le permis de construire tacite n'est pas illégal et ne pouvait donc être retiré ;
Vu l'arrêté attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 6 avril 2012, présenté pour la commune de Lambesc, par la société civile professionnelle Lesage Berguet Gouard-Robert ; la commune de Lambesc conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui payer une somme de 1600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune soutient : qu'il n'est pas établi que la situation économique des requérantes serait telle que l'abandon définitif d'une somme totale de 37 036 euros, d'ailleurs librement et imprudemment consenti au profit du bailleur, préjudicierait gravement à ladite situation ; que la suspension de la décision attaquée aurait pour effet de permettre la construction d'un bâtiment important dans une zone de protection spéciale affiliée au réseau " Natura 2000 " qui est vouée à devenir inconstructible à brève échéance ; que le délai de droit commun ayant été " neutralisé de plein droit par le délai spécial de 7 mois prévu par l'article R. 423-29 du code de l'urbanisme ", la circonstance que l'information portant sur l'allongement du délai d'instruction serait irrégulière est un moyen inopérant ; que la lettre du 7 novembre 2011 n'a pas été contestée par le pétitionnaire ; qu' " on voit mal (...) comment le vice de forme allégué, à le supposer établi, aurait été de nature à léser les intérêts des requérants ou les priver d'une quelconque garantie " ; que la commune produit l'arrêté par lequel le maire de Lambesc a délégué sa signature en la matière à son directeur général des services ; que l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme, en visant la délégation de signature " aux agents chargés de l'instruction des demandes ", n'a pas pour objet de limiter la possibilité d'une telle délégation à une catégorie d'agents déterminée ; que le service instructeur est toujours fondé à exiger du demandeur un dossier complet, et à solliciter la production des pièces exigées par le code de l'urbanisme ; que les pièces exigées étaient d'ailleurs des éléments indispensables à l'instruction de la demande et prévues par le code de l'urbanisme ; que la simple circonstance que la commune a exposé des motifs identiques dans deux décisions de sursis à statuer concernant des projets strictement similaires sur un même terrain d'assiette, ne saurait suffire à caractériser un défaut d'examen particulier ; que la décision est inspirée par la situation particulière de la construction dans une zone naturelle ; que l'élaboration du projet de plan local d'urbanisme était suffisamment avancée pour que la future exécution de celui-ci soit compromise par le projet litigieux, situé dans une zone " NB " destinée à être requalifiée en zone naturelle inconstructible conformément, notamment à l'étude " AEU " réalisée en juin 2011 ;
Vu les pièces produites le 10 avril 2012 par la sociétés requérantes ;
Vu le recours au fond enregistré le 20 février 2012 sous le numéro 1201179, présenté pour la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE et autre, qui demandent à titre principal l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
N° 1201455 3
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 21 mars 2011 par laquelle le président du tribunal a désigné M. ..., premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir, au cours de l'audience publique du 11 avril 2012, lu son rapport et entendu :
- les observations de Me X pour les sociétés requérantes ; Me X présente également à la barre un moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué ;
- les observations de Me ... pour la commune de Lambesc ;
Après avoir prononcé la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience ;
Considérant que, le 12 octobre 2011, M. ..., représentant la société GRENACHE, a présenté, au nom de celle-ci, une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'une habitation collective de deux logements et deux garages d'une surface hors oeuvre nette de 348,40 mètres carrés sur un terrain d'une superficie de 38 734 mètres carrés, cadastré section CT numéro 171, situé 1890 route de Coudoux, Ferme de Valmousse en secteur NB2 du plan d'occupation des sols de Lambesc ; que, le 9 novembre 2011, la société a reçu une lettre lui demandant de produire des pièces complémentaires et lui indiquant que le délai d'instruction serait porté à sept mois en raison de la nécessité de consulter la direction départementale des territoires et de la mer, le projet nécessitant un défrichement ; que, par arrêté en date du 20 janvier 2012, le maire de la commune d'Allauch a décidé de surseoir à statuer sur la demande de la société GRENACHE, au motif que le projet, " qui [visait] à densifier l'urbanisation, sur un terrain très éloigné des équipements publics et du centre urbain ", était " susceptible de compromettre l'élaboration du plan local d'urbanisme " et que " la réalisation d'une construction nouvelle dans ce secteur est de nature à compromettre la conservation des espaces naturels, la conservation de l'intérêt paysager du site " ;
Sur les conclusions à fin de suspension :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;
N° 1201455 4 Considérant que, par acte sous seing privé en date du 3 janvier 2012, M. Peter Y a conclu avec la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE une promesse synallagmatique portant sur la conclusion un bail à construction en vue de la réalisation du projet litigieux ; que l'article 6 de ladite promesse indique que la conclusion dudit bail doit intervenir au plus tard le 31 juillet 2012, et prévoit qu'en cas de sursis à statuer opposé à la demande de permis de construire, cette durée de validité serait prorogée de trois mois ; que ces stipulations excluent toute tacite reconduction de la promesse ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE a consenti, en application de la même promesse, à payer, à titre définitif, une somme de 38 036 euros au bailleur ; qu'ainsi, les requérants justifient d'une situation d'urgence, nonobstant la circonstance qu'ils pourraient décider de reconduire la promesse ; que la seule circonstance que la construction projetée doit être implantée dans une zone naturelle, qui d'ailleurs supporte déjà plusieurs constructions, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à remettre en cause l'urgence ainsi caractérisée ;
Considérant qu'en premier lieu, est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris sans que la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ait été suivie, alors que ledit arrêté, intervenu après l'expiration du délai de deux mois de droit commun applicable en vertu du b) de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme et de l'article L. 231-1 du code de la construction, doit être analysé comme une décision de retrait, sans qu'y ait pu faire obstacle la décision en date du 7 novembre 2011 modifiant le délai de droit commun en application du b) de l'article R. 423-18 du code de l'urbanisme, dès lors que cette décision, qui ne mentionnait pas les voies et délais de recours, est signée par le directeur général des services de la commune de Lambesc en vertu d'une délégation de signature consentie par le maire de Lambesc sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme mais dont rien n'indique qu'elle ait fait l'objet des mesures de publicité et de transmission propres à la rendre exécutoire à la date du 7 novembre 2011 ;
Considérant qu'en deuxième lieu, est également propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce que le permis de construire attaqué n'étant pas illégal, et notamment n'étant entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 111-7 et L. 123-6 du code de l'urbanisme, l'arrêté retirant ce permis méconnaît l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté attaqué ; que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens présentés ne sont pas propres à créer un doute sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Sur l'application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative :
Considérant qu'eu égard aux motifs ci-avant exposés, la présente ordonnance n'implique aucune mesure d'exécution au sens de ces dispositions ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à payer quelque somme que ce soit à la commune de Lambesc en remboursement des frais exposés par celle-ci et non compris dans
N° 1201455 5 les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la commune de Lambesc sur le fondement de ces dispositions ;
ORDONNE

Article 1er : L'exécution de l'arrêté n° PC 013 050 11 M0037 en date du 20 janvier 2012 par lequel le maire de la commune de Lambesc a décidé de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire présentée par la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE est suspendue.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties à l'instance est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GRENACHE, à M. Peter Y et à la commune de Lambesc.
Fait à Marseille, le 11 avril 2012,
Le juge des référés,
Signé
R. ...
La République mande et ordonne au préfet des Bouches du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme, LE GREFFIER EN CHEF

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